Nous quittâmes la source d’Elisée le 6, à trois heures de l’après-midi, pour retourner à Jérusalem.
Nous laissâmes à droite le mont de la Quarantaine, qui s’élève au-dessus de Jéricho, précisément en face du mont Abarim, d’où Moïse, avant de mourir, aperçut la terre de Promission.
En rentrant dans la montagne de Judée, nous vîmes les restes d’un aqueduc romain. L’abbé Mariti, poursuivi par le souvenir des moines, veut encore que cet aqueduc ait appartenu à une ancienne communauté, ou qu’il ait servi à arroser les terres voisines lorsqu’on cultivait la canne à sucre dans la plaine de Jéricho. Si la seule inspection de l’ouvrage ne suffisait pas pour détruire cette idée bizarre, on pourrait consulter Adrichomius ( Theatrum Terrae Sanctae), l’ Elucidatio historica Terrae Sanctae de Quaresmius, et la plupart des voyageurs déjà cités.
Le chemin que nous suivions dans la montagne était large et quelquefois pavé ; c’est peut-être une ancienne voie romaine. Nous
passâmes au pied d’une montagne couronnée autrefois par un château gothique qui protégeait et fermait le chemin. Après cette montagne, nous descendîmes dans une vallée noire et profonde, appelée
en hébreu Adommin, ou le lieu du sang. Il y avait là une petite cité de la tribu de Juda, et ce fut dans cet endroit solitaire que le Samaritain secourut le voyageur blessé.
Nous y rencontrâmes la cavalerie du pacha, qui allait faire de l’autre côté du Jourdain l’expédition dont j’aurai occasion de parler. Heureusement la nuit nous déroba à la vue de cette
soldatesque.
Nous passâmes à Bahurim, où David, fuyant devant Absalon, faillit d’être lapidé par Seméi. Un peu plus loin, nous mîmes pied à terre
à la fontaine où Jésus-Christ avait coutume de se reposer avec les apôtres en revenant de Jéricho. Nous commençâmes à gravir les revers de la montagne des Oliviers ; nous traversâmes le village
de Béthanie, où l’on montre les ruines de la maison de Marthe et le sépulcre de Lazare. Ensuite nous descendîmes la montagne des Oliviers, qui domine Jérusalem, et nous traversâmes le torrent de
Cédron dans la vallée de Josaphat. Un sentier qui circule au pied du Temple et s’élève sur le mont Sion nous conduisit à la porte des Pèlerins, en faisant le tour entier de la ville. Il était
minuit. Ali-Aga se fit ouvrir. Les six Arabes retournèrent à Bethléem.
Nous rentrâmes au couvent. Mille bruits fâcheux s’étaient déjà répandus sur notre compte : on disait que nous avions été tués par les Arabes ou par lagca ; on me blâmait d’avoir entrepris ce voyage avec une escorte aussi faible ; chose qu’on rejetait sur le caractère imprudent des Français. Les événements qui suivirent prouvèrent pourtant que si je n’avais pas pris ce parti et mis à profit les premières heures de mon arrivée à Jérusalem, je n’aurais jamais pu pénétrer jusqu’au Jourdain.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte
Bethany, between 1860 and 1880
" Nous traversâmes le village de Béthanie, où l’on montre les ruines de la maison de Marthe et le sépulcre de Lazare."
Tomb of Lazarus, between 1898 and 1914
Mount of Olives, Bethany from the Slopes of Olivet, approximately 1900 to 1920