Au jour fixé, un décret rendu public dans l'armée ordonna des prières générales. Les évêques et tout le clergé, revêtus de leurs ornements sacerdotaux, et des robes des lévites, portant la croix et les images protectrices des saints, marchant en avant pieds nus et avec une grande dévotion, conduisirent les Croisés sur la montagne des Oliviers. Là, le vénérable Pierre l'ermite et Arnoul, ami du comte de Normandie, et homme lettré, prêchèrent publiquement devant le peuple, et l'exhortèrent, autant qu'il fut en leur pouvoir, à persévérer avec courage dans son entreprise.
La montagne des Oliviers est située à un mille environ de Jérusalem, du côté de l'orient, et en est séparée par la vallée de Josaphat. On lit dans les actes des Apôtres, qu'elle est éloignée de Jérusalem de l'espace du chemin qu'on peut faire le jour du sabbat. Ce fut là que notre Sauveur fut enlevé au ciel, à la vue de ses disciples, et qu'un nuage le déroba à leurs yeux. Lorsque tout le cortège des fidèles fut arrivé en ce lieu, ils implorèrent les secours d'en haut, avec un esprit d'humilité et de contrition, polissant des gémissements et versant des larmes : les princes se réconcilièrent les uns avec les autres, et tout le peuple ainsi réuni par des liens de charité et d'amour, ils descendirent de la montagne et dirigèrent leurs pas vers l'église du mont de Sion, qui est située tout près de la ville, du côté du midi, sur le point le plus élevé.
Pendant ce temps, les assiégés rangés sur leurs tours et sur leurs remparts, s'étonnaient de cette longue marche, et lançaient des traits avec leurs arcs et leurs frondes sur les bataillons des Croisés ; quelques-uns de ceux-ci, qui s'avançaient sans précaution, en furent atteints et blessés. En même temps, ils avaient planté des croix sur leurs murailles, à la vue des Croisés, et, pour leur faire l'affront le plus sanglant, ils crachaient sur ces croix, et se permettaient toutes sortes d'actes irrévérents ; puis, ils se répandaient en invectives, et proféraient d'horribles blasphèmes contre Notre-Seigneur Jésus-Christ, et contre la doctrine du salut.
Le peuple cependant, accomplissant son voeu en toute dévotion, arriva auprès de l'église, enflammé d'une juste colère, telle que doit l'inspirer l'horreur du sacrilège. On renouvela les prières, on annonça â l'armée le jour où l'on livrerait un assaut général, et chacun se rendit ensuite dans son camp, en suivant l'enceinte extérieure. On ordonna de terminer en toute hâte ce qui pouvait demeurer à faire encore pour tous les ouvrages que l'on avait entrepris, afin que l'on ne rencontrât aucune imperfection, aucun obstacle au moment où l'on commencerait les travaux du siège.
GUILLAUME DE TYR, HISTOIRE DES CROISADES, BnF - Gallica
Procession des Croisés autour de Jérusalem le 14 juillet 1099, Victor Schnetz, 1841