III. DISPOSITIONS POUR LE REPAS PASCAL
Lorsque les apôtres eurent parlé à Héli d'Hébron, celui-ci rentra dans la maison par la cour : pour eux, ils tournèrent à droite et descendirent au nord à travers Sion. Ils passèrent un pont et
gagnèrent, par un sentier couvert de broussailles, l'autre côté du ravin qui est en avant du Temple et la rangée de maisons qui se trouve au sud de cet édifice.
Là était la maison du vieux Siméon, mort dans le Temple après la présentation du Christ ; et ses fils, dont quelques-uns étaient secrètement disciples de Jésus, y logeaient actuellement. Les
apôtres parlèrent à l'un d'eux, qui avait un emploi dans le Temple ; c'était un homme grand et très brun. Ils allèrent avec lui à l'est du Temple, à travers cette partie d'Ophel par où Jésus
était entré dans Jérusalem, le jour des Rameaux, et gagnèrent le marché aux bestiaux, situé dans la partie de la ville qui est au nord du Temple. Je vis dans la partie méridionale de ce marché de
petits enclos où de beaux agneaux sautaient sur le gazon comme dans de petits jardins. C'étaient les agneaux de la Pâque qu'on achetait là. Je vis le fils de Siméon entrer dans l'un de ces enclos
: les agneaux sautaient après lui et le poussaient avec leurs têtes comme s'ils l'eussent connu. Il en choisit quatre, qui furent portés au Cénacle. Je le vis dans l’après-midi s'occuper, au
Cénacle, de la préparation de l’agneau pascal.
Je vis Pierre et Jean aller encore dans différents endroits de la ville et commander divers objets. Je les vis aussi devant une porte, au nord de la montagne du Calvaire, dans une maison où
logeaient la plupart du temps les disciples de Jésus, et qui appartenait à Séraphia (tel était le nom de celle qui fut appelée depuis Véronique). Pierre et Jean envoyèrent de là quelques
disciples au Cénacle et les chargèrent de quelques commissions que j'ai oubliées.
Ils entrèrent aussi dans la maison de Séraphia, où ils avaient plusieurs arrangements à prendre. Son mari, membre du conseil, était la plupart du temps hors de chez lui pour ses affaires, et même
lorsqu'il était à la maison, elle le voyait peu. C'était une femme à peu prés de l'âge de la sainte Vierge, et depuis longtemps en relation avec la sainte Famille ; car lorsque Jésus enfant resta
à Jérusalem après la fête, c'était par elle qu'il était nourri. Les deux apôtres prirent là divers objets, qui furent ensuite portés au Cénacle par des disciples, dans des paniers couverts. C'est
là aussi qu'on leur donna le calice dont le Seigneur se servit pour l'institution de la sainte Eucharistie.
IV. DU CALICE DE LA SAINTE CENE
Le calice que les apôtres emportèrent de chez Véronique est un vase merveilleux et mystérieux. Il était resté longtemps dans le Temple, parmi d'autres objets précieux d'une haute antiquité dont
on avait oublié l'usage et l'origine. Quelque chose de semblable est arrivé dans l'Eglise chrétienne, où bien des objets sacrés, précieux par leur beauté ; leur antiquité, sont tombés dans
l'oubli avec le temps. On avait souvent mis au rebut, vendu, ou fait remettre à neuf de vieux vases et de vieux bijoux enfouis dans la poussière du Temple. C'est ainsi que, par la permission de
Dieu, ce saint vase, qu'on n'avait jamais pu fondre à cause de sa matière inconnue, avait été trouvé par les prêtres modernes dans le trésor du Temple parmi d'autres objets hors d'usage, puis
vendu à des amateurs d'antiquité. Ce calice, acheté par Séraphia avec tout ce qui s'y rattachait, avait déjà servi plusieurs fois à Jésus pour la célébration des fêtes et à dater de ce jour, il
devint la propriété constante de la sainte communauté chrétienne. Ce vase n'avait pas toujours été dans son état actuel : je ne me souviens plus quand on avait mis ensemble les diverses pièces
dont il se composait maintenant, ni si c'était par l'ordre du Seigneur. Quoi qu'il en soit, on y avait joint une collection portative d'objets accessoires, qui devaient servir pour l’Institution
de la sainte Eucharistie.
Le grand calice était posé sur un plateau dont on pouvait tirer encore une sorte de tablette, et autour de lui étaient six petits verres. Je ne me souviens plus si la tablette contenait des
choses saintes. Dans ce grand calice se trouvait un autre petit vase ; au-dessus un petit plat, puis un couvercle bombé. Dans le pied du calice était assujettie une cuillère qu'on en tirait
facilement. Tous ces vases étaient recouverts de beaux linges et renfermés dans une enveloppe en cuir, si je ne me trompe : celle-ci était surmontée d'un bouton. Le grand calice se compose de la
coupe et du pied qui doit avoir été ajouté plus tard, car ces deux parties sont d'une matière différente. La coupe présente une masse brunâtre et polie en forme de poire ; elle est revêtue d'or,
et il y a deux petites anses par où on peut la prendre, car elle est assez pesante. Le pied est d'or vierge artistement travaillé ; il est orné dans le bas d'un serpent et d'une petite grappe de
raisin, et enrichi de pierres précieuses.
Le grand calice est resté dans l'église de Jérusalem, auprès de saint Jacques le Mineur, et je le vois maintenant encore conservé quelque part dans cette ville ; il reparaîtra au jour, comme il y
est reparu cette fois. D'autres églises se sont partagés les petites coupes qui l'entourent ; l'une d'elles est allée à Antioche, une autre à Éphèse : chacune des sept églises a eu la sienne.
Elles appartenaient aux patriarches qui y buvaient un breuvage mystérieux, lorsqu'ils recevaient et donnaient la bénédiction, ainsi que je l'ai vu plusieurs fois.
Le grand calice était déjà chez Abraham : Melchisédech l'apporta avec lui du pays de Sémiramis dans la terre de Chanaan, lorsqu'il commença quelques établissements au lieu où fut plus tard
Jérusalem ; il s'en servit lors du sacrifice où il offrit le pain et le vin en présence d'Abraham, et il le laissa à ce patriarche. Ce vase avait été aussi dans l'arche de
Noé.
Voici des hommes, de beaux hommes qui viennent d'une superbe ville : elle est bâtie à l'antique ; on y adore ce qu'on veut, on y adore même des poissons. Le vieux Noé, avec un pieu sur l'épaule,
se tient dans le côté de l'arche ; le bois de construction est rangé tout autour de lui. Non, ce ne sont pas des hommes : ce doit être quelque chose de plus relevé, tant ils sont beaux et sereins
; ils apportent à Noé le calice qui, sans doute, a été égaré quelque part. Je ne sais pas comment s'appelle cet endroit. Il y a dans le calice une espèce de grain de blé, mais plus gros que les
nôtres ; c'est comme une graine de tournesol ; et il y a aussi une petite branche de vigne. Ils parlent à Noé de sa grande célébrité ; ils lui disent de prendre ce calice avec lui, qu'il y a là
quelque chose de mystérieux, voyez, il met le grain de blé et la petite branche de vigne dans une pomme jeune qu'il place dans la coupe. Il n'y a point de couvercle au-dessus, car ce qu'il y a
mis doit toujours croître en dehors. Le calice est fait d'après un modèle qui, je crois, est sorti de terre quelque part, d'une façon merveilleuse. Il y a là un mystère, mais il est fait
sur ce modèle. Ce calice est celui que j'ai vu figurer dans la grande parabole à l'endroit où était le buisson ardent. Le grain de froment s’est développé jusqu'à l'époque de
Jésus-Christ.
La Sœur raconta tout ce qu’il vient d'être dit du calice dans un état d'intuition tranquille et voyant devant elle tout ce qu'elle décrivait. Souvent elle semblait lutter contre ce qui se
présentait à elle et poussait des exclamations émouvantes. Pendant son récit relatif à Noé, elle était tout absorbée dans sa vision. A la fin, elle poussa un cri d’effroi, regarda autour d'elle
et dit : "Ah ! j'ai peur d'être obligée d'entrer dans l'arche ; je vois Noé, et je croyais que les grandes eaux arrivaient". Plus tard, étant tout à fait revenue à son état naturel, elle dit
: Ceux qui ont apporté le calice à Noé portaient de longs vêtements blancs et ressemblaient aux trois hommes qui vinrent chez Abraham et lui promirent que Sara enfanterait. Il m'a semblé
qu'ils enlevaient de la ville quelque chose de saint qui ne devait pas être détruit avec elle et qu'ils le donnaient à Noé. La ville même périt dans le déluge avec tout ce qu'elle contenait. Le
calice fut à Babylone, chez des descendants de Noé restés fidèles au vrai Dieu, ils étaient tenus en esclavage par Sémiramis. Melchisédech les conduisit dans la terre de Chanaan et emporta le
calice. Je vis qu'il avait une tente près de Babylone, et qu'avant de les emmener, il y bénit le pain et le leur distribua, sans quoi ils n'auraient pas eu force de le suivre. Ces gens avaient un
nom comme Samanéens. Il se servit d'eux et de quelques Chananéens habitant des cavernes, lorsqu'il commença à bâtir sur les collines sauvages où fut depuis
Jérusalem.
Il fit des fondations profondes à la place où furent ensuite le Cénacle et le Temple et aussi vers le Calvaire. Il y planta le blé et la vigne. Après le sacrifice de
Melchisédec, le Calice resta chez Abraham. Il alla aussi on Egypte, et Moïse en fut possesseur. Il était fait d'une matière singulière, compacte, comme celle d'une cloche, et qui ne semblait pas
avoir été travaillée comme les métaux, mais être le produit d'une sorte de végétation. J'ai vu à travers. Jésus seul savait ce que c'était.
LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès Gallica
'Die ekstatische Jungfrau Katharina
Emmerick' par Gabriel von Max, München, Neue Pinakothek