Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 06:00

" Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ?" Voici l'heure où la réponse que le Fils de l'homme exigeait du pêcheur de Galilée, descend des sept collines et remplit la terre. Pierre ne redoute plus la triple interrogation du Seigneur. Depuis la nuit fatale où le coq fut moins prompt à chanter que le premier des Apôtres à renier son Maître, des larmes sans fin ont creusé deux sillons sur les joues du Vicaire de l’Homme-Dieu ; le jour s'est levé où tarissent ces pleurs. Du gibet où l'humble disciple a réclamé d'être cloué la tête en bas, son cœur débordant redit enfin sans crainte la protestation qui, depuis la scène des bords du lac de Tibériade, a silencieusement consumé sa vie : "Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime !"

  

Jour sacré, où l'oblation du premier des Pontifes assure à l'Occident les droits du suprême sacerdoce ! Jour de triomphe, où l'effusion d'un sang généreux conquiert à Dieu la terre romaine ; où, sur la croix de son représentant, l'Epoux divin conclut avec la reine des nations son alliance éternelle !

 

 Ce tribut de la mort, Lévi ne le connut pas ; cette dot du sang, Jéhovah ne l'avait point exigée d'Aaron : car on ne meurt pas pour une esclave, et la synagogue n'était point l'Epouse. L'amour est le signe qui distingue le sacerdoce des temps nouveaux du ministère de la  loi de servitude. Impuissant, abîmé dans la crainte, le  prêtre juif ne savait qu'arroser du sang de  victimes substituées à lui-même les cornes  de  l'autel figuratif. Prêtre et victime à la  fois, Jésus veut plus de ceux qu'il appelle en participation de la prérogative sacrée qui le fait pontife à jamais selon l'ordre de Melchisédech. "Je ne vous appellerai plus désormais serviteurs,  déclare-t-il à ces hommes qu'il  vient  d'élever au-dessus  des  Anges, à  la Cène ; je ne vous appellerai plus serviteurs, car le serviteur ne sait ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés mes amis, parce que  je vous  ai communiqué tout ce que j'ai reçu de mon Père. Comme mon Père m'a aimé, ainsi  je  vous  ai aimés ; demeurez donc en mon amour".

 

 Or, pour le prêtre admis de la sorte en communauté avec le  Pontife éternel, l'amour n'est complet que s'il s'étend à  l'humanité rachetée dans le grand Sacrifice. Et, qu'on le remarque : il y a là pour lui plus que l'obligation, commune à tous les chrétiens, de s'entr'aimer comme membres d'un même Chef ; car, par son sacerdoce, il fait partie du Chef, et, à ce titre, la charité doit prendre en lui quelque chose du caractère et des profondeurs de l'amour que ce Chef divin porte à ses membres.  Que sera-ce, si, au pouvoir  qu'il possède d'immoler le Christ lui-même, au devoir qu'il a de s'offrir avec lui dans le secret des Mystères, la plénitude du pontificat  vient  ajouter la mission publique de donner à l'Eglise l'appui dont elle a besoin, la fécondité que l'Epoux céleste attend d'elle ? C'est alors que, selon la doctrine exprimée de toute antiquité par les Papes, les Conciles et les Pères, l'Esprit-Saint l'adapte à son rôle sublime en identifiant pleinement son amour à celui de l'Epoux dont il remplit les obligations, dont il exerce les droits. Mais alors aussi, d'après le même enseignement de la tradition universelle, se dresse devant lui le précepte de l'Apôtre ; sur tous les trônes où siègent les évêques de l'Orient comme de l'Occident, les anges des Eglises se renvoient la parole : "Epoux, aimez vos Epouses, comme le Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré pour elle afin de la sanctifier".

 

 Telle apparaît la divine réalité de ces noces mystérieuses, qu'à tous les âges l'histoire sacrée flétrit du nom d'adultère l'abandon irrégulier de l'Eglise premièrement épousée. Telles sont les exigences d'une union si relevée, que celui-là seul peut y être appelé qui demeure établi déjà sur les sommets de la perfection la plus haute ; car l'Evêque doit se tenir prêt à justifier sans cesse de ce degré suprême de charité, dont le Seigneur a dit : "Il n'y a point de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime". Là ne réside point seulement la différence du mercenaire et du vrai pasteur ; cette disposition du Pontife à défendre jusqu'à la mort l'Eglise qui lui fut confiée, à laver dans son sang toute tache déparant la beauté de l'Epouse, est la garantie du contrat qui l'unit à cette très noble élue du Fils de Dieu, le juste prix des joies très pures qui lui sont réservées. "Je vous ai révélé ces choses, avait dit le Seigneur instituant le Testament de la nouvelle alliance, afin que ma propre joie soit en vous, et que votre joie soit pleine".

 

Si tels devaient être les privilèges et obligations des chefs des Eglises, combien plus du pasteur de tous ! En confiant à Simon fils de Jean l'humanité régénérée, le premier soin de l'Homme-Dieu avait été de s’assurer qu'il serait bien le vicaire de son amour ; qu'ayant reçu plus que les autres, il aimerait plus qu'eux tous ; qu'héritier de la dilection de Jésus pour les siens qui étaient dans le monde, il les aimerait comme lui jusqu'à la fin. C'est pourquoi l'établissement de Pierre au sommet de la hiérarchie sainte, concorde dans l'Evangile avec l'annonce de son martyre : pontife souverain, il devait suivre jusqu'à la Croix l'hiérarque suprême.

 

 Les fêtes de ses deux Chaires à Antioche et à Rome, nous ont rappelé la souveraineté avec laquelle il préside au gouvernement du monde, l'infaillibilité de la doctrine qu'il distribue comme nourriture au troupeau tout entier ; mais ces deux fêtes, et la primauté dont elles rendent témoignage au Cycle sacré, appelaient pour complément et pour sanction les enseignements de la solennité présente. Ainsi que la puissance reçue par l'Homme-Dieu de son Père, la pleine communication faite par lui de cette même puissance au chef visible de son Eglise avait pour but la consommation de la gloire poursuivie par le Dieu trois fois saint dans son œuvre ; toute juridiction, tout enseignement, tout ministère ici-bas, nous dit saint Paul d'autre part, aboutit à la consommation des saints, qui ne fait qu'un avec la consommation de cette gloire souveraine : or, la sainteté de la créature, et, tout ensemble, la gloire du Dieu créateur et sauveur, ne trouvent leur pleine expression qu'au Sacrifice embrassant pasteur et troupeau dans un même holocauste.

 

 C'est pour cette fin dernière de tout pontificat, de toute hiérarchie, que, depuis l'Ascension de Jésus, Pierre avait parcouru la terre. A Joppé, lorsqu'il était encore au début de ses courses d'Apôtre, une faim mystérieuse s'était saisie de lui : "Lève-toi, Pierre ; tue et mange", avait dit l'Esprit ; et, dans le même temps, une vision symbolique présentait réunis à ses yeux les animaux de la terre et les oiseaux du ciel. C'était la gentilité qu'il devait joindre, sur la table du banquet divin, aux restes d'Israël. Vicaire du Verbe, il partagerait sa faim immense : sa parole, comme un glaive acéré, abattrait devant lui les nations ; sa charité, comme un feu dévorant, s'assimilerait les peuples ; réalisant son titre de chef, un jour viendrait que, vraie tête du monde, il aurait fait de cette humanité, offerte en proie à son avidité, le corps du Christ en sa propre personne. Alors, nouvel Isaac, ou plutôt vrai Christ, il verrait, lui aussi, s'élever devant lui la montagne où Dieu regarde, attendant l'oblation.

 

 Regardons, nous aussi ; car ce futur est devenu le présent, et, comme au grand Vendredi, nous avons part au dénouement qui s'annonce. Part bienheureuse, toute de triomphe : ici du moins, le déicide ne mêle pas sa note lugubre à l'hommage du monde, et le parfum d'immolation qui déjà s'élève de la terre ne remplit les cieux que de suave allégresse.  Divinisée par la vertu de l'adorable hostie du Calvaire, on dirait, en effet, que la terre aujourd'hui se suffit  à elle-même. Simple fils d'Adam par nature, et pourtant vrai pontife souverain, Pierre s'avance portant le monde : son sacrifice va compléter celui de l'Homme-Dieu qui l'investit de sa grandeur ; inséparable de  son chef visible, l'Eglise aussi le revêt de sa gloire. Loin d'elle aujourd'hui les  épouvantements de cette nuit en plein midi, où elle cacha ses pleurs, quand pour la première fois la Croix fut dressée. Elle chante ; et son lyrisme inspiré célèbre "la pourpre et l'or dont la divine lumière compose les rayons de ce jour qui  donne aux  coupables la grâce". Dirait-elle plus du Sacrifice de Jésus lui-même ? C'est qu'en effet, par la puissance de cette autre croix qui s'élève, Babylone aujourd'hui devient la cité sainte. Tandis que Sion reste maudite pour avoir une  fois crucifié son Sauveur, Rome aura beau rejeter l'Homme-Dieu, verser son sang dans ses martyrs, nul crime de Rome ne prévaudra contre le grand fait qui se pose à cette heure :  la croix de  Pierre lui a transféré tous les droits de celle de  Jésus, laissant aux  Juifs la malédiction ; c'est elle maintenant qui est Jérusalem.

 

 Telle étant donc la signification de ce jour, on ne s'étonnera pas que l'éternelle Sagesse ait voulu la relever encore, en joignant l'immolation de Paul l'Apôtre au sacrifice de Simon Pierre. Plus que tout autre, Paul avait avancé par ses prédications l'édification du corps du Christ ; si, aujourd'hui, la sainte Eglise est parvenue à ce plein développement qui lui permet de s'offrir en son chef comme une hostie de très suave odeur, qui mieux que lui méritait donc de parfaire l'oblation, d'en fournir de ses veines la libation sacrée ? L'âge parfait de l'Epouse étant arrivé, son œuvre à lui aussi est achevée. Inséparable de Pierre dans ses travaux par la foi et l'amour, il l'accompagne également dans la mort ; tous deux ils laissent la terre aux joies des noces divines scellées dans leur sang, et montent ensemble à l'éternelle demeure où l'union se consomme.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Les Apôtres Pierre et Paul par Le Greco

Partager cet article
Repost0
28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 18:00

Le soleil penche vers l'horizon. Bientôt l'Eglise va reprendre ses chants, et commencer la Veille sacrée qui se poursuivra jusqu'au matin, dans toute la pompe et l'ampleur des plus augustes solennités. Par le cœur du moins, veillons avec elle.

 

Cette nuit fut la dernière où le chef que lui donna l'Epoux, remplit, dans les cachots de Néron, son ministère de prière et de souffrance ; elle le quittera d'autant moins, et s'emploiera plus que jamais à relever ses grandeurs. Lorsque de nouveau l'astre du jour, paraissant à l'orient, dardera ses feux sur les sept collines où la reine des nations s'est assise, l'heure du sacrifice aura sonné pour le Vicaire de l'Homme-Dieu. Préparons-nous à lui faire cortège, en repassant dans notre pensée les circonstances historiques de ce glorieux  dénouement et les faits qui l'amenèrent.

 

 Depuis l'atroce persécution de l'année 64, Rome était devenue pour Pierre un séjour plein de périls, et il se souvenait que son Maître, en l'établissant Pasteur des agneaux et des brebis, lui avait dit : "Tu me suivras". L'Apôtre attendait donc le jour où il mêlerait son sang à celui de tant de milliers de chrétiens dont il avait été l'initiateur et le père. Mais, avant de sortir de ce monde, Pierre devait avoir triomphé de Simon le Magicien, son ignoble antagoniste. L'hérésiarque ne s'était pas contenté de séduire les âmes par ses doctrines perverses ; il eût voulu imiter Pierre dans les prodiges que celui-ci opérait. Il annonça un jour qu'il volerait dans les airs. Le bruit de cette nouveauté se répandit dans Rome, et le peuple se félicitait de contempler cette ascension merveilleuse. Si l'on s'en rapporte à Dion Chrysostome, Néron aurait retenu quelque temps à sa cour le personnage qui s'était engagé à cette tentative aérienne. Il voulut même honorer de sa présence un si rare spectacle. On dressa la loge impériale sur la voie Sacrée, où la scène devait se passer. La déception fut cruelle pour l'imposteur. "A peine cet Icare se fut-il lancé, dit Suétone, qu'il alla tomber près de la loge de Néron qui fut inondé de son sang" (In Néron XII) . L'accord des plus graves écrivains de l'antiquité chrétienne est unanime pour attribuer à la prière de Pierre l'humiliation infligée au jongleur samaritain au sein même de Rome, où il avait osé se poser comme rival du Vicaire du Christ.

 

 Le déshonneur de l'hérésiarque, aussi bien que son sang, avait rejailli jusque sur l'empereur. La curiosité et la malveillance n'avaient qu'à s'unir, pour appeler sur la personne de Pierre une attention qui pouvait devenir funeste. Que l'on ajoute à cela le péril signalé par saint Paul, "le péril des faux frères" ; les froissements inévitables dans une société aussi nombreuse que l'était déjà celle des chrétiens ; la nécessité de mécontenter les âmes vulgaires, lorsqu'on ne doit consulter que les intérêts les plus élevés dans le choix toujours délicat des dépositaires d'une haute confiance : on s'expliquera alors ce que saint Clément, témoin du martyre des Apôtres, atteste dans sa lettre aux Corinthiens, que "les rivalités et les jalousies" eurent grande part au dénouement tragique des suspicions que l'autorité avait fini par concevoir au sujet de ce Juif.

 

 La piété filiale des chrétiens de Rome s'alarma, et ils supplièrent le vieillard de se soustraire au danger par une fuite momentanée. "Bien qu'il eût préféré souffrir, dit saint Ambroise Contra Auxent), Pierre s'acheminait sur la voie Appienne. Il était arrivé près de la porte Capène, lorsque tout à coup se présente à lui le Christ entrant lui-même dans la ville. "Seigneur, où allez-vous ?" s'écrie l'Apôtre. — "A Rome, répond le Christ, pour y être de nouveau crucifié". Le disciple comprit le Maître ; il revint sur ses pas, n'ayant plus qu'à attendre l'heure de son martyre. Cette scène tout évangélique exprimait la suite des desseins du Sauveur sur son disciple. Afin de fonder l'unité dans l'Eglise chrétienne, il avait étendu à ce disciple son nom prophétique de Pierre ; maintenant c'était jusqu'à sa croix dont il allait le faire participant. Rome allait avoir son Calvaire, comme Jérusalem qu'elle remplaçait.

 

 Dans la fuite du chef de l'Eglise, une bandelette qui liait une de ses jambes était tombée à terre, et elle fut ramassée avec respect par un disciple. On éleva sur place un monument dès les premiers siècles, pour en conserver la mémoire. C'est l'église des saints Nérée et Achillée, appelée dans l'antiquité Titulus fasciolœ, le Titre de la bandelette. Selon les desseins de la Providence, l'humble fasciola était destinée à rappeler la glorieuse et mémorable rencontre, où le Christ en personne s'était trouvé en face de son Apôtre aux portes de Rome, lui annonçant que la croix était proche.

 

 Pierre dès lors disposa toutes choses en vue de sa fin prochaine. Ce fut alors qu'il écrivit sa seconde Epître, qui est comme son testament et ses adieux à l'Eglise. Il y annonce que le terme de sa vie est arrivé, et compare son corps à un abri passager que l'on démonte, pour émigrer ailleurs. "Bientôt, dit-il, ma tente sera détendue, ainsi que me l'a signifié notre Seigneur Jésus-Christ lui-même". L'allusion à l'apparition sur la voie Appienne est ici évidente. Mais Pierre, avant de sortir de ce monde, avait encore à se préoccuper de la transmission de sa charge pastorale et à pourvoir au besoin de l'Eglise, qui bientôt allait être veuve de son chef. C'est dans cette intention qu'il ajoute : "J'aurai soin qu'après ma mort, vous soyez en mesure de vous rappeler mes enseignements."

 

 En quelles mains passeraient les clefs que Pierre avait reçues du Christ, en signe de son pouvoir sur le troupeau tout entier ? Linus était depuis plus de dix ans l'auxiliaire de l'Apôtre au sein de la chrétienté de Rome ; l'accroissement du peuple fidèle avait amené Pierre à lui donner un collègue dans la personne de Clétus ; ce n'était cependant ni sur l'un, ni sur l'autre, que devait s'arrêter le choix de l'Apôtre, en ce moment solennel, où il allait remplir l'engagement qu'il avait pris dans la lettre de ses adieux, de pourvoir à la continuation de son ministère. Clément, que la noblesse de son origine recommandait à la considération des Romains, en même temps que son zèle et sa doctrine lui méritaient l'estime des fidèles, fut celui sur lequel s'arrêta la pensée du prince des Apôtres. Dans les derniers jours qui lui restaient encore, Pierre lui imposa les mains, et l'ayant ainsi revêtu du caractère épiscopal, il l'intronisa dans sa propre Chaire, et déclara son intention de l'avoir pour successeur. Ces faits, rapportés dans le Liber pontificalis, sont confirmés par le témoignage de Tertullien et de saint Epiphane.

 

 Ainsi la qualité d'évêque de Rome entraînait celle de pasteur universel ; et Pierre devait laisser l'héritage des clefs divines à celui qui occuperait après lui le siège que lui-même occupait au moment de sa mort. Ainsi l'avait ordonné le Christ ; et l'inspiration céleste avait amené Pierre à choisir Rome pour sa dernière station, Rome préparée de longue main par la divine Providence à l'empire universel. De là advint qu'au moment où la suprématie de Pierre passa à l'un de ses disciples, aucun étonnement ne se manifesta dans l'Eglise. On savait que la Primauté devait être un héritage local, et on n'ignorait pas que la localité dont Pierre avait fait choix depuis longues années déjà, était Rome elle-même. Après la mort de Pierre, il ne vint en pensée à aucun chrétien de chercher le centre de l'Eglise soit à Jérusalem, soit à Alexandrie, soit à Antioche, soit ailleurs.

 

La chrétienté de Rome tenait compte à son chef du paternel dévouement dont il s'était montré prodigue envers elle. De là ces alarmes, auxquelles l'Apôtre consentit un jour à céder. Les Epîtres de Pierre, si affectueuses, rendent témoignage de la tendresse d'âme qu'il avait reçue à un si haut degré. Il y est constamment le Pasteur dévoué aux brebis, craignant par-dessus tout les airs de domination ; c'est le délégué qui sans cesse s'efface, pour ne laisser apercevoir que la grandeur et les droits de celui qu'il doit représenter. Cette ineffable modestie est encore accrue chez Pierre par le souvenir qu'il conserva toute sa vie, ainsi que le rapportent les anciens, de la faute qu'il avait commise et qu'il pleura jusque dans les derniers jours de sa vieillesse. Fidèle à cet amour supérieur dont son Maître divin avait exigé de sa part une triple affirmation, avant de lui remettre le soin de son troupeau, il supporta, sans fléchir, les immenses labeurs de sa charge de pêcheur d'hommes. Une circonstance de sa vie, qui se rapporte à la dernière période, révèle d'une manière touchante le dévouement qu'il gardait à celui qui avait daigné l'appeler à sa suite, et pardonner à sa faiblesse. Clément d'Alexandrie nous a conservé le trait suivant (Stromat. VII.).

 

 Avant d'être appelé à l'apostolat, Pierre avait vécu dans la vie conjugale. Dès lors sa femme ne fut plus pour lui qu'une sœur ; mais elle s'attacha à ses pas, et le suivit dans ses pérégrinations pour le servir (I Cor. IX.). Elle se trouvait à Rome, lorsque sévissait la persécution de Néron, et l'honneur du martyre la vint chercher. Pierre la vit marcher au triomphe, et à ce moment sa sollicitude pour elle se traduisit dans cette seule exclamation : "Oh ! souviens-toi du Seigneur". Ces deux Galiléens avaient vu le Seigneur, ils l'avaient reçu dans leur maison, ils l'avaient fait asseoir à leur table. Depuis, le divin Pasteur avait souffert la croix, il était ressuscité, il était monté aux cieux, laissant le soin de sa bergerie au pêcheur du lac de Génézareth. Qu'avait à faire à ce moment l'épouse de Pierre ? si ce n'est de repasser de tels souvenirs, et de s'élancer vers celui qu'elle avait connu sous les traits de l'humanité, et qui s'apprêtait à couronner sa vie obscure d'une gloire immortelle.

 

 Le moment d'entrer dans cette gloire était enfin arrivé pour Pierre lui-même. "Lorsque tu seras devenu vieux, lui avait dit mystérieusement son Maître, tu étendras les mains : un autre alors te ceindra, et te conduira là où tu ne veux pas". Pierre devait donc atteindre un âge avancé ; comme son Maître, il étendrait les bras sur une croix ; il connaîtrait la captivité et le poids des chaînes dont une main étrangère le garrotterait ; il subirait violemment cette mort que la nature repousse, et boirait ce calice dont son Maître lui-même avait demandé d'être délivré. Mais, comme son Maître aussi, il se relèverait, fort du secours divin, et marcherait avec ardeur vers la croix. L'oracle allait s'accomplir à la lettre.

 

 Au jour marqué par les desseins de Dieu, la puissance païenne donna l'ordre de mettre la main sur l'Apôtre. Les détails nous manquent quant  aux procédures judiciaires qui suivirent son arrestation, mais la tradition de l'Eglise romaine est qu'il fut enfermé dans la prison Mamertine. On a donné ce nom au cachot que fit construire Ancus Martius au pied du mont Capitolin, et qui fut ensuite complété par Servius Tullius, d'où lui est venu le nom de Carcer Tullianus. Deux escaliers extérieurs, appelés les Gémonies, conduisaient à cet affreux réduit. Un cachot supérieur donnait entrée à celui qui devait recevoir le prisonnier, et ne le rendre que mort, à moins qu'on ne le destinât à un supplice public. Pour l'introduire dans ce terrible séjour, il fallait le descendre, à l'aide de cordes, par une ouverture pratiquée dans la voûte, et qui servait aussi à le remonter, quel que fût son sort. La voûte étant assez élevée et les ténèbres complètes dans le cachot, la garde d'un prisonnier, chargé d'ailleurs de lourdes chaînes, était facile.

 

 Ce fut le 29 juin de l'année 67, que Pierre fut tiré de son cachot pour être conduit à la mort. Selon la loi romaine, il subit d'abord la flagellation, qui était le prélude du supplice des condamnés à la peine capitale. Une escorte de soldats conduisit l'Apôtre au lieu de son martyre, en dehors des murs de la ville, comme le voulait aussi la loi romaine. Pierre, marchant au supplice, était suivi d'un grand nombre de fidèles que l'affection enchaînait à ses pas, et qui bravaient ainsi tous les périls.

 

 Au delà du Tibre, en face du Champ de Mars, s'étendait une vaste plaine à laquelle conduisait le pont appelé Triomphal. Ce pont mettait en communication avec la ville les deux voies Triomphale et Cornélia, qui toutes deux se dirigeaient vers le nord. A partir du fleuve, la  plaine était bornée à gauche par le Janicule, au fond par les monts Vaticans, dont la chaîne se continuait à droite en amphithéâtre. Près de la rive du Tibre, le terrain était occupé par d'immenses jardins, ceux-là mêmes dont Néron avait fait, trois années auparavant, dans ces mêmes jours, le principal théâtre de l'immolation des chrétiens. A l'ouest de la plaine Vaticane, et au delà des jardins de Néron, était un cirque de vaste étendue, que l'on désigne ordinairement sous le nom de ce prince, bien qu'il ait dû sa première origine à Caligula, qui fit apporter d'Egypte l'obélisque destiné à marquer le point central du monument. En dehors du cirque, vers son extrémité, s'élevait un temple d'Apollon, divinité protectrice des jeux publics. A l'autre extrémité commençait la déclivité des monts Vaticans, et vers le milieu, en face de l'obélisque, était planté un térébinthe connu du peuple. L'emplacement désigné pour le supplice de Pierre était près de ce térébinthe. C'était là également que sa tombe était préparée. Nul endroit de Rome ne convenait mieux à une fin si auguste. De tout temps quelque chose de mystérieux avait plané sur le Vatican. Les Romains y considéraient avec respect un vieux chêne, que d'antiques traditions disaient antérieur à la fondation de Rome. On parlait d'oracles qui s'étaient fait entendre en ces lieux. Et quel emplacement convenait mieux pour son repos à ce vieillard qui était venu conquérir Rome, qu'un hypogée sous ce sol vénéré, ouvrant sur la voie Triomphale et s'étendant jusqu'à la voie Cornélia, unissant ainsi les souvenirs de Rome victorieuse et le nom des Cornelii devenu inséparable de celui de Pierre ?

 

 La prise de possession de ces lieux par le Vicaire de l'Homme-Dieu avait une souveraine grandeur.

 

L'Apôtre était arrivé près de l'instrument de son supplice. Ce fut alors qu'il pria les bourreaux de l'y établir la tête en bas, et non à la manière ordinaire, afin, dit-il, que l'on ne vît pas le serviteur dans la même attitude qui avait convenu au Maître. La demande fut accordée, et la tradition chrétienne tout entière rend témoignage de ce fait qui atteste, à la suite de tant d'autres, la profonde modestie d'un si grand Apôtre. Pierre, les bras étendus sur le bois du sacrifice, pria pour la ville et pour le monde, tandis que son sang s'épanchait sur le sol romain dont il achevait la conquête.

 

A ce moment, Rome était devenue pour jamais la nouvelle Jérusalem.

 

 Après que l'Apôtre eut parcouru en entier le cycle de ses souffrances, il expira ; mais il devait revivre dans chacun de ses successeurs jusqu'à la fin des siècles.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Domine quo vadis ?

Partager cet article
Repost0
28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 09:00

Quoique la fête de saint Léon II eût suffi par elle-même à compléter les enseignements de cette journée, l'Eglise de Lyon présente à la reconnaissante admiration du monde, en ce même jour, son grand docteur, le pacifique et vaillant Irénée, lumière de l'Occident. A cette date qui le vit confirmer dans son sang la doctrine qu'il avait prêchée, il est bon de l'écouter rendant à l'Eglise-mère le témoignage célèbre qui, jusqu'à nos temps, a désespéré l'hérésie et confondu l'enfer ; c'est pour une instruction si propre à préparer nos cœurs aux gloires du lendemain, que l'éternelle Sagesse a voulu fixer aujourd'hui son triomphe.

 

Entendons l'élève de Polycarpe, l'auditeur zélé des disciples des Apôtres, celui que sa science et ses pérégrinations, depuis la brillante Ionie jusqu'au pays des Celtes, ont rendu le témoin le plus autorisé de la foi des Eglises au second siècle. Toutes ces Eglises, nous dit l'évêque de Lyon, s'inclinent devant Rome la maîtresse et la mère. "Car c'est avec elle, à cause de sa principauté supérieure, qu'il faut que s'accordent les autres ; c'est en elle que les fidèles qui sont en tous lieux, gardent toujours pure la foi qui leur fut prêchée. Grande et vénérable par son antiquité entre toutes, connue de tous,  fondée par Pierre et Paul les deux plus glorieux des Apôtres, ses évêques sont, par leur succession, le canal qui transmet jusqu'à nous dans son intégrité la tradition apostolique : de telle sorte que quiconque diffère d'elle en sa croyance, est confondu par le seul fait" (Cont. Haeres. III, III, 2.).

 

 La pierre qui porte l'Eglise était dès lors inébranlable aux efforts de la fausse science. Et pourtant ce n'était pas une attaque sans périls que celle de la Gnose, hérésie multiple, aux trames ourdies, dans un étrange accord, par les puissances les plus opposées de l'abîme. On eût dit que, pour éprouver le fondement qu'il avait posé, le Christ avait permis à l'enfer d'essayer contre lui l'assaut simultané de toutes les erreurs qui se divisaient alors le monde, ou même devaient plus tard se partager les siècles.

 

Simon le Mage, engagé par Satan dans les filets des sciences occultes, fut choisi pour lieutenant du prince des ténèbres dans cette entreprise. Démasqué à Samarie par le vicaire de l'Homme-Dieu, il avait commencé, contre Simon Pierre, une lutte jalouse qui ne se termina point à la mort tragique du père des hérésies, mais continua plus vive encore dans le siècle suivant, grâce aux disciples qu'il s'était formés. Saturnin, Basilide, Valentin ne firent qu'appliquer les données du maître, en les diversifiant selon les instincts que faisait naître autour d'eux la corruption de l'esprit ou du cœur. Procédé d'autant plus avouable, que la prétention du Mage avait été de sceller l'alliance des philosophies, des religions, des aspirations les plus contradictoires de l'humanité. Il n'était point d'aberrations, depuis le dualisme persan, l'idéalisme hindou, jusqu'à la cabale juive et au polythéisme grec, qui ne se donnassent la main dans le sanctuaire réservé de la Gnose ; là, déjà, se voyaient formulées les hétérodoxes conceptions d'Arius et d'Eutychès ; là par avance prenaient mouvement et vie, dans un roman panthéistique étrange, les plus bizarres des rêves creux de la métaphysique allemande. Dieu abîme, roulant de chute en chute jusqu'à la matière, pour prendre conscience de lui-même dans l'humanité et retourner par l'anéantissement au silence éternel : c'était tout le dogme de la Gnose, engendrant pour morale un composé de mystique transcendante et de pratiques impures, posant en politique les bases du communisme et du nihilisme modernes.

 

 Combien ce spectacle de la Babel gnostique, élevant ses matériaux incohérents sur les eaux de l'orgueil ou des passions immondes, était de nature à faire ressortir l'admirable unité présidant aux accroissements de la cité sainte ! Saint Irénée, choisi de Dieu pour opposer à la Gnose les arguments de sa puissante logique et rétablir contre elle le sens véritable des Ecritures, excellait plus encore, quand, en face des mille sectes portant si ouvertement la marque du père de la division et du mensonge, il montrait l'Eglise gardant pieusement dans l'univers entier la tradition reçue des Apôtres. La foi à la Trinité sainte gouvernant ce monde qui est son ouvrage, au mystère de justice et de miséricorde qui, délaissant les anges tombés, a relevé jusqu'à notre chair en Jésus le bien-aimé, fils de Marie, notre Dieu, notre Sauveur et Roi : tel était le dépôt que Pierre et Paul, que les Apôtres et leurs disciples avaient confié au monde (Cont. Haeres. I, X, 1.)

 

" L'Eglise donc, constate saint Irénée dans son pieux et docte enthousiasme, l'Eglise ayant reçu cette foi la garde diligemment, faisant comme une maison unique de la terre où elle vit dispersée : ensemble elle croit, d'une seule âme, d'un seul cœur ; d'une même voix elle prêche, enseigne, transmet la doctrine, comme n'ayant qu'une seule bouche. Car, encore bien que dans le monde les idiomes soient divers, cela pourtant n'empêche point que la tradition demeure une en sa sève. Les églises fondées dans la Germanie, chez les Ibères ou les Celtes, ne croient point autrement, n'enseignent point autrement que les églises de l'Orient, de l'Egypte, de la Libye, ou celles qui sont établies au centre du monde. Mais comme le soleil, créature de Dieu, est le même et demeure un dans l'univers entier : ainsi l'enseignement de la vérité resplendit, illuminant tout homme qui veut parvenir à la connaissance du vrai. Que les chefs des églises soient inégaux dans l'art de bien dire, la tradition n'en est point modifiée : celui qui l'expose éloquemment ne saurait l'accroître ; celui qui parle avec moins d'abondance ne la diminue pas" (Cont. Haeres. I, X, 2.).

 

 Unité sainte, foi précieuse déposée comme un ferment d'éternelle jeunesse en nos cœurs, ceux-là ne vous connaissent point qui se détournent de l'Eglise. S'éloignant d'elle, ils perdent Jésus et tous ses dons :

" Car où est l'Eglise, là est l'Esprit de Dieu ; et où se trouve l'Esprit de Dieu, là est l'Eglise et toute grâce. Infortunés qui s'en séparent, ils ne puisent point la vie aux mamelles nourrissantes où les appelait leur mère, ils n'étanchent point leur soif à la très pure fontaine du corps du Sauveur ; mais, loin de la pierre unique , ils s'abreuvent à la boue des citernes creusées dans le limon fétide où ne séjourne point l'eau de la vérité (Cont. Haeres. III, XXIV, 1-2. ).

 

 Sophistes pleins de formules et vides du vrai, que leur servira leur science ?

" Oh ! combien, s'écrie l'évêque de Lyon dans un élan dont l'auteur de l’Imitation semblera s'inspirer plus tard (De Imitatione Christi, L. 1, cap. 1-5.), combien meilleur il est d'être ignorant ou de peu de science, et d'approcher de Dieu par l'amour ! quelle utilité de savoir, de passer pour avoir beaucoup appris, et d'être ennemi de son Seigneur ? Et c'est pourquoi Paul s'écriait : La science enfle, mais la charité édifie. Non qu'il réprouvât la vraie science de Dieu : autrement, il se fût condamné lui-même le premier ; mais il voyait que quelques-uns, s'élevant sous prétexte de science, ne savaient plus aimer. Oui certes, pourtant : mieux vaut ne rien du tout savoir, ignorer les raisons des choses, et croire à Dieu et posséder la charité. Evitons la vaine enflure qui nous ferait déchoir de l'amour, vie de nos âmes ; que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, crucifié pour nous, soit toute notre science" (Cont. Haeres. II, XXVI, 1.).

 

 Plutôt que de relever ici , à la suite d'illustres auteurs, le génie de l'éminent controversiste du second siècle, il nous plaît de citer de ces traits qui nous font entrer dans sa grande âme, et nous révèlent sa sainteté si aimante et si douce :

" Quand viendra l'Epoux, dit-il encore des malheureux qu'il voudrait ramener, ce n'est pas leur science qui tiendra leur lampe allumée, et ils se trouveront exclus de la chambre nuptiale" (Cont. Haeres. II, XXVII, 2.).

 

En maints endroits, au milieu de l'argumentation la plus serrée, celui qu'on pourrait appeler le petit-fils du disciple bien-aimé trahit son cœur ; il montre sur les traces d'Abraham la voie qui conduit à l'Epoux : sa bouche alors redit sans fin le nom qui remplit ses pensées. Nous reconnaîtrons, dans ces paroles émues, l'apôtre qui avait quitté famille et patrie pour avancer le règne du Verbe en notre terre des Gaules :

" Abraham fit bien d'abandonner sa parenté terrestre pour suivre le Verbe de Dieu, de s'exiler avec le Verbe pour vivre avec lui. Les Apôtres firent bien, pour suivre le Verbe de Dieu, d'abandonner leur barque et leur père. Nous aussi, qui avons la même foi qu'Abraham, nous faisons bien, portant la croix comme Isaac le bois, de marcher à sa suite. En Abraham l'humanité connut qu'elle pouvait suivre le Verbe de Dieu, et elle affermit ses pas dans cette voie bienheureuse (Cont. Haeres. IV, V, 3, 4. ).

" Le Verbe, lui, cependant, disposait l'homme aux mystères divins par des figures éclairant l'avenir. Moïse épousait l'Ethiopienne, rendue ainsi fille d'Israël : et par ces noces de Moïse les noces du Verbe étaient montrées, et par cette Ethiopienne était signifiée l'Eglise sortie des gentils ; en attendant le jour où le Verbe lui-même viendrait laver de ses mains, au banquet de la Cène, les souillures des filles de Sion. Car il faut que le temple soit pur, où l'Epoux et l'Epouse goûteront les délices de l'Esprit de Dieu ; et comme l'Epouse ne peut elle-même prendre un Epoux, mais doit attendre qu'elle soit recherchée : ainsi cette chair ne peut monter seule à la magnificence du trône divin ; mais quand l'Epoux viendra, il l'élèvera, elle le possédera moins qu'elle ne sera possédée par lui.

" Le Verbe fait chair se l'assimilera pleinement, et la rendra précieuse au Père par cette conformité avec son Verbe visible. Et alors se consommera l'union à Dieu dans l'amour. L'union divine est vie et lumière ; elle donne la jouissance de tous les biens qui sont à Dieu ; elle est éternelle de soi, comme ces biens eux-mêmes. Malheur à ceux qui s'en éloignent : leur châtiment vient moins de Dieu que d'eux-mêmes et du libre choix par lequel, se détournant de Dieu, ils ont perdu tous les biens (Cont. Haeres. IV, V, XX, XXII) .

 

 La perte de la foi étant, de toutes les causes de l'éloignement de Dieu, la plus radicale et la plus profonde, on ne doit pas s'étonner de l'horreur qu'inspirait l'hérésie, dans ces temps où l'union à Dieu était le trésor qu'ambitionnaient toutes les conditions et tous les âges. Le nom d'Irénée signifie la paix ; et, justifiant ce beau nom, sa condescendante charité amena un jour le Pontife Romain à déposer ses foudres dans la question, pourtant si grave, de la célébration de la Pâque. Néanmoins, c'est Irénée qui nous rapporte de Polycarpe son maître, qu'ayant rencontré Marcion l'hérétique, sur sa demande s'il le connaissait, il lui répondit : "Je te reconnais pour le premier-né de Satan (Cont. Haeres. III, III, 4.)

 

C'est lui encore de qui nous tenons que l'apôtre saint Jean s'enfuit précipitamment d'un édifice public, à la vue de Cérinthe qui s'y trouvait, de peur, disait-il, que la présence de cet ennemi de la vérité ne fît écrouler les murailles : "tant, remarque l'évêque de Lyon, les Apôtres et leurs disciples avaient crainte de communiquer, même en  parole,  avec  quelqu'un de ceux qui altéraient la vérité" (Cont. Hœres. III, III,4.).

 

Celui que les compagnons de Pothin et de Blandine nommaient dans leur prison le zélateur du Testament du Christ (Ep. Martyr. Lugdun. et Vienn. ad Eleuther. Pap), était, sur ce point comme en tous les autres, le digne héritier de Jean et de Polycarpe. Loin d'en souffrir, son cœur, comme celui de ses maîtres vénérés, puisait dans cette pureté de l'intelligence la tendresse infinie dont il faisait preuve envers les égarés qu'il espérait sauver encore. Quoi de plus touchant que la lettre écrite par Irénée à l'un de ces malheureux, que le mirage des nouvelles doctrines entraînait au gouffre :

" O Florinus, cet enseignement n'est point celui que vous ont transmis nos anciens, les disciples des Apôtres. Je vous ai vu autrefois près de Polycarpe ; vous brilliez à la cour, et n'en cherchiez pas moins à lui plaire. Je n'étais qu'un enfant, mais je me souviens mieux des choses d'alors que des événements arrivés hier ; les souvenirs de l'enfance font comme partie de l'âme, en effet ; ils grandissent avec elle. Je pourrais dire encore l'endroit où le bienheureux Polycarpe s'asseyait pour nous entretenir, sa démarche, son abord, son genre de vie, tous ses traits, les discours enfin qu'il faisait à la multitude. Vous vous rappelez comment il nous racontait ses relations avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur, avec quelle fidélité de mémoire il redisait leurs paroles ; ce qu'il en avait appris touchant le Seigneur, ses miracles, sa doctrine, Polycarpe nous le transmettait comme le tenant de ceux-là mêmes qui avaient vu de leurs yeux le Verbe de vie ; et tout, dans ce qu'il nous disait, était conforme aux Ecritures. Quelle grâce de Dieu que ces entretiens ! j'écoutais avidement, transcrivant tout, non sur le parchemin, mais dans mon cœur ; et à l'heure qu'il est, par la même grâce de Dieu, j'en vis toujours. Aussi puis-je l'attester devant Dieu : si le bienheureux, l'apostolique vieillard, eût entendu des discours tels que les vôtres, il eût poussé un grand cri, et se serait bouché les oreilles, en disant selon sa coutume : Ô Dieu très bon, à quels temps m'avez-vous réservé ! Et il se fût levé aussitôt pour fuir ce lieu de blasphème" (Ep. ad Florinum. ).

 

Mais il est temps de donner  le récit liturgique concernant l'histoire du grand évêque et martyr :

Irénée naquit en Asie proconsulaire, non loin de la ville de Smyrne. Il s'était mis dès son enfance à l'école de Polycarpe, disciple de saint Jean l'Evangéliste et évêque de Smyrne. Sous un si excellent maître, il fit des progrès merveilleux dans la science de la religion et la pratique des vertus chrétiennes. Il était embrasé d'un incroyable désir d'apprendre les doctrines qu'avaient reçues en dépôt tous les disciples des Apôtres ; aussi, quoique déjà maître dans les saintes Lettres, lorsque Polycarpe eut été enlevé au ciel dans la gloire du martyre, il entreprit de visiter le plus grand nombre qu'il put de ces anciens, tenant bonne mémoire de tous leurs discours. C'est ainsi que, par la suite, il lui fut possible de les opposer avec avantage aux hérésies. Celles-ci, en effet, s'étendant toujours plus chaque jour, au grand dommage du peuple chrétien, il avait conçu la pensée d'en faire une réfutation soignée et approfondie.

 

 Venu dans les Gaules, il fut attaché comme prêtre à l'église de Lyon par l'évêque saint Pothin, et brilla dans cette charge par le zèle,la parole et la science. Vrai zélateur du testament du Christ, au témoignage des saints martyrs qui combattirent vaillamment pour la foi sous l'empereur Marc-Aurèle, ces généreux athlètes et le clergé de Lyon ne crurent pouvoir remettre en meilleures mains qu'en les siennes l'affaire de la pacification des églises d'Asie, que l'hérésie de Montan avait troublées ; dans cette cause donc qui leur tenait à cœur, ils choisirent Irénée entre tous comme le plus digne, et l'envoyèrent au Pape Eleuthère pour le prier de condamner par sentence Apostolique les nouveaux sectaires, et de mettre ainsi fin aux dissensions.

 

L'évêque Pothin était mort martyr. Irénée lui fut donné pour successeur. Son épiscopat fut si heureux, grâce à la sagesse dont il fit preuve, à sa prière, à ses exemples, qu'on vit bientôt, non seulement la ville de Lyon tout entière, mais encore un grand nombre d'habitants d'autres cités gauloises, renoncer à l'erreur de leurs superstitions et donner leur nom à la milice chrétienne. Cependant une contestation s'était élevée au sujet du jour où l'on devait célébrer la Pâque ; les évêques d'Asie étaient en désaccord avec presque tous leurs autres collègues, et le Pontife Romain, Victor, les avait déjà séparés de la communion des saints ou menaçait de le faire, lorsque Irénée se fit près de lui le respectueux apôtre de la paix : s'appuyant de la conduite des pontifes précédents, il l'amena à ne pas souffrir que tant d'églises fussent arrachées à l'unité catholique, pour un rit qu'elles disaient avoir reçu de leurs pères.

 

 Il écrivit de nombreux ouvrages, qui sont mentionnes par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme. Une grande partie a péri par injure des temps. Mais nous avons toujours ses cinq livres contre les hérésies, composés environ l'an cent quatre-vingt , lorsqu'Eleuthère gouvernait encore l'Eglise. Au troisième livre, l'homme de Dieu, instruit par ceux qui furent sans conteste les disciples des Apôtres, rend à l'église Romaine et à la succession de ses évêques un témoignage éclatant et grave entre tous : elle est pour lui la fidèle, perpétuelle et très sûre gardienne de la divine tradition. Et c'est, dit-il, avec cette église qu'il faut que toute église, c’est-à-dire les fidèles qui sont en tous lieux, se tiennent d'accord à cause de sa principauté supérieure. Enfin il fut couronné du martyre, avec une multitude presque innombrable d'autres qu'il avait amenés lui-même a la connaissance et pratique de la vraie foi ; son passage au ciel eut lieu l'an deux cent deux ; en ce temps-là, Septime Sévère Auguste avait ordonné de condamner aux plus cruels supplices et à la mort, tous ceux qui voudraient persévérer avec constance dans la pratique de la religion chrétienne.

 

 

 Quelle couronne est la vôtre, illustre Pontife ! Les hommes s'avouent impuissants à compter les perles sans prix dont elle est ornée. Car dans l'arène où vous l'avez conquise, un peuple entier luttait avec vous ; et chaque martyr, s'élevant au ciel, proclamait qu'il vous devait sa gloire. Versé vingt-cinq années auparavant, le sang de Blandine et de ses quarante-six compagnons a produit, grâce à vous, plus que le centuple. Votre labeur fit germer du sol empourpré la semence féconde reçue aux premiers jours, et bientôt la petite chrétienté perdue dans la grande ville était devenue la cité même. L'amphithéâtre avait suffi naguère à l'effusion du sang des martyrs ; aujourd'hui le torrent sacré parcourt les rues et les places : jour glorieux, qui fait de Lyon l'émule de Rome et la ville sainte des Gaules !

 

 Rome et Lyon, la mère et la fille, garderont bonne mémoire de l'enseignement qui prépara ce triomphe : c'est aux doctrines appuyées par vous sur la fermeté de la pierre apostolique, que pasteur et troupeau rendent aujourd'hui le grand témoignage. Le temps doit venir, où une assemblée d'évêques courtisans voudra persuader au monde que l'antique terre des Gaules n'a point reçu vos dogmes ; mais le sang versé à flots en ce jour confondra la prétentieuse lâcheté de ces faux témoins. Dieu suscitera la tempête, et elle renversera le boisseau sous lequel, faute de pouvoir l'éteindre, on aura dissimulé pour un temps la lumière ; et cette lumière, que vous aviez placée sur le chandelier, illuminera tous ceux qui habitent la maison.

 

Les fils de ceux qui moururent avec vous sont demeurés fidèles à Jésus-Christ ; avec Marie dont vous exposiez si pleinement le rôle à leurs pères (Cont. Haeres. V, XIX. ), avec le Précurseur de l'Homme-Dieu qui partage aussi leur amour, protégez-les contre tout fléau du corps et de l'âme.

 

 Epargnez à la France, repoussez d'elle, une seconde fois,  l'invasion de la fausse philosophie qui a tenté de rajeunir en nos jours les données de la Gnose.

 

 Faites de nouveau briller la vérité aux yeux de tant d'hommes que l'hérésie, sous ses formes multiples, tient séparés de l'unique bercail.

 

 Ô Irénée, maintenez les chrétiens dans la seule paix digne de ce nom : gardez purs les intelligences et les cœurs de ceux que l'erreur n'a point encore souillés.

 

En ce moment, préparez-nous tous à célébrer comme il convient les deux glorieux Apôtres Pierre et Paul, et la puissante  principauté de  la mère  des Eglises.

  

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Vierge à l'Enfant - Saint Bruno des Chartreux, Lyon

Partager cet article
Repost0
28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 04:00

Il convenait qu'en ce jour de Vigile, l'attention ne fût pas détournée de l'auguste objet que l'Eglise se prépare à exalter dans ses chants. Mais le triomphe de Pierre éclatera d'autant mieux, que son témoignage au Fils de l'homme apparaîtra maintenu plus fidèlement, dans la série des siècles, par les Pontifes héritiers de sa primauté. Longtemps le 28 juin fut consacré à honorer la mémoire de saint Léon le Grand ; c'était le jour que Sergius Ier avait choisi pour célébrer la translation de l'insigne Docteur, et certes on ne pouvait désirer plus magnifique introducteur à la solennité du lendemain. Jamais comme par lui, Rome n'entendit relever en de sublimes discours la grandeur des deux princes des Apôtres et sa propre gloire ; jamais, depuis l'incomparable scène de Césarée de Philippe, le mystère de l'Homme-Dieu ne s'était vu affirmé d'une façon si grandiose qu'au jour où l'Eglise, frappant à Chalcédoine l'impie Eutychès, recevait de Léon l'immortelle formule du dogme chrétien. Pierre, de nouveau, avait parlé par la bouche de Léon ; cependant la cause était loin d'être finie : il y fallait deux siècles encore ; et ce fut un autre Léon, celui-là même que nous fêtons maintenant en ce jour, qui eut l'honneur de la terminer au sixième concile.

 

 Tout en veillant au développement de la Liturgie sacrée, l'Esprit de Dieu n'avait donc point voulu que rien changeât, en cette journée, le cours des pensées du peuple fidèle. Mais lorsque saint Léon Ier reprit, vers le commencement du XIVe siècle, la place qu'il occupait primitivement sur le Cycle au 11 avril, saint Léon II, dont le 28 juin marquait l'anniversaire de la mort, et qui n'avait eu jusque-là qu'une simple mémoire, se leva pour rappeler à son tour les glorieuses luttes de son prédécesseur, et les siennes, dans l’ordre de la confession apostolique.

 

 Comment l'exposition si complète et si claire de Léon le Grand, comment les anathèmes de Chalcédoine, n'avaient-ils point eu raison de l'hérésie qui déniait son plus beau titre de noblesse à notre nature, et lui refusait d'avoir été prise en son intégrité par le Verbe divin ? C'est que, pour assurer le triomphe de la vérité, il ne suffit pas de convaincre un jour l'erreur de mensonge. Plus d'une fois, hélas ! l'histoire nous montre les plus solennels anathèmes aboutir seulement à endormir la vigilance des gardiens de la cité sainte. La lutte paraît finie, le besoin de repos se fait sentir aux combattants, mille autres soins réclament l'attention des chefs ; et, sourdement, feignant la déférence la plus entière, se montrant, s'il le faut, toute de flammes pour les nouvelles préoccupations du moment, l'erreur profite du silence qui a suivi sa défaite. Alors son progrès devient d'autant plus redoutable, qu'elle passe et s'efforce elle-même de passer pour avoir disparu sans laisser trace aucune.

 

 Grâce cependant au divin Chef qui ne cesse point de veiller sur son œuvre, l'épreuve atteint rarement la profondeur douloureuse où saint Léon II dut pénétrer,  avec le fer  et le feu,  pour sauver l'Eglise. Une seule fois le monde terrifié a vu l'anathème frapper au sommet de la montagne sainte. Honorius, placé au faîte de l'Eglise, "ne l'avait point fait resplendir de la doctrine apostolique, mais par une trahison profane, avait laissé la foi qui doit être sans tache exposée à la subversion" (Léon. II, Epist. confirm. Concil. Constantinop. III) ; Léon II lançant la foudre, avec l'Eglise assemblée, sur les nouveaux Eutychiens et leurs complices, n'épargna pas son prédécesseur. Et cependant, de l'aveu de tous, Honorius avait été par ailleurs un Pape irréprochable ; et, dans la circonstance même, il était loin d'avoir professé l'hérésie ou enseigné l'erreur : quelle était donc sa faute ?

 

 L'empereur Héraclius, que ses victoires avaient porté au comble de la puissance, voyait avec tristesse la division persister entre les catholiques de son empire et les disciples attardés d'Eutychès. L'évêque de la cité impériale, le patriarche Sergius, entretenait ces pensées du maître ; fier de quelque habileté politique dont il se flattait, il prétendait se faire un nom en rétablissant à lui seul l'unité que le concile de Chalcédoine et Léon le Grand n'avaient pu obtenir. Les dissidents reconnaîtraient qu'il y avait en Jésus-Christ deux natures, et, pour répondre à leurs avances, on ferait le silence sur la question de savoir s'il y avait en lui deux volontés ou une seule. L'enthousiasme avec lequel ce compromis fut accueilli par les différentes sectes rebelles à l'autorité du quatrième concile, montrait assez qu'il conservait et consacrait à leurs yeux tout le venin de l'erreur ; et par le fait, nier, ou, ce qui pratiquement revenait au même, hésiter à dire qu'il y eût en l'Homme-Dieu d'autre volonté que celle de la nature divine, c'était reconnaître qu'il n'avait pris qu'un semblant d'humanité, la nature humaine ne pouvant exister aucunement sans une volonté qui lui soit propre. Aussi les monophysites ou partisans d'une seule nature dans le Christ, ne firent-ils pas difficulté d'être appelés désormais monothélites ou partisans d'une seule volonté. Sergius, l'apôtre de la nouvelle unité, pouvait s'applaudir ; Alexandrie, Antioche, Constantinople, célébraient d'une même voix le bienfait de la paix : n'était-ce pas tout l'Orient dans ses patriarcats ? Si Rome à son tour pouvait acquiescer, ce serait le triomphe ! Jérusalem, pourtant, faisait défaut dans l'étrange concert.

 

 Témoin des angoisses de l'Homme-Dieu dans son humaine nature, Jérusalem l'avait entendu s'écrier au jardin de l'agonie : Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ; cependant que votre volonté se fasse, et non pas la mienne ! Mieux que toute autre, la ville des douleurs savait à quoi s'en tenir sur les deux volontés mises ainsi en présence, et que l'héroïsme d'un incomparable amour avait pourtant maintenues en si pleine harmonie ; le temps était venu pour elle de rendre son témoignage. Le moine Sophrone, qu'elle s'était choisi pour évêque, fut, par la sainteté, le courage et la science, à la hauteur du rôle qu'il devait remplir. Mais, tandis que, dans la charité de son âme, il cherchait à ramener Sergius avant d'en appeler au Pontife romain, l'évêque de Constantinople prenait les devants ; il arrivait, dans une lettre hypocrite, à circonvenir Honorius, et obtenait de lui qu'il imposât silence au patriarche de Jérusalem. Lorsque saint Sophrone, à la tête des évêques de sa province réunis en concile, crut devoir se tourner vers Rome à son tour, ce ne fut que pour s'entendre confirmer la défense de troubler la paix. Méprise lamentable, qui n'engageait point directement, il est vrai, l'infaillible magistère ; mesure exclusivement politique, qui n'en devait pas moins coûter des larmes et du sang à l'Eglise, pour aboutir, cinquante années plus tard, à la condamnation du malheureux Honorius.

 

 L'Esprit-Saint, en effet, qui garantit l'infaillible pureté de la doctrine officiellement descendue de la chaire apostolique, n'est point tenu de protéger également contre toute défaillance la vertu, le jugement privé, l'administration même du Pontife souverain. Entrant dans les vues de cette solidarité merveilleuse que le Dieu créateur fait régner sur la terre et aux cieux, l'Homme-Dieu, quand il fonda sur l'authentique et immuable base de la foi de Pierre la société des saints, voulut laisser aux prières de tous la charge de compléter son œuvre, en obtenant au successeur de Pierre les grâces de préservation qui ne ressortent point par elles-mêmes de la divine constitution de l'Eglise.

 

 Cependant Mahomet venait de lancer ses hordes sur le monde. Héraclius allait apprendre ce que valait la paix menteuse de son patriarche, et descendre plus bas dans la honte que ne l'avaient élevé en gloire ses victoires sur les Perses, au temps où il s'était montré le héros de la Croix. La Palestine, la Syrie, l'Egypte, tombaient ensemble sous les coups des lieutenants du Prophète. Sophrone, placé au centre de l'invasion, grandissait avec l'épreuve. Abandonné de l'empereur sur le terrain de la défense de l'empire, désavoué par Rome sur celui de la fol, il traitait intrépidement avec Omar de puissance à puissance ; et, près de mourir, espérant contre toute espérance dans cette Rome même qui lui portait un coup plus sensible que les califes, il confiait à Etienne de Dora la mission suprême que ce dernier rapportait ainsi plus tard : 

" Fort comme le lion dans sa justice, méprisant calomnies et intrigues, le bienheureux Sophrone me prit avec lui, moi indigne, et me conduisit au lieu sacré du Calvaire. Là, il me lia d'indissolubles engagements par ces mots : -Tu rendras compte à celui qui, étant Dieu, a été crucifié volontairement selon  la chair, pour nous, en ce saint lieu, lorsqu'au jour de son terrible avènement il viendra juger avec gloire les vivants et les morts, si tu diffères et si tu négliges les intérêts de sa foi qui est en péril. Tu sais que je ne le puis faire de corps, étant empêché par l'incursion des Sarrasins que nos péchés nous ont méritée. Pars donc au  plus tôt, va des confins de la terre à son autre extrémité, jusqu'à ce que tu sois arrivé au Siège apostolique, là où sont les fondements des dogmes orthodoxes. Non pas une fois, ni deux fois, mais sans fin, retourne, fais savoir aux très saints personnages qui résident en ce lieu l'ébranlement de nos régions ; instamment, sans repos, demande et supplie, jusqu'à ce que la prudence apostolique détermine par son jugement régulier la victoire sur ces dogmes perfides" (Concil. Later. Actio seu Secret. II.).

 

 L'évêque de Dora fut fidèle au mandat de Sophrone. Lorsque, douze ans après, il faisait cet émouvant récit au concile de Latran de 649, c'était la troisième fois qu'en dépit des embûches et de la difficulté des temps, il pouvait dire : "Nous avons pris les ailes de la colombe, comme parle David, et nous sommes venus déclarer la situation à ce Siège élevé à tous les regards, Siège souverain et principal, où se trouve le remède de la blessure qui a fondu sur nous" (Concil. Later. Actio seu Secret. II. ). Saint Martin Ier, qui recevait cet appel, était digne de l'entendre ; bientôt il rachetait par son martyre la faute qu'Honorius avait commise de se laisser tromper par un imposteur. Sa mort glorieuse, suivie des supplices endurés pour la vérité par le saint Abbé Maxime et ses compagnons, préparait la victoire que l'héroïque foi de Sophrone au Pontife romain avait annoncée. Admirable revanche de l'Eglise contre un silence odieux : on vit ses docteurs, la langue arrachée, continuer de proclamer par la vertu divine le dogme chrétien qui ne se peut enchaîner ; la main coupée, trouver, dans leur indomptable zèle, le moyen de fixer encore à leur bras mutilé la plume dont les œuvres, deux fois glorieuses, continuaient de porter partout la réfutation du mensonge !

 

 Mais il est temps d'arriver au dénouement de cette lutte immortelle. C'est lui que nous célébrons, en toute vérité, dans la fête de ce jour. Saint Agathon, sur la prière d'un autre Constantin, ennemi de l'hérésie et vainqueur de l'Islam, avait réuni à Constantinople le sixième concile général. La justice et la foi faisaient leur œuvre de concert ; et saint Léon II pouvait chanter enfin : "Ô sainte mère Eglise, quitte le manteau du deuil, et pare-toi des vêtements de ta joie. Tressaille maintenant d'une confiante allégresse : ta liberté n'a point sombré (Epist. confirm. Concil. Constantinop. III).

 

 La sainte Liturgie consacre les lignes suivantes à l'histoire de ce très court pontificat pourtant si rempli :

 Le Souverain Pontife Léon II, Sicilien d'origine, était versé dans la science des Ecritures et des lettres profanes ; il possédait à fond les deux langues grecque et latine. Non moins habile dans le chant sacré, il perfectionna les mélodies des psaumes et des hymnes de l'Eglise. Alors se tenait à Constantinople le sixième concile, sous la présidence des légats du Siège apostolique ; on y voyait l'empereur Constantin, les deux patriarches de Constantinople et d'Antioche, et cent soixante-dix évêques. Léon II confirma ses Actes, et les traduisit en latin.

 

 Dans ce concile furent condamnés Cyrus, Sergius et Pyrrhus, qui enseignaient une seule volonté et une seule opération dans le Christ. Léon abattit l'orgueil des évêques de Ravenne, qui, forts de l'appui des Exarques, n'obéissaient point au Siège apostolique. C'est  pourquoi il décréta que l'élection du clergé de Ravenne serait nulle, si elle n'était approuvée par l'autorité du Pontife Romain.

 

 Il fut vraiment le père des pauvres ; car il soulageait la misère et le délaissement de ceux qui étaient dans le besoin, des veuves, des orphelins, ne les aidant pas seulement de son argent, mais leur consacrant ses soins, ses fatigues, ses conseils. D'exemple et de parole il portait tout le monde à une pieuse et sainte vie. Il s'endormit dans le Seigneur le quatre des calendes de juillet, après un pontificat de dix mois et dix-sept jours, et fut enseveli dans la basilique de Saint-Pierre. Dans une ordination au mois de juin, il créa neuf prêtres, trois diacres, et vingt-trois évêques pour divers lieux.

 

 

Pontife glorieux, vous avez eu le privilège de compléter la confession apostolique, en donnant son développement dernier au témoignage rendu par Pierre à ce fils du Dieu vivant, qui était en même temps fils de l'homme. Vous étiez digne d'achever l'œuvre des Silvestre, des Célestin, et de cet autre Léon, pontife aimé de la terre et du ciel. Convoquant, inspirant, confirmant les illustres conciles de Nicée, d'Ephêse, de Chalcédoine, ils avaient vengé dans notre Emmanuel, et sa divinité consubstantielle au Père, et l'unité de personne qui faisait de Marie sa vraie mère, et cette dualité des natures sans laquelle il n'eût point été notre frère.

 

 Or Satan, qui sur les deux premiers points s'était plus facilement laissé battre, défendait le troisième avec rage : c'est qu'au jour du grand combat qui le chassa des deux, sa révolte avait été le refus d'adorer Dieu sous des traits humains ; forcé par l'Eglise de plier le genou comme tout l'enfer, sa jalousie voudrait du moins que ce Dieu n'eût pris de l'homme qu'une nature tronquée. Que le Verbe soit chair, mais qu'il n'ait en cette chair d'autre impulsion, d'autres énergies que celles de la divinité même : et cette nature inerte, découronnée de la volonté, ne sera plus l'humanité, dût-elle en garder tout le reste ; et Lucifer, dans son orgueil, n'aura point à rugir autant. Car l'homme, objet de son infernale envie, n'aura plus de commun avec le Verbe divin qu'une vaine apparence. Merci à vous, ô Léon II, merci au nom de l'humanité tout entière ! Par vous, devant le ciel, la terre et l'enfer, est promulgué authentiquement l'incomparable titre qui établit, sans restriction, notre nature à la droite du Père, au plus haut des cieux ; par vous, Notre-Dame consomme l'écrasement de la tête de l'odieux serpent.

 

 Mais quelle habileté en cette campagne de Satan, prolongée plus de deux siècles dans l'ombre, pour arriver plus sûrement au triomphe ! Quels applaudissements dans l'abîme, quand, un jour, le représentant de Celui qui est la lumière parut de complicité avec les puissances des ténèbres pour amener la nuit ! Un nuage avait semblé s'interposer entre le ciel et les monts où Dieu réside en son vicaire ; sans doute, l'apport social de l'intercession n'avait point été ce qu'il devait être. Prévenez, ô Léon, le retour de situations à ce point douloureuses. Soutenez le pasteur au-dessus de la région des brouillards perfides qui s'élèvent de la terre ; entretenez dans le troupeau cette prière qui sans cesse doit monter à Dieu pour lui de l’Eglise, et Pierre, fût-il enseveli au fond des plus obscurs cachots, ne cessera point de contempler le pur éclat du Soleil de justice ; et le corps entier de la sainte Eglise sera dans la lumière. Car, dit Jésus, le corps est éclairé par l'œil : si l'œil est simple, le corps entier resplendit.

 

 Instruits par vous sur le prix du bienfait que le Seigneur a conféré au monde, quand il l'affermit sur l'infaillible enseignement des successeurs de Pierre, nous serons mieux préparés pour célébrer demain la solennité qui s'annonce. Nous connaissons maintenant la force du roc qui porte l'Eglise ; nous savons que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Car jamais l'effort de ces puissances de l'abîme n'alla plus loin que dans la triste crise à laquelle vous avez mis un terme ; or leur succès, si douloureux qu'il fût, n'était point à rencontre des promesses divines : ce n'est point au silence de Pierre, mais à son enseignement, qu'est promise l'immanquable assistance de l'Esprit de vérité.

 

Très pieux Pontife, obtenez-nous, avec cette rectitude de la foi, le céleste enthousiasme qui convient pour chanter Pierre et l'Homme-Dieu dans l'unité que Jésus même a établie entre eux. La sainte Liturgie vous fut grandement redevable : faites-nous goûter toujours plus la manne cachée qu'elle renferme ; puissent nos cœurs et nos voix interpréter dignement les mélodies sacrées !

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Santa Maria della Salute, Venise

Partager cet article
Repost0
27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 11:00

ceremony in Notre-Dame 2

  

Alors que notre Église a été durement touchée tout au long de cette année, nous mesurons bien que notre engagement à la suite du Christ est un engagement de pauvres hommes qui n’échappent ni aux perversions communes, ni aux fautes des membres de l’Église.

 

Notre corps sacerdotal a été secoué par la révélation du mal qu’ont fait un certain nombre de ses membres. L’Église tout entière en a été frappée. Nous en avons souffert, nous en souffrons et nous en demandons pardon à celles et ceux qui en furent les victimes.

 

Mais nous avons assez foi en la puissance de Dieu pour savoir qu’Il continue d’agir malgré nos faiblesses.

 

ceremony in Notre-Dame 6

 

Ce n’est pas de nos qualités, de nos talents, ni même de nos convictions que nous sommes les témoins. C’est du Christ ressuscité et de la vie de son Esprit en ce monde.

 

Ce n'est pas notre valeur morale que nous annonçons, c’est la Bonne Nouvelle du salut.

 

Dans le Christ, le péché et la mort ont été vaincus et ceux qui essaient d’être disciples du Christ sont témoins de cette victoire.

 

ceremony in Notre-Dame 5

 

La véritable réponse aux questions de ce monde n’est pas dans le même registre que celui des questionneurs. Ceux-ci sont tentés de mesurer l’authenticité de l’Église à l’aune des moyens de communication pour lesquels l’image construite et présentée compte plus que la réalité.

 

Notre véritable réponse aux questions de ce monde n’est pas dans une stratégie de communication, elle est ici ce matin, dans cette cathédrale et sur son parvis.

 

C’est l’Église toujours vivante malgré ses faiblesses et ses blessures, c’est l’Église fondée par le Christ, animée par son Esprit, l’Église sans cesse en croissance et en mouvement, l’Église mobilisée et passionnée par l’annonce de Jésus-Christ.

 

ceremony in Notre-Dame 7

 

Dans ce monde, dans tous les temps et sous toutes les latitudes, la fidélité à la personne du Christ et à son enseignement a toujours été un combat. Dire qui est Jésus-Christ ne conduit pas nécessairement à se faire des amis. Jésus en a prévenu ses disciples : 

" Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi : ils auront là un témoignage pour eux et pour les païens. Lorsqu’ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous." (Mt. 10, 18-20).

 

ceremony in Notre-Dame 3 

 

Ce n’est pas sur nos forces que nous pouvons compter, mais sur la force de Dieu. On a pu enchaîner Pierre et traduire Paul en jugement. On ne peut pas enchaîner la Parole de Dieu. Chers amis, vous pouvez donc accepter avec confiance le ministère auquel vous êtes appelés, pourvu que vous soyez résolus à vous appuyer sur la grâce de Dieu et sur la vie de l’Église pour conduire votre vie et votre action.

 

ceremony in Notre-Dame 1

 

Au moment où notre société traverse une crise où les incertitudes économiques font ressortir les questions fondamentales sur notre modèle de vie sociale et appellent à nouveau une réflexion sur le sens de la vie humaine, l’Évangile et son programme de justice et d’amour prennent une actualité nouvelle.

 

Un certain nombre de nos contemporains entendent avec plus d’intérêt et plus d’attention celles et ceux qui ne se laissent pas enfermer dans le piège de l’exploitation anarchique du monde pour la satisfaction de leurs désirs immédiats, celles et ceux qui osent poser les questions des finalités : pourquoi l’homme est-il sur la terre et comment peut-il être digne de sa vocation unique ? 

 

ceremony in Notre-Dame 4 

 

Catholiques de Paris, dans ce temps de grâce, dans ce moment opportun, ne faillissons pas à notre mission ! Que chacune de nos communautés, -et spécialement nos assemblées dominicales-, soit un flambeau d’espérance dans la grisaille des jours. Que chacune et chacun d’entre nous soit un signe que la promesse de Dieu s’accomplit pour ces temps et en ces lieux.

 

ceremony in Notre-Dame 8

 

 

texte : extraits de l'Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Ordinations sacerdotales 2010 - Diocèse de Paris

photos  : http://www.daylife.com/

Partager cet article
Repost0
27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 04:00

Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : "Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ?" Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village.

 

En cours de route, un homme dit à Jésus : "Je te suivrai partout où tu iras." Jésus lui déclara : "Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête." Il dit à un autre : "Suis-moi." L'homme répondit : "Permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père." Mais Jésus répliqua : "Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu."

 

Un autre encore lui dit : "Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison." Jésus lui répondit : "Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu."

 

 

 Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 

Christ par Le Greco

Partager cet article
Repost0
26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 04:00

Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.

 

 Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ; et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef. Avec l'astucieuse habileté des traîtres et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement. Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.

 

 Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers ; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial, sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince ; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ? Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort ; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.

 

 Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête. Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne , cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux, le 26 juin 363, Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage : "Tu as vaincu, Galiléen !"

 

 De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur ; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection. C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes.

 

 Lisons le simple et touchant récit consacré par l'Eglise aux deux frères : 

Jean et Paul étaient frères et Romains. Ayant servi pieusement et fidèlement Constance, fille de Constantin, ils en avaient reçu de grands biens  avec lesquels ils nourrissaient les pauvres du Christ. Julien l'apostat les invita à prendre place parmi ses familiers ; mais ils répondirent avec liberté, qu'ils ne voulaient point demeurer chez un homme qui avait abandonné Jésus-Christ.  L'empereur leur donna dix jours pour  délibérer, leur faisant savoir que si, passé ce terme, ils refusaient de s'attacher a lui et de sacrifier à Jupiter, ils mourraient sans nul doute.

 

 Ce temps fut mis par eux à profit pour distribuer le reste de leur fortune aux pauvres : ainsi devaient-ils s'en aller plus librement au Seigneur ; et le nombre, s'accroîtrait de ceux qui, en retour de leurs aumônes, les recevraient dans les tabernacles éternels. Le dixième jour, Térentianus, préfet des prétoriens, fut envoyé vers eux ; il apportait l'image de Jupiter qu'ils devaient adorer. On leur déclare l'ordre du prince : s'ils ne rendent leur culte à Jupiter, ils mourront. Sans interrompre leur prière, ils répondent qu'ils honorent de cœur et de bouche le Christ comme Dieu, et sont prêts à mourir pour sa foi.

 

 Craignant qu'une exécution publique ne produisît quelque émotion dans le peuple, Térentianus les fit décapiter là même où ils étaient, dans leur propre maison. C'était le six des calendes de juillet. Ayant pris soin qu'on les ensevelit secrètement, le préfet répandit le bruit que Jean et Paul avaient été envoyés en exil. Mais leur mort fut divulguée par les esprits impurs qui tourmentaient les corps d'un grand nombre de personnes, entre lesquelles se trouva le fils même de Térentianus. Agité par le démon, on le conduisit au tombeau des martyrs, où il trouva sa délivrance. Sa conversion fut la suite du miracle, et Térentianus son père également crut au Christ : c'est lui, dit-on même, qui écrivit l'histoire des bienheureux martyrs.

 

 

Un double triomphe  éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde ; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne. La lutte ne fut jamais un mal pour  l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur  terre, non la paix, mais le glaive. Aussi, jusqu'à la fin des siècles, proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler votre mépris au tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve.

 

Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences ; où, parce que le péché  proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions  dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour ; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux,  le blasphème des habitants  de la cité maudite ! Nos temps ont vu s'élever une persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur ; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence, ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois ; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.

 

 Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave  poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue,  en raison de sa primauté , le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur.

 

Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de  fermer les portes  du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre : bénissez les moissons prêtes à mûrir ; soyez propices aux moissonneurs, allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent  criminelle, l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

  

SanGiovanni San Paolo 1

 

 Basilica dei Santi Giovanni e Paolo

 

Roma Sangiovanni e Paolo

Partager cet article
Repost0