Sainte Jeanne de Valois au portail de Saint Germain
l'Auxerrois
Les Eglises de France honorent aujourd'hui cette pieuse princesse qui fut d'abord l'épouse de Louis XII, appelée à régner avec lui, et qui, plus tard, renversée du trône par un jugement solennel
qui déclara la nullité de son mariage, se montra plus sainte et plus grande encore dans sa disgrâce qu'elle ne l'avait paru dans les jours de sa grandeur. Les vertus qui éclatèrent dans toute sa
vie rendirent Jeanne de Valois l'objet de la vénération des peuples ; et si elle cessa de régner sur un trône fragile, son empire sur les coeurs ne fit que s'étendre, et l'auréole de la sainteté
remplaça avantageusement pour elle le diadème qu'elle n'avait pas ambitionné et qu'elle dut déposer. Sa tendre confiance en Marie, son attrait pour les œuvres de la pénitence, sa miséricorde
envers les pauvres, en font un modèle pour les chrétiens, dans ces jours où l'Eglise nous invite à préparer nos âmes pour la réconciliation.
Le récit liturgique qui retrace les vertus de Jeanne de Valois aidera à faire connaître sa vie pleine des œuvres les plus saintes :
Jeanne de Valois, fille de Louis XI, roi de France, fut élevée dès ses tendres années dans la piété, vers
laquelle la portaient ses propres dispositions, et elle donna tout aussitôt des marques certaines de la sainteté qui devait briller en elle. A l'âge de cinq ans, demandant avec ferveur à la
sainte Vierge, qu'elle honora toujours d'une manière admirable, de lui faire connaître en quelle façon elle pourrait lui être le plus agréable, il lui fut annoncé qu'elle était appelée à
instituer dans la suite un nouvel Ordre de vierges sacrées, en l'honneur de cette sainte Mère de Dieu. Mariée à Louis, duc d'Orléans, contre le gré de ce prince, elle fit paraître dans la
prospérité la plus grande retenue, et une admirable constance dans l'adversité. Le prince étant monté sur le trône de France, et son mariage ayant été déclaré nul par le Siège Apostolique, Jeanne
non seulement supporta cet événement sans aucun regret, mais, se regardant comme délivrée d’un lien qui pesait sur elle, elle se félicita de pouvoir désormais servir Dieu seul en toute
liberté.
Les revenus du duché de Berry qui lui avaient été assignés pour son entretien par le roi Louis, étaient largement employés par elle à nourrir les pauvres, à soulager les malades et à bâtir des
monastères. Mais son œuvre principale fut la fondation et l'établissement d'un Ordre de vierges sacrées sous le titre d'Annonciades de la bienheureuse Vierge Marie, dont elles devaient
imiter les vertus qui leur étaient proposées dans des règles approuvées par Alexandre VI ; elle vint heureusement à bout de cette œuvre sainte. Elle accueillait avec la charité d'une mère tous
les indigents et les malheureux qui s'adressaient à elle, mais surtout les malades, dont elle ne craignait pas d'essuyer et de toucher de ses propres mains les ulcères dégoûtants ; plus d'une
fois son seul attouchement leur rendit la santé.
Sa piété envers le très saint Sacrement de l'Eucharistie était admirable ; elle en approchait avec une si grande abondance de larmes, qu'elle excitait dans le cœur des assistants les mêmes
sentiments d'amour et de dévotion. Sa piété n'était pas moins tendre envers les mystères de la Passion du Seigneur. Elle avait fait construire dans le jardin de sa maison une imitation du tombeau
de notre Seigneur ; c'était là qu'elle se retirait de temps en temps pour se livrer à la prière, répandant des larmes abondantes et se frappant la poitrine avec une pierre. Parvenue à l'âge de
quarante ans, elle sentit approcher la fin de sa vie pleine d'innocence, et, ayant reçu avec une grande ferveur les sacrés mystères de la religion chrétienne, elle mourut à Bourges la veille des
nones de lévrier, l'an mil cinq cent cinq. Cinquante-sept ans après sa mort, des soldats hérétiques ayant enlevé son corps pour le brûler, il fut trouvé sans corruption ; et l'on rapporte qu
il poussa des gémissements, et que, percé de leurs épées, il répandit du sang avec abondance. Le culte de la Sainte fut approuvé d'autorité apostolique par Benoit XIV, en mil sept cent
quarante-deux. Enfin, Pie VI accorda, le vingt avril mil sept cent soixante-quinze, à tout le royaume de France, de pouvoir célébrer l'Office et la Messe de sainte Jeanne de Valois au jour
anniversaire de sa mort.
Chapelle de Sainte
Jeanne de France à Bourges
Nous honorons, ô sainte Princesse, les vertus héroïques dont votre vie a été remplie, et nous glorifions le Seigneur qui vous a admise dans sa gloire. Mais que vos exemples nous sont utiles et
encourageants, au milieu des épreuves de cette vie ! Qui plus que vous, a connu les disgrâces du monde ; mais aussi qui les a vues venir avec plus de douceur, et les a supportées avec plus de
tranquillité ? Les grâces extérieures vous avaient été refusées, et votre cœur ne les regretta jamais ; car vous saviez que l'Epoux des âmes ne recherche pas dans ses élues les agréments du
corps, qui trop souvent seraient un danger pour elles. Le sceptre que vos saintes mains portèrent un instant leur échappa bientôt, et nul regret ne s'éleva en vous, et votre âme
véritablement chrétienne ne vit dans cette disposition de la Providence qu'un motif de reconnaissance pour la délivrance qui lui était accordée ; la royauté de la
terre n'était pas assez pour vous ; le Seigneur vous destinait à celle du ciel.
Priez pour nous, servante du Christ dans ses pauvres, et faites-nous l'aumône de votre intercession. Ouvrez nos yeux sur les périls du monde, afin que nous traversions ses
prospérités sans ivresse, et ses revers sans murmure.
Souvenez-vous de la France qui vous a produite, et qui a droit à votre patronage. Un jour, la tombe qui recelait votre sainte dépouille fut violée par les impies, et des soupirs
s'échappèrent de votre poitrine, au sentiment des malheurs de la patrie. C'était alors le prélude des maux qui depuis se sont appesantis sur la nation française ; mais du
moins la cause de la foi trouva, dans ces temps, de généreux défenseurs, et l'hérésie fut contrainte de reculer.
Recommandez-nous à Marie, l'objet de votre tendre dévotion sur la terre, et obtenez-nous des jours meilleurs.
DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
Jeanne de France et l'Annonciade - Editions du Cerf
Au cœur des réformes qui marquent le début du XVIe siècle, Jeanne de France (1464-1505), fille de Louis XI, et son confesseur, le père Gabriel-Maria (1462-1532), franciscain de l'Observance,
fondent conjointement l'Ordre de la Vierge Marie, plus connu sous le nom de l'Annonciade. Cet ordre a connu un réel développement au XVIIe siècle. À la veille de la Révolution, il compte une
cinquantaine de monastères dans la France actuelle (Aquitaine, Lorraine, Nord, Île-de-France...), ainsi qu'en Belgique et en Allemagne.
Au XIXe siècle, l'Annonciade se reconstitue et donne également naissance à une branche apostolique. Aujourd'hui, sept monastères (six en France, un en Belgique), plusieurs congrégations
apostoliques et une Fraternité séculière continuent de vivre du charisme de sainte Jeanne de France : plaire à Dieu en vivant l'Évangile à la manière de la Vierge. Cette spiritualité a marqué les
origines des Bénédictines du Saint Sacrement (leur fondatrice, Catherine de Bar, ayant été d'abord une annonciade) et celles de l'ordre religieux polonais des Mariens, fondé au début du XVIIe
siècle.
Le colloque international qui s'est tenu à l'Institut catholique de Paris les 13 et 14 mars 2002 a cherché à renouveler l'historiographie de l'Annonciade et de ses fondateurs : ancrage
franciscain, contexte social et politique, iconographie, architecture, rayonnement.