Dans les décrets de l'éternelle Sagesse, la noble contrée située au delà du Tigre ne doit ouvrir qu'après l'Occident ses arènes aux combats du martyre. Là aussi, à l'heure dite, Jésus aura par milliers ses témoins, nullement inférieurs à leurs devanciers, étonnant par de nouvelles formes d'héroïsme la terre et les cieux.
Mais voici qu'impatients du délai, deux nobles Persans trouvent le secret de ravir la palme aujourd'hui même. C'est Rome qui, plus véritablement qu'elle ne le croit, les immole à son éternité. Après avoir soldé pour leur lointain pays à la ville reine le tribut de leur sang, ils protégeront nos Eglises latines et seront propices aux vœux qui monteront vers eux de la terre d'Occident. La France ne sera pas la moins bien partagée dans la distribution de leurs reliques saintes ; et la ville d'Arles-sur-Tech, en Roussillon, gardera jusque sous les yeux de la génération incroyante des derniers temps le sarcophage à la source jamais tarie d'où leurs bienfaits s'écoulent avec l'eau mystérieuse.
Sous l'empereur Dèce, les Persans Abdon et Sennen furent accusés d'avoir enseveli dans leurs terres les corps des chrétiens jetés à la voirie ; saisis par ordre impérial, on leur commande de sacrifier aux dieux : ce qu'ils refusent de faire, proclamant avec courage Jésus-Christ comme Dieu. Dèce les fit donc mettre en étroite captivité, et revenant à Rome les produisit dans son triomphe chargés de chaînes. Conduits de force aux idoles de la Ville, ils crachèrent dessus ; pour les punir, on les exposa aux ours et aux lions ; mais ces animaux n'osèrent pas les toucher. Ils furent enfin frappés du glaive. Traînés par les pieds devant l'idole du Soleil, leurs corps furent enlevés de là secrètement, et ensevelis par le diacre Quirinus en sa maison.
Ecoutez ceux qui vous implorent, ô Martyrs ! Puisse la foi triompher un jour en ces régions de la Perse, qui jadis virent éclore tant de fleurs empourprées ornant maintenant les parterres du ciel. Pour vous, prévenant les temps marqués pour la lutte à votre terre natale, vous sûtes rencontrer ailleurs l'occasion du combat, et vous créer dans la mort une patrie nouvelle à laquelle s'est dévouée votre âme.
Bénissez en nous les concitoyens de votre libre choix, et faites-nous parvenir à l'éternelle et commune patrie des enfants de Dieu.
DOM GUÉRANGER
L'Année
Liturgique