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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 04:05

Les biens apportés au monde par l'Esprit divin continuent de se révéler dans la sainte Liturgie. François Caracciolo nous apparaît comme un type nouveau de cette fécondité sublime que le christianisme a donnée à la terre, et dont Clotilde et Blandine nous ont fourni des exemples si merveilleux. La foi des Saints est en eux le principe de la fécondité surnaturelle, comme elle le fut dans le père des croyants ; elle engendre à l'Eglise des membres isolés ou des nations entières ; d'elle procèdent également les multiples familles des Ordres religieux, qui, dans leur fidélité à suivre les voies diverses où les ont mises leurs fondateurs, sont le principal élément de la parure royale et variée dont resplendit l'Epouse à la droite de l'Epoux. C'est la pensée qu'exprimait le Souverain Pontife Pie VII, au jour de la canonisation de notre saint, voulant, disait-il : "redresser ainsi le jugement de ceux qui auraient apprécié la vie religieuse selon la vaine tromperie des points de vue de ce monde, et non selon la science de Jésus-Christ."  (Homil. in canoniz.)

 

 Le siècle de ruine où la voix du vicaire de l'Homme-Dieu s'adressait à la terre en cette circonstance solennelle, rappelait, sous des couleurs plus sombres encore, les temps calamiteux de la prétendue Réforme où François, comme  tant d'autres, avait prouvé par ses œuvres et sa vie l'indéfectible sainteté  de  l'Eglise. 

 

" L'Epouse de Jésus-Christ, disait l'auguste Pontife, l'Eglise est habituée maintenant à poursuivre la carrière de son pèlerinage, au milieu des persécutions du monde et des consolations du Seigneur. Par les Saints que Sa toute-puissance ne cesse de susciter dans tous les temps, Dieu,  comme il l'a promis, fait d'elle jusqu'à la fin la ville placée sur la montagne, le flambeau dont l'éclatante lumière frappe tous les yeux qui ne se  ferment pas de parti-pris pour ne point  voir.  Pendant que ses  ennemis s'unissent, formant pour la détruire de vains complots, pendant qu'ils disent : Quand donc mourra-t-elle ? quand périra son nom ? couronnée d'un éclat nouveau par les triomphes récents des soldats qu'elle envoie aux cieux, elle demeure glorieuse, annonçant pour toutes les générations à venir la puissance du bras du Seigneur." (Homil. in canoniz.)

 

 Le seizième siècle avait entendu à son début le plus effroyable blasphème qu'on eût proféré contre l'Epouse du Fils de Dieu. Celle qu'on appelait la prostituée de Babylone prouva sa légitimité, en face de l'hérésie impuissante à faire germer une vertu dans le monde, par l'admirable efflorescence des Ordres nouveaux sortis de son sein en quelques années, pour répondre aux exigences de la situation nouvelle qu'avait créée la révolte de Luther. Le retour des anciens Ordres à leur première ferveur, l'établissement de la Compagnie de Jésus, des Théatins, des Barnabites, des Frères de saint Jean de Dieu, de l'Oratoire de saint Philippe Néri, des Clercs réguliers de saint Jérôme Emilien et de saint Camille de Lellis, ne suffisent pas au divin Esprit ; comme pour marquer la surabondance de l'Epouse, il suscite à la fin du même siècle une autre famille, dont le trait spécial sera l'organisation parmi ses membres de la mortification et de la prière continues, par l'usage incessant des moyens de la pénitence chrétienne et l'adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement.

 

Sixte-Quint reçoit avec joie ces nouveaux combattants de la grande lutte ; pour les distinguer des autres Ordres déjà nombreux de clercs joignant aux obligations de leur saint état la pratique des conseils, et en preuve de son affection spécialement paternelle, l'illustre Pontife donné au monde par la famille franciscaine assigne à ces derniers venus le nom de Clercs Réguliers Mineurs.

 

Dans la même pensée de rapprochement avec l'Ordre séraphique, le saint que nous fêtons aujourd'hui, et qui doit être le premier Général du nouvel Institut, change le nom d'Ascagne qu'il portait jusque-là en celui de François.

 

 Le ciel, de son côté, sembla vouloir lui-même unir François Caracciolo et le patriarche d'Assise, en donnant à leurs vies une même durée de quarante-quatre ans. Comme son glorieux prédécesseur et patron, le fondateur des Clercs réguliers Mineurs fut de ces hommes dont l'Ecriture dit qu'ayant peu vécu ils ont parcouru une longue carrière. Des prodiges nombreux révélèrent pendant sa vie les vertus que son humilité eût voulu cacher au monde.

 

A peine son âme eut-elle quitté la terre et son corps fut-il enseveli, que les foules accoururent à une tombe qui continuait d'attester chaque jour, par la voix du miracle, la faveur dont jouissait auprès de Dieu celui dont elle renfermait la dépouille mortelle.

 

 Mais c'est à la souveraine autorité constituée par Jésus-Christ dans son Eglise, qu'il est réservé de prononcer authentiquement sur la sainteté du plus illustre personnage. Tant que le jugement du Pontife suprême n'a point été rendu, la piété privée reste libre de témoigner à qui la mérite, dans l'autre vie, sa gratitude ou sa confiance ; mais toute démonstration qui, de près ou de loin, ressemblerait aux honneurs d'un culte public, est prohibée par une loi de l'Eglise aussi rigoureuse que sage dans ses prescriptions. Des imprudences contraires à celte loi, formulée dans les célèbres décrets d'Urbain VIII, attirèrent, vingt ans après la mort de François Caracciolo, les rigueurs de l'Inquisition sur quelques-uns de ses enfants spirituels, et retardèrent de près d'un siècle l'introduction de sa cause au tribunal de la Congrégation des Rites sacrés. Il avait fallu que les témoins des abus qui avaient attiré ces sévérités disparussent de la scène ; et comme, par suite, les témoins de la vie de François ayant disparu eux-mêmes, on dut alors s'en rapporter aux témoignages auriculaires sur le chapitre des vertus héroïques qu'il avait pratiquées, Rome exigea la preuve, par témoins oculaires, de quatre miracles au lieu de deux qu'elle réclamait autrement pour procéder à la béatification des serviteurs de Dieu.

 

 Il serait inutile de nous arrêter à montrer que ces précautions et ces délais, qui prouvent si bien la prudence de l'Eglise en ces matières, n'aboutissent qu'à faire ressortir d'autant mieux l'évidente sainteté de François. Lisons donc maintenant le récit de sa vie :

 

 François, appelé d'abord Aséagne, naquit de la noble famille de Caracciolo à Villa Santa-Maria dans l'Abruzze. Dès ses premières années il brilla par sa piété ; il était encore dans son adolescence, lorsque pendant une grave maladie il prit la résolution de s'attacher entièrement au service de Dieu et du prochain. Il se rendit à Naples, y fut ordonné prêtre, et ayant donné son nom à une pieuse confrérie, il se livra tout entier à la contemplation et au salut des pécheurs ; il s'adonnait assidûment à la fonction d'exhorter les criminels condamnés au dernier supplice.

 

Il arriva un jour qu'une lettre destinée à un autre lui fut remise par erreur de nom ; on y invitait le destinataire à prendre part à la fondation d'un nouvel institut religieux, et l'invitation venait de deux pieux personnages. Frappé de la nouveauté du fait et admirant les conseils de la volonté divine, François se joignit à eux avec allégresse. Ils se retirèrent dans une solitude des Camaldules pour y arrêter les règles du nouvel Ordre, et se rendirent ensuite à Rome où ils en obtinrent la confirmation de Sixte-Quint. Celui-ci voulut qu'on les appelât Clercs Réguliers Mineurs. Ils  ajoutèrent aux trois vœux ordinaires celui  de ne point  rechercher les dignités.

 

 A la suite de sa profession solennelle, notre saint prit le nom de François à cause de sa dévotion particulière envers saint François d'Assise. Adorno étant venu à mourir deux ans après, il fut mis, malgré lui, à la tête de tout l'Ordre, et, dans cet emploi, il donna les plus beaux exemples de toutes les vertus. Zélé pour le développement de son institut, il demandait à Dieu cette grâce par des prières continuelles, des larmes et de nombreuses mortifications. Il fit trois fois dans ce but le voyage d'Espagne, couvert d'un habit de pèlerin et mendiant sa nouriture de porte en porte. Il eut dans la route grandement à souffrir, mais éprouva aussi d'une façon merveilleuse l'appui du Tout-Puissant. Par le secours de sa prière, il arracha au danger imminent du naufrage le navire sur lequel il était monté. Pour arriver aux fins qu'il s'était proposées dans ce royaume, il dut peiner longtemps ; mais la renommée de sa sainteté et la très large munificence dont il fut favorisé par les rois Catholiques Philippe II et Philippe III, l'aidèrent à surmonter avec une force d'âme singulière l'opposition de  ses ennemis, et il fonda plusieurs maisons de son Ordre ; ce qu'il fit également en Italie avec le même succès.

 

 Son humilité était si profonde, que lorsqu'il vint à Rome, il fut reçu dans un hospice de pauvres où il choisit la compagnie d'un lépreux, et qu'il refusa constamment les dignités ecclésiastiques que lui offrait Paul V. Il conserva toujours sans tache sa virginité, et gagna à Jésus-Christ des femmes dont l'impudence avait osé lui tendre des pièges.

 

Enflammé du plus ardent amour envers le divin mystère de l'Eucharistie, il passait les nuits presque entières en adoration devant lui ; et il voulut que ce pieux exercice, qu'il établit comme devant être pratiqué à jamais dans son Ordre, en fût le lien principal. Il fut un propagateur zélé de la dévotion envers la très sainte Vierge Mère de Dieu.

 

Sa charité envers le prochain fut aussi ardente que généreuse. Il fut doué du don de prophétie et connut le secret des cœurs. Etant âgé de quarante-quatre ans, un jour qu'il priait dans la sainte maison de Lorette, il eut connaissance que la fin de sa vie approchait. Aussitôt il se dirigea vers l'Abruzze, et étant arrivé dans la petite ville d'Agnoni, il fut atteint d'une fièvre mortelle dans la maison de l'Oratoire de saint Philippe  Néri. Ayant reçu les sacrements de l'Eglise avec la plus tendre dévotion, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur la veille des nones de juin de l'an mil six cent huit, le jour d'avant la fête du Saint-Sacrement.

 

Son saint corps fut porté à Naples et enseveli avec honneur dans l'église de Sainte-Marie-Majeure, où il avait jeté les premiers fondements de son Ordre. L'éclat de ses miracles détermina le Souverain Pontife Clément XIV à l'inscrire solennellement au nombre des bienheureux ; et de nouveaux prodiges ayant déclaré de plus en plus sa sainteté, Pie VII le mit au nombre des Saints l'an mil huit cent sept.

 

 Votre amour pour le divin Sacrement de nos autels fut bien récompensé, ô François ; vous eûtes la gloire d'être appelé au banquet de l'éternelle patrie à l'heure même où l'Eglise de la terre entonnait la louange de l'Hostie sainte, aux premières Vêpres de la grande fête qu'elle lui consacre chaque année.

 

 Toujours voisine de la solennité du Corps du Seigneur, votre fête à vous-même continue d'inviter les hommes, comme vous le faisiez durant votre vie, à scruter dans l'adoration les profondeurs du mystère d'amour. C'est la divine Sagesse qui dispose mystérieusement l'harmonie du Cycle, en couronnant les Saints dans les saisons fixées par sa Providence ; vous méritiez le poste d'honneur qu'elle vous assigne dans le sanctuaire, près de l'Hostie.

 

 Sans cesse, sur la terre, vous vous écriiez  au Seigneur avec le Psalmiste : Le zèle de votre maison m'a dévoré. Ces paroles, qui étaient moins encore les paroles de David que celles de l'Homme-Dieu dont il était la figure, remplissaient bien réellement votre cœur ; après la mort, on les trouva gravées dans la chair même de ce cœur inanimé, comme ayant été la règle unique de ses battements et de vos aspirations. De là ce besoin de la prière continuelle, avec cette ardeur toujours égale pour la pénitence, dont vous fîtes le trait particulier de votre famille religieuse, et que vous eussiez voulu faire partager à tous.

 

Prière et pénitence ; elles seules établissent l'homme dans la vraie situation qui lui convient devant Dieu.

 

 Conservez-en le dépôt précieux dans vos fils spirituels, ô François ; que par leur zèle à propager l'esprit de leur père, ils fassent, s'il se peut, de ce dépôt sacré le trésor de la terre entière.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

San Francesco Caracciolo

Saint François Caracciolo à la Basilique Saint Pierre de Rome

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 05:30

Sainte Blandine

Eglise Sainte Blandine à Lyon 

  

Dans son Martyrologe, l'Eglise romaine, mère des Eglises, insère en ses fastes la mention émue des héros que le sol gaulois produisit pour le ciel, dans ce même jour et les suivants. Car il ne s'agit point ici du combat d'un seul jour. Pothin, l’évêque, mourant dans la prison épuisé d'ans et de travaux, marqua cette journée comme devant être celle de la fête qui comprendrait à la fois les soldats et leur chef. Mais si le 2 juin paraît avoir été pour celui-ci la date de la victoire, les quarante-sept martyrs, ses compagnons et ses fils, n'obtinrent que successivement leurs couronnes ; jusqu'à ce qu'enfin Blandine, au mois d'août, fermant la marche triomphale, rejoignît dans les cieux la troupe vaillante au milieu de laquelle elle brille d'un éclat si pur.

 

Mais avant de rappeler quelques traits de l'immortelle campagne où Satan vit tourner si pleinement à sa confusion les efforts de sa haine, jetons nos yeux sur la terre prédestinée devenue dès lors le champ de bataille du Christ en ses martyrs. Nous ne sommes qu'au second siècle chrétien, et déjà la munificence de Dieu envers cette région du monde révèle ce qu'il attend de la nation dont elle sera l'héritage. Au soin, en effet, avec lequel le laboureur trace les sillons dans le sol dont il a entrepris la culture, à la qualité de la semence qu'il confie à la terre, on peut juger de l'espoir qu'il met en celle-ci. La semence du salut, c'est la parole des messagers de l'Evangile ; le sillon divin, c'est la voie mystérieuse par où l'Esprit-Saint les conduit.

 

Combien donc la parole ne fut-elle pas abondante et pure en la bouche de ces disciples de Pierre et de Paul, que l'on voit, dès le milieu du premier siècle, parcourir en tous sens les provinces gauloises ! Quel dessein merveilleux amène à ces lointains rivages la famille amie de l'Homme-Dieu : Lazare, dont la mort attira ses pleurs ; Marthe, l'hôtesse fidèle, qui par les soins rendus à sa personne sacrée figurera jusqu'à la fin des temps les travaux du ministère actif ; Madeleine enfin, l'apôtre des apôtres eux-mêmes, la pénitente sublime dont l'amour continue, sur les rochers de Provence, cette vie de divine contemplation qui doit être la meilleure part pour les élus, la seule éternelle ? Encore quelques années, et la terre celtique, formée par les vieux Druides au culte de la Vierge qui devait enfanter, aura vu le sourire de Marie porter la lumière dans ses plus sombres forêts ; la dispensatrice de toute grâce inspire à Clément, successeur de Pierre, l'envoi de Denys à Lutèce : et quel choix de la Reine des Apôtres aurait pu mieux marquer la terre de sa prédilection, que celui du sublime Aréopagite apportant à la Gaule le secret des divines hiérarchies et des mystiques faveurs, trésor des parfaits !

 

 Véritablement donc, le premier siècle de l'évangélisation du monde suffit à nous montrer dans la future patrie des Francs le royaume aimé du Christ. Un élément toutefois semble manquer encore à cette plénitude : si les Eglises des Gaules peuvent à bon droit revendiquer pour elles la paternité des deux princes des Apôtres, Jean, le disciple bien-aimé, n'a point eu de part à un apostolat trop éloigné de la province d'Asie où son action restait concentrée ; comment cependant le fils adoptif de Marie pourrait-il ne rien transmettre de lui-même aux lieux bénis des complaisances de Notre-Dame ? Aussi, sous l'influence de l'apôtre déjà sorti de cette vie et plus éclairé encore sur les desseins de Dieu qu'il ne le fut à Pathmos, voici qu'apparaît sur les rives du Rhône un groupe de nouveaux missionnaires ; formés à l'école de Polycarpe, le plus fidèle disciple du vieillard d'Ephèse, qu'ils ont pu voir lui-même dans leur enfance, ils viennent communiquer à l'Occident ses traditions, son esprit, son amour du Fils de l'homme et de la divine Mère. Pothin leur chef, béni par Rome, s'arrête à Lyon. Au nom de Jean, il complète dans ces contrées l'œuvre commencée au nom de Pierre et de Paul, un siècle plus tôt, par Crescent de Vienne, Trophime d'Arles et Paul de Narbonne. Pour un seul pays, quel concours de grâces significatives ! Satan lui-même comprend enfin les desseins du Christ ; il va chercher à les arrêter dans le sang.

 

 L'espace nous manque pour retracer ici les phases diverses de la persécution qui s'alluma sous le souffle de l'enfer, au printemps de l'année 177. Trois ans auparavant, Marc-Aurèle, sauvé parles prières des soldats chrétiens dans sa guerre contre les Quades, avait paru vouloir protéger l'Eglise ; mais la contrainte qu'il avait dû s'imposer alors coûtait au meurtrier de sainte Félicité, de saint Justin et de tant d'autres confesseurs immolés dès les premiers jours de son règne.  La première occasion qui se présenterait d'oublier le service rendu par la Légion Fulminante, de remettre en vigueur les anciennes lois, cette occasion devait être bienvenue de l'empereur philosophe. Elle lui fut donnée par les soulèvements populaires que la réaction païenne, suffisamment édifiée touchant les dispositions du prince, excita dans les diverses parties de l'empire ; comme l'incendie de Rome l'avait été pour Néron, l'émeute devenait un moyen de gouvernement pour Marc-Aurèle, cet idéal des princes chez nos modernes historiens ! Ce fut de la Gaule que partit le signal de cette persécution doublement odieuse, qui devait s'étendre dans les autres provinces et jusqu'à Rome même, où, un an plus tard, elle couronnait l'immortelle Cécile et son glorieux cortège formé de l'élite de l'ancien patriciat ; c'est au préfet de Lyon que fut adressé le rescrit sanguinaire, dont les termes firent loi pour tout l'empire et se retrouvent cités dans plusieurs Actes des martyrs de ce temps.

 

 Et certes la Gaule, qui jusque-là avait vu seulement les exécutions isolées d'un petit nombre de chrétiens, montra suffisamment qu'elle était prête à fournir, elle aussi, ses hécatombes sacrées ; l'Eglise de Lyon, fondée la dernière, puisa dans le sang de ses généreux fils une noblesse qui lui permettait de marcher à tout jamais l'égale des premières. Que ne pouvons-nous citer en entier l'admirable Lettre écrite par les survivants de la persécution à leurs frères d'Asie, pour leur raconter le triomphe des martyrs ! monument sans prix de l'antiquité chrétienne, où semble vivre toujours le bienheureux esprit des athlètes du Christ, et dont l'éloquence, si merveilleuse dans sa simplicité, avait la faculté d'émouvoir encore, au XVIe siècle, le cœur si refroidi pourtant des sectaires de la prétendue Réforme. Rappelons du moins en peu de mots la succession des événements, qui nous permettra de mieux comprendre tout à l'heure le récit liturgique emprunté à cette Lettre immortelle.

 

 Le représentant de la puissance romaine était absent de Lyon, quand la populace, excitée par les calomnies des meneurs, se jeta sur les maisons des chrétiens. Dans ce premier moment, rien ne fut épargné contre eux de ce que peut une foule en délire ; le tribun militaire, chargé de maintenir l'ordre, n'intervint au milieu de ces violences que pour traîner ceux qui en étaient la victime devant les magistrats de la cité ; après un interrogatoire sommaire, et une première confession de leur foi que ne refoula point le bruit des vociférations de la multitude, ils furent jetés en prison jusqu'au retour du gouverneur. On devait être alors au mois de mai ou d'avril. L'arrivée du gouverneur, que plusieurs pensent avoir été Septime-Sévère le futur empereur, marqua l'ouverture de l'instruction légale de la cause. Vettius Epagathus, jeune homme d'une illustre naissance, se présenta courageusement au pied du tribunal, offrant de défendre les accusés ; mais le juge refusa de l'entendre, et, sur sa déclaration qu'il était chrétien lui-même, il fut mis au nombre des confesseurs.

 

On sait que, par un étrange renversement des notions reçues en matière d'instruction criminelle, la procédure romaine, dans les causes de christianisme, avait pour but d'arracher aux accusés la négation, et non l'aveu de leur prétendu crime. La violence des tortures juridiques employées à cette fin fut telle alors, que plusieurs malheureux y cédèrent ; plus tard, ramenés par les larmes et l'exemple de leurs frères, ils réparèrent noblement le scandale, et conquirent eux aussi la palme. En attendant, de plus courageux remplissaient les vides causés par ces défections momentanées ; car les arrestations continuaient tous les jours, et aussi la torture. Descendus des chevalets le corps en lambeaux, les saints confesseurs étaient mis aux ceps dans les cachots, en attendant une comparution nouvelle ; mais les souffrances de la prison étaient si grandes à elles seules, que beaucoup y moururent, comme le bienheureux Pothin, dont le grand âge et l'épuisement ne purent supporter plus de deux jours les privations de cette demeure affreuse.

 

 D'autres, au contraire, semblaient puiser dans la prison et les tourments une force inconnue. Lorsque, le moment arrivé d'un nouvel interrogatoire, les geôliers croyaient n'avoir à traîner sur la place publique que des mourants incapables de se porter eux-mêmes, il se trouvait que les plaies reçues la veille avaient guéri celles des jours précédents. Les confesseurs s'avançaient rayonnant d'une douce allégresse, étonnant tous les yeux par la majesté et la beauté de leurs traits ; leurs chaînes étaient comme l'ornement de l'épouse qui resplendit sous l'éclat de ses bracelets d'or ; la bonne odeur du Christ s'échappait d'eux en toute vérité, et d'une manière si frappante pour les sens eux-mêmes, que plusieurs les croyaient parfumés d'un parfum terrestre. Dans ces préliminaires juridiques de la question préventive, plus terribles que le martyre même, on vit briller entre tous le néophyte Maturus, à peine sorti du bain sacré, et déjà l'égal des athlètes vieillis dans l'arène ; Attale de Pergame, que l'éclat d'une illustre origine n'avait point empêché de quitter son pays pour devenir sur les rives du Rhône la colonne de l'Eglise ; Sanctus enfin, diacre de Vienne, à qui la violence et la variété de ses tourments auraient valu la première palme, si le Dieu des humbles et des petits n'eût exalté au-dessus de toutes ces illustrations de la naissance, de la hiérarchie sacrée, du martyre même, Blandine l'esclave, dominant l'héroïque phalange où elle trône comme une mère au milieu de ses fils.

 

Arrêtée des premières avec sa maîtresse, qui parcourut vaillamment, elle aussi, la carrière des supplices, Blandine, pareille à une plante délicate et fragile, semblait si faible de corps, que tous tremblaient qu'elle ne pût résister au premier effort de l'ennemi. Mais on vit ce que peut sur un corps débile la force d'âme qui vient du Christ. Sur cet être si frêle les bourreaux épuisèrent leur science et leurs forces, se succédant depuis l'aube jusqu'au soir ; et, vaincus, à bout de leurs cruels secrets, ils déclarèrent que c'était merveille si la vie restait dans un corps disloqué à ce point, déchire, troué de toutes parts, quand un seul des tourments qu'il avait subis aurait dû lui donner la mort. Mais la bienheureuse ranimait dans la confession de la foi ses forces et son courage ; on eût dit qu'elle trouvait nourriture, repos, impassibilité, dans ces mots que la question pouvait seuls obtenir d'elle : "Je suis chrétienne, et il ne se fait point de mal parmi nous".

 

 Cependant le gouverneur, jugeant la cause suffisamment instruite, se mit en devoir de prononcer la sentence. Il espérait toujours néanmoins que la mort de quelques confesseurs ébranlerait les autres, et commença dans ce but par condamner aux bêtes Maturus, Sanctus, Attale et Blandine. A cette occasion, usant de la haute juridiction que lui donnait son titre de légat impérial, il accorda au peuple un jour de  fêt dont l'immolation des quatre martyrs devait former le spectacle. Maturus et Sanctus repassèrent, à l'amphithéâtre, par tous les genres de tourments qu'ils avaient subis déjà dans le prétoire ; et comme, malgré les fouets, la dent des bêtes, la chaise de fer rougie au feu, ils respiraient encore, on les acheva par l'épée. Durant leurs combats, Blandine, suspendue à un gibet pour y être dévorée, suppliait Dieu dans une prière instante ; la vue de cette admirable sœur donnait l'allégresse aux martyrs ; ses bras étendus en forme de croix leur rappelaient le Sauveur. Mais aucune bête féroce, ce jour-là, ne toucha son corps ; elle fut ramenée dans son cachot, et réservée pour d'autres combats. Un incident s'était produit, qui devait prolonger les souffrances des confesseurs, en retardant la dernière lutte : le gouverneur venait de découvrir qu'Attale, ce condamné qu'il s'apprêtait à jeter aux bêtes, était citoyen romain ; la sentence, en ce qui le concernait, se trouvait infirmée par là même. On le reconduisit en prison, et un message fut adressé à César, tant au sujet d'Attale que de ses compagnons de captivité.

 

 Les prisonniers, durant ces délais, ne restèrent point inactifs ; du fond de leurs cachots, et attendant la mort, ils montrèrent qu'il n'est point de situation où le chrétien puisse se désintéresser du salut de ses frères et des intérêts de la sainte Eglise. Ce fut alors que leur humilité, leur tendresse compatissante, aidées des prières et des larmes qu'ils répandaient jour et nuit devant Dieu, ramenèrent au combat les infortunés qui avaient faibli dans les premières tortures. Un autre souci préoccupait vivement les confesseurs : on avait appris dans les Gaules la naissance de la secte  nouvelle que Montan propageait en Phrygie ; inquiets pour les Eglises d'Asie, d'où par le bienheureux Pothin leur était venue la lumière, ils écrivirent à ces frères éloignés les craintes qu'ils avaient conçues, et s'adressèrent en même temps au pape Eleuthère, juge souverain de la doctrine. Estimant qu'aucun intérêt ne pouvait l'emporter sur celui de la foi, ils chargèrent de leurs lettres le prêtre Irénée, quoique celui-ci, dont nous aurons en son temps à raconter aussi le triomphe, parût être en ce moment le principal appui de la chrétienté lyonnaise privée de son évêque.

 

 Tandis qu'au fond des cachots qui s'étendaient sous le palais impérial, on s'occupait ainsi des grands intérêts auxquels le salut et la dignité de la race humaine étaient attachés ; dans ce palais, dans la ville entière, toutes les pensées étaient à l'approche de la grande fête dont la date, fixée aux calendes d'août, attirait chaque année à Lyon un concours immense. Soixante cités, soixante peuples, appartenant aux diverses provinces de la Gaule chevelue, s'étaient réunis pour élever à Auguste et à Rome, du vivant du premier, un temple magnifique : monument dressé par les descendants de Brennus pour célébrer la force qui avait réduit à néant l'indépendance du vieux sol gaulois ! On en fixa l'emplacement au confluent du Rhône et de la Saône : inauguré, lors de son érection, au commencement du mois d'août consacré à Auguste, c'étaient les pompes de cette dédicace qui se renouvelaient chaque année, depuis deux cents ans, sans pouvoir lasser l'enthousiasme des vaincus. On eut l'idée, pour cette fois, de relever encore la solennité accoutumée par l'exécution des chrétiens qui, depuis la mort de  Maturus et de Sanctus, remplissaient les prisons, attendant leur tour. La réponse de César au gouverneur venait d'arriver, telle qu'on pouvait l'attendre ; elle portait qu'on devait mettre à mort ceux qui persisteraient dans la confession du christianisme, et renvoyer les autres absous. La sentence fut bientôt rendue : les confesseurs qui étaient citoyens romains furent condamnés à la décapitation, les autres réservés aux bêtes ; par une exception glorieuse autant qu'illégale, Attale, malgré son titre, fut lui-même destiné aux jeux de l'amphithéâtre.

 

 Les condamnés, qui attendaient depuis des mois ce grand jour, virent donc enfin sonner l'heure du triomphe ; l'arène s'ouvrait à leurs derniers combats. Au-dessus d'eux, près de la scène, s'élevait l'autel d'Auguste entouré de la représentation des soixante peuples qui avaient contribué à l'érection du monument, et que dominait la statue colossale de la Gaule. Une foule immense, avide de sang non moins que d'esclavage, se pressait au spectacle, ne se doutant pas que du sang de ces condamnés, mêlé à la poussière de la Gaule asservie, ressusciterait elle-même bientôt, plus noble, plus complète, plus féconde que jamais, l'indépendance de la patrie terrestre. Quelques siècles seulement, et de l'autel d'Auguste, il ne restera plus que les quatre colonnes soutenant les voûtes d'un temple chrétien au-dessus d'une crypte appelée du nom de l'humble Blandine.

 

 Nous laissons à la sainte Liturgie le soin de compléter et de terminer, dans les Leçons qui suivent, un récit déjà trop étendu. 

 

De la  Lettre des  Eglises de Vienne et de  Lyon aux Eglises d’Asie  et de  Phrygie     

On traîna devant le tribunal le bienheureux Pothin, évêque de Lyon, personnage plus que nonagénaire, ayant à peine un souffle de vie dans son corps épuisé, mais rempli d'ardeur par le désir du martyre. Il était porté par les soldats, et suivi par les magistrats de la ville et par la population tout entière qui le poursuivaient de leurs cris furieux, comme s'il eût été le Christ lui-même. Pothin rendit dans cette occasion un noble témoignage. Le président lui ayant demandé quel était le Dieu des chrétiens, il répondit : "Si tu en es digne, tu le connaîtras". On se jeta sur lui avec brutalité, et il ne tarda pas à être couvert de nombreuses plaies, ceux qui étaient près de lui l'ayant maltraité honteusement à coups de pieds et à coups de poings, et ceux qui étaient plus éloignés lui jetant tout ce qui leur tombait sous la main. On eût dit qu'ils se seraient regardés comme coupables d'un grand crime, si chacun d'eux ne l'avait pas accablé d'outrages autant que faire se pouvait, et ils pensaient venger ainsi l'injure faite à leurs dieux. Il était expirant, lorsqu'on le reporta à la prison, où il rendit l'âme deux jours après.

 

 Le néophyte Maturus, Sanctus diacre de l'Eglise de Vienne, l'esclave Blandine et Attale furent conduits à l'amphithéâtre pour être exposés aux bêtes. Maturus et Sanctus y furent d'abord déchirés par les fouets selon l'usage ; on les livra ensuite à la dent des bêtes qui les traînèrent sur le sol ; et enfin on les fit asseoir sur la chaise de fer rougie au feu, d'où leurs membres rôtis répandaient une odeur insupportable. Après avoir souffert ces terribles combats, ils furent enfin égorgés. Quant à Blandine, on l'attacha à un poteau pour l'exposer aux bêtes. Elle semblait alors comme attachée à la croix, et la ferveur des prières qu'elle adressait à Dieu ajoutait encore à l'ardeur des combattants ; car en la personne de leur sœur ils contemplaient celui qui avait été crucifié pour eux. Aucune des bêtes n'ayant osé la toucher, elle fut détachée du poteau, et jetée de nouveau en prison, pour être réservée à un autre combat.

 

On fit parcourir l'amphithéâtre à Attale. Un homme marchait devant lui, portant une tablette sur laquelle était écrit : "Celui-ci est Attale le chrétien". Mais le président, ayant découvert qu'il était citoyen romain, le fit remettre en prison, et écrivit à César sur le sort de ceux qui étaient ainsi détenus. Une assemblée solennelle ayant donc lieu dans notre ville, le gouverneur ordonna d'amener les martyrs devant son tribunal, affectant de les mettre sous les yeux du peuple avec toutes les prétentions d'une scène théâtrale. Les ayant interrogés de nouveau, il fit trancher la tête à tous ceux qui étaient citoyens romains, et livra les autres aux bêtes. Ce fut alors une grande gloire pour le Christ, lorsqu'on vit ceux qui avaient d'abord renié la foi la confesser en ce moment avec courage.

 

 Pendant que durait cette confrontation, un Phrygien , nommé Alexandre, médecin de profession et habitant la Gaule depuis plusieurs années, exhortait par des signes les chrétiens à tenir ferme dans leur confession. Tous ceux qui entouraient le tribunal l'auraient pris volontiers pour une mère qui enfante, en voyant les efforts auxquels il se livrait. Le président, arrêtant sur lui ses regards, lui demanda qui il était. Alexandre ayant répondu qu'il était chrétien, le juge irrité le condamna aux bêtes. Il entra donc le surlendemain dans l'amphithéâtre avec Attale ; car le président avait renouvelé la sentence qui réservait ce dernier aux bêtes. Tous deux donc parcoururent la série des tourments de l'amphithéâtre, et furent enfin frappés du glaive. Au dernier jour des spectacles, Blandine fut de nouveau amenée avec Ponticus, jeune homme âgé d'environ quinze ans. Ponticus rendit son âme après avoir souffert courageusement tous les supplices. Quant à la bienheureuse  Blandine, après les fouets, après les bêtes, après la chaudière ardente, on l'enferma dans un filet, et on l'exposa à un taureau furieux qui la lança longtemps en l'air ; on finit par l'égorger comme une victime.

 

 

Nous vous saluons à la tête de votre héroïque phalange, bienheureux Pothin , illustre pontife chargé de mérites et d'années, émule en tout de Polycarpe votre maître. Comme lui, vous sembliez ne prolonger votre vie dans une vieillesse si extrême, que pour fournir au Christ en votre personne l'occasion d'un dernier triomphe. De sa part et de la vôtre, quelle noble simplicité, quelle majesté devant les tyrans ! Vos réponses sont bien l'expression, si l'on peut dire ainsi, d'une même manière d'amour ; elles révèlent l'école du disciple bien-aimé. Par vous, ô Pothin, la sainte Eglise de Lyon, qui vous doit l'existence, plonge sa racine dans le Cœur de l'Homme-Dieu.

 

 C'est dans ce Cœur sacré qu'à la dernière Cène, Jean puisa comme un arbre fécond la sève qui devait couler dans ses rameaux ; mais c'est à vous qu'il doit de pouvoir offrir au Seigneur, jusqu'à nos temps, les fruits bénis de son apostolat. Car, depuis déjà des siècles, par une disposition terrible de la justice souveraine, la sève ne coule plus dans les rameaux privilégiés des sept Eglises que Jean lui-même avait nourries. Pour l'honneur de celui dont vous fûtes le disciple fidèle, maintenez donc toujours dans la grande ville qui a consumé votre vie et vos sueurs l'ardente piété qui la distingue ; que d'elle se répande toujours plus dans la terre des Gaules l'esprit du disciple que Jésus aimait : esprit d'amour sans bornes pour le Fils de l'homme, de tendresse filiale pour Marie la Mère de Dieu devenue celle des hommes au Calvaire, d'ardente charité pour tous, de déférence absolue à l'égard de Pierre, le vicaire de l'Homme-Dieu, qui rendait à Jean son empressement respectueux en attentions si touchantes.

 

 Illustre Blandine, qui brillez comme une perle incomparable au diadème de la noble cité témoin de vos triomphes, nous vous  saluons à  votre tour. Vous méritez de venir, en nos hommages, après le Pontife, dont la mort vous investit d'une maternité si nouvelle et si grande. Mère des martyrs, vierge sublime dont la faiblesse s'éleva soudain par la vigueur du Christ votre Epoux  au-dessus de  la force des plus  vaillants entre les forts ! la première dans la lutte, présente à tous les combats,  vous goûtiez les divers supplices comme fait la mère pour les mets variés qui doivent être offerts à ses fils. Puis lorsque tous, sans qu'un seul y manquât, furent  rassasiés de la passion du Christ et s'en allèrent dans l'ivresse puisée à son divin calice : on vous vit comme l'épouse vigilante, quand tous les convives ont quitté le lieu du festin dont elle a fait les honneurs, revenir seule encore par les tables diverses, recueillir dans votre sein les moindres restes du repas des héros et les différentes pièces des services nombreux mis à l'usage des invités du père de famille. Joyeuse alors et sans arrière-pensée, comptant sur un bon accueil, vous rejoignîtes l'Epoux en toute hâte ; la journée avait été bien remplie. Et, après avoir aussi pleinement accompli votre auguste rôle, nous ne nous étonnons pas que plus d'une formule des divins Offices en quelques Eglises se contente aujourd'hui d'invoquer votre nom béni, résumant en lui tous les autres ; que les martyrologes d'Adon et de Bède annoncent le 2 juin comme la fête de sainte Blandine et de ses compagnons martyrs !

 

Avec vous, du plus intime de notre âme, nous honorons ces illustres compagnons de votre triomphe : Sanctus, Attale, Maturus, Epagathus, Alexandre, Ponticus, et les quarante autres dont les multiples supplices formèrent pour le Père souverain comme une couronne de fleurs, où les couleurs les plus variées le disputent aux parfums les plus suaves.

Saints martyrs, du sanctuaire éternel dont vous faites l'ornement, jetez sur nous les yeux ; que la terre où vous avez vaincu, continue de porter pour le ciel des fleurs et des fruits qui répondent à la fécondité de votre sang généreux.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique


   

L'Amphithéâtre des Martyrs à Lyon

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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 10:00

Deux des heureux témoins de la résurrection de notre bien-aimé Sauveur se présentent à nous aujourd'hui. Philippe et Jacques viennent nous attester que leur Maître est véritablement ressuscité d'entre les morts, qu'ils l'ont vu, qu'ils l'ont touché, qu'ils se sont entretenus avec lui durant ces quarante jours ; et afin que nous ne doutions pas de la sincérité de leur témoignage, ils tiennent en main les instruments du martyre qu'ils ont subi pour attester que Jésus, après avoir souffert la mort, est sorti vivant du tombeau. Philippe s'appuie sur la croix où il a été attaché comme son Maître ; Jacques nous montre la massue sous les coups de laquelle il expira.

 

 La prédication de Philippe s'exerça dans les deux Phrygies, et son martyre eut lieu à Hiérapolis. Il était dans les liens du mariage lorsqu'il fut appelé par le Christ, et nous apprenons des auteurs du second siècle qu'il avait eu trois filles qui s'élevèrent à une haute sainteté, et dont l'une jeta un grand éclat sur l'Eglise d'Ephèse à cette époque primitive.

 

 Plus connu que Philippe, Jacques a été appelé le Frère du Seigneur, parce qu'un lien étroit de parenté unissait sa mère à celle de Jésus ; mais dans ces jours de la Pâque il se recommande d'une manière spéciale à notre admiration. Nous savons, par l'Apôtre saint Paul, que le Sauveur ressuscité daigna favoriser saint Jacques d'une apparition particulière. Une telle distinction répondait, sans aucun doute, à un dévouement particulier de ce disciple envers son Maître. Nous apprenons de saint Jérôme et de saint Epiphane que le Sauveur, en montant aux cieux, recommanda à Jacques l'Eglise de Jérusalem, et que ce fut pour répondre à la pensée du Maître que cet Apôtre fut établi premier Evêque de cette ville. Au IVe siècle, les chrétiens de Jérusalem conservaient encore avec respect la chaire sur laquelle Jacques siégeait, quand il présidait l'assemblée des fidèles. Nous savons également par saint Epiphane qu'il portait au front une lame d'or, symbole de sa dignité ; son vêtement était une tunique de lin.

 

 La renommée de sa vertu fut si grande que, dans Jérusalem, tout le monde l'appelait le Juste ; et nous sommes à même de pénétrer l'âme si sereine et si pure du saint Apôtre, en lisant l'admirable Epître où il nous parle encore. C'est là que, dans un langage tout céleste, il nous enseigne que les oeuvres doivent accompagner la foi, si nous voulons être justes de cette justice qui nous rendra semblables à notre Chef ressuscité.

 

 Le corps de saint Jacques et celui de saint Philippe reposent à Rome dans la Basilique appelée des Saints-Apôtres. Ils forment un des trésors les plus sacrés de la ville sainte, et l'on a lieu de croire que ce jour est l'anniversaire même de leur Translation. Sauf les fêtes de saint Jean l'Evangéliste et de saint André, frère de saint Pierre, l'Eglise de Rome fut longtemps sans célébrer les fêtes particulières des autres Apôtres ; elle les réunissait dans la solennité de saint Pierre et de saint Paul. La réception des corps de saint Philippe et de saint Jacques, apportés d'Orient vers le VIe siècle, donna lieu à l'institution de la fête d'aujourd'hui en leur honneur ; et cette dérogation amena insensiblement sur le Cycle l'insertion des autres Apôtres et des Evangélistes.

 

Voici le résumé de la vie de saint Philippe : 

Philippe, né à Bethsaïde, fut l'un des douze Apôtres qui furent appelés les premiers par le Christ notre Seigneur. Ce fut par lui que Nathanaël apprit que le Messie promis dans la Loi était venu, et qu'il fut présenté au Seigneur. La familiarité que le Christ eut avec lui parait en ce que plusieurs personnes ayant désiré voir le Sauveur, vinrent s'adresser à Philippe, et que le Seigneur, voulant lui-même donner à manger dans le désert à une multitude de personnes, dit à cet Apôtre : "Où achèterons-nous des pains pour donner à tout ce monde ?"

 

Philippe, après avoir reçu le Saint-Esprit, se rendit dans la Scythie qui lui était échue en partage pour y prêcher l'Evangile, et il convertit cette nation presque tout entière à la foi chrétienne. Enfin, étant venu à Hiérapolis en Phrygie, il fut attaché à la croix pour le nom du Christ, et accablé à coups de pierre, le jour des calendes de mai. Les Chrétiens ensevelirent son corps dans le lieu même où il avait souffert ; d'où il a été ensuite transporté à Rome, et déposé avec celui de l'Apôtre saint Jacques dans la basilique des Douze-Apôtres.

 

 La notice suivante est consacrée à saint Jacques :

Jacques, frère du Seigneur, surnommé le Juste, s'abstint dès son jeune âge de vin et de tout ce qui peut enivrer, ne mangea point de chair, ne coupa jamais ses cheveux et n'usa ni de bains ni de parfums. Il avait seul la permission d'entrer dans le sanctuaire ; ses vêtements étaient de lin ; il était si assidu à la prière, que ses genoux s'étaient durcis comme la peau d'un chameau. Après l'Ascension du Christ, les Apôtres le créèrent évêque de Jérusalem ; et ce fut à lui que Pierre, délivré de prison par un Ange, en envoya porter la nouvelle. Une controverse s'étant élevée dans le Concile de Jérusalem, au sujet de la loi et de la Circoncision, Jacques suivit le sentiment de Pierre, et fit un discours aux Frères, dans lequel il prouva que les Gentils étaient aussi appelés, et dit qu'il fallait écrire aux Frères absents de ne pas leur imposer le joug de la loi mosaïque. C'est de lui aussi que parle l'Apôtre, lorsqu'il dit aux Galates : "Je ne vis aucun autre d'entre les Apôtres, sinon Jacques frère du Seigneur".

 

 La sainteté de Jacques était si grande et si reconnue, que beaucoup de personnes s'empressaient pour toucher le bord de son habit. Etant arrivé à l'âge de quatre-vingt-seize ans, ayant gouverné très saintement l’Eglise de Jérusalem durant trente années , comme il prêchait avec une constance merveilleuse que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, il fut d'abord assailli de pierres, et ensuite mené à l'endroit le plus élevé du Temple, d'où on le précipita. Il gisait étendu par terre, les jambes brisées et demi-mort, et il levait les mains au ciel et priait Dieu pour le salut de ses bourreaux, disant : "Pardonnez-leur, Seigneur ; car ils ne savent ce qu'ils font". Il faisait cette prière, lorsqu'un foulon lui déchargea sur la tête un coup de son pilon, dont le saint mourut, en la septième année de Néron. Il fut enseveli près du Temple, au lieu même où il était tombé. Il a écrit une lettre qui est une des sept Epîtres Catholiques.

 

Saints Apôtres, vous avez vu notre divin Ressuscité dans toute sa gloire ; il vous a dit au soir de la Pâque : "La paix soit avec vous !" et durant ces quarante jours il vous a apparu, afin de vous rendre certains de sa résurrection. Votre joie fut grande de revoir ce Maître chéri qui avait daigné vous choisir pour ses confidents les plus intimes, et votre amour pour lui devint plus ardent que jamais. Nous nous adressons à vous comme aux initiateurs des fidèles au divin mystère de la Pâque ; vous êtes aussi nos intercesseurs spéciaux en ce saint temps. Faites-nous connaître et aimer Jésus ressuscité. Dilatez nos cœurs dans l'allégresse pascale, et ne permettez pas que nous perdions jamais la vie que nous avons recouvrée avec Jésus.

 

 Votre dévouement pour lui, ô Philippe, se montra dès les premiers jours de votre vocation. A peine aviez-vous connu ce divin Messie, que vous couriez tout aussitôt l'annoncer à Nathanaël votre ami. Jésus vous laissait approcher de sa personne avec une douce familiarité. Au moment d’opérer le grand miracle de la multiplication des pains, c'est à vous qu'il s'adressait, et qu'il disait avec une adorable bonté : "Où achèterons-nous des pains pour nourrir tout ce monde ?" Peu de jours avant la Passion de votre Maître, des hommes de la gentilité ayant désiré voir de leurs veux ce grand prophète dont on racontait tant de merveilles, ce fut à vous qu'ils s'adressèrent pour les conduire vers lui. Avec quelle ardeur, à la dernière Cène, vous demandiez à Jésus qu'il vous fît connaître le Père céleste ! Pour récompense de vos labeurs, Jésus vous fit partager les honneurs de sa croix.

 

Demandez, ô saint Apôtre, que nous imitions voire recherche empressée auprès de notre commun Maître, et que sa croix nous soit douce quand il lui plaît de la partager avec nous.

 

Et vous qui êtes appelé Frère du Seigneur, vous dont le noble visage retraçait ses traits, Pasteur de l'Eglise de Jérusalem, nous honorons aussi votre amour pour le divin Rédempteur. Si vous avez faibli un moment avec les autres, au moment de la Passion, votre repentir l'attira près de vous : après Pierre, vous fûtes le premier des Apôtres auquel il daigna se manifester en particulier. Recevez aujourd'hui nos félicitations, ô Jacques, pour cette faveur si digne d'envie, et en retour faites-nous goûter combien le Seigneur ressuscité est doux. Votre cœur, ô saint Apôtre, n'aspira plus qu'à montrer à Jésus la reconnaissance tient il était rempli ; et le dernier témoignage que vous rendîtes à sa divinité dans la cité infidèle, lorsque les Juifs vous eurent élevé sur le sommet du temple, vous ouvrit par le martyre la voie qui devait vous réunir à lui pour toujours. Obtenez,  généreux Apôtre, que nous le confessions aussi avec la fermeté qui convient à ses disciples ; que nous n'hésitions jamais lorsqu'il s'agit de proclamer ses droits sur toute créature.

 

 Nous vous réunissons dans une prière commune, ô saints Apôtres, et nous vous demandons d'avoir pitié de l'Eglise que vous avez évangélisée.

 

 Enfin, ô saints Apôtres, priez pour Rome, votre seconde patrie. C'est dans son sein que vous attendez la résurrection glorieuse ; pour prix de la religieuse hospitalité qu'elle vous donne depuis tant de siècles, couvrez-la de votre protection, et ne permettez pas que la cité de Pierre, votre auguste Chef, voie plus longtemps dans ses murs l'abaissement de la Chaire apostolique.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Saint Philippe et Saint Jacques le Mineur, Apôtres

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1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 04:00

La série des mystères du Temps pascal est suspendue aujourd'hui ; un autre objet attire pour un moment nos contemplations. La sainte Eglise nous propose de donner la journée au culte de l'Epoux de Marie, du Père nourricier du Fils de Dieu, Patron de l'Eglise universelle.

 

Au 19 mars cependant nous lui avons rendu notre hommage annuel : aussi n'est-ce pas proprement sa fête que nous allons célébrer en ce jour. Il s'agit d'ériger par la piété du peuple chrétien un monument de reconnaissance au puissant Protecteur, à Joseph, le recours et l'appui de tous ceux qui l'invoquent avec confiance. Assez de bienfaits lui ont mérité cet hommage ; la sainte Eglise se propose aujourd'hui, dans l'intérêt de ses enfants, de diriger leur confiance vers un secours si puissant et si opportun.

 

La dévotion à saint Joseph avait été réservée pour ces derniers temps. Le culte de cet admirable personnage, culte fondé sur l'Evangile même, ne devait pas se développer dans les premiers siècles de l'Eglise ; non pas que les fidèles, considérant le rôle sublime de saint Joseph dans l'économie du mystère de l'Incarnation, fussent entravés en quelque chose dans les honneurs qu'ils auraient voulu lui rendre ; mais la divine Providence avait ses raisons mystérieuses pour retarder le moment où la Liturgie devait prescrire chaque année les hommages publics à offrir à l'Epoux de Marie. L'Orient précéda l'Occident, ainsi qu'il est arrivé d'autres fois, dans le culte spécial de saint Joseph ; mais au XVe siècle l'Eglise latine l'avait adopté tout entière ; et depuis lors il n'a cessé de faire les plus heureux progrès dans les âmes catholiques.

 

 La bonté de Dieu et la fidélité de notre Rédempteur à ses promesses s'unissent toujours plus étroitement de siècle en siècle, pour protéger en ce monde l'étincelle de vie surnaturelle qu'il doit conserver jusqu'au dernier jour. Dans ce but miséricordieux, une succession non interrompue de secours vient réchauffer, pour ainsi dire, chaque génération, et lui apporter un nouveau motif de confiance dans la divine Rédemption. A partir du XIIIe  siècle, où le refroidissement du monde commença à se faire sentir, ainsi que l'Eglise elle-même nous en rend témoignage (Frigescente mundo, Oraison de la fête des Stigmates de saint François), chaque époque a vu s'ouvrir une nouvelle source de grâces.

 

Ce fut d'abord la fête du très saint Sacrement, dont les développements ont produit successivement la Procession solennelle, les Expositions, les Saluts, les Quarante Heures. Ce fut ensuite la dévotion au saint Nom de Jésus, dont saint Bernardin de Sienne fut le principal apôtre, et celle du Via crucis ou Chemin de la Croix, qui produit tant de fruits de componction dans les âmes. Le XVIe siècle vit renaître la fréquente communion, par l'influence principale de saint Ignace de Loyola et de sa Compagnie. Au XVIIe fut promulgué le culte du sacré Cœur de Jésus, qui s'établit dans le siècle suivant. Au XIXe, la dévotion à la très sainte Vierge a pris des accroissements et une importance qui sont un des caractères surnaturels de notre temps. Le saint Rosaire, le saint Scapulaire, que nous avaient légués les âges précédents, ont été remis en honneur ; les pèlerinages aux sanctuaires de la Mère de Dieu, suspendus par les préjugés jansénistes et rationalistes, ont repris leur cours ; l'Archiconfrérie du Saint-Cœur de Marie a étendu ses affiliations dans le monde entier ; des prodiges nombreux sont venus récompenser la foi rajeunie ; enfin notre temps a vu le triomphe de l'Immaculée Conception, préparé et attendu dans des siècles moins favorisés.

 

 Mais la dévotion envers Marie ne pouvait se développer ainsi sans amener avec elle le culte fervent de saint Joseph. Marie et Joseph ont une part trop intime dans le divin mystère de l'Incarnation, l'une comme Mère du Fils de Dieu, l'autre comme gardien de l'honneur de la Vierge et Père nourricier de l'Enfant-Dieu, pour que l'on puisse les isoler l'un de l'autre. Une vénération particulière envers saint Joseph a donc été la suite du développement de la piété envers la très sainte Vierge. Mais la dévotion à l'égard de l'Epoux de Marie n'est pas seulement un juste tribut que nous rendons à ses admirables prérogatives ; elle est encore pour nous la source d'un secours nouveau aussi étendu qu'il est puissant, ayant été déposé entre les mains de saint Joseph par le Fils de Dieu lui-même.

 

Ecoutez le langage inspiré de l'Eglise dans la sainte Liturgie : "O Joseph, l'honneur des habitants du ciel, l'espoir de notre vie ici-bas, le soutien de ce monde !" Quel pouvoir dans un homme ! Mais aussi cherchez un homme qui ait eu avec le Fils de Dieu sur la terre des rapports aussi intimes que Joseph. Jésus daigna être soumis à Joseph ici-bas ; au ciel, il tient à glorifier celui dont il voulut dépendre, et à qui il confia son enfance avec l'honneur de sa Mère. Il n'est donc pas de limites au pouvoir de saint Joseph ; et la sainte Eglise nous invite aujourd'hui à recourir avec une confiance absolue à ce tout-puissant Protecteur. Au milieu des agitations terribles auxquelles le monde est en proie, que les fidèles l'invoquent avec foi, et ils seront protégés. En tous les besoins de l'âme et du corps, en toutes les épreuves et toutes les crises que le chrétien peut avoir à traverser, dans l'ordre temporel comme dans l'ordre spirituel, qu'il ait recours à saint Joseph, et sa confiance ne sera pas trompée. Le roi de l'Egypte disait à ses peuples affamés : "Allez à Joseph" Coelitum, Joseph, decus atque nostrae, Certa spes vite, columenque mundi (Hymne des Laudes de la fête du patronage de saint Joseph) ; le Roi du ciel nous fait la même invitation ; et le fidèle gardien de Marie a plus de crédit auprès de lui que le fils de Jacob, intendant des greniers de Memphis, n'en eut auprès de Pharaon.

 

 La révélation de ce nouveau refuge préparé pour les derniers temps a été d'abord communiquée, selon l'usage que Dieu garde pour l'ordinaire, à des âmes privilégiées auxquelles elle était confiée comme un germe précieux ; ainsi en fut-il pour l'institution de la fête du Saint-Sacrement, pour celle du sacré Cœur de Jésus, et pour d'autres encore. Au XVIe siècle, sainte Thérèse, dont les écrits étaient appelés à se répandre dans le monde entier, reçut dans un degré supérieur les communications divines à ce sujet, et elle consigna ses sentiments et ses désirs dans sa Vie écrite par elle-même. On ne s'étonnera pas que Dieu ait choisi la réformatrice du Carmel pour la propagation du culte de saint Joseph, quand on se rappellera que ce fut par l'influence de l'Ordre des Carmes, introduit en Occident au XIIIe siècle, que ce culte s'établit d'abord dans nos contrées. Voués depuis tant de siècles à la religion envers Marie, les solitaires du Mont-Carmel avaient découvert avant d'autres le lien qui rattache les honneurs auxquels a droit la Mère de Dieu à ceux qui sont dus à son virginal Epoux. Sur cette terre où s'est accompli le divin mystère de l'Incarnation, l'œil du fidèle plonge plus avant dans ses augustes profondeurs. Entouré de tant de souvenirs ineffables, le chrétien arrive plus promptement à comprendre que le Fils de Dieu prenant la nature humaine, s'il lui fallait une Mère, il fallait à cette Mère un protecteur ; en un mot que Jésus, Marie et Joseph forment à des degrés divers l'ensemble de relations et d'harmonies sous lesquelles l'ineffable mystère devait se produire sur la terre.

 

 Voici donc comment s'exprime la séraphique Thérèse : 

"Je pris pour avocat et pour protecteur le glorieux saint Joseph, et je me recommandai très instamment à lui. Son secours éclata de la manière la plus visible. Ce tendre père de mon âme, ce bien-aimé protecteur se hâta de me tirer de l'état où languissait mon corps, comme il m'a arrachée à des périls plus grands d'un autre genre, qui menaçaient mon honneur et mon salut éternel. Pour comble de bonheur, il m'a toujours exaucée au delà de mes prières et de mes espérances. Je ne me souviens pas de lui avoir jamais rien demandé jusqu'à ce jour, qu'il ne l'ait accordé. Quel tableau je mettrais sous les yeux, s'il m'était donné de retracer les grâces insignes dont Dieu m'a comblée, et les dangers, tant de l'âme que du corps, dont il m'a délivrée par la médiation de ce bienheureux saint ! Le Très-Haut donne seulement grâce aux autres saints pour nous secourir dans tel ou tel besoin ; mais le glorieux saint Joseph, je le sais par expérience, étend son pouvoir à tous. Notre-Seigneur veut nous faire entendre par là que, de même qu'il lui fut soumis sur cette terre d'exil, reconnaissant en lui l'autorité d'un père nourricier et d'un gouverneur, de même il se plaît encore à faire sa volonté dans le ciel, en exauçant toutes ses demandes. C'est ce qu'ont vu comme moi, par expérience, d'autres personnes auxquelles j'avais conseillé de se recommander à cet incomparable Protecteur ; aussi le nombre des âmes qui l'honorent commence-t-il à être grand, et les heureux effets de sa médiation confirment de jour en jour la vérité de mes paroles."

 

 Ces paroles, accompagnées de plusieurs autres témoignages de la même précision et de la même énergie, trouvèrent un écho dans les âmes. Elles avaient été semées en leur temps ; leur germination fut lente, mais elle fut sûre. Dès la première moitié du XVIIe siècle, le pressentiment qu'un jour l'Eglise dans sa Liturgie convierait les fidèles à recourir à leur puissant Protecteur, se manifestait chez les dévots clients de saint Joseph.

 

 Nous lisons ces paroles, que l’on dirait inspirées, dans un livre pieux public à Dijon en 1645 : 

"Beau soleil, père des jours, hâte ta course, fais vitement naître cette heure fortunée, en laquelle doivent être accomplis les oracles des saints, qui nous promettent que, sur le déclin du monde, on fera magnifiquement paraître toutes les grandeurs de saint Joseph ; qui nous assurent que Dieu même tirera le rideau, et déchirera le voile qui nous a empêchés jusqu'à maintenant de voir à découvert les merveilles du sanctuaire de l'âme de Joseph ; qui prédisent que le Saint-Esprit agira incessamment dans le cœur des fidèles, pour les émouvoir à exalter la gloire de ce divin personnage, lui consacrant des maisons religieuses, lui bâtissant des temples et dressant des autels ; qui publient que, par tout l'empire de l'Eglise militante, on reconnaîtra pour Protecteur particulier ce saint qui l'a été de Jésus-Christ, fondateur du même empire ; qui nous font espérer que les Souverains Pontifes ordonneront, par un secret mouvement du ciel, que la fête de ce grand Patriarche soit solennellement célébrée par toute l'étendue du domaine spirituel de saint Pierre ; qui annoncent que les plus savants hommes de l'univers s'emploieront à la recherche des dons de Dieu cachés dans saint Joseph, et qu'ils y rencontreront des trésors de grâces incomparablement plus précieux et plus abondants, que n'en posséda la meilleure partie des prédestinés de l'Ancien Testament par l'espace de quarante siècles."

 

 Mettons donc notre confiance dans le pouvoir de l'auguste Père du peuple chrétien, Joseph, sur qui tant de grandeurs n'ont été accumulées qu'afin qu'il répandit sur nous, dans une mesure plus abondante que les autres saints, les influences du divin mystère de l'Incarnation dont il a été, après Marie, le principal ministre sur la terre. 

 

Père et protecteur des fidèles, glorieux Joseph, nous bénissons notre mère la sainte Eglise qui, dans ce déclin du monde, nous a appris à espérer en vous. De longs siècles se sont écoulés sans que vos grandeurs fussent encore manifestées ; mais vous n'en étiez pas moins au ciel l'un des plus puissants intercesseurs du genre humain. Chef de la sainte famille dont un Dieu est membre, vous poursuiviez votre ministère paternel à notre égard. Votre action cachée se faisait sentir pour le salut des peuples et des particuliers ; mais la terre éprouvait vos bienfaits, sans avoir encore institué, pour les reconnaître, les hommages qu'elle vous offre aujourd'hui.

 

Une connaissance plus étendue de vos grandeurs et de votre pouvoir, étaient réservées à ces temps malheureux où l'état du monde aux abois appelle des secours qui ne furent pas révélés aux âges précédents. Nous venons donc à vos pieds, ô Joseph ! afin de rendre hommage en vous à une puissance d'intercession qui ne connaît pas de limites, à une bonté qui embrasse tous les frères de Jésus dans une même adoption.

 

 Nous savons, ô Marie, qu'il vous est agréable de voir honorer l'Epoux que vous avez aimé d'une incomparable tendresse. Vous accueillez avec une faveur particulière nos demandes, lorsqu'elles vous sont présentées par ses mains. Les liens formés par le ciel à Nazareth subsisteront éternellement entre vous et Joseph ; et l'amour sans bornes que vous portez à votre Fils divin resserre encore l'affection que votre cœur si aimant conserve pour jamais à celui qui fut en même temps le nourricier de Jésus et le gardien de votre virginité. Ô Joseph, nous sommes aussi les fils de votre épouse Marie ; prenez dans vos bras tous ces nouveaux enfants, souriez à cette nombreuse famille, et daignez accepter nos instances que la sainte Eglise encourage, et qui montent vers vous plus pressantes que jamais.

 

 Vous êtes "le soutien du monde, columen mundi", l'un des appuis sur lesquels il repose ; car le Seigneur, en vue de vos mérites et par déférence à votre prière, le souffre et le conserve malgré les iniquités qui le souillent. Votre effort est grand, ô Joseph, en ces temps "où les saints manquent, où les vérités sont diminuées" ; il vous faut peser de tout le poids de vos mérites, pour que le fléau de la divine balance n'incline pas du côté de la justice. Daignez, ô Protecteur universel, ne pas vous lasser dans ce labeur ; l'Eglise de votre Fils adoptif vous en supplie aujourd'hui. Le sol miné par la liberté effrénée de l'erreur et du mal est, à chaque instant, sur le point de fondre sous ses pieds; ne vous reposez pas un instant, et par votre intervention paternelle, hâtez-vous de lui préparer une situation plus calme.

 

 Aucune de nos nécessités n'est étrangère à votre connaissance ni à votre pouvoir ; les moindres enfants de l'Eglise ont droit de recourir à vous jour et nuit, assurés de rencontrer près de vous l'accueil d'un père tendre et compatissant. Nous ne l'oublierons pas, ô Joseph ! Dans tous les besoins de nos âmes, nous nous adresserons à vous. Nous vous demanderons de nous aider dans l'acquisition des vertus dont Dieu veut que notre âme soit ornée, dans les combats que nous avons à soutenir contre notre ennemi, dans les sacrifices que nous sommes si souvent appelés à faire.

 

Rendez-nous dignes d'être appelés vos fils, ô vous le Père des fidèles ! Mais votre souverain pouvoir ne s'exerce pas seulement dans les intérêts de la vie future ; l'expérience de tous les jours montre combien votre crédit est puissant pour nous obtenir la protection céleste dans les choses même du temps, lorsque nos désirs ne sont pas contraires aux desseins de Dieu. Nous osons donc déposer entre vos mains tous nos intérêts de ce monde, nos espérances, nos vœux et nos craintes. Le soin de la maison de Nazareth vous fut confié ; veuillez être le conseil et le secours de tous ceux qui remettent entre vos mains leurs affaires temporelles.

 

 Auguste chef de la sainte Famille, la famille chrétienne est placée sous votre garde spéciale ; veillez sur elle en nos temps malheureux. Répondez favorablement à ceux et à celles qui s'adressent à vous, dans ces moments solennels où il s'agit pour eux de choisir l'aide avec lequel ils doivent traverser cette vie et préparer le passage à une meilleure.

 

Maintenez entre les époux la dignité et le respect mutuel qui sont la sauvegarde de l'honneur conjugal ; obtenez-leur la fécondité, gage des bénédictions célestes. Que vos clients, ô Joseph, aient en horreur ces infâmes calculs qui souillent ce qu'il y a de plus saint, attirent la malédiction divine sur les races, et menacent la société d'une ruine à la fois morale et matérielle. Dissipez des préjugés aussi honteux que coupables, remettez en honneur cette sainte continence dont les époux chrétiens doivent toujours conserver l'estime, et à laquelle ils sont tenus de rendre souvent hommage, sous peine de ressembler à ces païens dont parle l'Apôtre, "qui ne suivent que leurs appétits, parce qu'ils ignorent Dieu".

 

 Une dernière prière encore, ô glorieux Joseph ! Il est dans notre vie un moment suprême, moment qui ne se présente qu'une fois, moment qui décide de tout pour l'éternité : c'est le moment de notre mort. Nous nous sentons cependant portés à l'envisager avec moins d'inquiétude, lorsque nous nous souvenons que la divine bonté en a fait l'un des principaux objets de votre souverain pouvoir. Vous avez été investi du soin miséricordieux de faciliter au chrétien qui recourt à vous, le passage du temps à l'éternité.

 

 C'est à vous, ô Joseph, que nous devons nous adresser pour obtenir une bonne mort. Cette prérogative vous était due, à vous dont l'heureuse mort, entre les bras de Jésus et de Marie, a fait l'admiration du ciel, et l'un des plus sublimes spectacles qu'ait offert la terre. Soyez donc notre recours, ô Joseph, à ce solennel et dernier instant de notre vie terrestre.

 

 Nous espérons en Marie, que nous supplions chaque jour de nous être propice à l'heure de notre trépas ; mais nous savons que Marie se réjouit de la confiance que nous avons en vous, et que là où vous êtes, elle daigne être aussi. Fortifiés par l'espérance en votre paternelle bonté, ô Joseph, nous attendrons avec calme cette heure décisive ; car nous savons que si nous sommes fidèles à vous la recommander, votre secours nous est assuré.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

   

 

Saint Joseph charpentier par Georges de La Tour

   

 

 

> le tableau de Georges de La Tour au musée du Louvre 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 23:01

L'archevêque de Cracovie évoque le désir des foules de voir Jean-Paul II bienheureux rapidement. 

 

" C'est, dit-il, un désir qui est apparu dès le début avec le cri : 'Santo subito !' que nous avons entendu durant les funérailles de Jean-Paul II. Mais ce désir n'est pas en contradiction avec le respect des procédures et des temps requis par le procès canonique. Je l'ai toujours dit : nous n'avons absolument pas l'intention de presser Benoît XVI, à qui revient la décision finale. Lorsqu'il l'annoncera, nous en serons très heureux. Mais le choix de la date et des modalités dépendent seulement du pape, qui jouit de l'assistance de l'Esprit Saint".

 

Enfin, à propos de l'éventuelle reconnaissance de la guérison française comme un miracle -sur lequel un journal polonais a exprimé des doutes démentis par le Vatican-, le cardinal Dziwisz ne veut pas se prononcer. 

 

" Je ne fais pas partie de la commission médicale ni de celle des théologiens". Mais il fait état de très nombreuses guérisons et de grâces reçues par l'intercession de Jean-Paul II. Certes les délais s'allongeraient encore s'il fallait examiner un autre cas. "Mais c'est une hypothèse que je ne veux pas prendre en considération. Tenons-nous en aux faits. Je suis très confiant". 

 

ZENIT.org - Il y a 5 ans Jean-Paul II - pour le card. Dziwisz "ce vent souffle encore"

  

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 05:00

Une nouvelle joie nous arrive, au sein des tristesses du Carême. Hier, c'était le radieux Archange qui déployait devant nous ses ailes ; aujourd'hui, c'est Joseph, l'époux de Marie, le père nourricier du Fils de Dieu, qui vient nous consoler par sa chère présence.


La Sainte Famille par Carlo Dolci

Dans peu de jours, l'auguste mystère de l'Incarnation va s'offrir à nos adorations : qui pouvait mieux nous initier à ses splendeurs, après l'Ange de l'Annonciation, que l'homme qui fut à la fois le confident et le gardien fidèle du plus sublime de tous les secrets ?


Le Fils de Dieu descendant sur la terre pour revêtir l'humanité, il lui fallait une Mère ; cette Mère ne pouvait être que la plus pure des Vierges, et la maternité divine ne devait altérer en rien son incomparable virginité. Jusqu'à ce que le Fils de Marie fût reconnu pour le Fils de Dieu, l'honneur de sa Mère demandait un protecteur : un homme devait donc être appelé à l'ineffable gloire d'être l'Epoux de Marie. Cet heureux mortel, le plus chaste des hommes, fut Joseph.


Le ciel le désigna comme seul digne d'un tel trésor, lorsque de la verge qu'il tenait dans le temple
poussa tout à coup une fleur, comme pour donner un accomplissement sensible à l'oracle prophétique d'Isaie : "Une branche sortira de la tige de Jessé, et une fleur s'élèvera de cette branche". Les riches prétendants à la main de Marie furent écartés ; et Joseph scella avec la fille de David une alliance qui dépassait en amour et en pureté tout ce que les Anges ont jamais connu dans le ciel. Ce ne fut pas la seule gloire de Joseph, d'avoir été choisi pour protéger la Mère du Verbe incarné ; il fut aussi appelé à exercer une paternité adoptive sur le Fils de Dieu lui-même.

Pendant que le nuage mystérieux couvrait encore le Saint des saints, les hommes appelaient Jésus, fils de Joseph, fils du charpentier ; Marie, dans le temple, en présence des docteurs de la loi, que le divin Enfant venait de surprendre par la sagesse de ses réponses et de ses questions, Marie adressait ainsi la parole à son fils : "Votre père et moi nous vous cherchions, remplis d'inquiétude" ; et le saint Evangile ajoute que Jésus leur était soumis, qu'il était soumis à Joseph, comme il l'était à Marie.

Qui pourrait concevoir et raconter dignement les sentiments qui remplirent le cœur de cet homme que l'Evangile nous dépeint d'un seul mot, en l'appelant homme juste ? Une affection conjugale qui avait pour objet la plus sainte et la plus parfaite des créatures de Dieu ; l'avertissement céleste donné par l'Ange qui révéla à cet heureux mortel que son épouse portait en elle le fruit du salut, et qui l'associa comme témoin unique sur la terre à l'œuvre divine de l'Incarnation ; les joies de Bethléhem lorsqu'il assista à la naissance  de l'Enfant, honora  la Vierge-Mère, et
entendit les concerts angéliques ; lorsqu'il vit arriver près du nouveau-né d'humbles et simples bergers,  suivis bientôt des Mages opulents de l'Orient ; les alarmes qui vinrent si promptement interrompre tant de bonheur, quand, au  milieu de la nuit, il lui fallut fuir en Egypte avec l'Enfant et la Mère ;  les rigueurs de cet exil, la pauvreté,  le dénuement auxquels furent en proie le Dieu caché dont il était le nourricier, et l'épouse virginale dont il comprenait de plus en plus la dignité sublime ; le retour à Nazareth, la vie humble et laborieuse qu'il mena dans cette ville, où tant de fois ses yeux attendris contemplèrent le Créateur du monde partageant avec lui un travail grossier ; enfin, les délices de cette existence sans égale, au sein de la pauvre maison qu'embellissait la présence de la Reine des Anges, que sanctifiait la majesté du Fils éternel de Dieu ; tous deux déférant à Joseph l'honneur de chef de cette famille qui réunissait autour de lui par les liens les plus chers le Verbe  incréé,  Sagesse  du Père, et la Vierge, chef-d'œuvre incomparable de la puissance et de la sainteté de Dieu ?

Non, jamais aucun homme, en ce monde, ne pourra pénétrer toutes les grandeurs de Joseph. Pour les comprendre, il faudrait embrasser toute l'étendue du mystère avec lequel sa mission ici-bas le mit en rapport, comme un nécessaire instrument. Ne nous étonnons donc pas que ce Père nourricier du Fils de Dieu ait été figuré dans l'Ancienne Alliance, et sous les traits d'un des plus augustes Patriarches du peuple choisi. Saint Bernard a rendu admirablement ce rapport merveilleux : "Le premier Joseph, dit-il, vendu par ses frères, et en cela figure du Christ, fut conduit en Egypte ; le second, fuyant la jalousie
d'Hérode, porta le Christ en Egypte. Le premier Joseph, gardant la foi à son maître, respecta l'épouse de celui-ci ; le second, non moins chaste, fut le gardien de sa Souveraine, de la Mère de son Seigneur, et le témoin de sa virginité. Au premier fut donnée l'intelligence des secrets révélés par les songes ; le second reçut la confidence des mystères du ciel même. Le premier conserva les récoltes du froment,  non pour lui-même, mais pour tout le peuple ; le second reçut en sa garde le Pain vivant descendu du ciel, pour lui-même et pour le monde entier."


Le songe de Saint Joseph par Rembrandt

Une vie si pleine de merveilles ne pouvait se terminer que par une mort digne d'elle. Le moment arrivait où Jésus devait sortir de l'obscurité de Nazareth et se manifester au monde. Désormais ses œuvres allaient rendre témoignage de sa céleste origine : le ministère de Joseph était donc accompli. Il était temps qu'il sortît de ce monde, pour aller attendre, dans le repos du sein d'Abraham, le jour où la porte des cieux serait ouverte aux justes. Près de son lit de mort veillait celui qui est le maître de la vie, et qui souvent avait appelé cet humble mortel du nom de père ; son dernier soupir fut reçu par la plus pure des vierges, qu'il avait eu le droit de nommer son épouse. Ce fut au milieu de leurs soins et de leurs caresses que Joseph s'endormit d'un sommeil de paix. Maintenant, l'époux de Marie, le père nourricier de Jésus, règne au ciel avec une gloire inférieure sans doute à celle de Marie, mais décoré de prérogatives auxquelles n'est admis aucun des habitants de ce séjour de bonheur.
C'est de là qu'il répand sur ceux qui l'invoquent une protection puissante.

Dans quelques semaines, la sainte Eglise nous révélera toute l'étendue de cette protection ; une fête spéciale sera consacrée  à  honorer le Patronage de  Joseph ;  mais désormais la sainte  Eglise veut que la fête présente,  élevée à l'honneur des premières solennités, devienne  le monument principal  de  la confiance  qu'elle éprouve et qu'elle veut  nous inspirer envers le  haut  pouvoir  de l'époux de Marie.

Le huit décembre 1870, Pie IX, au milieu de la tempête qui jusqu'à cette heure mugit encore, s'est levé  sur la nacelle  apostolique, et a proclamé, à la face de la  Ville et du monde, le sublime  Patriarche Joseph comme devant être honoré du titre auguste de Patron de l'Eglise universelle. Bénis soient l'année et le jour d'un tel décret,  qui apparait comme un arc-en-ciel sur les sombres nuages de l'heure présente ! Grâces soient rendues au Pontife qui a voulu que le 19 mars  comptât  à  l'avenir entre les jours les plus solennels du Cycle, et que la sainte Eglise, plus en butte que jamais à la rage de ses ennemis, reçût  le droit de s'appuyer sur  le bras  de cet homme merveilleux à qui  Dieu, au  temps des mystères évangeliques,  confia la glorieuse mission  de sauver de la  tyrannie  d'Hérode, et la Vierge-mère et le Dieu-homme à peine déclaré à la terre !
 


Saint Joseph avec l'Enfant Jésus par Guido Reni

Nous vous louons, nous vous glorifions, heureux Joseph. Nous saluons en vous l'Epoux de la Reine du ciel, le Père nourricier de notre Rédempteur. Quel mortel obtint jamais de pareils titres ? et cependant ces titres sont les vôtres, et ils ne sont que la simple expression des grandeurs
qu'il a plu à Dieu de vous conférer. L'Eglise du ciel admire en vous le dépositaire des plus sublimes faveurs ; l'Eglise de la terre se réjouit de vos honneurs, et vous bénit pour les bienfaits que vous ne cessez de répandre sur elle.

Royal fils de David, et en même temps le plus humble des hommes, votre vie semblait devoir s'écouler dans cette obscurité qui faisait vos délices ; mais le Seigneur voulut vous associer au plus sublime de ses actes. Une noble Vierge, de même sang que vous, fait l'admiration du ciel, et deviendra la gloire et l'espérance de la terre ; cette Vierge vous est destinée pour épouse. L'Esprit-Saint doit se reposer en elle comme dans son tabernacle le plus pur ; c'est à vous, homme chaste et juste, qu'il a résolu de la confier comme un inestimable dépôt. Devenez donc l'Epoux de celle "dont le Seigneur lui-même a convoité la beauté".


Le  Fils de Dieu vient commencer ici-bas une vie d'homme ; il vient sanctifier la famille, ses liens et ses affections. Votre oreille mortelle l'entendra vous nommer son Père ; vos yeux le verront obéir à vos commandements. Quelles furent, ô Joseph, les émotions de votre cœur, lorsque, pleinement instruit des grandeurs de votre Epouse et de la divinité de votre Fils adoptif, il vous fallut remplir le rôle de chef, dans cette famille au sein de laquelle le ciel et la terre se réunissaient !  Quel souverain et tendre  respect pour Marie, votre Epouse ! quelle  reconnaissance et quelles adorations pour Jésus, votre enfant soumis !  O  mystère de Nazareth ! un  Dieu habite parmi les hommes, et il souffre d'être appelé le Fils de Joseph !
 

Daignez, ô sublime ministre du plus grand de tous les bienfaits, intercéder en notre faveur auprès du Dieu fait homme. Demandez-lui pour nous l'humilité qui vous a fait parvenir à tant de grandeur, et qui sera en nous la base d'une conversion sincère. C'est par l'orgueil que nous avons péché, que nous nous sommes préférés à Dieu ; il nous pardonnera cependant, si nous lui offrons "le sacrifice d'un cœur contrit et humilié". Obtenez-nous cette vertu, sans laquelle il n'est pas de véritable pénitence. Priez aussi, ô Joseph, afin que nous soyons chastes. Sans la pureté du cœur et des sens, nous ne pouvons approcher du Dieu de toute sainteté, qui ne souffre près de lui rien d'impur ni de souillé. Par sa grâce, il veut faire de nos corps des temples de son Saint-Esprit : aidez-nous à nous maintenir à cette élévation, à la rétablir en nous, si nous l'avions perdue.


Enfin, ô fidèle époux de Marie, recommandez-nous à notre Mère. Si elle daigne seulement jeter un regard sur nous en ces jours de réconciliation, nous sommes sauvés : car elle est la Reine de la miséricorde, et Jésus son fils, Jésus qui vous appela son père, n'attend, pour nous pardonner, pour convertir notre cœur, que le suffrage de sa Mère.

Obtenez-le pour nous, ô Joseph ! rappelez à Marie Bethléhem, l'Egypte, Nazareth, où son courage s'appuya sur votre dévouement ; dites-lui que nous vous aimons, que nous vous honorons aussi : et Marie daignera reconnaître par de nouvelles bontés envers nous les hommages que nous rendons à celui qui lui fut donné par le ciel pour être son protecteur et son appui.
 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

La Sainte Famille avec un agneau par Raphaël

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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 10:00
Originaire des environs de Jérusalem, il est ordonné prêtre en 345. Elu évêque de Jérusalem au temps de l'arianisme, il connut de multiples difficultés, liées à la défense de la foi définie au Concile de Nicée. Trois fois il fut envoyé en exil, et la troisième fois pour onze ans. Mais il subit l'épreuve avec courage, en vrai témoin de la divinité de Jésus.

Il est connu surtout pour ses "Catéchèses" qu'il préparait près de deux "grottes mystiques", la grotte du Tombeau du Christ et celle de l'Eleona au Mont des Oliviers, lieu du Pater. C'était des instructions pour les catéchumènes, qui nous le montrent comme un pasteur préoccupé de la formation des nouveaux chrétiens. L'exigence qu'il avait pour les admettre au baptême et la solidité de la foi à laquelle il tendait pour eux sont pour nous un témoignage précieux de la vitalité de l'Eglise de Jérusalem au IVème siècle.

Il est le docteur par excellence de la présence réelle de Jésus Christ dans l'Eucharistie.

Calendrier de Terre Sainte



Merveille étrange et paradoxale ! Nous ne sommes pas vraiment morts, nous n'avons pas été vraiment ensevelis, nous sommes ressuscités sans avoir été vraiment crucifiés. La souffrance et la mort sont en image ; le salut, en vérité.

Le Christ a été réellement crucifié, il est réellement mort, il a été réellement enseveli, il est réellement ressuscité. Et tout cela nous a été donné par grâce, afin que, rendus participants à l'imitation de ses souffrances, nous possédions véritablement le salut.

Excessif amour des hommes ! Le Christ a eu ses mains très pures, ses pieds, percés par les clous, et il a souffert. Et c'est à moi, sans que j'ai souffert ou peiné, qu'il donne le salut en me communicant le fruit de ses souffrances.


Catéchèses mystagogiques
Editions du Cerf
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