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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

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SALVE REGINA

29 août 2009 6 29 /08 /août /2009 05:00

En ce temps-là, Hérode envoya prendre Jean et il le mit en prison chargé de liens, à cause d'Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu'il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne vous est pas permis d'avoir la femme de votre frère. Or Hérodiade lui dressait des embûches et voulait le faire mourir, mais ne le pouvait pas. Hérode, en effet, craignait Jean qu'il tenait pour un homme juste et saint, et il le gardait, faisant beaucoup de choses d'après ses avis et l'écoutant volontiers. Un jour favorable s'étant donc présenté, à savoir celui de la naissance d'Hérode où il avait offert un banquet à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée, la fille d'Hérodiade entra et dansa, et elle plut à Hérode et à ses convives, et le roi lui dit : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il en fit le serment : Quoi que ce soit que tu demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Or elle, étant sortie, dit à sa mère : Qu'est-ce que je demanderai ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Rentrant donc aussitôt en grande hâte, elle fit au roi sa demande, disant : Je veux que sur-le-champ vous me donniez dans un plat la tête de Jean-Baptiste. Et le roi en fut peiné ; mais à cause de son serment et de ceux qui étaient avec  lui à  table,  il ne voulut pas la contrister, et envoyant un de ses gardes, il lui donna l'ordre d'apporter la tête dans un plat. Et le garde coupa la tête de Jean dans la prison, et l'apportant dans un plat, il la remit à la fille qui la donna à sa mère. Ce qu'ayant appris, ses disciples vinrent et enlevèrent son corps, et ils l'ensevelirent dans un tombeau.




Salomé avec la tête de Saint Jean-Baptiste par Onorio Marinari


Ainsi  donc finit le  plus grand des enfants nés d'une femme, sans témoins, dans la prison d'un tyran de second ordre, victime de la plus vile des passions, prix d'une danseuse.

Au silence devant le crime, fût-ce sans espoir d'amender le coupable, au renoncement à sa liberté, même dans les fers, la Voix du Verbe a préféré la mort. Belle liberté de la parole, selon  l'expression de saint Jean Chrysostome, quand elle est véritablement la liberté même du Verbe de Dieu, quand par elle ne cessent  point  de  vibrer ici-bas les échos des collines éternelles !  Elle est bien alors l'écueil de la tyrannie, la sauvegarde  du monde, des droits de Dieu et de l'honneur des peuples, des intérêts du temps comme de ceux de l'éternité. La mort ne prévaut pas contre elle ;  à l'impuissant meurtrier de Jean-Baptiste, à tous ceux qui voudraient l'imiter, mille bouches pour une, jusqu'à la fin des temps, redisent en toute langue, en tous lieux : Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère.


" Grand et admirable mystère ! s'écrie par ailleurs saint Augustin. Il faut qu'il croisse, et que je diminue, disait Jean, disait la Voix en laquelle se personnifient les voix qui le précédèrent, annonçant comme  lui la Parole du Père incarnée dans
son Christ. Toute parole, en tant que signifiant quelque chose, en tant qu'idée, verbe intérieur, est indépendante du nombre des syllabes, de la variété des lettres ou des sons ; elle reste immuable et une au cœur qui la conçoit, bien que multiples puissent être les mots qui lui donnent corps extérieurement, les voix qui la propagent, les langues, grecque, latine ou autres, où elle se traduit. A qui sait la parole, inutiles deviennent les formules et la voix. Voix furent les Prophètes, voix les Apôtres ; voix dans les Psaumes, voix dans l'Evangile. Mais vienne la Parole, le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était avec Dieu, le Verbe qui était Dieu : quand nous le verrons comme il est, entendra-t-on encore réciter l'Evangile ? écouterons-nous les Prophètes ? lirons-nous les Epîtres des Apôtres ? La voix défaille où grandit le Verbe. Non qu'en lui-même le Verbe décroisse ou grandisse. Mais il est dit croître en nous, quand c'est nous qui croissons en lui. A qui donc se rapproche du Christ, à qui progresse dans la contemplation de la Sagesse, les mots sont moins utiles ; il est nécessaire qu'ils tendent à faire tous défaut. Ainsi s'amoindrit le ministère de la voix en la mesure du progrès de l’âme vers le Verbe ; ainsi que le Christ grandisse et que Jean diminue. C'est ce qu'indiquent la Décollation de Jean et l'Exaltation du Christ en croix, comme l'avaient déjà fait leurs dates de naissance ; car à partir de la naissance de Jean décroissent les jours, qui grandissent à dater de celle du Seigneur."
(Aug. Sermo CCLXXXVIII, In Natali J. Bapt. 11, De voce et verbo)

Utile leçon donnée aux guides des âmes dans les sentiers de la vie parfaite. Si,  dès l'abord, ils
doivent respectueusement observer la direction de la grâce en chacune d'elles,  pour seconder l'Esprit-Saint et non s'imposer à lui ; ainsi faut-il qu'à mesure qu'elles avancent, ils évitent d'obstruer le Verbe sous l'abondance de leur propre parole ; comme aussi leur discrétion devra respecter l'impuissance où ces âmes en arrivent progressivement d'exprimer ce qu'opère en elles le Seigneur. Heureux alors  d'avoir conduit l'Epouse à l'Epoux, qu'ils apprennent à dire avec Jean : Il faut qu'il croisse, et que je diminue.

Et n'est-ce pas une leçon pareille que nous insinue à nous-mêmes le Cycle sacré, lorsque nous le verrons, dans les  jours qui vont suivre, comme tempérer ses propres enseignements par la diminution du nombre des fêtes et l'absence prolongée des grandes  solennités qui ne reparaîtront  qu'en novembre ? L'école de la sainte Liturgie n'a point d'autre but que d'adapter l'âme, plus sûrement, plus pleinement qu'aucune autre école, au magistère intérieur de l'Epoux. Comme Jean, l'Eglise voudrait, s'il était possible ici-bas toujours, laisser Dieu parler seul ; du moins aime-t-elle, sur la fin de la route, à modérer sa voix, à quelquefois s'imposer silence, désirant donner à ses fils l'occasion de montrer qu'ils savent écouter au dedans d'eux-mêmes Celui qui pour elle et pour eux est l'unique amour.

Aux  interprètes  de sa pensée de bien la comprendre. L'ami de l'Epoux, qui jusqu'au jour des noces marchait devant lui, se tient maintenant debout et lui-même il  l'écoute ; et cette voix de l'Epoux, qui fait rentrer la sienne dans le silence, le remplit d'immense joie. Cette joie donc qui est la mienne est complète, disait le Précurseur.

L
a fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste peut être considérée comme un des jalons de l'Année liturgique en la manière que nous venons d'exposer. Elle est rangée par les Grecs au nombre des solennités chômées. La mention qui en est faite au Martyrologe dit de saint Jérôme, la place qu'elle occupe dans les Sacramentaires gélasien et grégorien, démontrent sa haute antiquité dans l'Eglise latine. C'était aux environs de la fête de Pâques qu'avait eu lieu la bienheureuse mort du Précurseur ; pour l'honorer plus librement, on choisit ce jour qui rappelle aussi la découverte à Emèse de son glorieux chef.

La vengeance de Dieu s'était appesantie sur Hérode Antipas. Josèphe rapporte que les Juifs attribuaient à la mort de Jean sa défaite par Arétas d'Arabie, dont il avait répudié la fille pour suivre ses instincts adultères. Déposé par Home de son tétrarchat de Galilée, il fut relégué à Lyon, dans les Gaules, où l'ambitieuse Hérodiade partagea sa disgrâce. Quant à Salomé la danseuse, nos pères racontaient, d'après d'anciens auteurs, qu'ayant un jour d'hiver voulu danser sur une rivière gelée, la glace se rompit l'engloutissant jusqu'au cou, tandis que sa tête, tranchée par les glaçons rejoints soudainement, continua quelque temps par ses bonds cette danse de la mort.


De Machéronte au delà du Jourdain, où leur maître consomma son martyre, les disciples de Jean avaient porté son corps jusqu'à Sébaste, l'ancienne Samarie, en dehors des frontières d'Antipas ; car il était urgent de le soustraire aux profanations qu'Hérodiade n'avait point épargnées à son chef auguste. La vengeance de la malheureuse n
e se crut point satisfaite, en effet, qu'elle n'eût percé d'une de ses épingles à cheveux la langue qui n'avait pas craint de flétrir sa honte ; et la face du Précurseur, que l'église d'Amiens présente depuis  sept  siècles  à  la  vénération  du monde, garde encore  trace des violences auxquelles se porta sa furie dans la joie du triomphe. Au temps de  Julien  l'Apostat,  les païens voulurent compléter l'œuvre de  cette  indigne descendante des Machabées, en envahissant le tombeau de Sébaste pour brûler et disperser les restes du Saint. Mais ce sépulcre vide n'en faisait pas moins toujours la terreur des démons, comme sainte Paule le constatait avec une religieuse émotion quelques années plus tard.  Sauvées d'ailleurs en grande partie, les précieuses reliques s'étaient répandues par l'Orient, d'où elles devaient, à l'époque surtout des Croisades, émigrer dans nos contrées où leur présence fait la gloire de nombreuses églises. 


DOM GUÉRANGER
L'année Liturgique

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28 août 2009 5 28 /08 /août /2009 05:00

SAINT AUGUSTIN
Botticelli

Le plus grand des Docteurs et le plus humble, Augustin se lève, acclamé par les cieux dont nulle conversion de pécheur n'excita comme la sienne l'ineffable joie, célébré par l'Eglise où ses travaux laissent pour les siècles en pleine lumière la puissance, le prix, la gratuité de la divine grâce.


Depuis l'entretien extatique qui fit d'Ostie un jour le vestibule du ciel, Dieu a complété ses triomphes dans le fils des larmes de Monique et de la sainteté d'Ambroise. Loin des villes fameuses où l'abusèrent tant de séductions, le rhéteur d'autrefois n'aspire qu'à nourrir son âme de la simplicité des Ecritures sacrées dans le silence de la solitude. Mais la grâce, qui a brisé la double chaîne enserrant son esprit et son cœur, garde sur lui des droits souverains ; c'est dans la consécration des pontifes vouant Augustin à l'oubli de soi-même, que la Sagesse consomme avec lui son alliance : la Sagesse qu'il déclare : "aimer seule pour elle seule, n'aimant qu'à cause d'elle le repos et la vie".

A ce sommet où l'a porté la miséricorde divine, entendons-le épancher son cœur : 
Je vous ai aimée tard, beauté si ancienne et si nouvelle ! je vous ai aimée tard ! Et vous étiez en moi ; et moi, hors de moi-même, vous cherchais en tous lieux. J'interrogeais la terre, et elle me disait : "Je ne suis pas ce que tu cherches" ; et tous les êtres que porte la terre me faisaient même aveu. J'interrogeais la mer et ses abîmes, et ce qui a vie dans leurs profondeurs ; et la réponse était : "Nous ne sommes pas ton Dieu, cherche au-dessus de nous." J'interrogeais les vents et la brise ; et l'air disait avec ses habitants : "Anaximènes se trompe ; je ne suis pas Dieu." J'interrogeais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles : "Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches." O vous tous qui vous pressez aux portes de mes sens, objets qui m'avez dit n'être pas mon Dieu, dites-moi de lui quelque chose ; et dans leur beauté qui avait attiré mes recherches avec mon désir, ils ont crié d'une seule voix : "C'est lui qui nous a faits." — Silence à l'air, aux eaux, à la terre ! silence aux cieux ! silence en l'homme à l'âme elle-même ! qu'elle passe au delà de sa propre pensée : par delà tout langage, qu'il soit de la chair ou de l'ange, s'entend lui-même Celui dont parlent les créatures ; là où cessent le signe et l'image, et toute vision figurée, se révèle la Sagesse éternelle. Mes oreilles sourdes ont entendu votre voix puissante ; votre lumière éblouissante a forcé l'entrée de mes yeux aveugles ; votre parfum a éveillé mon souffle, et c'est à vous que j'aspire, j'ai faim et soif, car je vous ai goûté ; j'ai tressailli à votre contact, je brûle d'entrer dans votre repos : quand je vous serai uni de tout moi-même, la douleur et le travail auront pris fin pour moi.

(Confess.) 

Un autre travail que le labeur de la correspondance intime aux prévenances de son Dieu ne devait finir pour Augustin qu'avec la vie : celui de ses luttes pour la vérité qui avait délivré son âme, sur tous les champs de bataille choisis dans ces temps par le père du mensonge. Combats terminés par autant de victoires, où l'on ne sait qu'admirer le plus, comme d'autres l'ont dit : la science des Livres saints, la puissance de la dialectique ou l'art de bien dire ; mais dans lesquels l'emporte sur tout la plénitude de la charité. Nulle part ailleurs n'apparaît mieux l'unité de cette divine charité communiquée par l'Esprit à l'Eglise, et qui, du même cœur où elle puise son inflexibilité à maintenir jusqu'au moindre iota les droits du Seigneur Dieu, déborde d'ineffable mansuétude pour tant de malheureux qui les méconnaissent encore :

" Qu'ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas quel labeur c'est d'arriver au vrai, d'éviter l'erreur. Qu'ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas combien il est rare, combien il en coûte, de parvenir à surmonter dans la sérénité d'une âme pieuse les fantômes des sens. Qu'ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas avec quelle peine se guérit l'œil de l'homme intérieur, pour fixer son soleil, le soleil de justice ; ceux qui ne savent pas par quels soupirs, quels gémissements, on arrive, en quelque chose, à comprendre Dieu. Qu'ils vous soient durs enfin, ceux qui n'ont jamais connu séduction pareille à celle qui vous trompe. Pour moi qui, ballotté par les vaines imaginations dont mon esprit était en quête, ai partagé votre misère et si longtemps pleuré, je ne saurais aucunement être dur avec vous." 

(Aug. Contra epist. Manichaei quam vocant fundamenti, 2-3.)

C'est aux disciples de Manès, traqués partout en vertu des lois mêmes des empereurs païens, qu'Augustin adressait ces paroles émues : nouveau Paul, se souvenant du passé ! Combien effrayante n'est donc pas la misère de notre race déchue, que les nuages s'élevant des bas fonds y prévalent à ce point sur les plus hautes intelligences ! avant d'être le plus redoutable adversaire de l'hérésie, Augustin, neuf années durant, s'était montré le sectateur convaincu, l'apôtre ardent du manichéisme : variante incohérente de ce roman dualiste et gnostique dans lequel, pour expliquer l'existence du mal, on n'imaginait rien de mieux que de faire un dieu du mal même, et qui trouva dans la complaisance qu'y prenait l'orgueil du prince des ténèbres le secret de son influence étrange à travers les siècles.


Plus locale, mais autrement prolongée, devait être la lutte d'Augustin contre la secte Donatiste, appuyée d'un principe aussi faux que le fait dont elle se disait née. Le fait, démontré juridiquement inexact à la suite des requêtes présentées par Donat et ses partisans, était que Cécilien, primat d'Afrique en 311, aurait reçu la consécration épiscopale d'un évêque traditeur des Livres saints pendant la persécution. Comme principe et conséquence tirée par eux dudit principe, les Donatistes affirmaient que nul ne pouvait communiquer avec un pécheur sans cesser de faire partie du troupeau du Christ ; que dès lors, les évêques du reste du monde n'en ayant pas moins continué de communiquer avec Cécilien et ses successeurs, eux seuls Donatistes étaient maintenant l'Eglise. Schisme sans fondement, s'il en fut, mais qui s'était imposé
 pourtant au plus grand nombre des habitants de l'Afrique romaine, avec ses quatre cent dix évèques et ses troupes de Circoncellions, fanatiques toujours prêts aux violences et aux meurtres contre les catholiques surpris sur les routes ou dans les maisons isolées. Le rappel de ces brebis égarées prit à notre Saint le meilleur de son temps.

Qu'on ne se le représente pas méditant à loisir, écrivant dans la paix d'une humble ville épiscopale, choisie comme à dessein par la Providence, ces ouvrages précieux dont le monde devait jusqu'à nous recueillir les fruits. Il n'est point sur la terre de fécondité sans souffrance, souffrances publiques, angoisses privées, épreuves connues des hommes ou de Dieu ; lorsque, à la lecture des écrits des Saints, germent en nous les pieuses pensées, les résolutions généreuses, nous ne devons pas nous borner, comme pour les livres profanes, à solder un tribut quelconque d'admiration au génie de leurs auteurs, mais plus encore songer au prix dont sans nul doute ils ont payé le bien surnaturel produit par eux dans chacune de nos âmes.

Avant l'arrivée d'Augustin dans Hippone, les Donatistes s'y trouvaient en telle majorité, rappelle-t-il lui-même, qu'ils en abusaient jusqu'à interdire de cuire le pain pour les catholiques. Quand le Saint mourut, l'état des choses était bien changé ; mais il avait fallu que le pasteur, faisant passer avant tous autres devoirs celui de sauver, fût-ce malgré elles, les âmes qui lui étaient confiées, donnât ses jours et ses nuits à cette œuvre première, et courût plus d'une fois le risque heureux du martyre. Les chefs  des schismatiques, redoutant la force
de ses raisons plus encore que son éloquence, se refusaient à toute rencontre avec lui ; mais ils avaient déclaré que mettre à mort Augustin serait œuvre louable, méritant la rémission de tout péché à qui aurait pu l'accomplir.

" Priez pour nous, disait-il en ces débuts de son ministère, priez pour nous qui vivons d'une façon si précaire entre les dents de loups furieux : brebis égarées, brebis obstinées qui s'offensent de ce que nous courons après elles, comme si leur égarement faisait qu'elles ne soient pas nôtres. — Pourquoi nous appeler ? disent-elles ; pourquoi nous poursuivre ? — Mais la cause de nos cris, de nos angoisses, c'est justement qu'elles vont à leur perte. — Si je suis perdue, si je n'ai plus la vie, qu'avez-vous affaire de moi ? que me voulez-vous ? — Ce que je veux, c'est te rappeler de ton égarement ; ce que je veux, c'est t'arracher à la mort. — Et si je veux m'égarer ? si je veux me perdre ? —Tu veux t'égarer  ? tu veux te perdre ? Combien  mieux, moi, je ne le veux pas ! Oui ; j'ose le dire : je suis importun ; car j'entends l'Apôtre : Prêche la parole, presse à  temps, à contre-temp. A temps, sans doute, ceux qui le veulent bien ; à contre-temps, ceux qui ne le veulent pas. Oui, donc ; je suis importun : tu veux périr ; je ne le veux pas. Il ne le veut pas,  lui non plus,  Celui  qui dit, plein de menaces, aux pasteurs : Vous n'avez pas rappelé ce qui s'égarait, vous n'avez pas cherché ce qui était perdu. Dois-je plus te redouter que lui-même ? Je ne te crains pas : ce tribunal du Christ, devant lequel nous devons tous paraître, tu ne le remplaceras pas par celui de Donat. Que tu le veuilles ou
 non, je rappellerai la brebis qui s'égare, je chercherai la brebis perdue. Que les ronces me déchirent : il n'y aura pas de brèche assez étroite pour arrêter ma poursuite ; il n'y aura pas de haie que je ne secoue, tant que le Seigneur me donnera des forces, pour pénétrer où que ce soit que tu prétendes périr."
(AUG. Sermo XLVI, 14)

Forcés dans leurs derniers retranchements par l'intransigeance d'une telle charité, les Donatistes répondaient-ils en massacrant, à défaut d'Augustin, fidèles et clercs ; l'évêque suppliait les  juges impériaux qu'on épargnât aux coupables la mutilation et la mort, de crainte que le triomphe des martyrs ne fût comme souillé par ces représailles sanglantes. Mansuétude bien digne, à coup sûr, de l'Eglise dont il était  Pontife, mais que tenteraient vainement de retourner contre cette même Eglise, en l'opposant à certains faits de son histoire, les tenants d'un libéralisme qui reconnaît tout droit à l'erreur et lui réserve toute prévenance. L'évêque d'Hippone l'avoue : sa pensée fut d'abord qu'il ne fallait point user de contrainte  pour amener personne à l'unité du Christ ; il  crut que la parole, la libre discussion, devait être dans la conversion des hérétiques le seul élément de victoire ; mais, à la lumière de ce  qui  se passait sous  ses yeux, la logique même de cette charité qui dominait son âme l'amenait bientôt à se ranger au sentiment tout autre de  ses collègues plus anciens
dans l'épiscopat. 

" Qui peut, remarque-t-il, nous aimer plus que ne fait Dieu ? Dieu néanmoins emploie la crainte pour
 nous sauver, tout en nous instruisant avec douceur. Et le Père de famille, voulant des convives à son festin, n'envoie-t-il pas par les chemins, le long des haies, ses serviteurs, avec ordre de forcer à venir tous ceux qu'ils rencontreront ? Ce festin, c'est l'unité du corps du Christ. Si donc la divine munificence a fait qu'au temps voulu la foi des rois devenus chrétiens reconnût ce pouvoir à l'Eglise, c'est aux hérétiques ramenés de tous les carrefours, aux schismatiques forcés dans leurs buissons, de considérer, non la contrainte qu'ils subissent, mais le banquet du Seigneur où sans elle ils n'arriveraient pas. Le berger n'use-t-il pas de la menace, de la verge au besoin, pour faire rentrer au bercail du maître les brebis que la séduction en avait fait sortir ? La sévérité provenant de l'amour est préférable à la douceur qui trompe. Celui qui lie l'homme en délire et réveille le dormeur de sa léthargie, les moleste tous deux, mais pour leur bien. Si dans une maison menaçant ruine se trouvaient des gens que nos cris ne persuaderaient pas d'en sortir, est-ce que ne point user de violence à leur endroit pour les sauver malgré eux ne serait pas cruauté ? et cela, lors même que nous ne pourrions en arracher qu'un seul à la mort, et que l'obstination de plusieurs en prendrait occasion de précipiter leur perte : comme font ceux du parti de Donat qui, dans leur furie, demandent au suicide la couronne du martyre. Nul ne saurait devenir bon malgré lui ; mais ce sont des villes entières, non quelques hommes seulement, que la rigueur des lois dont ils se plaignent amène chaque jour à délivrance, en les dégageant des liens du mensonge, en leur faisant voir la vérité que la violence ou les tromperies schismatiques dérobaient à leurs yeux. Loin qu'elles se plaignent, leur reconnaissance aujourd'hui est sans bornes, leur joie entière ; leurs fêtes et leurs chants ne cessent plus."
(Aug. Epist. XCIII, CLXXXV, et alibi passim)

Cependant, par delà les flots séparant Hippone des rivages d'Italie, la justice du ciel passait sur la reine des nations.  Rome, qui depuis le triomphe de la Croix n'avait point su répondre au délai que lui laissait la miséricorde, expiait sous les coups d'Alaric le sang  des Saints versé jadis pour ses faux dieux. Sortez d'elle, mon peuple. A ce signal que le prophète de Pathmos  avait entendu d'avance, la ville aux sept collines s'était dépeuplée. Loin des routes remplies de Barbares, heureux le fugitif pouvant confier à la  haute mer, au plus fragile esquif, l'honneur des siens, les débris de sa fortune ! Comme un phare puissant dont les feux dominent l'orage, Augustin, par sa seule renommée, attirait vers la côte d'Afrique les meilleurs de ces  naufragés de la vie.  Sa correspondance si variée nous fait connaître les liens nouveaux créés par Dieu alors entre l'évêque d'Hippone et tant de nobles exilés.  Naguère,  c'était  jusqu'à Nole, en l'heureuse Campanie, que des messages pleins de charmes, où se mêlaient les doctes questions, les réponses lumineuses, allaient saluer "ses très chers seigneurs et vénérables frères, Paulin et Thérasia, condisciples d'Augustin en l'école du Seigneur Jésus".

Maintenant c'est  à  Carthage, ou plus près encore, que les lettres du Saint vont consoler, instruire, fortifier Albina, Mélanie, Pinianus, Proba surtout et Juliana, aïeule et mère illustres
 d'une plus illustre fille, la vierge Démétriade, première du monde romain par la noblesse et l'opulence, conquête très chère d'Augustin pour l'Epoux.

"  Oh ! qui donc,  s'écrie-t-il à la nouvelle de la consécration  de cette fiancée du Seigneur, qui expliquera dignement combien glorieuse se révèle aujourd'hui la fécondité des Anicii, donnant des vierges au Christ après avoir pour le siècle ennobli tant d'années du nom des consuls leurs fils ! Que Démétriade soit imitée :  quiconque ambitionne la gloire de l'illustre famille, prenne pour soi sa sainteté !"
Vœu du cœur d'Augustin, qui devait se réaliser magnifiquement, lorsque la gens Anicia, moins d'un siècle plus tard, donna au monde Scholastique et Benoît pour conduire tant d'âmes avides de la vraie noblesse dans le secret de la face de Dieu.


La chute de Rome eut dans les provinces et par delà un retentissement immense. L'évêque d'Hippone nous dit ses propres gémissements quand il l'eut apprise, ses larmes à lui, descendant des anciens Numides, sa douleur presque inconsolable tant, même en sa décadence, par l'action secrète de Celui qui lui réservait  de  nouvelles, de  plus hautes destinées, la cité reine avait gardé de place en la pensée universelle et d'empire sur les âmes. En attendant, la terrible crise devenait pour Augustin l'occasion de ses œuvres les plus importantes. Sur les ruines du monde qui semblait s'écrouler pour toujours, il édifiait son grand ouvrage de la Cité de Dieu : réponse aux partisans de l'idolâtrie, nombreux encore,  qui attribuaient à la
 suppression du culte des dieux les malheurs de l'empire. Il y oppose à la théologie et, en même temps, à la philosophie du paganisme romain et grec la réfutation la plus magistrale, la plus complète qu'on en ait jamais vue ; pour de là établir l'origine, l'histoire, la fin des deux cités, l'une de la terre, l'autre du ciel, qui se divisent le monde, et que "firent deux amours divers : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi-même."

Mais le principal triomphe d'Augustin fut celui qui joignit à son nom le titre de Docteur de la grâce. La prière aimée de l'évêque d'Hippone : Da quod jubes, et jube quod vis ( Seigneur, donnez ce que vous commandez, et commandez ce que vous voudrez ), froissait l'orgueil d'un moine breton que les événements de l'année 410 avaient amené lui aussi sur la terre africaine : d'après Pelage, la nature, toute-puissante pour le bien, se suffisait pleinement dans l'ordre du salut, n'ayant été lésée d'aucune sorte d'ailleurs par le péché d'Adam qui n'avait affecté que lui-même. On comprend la répulsion toute spéciale d'Augustin, si redevable à la miséricorde céleste, pour un système dont les auteurs "semblaient dire à Dieu : Tu nous as faits hommes, mais c'est nous qui nous faisons justes".
 

Dans cette campagne nouvelle, les injures ne furent pas épargnées au converti de jadis ; mais elles étaient la joie et l'espérance de celui qui, rencontrant ce même genre d'arguments dans la bouche d'autres adversaires, avait dit déjà : 
"Catholiques, mes frères très aimés, unique troupeau
de l'unique Pasteur, je n'ai cure des insultes de l'ennemi au chien de garde du bercail ; ce n'est pas pour ma défense, c'est pour la vôtre que je dois aboyer. Faut-il lui dire pourtant, à cet ennemi, qu'en ce qui touche mes égarements, mes erreurs d'autrefois, je les condamne avec tout le monde, et n'y vois que la gloire de Celui qui par sa grâce m'a délivré de moi-même. Lorsque j'entends rappeler cette vie qui fut la mienne, à quelque intention qu'on le fasse, je ne suis pas si ingrat que de m'en affliger ; car autant l'on fait ressortir ma misère, autant moi je loue mon médecin."

La renommée de celui qui faisait si bon marché de lui-même remplissait néanmoins la terre, en compagnie de la grâce par lui victorieuse. "Honneur à vous, écrit de Bethléhem Jérôme chargé d'années ; honneur à l'homme que n'ont point abattu les vents déchaînés ! Ayez bon courage toujours. L'univers entier célèbre vos louanges ; les catholiques vous vénèrent et vous admirent comme le restaurateur de l'ancienne foi. Signe d'une gloire encore plus grande : tous les hérétiques vous détestent. Moi aussi, ils m'honorent de leur haine ; ne pouvant nous frapper du glaive, ils nous tuent en désir."

On reconnaît dans ces lignes l'intrépide lutteur que nous retrouverons en septembre, et qui laissait bientôt après sa dépouille mortelle à la grotte sacrée près de laquelle il avait abrité sa vie. Augustin devait poursuivre le bon combat quelques années, compléter l'exposé de la doctrine catholique à l'encontre même de saints personnages, auxquels il eût  semblé que du moins le
 commencement du salut, le désir de la foi, ne requérait pas un  secours spécial  du Dieu  rédempteur et sauveur. C'était le semi-pélagianisme. Cent ans plus tard, le second concile d'Orange, approuvé par Rome, acclamé par l'Eglise, terminait la lutte en s'inspirant dans ses définitions  des écrits de l'évêque d'Hippone.

Lui cependant concluait ainsi le dernier ouvrage  achevé par ses mains :
" Que ceux qui  lisent ces choses rendent grâces à Dieu, s'ils  les comprennent ; sinon, qu'ils  s'adressent dans la prière au  docteur de  nos âmes, à Celui dont le rayonnement produit la science et l'intelligence.  Me croient-ils dans l’erreur ? qu'ils y réfléchissent encore et  encore, de peur que peut-être ce ne soient eux qui se trompent. Pour moi, quand il advient  que les lecteurs de mes travaux m'instruisent et me corrigent, j'y vois la honte de Dieu ; et c'est ce que je demande comme faveur, aux doctes surtout  qui sont dans  l'Eglise, s'il arrive que ce livre  parvienne en  leurs mains et qu'ils daignent prendre connaissance de ce que j'écris."

Revenons au milieu de ce peuple d'Hippone, si privilégié,  conquis par le dévouement d'Augustin plus encore  que par ses  admirables discours. Sa porte,  ouverte  à tout venant, accueillait toute demande, toute douleur,  tout litige  de ses fils. Parfois, devant l'insistance des autres églises, des conciles même, réclamant d'Augustin la  poursuite plus active de travaux d'intérêt général, un accord intervenait entre le troupeau et le pasteur, et  l'on déterminait que,  tels et tels jours de  la semaine, le repos laborieux de celui-ci serait respecté  par tous ; mais la convention durait peu ;
quiconque le voulait triomphait de cet homme si aimant et si humble, près de qui, mieux que tous, les petits savaient bien qu'ils ne seraient jamais éconduits : témoin l'heureuse enfant qui, désireuse d'entrer en relation épistolaire avec l'évêque, mais craignant de prendre l'initiative, reçut de lui la missive touchante qu'on peut lire en ses Œuvres.

Resterait à montrer dans notre Saint l'initiateur de la vie monastique en Afrique romaine, par les monastères qu'il fonda et habita lui-même avant d'être évêque ; le législateur dont une simple lettre aux vierges d'Hippone devenait la Règle où tant de serviteurs et de servantes de Dieu puiseraient jusqu'aux derniers temps la forme de leur vie religieuse ; enfin, avec les clercs de son église vivant ainsi que lui de la vie commune dans la désappropriation absolue, l'exemplaire et la souche de la grande famille des Chanoines réguliers.

Quelle mort fut la vôtre, Augustin, sur l'humble couche où n'arrivaient à vous que nouvelles de désastres et de ruines ! Livrée aux Barbares en punition de ces crimes innommés du vieux monde dont la nourricière de Rome avait eu sa si large part, l'Afrique, votre patrie, ne devait pas vous survivre. Avec Genséric, Arius triomphait sur cette terre qui pourtant, grâce à vous, parla vigueur de foi qu'elle avait retrouvée, allait encore, un siècle durant, donner d'admirables martyrs au Verbe consubstantiel. Rendue au monde romain par Bélisaire, Dieu sembla vouloir à cause d'eux lui ménager l'occasion de retrouver ses beaux jours ; mais l'impéritie byzantine, absorbée dans ses querelles théologiques et ses intrigues de palais, ne sut ni la relever, ni la garder contre une invasion plus funeste que n'avait été la première. Les flots débordants de l'infidélité musulmane eurent bientôt fait de tout stériliser, dessécher et flétrir.

E
nfin, après douze siècles, la Croix reparaît dans ces lieux où de tant d'Eglises florissantes le nom même a péri. Puisse la liberté qui lui est rendue devenir bientôt le triomphe ! Puisse la nation dont relève aujourd'hui votre sol natal se montrer fière de cet honneur nouveau, comprendre les obligations qui en résultent pour elle en face d'elle-même et du monde !

Durant cette longue nuit pesant sur la terre d'où vous étiez monté aux cieux, votre action cependant ne s'était pas ralentie. Par l'univers entier, vos ouvrages immortels éclairaient les intelligences, excitaient l'amour. Dans les basiliques desservies par vos imitateurs et fils, la splendeur du culte divin, la pompe des cérémonies, la perfection des mélodies saintes, maintenaient au cœur des peuples l'enthousiasme surnaturel qui s'était emparé du vôtre à l'instant heureux où, pour la première fois dans notre Occident, résonna sous la direction d'Ambroise le chant alternatif des Psaumes et des Hymnes sacrées. Dans tous les âges, aux eaux, sorties de vos fontaines, la vie parfaite se complut à renouveler sa jeunesse sous les mille formes que le double aspect de la charité, qui regarde Dieu et le prochain, lui demande de revêtir.


Illuminez toujours l'Eglise de vos incomparables rayons. Bénissez les multiples familles religieuses qui se réclament de votre illustre patronage. Aidez-nous tous, en obtenant pour nous l'esprit d'amour et de pénitence, de confiance et d'humilité qui sied si bien à l'âme rachetée ; enseignez-nous l'infirmité de la nature et son indignité depuis la chute, mais aussi la bonté sans limites de notre
 Dieu, la surabondance de sa rédemption, la toute-puissance de sa grâce.

Que tous avec vous nous sachions non seulement reconnaître la vérité, mais loyalement et pratiquement dire à Dieu: "Vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet jusqu'à ce qu'il se repose en vous."
(Aug. Confess. I, 1.)

 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique



SAINT AUGUSTIN
Vincenzo Foppa
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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 04:00

Voici qu'aujourd'hui se présente une femme, une mère, éprise aussi de l'amour de Jésus, et offrant à la sainte Eglise le fruit de ses entrailles, le fils de ses larmes, un Docteur, un Pontife, un des plus illustres saints que la loi nouvelle ait produits.

Cette femme, cette mère, c'est Monique, deux fois mère d'Augustin. La grâce a produit ce chef-d'œuvre sur la terre d'Afrique ; et les hommes l'eussent ignoré jusqu'au dernier jour, si la plume du grand évêque d'Hippone, conduite par son cœur saintement filial, n'eût révélé à tous les siècles cette femme dont la vie ne fut qu'humilité et amour, et qui désormais, immortelle même ici-bas, est proclamée comme le modèle et la protectrice des mères chrétiennes.

L'un des principaux attraits du livre des Confessions est dans les épanchements d'Augustin sur les vertus et le dévouement de Monique. Avec quelle tendre reconnaissance il célèbre, dans tout le cours de son récit, la constance de cette mère qui, témoin des égarements de son fils, "le pleurait avec plus de larmes que d'autres mères n'en répandent sur un cercueil" ! Le Seigneur, qui laisse de temps en temps luire un rayon d'espérance aux âmes qu'il éprouve, avait dans une vision montré à Monique la réunion future du fils et de la mère ; elle-même avait entendu un saint évêque lui déclarer avec autorité que le fils de tant de larmes ne pouvait périr ; mais les tristes réalités du présent oppressaient son cœur, et l'amour maternel s'unissait à sa foi pour la troubler au sujet de ce fils qui la fuyait, et qu'elle voyait s'éloigner infidèle à Dieu autant qu'à sa tendresse.

Toutefois les amertumes de ce cœur si dévoué formaient un fonds d'expiation qui devait plus tard être appliqué au coupable ; une prière ardente et continue, jointe à la souffrance, préparait le second enfantement d'Augustin. Mais "combien plus de souffrances, nous 
dit-il lui-même, coûtait à Monique le fils de son esprit que l'enfant de sa chair !"


Monique au départ de son fils Augustin, à genoux priant, et debout bénissant
- tous les tableaux illustrant le texte de Dom Guéranger sont de Benozzo Gozzoli 


Après de longues années d'angoisses, la mère a enfin pu retrouver à Milan ce fils qui l'avait si durement trompée, le jour où il fuyait loin d'elle pour s'en aller courir les hasards de Rome. Elle le trouve incertain encore sur la foi chrétienne, mais déjà dégoûté des erreurs qui l'avaient séduit. Augustin avait fait un pas vers la vérité, bien qu'il ne la reconnût pas encore : " Dès lors l'âme de ma mère ne portait plus le deuil d'un fils perdu sans espoir ; mais ses pleurs coulaient toujours pour obtenir de Dieu sa résurrection. Sans être encore acquis à la vérité, j'étais du moins soustrait à l'erreur. Certaine que vous n'en resteriez pas à la moitié du don que vous aviez promis tout entier, ô mon Dieu ! elle me dit, d'un grand calme et d'un cœur plein de confiance, qu'elle était persuadée dans le Christ, qu'avant de sortir de cette vie, elle me verrait catholique fidèle."


Monique avait rencontré à Milan le grand Ambroise, dont Dieu voulait se servir pour achever le retour de son fils. "Elle chérissait le saint évêque, nous dit encore Augustin , comme l'instrument de mon salut ; et lui, l'aimait pour sa vie si pieuse, son assiduité à l'église, sa ferveur dans les bonnes oeuvres ; il ne pouvait se taire de ses louanges lorsqu'il me voyait, et il me félicitait d'avoir une telle mère."


Saint Augustin avec l'évêque Saint Ambroise à Milan


 Enfin le moment de la grâce arriva. Augustin, éclairé de la lumière de la foi, songea à s'enrôler dans l'Eglise chrétienne; mais l'attrait des sens auquel
il avait cédé si longtemps le retenait encore sur le bord de la fontaine baptismale. Les prières et les larmes de Monique obtinrent de la divine miséricorde ce dernier coup qui abattit les dernières résistances de son fils.

Mais Dieu n'avait pas voulu laisser son ouvrage imparfait. Transpercé par le trait vainqueur, Augustin se relevait, aspirant non plus seulement à la profession de la foi chrétienne, mais à la noble vertu de continence. Le monde avec ses attraits n'était plus rien pour cette âme, objet d'une intervention si puissante. Dans les jours qui avaient précédé, Monique s'occupait encore avec sollicitude à préparer une épouse pour son fils, dont elle espérait fixer ainsi les inconstances ; et tout à coup ce fils se présentait à elle, accompagné de son ami Alypius, et venait lui déclarer que, dans son essor vers le souverain bien, il se vouait désormais à la recherche de ce qui est le plus parfait.

Mais écoutons encore Augustin lui-même. " A l'instant nous allons trouver ma mère, nous lui disons ce qui se passe en nous ; elle est dans la joie ; nous lui racontons en quelle manière tout s'est passé ; elle tressaille de bonheur, elle triomphe. Et elle vous bénissait, ô vous qui êtes puissant à exaucer au delà de nos demandes, au delà de nos pensées ! car vous lui aviez bien plus accordé en moi que ne vous avaient demandé ses gémissements et ses larmes. Son deuil était changé par vous en une allégresse qui dépassait de beaucoup son espérance, en une joie plus chère à son cœur et plus pure que celle qu'elle eût goûtée à voir naître de moi des enfants selon la chair."

 Peu de jours s'écoulèrent,
et bientôt un spectacle sublime s'offrit à l'admiration des Anges et des hommes dans l'Eglise de Milan : Ambroise baptisant Augustin sous les yeux de Monique. La pieuse femme avait accompli sa mission ; son fils était né à la vérité et à la sainteté, et elle avait doté l'Eglise du plus grand de ses docteurs. Le moment approchait où, après le labeur d'une longue journée, elle allait être appelée à goûter le repos éternel en celui pour l'amour duquel elle avait tant travaillé et tant souffert.


Baptême de Saint Augustin par Saint Ambroise


Le fils et la mère, prêts à s'embarquer pour l'Afrique, se trouvaient à Ostie, attendant le navire qui devait les emporter l'un et l'autre : "Nous étions seuls, elle et moi, appuyés contre une fenêtre d'où la vue s'étendait sur le jardin de la maison. Nous conversions avec une ineffable douceur et dans l'oubli du passé, plongeant dans les horizons de l'avenir, et nous cherchions entre nous deux quelle sera pour les saints cette vie éternelle que l'œil n'a pas vue, que l'oreille n'a pas entendue, et où n'atteint pas le cœur de l'homme. Et en parlant ainsi, dans nos élans vers cette vie, nous y touchâmes un instant d'un bond de notre cœur ; mais bientôt nous soupirâmes en y laissant enchaînées les prémices de l'esprit, et nous redescendîmes dans le bruit de la voix, dans la parole qui commence et finit. Alors elle me dit : "Mon fils, pour ce qui est de moi, rien ne m'attache plus à cette vie. Qu'y ferais-je ? Pourquoi y suis-je encore ? mon espérance est désormais sans objet en ce monde. Une seule chose me faisait désirer de séjourner quelque peu dans cette vie : c'était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Cette faveur, mon Dieu me l'a accordée avec surabondance, à cette heure où je
te vois dédaigner toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ?"
 

L'appel d'une âme si sainte ne devait pas tarder ; elle s'exhala comme un parfum céleste, peu de jours après ce sublime épanchement, laissant un souvenir ineffaçable au cœur de son fils, dans l'Eglise une mémoire toujours plus aimée, aux mères chrétiennes un modèle achevé de l'amour maternel dans ce qu'il a de plus pur. 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique



SAINTE MONIQUE

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 16:00

Un jour que je tenais à la main la croix de mon rosaire, Notre-Seigneur me la prit : quand il me la rendit, elle était formée de quatre grandes pierres, incomparablement plus précieuses que des diamants. En effet, il n’y a aucune proportion entre des pierres précieuses et ce qui est surnaturel : aussi, tous les diamants paraîtraient faux et sans lustre auprès des pierres de cette croix. Les cinq plaies de Notre-Seigneur s’y trouvaient admirablement gravées. Ce divin Maître me dit que je la verrais ainsi désormais. Sa promesse s’est fidèlement accomplie : à partir de ce jour, je n’ai plus discerné dans cette croix le bois dont elle était faite ; les pierres qui la composent frappent seules ma vue ; mais nul autre que moi ne jouit de cette faveur.


A peine, pour obéir, avais-je commencé à résister à ces visions, que le divin Maître multiplia ses grâces. Malgré tous mes efforts pour me distraire, mon oraison était si continuelle que le sommeil même semblait ne pas en interrompre le cours, et mon amour allait toujours croissant. J’adressais des plaintes à Notre-Seigneur, lui disant que je ne pouvais plus supporter cet état violent. J’avais beau vouloir ne point penser à lui, mes désirs et mes efforts étaient impuissants. J’essayais néanmoins d’obéir ; mais que pouvais-je ? Rien, ou presque rien. Malgré cela, Notre-Seigneur ne m’affranchit jamais d’un tel commandement ; mais tout en me disant de m’y conformer, il m’instruisait, comme il le fait encore, de ce que j’avais à dire à ceux qui me l’imposaient, et me rassurait par des raisons si décisives, qu’elles dissipaient toutes mes craintes.


Peu de temps après, il donna, selon sa promesse, des preuves éclatantes de la vérité de ces visions. Je sentis mon âme embrasée d’un très ardent amour de Dieu ; cet amour était évidemment surnaturel, car je ne savais qui l’allumait ainsi en moi, et je n’y avais contribué en rien. Je me voyais mourir du désir de voir Dieu, et je ne savais où je devais chercher cette vie, si ce n’est dans la mort. Les transports de cet amour, sans égaler ni la véhémence ni le prix de ceux dont j’ai parlé autre part, étaient tels néanmoins que je ne savais que devenir. Rien ne répondait à mes vœux ; j’étais comme hors de moi, et il me semblait véritablement que l’on m’arrachait l’âme. O mon Seigneur ! de quel souverain artifice, de quelle délicate industrie vous usiez à l’égard de votre misérable esclave ! Vous vous teniez caché de moi, et votre amour, me poursuivant sans relâche, me faisait goûter une mort si délicieuse que mon âme eût voulu n’en jamais sortir.


Pour pouvoir comprendre quelle est l’impétuosité de ces transports, il faut les avoir éprouvés. Ils n’ont rien de commun avec ces émotions du cœur et ces mouvements de dévotion fort ordinaires, qui veulent éclater au dehors, et semblent devoir suffoquer l’esprit. Cette sorte d’oraison est très basse. Il faut éviter ces élans immodérés, en tâchant doucement de les retenir en soi-même, et s’efforcer d’apaiser l’âme ; de même, quand les enfants pleurent avec tant de violence qu’ils semblent devoir en perdre la respiration, on fait passer cette émotion excessive en leur donnant à boire. La raison doit tenir la bride pour modérer ces mouvements impétueux, parce que la nature pourrait y avoir sa part ; il est à craindre qu’il ne s’y mêle de l’imperfection, et que ces mouvements ne soient en grande partie l’ouvrage des sens. Ainsi, il faut calmer l’âme, comme le petit enfant, par une caresse d’amour, et la porter à aimer Dieu d’une manière suave, et non avec une impétueuse violence. Cette âme doit s’appliquer à recueillir son amour au dedans d’elle-même, sans le laisser se répandre au dehors, comme un vase qui bout trop fort et déborde de tous côtés, parce qu’on a jeté du bois au feu sans discrétion. Enfin, on doit diminuer la cause, c’est-à-dire éloigner de son esprit les pensées qui ont excité cette flamme subite, et tâcher de l’éteindre par quelques larmes douces, et non péniblement arrachées, comme celles qui naissent de ces sentiments si vifs et qui nous font beaucoup de mal. J’en répandais de semblables dans les commencements ; elles me laissaient la tête si épuisée et l’esprit si fatigué, que quelquefois je restais plus d’un jour sans pouvoir revenir à l’oraison. C’est ce qui me fait dire qu’il faut dans les commencements une grande discrétion, afin d’accoutumer l’esprit à n’agir qu’avec douceur et intérieurement ; on doit éviter avec grand soin tout ce qui n’est qu’extérieur.


Mais entre ces mouvements de dévotion et les transports dont je traite, il y a une complète différence. Ici, ce n’est pas nous qui mettons le bois au feu ; on dirait que le feu se trouvant allumé, on nous y jette tout à coup afin que sa flamme nous consume. L’âme ne doit point à ses efforts cette blessure qu’elle ressent de l’absence de son Dieu ; elle lui est faite par une flèche que de temps en temps on lui enfonce au plus vif des entrailles, et qui lui traverse le cœur, en sorte qu’elle ne sait plus ni ce qu’elle a, ni ce qu’elle veut. Elle connaît bien qu’elle ne veut que Dieu, et que la flèche qui l’a blessée était trempée dans le suc d’une herbe qui la porte à s’abhorrer elle-même, pour l’amour de ce Dieu auquel elle ferait avec joie le sacrifice de sa vie.


Nul langage ne saurait représenter ni exprimer la manière dont Dieu fait de telles blessures, ni cet excès de douleur qui transporte l’âme blessée ; mais cette peine est si délicieuse qu’il n’y a point de plaisir dans la vie qui la dépasse. Je le répète, l’âme voudrait se sentir toujours mourante d’un tel mal.


Cette peine unie à cette gloire me jetait crans un profond étonnement, et je ne pouvais comprendre comment cela pouvait être. Quel spectacle qu’une âme ainsi blessée ! Elle comprend combien est excellente la source de cette blessure, et elle voit clairement qu’un tel amour ne lui vient pas de ses efforts. C’est, lui semble-t-il, de l’amour excessif que le Seigneur lui porte, qu’est tombée l’étincelle qui l’embrase tout entière. Oh ! combien de fois, livrée à ce suave tourment, me suis-je souvenue de ces paroles de David : "Comme le cerf soupire après une source d’eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu" ! Elles étaient, ce me semble, l’expression fidèle de ce que je sentais.


Lorsque l’impétuosité de ces transports n’est pas si grande, il semble que la douleur de cette blessure diminue un peu par l’usage de quelques pénitences : du moins l’âme, qui ne sait que faire à son mal, y cherche-t-elle par cette voie un allégement. Mais elle ne les sent pas, et faire couler le sang de ses membres lui est aussi indifférent que si son corps était privé de la vie. En vain elle se fatigue à inventer de nouveaux moyens de souffrir quelque chose pour son Dieu : la première douleur est si grande qu’il n’y a point, selon moi, de tourment corporel qui puisse lui en enlever le sentiment ; car le remède n’est point là, et il serait trop bas pour un mal si relevé. Une seule chose adoucit tant soit peu la souffrance de l’âme, c’est d’en demander à Dieu le remède ; mais elle n’en voit point d’autre que la mort, parce qu’elle seule peut la faire entrer dans la pleine jouissance de son souverain bien. D’autres fois, la douleur se fait sentir à un tel excès, qu’on n’est plus capable ni de cette prière, ni de quoi que ce soit. Le corps en perd tout mouvement ; on ne peut remuer ni les pieds, ni les mains. Si l’on est debout, les genoux fléchissent, on tombe sur soi-même, et l’on peut à peine respirer. On laisse seulement échapper quelques soupirs, très faibles, parce que toute force extérieure manque, mais très vifs par l’intensité de la douleur.


Tandis que j’étais dans cet état, voici une vision dont le Seigneur daigna me favoriser à diverses reprises. J’apercevais près de moi, du côté gauche, un ange sous une forme corporelle. Il est extrêmement rare que je les voie ainsi. Quoique j’aie très souvent le bonheur de jouir de la présence des anges, je ne les vois que par une vision intellectuelle, semblable à celle dont j’ai parlé précédemment. Dans celle-ci, le Seigneur voulut que l’ange se montrât sous cette forme : il n’était point grand, mais petit et très beau ; à son visage enflammé, on reconnaissait un de ces esprits d’une très haute hiérarchie, qui semblent n’être que flamme et amour. Il était apparemment de ceux qu’on nomme chérubins ; car ils ne me disent pas leurs noms. Mais je vois bien que dans le ciel il y a une si grande différence de certains anges à d’autres, et de ceux-ci à d’autres, que je ne saurais le dire. Je voyais dans les mains de cet ange un long dard qui était d’or, et dont la pointe en fer avait à l’extrémité un peu de feu. De temps en temps il le plongeait, me semblait-il, au travers de mon cœur, et l’enfonçait jusqu’aux entrailles ; en le retirant, il paraissait me les emporter avec ce dard, et me laissait toute embrasée d’amour de Dieu.


La douleur de cette blessure était si vive, qu’elle m’arrachait ces gémissements dont je parlais tout à l’heure : mais si excessive était la suavité que me causait cette extrême douleur, que je ne pouvais ni en désirer la fin, ni trouver de bonheur hors de Dieu. Ce n’est pas une souffrance corporelle, mais toute spirituelle, quoique le corps ne laisse pas d’y participer un peu, et même à un haut degré. Il existe alors entre l’âme et Dieu un commerce d’amour ineffablement suave. Je supplie ce Dieu de bonté de le faire goûter à quiconque refuserait de croire à la vérité de mes paroles. Les jours où je me trouvais dans cet état, j’étais comme hors de moi ; j’aurais voulu ne rien voir, ne point parler, mais m’absorber délicieusement dans ma peine, que je considérais comme une gloire bien supérieure à toutes les gloires créées.


Telle était la faveur que le divin Maître m’accordait de temps en temps, lorsqu’il lui plut de m’envoyer ces grands ravissements, contre lesquels, même en présence d’autres personnes, toutes mes résistances étaient vaines ; ainsi j’eus le regret de les voir bientôt connus du public. Depuis que j’ai ces ravissements, je sens moins cette peine qu’une autre dont j’ai parlé précédemment, je ne me souviens plus en quel chapitre. Cette dernière est différente sous plusieurs rapports et d’une plus haute excellence. Quant à celle dont je parle maintenant, elle dure peu : à peine commence-t-elle à se faire sentir que Notre-Seigneur s’empare de mon âme et la met en extase ; elle entre si promptement dans la jouissance, qu’elle n’a pas le temps de souffrir beaucoup. Béni soit à jamais Celui qui comble de ses grâces une âme qui répond si mal à de si grands bienfaits !


Sainte Thérèse d'Avila
Le livre de la vie (chapitre 29)



Cappella Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Roma
Bernini (Le Bernin)

La sainte était âgée de quarante-quatre ans lorsqu’elle reçut, au monastère de l’Incarnation d’Avila, une faveur si extraordinaire. Dieu devait faire éclater un jour dans son Église la gloire de cette mystérieuse blessure. Au commencement du XVIIIe siècle, les carmes réformés d’Espagne et d’Italie ayant demandé au saint-siège l’institution d’une fête particulière pour honorer la blessure faite par l’ange au cœur de leur sainte fondatrice, le pape Benoit XIII accéda à leur demande, et accorda le 25 mai 1726, aux religieux et religieuses du Carmel réformé, un office propre pour la fête de la Transverbération du cœur de sainte Thérèse. Cet office ne contenait d’abord que l’oraison et les leçons ; mais ensuite le même souverain pontife permit de composer une messe et un office complets pour cette fête. Cet office est récité même par les carmes de la commune observance, et l’Espagne tout entière l’a adopté. Benoît XIV, dans son bref Dominici gregis, du 8 août 1744, a accordé à perpétuité une indulgence plénière à tous les fidèles qui visiteraient les églises du Carmel depuis les premières vêpres de la Transverbération jusqu’au coucher du soleil du jour de la fête, qui se célèbre le 26 du mois d’août. Le livre de la vie sur le site du Carmel >chapitre 29, note 8


textes au propre du Carmel : 

1 Corinthiens 13, 1-13 : Hymne à la charité

Psaume 39, 2-10 : Mon cœur brûlait en moi à force d’y songer le feu flamba

Jean 14, 23-27 : Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie

 

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 09:00



Née en 1773 aux confins du Berry et du Poitou, Elisabeth Bichier des Ages se met sous la direction de saint André-Hubert Fournet, curé de Maillé, et s'installe, avec quelques compagnes, près de ce village des environs de Poitiers. La petite communauté devient une congrégation qui prend le nom de "Filles de la Croix".

Au lendemain de la tourmente révolutionnaire, elles ont devant elles une tâche immense : éducation des enfants de la campagne et spécialement des jeunes filles, soin des malades, assistance aux pauvres.

Installée en 1820 dans "l'antique monastère de la Puye", dépendant autrefois de Fontevrault (diocèse de Poitiers), mais fort délabré, la jeune congrégation comptait déjà, dix ans plus tard, quelques soixante-trois maisons, car le Ciel, répondant à la prière de la sainte, avait fait "pleuvoir des sœurs". Sur la fin de sa vie elle rencontre dans les Pyrénées le jeune Michel Garicoïts  pour qui elle sera un modèle et une inspiratrice. Elle meurt le 26 août 1838.
Notice





Le 6 juillet 1947 Pie XII conféra le titre de saints aux bienheureux Michel Garicoïts et Jeanne Elisabeth Bichier des Ages, et prononça ensuite une homélie dont on voici un extrait :

Elisabeth Bichier des Ages brilla à un haut degré par son entrain et par sa force d'âme. Soutenue par la grâce divine, elle ne reculait devant aucun obstacle, ne craignait aucune méchanceté des hommes, et surmontait victorieusement toutes les épreuves.


Née de famille noble, et douée de qualités naturelles plus nobles encore, elle ressentit dès sa plus tendre enfance un secret attrait pour les plus grandes vertus et la poursuite de la perfection évangélique. La virginité qui est une sorte de vie angélique, une vertu qui, dépassant les forces humaines "est comme une chose divine", elle l'aima et la pratiqua à tel point que dès qu'elle en eut la possibilité, elle se consacra volontairement et de grand coeur au céleste Epoux.

A peine eut-elle goûté la douceur de cette consécration qu'elle n'eut pas de plus grand plaisir que d'engager et d'inviter avec la plus pressante instance ses compagnes, toutes celles qu'elle savait appelées par Dieu à une telle perfection, à embrasser le même genre de vie angélique. Et c'est ainsi que, guidée par une impulsion et une inspiration surnaturelles, elle en vint heureusement à fonder une congrégation de vierges sacrées dont le but est de soigner les corps et les âmes des malades, d'assister et de soulager, dans la mesure de leurs forces, les pauvres et les malheureux, et surtout de diriger la formation des jeunes filles de manière à leur inculquer les préceptes chrétiens qui par leur application feront d'elles des citoyennes telles que les veulent la religion catholique et la société humaine.
 

Cependant, sa force d'âme et sa très ardente charité envers Dieu et envers le prochain atteignirent leur apogée lorsque, à l'époque du bouleversement de toutes les institutions, bouleversement qui troubla la France entière, elle secourut les prêtres fugitifs et les religieuses chassées de leurs couvents, ainsi qu'une multitude de fidèles victimes de la Terreur. Souvent même, au péril de sa vie, elle organisa la célébration convenable des mystères saints. 

Vous avez donc là, Vénérables Frères et chers fils, de magnifiques exemples de toutes les vertus. Méditez-les attentivement, suivez-les d'une volonté résolue. Puissent les nouveaux saints obtenir par leurs prières que des temps plus heureux soient aménagés à l'Eglise et à la société humaine et que nous soient accordés par Dieu, à Nous comme à vous, les dons suprêmes, grâce auxquels Nous pourrons tous progresser d'un pas plus alerte chaque jour dans la perfection chrétienne.

Amen.



La canonisation de saint Michel Garicoïts et de sainte Jeanne Elisabeth Bichier des Ages a réuni à Rome de nombreux pèlerinages, personnalités et délégations. Les pèlerinages les plus nombreux sont arrivés de Bayonne, Poitiers et Paris ; beaucoup aussi, surtout des prêtres, du Bêarn (où se trouve Bétharram), de la Bigorre, du Poitou et du Berry. La noble famille des Ages comptait 150 personnes, fieres de porter le nom de sainte Jeanne Elisabeth. On a noté également la présence de quelques descendants de la famille de saint Michel Garicoïts et les deux miraculés de sainte Jeanne Elisabeth. S'adressant à cette foule de pèlerins, le Souverain Pontife, Pie XII, retraça en des termes profonds et clairs les caractéristiques de la sublime sainteté des deux grands disciples du Christ :

Il serait difficile de dire quel fut en Elisabeth Bichier des Ages le trait dominant. Favorisée, dans l'ordre physique, intellectuel, moral, surnaturel, des dons les plus variés de la nature et de la grâce, elle s'est trouvée placée, dans le sombre passage du XVIIIe au XIXe siècle, au carrefour des événements et des situations les plus disparates, les plus brillantes, les plus tragiques, les plus favorables à l'exercice héroïque de toutes les vertus. Elle s'est montrée, toujours et partout, à la hauteur des circonstances, fidèle et diligente à faire fructifier au centuple les dons reçus. Complète et harmonieuse, elle est vraiment cette femme incomparable dont l'Esprit-Saint a daigné peindre lui-même le portrait. Et ce sont les conjonctures extérieures plutôt qu'une évolution personnelle qui ont marqué des étapes dans la manifestation de ses riches qualités et de ses eminentes vertus.

Notre sainte appartenait à cette aristocratie, alors plus nombreuse et plus digne qu'on ne croit ou qu'on ne veut reconnaître, aristocratie de province et de campagne, providence du pays. Sa grâce faisait le charme des réunions de famille et de bon voisinage, réunions chrétiennement mondaines — pour rapprocher ces deux mots si rarement accordables — qu'elle animait joyeusement, trouvant toutefois la manière élégante d'esquiver toute participation aux danses, pourtant bien plus modestes dans son milieu à cette époque qu'elles ne le sont devenues depuis. Sa formation religieuse et intellectuelle était ample et solide autant qu'affinée, jointe le plus heureusement du monde au savoir-faire dans tous les soins, même les plus humbles, de la vie domestique d'alors, passant avec une aisance enjouée de la cuisine et des offices, où elle venait de faire la joie des serviteurs, au salon, où elle faisait les délices des invités. Qui n'eût souri à la voir, à d'autres heures, suivre assidûment, plus résignée qu'enthousiaste, les leçons de comptabilité, de son vénérable oncle, le chanoine de Moussac !


Dans les plans divins, tout cela, même les austères registres, doit lui servir un jour, jour très proche de l'épreuve : dans la maison endeuillée par la mort de son père et dont elle a la conduite ; dans la paroisse où, digne et distante vis-à-vis du clergé schismatique, elle soutient la fermeté catholique des paroissiens ; dans la prison où, avec l'habileté d'une professionnelle, elle ressemelle les chaussures et ravaude les vêtements de sa mère et de ses autres compagnons de détention ; dans le maquis de la procédure révolutionnaire où, avec toute la compétence d'un homme d'affaires, elle discute les intérêts, défend le patrimoine, revendique les droits de la famille ; dans les innombrables péripéties de la vie clandestine où elle se fait l'ange gardien et l'apôtre des fidèles traqués et persécutés.


Comment définir la maison de Béthines, la Guimetière, et l'existence qu'elle y mène avec sa mère, objet de sa sollicitude filiale, mais en même temps judicieuse et dévouée coopératrice de son apostolat, avec les quelques compagnes qui sont venues se joindre à elles pour partager les travaux de leur zèle et de leur charité ? Est-ce maison et vie de famille ? Est-ce couvent et vie religieuse ? Est-ce hôpital, école, dispensaire, centre d'oeuvres de piété ? C'est tout cela en même temps : foyer d'activité, multiple sans confusion, empressée sans agitation.
Et il semblait que tout cela allât de soi-même, au gré des circonstances qui dictaient au jour le jour le programme du bien à faire et la manière de le faire, tandis que la main de la Providence, qui dirigeait le cours apparemment capricieux de ces circonstances, pourvoyait à mettre notre sainte en mesure et à même d'y répondre.

 

La paix religieuse et sociale commençait à peine à renaître. Mais tout était à refaire : tant de ruines à relever, tant de désordres à recomposer !

La tâche qui s'imposait à Elisabeth était immense, surhumaine. Par bonheur, les concours déjà s'étaient spontanément offerts. En outre, elle avait eu la grâce de rencontrer en saint André Fournet un guide pour sa vie personnelle comme pour sa vie apostolique. Le plus urgent semblait être le rétablissement d'une vraie chrétienté. L'oncle chanoine vient en aide et fournit des missionnaires : on réconcilie tout d'abord l'Eglise, on restaure le culte, on évangélise la population : encore faut-il que ce ne soit pas un feu de paille. Il y a donc à pourvoir aux besoins de tous ordres et voici poindre toute une floraison d'ceuvres apostoliques : instruction, catéchisme, et autres oeuvres charitables parmi les pauvres, les malades, les infirmes. Il faut tout à la fois, pour répondre aux nécessités, s'étendre et se concentrer, se développer et s'organiser.

Dans la lumière et sous l'impulsion de l'Esprit-Saint, on s'achemine progressivement vers une vraie vie religieuse, mais une vie dont l'activité sainte ne soit que le jaillissement au dehors de la flamme d'une ardeur excessive incoercible, attisée par une contemplation intense et continuelle. Consciente de la grandeur d'une telle vocation, notre sainte n'ose point improviser : elle veut s'informer, connaître et, sans se relâcher du soin de sa petite communauté et de ses oeuvres, elle se met en campagne ; elle visite des couvents, elle consulte, elle médite, elle prie. Elle trouve de belles et admirables choses qui lui donnent quelque lumière, qui lui suggèrent quelque inspiration ; elle ne rencontre pas précisément ce qu'elle cherche. Et ainsi, avec son bon Père André Fournet, elle a préparé des constitutions ; avec ses compagnes, elle s'est liée par des voeux ; l'autorité ecclésiastique a tout approuvé et la voilà, sans s'être aperçue, devenue fondatrice.

 
Fondatrice ! Songe-t-on à tout ce que sous-entend ce simple mot ? Dans l'ordre matériel, le seul auquel le monde prête attention : ampleur et complexité de tous les devoirs et soucis du gouvernement, de l'administration domestique et économique, des maisons à acquérir, à bâtir, à accommoder, à installer ; — dans l'ordre moral : sollicitude maternelle, à la fois forte, vigilante et tendre, qui doit s'exercer aussi bien dans le choix, la formation, la direction, le soutien des religieuses, que dans le soin corporel et spirituel des enfants, des pauvres, des malades et autres, dont tout l'Institut a la charge ; — dans l'ordre ascétique : sanctification personnelle par la souffrance et par l'humilité, par la pratique héroïque de toutes les vertus, par la contemplation et l'union continuelle avec Dieu.


Comme un organiste, après avoir présenté tour à tour les jeux de son instrument et fait valoir la pureté, le timbre, la délicatesse mystérieuse ou le mordant éclat de chacun d'eux, petit à petit, les groupe ou les oppose pour ensuite synthétiser dans un final la richesse et la puissance de son orgue aimé, ainsi Dieu qui a fait chanter, dans toutes les conditions où il l'a successivement placée, les vertus de sa servante, va désormais les mettre toutes ensemble en pleine valeur dans la vie de son épouse.


Fondatrice ! Elisabeth Bichier des Ages — devenue, de nom et de fait, Fille de la Croix — va l'être à la grande manière d'une Thérèse de Jésus et, plus d'une fois, sans vouloir s'arrêter à d'oiseuses comparaisons, on voit surgir derrière elle le souvenir de la vierge d'Avila.


HOMÉLIE ET DISCOURS DE PIE XII LORS DE LA CANONISATION DE MICHEL GARICOITS ET D'ELISABETH BICHIER DES AGES



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25 août 2009 2 25 /08 /août /2009 09:00


On trouve dans la galerie Saint Louis de la Cour de cassation  une statue de Louis IX, roi de France plus connu sous le nom de Saint-Louis (1214-1270), souverain réputé pour sa sagesse et son équité, devenu au fil des siècles une des figures les plus symboliques de la justice. Il est ici représenté sous un chêne, puisque l'on disait qu'il aimait ainsi siéger sous cet arbre dans le parc de son château de Vincennes ou dans le jardin du palais.
Cour de cassation


De Louis IX l'on peut dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous. Dieu comme but, la foi pour guide : c'est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd'hui sa gloire.

Le Christ,qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais. 
 

Sacré à Reims le premier dimanche de l'Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l'Antienne d'Introït en ce jour : J'ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n'avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille desEspagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens.

La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s'étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l'unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l'héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l'hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d'au delà de la Manche l'occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d'Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s'abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l'Anglais nommaient l'étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.


Nous ne pouvons songer à faire ici l'histoire
du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd'hui cet hommage : d'autant que pour devenir l'honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère. De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse qui en relève d'une façon si spéciale l'héroïsme et la grandeur.

On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d'autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur, qui fut plus grand que cet humble s'honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s'abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l'état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient les privilégiés du ciel.

Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s'affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d'esprit, comme ils pensent, n'a point chez eux déshonoré la défaite, on n'a point non plus entendu l'ennemi s'écrier d'aucun d'eux : "Vous êtes notre captif, et l'on dirait que c'est nous qui sommes vos prisonniers." On ne les a pas vus en imposer à la cupidité
féroce, à l'ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s'ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n'est point, hélas ! sorti plus glorieux de l'épreuve. C'est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n'aurait pu égaler le prestige.

L'humilité des saints rois n'est point l'oubli de la grandeur du rôle qu'ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l'abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l'amour de la paix n'y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l'infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu'avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servirles pauvres, n'entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu'il tenait de ses pères.

Il n'y a qu'un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d'Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n'avaient pas attendu jusque-là pour l'apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d'écraser l'Eglise, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l'Allemand la réponse : "Le royaume de France n'est mie encore si affaibli qu'il se laisse mener à vos éperons."

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l'appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l'espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c'était plus en apôtre qu'en soldat qu'il avait abordé le rivage où l'attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l'entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu'ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l'antique Carthage devenue chrétienne garde la  mémoire pour l'éternité.


Cependant l'armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même par la contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

" Cher fils, la première chose que je t'enseigne, c'est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c'est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t'envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l'as desservi. S'il te donne prospérité, l'en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l'on die devant toi, que tu n'en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Eglise, et garde qu'on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t'enseigne que tu sois toujours dévot à l'Eglise de Rome et au souverain évêque notre père, c'est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir. Biau cher fils, je  te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu'il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin."

" Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda
les sacrements de sainte Eglise, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l'enhuilait et on disait les sept psaumes, il disait les versets d'une part. J'ai ouï conter monseigneur le comte d'Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l'aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c'est à dire : "Dieu, soyez sainte fieur et garde de votre peuple". Monseigneur saint Denis de France appela lors en s'aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : "Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité". Et ouï dire lors à monseigneur d'Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix."

 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique





Statue de Saint Louis dans les jardins du Musée national de Carthage (Tunisie)
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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 09:00



Un témoin du Fils de Dieu, un des princes qui annoncèrent  sa gloire aux nations, illumine ce jour des incomparables feux de la lumière apostolique. Tandis que ses frères du collège sacré suivaient la race humaine sur toutes les  routes où la migration des peuples l'avait portée, c'est au point  de départ, sur  les monts d'Arménie d'où les fils  de Noé remplirent la terre, que  Barthélémy parut comme l'envoyé des collines éternelles et le héraut de l'Epoux. Là, s'était arrêtée l'arche figurative ; l'humanité, partout ailleurs voyageuse, y restait assise, se souvenant de la colombe au rameau d'olivier, attendant la consommation de l'alliance dont l'arc-en-ciel, brillant sur la nue, avait dans ces lieux pour la première fois signifié les splendeurs .

Or, voici qu'une nouvelle bienheureuse a réveillé dans ces hautes vallées les échos des  antiques traditions : nouvelle de paix, fin du péché dont l'universel déluge recule devant le bois du salut. Combien la sérénité qu'apportait la colombe de  jadis est dépassée ! Au châtiment va succéder l'amour. L'ambassadeur du ciel a montré  Dieu aux fils d'Adam dans le plus beau de leurs frères.  Les nobles sommets d'où  coulent les fleuves qui arrosèrent autrefois le jardin de délices, voient renouveler le 
contrat déchiré en Eden, et célébrer dans l'allégresse de la terre et des cieux les noces divines, attente des siècles, union du Verbe et de l'humanité régénérée.


Personnellement, que fut l'Apôtre dont le ministère emprunte une telle solennité du lieu où il s'accomplit ? Sous le nom ou le surnom de Barthélémy, qui est le seul trait que nous aient conservé de lui les trois premiers Evangiles, devons-nous voir, comme plusieurs l'ont pensé, ce Nathanaël dont la présentation par Philippe à Jésus est l'objet en saint Jean d'une scène si suave ? Personnage tout de droiture, d'innocence, de simplicité, bien digne d'avoir eu la colombe pour précurseur, et pour lequel on sent que l'Homme-Dieu dès l'abord réservait des tendresses et des grâces de choix.


Quoi qu'il en puisse être, la part échue entre les douze à l'élu de ce jour dit assez la spéciale confiance du Cœur divin ; l'héroïsme du redoutable martyre où il scelle son apostolat, nous révèle sa fidélité ; la dignité qu'a su garder sous toutes les latitudes où elle vit transplantée la nation qu'il greffa sur le Christ, témoigne de l'excellence de la sève infusée originairement dans ses rameaux.

Lorsque, deux siècles et demi plus tard, Grégoire l’illuminateur fit germer par toute l'Arménie l'abondance des fleurs et des fruits qui la manifestèrent si belle, il n'eut qu'à réveiller la semence divine déposée par l'Apôtre, et dont les épreuves, qui ne devaient jamais manquer à la généreuse contrée, avaient un temps comprimé l'essor, sans pouvoir l'étouffer.


Pourquoi faut-il que de déplorables malentendus, 
nourris dans le trouble d'invasions sans fin, aient maintenu trop longtemps en défiance contre Rome une race que  les guerres d'extermination, les supplices, la dispersion, n'ont pu détacher de l'amour du Christ Sauveur ! Grâce à Dieu pourtant, le mouvement de retour, plus d'une fois commencé pour ensuite se ralentir, semble aujourd'hui s'accentuer davantage ; l'illustre nation voit l'élite de ses fils travailler avec persévérance au rapprochement  si souhaitable, en dissipant les préjugés de leur peuple, en révélant à nos régions les trésors de sa littérature si chrétienne, les magnificences de sa liturgie, en priant surtout et en se dévouant sous l'étendard du père des moines de l'Occident. Avec ces tenants de la vraie tradition nationale, prions Barthélémy leur Apôtre,  et  le disciple Thaddée qui eut aussi part à l'évangélisation  primitive, et Ripsima, l'héroïque vierge amenant des terres romaines ses trente-cinq compagnes à la conquête d'une nouvelle patrie, et tous les martyrs dont le sang cimenta l'édifice sur le seul fondement posé par le Seigneur.

Puisse, comme ces grands prédécesseurs, le chef du second apostolat, Grégoire  l'Illuminateur, qui voulut voir Pierre en la personne de Silvestre et reçut la bénédiction  du Pontife  romain, puissent les saints rois, les patriarches et les docteurs de l'Arménie, redevenir pour elle les guides écoutés des beaux temps de son histoire, et ramener tout entière, sans retour enfin, à l'unique bercail, une Eglise faite  pour marcher d'un  même pas avec l'Eglise maîtresse et mère !


Nous apprenons d'Eusèbe et de saint Jérôme, 
qu'avant de se rendre dans l'Arménie, but suprême de son apostolat, saint Barthélémy évangélisa les Indes, où Pantène, au siècle suivant, trouva un exemplaire de l'Evangile de saint Matthieu en lettres hébraïques qu'il y avait laissé. Saint Denys rapporte aussi du glorieux Apôtre une parole profonde, qu'il cite et commente en ces termes : 
"Le divin Barthélémy dit de la théologie qu'elle est à la fois abondante et succincte, de l'Evangile qu'il est de vaste étendue et en même temps concis ; donnant ainsi excellemment à entendre que la bienfaisante cause de tous les êtres s'exprime et en beaucoup et en peu de paroles, ou même sans discours, n'y ayant parole ou pensée qui la puisse rendre. Car elle est au-dessus de tout par son essence supérieure ; et ceux-là seuls l'atteignent dans sa vérité, non dans les voiles dont elle s'entoure, qui dépassant la matière et l'esprit, s'élevant par delà le faite des plus saints sommets, laissent tous les rayonnements divins, tous les échos de Dieu, tous les discours des cieux, pour entrer dans l'obscurité où habite, comme dit l'Ecriture, celui qui est au delà de toutes choses."



DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
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