Pour faire honneur au Messie Pontife, la souveraine Sagesse a multiplié les Pontifes sur la route qui conduit à lui. Deux Papes,
saint Melchiade et saint Damase ; deux Docteurs, saint Pierre Chrysologue et saint Ambroise ; deux Evêques, l'amour de leur troupeau, saint Nicolas et saint Eusèbe : tels sont les glorieux
Pontifes qui ont reçu la charge de préparer, par leurs suffrages, la voie du peuple fidèle vers Celui qui est le souverain Prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Nous développerons successivement
leurs titres à faire partie de cette noble cour.
Aujourd'hui, l'Eglise célèbre avec joie la mémoire de l'insigne thaumaturge Nicolas, aussi fameux dans l'Orient que le grand
saint Martin l'est dans l'Occident, et honoré depuis près de mille ans par l'Eglise latine. Rendons hommage au souverain pouvoir que Dieu lui avait donné sur la nature ; mais félicitons-le
surtout d'avoir été du nombre des trois cent dix-huit Evêques qui proclamèrent, à Nicée, le Verbe consubstantiel au Père. Il ne fut point scandalisé des abaissements du Fils de Dieu ; ni la
bassesse de la chair que le souverain Seigneur de toutes choses revêtit au sein de la Vierge, ni l'humilité de la crèche, ne l'empêchèrent de proclamer Fils de Dieu, égal à Dieu, le fils de Marie ; c'est pourquoi il a été élevé en gloire et a reçu la charge d'obtenir, chaque année, pour le peuple
chrétien, la grâce d'aller au-devant du Verbe de vie, avec une foi simple et un ardent amour.
Ecoutons maintenant l'éloge que l'Eglise Romaine lui a consacré :
Nicolas naquit à Patare, ville de Lycie, d'une
famille illustre. Sa naissance fut accordée aux prières de ses parents. L'éminente sainteté qu'il fit éclater dans son âge mûr apparut dès son berceau. Encore enfant, on le vit, les mercredis et
vendredis, ne prendre le lait de sa nourrice qu'une seule fois, et sur le soir, bien qu'il le fit fréquemment les autres jours : il conserva toute sa vie cette pratique de jeûne. Privé de ses
parents dans son adolescence, il distribua tous ses biens aux indigents. On cite entre autres ce bel exemple de générosité chrétienne : un homme pauvre, ne trouvant point à marier trois filles
nubiles qu'il avait, pensait les abandonner à la prostitution. Nicolas l'ayant appris, jeta, la nuit, par la fenêtre, dans cette maison autant d'argent qu'il en fallait pour la dot d'une de ces
jeunes filles ; ce qu'il fit une seconde et une troisième fois, en sorte que toutes trois trouvèrent d'honorables partis.
Cependant, le saint s'était donné à Dieu tout
entier, il partit pour la Palestine, afin de visiter les saints lieux. Dans ce pèlerinage qu'il fit par mer, il prédit aux matelots, par un ciel serein et une mer très calme, une horrible tempête
; elle s'éleva soudain, et tout l'équipage fut en grand danger ; mais à la prière de Nicolas, la mer se calma miraculeusement. Il revint de là dans sa patrie, donnant à tous des exemples de
singulière sainteté. Par un avertissement de Dieu, il vint à Myre, métropole de la Lycie, qui venait de perdre son évêque, et au temps même où les évêques de la province étaient rassemblés pour
élire un successeur. Pendant qu'ils délibéraient, ils eurent une révélation de choisir celui qui, le lendemain, entrerait le premier dans l'église, et aurait nom Nicolas. Fidèles à cet
avertissement, celui qu'ils trouvèrent à la porte de l'église fut Nicolas lui-même, lequel fut, au grand applaudissement de tous, créé évêque de Myre. Durant son épiscopat, on vit briller en lui
sans relâche la chasteté qu'il garda toute sa vie, la gravité, l'assiduité à la prière et aux veilles, l'abstinence, la libéralité, l'hospitalité, la mansuétude dans les exhortations, la sévérité
dans les réprimandes.
Il prodigua toujours ses aumônes, ses conseils et ses services à la veuve et à l'orphelin. Son zèle à soulager les opprimés alla
jusqu'à ce point, que trois Tribuns, condamnés sur une calomnie par l'Empereur Constantin, s'étant recommandés à ses prières , malgré la grande distance des lieux et sur la réputation
de ses miracles, il apparut de son vivant à ce prince avec un air menaçant, et les délivra. Comme il prêchait à Myre la vérité de la foi chrétienne, contrairement à l'édit de Dioclétien et
de Maximien, il fut arrêté par les satellites des Empereurs. Entraîné au loin et jeté en prison, il y resta jusqu'à l'avènement de Constantin à l'empire. Délivré de captivité par ses ordres, il
revint à Myre, assista au Concile de Nicée, et y condamna l'hérésie arienne avec les trois cent dix-huit Pères. De retour dans son évêché, il fut bientôt
surpris par la mort : et levant les yeux au ciel, il vit les Anges qui lui venaient au-devant. Il récita alors le Psaume qui commence par les mots : En vous, Seigneur, j'ai
espéré, jusqu'à ces paroles : En vos mains je remets mon âme ; après quoi il s'envola vers la patrie. Son corps qui a été transporté à Bari, dans la Pouille, est l'objet d'un grand
concours et d'une grande vénération.
Aucune Eglise n'a marqué autant d'enthousiasme
pour saint Nicolas, que l'Eglise grecque dans ses Menées. On voit que l'illustre Thaumaturge était une des plus fermes espérances de l'Empire Byzantin ; et cette confiance en saint Nicolas,
Constantinople l'a transmise à la Russie qui la garde encore aujourd'hui. Nous allons, selon notre usage, extraire quelques strophes de la masse de ces chants sacrés que Sainte-Sophie répétait
autrefois en langue grecque, et que les coupoles dorées des Sobors de Moscou entendent retentir encore chaque année dans l'idiome Slavon.
HYMNE DE SAINT NICOLAS.
(Tirée des Menées des Grecs.)
Tu as vraiment habité à Myre, exhalant un parfum précieux ; parfumé toi-même d'un baume spirituel, ô bienheureux Nicolas, grand
Hiérarque du Christ ; et tu parfumes la face de ceux qui, avec foi et amour, honorent ton illustre mémoire, les délivrant de toutes nécessités et tribulations, ô Père saint, par tes prières
auprès du Seigneur.
Ton nom propre est véritablement : Victoire du
peuple, bienheureux Nicolas , souverain prêtre du Christ ; car , invoqué en tous lieux, tu préviens aussitôt ceux qui avec amour requièrent ta protection ; apparaissant nuit et jour à ceux qui
t'invoquent avec foi, tu les délivres des nécessités et des tentations.
Tu apparus à l'Empereur Constantin et à
Ablavius, et leur inspiras une terrible frayeur par ces mots, afin de les engager à la clémence : "Les innocents que vous retenez dans les fers ne méritent point un injuste supplice ; et si
tu méprises mes paroles, ô Prince ! j'en porterai contre toi ma plainte au Seigneur."
Ton œil intrépide a pu fixer les sublimes
hauteurs de la Gnose, et tu as sondé le profond abîme de la Sagesse, toi qui as enrichi le monde de tes enseignements, ô Père saint ! prie pour nous le Christ, ô grand Pontife Nicolas !
Le Christ t'a fait voir à ton troupeau, comme la
règle de la foi et l'image de la douceur, ô grand Hiérarque Nicolas ! car tu répands à Myre un précieux parfum, tout y resplendit de la gloire de tes œuvres, ô protecteur des veuves et des
orphelins ! prie sans cesse le Seigneur de sauver nos âmes.
Réjouis-toi, ô très sainte âme, demeure très
pure de la Trinité, colonne de l'Eglise, soutien des fidèles, appui de ceux qui sont fatigués, astre rayonnant qui, par l'éclat de tes agréables prières, dissipes en tous lieux les ténèbres des
tentations ; saint Pontife Nicolas, port tranquille où trouve un abri quiconque dans la fureur de la tempête réclame ton secours, prie le Christ qu'il daigne accorder à nos âmes une grande
miséricorde.
Réjouis-toi, homme rempli d'un divin zèle, qui,
par un terrible avertissement et par l'éclat de ta voix menaçante dans un songe, as délivré ceux que le glaive allait immoler. Fontaine abondante, tu répands dans Myre la richesse de tes parfums
; tu verses dans les âmes une douce rosée, tu écartes les ordures des passions mauvaises, tu coupes avec le glaive l'ivraie de l'erreur ; dissipe les futiles enseignements d'Arius, et prie le
Christ d'accorder à nos âmes une grande miséricorde.
Roi très haut de tous les rois, vous dont la
puissance est infinie, à la prière de notre saint Pasteur, rendez paisible la vie de tous les Chrétiens. Donnez contre les barbares à notre pieux Empereur la force et la victoire ; afin que
tous, et toujours, nous chantions votre puissance, et l'exaltions dans les siècles des siècles.
Saint Pontife Nicolas, que votre gloire est
grande dans l'Eglise de Dieu ! Vous avez confessé Jésus-Christ devant les Proconsuls, et enduré la persécution pour son Nom ; vous avez ensuite été témoin des merveilles du Seigneur, quand il
rendit la paix à son Eglise ; et peu après, votre bouche s'ouvrait dans l'Assemblée des trois cent dix-huit Pères, pour confesser, avec une autorité irréfragable, la divinité du Sauveur
Jésus-Christ, pour lequel tant de millions de Martyrs avaient répandu leur sang.
Recevez les félicitations du peuple chrétien qui, par toute la terre, tressaille de joie à votre doux souvenir ; et soyez-nous
propice, en ces jours où nous attendons la venue de Celui que vous avez proclamé Consubstantiel au Père.
Daignez aider notre foi et seconder notre amour. Vous le voyez maintenant face à face, ce Verbe par qui toutes choses ont été
faites et réparées ; demandez-lui qu'il daigne se laisser approcher par notre indignité. Soyez notre médiateur entre lui et nous. Vous l'avez fait connaître à notre intelligence, comme le Dieu
souverain et éternel ; révélez-le à notre cœur, comme le suprême bienfaiteur des fils d'Adam. C'est en lui, ô Pontife charitable, que vous aviez puisé cette compassion tendre pour toutes les
misères, qui fait que tous vos miracles sont autant de bienfaits : continuez, du haut du ciel, de secourir le peuple chrétien.
Ranimez et augmentez la foi des nations dans le Sauveur que Dieu leur a envoyé. Que, par l'effet de vos prières, le Verbe divin
cesse d'être méconnu et oublié dans ce monde qu'il a racheté de son sang. Demandez, pour les Pasteurs de l'Eglise, l'esprit de charité qui brilla si excellemment en vous, cet esprit qui les rend
imitateurs de Jésus-Christ, et leur gagne le cœur du troupeau.
Souvenez-vous aussi, saint Pontife, de cette Eglise d'Orient qui vous garde encore une si vive tendresse. Votre pouvoir sur la
terre s'étendait jusqu'à ressusciter les morts ; priez, afin que la véritable vie, celle qui est dans la Foi et l'Unité, revienne animer cet immense cadavre. Par vos instances auprès de Dieu,
obtenez que le Sacrifice de l'Agneau que nous attendons soit de nouveau et bientôt célébré sous les Dômes de Sainte-Sophie. Restituez à l'unité les Sanctuaires de Kiow et de Moscou, et après
avoir soumis à la Croix l'orgueil du Croissant, abaissez devant les Clefs de saint Pierre la majesté des Tzars, afin qu'il n'y ait plus ni Scythe, ni Barbare, mais un seul pasteur.
Considérons encore l'état du monde dans les jours qui précèdent l'arrivée du Messie. Tout atteste que les prophéties qui
l'annonçaient ont reçu leur accomplissement. Non seulement le sceptre a été ôté de Juda, mais les Semaines de Daniel tirent à leur fin. Les autres prédictions de l'Ecriture, sur l'avenir du
monde, se sont successivement vérifiées. Tour à tour sont tombés les Empires des Assyriens, des Mèdes, des Perses et des Grecs ; celui des Romains est parvenu à l'apogée de sa force : il est
temps qu'il cède la place à l'Empire éternel du Messie. Cette progression a été prédite, et maintenant l'heure sonne où le dernier coup va être frappé.
Le Seigneur aussi a dit, par un de ses Prophètes : "Encore un peu de temps, et je remuerai le ciel et la terre, et
j'ébranlerai toutes les nations ; puis viendra le Désiré de tous les peuples" (Aggée, II, 7). Ainsi donc, ô Verbe éternel, descendez. Tout est consommé. Les misères du monde sont parvenues
à leur comble ; les crimes de l'humanité sont montés jusqu'au ciel ; le genre humain a été remué jusque dans ses fondements ; haletant, il n'a plus de ressource qu'en vous, qu'il appelle sans
vous connaître. Venez donc : toutes les prédictions qui devaient retracer aux hommes les caractères du Rédempteur, sont émises et promulguées. Il n'y a plus de prophète dans Israël ; les oracles
de la Gentilité se taisent. Venez accomplir toutes choses : car la plénitude des temps est arrivée.
PRIÈRE POUR LE TEMPS DE L’AVENT.
(Bréviaire Mozarabe, Ier Dimanche de l'Avent, Capitule.)
Ne dédaignez pas nos prières, Seigneur ! regardez et exaucez dans votre clémence. La voix de notre ennemi nous jette dans le
trouble ; consolez-nous par l'Avènement sacré de votre Fils unique ; que la foi nous donne des ailes, et semblables à la colombe, nous nous élèverons en haut.
Seigneur, éloignez-nous d'un siècle pervers, et gardez-nous des filets de l'ennemi, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen
DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
SAINT NICOLAS
par Boullogne