Saint
André par Jusepe de Ribera
Nous plaçons saint André à la tête de ce Propre des Saints de l'Avent, parce que, bien que sa fête tombe
fréquemment avant l'ouverture même de l'Avent, il arrive néanmoins de temps en temps que cette sainte carrière est déjà commencée, quand la mémoire d'un si grand Apôtre vient à être célébrée par
l'Eglise.
Cette fête est donc destinée, chaque année, à clore majestueusement le Cycle catholique qui s'éteint, ou à briller en tête du nouveau qui vient de s'ouvrir. Certes, il était juste que, dans
l'Année Chrétienne, tout commençât et finît par la Croix, qui nous a mérité chacune des années qu'il plaît à la miséricorde divine de nous octroyer, et qui doit paraître au dernier jour sur les
nuées du ciel, comme un sceau mis sur les temps.
Nous disons ceci, parce que tout fidèle doit savoir que saint André est l'Apôtre de la Croix. A Pierre, Jésus-Christ a donné la solidité de la Foi ; à Jean, la tendresse de l'Amour ; André a reçu
la mission de représenter la Croix du divin Maître.
Or, c'est à l'aide de ces trois choses, Foi, Amour et Croix, que l'Eglise se rend digne de son Epoux : tout en elle retrace ce triple caractère. C'est donc pour cela qu'après les deux Apôtres que
nous venons de nommer, saint André est l'objet d'une religion toute particulière dans la Liturgie universelle.
Le moyen âge consacra les deux Séquences que nous donnons ci-après à la gloire de l'Apôtre de la Croix.
La première est du XIe siècle :
Elle est sainte et sacrée, la gloire de la fête qu'on célèbre en ce jour.
Que toute l'Eglise fasse entendre un chant digne du sujet.
Qu'elle exalte les mérites très saints du Saint le plus débonnaire,
De l'Apôtre André, en qui reluit une merveilleuse grâce.
Il apprend de Jean-Baptiste que celui-là était venu qui enlevait les péchés.
Bientôt il entra dans la demeure du Messie, et écouta ses paroles.
Et rencontrant son frère Barjona : Nous avons trouvé le Messie, dit-il plein de joie;
Et il le mena à la très douce présence du Sauveur.
André parcourait les mers, quand l'appela la clémence du Christ ;
Pour échanger l'art de pêcheur contre la dignité de l'Apostolat.
Son âme, après les joyeuses jubilations de la Pâque,
Fut illuminée par la puissance glorieuse de l'Esprit-Saint ;
Pour prêcher aux peuples la pénitence et la clémence du Père, manifestée par le Fils.
Réjouis-toi d'un si noble Père, ô Achaïe !
Eclairée par sa doctrine salutaire,
Illustrée par l'abondance variée de ses prodiges.
Et toi, gémis et pleure, Egée, cruel bourreau !
A toi, l'infection infernale et l'éternelle mort.
Pour André, la Croix lui prépare des joies pleines de bonheur.
Déjà tu contemples ton Roi, André! déjà tu apparais debout devant lui.
Déjà tu aspires l'odeur des parfums qu'exhale l'arôme du divin amour.
Sois donc aussi pour nous une merveilleuse suavité, qui répande au fond des cœurs les senteurs balsamiques de la céleste vie.
Amen.
Saint André par Zurbaran
La seconde Séquence est du pieux Adam de Saint-Victor, le plus grand poète lyrique du moyen âge :
Tressaillons et réjouissons-nous, et savourons les louanges de l'Apôtre André.
Sa foi, sa doctrine, ses mœurs, ses longs labeurs pour le Christ, il sied de les célébrer.
C'est lui qui mena Pierre à la foi, lui qui le premier vit briller la lumière, montrée par Jean-Baptiste.
Aux rives de la mer de Galilée, Pierre et André sont choisis à la fois.
Tous deux d'abord pêcheurs, deviennent les hérauts du Verbe et les modèles de la justice.
Ils jettent le filet sur le monde, et leurs soins vigilants s'étendent sur toute l'Eglise naissante.
Séparé de son frère, André est envoyé aux parages de l'Achaïe.
Dans les filets d'André tombe, par la grâce divine, la province presque tout entière.
Sa foi, sa vie, sa parole, ses miracles, tout en fait un Docteur de piété, un Docteur illustre pour former le cœur du peuple.
Egée apprend les œuvres d’André, et déjà s'agite sa fureur.
Ame sereine, âme virile, dédaignant la vie présente, André s'arme de la patience.
Ni les caresses, ni les tortures qu'emploie le juge insensé, n'amollissent son âme vigoureuse.
Il voit préparer la croix, il tressaille, impatient d'être un disciple semblable à son Maître.
Il paie au Christ mort pour mort ; par lui la Croix est conquise comme un trophée triomphal.
Deux jours il vit sur la croix, pour vivre à jamais. Il résiste au vœu du peuple, et ne veut point être détaché de son gibet.
Pendant une moitié d'heure, il est inondé de clarté ; et dans cette auréole et cette allégresse, il monte au palais de la lumière.
O glorieux André, dont précieuse est la prière, la mort lumineuse, et suave la souvenance ;
Du fond de ce val des larmes, tendre Pasteur des âmes, élevez-nous par votre faveur jusqu'à cette éclatante lumière.
Amen.
Saint André par Le
Gréco
DOM GUÉRANGER
L''Année Liturgique