Penser Jérusalem aujourd’hui impose de se souvenir de la manière dont la ville a pu renaître au
dix-neuvième siècle, et comment elle s’est constituée en quartiers, à l’intérieur et à l’extérieur de la Vieille Ville. Ce développement, sans précédent dans son histoire, est la clé de bien des
enjeux contemporains. Yehoshua Ben-Arieh nous présente clairement et objectivement la géographie de cette renaissance.
(présentation du
livre sur Biblio Monde)
extraits de la préface et du chapitre 3 :
C’est au cours du dix-neuvième siècle que la communauté juive, connue sous le nom de «Vieux Yishouv», se développe
dans l’ensemble du pays et en particulier à Jérusalem. C’est également à cette époque que commence l’activité du mouvement sioniste, avec l’apparition des premiers éléments de ce qu’on appellera
le «Nouveau Yishouv».
Bien des aspects de ce qui se passe actuellement en Israël en général et à Jérusalem en particulier, trouvent une
explication dans la manière complexe dont les choses se sont mises en place à l’origine, et se sont développées par la suite, dans le courant du dix-neuvième siècle. C’est cette période
charnière, qui permet de comprendre le contexte et la spécificité de la terre d’Israël aujourd’hui.
(...)
Nous avons dit que dans les frontières de ce que le Mandat britannique désignera sous le nom de «Palestine occidentale», vivaient 150.000 à 200.000 habitants. Nous avons avancé des chiffres
concernant la population de certaines des villes les plus importantes. Mais nous n’avons pas encore abordé la question de la taille de la population juive en Eretz-Israël au début du dix-neuvième
siècle. On a coutume de considérer que la population juive n’était pas très importante, soit entre 7.000 et 7.500 habitants. Elle était généralement répartie dans les quatre «villes saintes»:
Jérusalem, Safed, Tibériade et Hébron, la communauté la plus importante se trouvant à Safed, où vivaient 3.000 Juifs. La population juive de Jérusalem comptait 2.000 personnes, celle de Tibériade
de 1.000 à 1.500 et celle de Hébron, près de 500. Quelques dizaines de familles étaient également réparties entre Shefaram, Peqi’in, Acco, dans des villages de Galilée et dans quelques autres
localités. Il se peut qu’il y ait eu également quelques familles à Jaffa et à Gaza.
La communauté juive la plus importante au début du siècle se trouvait à Safed, et non à Jérusalem, où ne subsistait qu’une communauté sépharade. Les raisons de cet état de fait remontent
vraisemblablement aux événements qui ont eu lieu dans le courant du dix-huitième siècle. En effet, au début du dix-huitième siècle, arrivent à Jérusalem Rabbi Yehoudah Hassid et ses disciples,
avec l’intention de fonder une grande communauté juive. Mais celui-ci meurt très peu de temps après son arrivée. Son collègue et ami, Rabbi Hayyim Malach, ne restera pas au
pays.
Ainsi sans personne pour les diriger, les membres de la petite communauté se virent dans l’obligation d’emprunter
de l’argent à leurs voisins arabes et furent incapables, par la suite, de rembourser ces dettes, dans la mesure où l’argent qui devait venir de l’étranger n’arriva jamais. Attaqués par les Arabes
qui exigeaient le remboursement des dettes, les Juifs se trouvaient dans une situation de plus en plus précaire et bon nombre d’entre eux durent quitter Jérusalem.
Par la suite, et pendant des dizaines d’années, il n’y eut pas de Juifs ashkénazes à Jérusalem. Selon certaines sources, les Juifs ashkénazes craignaient de circuler dans la ville dans leur
tenue traditionnelle, de crainte de se voir attaqués par les Arabes qui exigeaient le remboursement des vieilles dettes… Les Ashkénazes qui vivaient encore à Jérusalem avaient adopté la tenue
sépharade et vivaient au sein de la communauté sépharade. Même si nous ne considérons pas cette interprétation des faits comme tout à fait exacte, il n’en reste pas moins que la seule communauté
juive de Jérusalem au commencement du dix-neuvième siècle était la communauté sépharade.
Yehoshua Ben-Arieh
Jérusalem au XIXe siècle
Yehoshua Ben-Arieh
Géographe israélien
Né en 1928 à Tel Aviv Yehoshua Ben-Arieh est professeur émérite de géographie à l’Université hébraïque de Jérusalem dont il a été le recteur de 1993 à 1997.
Il a obtenu en 1999 le Prix d’Israël pour l’ensemble de son œuvre. Il a publié de nombreux livres sur
la vallée du Jourdain, la géographie historique et politique de Jérusalem, la Palestine au XIXe siècle.