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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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SALVE REGINA

4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 11:00

People attend celebrations of Corpus Christi ...

People attend celebrations of Corpus Christi procession in Warsaw June 3, 2010

People attend celebrations of Corpus Christi ...

Warsaw, Poland, on Thursday, June 3, 2010

People attend celebrations of Corpus Christi ...

  

A girls attend celebrations during the Corpus ...

A girls attend celebrations during the Corpus Christi procession in Warsaw,Poland, on Thursday, June 3, 2010.

 

  

A woman walks in the street decorated for celebrations ...

A woman walks in the street decorated for celebrations of Corpus Christi procession in southern Polish town of Swietochlowice May 3, 2010  

A man adjusts flowers at the altar in the street ...

A man adjusts flowers at the altar in the street decorated for celebrations of Corpus Christi procession in southern Polish town of Swietochlowice May 3, 2010.

 

Girls dressed in Sorbs traditional clothes, at ...

Girls dressed in Sorbs traditional clothes, at the start of the Corpus Christi procession in Crostwitz, eastern Germany, Thursday, June 3, 2010 

 

   

A man prays during Corpus Christi celebrations ...

A man prays during Corpus Christi celebrations at the Metropolitan Cathedral of Brasilia, Thursday, June 3, 2010.

Boys walk in front of religious images during ...

Boys walk in front of religious images during Corpus Christi celebrations at the Metropolitan Cathedral of Brasilia, Thursday, June 3, 2010.  

People make religious images with flower petals ...

People make religious images with flower petals and salt during Corpus Christi celebrations at the Metropolitan Cathedral of Brasilia, Thursday, June 3, 2010.

People make religious images with flower petals ...

 

A woman makes religious images with flower petals ...

Metropolitan Cathedral of Brasilia, Thursday, June 3, 2010.

 

 

People attend the Catholic feast of Corpus Christi ...

People attend the Catholic feast of Corpus Christi in La Villa, Panama, Thursday, June 3, 2010

 

 

People walk past the national palace, damaged ...

People walk past the national palace, damaged during the Jan. 12 earthquake, during a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

People pray in front of the national palace, ...

 

People walk past buildings, damaged by the Jan. ...

People walk past buildings, damaged by the Jan. 12 earthquake, during a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

People pray during a Corpus Christi procession ...

People pray during a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

Elanda Marcelin, 10, center, and her mother, ...

Elanda Marcelin, 10, center, and her mother, holding up pictures of her husband, who was badly injured during the Jan. 12 earthquake, take part in a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

People pause during a Corpus Christi procession ...

 

Altar boys participate in a Corpus Christi procession ...

Altar boys participate in a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

People, one carrying a religious flag, march ...

People, one carrying a religious flag, march during a Corpus Christi procession in Port-au-Prince, Thursday, June 3, 2010

 

 

   

Catholic nuns attend mass in honor of the Catholic ...

Catholic nuns attend mass in honor of the Catholic feast of Corpus Christi in Mexico City, Thursday, June 3, 2010

 

 

 

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4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 04:05

Les biens apportés au monde par l'Esprit divin continuent de se révéler dans la sainte Liturgie. François Caracciolo nous apparaît comme un type nouveau de cette fécondité sublime que le christianisme a donnée à la terre, et dont Clotilde et Blandine nous ont fourni des exemples si merveilleux. La foi des Saints est en eux le principe de la fécondité surnaturelle, comme elle le fut dans le père des croyants ; elle engendre à l'Eglise des membres isolés ou des nations entières ; d'elle procèdent également les multiples familles des Ordres religieux, qui, dans leur fidélité à suivre les voies diverses où les ont mises leurs fondateurs, sont le principal élément de la parure royale et variée dont resplendit l'Epouse à la droite de l'Epoux. C'est la pensée qu'exprimait le Souverain Pontife Pie VII, au jour de la canonisation de notre saint, voulant, disait-il : "redresser ainsi le jugement de ceux qui auraient apprécié la vie religieuse selon la vaine tromperie des points de vue de ce monde, et non selon la science de Jésus-Christ."  (Homil. in canoniz.)

 

 Le siècle de ruine où la voix du vicaire de l'Homme-Dieu s'adressait à la terre en cette circonstance solennelle, rappelait, sous des couleurs plus sombres encore, les temps calamiteux de la prétendue Réforme où François, comme  tant d'autres, avait prouvé par ses œuvres et sa vie l'indéfectible sainteté  de  l'Eglise. 

 

" L'Epouse de Jésus-Christ, disait l'auguste Pontife, l'Eglise est habituée maintenant à poursuivre la carrière de son pèlerinage, au milieu des persécutions du monde et des consolations du Seigneur. Par les Saints que Sa toute-puissance ne cesse de susciter dans tous les temps, Dieu,  comme il l'a promis, fait d'elle jusqu'à la fin la ville placée sur la montagne, le flambeau dont l'éclatante lumière frappe tous les yeux qui ne se  ferment pas de parti-pris pour ne point  voir.  Pendant que ses  ennemis s'unissent, formant pour la détruire de vains complots, pendant qu'ils disent : Quand donc mourra-t-elle ? quand périra son nom ? couronnée d'un éclat nouveau par les triomphes récents des soldats qu'elle envoie aux cieux, elle demeure glorieuse, annonçant pour toutes les générations à venir la puissance du bras du Seigneur." (Homil. in canoniz.)

 

 Le seizième siècle avait entendu à son début le plus effroyable blasphème qu'on eût proféré contre l'Epouse du Fils de Dieu. Celle qu'on appelait la prostituée de Babylone prouva sa légitimité, en face de l'hérésie impuissante à faire germer une vertu dans le monde, par l'admirable efflorescence des Ordres nouveaux sortis de son sein en quelques années, pour répondre aux exigences de la situation nouvelle qu'avait créée la révolte de Luther. Le retour des anciens Ordres à leur première ferveur, l'établissement de la Compagnie de Jésus, des Théatins, des Barnabites, des Frères de saint Jean de Dieu, de l'Oratoire de saint Philippe Néri, des Clercs réguliers de saint Jérôme Emilien et de saint Camille de Lellis, ne suffisent pas au divin Esprit ; comme pour marquer la surabondance de l'Epouse, il suscite à la fin du même siècle une autre famille, dont le trait spécial sera l'organisation parmi ses membres de la mortification et de la prière continues, par l'usage incessant des moyens de la pénitence chrétienne et l'adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement.

 

Sixte-Quint reçoit avec joie ces nouveaux combattants de la grande lutte ; pour les distinguer des autres Ordres déjà nombreux de clercs joignant aux obligations de leur saint état la pratique des conseils, et en preuve de son affection spécialement paternelle, l'illustre Pontife donné au monde par la famille franciscaine assigne à ces derniers venus le nom de Clercs Réguliers Mineurs.

 

Dans la même pensée de rapprochement avec l'Ordre séraphique, le saint que nous fêtons aujourd'hui, et qui doit être le premier Général du nouvel Institut, change le nom d'Ascagne qu'il portait jusque-là en celui de François.

 

 Le ciel, de son côté, sembla vouloir lui-même unir François Caracciolo et le patriarche d'Assise, en donnant à leurs vies une même durée de quarante-quatre ans. Comme son glorieux prédécesseur et patron, le fondateur des Clercs réguliers Mineurs fut de ces hommes dont l'Ecriture dit qu'ayant peu vécu ils ont parcouru une longue carrière. Des prodiges nombreux révélèrent pendant sa vie les vertus que son humilité eût voulu cacher au monde.

 

A peine son âme eut-elle quitté la terre et son corps fut-il enseveli, que les foules accoururent à une tombe qui continuait d'attester chaque jour, par la voix du miracle, la faveur dont jouissait auprès de Dieu celui dont elle renfermait la dépouille mortelle.

 

 Mais c'est à la souveraine autorité constituée par Jésus-Christ dans son Eglise, qu'il est réservé de prononcer authentiquement sur la sainteté du plus illustre personnage. Tant que le jugement du Pontife suprême n'a point été rendu, la piété privée reste libre de témoigner à qui la mérite, dans l'autre vie, sa gratitude ou sa confiance ; mais toute démonstration qui, de près ou de loin, ressemblerait aux honneurs d'un culte public, est prohibée par une loi de l'Eglise aussi rigoureuse que sage dans ses prescriptions. Des imprudences contraires à celte loi, formulée dans les célèbres décrets d'Urbain VIII, attirèrent, vingt ans après la mort de François Caracciolo, les rigueurs de l'Inquisition sur quelques-uns de ses enfants spirituels, et retardèrent de près d'un siècle l'introduction de sa cause au tribunal de la Congrégation des Rites sacrés. Il avait fallu que les témoins des abus qui avaient attiré ces sévérités disparussent de la scène ; et comme, par suite, les témoins de la vie de François ayant disparu eux-mêmes, on dut alors s'en rapporter aux témoignages auriculaires sur le chapitre des vertus héroïques qu'il avait pratiquées, Rome exigea la preuve, par témoins oculaires, de quatre miracles au lieu de deux qu'elle réclamait autrement pour procéder à la béatification des serviteurs de Dieu.

 

 Il serait inutile de nous arrêter à montrer que ces précautions et ces délais, qui prouvent si bien la prudence de l'Eglise en ces matières, n'aboutissent qu'à faire ressortir d'autant mieux l'évidente sainteté de François. Lisons donc maintenant le récit de sa vie :

 

 François, appelé d'abord Aséagne, naquit de la noble famille de Caracciolo à Villa Santa-Maria dans l'Abruzze. Dès ses premières années il brilla par sa piété ; il était encore dans son adolescence, lorsque pendant une grave maladie il prit la résolution de s'attacher entièrement au service de Dieu et du prochain. Il se rendit à Naples, y fut ordonné prêtre, et ayant donné son nom à une pieuse confrérie, il se livra tout entier à la contemplation et au salut des pécheurs ; il s'adonnait assidûment à la fonction d'exhorter les criminels condamnés au dernier supplice.

 

Il arriva un jour qu'une lettre destinée à un autre lui fut remise par erreur de nom ; on y invitait le destinataire à prendre part à la fondation d'un nouvel institut religieux, et l'invitation venait de deux pieux personnages. Frappé de la nouveauté du fait et admirant les conseils de la volonté divine, François se joignit à eux avec allégresse. Ils se retirèrent dans une solitude des Camaldules pour y arrêter les règles du nouvel Ordre, et se rendirent ensuite à Rome où ils en obtinrent la confirmation de Sixte-Quint. Celui-ci voulut qu'on les appelât Clercs Réguliers Mineurs. Ils  ajoutèrent aux trois vœux ordinaires celui  de ne point  rechercher les dignités.

 

 A la suite de sa profession solennelle, notre saint prit le nom de François à cause de sa dévotion particulière envers saint François d'Assise. Adorno étant venu à mourir deux ans après, il fut mis, malgré lui, à la tête de tout l'Ordre, et, dans cet emploi, il donna les plus beaux exemples de toutes les vertus. Zélé pour le développement de son institut, il demandait à Dieu cette grâce par des prières continuelles, des larmes et de nombreuses mortifications. Il fit trois fois dans ce but le voyage d'Espagne, couvert d'un habit de pèlerin et mendiant sa nouriture de porte en porte. Il eut dans la route grandement à souffrir, mais éprouva aussi d'une façon merveilleuse l'appui du Tout-Puissant. Par le secours de sa prière, il arracha au danger imminent du naufrage le navire sur lequel il était monté. Pour arriver aux fins qu'il s'était proposées dans ce royaume, il dut peiner longtemps ; mais la renommée de sa sainteté et la très large munificence dont il fut favorisé par les rois Catholiques Philippe II et Philippe III, l'aidèrent à surmonter avec une force d'âme singulière l'opposition de  ses ennemis, et il fonda plusieurs maisons de son Ordre ; ce qu'il fit également en Italie avec le même succès.

 

 Son humilité était si profonde, que lorsqu'il vint à Rome, il fut reçu dans un hospice de pauvres où il choisit la compagnie d'un lépreux, et qu'il refusa constamment les dignités ecclésiastiques que lui offrait Paul V. Il conserva toujours sans tache sa virginité, et gagna à Jésus-Christ des femmes dont l'impudence avait osé lui tendre des pièges.

 

Enflammé du plus ardent amour envers le divin mystère de l'Eucharistie, il passait les nuits presque entières en adoration devant lui ; et il voulut que ce pieux exercice, qu'il établit comme devant être pratiqué à jamais dans son Ordre, en fût le lien principal. Il fut un propagateur zélé de la dévotion envers la très sainte Vierge Mère de Dieu.

 

Sa charité envers le prochain fut aussi ardente que généreuse. Il fut doué du don de prophétie et connut le secret des cœurs. Etant âgé de quarante-quatre ans, un jour qu'il priait dans la sainte maison de Lorette, il eut connaissance que la fin de sa vie approchait. Aussitôt il se dirigea vers l'Abruzze, et étant arrivé dans la petite ville d'Agnoni, il fut atteint d'une fièvre mortelle dans la maison de l'Oratoire de saint Philippe  Néri. Ayant reçu les sacrements de l'Eglise avec la plus tendre dévotion, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur la veille des nones de juin de l'an mil six cent huit, le jour d'avant la fête du Saint-Sacrement.

 

Son saint corps fut porté à Naples et enseveli avec honneur dans l'église de Sainte-Marie-Majeure, où il avait jeté les premiers fondements de son Ordre. L'éclat de ses miracles détermina le Souverain Pontife Clément XIV à l'inscrire solennellement au nombre des bienheureux ; et de nouveaux prodiges ayant déclaré de plus en plus sa sainteté, Pie VII le mit au nombre des Saints l'an mil huit cent sept.

 

 Votre amour pour le divin Sacrement de nos autels fut bien récompensé, ô François ; vous eûtes la gloire d'être appelé au banquet de l'éternelle patrie à l'heure même où l'Eglise de la terre entonnait la louange de l'Hostie sainte, aux premières Vêpres de la grande fête qu'elle lui consacre chaque année.

 

 Toujours voisine de la solennité du Corps du Seigneur, votre fête à vous-même continue d'inviter les hommes, comme vous le faisiez durant votre vie, à scruter dans l'adoration les profondeurs du mystère d'amour. C'est la divine Sagesse qui dispose mystérieusement l'harmonie du Cycle, en couronnant les Saints dans les saisons fixées par sa Providence ; vous méritiez le poste d'honneur qu'elle vous assigne dans le sanctuaire, près de l'Hostie.

 

 Sans cesse, sur la terre, vous vous écriiez  au Seigneur avec le Psalmiste : Le zèle de votre maison m'a dévoré. Ces paroles, qui étaient moins encore les paroles de David que celles de l'Homme-Dieu dont il était la figure, remplissaient bien réellement votre cœur ; après la mort, on les trouva gravées dans la chair même de ce cœur inanimé, comme ayant été la règle unique de ses battements et de vos aspirations. De là ce besoin de la prière continuelle, avec cette ardeur toujours égale pour la pénitence, dont vous fîtes le trait particulier de votre famille religieuse, et que vous eussiez voulu faire partager à tous.

 

Prière et pénitence ; elles seules établissent l'homme dans la vraie situation qui lui convient devant Dieu.

 

 Conservez-en le dépôt précieux dans vos fils spirituels, ô François ; que par leur zèle à propager l'esprit de leur père, ils fassent, s'il se peut, de ce dépôt sacré le trésor de la terre entière.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

San Francesco Caracciolo

Saint François Caracciolo à la Basilique Saint Pierre de Rome

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3 juin 2010 4 03 /06 /juin /2010 04:00

L’histoire de la très sainte Eucharistie se confond avec celle de l'Eglise ; les formes liturgiques qui accompagnent le plus auguste des Sacrements ont suivi, dans leur marche rituelle, les grandes phases sociales de la chrétienté. Il en devait être ainsi, l'Eucharistie étant ici-bas le centre vital où tout converge dans l'Eglise, le lien puissant de cette société dont le Christ est le chef, et par laquelle il doit régner sur les nations appelées à former son héritage. L'union à Pierre vicaire de l'Homme-Dieu sera toujours la condition nécessaire, le signe extérieur de l'union des membres au Chef invisible ; mais, appuyé ineffablement sur le roc qui porte l'Eglise, l'auguste mystère où le Christ se donne lui-même à chacun des siens n'en demeure pas moins le mystère de l'union par essence, et comme tel, le centre et le lien de la grande communion catholique.

 

Prenons aujourd'hui possession de cette vérité fondamentale qui présida dans l'origine à la formation même de l'Eglise, et considérons l'influence qu'elle eut sur les formes du culte eucharistique aux douze premiers siècles. Demain, nous verrons comment le relâchement, l'hérésie et la défection sociale amenèrent l'Eglise à modifier insensiblement des formes accidentelles du reste, et qui convenaient mieux à des temps meilleurs, pour diriger dans le sens de besoins nouveaux la religion de ses enfants restés fidèles.

 

 Ce fut la veille de sa Passion que le Seigneur institua le mémorial destiné à perpétuer en tous lieux l'unique Sacrifice qui devait consommer la sanctification des élus. Sur la croix devenue, comme l’appelle saint Léon, "l'autel du monde" (Serm. VIII de Pass.), avait lieu quelques heures plus tard, d'après le même saint docteur, l'oblation de la nature humaine tout entière, inséparable de son Chef dans cet acte suprême d'adoration et de réparation (Serm. IV de Pass.).

 

Mais, sortie avec le sang et l'eau du côté du Sauveur, l'Eglise n'était qu'à sa naissance ; le mystère de cette union divine que l'Homme-Dieu était venu réaliser sur la terre, en rattachant par lui au Père dans l'Esprit-Saint les membres de son corps mystique, ne devait avoir que successivement pour chacun d'eux son accomplissement immédiat. De là l'invention sublime de la dernière Cène : Testament nouveau, qui constituait l'Epouse à naître en la possession du mystère où chaque génération se rattacherait aux précédentes dans l'unité du Sacrifice, et trouverait dans cette même unité le lien mutuel de ses membres.

 

" Je vous donne un commandement nouveau, avait dit le Sauveur instituant la nouvelle Pâque : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ; à cela tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples". Tel fut le premier précepte, tel devait être le signe de l'alliance que le Seigneur contractait alors par ses Apôtres avec tous ceux qui devaient croire en lui. Et sa première prière, après cette première distribution de son corps et de son sang sous les espèces eucharistiques, est encore pour l'union de ses fidèles entre eux, union ineffable et toute singulière comme l'ineffable mystère qui doit en faire le nœud et l'aliment, union si intime que son union même avec le Père en peut seule fournir le type au Sauveur : "Père saint, que tous ils soient un en nous, qu'ils soient un comme nous-mêmes ; que, moi en eux et toi en moi, ils soient consommés dans l'unité".

 

 Formée par l'Esprit-Saint, l'Eglise, dès ses débuts, comprit les intentions du Sauveur. Les trois mille élus du jour de la Pentecôte sont représentés, au livre des Actes, "persévérant dans la doctrine des Apôtres, la communion de la fraction du pain et la prière". Or, telle est la force intime de cohésion puisée dans la participation au pain mystérieux, qu'en face de la synagogue ils apparaissent dès lors comme une société distincte, inspirant à tout le peuple une crainte respectueuse et attirant chaque jour de nouveaux membres.

 

 Quelques années plus tard, franchissant sous le souffle de l'Esprit les bornes d'Israël, l'Eglise porte à la gentilité ses trésors. Aux regards stupéfaits d'un monde dont tous les liens brisés n'opposent plus que la tyrannie de César aux égoïsmes individuels, elle offre bientôt, de l'Orient au Couchant, le spectacle de cette société nouvelle qui, recrutant ses membres à tous les degrés sociaux, sous toutes les latitudes, et par la seule persuasion de la vertu, demeure plus forte et plus unie qu'aucune nation dans l'histoire. L'étranger admire ce phénomène qu'il ne comprend pas ; sans le savoir, sans entrer plus avant, il rend témoignage au fidèle accomplissement des intentions dernières du fondateur de l'Eglise, par ces mots qui tombent de ses lèvres : "Voyez comme ils s'aiment" !

 

 Aux fidèles seuls, aux initiés, l'Apôtre explique le mystère : Nous sommes tous un même pain, nous sommes un seul corps, nous tous qui participons à l’unique pain.

 

 Saint Augustin, parlant aux néophytes à peine sortis de la fontaine sacrée, commente admirablement ce passage : 

" J'ai promis aux nouveaux baptisés de leur exposer le mystère de la table du Seigneur. Ce pain que vous voyez sur l'autel, sanctifié par la parole divine, c'est le corps du Christ ; ce calice, ce qu'il contient, c'est son sang versé pour nos péchés. Si vous le recevez comme il faut, c'est vous tous, vous-mêmes que vous recevez. Car l'Apôtre dit : Nous sommes tous un seul pain, un seul corps, montrant a ainsi quel amour il faut avoir de l'unité. 

" Ce pain n'a pas été fait d'un seul grain, mais d'un grand nombre. Avant leur transformation, ils étaient séparés ; l'eau les a réunis, après le broiement qu'ils ont dû subir. Vous aussi naguère vous étiez comme moulus par le jeûne et les exorcismes ; l'eau du baptême est arrivée qui vous a pétris en la forme du pain. 

  " Mais au  pain le feu encore est nécessaire. Qu'est-ce que le feu ? c'est le chrême : l'huile est le symbole a de notre feu, de l'Esprit-Saint. Vient donc le Saint-Esprit, après l'eau le feu, et vous devenez ainsi ce pain qui est le corps du Christ. Il a voulu que nous fussions nous-mêmes son Sacrifice ; nous sommes, nous aussi, le Sacrifice de Dieu. 

 " Grands et ineffables Mystères ! Recevez-les avec tremblement, gardant l'unité dans vos cœurs. Soyez un dans votre amour, d'une seule foi, d'une seule espérance, d'une indivisible charité. Quand les hérétiques approchent de ce pain, c'est leur condamnation qu'ils reçoivent ; car ils cherchent la division, et ce pain marque l'unité. L'Ecriture dit des fidèles : 'Ils n'avaient qu'un cœur et qu'une âme' ; et c'est ce qui est encore marqué par le vin des Mystères sacrés.  

" Nombre de grains pendent de la grappe ; mais la liqueur des grains se confond dans l'unité du calice. Ainsi de nouveau le Seigneur Christ a-t-il voulu signifier notre a union avec lui, ainsi a-t-il consacré par sa table sainte le mystère de la paix et de notre unité."

 

 

 Ces admirables développements du grand évêque d'Hippone ne sont que l'exposé substantiel de la doctrine eucharistique dans l'Eglise au IVe siècle. C'est la notion élémentaire, dans sa plénitude et sa clarté sans figures ; car on ne pouvait en offrir d'autre à des néophytes retenus jusque-là par la loi du secret, dont nous parlerons bientôt, dans l'ignorance absolue des Mystères augustes auxquels ils devaient participer désormais. La doctrine exposée par saint Augustin dans sa chaire d'Hippone se retrouve la même en tous lieux dans la bouche des docteurs. Dans les Gaules saint Hilaire de Poitier, saint Césaire d'Arles, en Italie saint Gaudentius de Brescia, saint Jean Chrysostome à Antioche et à Constantinople, saint Cyrille sur le siège patriarcal d'Alexandrie, ne présentent pas autrement le dogme à leurs peuples : on ne divise pas le Christ ; le chef et les membres, le Verbe et son Eglise, demeurent inséparables dans l'unité du mystère institué pour cette union même. Et cet enseignement unanime des Pères aux siècles d'or de l'éloquence chrétienne, Paschase Radbert le reproduit dans sa plénitude au IXe siècle, Rupert le redit aux échos du XIIe, Guillaume d'Auvergne s'en inspire encore au commencement du XIIIe.

 

 Nous ne pourrions nommer, encore moins citer ici tous les témoins de l'accord des Eglises sur cette notion du dogme eucharistique aux douze premiers siècles. Remontant le fleuve de la tradition vers la source apostolique où il prend naissance, nous rencontrons, à l'âge des persécutions, l'illustre évêque martyr, saint Cyprien, démontrant, lui aussi, la nécessaire union du chef et des membres au divin Sacrement, non seulement par la nature du pain et du vin, éléments essentiels de la consécration des Mystères, mais encore par le mélange de l'eau avec le vin dans le calice eucharistique : l'eau signifie le peuple fidèle, le vin marque le sang du Christ ; leur union dans le calice, union nécessaire à l'intégrité du Sacrifice, union complète et sans retour possible, exprime l'indissoluble alliance du Christ et de l'Eglise qui parfait le Sacrement.

 

L'unité de l'Eglise par la chaire de Pierre, objet d'un de ses plus beaux ouvrages, l'évêque de Carthage la montre ailleurs établie divinement sur les Mystères sacrés ; il décrit avec complaisance, dans une de ses lettres, la multitude des croyants, l'unanimité chrétienne, maintenue dans les liens d'une ferme et indivisible charité par le Sacrifice du Seigneur. Le Christ au Sacrement, le Christ en son Vicaire, n'est en effet qu'une même pierre portant l'édifice, un seul chef, ici visible dans son représentant, là invisible en sa propre substance.

 

C'était bien la pensée de cette Eglise du premier âge qui, chargée de réunir en un même centre les enfants de Dieu dispersés par le monde, leur donnait pour signe de reconnaissance au milieu des ennemis l'ICHTHUS mystérieux, le poisson sacré, symbole des Mystères. On sait que les lettres dont se compose le mot ichthus, nom grec du poisson, donnent en cette langue les initiales de la formule : Jésus-Christ Fils de Dieu, Sauveur ; et le poisson lui-même nous apparaît, dans l'histoire de Tobie, comme la figure du Christ en personne, nourrissant le voyageur de sa substance, chassant les démons ennemis par sa vertu salutaire, et rendant la lumière au monde envieilli. Aussi n'est-ce point sans une raison prophétique et mystérieuse qu'il nous est montré, dans la Genèse, béni par Dieu comme l'homme même aux premiers jours du monde. Il accompagne le pain dans ces multiplications miraculeuses de l'Evangile, où s'annoncent et se dessinent par avance les merveilles eucharistiques. Rôti sur les charbons, il reparaît encore, après la résurrection du Seigneur, uni au pain dans le repas offert par le Christ aux sept disciples sur les bords du lac de Tibériade. Or, nous disent les Pères, le Christ est le pain de ce festin mystérieux ; il est le poisson d'eau vive qui, rôti sur l'autel de la croix par le feu de l'amour, rassasie de lui-même ses disciples, et s'offre au monde entier vraiment ICHTHUS.

 

 Aussi n'est-il pas de symbole plus fréquemment exprimé dans les monuments chrétiens de tout genre aux trois premiers siècles : pierres gravées, anneaux, lampes, inscriptions, peintures, reproduisent le Poisson sous toutes les formes. Il est bien le signe de ralliement, la tessère des chrétiens en ces siècles du martyre. "Race divine de l'ICHTHUS céleste, au cœur magnanime, ils reçoivent du Sauveur des Saints l'aliment doux comme le miel, et s'abreuvent à longs traits aux sources divines de l'éternelle Sagesse, tenant ICHTHUS en leurs mains". Ainsi nous les montre, au second siècle, un monument célèbre de notre terre des Gaules. Et dans le même temps, un saint évêque d'Asie-Mineure, Abercius d'Hiéropolis, conduit par Dieu sur plus d'un rivage, reconnaît partout les disciples du Christ au Poisson sacré qui les fait un malgré les distances. "Disciple du Pasteur immaculé qui paît ses troupeaux par les plaines et les monts, j'ai vu Rome", dit-il au dernier terme de sa vie voyageuse ; j'ai contemplé la reine à la robe d'or, aux chaussures d'or ; j'ai connu le peuple au front marqué d'un sceau splendide. J'ai visité les campagnes de la Syrie et toutes ses villes. Passant l'Euphrate, j'ai vu Nisibe, et partout j'ai trouvé des frères : la foi qui partout fut mon guide m'offrait pour aliment, servait partout aux bien-aimés, dans les délices du pain et du vin mélangé, l’ICHTUS auguste, saisi par une Vierge très pure à la source sacrée".

 

Tel était donc le lien de cette unité puissante du christianisme, objet de stupeur pour le monde païen qui se ruait contre elle avec d'autant plus de furie, que la vraie cause en demeurait plus soigneusement cachée à ses yeux. "Ne livrez pas les choses saintes aux chiens, n'exposez pas vos perles aux pourceaux", avait dit le Seigneur, posant ainsi les bases de celte discipline du secret qui fut en vigueur dans l'Eglise jusqu'à la complète conversion du monde occidental. La sainteté mystérieuse des Sacrements, la sublimité des dogmes chrétiens, imposaient la plus extrême réserve aux fidèles, en face d'une société dont la dégradation morale et la brutale corruption ne justifiaient que trop les expressions du Sauveur.

 

 Mais c'était surtout la très sainte Eucharistie, "cette perle sans prix du corps de l'Agneau", qu'il convenait de dérober aux regards indignes et aux profanations sacrilèges. Aussi voyons-nous les assemblées chrétiennes régies en ces temps par la distinction fondamentale des initiés et de ceux qui ne le sont pas, des fidèles,et des catéchumènes : distinction scrupuleusement observée dès l'âge apostolique, et qui persévéra jusqu'au VIIIe siècle. Quelques semaines avant l'administration solennelle du baptême, avait lieu, comme nous l'avons vu ailleurs, la tradition du Symbole aux futurs membres de l'Eglise ; toutefois le mystère eucharistique, arcane par excellence, restait caché même alors aux élus inscrits déjà pour le saint baptême. De là les précautions multipliées de langage, les réticences, les obscurités calculées des Pères dans leurs discours, longtemps encore après Constantin et Théodose. On admettait les catéchumènes à la lecture des Ecritures et au chant des psaumes, qui formaient comme l'introduction au divin Sacrifice ; mais, après le discours de l'évêque sur l'Evangile ou les autres parties de l'Ecriture qu'on venait d'entendre, ils étaient congédiés parle diacre, et ce renvoi ou missa, de missio, donnait son nom à cette première partie de la Liturgie, dite Messe des catéchumènes, comme la seconde, qui s'étendait de l'oblation au renvoi final, s'appelait Messe des fidèles pour une raison semblable.

 

 Mais si l'Eglise veillait jalousement sur son trésor, au point de n'en livrer la connaissance qu'à ses seuls vrais enfants devenus tels par le baptême, avec quel amour, aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte, elle révélait à ses nouveau-nés sortant des eaux l'ineffable secret de son cœur d'Epouse, le mystère complet de l’ICHTUS ! Incorporés au Christ sous les flots, enrôlés dans l'armée sainte et marqués du signe de ses soldats par l'onction du pontife, avec quelle tendresse maternelle elle les conduisait, du baptistère et du chrismarium, au lieu sacré des Mystères institués par l'Epoux ! C'était là, en effet, qu'en personne le Christ chef attendait ses nouveaux membres ; là qu'il devait resserrer en eux ineffablement les liens de son corps mystique, associant avec lui tous les baptisés dans l'hommage infini du Sacrifice unique offert au Père !

 

 Cette admirable unité du Sacrifice eucharistique, embrassant dans son oblation toujours la même le Chef et les membres, maintenant et fortifiant l'union de chaque communauté chrétienne et de l'Eglise entière, était merveilleusement exprimée par les formes grandioses de la Liturgie primitive. Après le renvoi des catéchumènes et l'expulsion des indignes, tous les fidèles sans distinction, depuis l'empereur et sa cour, jusqu'au dernier des citoyens et aux plus humbles femmes, se présentaient offrant leur part du pain et du vin destinés aux Mystères. Eux-mêmes, sacerdoce royal, hostie vivante figurée par ces dons, ils assistaient debout à l'immolation de la grande Victime dont ils étaient les vrais membres ; et s'unissant tous dans le saint baiser en signe d'union des cœurs, debout encore, ils recevaient dans leurs mains le Corps sacré pour s'en nourrir, et s'abreuvaient du Sang divin au calice présenté par les diacres. Portés sur les bras de leurs mères, les plus jeunes enfants aspiraient quelques gouttes du Sang précieux dans leur bouche innocente. Les malades retenus par la souffrance, les prisonniers du fond de leurs cachots, s'unissaient à leurs frères au divin banquet, recevant les dons sacrés de la main des ministres envoyés vers eux par le pontife. Les anachorètes du désert, les chrétiens des campagnes et tous ceux qui ne pouvaient se retrouver à la prochaine assemblée, emportaient avec eux le Corps du Seigneur, pour ne pas être frustrés par leur éloignement de la communion aux Mystères du salut. En ces siècles où l'Eglise voyait le plus souvent son unité attaquée à la fois par la persécution, le schisme et l'hérésie, elle ne croyait pouvoir excéder, en multipliant sous toutes les formes l'usage et les applications du Sacrement auguste, signe de l'unité, centre intime et lien puissant de la famille chrétienne.

 

 C'est dans cette même pensée d'unité que, bien qu'il y eût d'ordinaire en chaque ville plusieurs églises ou centres de réunion pour les fidèles, et un clergé plus ou moins nombreux, tous cependant, fidèles et clercs, se réunissaient pour la collecte ou synaxis, en un seul lieu désigné par l'évêque :

" Où est l'évêque, là soit le peuple, dit saint Ignace d'Antioche en ses Epîtres, de même qu'où se trouve le Christ Jésus, là est l'Eglise catholique. Ne tenez pour légitime Eucharistie que celle qui est célébrée sous la présidence de l'évêque ou de celui qu'il désigne. Assemblez-vous tous dans l'unité : unité de prières, unité de désirs, unité de pensées, unité d'espérance, en dilection mutuelle et sainte allégresse. N'espérez pas faire en votre particulier rien qui vaille. Jésus-Christ est un. Qu'une soit donc votre Eucharistie, comme une est la chair du Seigneur, un le calice qui nous unit dans son sang, un l'autel, un l'évêque entouré du presbyterium et des diacres." (Ad Smyrn. VIII. — Ad Magnes. VII. — Ad Philadelph. IV.)

 

 Le presbyterium était le collège des prêtres de chaque cité ; ils entouraient l'évêque, formaient son conseil, et célébraient avec lui les fonctions sacrées. Au nombre de douze, ainsi qu'il semble, à l'origine, pour représenter le sénat apostolique, ce chiffre fut promptement doublé dans les grandes villes. Dès la fin du premier siècle, il y avait à Rome vingt-cinq prêtres, préposés aux vingt-cinq Titres ou églises de la ville reine. Le pontife se transportait d'un Titre à l'autre pour la célébration des Mystères ; siégeant autour de lui, les vingt-quatre prêtres des autres Titres s'unissaient au pontife dans la solennité d'un même Sacrifice et concélébraient au même autel. A leurs places respectives, les sept diacres et tous les clercs inférieurs coopéraient, selon leur Ordre, aux Mystères trois fois saints. Nous avons vu la part active qu'y prenait le peuple fidèle.

 

 C'était le temps où, de son regard inspiré, l'Aigle de Pathmos contemplait au ciel l'Agneau immolé, debout au milieu des vingt-quatre vieillards entourant sur leurs trônes le trône même de Dieu, qui est aussi celui du Pontife éternel. Vêtus de robes blanches, le front ceint du diadème, ils tenaient en leurs mains des cithares et des coupes d'or pleines de parfums qui sont les prières des saints. A leur suite et avec eux, les sept esprits qui se tiennent devant le trône de Dieu comme sept lampes ardentes, et les milliers d'anges qui l'entourent, chantaient le Sacrifice de l'Agneau et son triomphe. Et toute créature, dans le ciel, sur la terre, sous la terre, dans la mer, rendait bénédiction, hommage, gloire, puissance, à Celui qui vit dans les siècles. Vision merveilleuse, exprimant la plénitude et l'unité du Sacrifice offert une fois, pour durer toujours, par l'auguste chef de la création !

 

Scène sublime de la patrie, que l'Epouse exilée s'efforçait de reproduire en cette vallée des larmes ! Comme au ciel l'Agneau divin, Pontife éternel, entraîne à sa suite les bienheureuses hiérarchies dans sa marche triomphante, ainsi chacune des Eglises de la terre, image de la céleste Jérusalem, accompagnait-elle l'évêque, se groupant autour de lui dans l'harmonie parfaite de ses différents Ordres.

 

 Soumise encore aux conditions terrestres, entravée dans les liens de l'espace et du temps, l'Eglise militante ne pouvait, il est vrai, se réunir ici-bas tout entière au même autel ; mais l'unité du Sacrifice offert dans le monde entier était exprimée, comme l'unité de l'Eglise elle-même, par l'envoi mutuel que se faisaient les évêques catholiques des saintes espèces consacrées par eux, et le mélange qu'ils accomplissaient réciproquement de ces dons sacrés dans leur propre calice.

 

Nous apprenons de saint Irénée qu'au second siècle, le Pontife de Rome, l'hiérarque suprême, dirigeait au delà des limites de l'Occident, jusqu'en Asie, ces signes augustes de l'union avec l'Eglise mère et maîtresse. De même, lorsque la multitude toujours croissante des fidèles amena l'Eglise à permettre aux prêtres isolés la célébration des Mystères, les prêtres de la ville épiscopale ne procédaient point à cette oblation séparée, sans avoir reçu de l'évêque une part du pain consacré qu'ils mélangeaient à leur Sacrifice. C'était le fermentum, ou levain sacré de la Communion catholique.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

   

Le Retable de Saint Jean par Memling

 

Un trône était dressé dans le ciel, et sur le Trône siégeait quelqu'un. 
Celui qui siège ainsi a l'aspect du jaspe ou de la cornaline ; et tout autour du Trône, il y a un halo de lumière, avec des reflets d'émeraude. Tout autour de ce Trône, vingt-quatre trônes, où siègent vingt-quatre Anciens, portant des vêtements blancs et des couronnes d'or. Et du Trône sortent des éclairs, des clameurs, des coups de tonnerre, et sept torches enflammées brûlent devant le Trône : ce sont les sept esprits de Dieu.

 

Livre de l'Apocalypse

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 05:30

Sainte Blandine

Eglise Sainte Blandine à Lyon 

  

Dans son Martyrologe, l'Eglise romaine, mère des Eglises, insère en ses fastes la mention émue des héros que le sol gaulois produisit pour le ciel, dans ce même jour et les suivants. Car il ne s'agit point ici du combat d'un seul jour. Pothin, l’évêque, mourant dans la prison épuisé d'ans et de travaux, marqua cette journée comme devant être celle de la fête qui comprendrait à la fois les soldats et leur chef. Mais si le 2 juin paraît avoir été pour celui-ci la date de la victoire, les quarante-sept martyrs, ses compagnons et ses fils, n'obtinrent que successivement leurs couronnes ; jusqu'à ce qu'enfin Blandine, au mois d'août, fermant la marche triomphale, rejoignît dans les cieux la troupe vaillante au milieu de laquelle elle brille d'un éclat si pur.

 

Mais avant de rappeler quelques traits de l'immortelle campagne où Satan vit tourner si pleinement à sa confusion les efforts de sa haine, jetons nos yeux sur la terre prédestinée devenue dès lors le champ de bataille du Christ en ses martyrs. Nous ne sommes qu'au second siècle chrétien, et déjà la munificence de Dieu envers cette région du monde révèle ce qu'il attend de la nation dont elle sera l'héritage. Au soin, en effet, avec lequel le laboureur trace les sillons dans le sol dont il a entrepris la culture, à la qualité de la semence qu'il confie à la terre, on peut juger de l'espoir qu'il met en celle-ci. La semence du salut, c'est la parole des messagers de l'Evangile ; le sillon divin, c'est la voie mystérieuse par où l'Esprit-Saint les conduit.

 

Combien donc la parole ne fut-elle pas abondante et pure en la bouche de ces disciples de Pierre et de Paul, que l'on voit, dès le milieu du premier siècle, parcourir en tous sens les provinces gauloises ! Quel dessein merveilleux amène à ces lointains rivages la famille amie de l'Homme-Dieu : Lazare, dont la mort attira ses pleurs ; Marthe, l'hôtesse fidèle, qui par les soins rendus à sa personne sacrée figurera jusqu'à la fin des temps les travaux du ministère actif ; Madeleine enfin, l'apôtre des apôtres eux-mêmes, la pénitente sublime dont l'amour continue, sur les rochers de Provence, cette vie de divine contemplation qui doit être la meilleure part pour les élus, la seule éternelle ? Encore quelques années, et la terre celtique, formée par les vieux Druides au culte de la Vierge qui devait enfanter, aura vu le sourire de Marie porter la lumière dans ses plus sombres forêts ; la dispensatrice de toute grâce inspire à Clément, successeur de Pierre, l'envoi de Denys à Lutèce : et quel choix de la Reine des Apôtres aurait pu mieux marquer la terre de sa prédilection, que celui du sublime Aréopagite apportant à la Gaule le secret des divines hiérarchies et des mystiques faveurs, trésor des parfaits !

 

 Véritablement donc, le premier siècle de l'évangélisation du monde suffit à nous montrer dans la future patrie des Francs le royaume aimé du Christ. Un élément toutefois semble manquer encore à cette plénitude : si les Eglises des Gaules peuvent à bon droit revendiquer pour elles la paternité des deux princes des Apôtres, Jean, le disciple bien-aimé, n'a point eu de part à un apostolat trop éloigné de la province d'Asie où son action restait concentrée ; comment cependant le fils adoptif de Marie pourrait-il ne rien transmettre de lui-même aux lieux bénis des complaisances de Notre-Dame ? Aussi, sous l'influence de l'apôtre déjà sorti de cette vie et plus éclairé encore sur les desseins de Dieu qu'il ne le fut à Pathmos, voici qu'apparaît sur les rives du Rhône un groupe de nouveaux missionnaires ; formés à l'école de Polycarpe, le plus fidèle disciple du vieillard d'Ephèse, qu'ils ont pu voir lui-même dans leur enfance, ils viennent communiquer à l'Occident ses traditions, son esprit, son amour du Fils de l'homme et de la divine Mère. Pothin leur chef, béni par Rome, s'arrête à Lyon. Au nom de Jean, il complète dans ces contrées l'œuvre commencée au nom de Pierre et de Paul, un siècle plus tôt, par Crescent de Vienne, Trophime d'Arles et Paul de Narbonne. Pour un seul pays, quel concours de grâces significatives ! Satan lui-même comprend enfin les desseins du Christ ; il va chercher à les arrêter dans le sang.

 

 L'espace nous manque pour retracer ici les phases diverses de la persécution qui s'alluma sous le souffle de l'enfer, au printemps de l'année 177. Trois ans auparavant, Marc-Aurèle, sauvé parles prières des soldats chrétiens dans sa guerre contre les Quades, avait paru vouloir protéger l'Eglise ; mais la contrainte qu'il avait dû s'imposer alors coûtait au meurtrier de sainte Félicité, de saint Justin et de tant d'autres confesseurs immolés dès les premiers jours de son règne.  La première occasion qui se présenterait d'oublier le service rendu par la Légion Fulminante, de remettre en vigueur les anciennes lois, cette occasion devait être bienvenue de l'empereur philosophe. Elle lui fut donnée par les soulèvements populaires que la réaction païenne, suffisamment édifiée touchant les dispositions du prince, excita dans les diverses parties de l'empire ; comme l'incendie de Rome l'avait été pour Néron, l'émeute devenait un moyen de gouvernement pour Marc-Aurèle, cet idéal des princes chez nos modernes historiens ! Ce fut de la Gaule que partit le signal de cette persécution doublement odieuse, qui devait s'étendre dans les autres provinces et jusqu'à Rome même, où, un an plus tard, elle couronnait l'immortelle Cécile et son glorieux cortège formé de l'élite de l'ancien patriciat ; c'est au préfet de Lyon que fut adressé le rescrit sanguinaire, dont les termes firent loi pour tout l'empire et se retrouvent cités dans plusieurs Actes des martyrs de ce temps.

 

 Et certes la Gaule, qui jusque-là avait vu seulement les exécutions isolées d'un petit nombre de chrétiens, montra suffisamment qu'elle était prête à fournir, elle aussi, ses hécatombes sacrées ; l'Eglise de Lyon, fondée la dernière, puisa dans le sang de ses généreux fils une noblesse qui lui permettait de marcher à tout jamais l'égale des premières. Que ne pouvons-nous citer en entier l'admirable Lettre écrite par les survivants de la persécution à leurs frères d'Asie, pour leur raconter le triomphe des martyrs ! monument sans prix de l'antiquité chrétienne, où semble vivre toujours le bienheureux esprit des athlètes du Christ, et dont l'éloquence, si merveilleuse dans sa simplicité, avait la faculté d'émouvoir encore, au XVIe siècle, le cœur si refroidi pourtant des sectaires de la prétendue Réforme. Rappelons du moins en peu de mots la succession des événements, qui nous permettra de mieux comprendre tout à l'heure le récit liturgique emprunté à cette Lettre immortelle.

 

 Le représentant de la puissance romaine était absent de Lyon, quand la populace, excitée par les calomnies des meneurs, se jeta sur les maisons des chrétiens. Dans ce premier moment, rien ne fut épargné contre eux de ce que peut une foule en délire ; le tribun militaire, chargé de maintenir l'ordre, n'intervint au milieu de ces violences que pour traîner ceux qui en étaient la victime devant les magistrats de la cité ; après un interrogatoire sommaire, et une première confession de leur foi que ne refoula point le bruit des vociférations de la multitude, ils furent jetés en prison jusqu'au retour du gouverneur. On devait être alors au mois de mai ou d'avril. L'arrivée du gouverneur, que plusieurs pensent avoir été Septime-Sévère le futur empereur, marqua l'ouverture de l'instruction légale de la cause. Vettius Epagathus, jeune homme d'une illustre naissance, se présenta courageusement au pied du tribunal, offrant de défendre les accusés ; mais le juge refusa de l'entendre, et, sur sa déclaration qu'il était chrétien lui-même, il fut mis au nombre des confesseurs.

 

On sait que, par un étrange renversement des notions reçues en matière d'instruction criminelle, la procédure romaine, dans les causes de christianisme, avait pour but d'arracher aux accusés la négation, et non l'aveu de leur prétendu crime. La violence des tortures juridiques employées à cette fin fut telle alors, que plusieurs malheureux y cédèrent ; plus tard, ramenés par les larmes et l'exemple de leurs frères, ils réparèrent noblement le scandale, et conquirent eux aussi la palme. En attendant, de plus courageux remplissaient les vides causés par ces défections momentanées ; car les arrestations continuaient tous les jours, et aussi la torture. Descendus des chevalets le corps en lambeaux, les saints confesseurs étaient mis aux ceps dans les cachots, en attendant une comparution nouvelle ; mais les souffrances de la prison étaient si grandes à elles seules, que beaucoup y moururent, comme le bienheureux Pothin, dont le grand âge et l'épuisement ne purent supporter plus de deux jours les privations de cette demeure affreuse.

 

 D'autres, au contraire, semblaient puiser dans la prison et les tourments une force inconnue. Lorsque, le moment arrivé d'un nouvel interrogatoire, les geôliers croyaient n'avoir à traîner sur la place publique que des mourants incapables de se porter eux-mêmes, il se trouvait que les plaies reçues la veille avaient guéri celles des jours précédents. Les confesseurs s'avançaient rayonnant d'une douce allégresse, étonnant tous les yeux par la majesté et la beauté de leurs traits ; leurs chaînes étaient comme l'ornement de l'épouse qui resplendit sous l'éclat de ses bracelets d'or ; la bonne odeur du Christ s'échappait d'eux en toute vérité, et d'une manière si frappante pour les sens eux-mêmes, que plusieurs les croyaient parfumés d'un parfum terrestre. Dans ces préliminaires juridiques de la question préventive, plus terribles que le martyre même, on vit briller entre tous le néophyte Maturus, à peine sorti du bain sacré, et déjà l'égal des athlètes vieillis dans l'arène ; Attale de Pergame, que l'éclat d'une illustre origine n'avait point empêché de quitter son pays pour devenir sur les rives du Rhône la colonne de l'Eglise ; Sanctus enfin, diacre de Vienne, à qui la violence et la variété de ses tourments auraient valu la première palme, si le Dieu des humbles et des petits n'eût exalté au-dessus de toutes ces illustrations de la naissance, de la hiérarchie sacrée, du martyre même, Blandine l'esclave, dominant l'héroïque phalange où elle trône comme une mère au milieu de ses fils.

 

Arrêtée des premières avec sa maîtresse, qui parcourut vaillamment, elle aussi, la carrière des supplices, Blandine, pareille à une plante délicate et fragile, semblait si faible de corps, que tous tremblaient qu'elle ne pût résister au premier effort de l'ennemi. Mais on vit ce que peut sur un corps débile la force d'âme qui vient du Christ. Sur cet être si frêle les bourreaux épuisèrent leur science et leurs forces, se succédant depuis l'aube jusqu'au soir ; et, vaincus, à bout de leurs cruels secrets, ils déclarèrent que c'était merveille si la vie restait dans un corps disloqué à ce point, déchire, troué de toutes parts, quand un seul des tourments qu'il avait subis aurait dû lui donner la mort. Mais la bienheureuse ranimait dans la confession de la foi ses forces et son courage ; on eût dit qu'elle trouvait nourriture, repos, impassibilité, dans ces mots que la question pouvait seuls obtenir d'elle : "Je suis chrétienne, et il ne se fait point de mal parmi nous".

 

 Cependant le gouverneur, jugeant la cause suffisamment instruite, se mit en devoir de prononcer la sentence. Il espérait toujours néanmoins que la mort de quelques confesseurs ébranlerait les autres, et commença dans ce but par condamner aux bêtes Maturus, Sanctus, Attale et Blandine. A cette occasion, usant de la haute juridiction que lui donnait son titre de légat impérial, il accorda au peuple un jour de  fêt dont l'immolation des quatre martyrs devait former le spectacle. Maturus et Sanctus repassèrent, à l'amphithéâtre, par tous les genres de tourments qu'ils avaient subis déjà dans le prétoire ; et comme, malgré les fouets, la dent des bêtes, la chaise de fer rougie au feu, ils respiraient encore, on les acheva par l'épée. Durant leurs combats, Blandine, suspendue à un gibet pour y être dévorée, suppliait Dieu dans une prière instante ; la vue de cette admirable sœur donnait l'allégresse aux martyrs ; ses bras étendus en forme de croix leur rappelaient le Sauveur. Mais aucune bête féroce, ce jour-là, ne toucha son corps ; elle fut ramenée dans son cachot, et réservée pour d'autres combats. Un incident s'était produit, qui devait prolonger les souffrances des confesseurs, en retardant la dernière lutte : le gouverneur venait de découvrir qu'Attale, ce condamné qu'il s'apprêtait à jeter aux bêtes, était citoyen romain ; la sentence, en ce qui le concernait, se trouvait infirmée par là même. On le reconduisit en prison, et un message fut adressé à César, tant au sujet d'Attale que de ses compagnons de captivité.

 

 Les prisonniers, durant ces délais, ne restèrent point inactifs ; du fond de leurs cachots, et attendant la mort, ils montrèrent qu'il n'est point de situation où le chrétien puisse se désintéresser du salut de ses frères et des intérêts de la sainte Eglise. Ce fut alors que leur humilité, leur tendresse compatissante, aidées des prières et des larmes qu'ils répandaient jour et nuit devant Dieu, ramenèrent au combat les infortunés qui avaient faibli dans les premières tortures. Un autre souci préoccupait vivement les confesseurs : on avait appris dans les Gaules la naissance de la secte  nouvelle que Montan propageait en Phrygie ; inquiets pour les Eglises d'Asie, d'où par le bienheureux Pothin leur était venue la lumière, ils écrivirent à ces frères éloignés les craintes qu'ils avaient conçues, et s'adressèrent en même temps au pape Eleuthère, juge souverain de la doctrine. Estimant qu'aucun intérêt ne pouvait l'emporter sur celui de la foi, ils chargèrent de leurs lettres le prêtre Irénée, quoique celui-ci, dont nous aurons en son temps à raconter aussi le triomphe, parût être en ce moment le principal appui de la chrétienté lyonnaise privée de son évêque.

 

 Tandis qu'au fond des cachots qui s'étendaient sous le palais impérial, on s'occupait ainsi des grands intérêts auxquels le salut et la dignité de la race humaine étaient attachés ; dans ce palais, dans la ville entière, toutes les pensées étaient à l'approche de la grande fête dont la date, fixée aux calendes d'août, attirait chaque année à Lyon un concours immense. Soixante cités, soixante peuples, appartenant aux diverses provinces de la Gaule chevelue, s'étaient réunis pour élever à Auguste et à Rome, du vivant du premier, un temple magnifique : monument dressé par les descendants de Brennus pour célébrer la force qui avait réduit à néant l'indépendance du vieux sol gaulois ! On en fixa l'emplacement au confluent du Rhône et de la Saône : inauguré, lors de son érection, au commencement du mois d'août consacré à Auguste, c'étaient les pompes de cette dédicace qui se renouvelaient chaque année, depuis deux cents ans, sans pouvoir lasser l'enthousiasme des vaincus. On eut l'idée, pour cette fois, de relever encore la solennité accoutumée par l'exécution des chrétiens qui, depuis la mort de  Maturus et de Sanctus, remplissaient les prisons, attendant leur tour. La réponse de César au gouverneur venait d'arriver, telle qu'on pouvait l'attendre ; elle portait qu'on devait mettre à mort ceux qui persisteraient dans la confession du christianisme, et renvoyer les autres absous. La sentence fut bientôt rendue : les confesseurs qui étaient citoyens romains furent condamnés à la décapitation, les autres réservés aux bêtes ; par une exception glorieuse autant qu'illégale, Attale, malgré son titre, fut lui-même destiné aux jeux de l'amphithéâtre.

 

 Les condamnés, qui attendaient depuis des mois ce grand jour, virent donc enfin sonner l'heure du triomphe ; l'arène s'ouvrait à leurs derniers combats. Au-dessus d'eux, près de la scène, s'élevait l'autel d'Auguste entouré de la représentation des soixante peuples qui avaient contribué à l'érection du monument, et que dominait la statue colossale de la Gaule. Une foule immense, avide de sang non moins que d'esclavage, se pressait au spectacle, ne se doutant pas que du sang de ces condamnés, mêlé à la poussière de la Gaule asservie, ressusciterait elle-même bientôt, plus noble, plus complète, plus féconde que jamais, l'indépendance de la patrie terrestre. Quelques siècles seulement, et de l'autel d'Auguste, il ne restera plus que les quatre colonnes soutenant les voûtes d'un temple chrétien au-dessus d'une crypte appelée du nom de l'humble Blandine.

 

 Nous laissons à la sainte Liturgie le soin de compléter et de terminer, dans les Leçons qui suivent, un récit déjà trop étendu. 

 

De la  Lettre des  Eglises de Vienne et de  Lyon aux Eglises d’Asie  et de  Phrygie     

On traîna devant le tribunal le bienheureux Pothin, évêque de Lyon, personnage plus que nonagénaire, ayant à peine un souffle de vie dans son corps épuisé, mais rempli d'ardeur par le désir du martyre. Il était porté par les soldats, et suivi par les magistrats de la ville et par la population tout entière qui le poursuivaient de leurs cris furieux, comme s'il eût été le Christ lui-même. Pothin rendit dans cette occasion un noble témoignage. Le président lui ayant demandé quel était le Dieu des chrétiens, il répondit : "Si tu en es digne, tu le connaîtras". On se jeta sur lui avec brutalité, et il ne tarda pas à être couvert de nombreuses plaies, ceux qui étaient près de lui l'ayant maltraité honteusement à coups de pieds et à coups de poings, et ceux qui étaient plus éloignés lui jetant tout ce qui leur tombait sous la main. On eût dit qu'ils se seraient regardés comme coupables d'un grand crime, si chacun d'eux ne l'avait pas accablé d'outrages autant que faire se pouvait, et ils pensaient venger ainsi l'injure faite à leurs dieux. Il était expirant, lorsqu'on le reporta à la prison, où il rendit l'âme deux jours après.

 

 Le néophyte Maturus, Sanctus diacre de l'Eglise de Vienne, l'esclave Blandine et Attale furent conduits à l'amphithéâtre pour être exposés aux bêtes. Maturus et Sanctus y furent d'abord déchirés par les fouets selon l'usage ; on les livra ensuite à la dent des bêtes qui les traînèrent sur le sol ; et enfin on les fit asseoir sur la chaise de fer rougie au feu, d'où leurs membres rôtis répandaient une odeur insupportable. Après avoir souffert ces terribles combats, ils furent enfin égorgés. Quant à Blandine, on l'attacha à un poteau pour l'exposer aux bêtes. Elle semblait alors comme attachée à la croix, et la ferveur des prières qu'elle adressait à Dieu ajoutait encore à l'ardeur des combattants ; car en la personne de leur sœur ils contemplaient celui qui avait été crucifié pour eux. Aucune des bêtes n'ayant osé la toucher, elle fut détachée du poteau, et jetée de nouveau en prison, pour être réservée à un autre combat.

 

On fit parcourir l'amphithéâtre à Attale. Un homme marchait devant lui, portant une tablette sur laquelle était écrit : "Celui-ci est Attale le chrétien". Mais le président, ayant découvert qu'il était citoyen romain, le fit remettre en prison, et écrivit à César sur le sort de ceux qui étaient ainsi détenus. Une assemblée solennelle ayant donc lieu dans notre ville, le gouverneur ordonna d'amener les martyrs devant son tribunal, affectant de les mettre sous les yeux du peuple avec toutes les prétentions d'une scène théâtrale. Les ayant interrogés de nouveau, il fit trancher la tête à tous ceux qui étaient citoyens romains, et livra les autres aux bêtes. Ce fut alors une grande gloire pour le Christ, lorsqu'on vit ceux qui avaient d'abord renié la foi la confesser en ce moment avec courage.

 

 Pendant que durait cette confrontation, un Phrygien , nommé Alexandre, médecin de profession et habitant la Gaule depuis plusieurs années, exhortait par des signes les chrétiens à tenir ferme dans leur confession. Tous ceux qui entouraient le tribunal l'auraient pris volontiers pour une mère qui enfante, en voyant les efforts auxquels il se livrait. Le président, arrêtant sur lui ses regards, lui demanda qui il était. Alexandre ayant répondu qu'il était chrétien, le juge irrité le condamna aux bêtes. Il entra donc le surlendemain dans l'amphithéâtre avec Attale ; car le président avait renouvelé la sentence qui réservait ce dernier aux bêtes. Tous deux donc parcoururent la série des tourments de l'amphithéâtre, et furent enfin frappés du glaive. Au dernier jour des spectacles, Blandine fut de nouveau amenée avec Ponticus, jeune homme âgé d'environ quinze ans. Ponticus rendit son âme après avoir souffert courageusement tous les supplices. Quant à la bienheureuse  Blandine, après les fouets, après les bêtes, après la chaudière ardente, on l'enferma dans un filet, et on l'exposa à un taureau furieux qui la lança longtemps en l'air ; on finit par l'égorger comme une victime.

 

 

Nous vous saluons à la tête de votre héroïque phalange, bienheureux Pothin , illustre pontife chargé de mérites et d'années, émule en tout de Polycarpe votre maître. Comme lui, vous sembliez ne prolonger votre vie dans une vieillesse si extrême, que pour fournir au Christ en votre personne l'occasion d'un dernier triomphe. De sa part et de la vôtre, quelle noble simplicité, quelle majesté devant les tyrans ! Vos réponses sont bien l'expression, si l'on peut dire ainsi, d'une même manière d'amour ; elles révèlent l'école du disciple bien-aimé. Par vous, ô Pothin, la sainte Eglise de Lyon, qui vous doit l'existence, plonge sa racine dans le Cœur de l'Homme-Dieu.

 

 C'est dans ce Cœur sacré qu'à la dernière Cène, Jean puisa comme un arbre fécond la sève qui devait couler dans ses rameaux ; mais c'est à vous qu'il doit de pouvoir offrir au Seigneur, jusqu'à nos temps, les fruits bénis de son apostolat. Car, depuis déjà des siècles, par une disposition terrible de la justice souveraine, la sève ne coule plus dans les rameaux privilégiés des sept Eglises que Jean lui-même avait nourries. Pour l'honneur de celui dont vous fûtes le disciple fidèle, maintenez donc toujours dans la grande ville qui a consumé votre vie et vos sueurs l'ardente piété qui la distingue ; que d'elle se répande toujours plus dans la terre des Gaules l'esprit du disciple que Jésus aimait : esprit d'amour sans bornes pour le Fils de l'homme, de tendresse filiale pour Marie la Mère de Dieu devenue celle des hommes au Calvaire, d'ardente charité pour tous, de déférence absolue à l'égard de Pierre, le vicaire de l'Homme-Dieu, qui rendait à Jean son empressement respectueux en attentions si touchantes.

 

 Illustre Blandine, qui brillez comme une perle incomparable au diadème de la noble cité témoin de vos triomphes, nous vous  saluons à  votre tour. Vous méritez de venir, en nos hommages, après le Pontife, dont la mort vous investit d'une maternité si nouvelle et si grande. Mère des martyrs, vierge sublime dont la faiblesse s'éleva soudain par la vigueur du Christ votre Epoux  au-dessus de  la force des plus  vaillants entre les forts ! la première dans la lutte, présente à tous les combats,  vous goûtiez les divers supplices comme fait la mère pour les mets variés qui doivent être offerts à ses fils. Puis lorsque tous, sans qu'un seul y manquât, furent  rassasiés de la passion du Christ et s'en allèrent dans l'ivresse puisée à son divin calice : on vous vit comme l'épouse vigilante, quand tous les convives ont quitté le lieu du festin dont elle a fait les honneurs, revenir seule encore par les tables diverses, recueillir dans votre sein les moindres restes du repas des héros et les différentes pièces des services nombreux mis à l'usage des invités du père de famille. Joyeuse alors et sans arrière-pensée, comptant sur un bon accueil, vous rejoignîtes l'Epoux en toute hâte ; la journée avait été bien remplie. Et, après avoir aussi pleinement accompli votre auguste rôle, nous ne nous étonnons pas que plus d'une formule des divins Offices en quelques Eglises se contente aujourd'hui d'invoquer votre nom béni, résumant en lui tous les autres ; que les martyrologes d'Adon et de Bède annoncent le 2 juin comme la fête de sainte Blandine et de ses compagnons martyrs !

 

Avec vous, du plus intime de notre âme, nous honorons ces illustres compagnons de votre triomphe : Sanctus, Attale, Maturus, Epagathus, Alexandre, Ponticus, et les quarante autres dont les multiples supplices formèrent pour le Père souverain comme une couronne de fleurs, où les couleurs les plus variées le disputent aux parfums les plus suaves.

Saints martyrs, du sanctuaire éternel dont vous faites l'ornement, jetez sur nous les yeux ; que la terre où vous avez vaincu, continue de porter pour le ciel des fleurs et des fruits qui répondent à la fécondité de votre sang généreux.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique


   

L'Amphithéâtre des Martyrs à Lyon

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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 11:00

La lumière du divin Esprit qui est venue accroître dans l'Eglise l'intelligence toujours plus vive du souverain mystère de l'auguste Trinité, l'amène à contempler à la suite cette autre merveille qui concentre elle-même toutes les opérations du Verbe incarné, et nous conduit dès cette vie à l'union divine. Le mystère de la très sainte Eucharistie va éclater dans toute sa splendeur, et il importe de préparer les yeux de notre âme à recevoir d'une manière salutaire l'irradiation qui nous attend.

 

De même que nous n'avons jamais été sans la notion du mystère de la sainte Trinité, et que nos hommages se sont toujours dirigés vers elle ; de même aussi la divine Eucharistie n'a cessé de nous accompagner dans tout le cours de cette Année liturgique, soit comme moyen de rendre nos hommages à la suprême Majesté, soit comme aliment de la vie surnaturelle. Nous pouvons dire que ces deux ineffables mystères nous sont connus, que nous les aimons ; mais les grâces de la Pentecôte nous ont ouvert une nouvelle entrée dans ce qu'ils ont de plus intime, et si le premier nous a apparu hier entouré des rayons d'une lumière nouvelle, le second va luire pour nous d'un éclat que l'œil de notre âme n'avait pas perçu encore.

 

 La sainte Trinité, ainsi que nous l'avons fait voir, étant l'objet essentiel de toute la religion, le centre où vont se rendre tous nos hommages, lors même qu'il semble que nous n'y portons pas une intention immédiate, on peut dire aussi que la divine Eucharistie est le plus puissant moyen de rendre à Dieu le culte qui lui est dû, et c'est par elle que la terre s'unit au ciel.

 

Il est donc aisé de pénétrer la raison du retard que la sainte Eglise a mis à l'institution des deux solennités qui succèdent immédiatement à celle de la Pentecôte. Tous les mystères que nous avons célébrés jusqu'ici étaient contenus dans l'auguste Sacrement qui est le mémorial et comme l'abrégé des merveilles que le Seigneur a opérées pour nous. La réalité de la présence du Christ sous les espèces sacramentelles faisait que, dans l'Hostie sainte, nous reconnaissions au temps de Noël l'Enfant qui nous était né, au temps de la Passion la victime qui nous rachetait, au temps Pascal le glorieux triomphateur de la mort. Nous ne pouvions célébrer tous ces beaux mystères sans appeler à notre secours l'immortel Sacrifice, et il ne pouvait être offert sans les renouveler et les reproduire.

 

 Les fêtes mêmes de la très sainte Vierge et des Saints nous maintenaient dans la contemplation du divin Sacrement. Marie, que nous avons honorée dans ses solennités de l'Immaculée Conception, de la Purification, de l'Annonciation, n'a-t-elle pas fourni de sa propre substance ce corps et ce sang que nous offrions sur l'autel ? La force invincible des Apôtres et des Martyrs que nous avons célébrés, ne l'ont-ils pas puisée dans l'aliment sacré qui donne l'ardeur et la constance ? Les Confesseurs et les Vierges ne nous ont-ils pas apparu comme la floraison du champ de l'Eglise qui se couvre d'épis et de grappes de raisin, grâce à la fécondité que lui donne Celui qui est à la fois le froment et la vigne ? 

 

Réunissant tous nos moyens pour honorer ces heureux habitants de la cour céleste, nous avons fait appel à la divine psalmodie, aux hymnes, aux cantiques, aux formules les plus pompeuses et les plus tendres ; mais, en fait d'hommages à leur gloire, rien n'égalait l'offrande du Sacrifice. Là, nous entrions en communication directe avec eux, selon l'énergique expression de l'Eglise au sacré Canon. Ils adorent éternellement la très sainte Trinité par Jésus-Christ et en Jésus-Christ ; par le Sacrifice nous nous unissions à eux dans le même centre, nous mêlions nos hommages avec les leurs, et il en résultait pour eux un accroissement d'honneur et de félicité. La divine Eucharistie, Sacrifice et Sacrement, nous a donc toujours été présente ; et si, en ces jours, nous devons nous recueillir pour en mieux comprendre la grandeur et la puissance infinies ; si nous devons nous efforcer d'en goûter avec plus de plénitude l'ineffable suavité, ce n'est point une découverte qui nous apparaît soudain : il s'agit de l'élément que l'amour du Christ nous a préparé, et dont nous usons déjà, pour entrer en rapport direct avec Dieu et lui rendre nos devoirs les plus solennels à la fois et les plus intimes.

 

 Cependant l'Esprit divin qui gouverne l'Eglise devait lui inspirer un jour la pensée d'établir une solennité particulière en l'honneur du mystère auguste où sont contenus tous les autres. L'élément sacré qui donne à toutes les fêtes de l'année leur raison d'être et les illumine de sa propre splendeur, la très sainte Eucharistie, appelait par elle-même une fête pompeuse en rapport avec la magnificence de son objet.

 

 Mais cette exaltation de la divine Hostie, ces marches triomphales si justement chères à la piété chrétienne de nos jours, étaient impossibles dans l'Eglise au temps des martyrs. Elles restèrent inusitées après la victoire, comme n'entrant pas dans la manière et l'esprit des formes liturgiques primitives, qui continuèrent longtemps d'être en usage. Elles étaient d'ailleurs moins nécessaires et comme superflues pour la foi vive de cet âge : la solennité du Sacrifice même, la participation commune aux Mystères sacrés, la louange non interrompue des chants liturgiques rayonnant par le monde autour de l'autel, rendaient à Dieu hommage et gloire, maintenaient l'exacte notion du dogme, et entretenaient dans le peuple chrétien une surabondance de vie surnaturelle qu'on ne retrouve plus à l'âge suivant. Le divin mémorial portait ses fruits ; les intentions du Seigneur instituant le mystère étaient remplies, et le souvenir de cette institution, célébré dès lors comme de nos jours à la Messe du Jeudi saint, restait gravé profondément dans le cœur des fidèles.

 

 Il en fut ainsi jusqu'au XIIIe siècle. Mais alors, et par suite du refroidissement que constate l'Eglise au commencement de ce siècle, la foi s'affaiblit, et avec elle la mâle piété des vieilles nations chrétiennes. Dans cette décadence progressive que ne devaient pas arrêter des merveilles de sainteté individuelle, il était à craindre que l'adorable Sacrement, qui est le mystère de la foi par essence, n'eût à souffrir plus qu'aucun autre de l'indifférence et de la froideur des nouvelles générations. Déjà, ici et là, inspirée par l'enfer, plus d'une négation sacrilège avait retenti, effrayant les peuples, trop fidèles encore généralement pour être séduits, mais excitant la vigilance des pasteurs et faisant déjà de nombreuses victimes.

 

 Scot Erigène avait produit la formule de l'hérésie sacramentaire : l'Eucharistie n'était pour lui "qu'un signe, figure de l'union spirituelle avec Jésus, perçue par la seule intelligence". Son pédantisme obscur eut peu d'écho, et ne prévalut pas contre la tradition catholique exposée dans les savants écrits de Paschase Radbert, Abbé de Corbie. Réveillés au XIe siècle par Bérenger, les sophismes de Scot troublèrent alors plus sérieusement et plus longuement l'Eglise de France, sans toutefois survivre à l'astucieuse vanité de leur second père. L'enfer avançait peu dans ces attaques trop directes encore ; il atteignit mieux son but par des voies détournées. L'empire byzantin nourrissait, dans ses flancs féconds pour l'hérésie, les restes de la secte manichéenne qui, regardant la chair comme l'œuvre du principe mauvais, renversait l'Eucharistie par la base. Pendant qu'avide de renommée, Bérenger dogmatisait à grand bruit sans profit pour l'erreur, la Thrace et la Bulgarie dirigeaient silencieusement leurs apôtres vers l'Occident. La Lombardie, les Marches et la Toscane furent infectées ; passant les monts, l'impure étincelle éclata sur plusieurs points à la fois du royaume très chrétien : Orléans, Toulouse, Arras, virent le poison pénétrer dans leurs murs. On crut avoir étouffé le mal à sa naissance par d'énergiques répressions ; mais la contagion s'étendait dans l'ombre. Prenant le midi de la France pour base de ses opérations, l'hérésie s'organisa sourdement pendant toute la durée du XIIe siècle ; tels furent ses progrès latents, que, se découvrant enfin, au commencement du XIIIe, elle prétendit soutenir les armes à la main ses dogmes impies. Il fallut des flots de sang pour la réduire et lui enlever ses places fortes ; et longtemps encore après la défaite de l'insurrection armée, l'Inquisition dut surveiller activement les provinces éprouvées par le fléau des Albigeois.

 

 Simon de Montfort avait été le vengeur de la foi. Mais au temps même où le bras victorieux du héros chrétien terrassait l'hérésie, Dieu préparait à son Fils, indignement outragé par les sectaires dans le Sacrement de son amour, un triomphe plus pacifique et une réparation plus complète. En 1208, une humble religieuse hospitalière, la Bienheureuse Julienne du Mont-Cornillon. près Liège, avait une vision mystérieuse, où lui apparaissait la lune dans son plein, montrant sur son disque une échancrure. Quoi qu'elle fit pour chasser ce qu'elle craignait être une illusion, la même vision continua de se présenter invariablement à ses yeux, toutes les fois qu'elle se mettait en prières. Après deux ans d'efforts et de supplications ardentes, il lui fut enfin révélé que la lune signifiait l'Eglise de son temps, et l'échancrure qu'elle y remarquait l'absence d'une solennité au Cycle liturgique, Dieu voulant qu'une fête nouvelle fût célébrée chaque année pour honorer solennellement et à part l'institution de la très sainte Eucharistie : la mémoire historique de la Cène du Seigneur au Jeudi saint ne répondait pas aux besoins nouveaux des peuples ébranlés par l'hérésie ; elle ne suffisait plus à l'Eglise, distraite d'ailleurs alors par les importantes fonctions de ce jour, et bientôt absorbée par les tristesses du grand Vendredi.

 

 En même temps que Julienne recevait cette communication, il lui fut enjoint de mettre elle-même la main à l'oeuvre et de faire connaître au monde les divines volontés. Vingt années se passèrent avant que l'humble et timide vierge pût prendre sur elle le courage d'une telle initiative. Elle s'en ouvrit enfin à un chanoine de Saint-Martin de Liège, nommé Jean de Lausanne, qu'elle estimait singulièrement pour sa grande sainteté, et le pria de conférer sur l'objet de sa mission avec les docteurs. Tous s'accordèrent à reconnaître que non seulement rien ne s'opposait à l'établissement de la fête projetée, mais qu'il en résulterait au contraire un accroissement de la gloire divine et un grand bien dans les âmes. Réconfortée par cette décision, la Bienheureuse fit composer et approuver pour la future fête un Office propre commençant par ces mots : Animarum cibus, et dont il reste encore aujourd'hui quelques fragments.

 

L'Eglise de Liège, à qui l'Eglise universelle devait hier la fête de la Très Sainte Trinité, était prédestinée au nouvel honneur de donner naissance à là fête du Très Saint Sacrement. Ce fut un beau jour, lorsque, en 1246, après un si long temps et des obstacles sans nombre, Robert de Torôte, évêque de Liège, établit par décret synodal que chaque année, le Jeudi après la Trinité, toutes les Eglises de son diocèse auraient à observer désormais, avec abstention des œuvres servîtes et jeûne préparatoire, une fête solennelle en l'honneur de l'ineffable Sacrement du Corps du Seigneur.

 

 Mais la mission de la Bienheureuse Julienne était loin d'être à son terme : pour avoir trop hésité sans doute à l'entreprendre, Dieu mesurait la joie à sa servante. L'évêque mourut ; et le décret qu'il venait de porter fût resté lettre morte, si, seuls de tout le diocèse, les chanoines de Saint-Martin-au-Mont n'eussent résolu de s'y conformer, malgré l'absence d'une autorité capable d'en presser l'exécution pendant la vacance. La fête du Très Saint Sacrement fut donc célébrée pour la première fois dans cette insigne église, en 1247. Le successeur de Robert, Henri de Gueldre, homme de guerre et grand seigneur, avait d'autres soucis que son prédécesseur. Hugues de Saint-Cher, cardinal de Sainte-Sabine, légat en Allemagne, étant venu à Liège pour remédier aux désordres qui s'y produisaient sous le nouveau gouvernement, entendit parler du décret de Robert et de la nouvelle solennité. Autrefois prieur et provincial des Frères-Prêcheurs, il avait été de ceux qui, consultés par Jean de Lausanne, en avaient loué le projet. Il tint à honneur de célébrer lui-même la fête, et d'y chanter la Messe en grande pompe. En outre, par mandement en date du 29 décembre 1253, adressé aux Archevêques, Evêques, Abbés et fidèles du territoire de sa légation, il confirma le décret de l'évêque de Liège et l'étendit à toutes les terres de son ressort, accordant une indulgence de cent jours à tous ceux qui, contrits et confessés, visiteraient pieusement les églises où se ferait l'Office de la fête, le jour même ou dans l'Octave. L'année suivante, le cardinal de Saint-Georges-au-Voile-d'Or, qui lui succéda dans sa légation, confirma et renouvela les ordonnances du cardinal de Sainte-Sabine. Mais ces décrets réitérés ne purent triompher de la froideur générale ; et telles furent les manœuvres de l'enfer, qui se sentait atteint dans ses profondeurs, qu'après le départ des légats, on vit des hommes d'église , d'un grand nom et constitués en dignité, opposer aux ordonnances leurs décisions particulières. Quand mourut la Bienheureuse Julienne, en 1258, l'Eglise de Saint-Martin était toujours la seule où se célébrât la fête qu'elle avait eu pour mission d'établir dans le monde entier. Mais elle laissait, pour continuer son œuvre, une pieuse recluse du nom d'Eve, qui avait été la confidente de ses pensées.

 

Le 29 août 1261, Jacques Pantaléon montait au trône pontifical sous le nom d'Urbain IV. Né à Troyes, dans la condition la plus obscure, ses seuls mérites avaient amené son élévation. Il avait connu la Bienheureuse Julienne, lorsqu'il n'était encore qu'archidiacre de Liège, et avait approuvé ses desseins. Eve crut voir dans cette exaltation le signe de la Providence. Sur les instances de la recluse, Henri de Gueldre écrivit au nouveau Pape pour le féliciter, et le prier de confirmer de son approbation souveraine la fête instituée par Robert de Torôte. Dans le même temps, divers prodiges, et spécialement celui du corporal de Bolsena, ensanglanté par une hostie miraculeuse presque sous les yeux de la cour pontificale qui résidait alors à Orvieto, semblèrent venir presser Urbain de la part du ciel, et affermir le bon zèle qu'il avait autrefois manifesté pour l'honneur du divin Sacrement. Saint Thomas d'Aquin fut chargé de composer selon le rit romain l'Office qui devait remplacer dans l'Eglise celui de la Bienheureuse Julienne, adapté par elle au rit de l'ancienne liturgie française.

 

 La bulle Transiturus fit ensuite connaître au monde les intentions du Pontife : rappelant les révélations dont, constitué en moindre dignité, il avait eu autrefois connaissance, Urbain IV établissait dans l'Eglise universelle, en vertu de son autorité apostolique, pour la confusion de l'hérésie et l'exaltation de la foi orthodoxe, une solennité spéciale en l'honneur de l'auguste mémorial laissé par le Christ à son Eglise. Le jour assigné pour cette fête était la Férie cinquième ou Jeudi après l'octave de la Pentecôte ; car, à la différence du décret de l'évêque de Liège, la bulle ne mentionnait pas la fête de la Très Sainte Trinité, non reçue encore dans l'Eglise Romaine. Suivant la voie ouverte par Hugues de Saint-Cher, le Pontife accordait cent jours d'indulgence à tous ceux qui, vraiment contrits et confessés, assisteraient à la Messe ou aux Matines, aux premières ou aux secondes Vêpres de la fête, et quarante jours pour chacune des Heures de Prime, Tierce, Sexte, None et Complies. Cent jours étaient également concédés, pour chacun des jours de l'Octave, aux fidèles qui assisteraient, en ces jours, à la Messe et à l'Office entier. Dans un si grand détail, il n'est point fait mention de la Procession, qui ne s'établit en effet qu'au siècle suivant.

 

 Il semblait que la cause fût enfin terminée. Mais les troubles qui agitaient alors l'Italie et l'Empire firent oublier la bulle d'Urbain IV, avant qu'elle eût pu recevoir son exécution. Quarante ans et plus s'écoulèrent avant qu'elle fût promulguée de nouveau et confirmée par Clément V, au concile de Vienne. Jean XXII lui donna force de loi définitive, en l'insérant au Corps du Droit dans les Clémentines, et il eut ainsi la gloire de mettre la dernière main, vers l'an 1318, à ce grand œuvre dont l'achèvement avait demandé plus d'un siècle.

 

 La fête du Très Saint Sacrement, ou du Corps du Seigneur, marqua le point de départ d'une nouvelle phase dans le culte catholique envers la divine Eucharistie. Mais, pour le bien comprendre, il faut entrer plus avant dans la notion du culte eucharistique aux différentes époques de l'Eglise : étude importante pour l'intelligence de la grande fête à laquelle nous devons maintenant préparer nos âmes. Nous croyons donc choisir le meilleur mode de préparation que puisse offrir aux fidèles l'Année liturgique, en consacrant les jours qui nous restent à rechercher succinctement et brièvement les grandes lignes de l'histoire de la très sainte Eucharistie.

 

 C'est à vous, Esprit-Saint, qu'il appartient de nous apprendre l'histoire d'un si auguste mystère. Votre règne est à peine commencé sur le monde, et, fidèle à cette mission divine qui a pour but la glorification de l'Emmanuel ravi à la terre, vous élevez tout d'abord nos regards et nos coeurs vers ce don suprême de son amour qui nous le garde caché sous les voiles eucharistiques. Durant les siècles de l'attente des nations, c'est vous qui déjà présentiez le Verbe au genre humain dans les Ecritures, et l'annonciez par les Prophètes. Don premier du Très-Haut, vous êtes, comme amour infini, la raison substantielle et souveraine des manifestations divines ; ainsi attirâtes-vous ce Verbe divin au sein de la Vierge immaculée, pour l'y revêtir de la chair virginale qui le fit notre frère et notre Sauveur. Et maintenant qu'il est remonté vers son Père et notre Père, dérobant à nos yeux cette nature humaine ornée par vous de tant de perfections et d'attraits vainqueurs, maintenant qu'il nous faut reprendre sans lui les pérégrinations de cette vallée des larmes, envoyé par lui, vous êtes venu, divin Esprit, comme le consolateur. Mais la consolation que vous nous apportez, ô Paraclet, c'est toujours son fidèle souvenir, c'est encore plus sa divine présence gardée par vous au Sacrement d'amour. Nous le savions d'avance : vous ne deviez pas agir ni parler de vous-même, ou pour vous-même ; vous veniez rendre témoignage à l'Emmanuel, maintenir son œuvre et reproduire en chacun de nous sa divine ressemblance.

 

 Qu'il est admirable l'accomplissement de cette mission sublime, tout entière à la gloire de l'Emmanuel ! Esprit divin, gardien du Verbe dans l'Eglise, nous ne pouvons redire ici votre vigilance sur cette divine parole apportée par Jésus au monde, expression très fidèle de lui-même, et qui, sortie comme lui de la bouche du Père, nourrit aussi l'Epouse ici-bas. Mais de quel respect infini, de quelle sollicitude n'entourez-vous pas le Sacrement auguste où réside tout entier, dans la réalité de sa chair adorable, ce même Verbe incarné qui fut dès l'origine du monde le centre et le but de vos divines opérations ! Par votre toute-puissance produisant le mystère, l'Epouse exilée se retrouve en possession de l'Epoux ; par vous elle traverse les siècles, gardant chèrement son trésor ; par vous elle le fait valoir avec une délicatesse infinie, ordonnant, modifiant sa discipline et sa vie même, pour assurer dans tous les âges au divin Sacrement la plus grande somme possible de foi, de respect et d'amour. Qu'elle le dérobe anxieuse à la connaissance des profanes, qu'elle accumule autour de lui dans la Liturgie ses pompes et ses magnificences, ou que, sortant avec lui des temples, elle le promène triomphalement dans les rues des cités populeuses ou les sentiers fleuris des campagnes, c'est vous, divin Esprit, qui l'inspirez ; c'est votre divine prévoyance qui lui suggère, selon les temps, la plus sûre manière de conquérir à l'Emmanuel, toujours présent dans l'Hostie, les hommages et les cœurs de ces enfants des hommes, au milieu desquels il daigne trouver ainsi jusqu'à la fin les délices de son amour.

 

 Daignez nous assister dans la contemplation de l'auguste mystère. Eclairez les intelligences, échauffez les cœurs en ces jours de préparation ; révélez à nos âmes Celui qui vient à nous sous les voiles du Sacrement.

 

Dans la dernière partie de cette Année liturgique, qu'il soit pour nous le pain du voyageur. Une longue route nous reste encore à parcourir, bien différente de celle que nous avons suivie jusqu'ici en compagnie du Seigneur et de ses mystères, route laborieuse à travers le désert qui nous sépare de la montagne de Dieu. Esprit-Saint, vous serez notre guide dans ces sentiers où l'Eglise, conduite par vous, marche avec courage, se rapprochant chaque jour du terme de son pèlerinage ici-bas. Mais vous-même nous amenez dès le début à ce banquet de la divine Sagesse où le pèlerin trouve sa vigueur. Nous marcherons dans la force du mets céleste ; c'est par lui encore que, la course achevée, de concert avec l'Esprit et l'Epouse, nous ferons retentir l'invincible appel de l'heure suprême qui nous rendra le Seigneur Jésus.

 

 A la gloire de l'auguste Sacrement, et pour honorer la Bienheureuse Julienne, à qui l'Eglise est si redevable en ces jours, nous donnerons l'histoire des principaux fragments parvenus jusqu'à nous de l'Office qui porte son nom, on nous saura gré de citer ici quelques traits de l'historien de la Bienheureuse sur la manière dont cet Office fut composé :

 

 " Julienne donc se prit à penser qui elle inviterait à la composition de l'Office d'une si grande solennité. Or, faisant réflexion qu'elle n'avait sous la main ni hommes lettrés, ni clercs excellents qui fussent propres à cela par eux-mêmes, confiante en la divine Sagesse, elle choisit en son cœur un tout jeune frère de sa maison, nommé Jean, que Dieu lui avait attaché d'une façon mystérieuse. Mais lui, sachant bien qu'une telle œuvre excédait la mesure de son génie et de sa science, étant de peu de littérature, commença par hésiter et s'excuser sur son ignorance. Julienne, qui, sachant tout cela, savait aussi que la divine Sagesse, dont c'était l'œuvre, peut dire par un ignorant de belles choses, fit tant que, vaincu par les prières et l'autorité de la vierge, il commença de travailler. Et ainsi advint-il que ce jeune frère et la vierge du Christ unissant leurs efforts, elle priant, lui écrivant, l'œuvre se poursuivit plus facilement qu'il n'eût pu s'y attendre. Aussi attribuait-il aux prières de la vierge, plus qu'à son travail, ce qu'il pouvait faire, et lorsqu'il avait achevé quelque chose du susdit Office, il le lui apportait, disant : 'Voici, Madame, qui vous est envoyé d'en haut ; examinez, et voyez s'il n'y a rien à changer dans le chant ou la lettre'. Elle, par son admirable science infuse, quand il en était besoin, le faisait avec si grande prudence et habileté, qu'après son examen et correction, il ne fut jamais nécessaire de requérir même le poli des maîtres de la science. Ainsi fut consommé, par un merveilleux secours de Dieu, l'Office entier de la nouvelle fête."

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

L'Homme des Douleurs par Petrus Christus

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 21:15

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A member of the media looks at an amulet during a preview of a new exhibition entitled "Angels and Demons, Jewish Magic through the Ages" at the Bible Lands Museum in Jerusalem May 3, 2010

   

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A Palestinian woman hangs laundry outside her house in front of a section of the controversial Israeli barrier in the Shuafat refugee camp in the West Bank near Jerusalem May 4, 2010

 

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A Palestinian man walks with a donkey through an alley in Jerusalem's Old City, Monday, May 10, 2010

 

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A Palestinian vendor reads a newspaper at his shop in Jerusalem's Old City, Monday, May 10, 2010

 

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Israeli youths wave Israeli flags during a march celebrating Jerusalem Day in front Damascus Gate in Jerusalem's Old City, Wednesday, May 12, 2010

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Israelis wave national flags during a parade marking Jerusalem Day in front of the Damascus Gate in Jerusalem's Old City May 12,2010. Jerusalem Day marks the anniversary of Israel's capture of the Eastern part of the city during the 1967 Middle East War. Israel annexed East Jerusalem as part of its capital in a move not recognized internationally.

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Israeli Orthodox Jewish men dance after the morning prayer at Jerusalem's Western Wall, May 12,2010

Israelis gather near the Western Wall in Jerusalem ...

Israelis gather near the Western Wall in Jerusalem as they mark Jerusalem Day in Jerusalem's Old City May 12, 2010

Jewish men dance during Jerusalem Day celebrations ...

 An ultra-Orthodox Jew (bottom R) prays as other Jewish men dance during Jerusalem Day celebrations at the Western Wall, Judaism's holiest prayer site, in Jerusalem's Old City May 12, 2010

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An ultra-Orthodox Jew prays at Samuel's Tomb on the outskirts of Jerusalem May 12, 2010

  

A Palestinian woman walks through an alley in ...

A Palestinian woman walks through an alley in Jerusalem's Old City, Wednesday, May 19, 2010

 

Palestinians and Ultra-Orthodox Jewish men are ...

Palestinians and Ultra-Orthodox Jewish men are reflected on a mirror while they walk through an alley in Jerusalem's Old City, Wednesday, May 19, 2010

   

A Palestinian woman walks past Israeli border ...

A Palestinian woman walks past Israeli border police officers during a protest against a Jewish settlement in the Sheikh Jarrah neighbourhood in East Jerusalem May 21, 2010.

 

Israeli border police officers take position ...

Israeli border police officers take position towards Palestinian youths who are throwing stones in protest of Israel's interception of a convoy of Gaza-bound aid ships, in Jerusalem's Old City May 31, 2010.

Palestinian youths throw stones in Jerusalem

Palestinian youths throw stones, in protest of Israel's interception of a convoy of Gaza-bound aid ships, towards Israeli border police in Jerusalem's Old City May 31, 2010

   

 

A Palestinian man looks out from a shop's door ...

A Palestinian man looks out from a shop's door on an Israeli border policeman patrolling an alley in Jerusalem's Old city, Monday, May 31, 2010 

 

   

 

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 04:00

La Visitation par Rogier van der Weyden 

 

Déjà, dans les jours qui précédèrent la naissance du Sauveur, la visite de Marie à sa cousine Elisabeth a fait l'objet de nos méditations. Mais il convenait de revenir sur une circonstance aussi importante de la vie de Notre-Dame ; la simple mémoire de ce mystère , au temps de l'Avent, ne suffisait point à faire ressortir ce qu'il renferme par lui-même d'enseignement profond et de sainte allégresse. En se complétant dans le cours des âges, la sainte Liturgie devait exploiter cette mine précieuse, à l'honneur de la Vierge-Mère.

 

L'Ordre de saint François et quelques églises particulières, comme celles du Mans, de Reims et de Paris, avaient déjà pris les devants, lorsqu'Urbain VI, en l'année 1389, institua la solennité du présent jour. Le Pape conseillait le jeûne en la vigile de la fête, et ordonnait qu'elle fût suivie d'une Octave ; il accordait à sa célébration les mêmes indulgences qu'Urbain IV avait, dans le siècle précédent, attachées à la fête du Corps du Seigneur. La bulle de promulgation, arrêtée par la mort du Pontife, fut reprise et publiée par Boniface IX qui lui succéda sur le Siège de saint Pierre.

 

 Nous apprenons des Leçons de l'Office primitivement composé pour cette fête, que le but de son institution avait été, dans la pensée d'Urbain, d'obtenir la cessation du schisme qui désolait alors l'Eglise. Exilée de Rome durant soixante-dix ans, la papauté venait d'y rentrer à peine ; l'enfer, furieux d'un retour qui contrariait ses plans opposés là comme partout à ceux du Seigneur, s'en était vengé en parvenant à ranger sous deux chefs le troupeau de l'unique bercail. Telle était l'obscurité dont de misérables intrigues avaient su couvrir l'autorité du légitime pasteur, qu'on vit nombre d'églises hésiter de bonne foi et, finalement, préférer la houlette trompeuse du mercenaire. Les ténèbres devaient même s'épaissir encore, et la nuit devenir un moment si profonde, que les ordres de trois papes en présence allaient se croiser sur le monde, sans que le peuple fidèle, frappé de stupeur, parvînt à discerner sûrement la voix du Vicaire du Christ. Jamais situation plus douloureuse n'avait été faite à l'Epouse du Fils de Dieu.

 

Mais Notre-Dame, vers qui s'était tourné le vrai Pontife au début de l'orage, ne fit point défaut à la confiance de l'Eglise. Durant les années que l'insondable justice du Très-Haut avait décrété de laisser aux puissances de l'abîme, elle se tint en défense, maintenant si bien la tête de l'ancien serpent sous son pied vainqueur, qu'en dépit de l'effroyable confusion qu'il avait soulevée, sa bave immonde ne put souiller la foi des peuples ; leur attachement restait immuable à l'unité de la Chaire romaine, quel qu'en fût dans cette incertitude l'occupant véritable. Aussi l'Occident, disjoint en fait, mais toujours un quant au principe, se rejoignit comme de lui-même au temps marqué par Dieu pour ramener la lumière. Cependant, l'heure venue pour la Reine des saints de prendre l'offensive, elle ne se contenta pas de rétablir dans ses anciennes positions l'armée des élus ; l'enfer dut expier son audace, en rendant à l'Eglise les conquêtes mêmes qui lui semblaient depuis des siècles assurées pour jamais. La queue du dragon n'avait point encore fini de s'agiter à Bâle, que Florence voyait les chefs du schisme grec, les Arméniens, les Ethiopiens, les dissidents de Jérusalem, de Syrie et de Mésopotamie, compenser par leur adhésion inespérée au Pontife romain les angoisses que l'Occident venait de traverser.

 

Il restait à montrer qu'un pareil rapprochement des peuples au sein même de la tempête, était bien l'œuvre de celle que le pilote avait, un demi-siècle auparavant, appelée au secours de la barque de Pierre. On vit les factieux de l'assemblée de Bâle en donner la preuve, trop négligée par des historiens qui ne soupçonnent plus l'importance des grands faits liturgiques dans l'histoire de la chrétienté ; sur le point de se séparer, les derniers tenants du schisme consacrèrent la quarante-troisième session de leur prétendu concile à promulguer, pour ses adhérents, cette même fête de la Visitation en l'établissement de laquelle Urbain VI avait dès l'abord mis son espoir. Malgré la résistance de quelques obstinés, le schisme était vraiment fini dès lors ; l'orage se dissipait : le nom de Marie, invoqué des deux parts, resplendissait comme le signe de la paix sur les nuées. Ainsi l'arc-en-ciel unit dans sa douce lumière les extrémités opposées de l'horizon. Contemplez-le, dit l'Esprit-Saint, et bénissez celui qui l'a fait ; car il est beau dans sa splendeur ! Il embrasse les cieux dans le circuit de sa gloire.

 

 Si l'on se demande pourquoi Dieu voulut que le mystère de la Visitation, et non un autre, devînt, par cette solennité qui lui fut consacrée, le monument de la paix reconquise : il est facile d'en trouver la raison dans la nature même de ce mystère et les circonstances où il s'accomplit.

 

 C'est là surtout que Marie apparaît, en effet, comme la véritable arche d'alliance : portant en elle, non plus les titres périmés du pacte de servitude conclu au bruit du tonnerre entre Jéhovah et les Juifs ; mais l'Emmanuel, témoignage vivant d'une réconciliation plus vraie, d'une alliance plus sublime entre la terre et les cieux. Par elle, mieux qu'en Adam, tous les hommes seront frères ; car celui qu'elle cache en son sein sera le premier-né de la grande famille des fils de Dieu. A peine conçu, voici que pour lui commence l'œuvre d'universelle propitiation. Levez-vous, ô Seigneur, vous et l'arche d'où votre sainteté découlera sur le monde. De Nazareth aux montagnes de Judée, dans sa marche rapide, elle sera protégée par l'aile des chérubins jaloux de contempler sa gloire. Au milieu des guerriers les plus illustres et des chœurs d'Israël, David conduisit l'arche figurative de la maison d'Abinadab à celle d'Obedédom ; mieux que lui, Dieu votre Père saura entourer l'arche sacrée du Testament nouveau, lui composant une escorte de l'élite des célestes phalanges.

 

 Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l'hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d'or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l'éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer l'union qu'ambitionnait son amour ! Par le péché d'origine, l'ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l'ornement dans les siècles sans fin ; l'ambassade de l'ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n'avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d'Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d'Azot en firent autrefois l'expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l'arche : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l'âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l'arche de l'alliance n'arrêtera ses triomphes qu'avec la réconciliation du dernier des élus.

 

 Célébrons cette journée par nos chants d'allégresse ; car toute victoire, pour l'Eglise et ses fils, est en germe dans ce mystère : désormais l'arche sainte préside aux combats du nouvel Israël. Plus de division entre l'homme et Dieu, le chrétien et ses frères ; si l'arche ancienne fut impuissante à empêcher la scission des tribus, le schisme et l'hérésie n'auront licence de tenir tête à Marie durant plus ou moins d'années ou de siècles, que pour mieux enfin faire éclater sa gloire. D'elle sans cesse, comme en ce jour béni, s'échapperont, sous les yeux de l'ennemi confondu, et la joie des petits, et la bénédiction de tous, et la perfection des pontifes. Au tressaillement de Jean, à la subite exclamation d'Elisabeth, au chant de Zacharie, joignons le tribut de nos voix ; que toute la terre en retentisse. Ainsi jadis était saluée la venue de l'arche au camp des Hébreux ; les Philistins, l'entendant, savaient par là que le secours du Seigneur était descendu ; et, saisis de crainte, ils  gémissaient, disant : "Malheur à nous : il n'y avait pas si grande joie hier ; malheur à nous !"

 

 Oui certes, aujourd'hui avec Jean, le genre humain tressaille et il chante ;  oui certes, aujourd'hui à bon droit l'ennemi se lamente : le premier coup du talon de la femme frappe aujourd'hui sa tête altière, et  Jean délivré est en cela le précurseur de nous tous. Plus heureux que l'ancien, le nouvel Israël est assuré que jamais sa gloire ne lui  sera ôtée ; jamais ne sera prise l'arche sainte qui lui fait traverser les flots et abat devant lui les forteresses. Combien donc n'est-il pas juste que ce jour, où prend fin la série de défaites commencée en Eden, soit aussi le jour des cantiques nouveaux du nouveau peuple ! Mais à qui d'entonner l'hymne du triomphe, sinon à qui remporte la victoire ? Levez-vous donc, levez-vous, Debbora ; levez-vous et chantez le Cantique. Les forts avaient disparu, jusqu'à ce que s'élevât Marie, la vraie Debbora, jusqu'à ce que parût la Mère en Israël.

 

 " C'est moi, c'est moi, dit-elle en effet, qui chanterai au  Seigneur, qui célébrerai le Dieu d'Israël. Selon  la parole de mon aïeul David, magnifiez avec moi le Seigneur, et tous  ensemble exaltons  son saint nom. Mon cœur, comme celui d'Anne, a tressailli en Dieu son Sauveur. Car, de même qu'en Judith sa servante, il a accompli en moi sa miséricorde et fait que ma louange sera dans toutes les bouches jusqu'à l'éternité. Il est puissant celui qui a fait en moi de grandes choses ; il n'est point de sainteté pareille à la sienne. Ainsi que par Esther, il a pour toutes les générations sauvé ceux qui le craignent ; dans la force de son bras, il a retourné contre l'impie les projets de son cœur, renversant l'orgueilleux Aman de son siège et relevant les humbles ; il a fait passer des riches aux affamés l'abondance ; il s'est ressouvenu de son peuple et a eu pitié de son héritage. Telle était bien la promesse que reçut Abraham, et que nos pères nous ont transmise : il a fait comme il avait dit."

 

 Filles de Sion, et vous tous qui gémissiez dans les fers de Satan, l'hymne de la délivrance a donc retenti sur notre terre. A la suite de celle qui porte en son sein le gage de l'alliance, formons des chœurs ; mieux que Marie sœur d'Aaron, et à plus juste titre, elle préside au concert d'Israël. Ainsi elle chante en ce jour de triomphe, rappelant tous les chants de victoire qui préludèrent dans les siècles de l'attente à son divin Cantique. Mais les victoires passées du peuple élu n'étaient que la figure de celle que remporte, en cette fête de sa manifestation, la glorieuse souveraine qui, mieux que Debbora, Judith ou Esther, a commencé de délivrer son peuple ; en sa bouche, les accents de ses illustres devancières ont passé de l'aspiration enflammée des temps de la prophétie à l'extase sereine qui marque la possession du Dieu longtemps attendu. Une ère nouvelle commence pour les chants sacrés : la louange divine reçoit de Marie le caractère qu'elle ne perdra plus ici-bas, qu'elle gardera jusque dans l'éternité.

 

 Les considérations qui précèdent nous ont été inspirées par le motif spécial qui porta l'Eglise, au XIVe siècle, à instituer cette fête. Mais le mystère de la glorieuse Visitation est si vaste, que nous ne saurions, eu égard aux limites qui nous sont imposées, songer à épuiser ici tous les enseignements qu'il renferme.

 

La Visitation par Jacques Daret

 

Marie avait appris de l'archange qu'Elisabeth allait bientôt devenir mère. La pensée des services que réclament sa vénérable cousine et l'enfant qui va naître, lui fait prendre aussitôt la route des montagnes où est située l'habitation de Zacharie. Ainsi va, ainsi presse, quand elle est vraie, la charité du Christ. Il n'est point d'état d'âme où, sous le prétexte d'une perfection plus relevée, le chrétien puisse oublier ses frères. Marie venait de contracter avec Dieu l'union la plus haute ; et volontiers notre imagination se la représenterait impuissante à tout, perdue dans l'extase, durant ces jours où le Verbe, prenant chair de sa chair, l'inonde en retour de tous les flots de sa divinité.

 

L'Evangile est formel cependant : c'est en ces jours mêmes que l'humble vierge, assise jusque-là dans le secret de la face du Seigneur, se lève pour se dévouer à tous les besoins du prochain dans le corps et dans l'âme. Serait-ce à dire que les œuvres l'emportent sur la prière, et que la contemplation n'est plus la meilleure part ? Non, sans doute ; et Notre-Dame n'avait jamais si directement ni si pleinement qu'en ces mêmes jours, adhéré à Dieu par tout son être. Mais la créature parvenue sur les sommets de la vie unitive, est d'autant  plus apte aux œuvres du dehors qu'aucune dépense de soi ne peut la distraire du centre immuable où elle reste fixée.

 

 Insigne privilège, résultat de cette division de l'esprit et de l’âme à laquelle tous n'arrivent point, et qui marque l'un des pas les plus décisifs dans les voies spirituelles ; car elle suppose la purification tellement parfaite de l'être humain, qu'il ne forme plus en toute vérité qu'un même esprit avec le Seigneur ; elle entraîne une soumission si absolue des puissances, que, sans se heurter, elles obéissent simultanément, dans leurs sphères diverses, au souffle divin.

 

 Tant que le chrétien n'a point franchi ce dernier défilé défendu avec acharnement par la nature, tant qu'il n'a pas conquis cette liberté sainte des enfants de Dieu, il ne peut, en effet, aller à l'homme sans quitter Dieu en quelque chose. Non qu'il doive négliger pour cela ses devoirs envers le prochain, dans qui Dieu a voulu que nous le voyions lui-même ; heureux toutefois qui, comme Marie, ne perd rien de la meilleure part, en vaquant aux obligations de ce monde ! Mais combien petit est le nombre de ces privilégiés, et quelle illusion serait de se persuader le contraire !

 

 Nous retrouverons ces pensées au jour de la triomphante Assomption ; mais l'Evangile qu'on vient d'entendre, nous faisait un devoir d'attirer dès maintenant sur elles l'attention du lecteur. C'est spécialement en cette fête, que Notre-Dame a mérité d'être invoquée comme le modèle de tous ceux qui s'adonnent aux œuvres de miséricorde ; s'il n'est point donné à tous de tenir comme elle, dans le même temps, leur esprit plus que jamais abîmé en Dieu : tous néanmoins doivent s'efforcer d'approcher sans fin, par la pratique du recueillement et de la divine louange, des lumineux sommets où leur Reine se montre aujourd'hui dans la plénitude de ses perfections ineffables.

 

 Quelle est celle-ci, qui s'avance belle comme l'aurore à son lever, terrible comme une armée rangée en bataille ? Ô Marie, c'est aujourd'hui que, pour la première fois, votre douce clarté réjouit la terre. Vous portez en vous le Soleil de justice ; et sa lumière naissante frappant le sommet des monts, tandis que la plaine est encore dans la nuit, atteint d'abord le Précurseur illustre dont il est dit qu'entre les fils des femmes il n'est point de plus grand.

 

Bientôt l'astre divin, montant toujours, inondera de ses feux les plus humbles vallées. Mais que de grâce en ces premiers rayons qui s'échappent de la nuée sous laquelle il se cache encore ! Car vous êtes, ô Marie, la nuée légère, espoir du monde, terreur de l'enfer ; en sa céleste transparence, contemplant de loin les mystères de ce jour, Elie le père des prophètes et Isaïe leur prince découvrirent tous deux le Seigneur. Ils vous voyaient hâtant votre course au-dessus des montagnes, et ils bénissaient Dieu ; car, dit l'Esprit-Saint, lorsque l'hiver a enchaîné les neiges, desséché les vallées, brûlé les montagnes, le remède à tout est dans la hâte de la nuée.

 

 Hâtez-vous donc, ô Marie ! Venez à nous tous, et que ce ne soient plus seulement les montagnes qui ressentent les bienfaits de votre sereine influence : abaissez-vous jusqu'aux régions sans gloire où la plus grande partie du genre humain végète, impuissante à s'élever sur les hauteurs ; que jusque dans les abîmes de perversité les plus voisins du gouffre infernal, votre visite fasse pénétrer la lumière du salut. Oh ! puissions-nous, des prisons du péché, de la plaine où s'agite le vulgaire, être entraînés à votre suite ! Ils sont si beaux vos pas dans nos humbles sentiers, ils sont si suaves les parfums dont vous enivrez aujourd'hui la terre ! Vous n'étiez point connue, vous-même vous ignoriez, ô la plus belle des filles d'Adam, jusqu'à cette première sortie qui vous amène vers nos pauvres demeures et manifeste votre puissance. Le désert, embaumé soudain des senteurs du ciel, acclame au passage, non plus l'arche des figures, mais la litière du vrai Salomon, en ces jours mêmes qui sont les jours des noces sublimes qu'a voulu contracter son amour. Quoi d'étonnant si d'une course rapide elle franchit les montagnes, portant l'Epoux qui s'élance comme un géant de sommets en sommets ?

 

 Vous n'êtes pas, ô Marie, celle qui nous est montrée dans le divin Cantique hésitante à l'action malgré le céleste appel, inconsidérément éprise du mystique repos au point de le placer ailleurs que dans le bon plaisir absolu du Bien-Aimé. Ce n'est point vous qui, à la voix de l'Epoux, ferez difficulté de reprendre pour lui les vêtements du travail, d'exposer tant qu'il le voudra vos pieds sans tache à la poussière des chemins de ce monde. Bien plutôt : à peine s'est-il donné à vous dans une mesure qui ne sera connue d'aucune autre, que, vous gardant de rester absorbée dans la jouissance égoïste de son amour, vous-même l'invitez à commencer aussitôt le grand œuvre qui l'a fait descendre du ciel en terre : "Venez, mon bien-aimé, sortons aux champs, levons-nous dès le matin pour voir si la vigne a fleuri, pour hâter l'éclosion des fruits du salut dans les âmes ; c'est là que je veux être à vous". Et, appuyée sur lui, non moins que lui sur vous-même, sans rien perdre pour cela des délices du ciel, vous traversez notre désert ; et la Trinité sainte perçoit, entre cette mère et son fils, des accords inconnus jusque-là pour elle-même ; et les amis de l'Epoux, entendant votre voix si douce, ont, eux aussi, compris son amour et partagé vos joies. Avec lui, avec vous, de siècle en siècle, elles seront nombreuses les âmes qui, douées de l'agilité de la biche et du faon mystérieux, fuiront les vallées et gagneront les montagnes où brûle sans fin le pur parfum des cieux.

 

 Bénissez, ô Marie, ceux que séduit ainsi la meilleure part. Protégez le saint Ordre qui se fait gloire d'honorer spécialement le mystère de votre Visitation ; fidèle à l'esprit de ses illustres fondateurs, il ne cesse point de justifier son titre, en embaumant l'Eglise de la terre de ces mêmes parfums d'humilité, de douceur, de prière cachée, qui furent pour les anges le principal attrait de ce grand jour, il y a dix-huit siècles.

 

 Enfin, ô Notre-Dame, n'oubliez point les rangs pressés de ceux que la grâce suscite, plus nombreux que jamais en nos temps, pour marcher sur vos traces à la recherche miséricordieuse de toutes les misères ; apprenez-leur comment on peut, sans quitter Dieu, se donner au prochain : pour le plus grand honneur de ce Dieu très-haut et le bonheur de l'homme, multipliez ici-bas vos fidèles copies. Que tous enfin, vous ayant suivie en la mesure et la manière voulues par Celui qui divise ses dons à chacun comme il veut, nous nous retrouvions dans la patrie pour chanter d'une seule voix avec vous le Magnificat éternel !

 

La Visitation par Maulbertsch d'après Jouvenet à Notre Dame de Paris

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

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