Nous traversâmes de nouveau la ville.
Et, revenant chercher la porte de Sion, Ali-Aga me fit monter avec lui sur les murs : le drogman n’osa pas nous y suivre. Je trouvai
quelques vieux canons de vingt-quatre ajustés sur des affûts sans roues et placés aux embrasures d’un bastion gothique. Un garde qui fumait sa pipe dans un coin voulut crier ; Ali le menaça de le
jeter dans le fossé s’il ne se taisait, et il se tut : je lui donnai une piastre.
Les murs de Jérusalem, dont j’ai fait trois fois le tour à pied, présentent quatre faces aux quatre vents ; ils forment un carré
long dont le grand côté court d’orient en occident, deux pointes de la boussole au midi. D’Anville a prouvé par les mesures et les positions locales que l’ancienne Jérusalem n’était pas beaucoup
plus vaste que la moderne : elle occupait quasi le même emplacement, si ce n’est qu’elle enfermait toute la montagne de Sion et qu’elle laissait dehors le Calvaire. On ne doit pas prendre à la
lettre le texte de Josèphe lorsque cet historien assure que les murs de la cité s’avançaient, au nord, jusqu’aux sépulcres des rois : le nombre des stades s’y oppose ; d’ailleurs, on pourrait
dire encore que les murailles touchent aujourd’hui à ces sépulcres, car elles n’en sont pas éloignées de cinq cents pas.
Le mur d’enceinte qui existe aujourd’hui est l’ouvrage de Soliman, fils de Sélim, comme le prouvent les inscriptions turques placées
dans ce mur. On prétend que le dessein de Soliman était d’enclore la montagne de Sion dans la circonvallation de Jérusalem, et qu’il fit mourir l’architecte pour n’avoir pas suivi ses ordres. Ces
murailles, flanquées de tours carrées, peuvent avoir à la plate-forme des bastions une trentaine de pieds de largeur et cent vingt pieds d’élévation ; elles n’ont d’autres fossés que les vallées
qui environnent la ville. Six pièce de douze, tirées à barbette, en poussant seulement quelques gabions, sans ouvrir de tranchée, y feraient dans une nuit une brèche praticable ; mais on sait que
les Turcs se détendent très bien derrière un mur par le moyen des épaulements. Jérusalem est dominée de toutes parts ; pour la rendre tenable contre une armée régulière, il faudrait faire de
grands ouvrages avancés à l’ouest et au nord et bâtir une citadelle sur la montagne des Oliviers.
Dans cet amas de décombres, qu’on appelle une ville, il a plu aux gens du pays de donner des noms de rues à des passages déserts.
Ces divisions sont assez curieuses, et méritent d’être rapportées, d’autant plus qu’aucun voyageur n’en a parlé ; toutefois les pères Roger, Nau, etc., nomment quelques portes en arabe. Je
commence par ces dernières.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem
Mur Nord de Jérusalem
" Les murs de Jérusalem, dont j’ai fait trois fois le tour à pied, présentent quatre faces aux quatre vents ; ils forment un carré long dont le grand côté court d’orient en occident, deux pointes de la boussole au midi."