Fêtée au propre de France le 22 février et que Paris fête le 24 février (Nominis)
Après la mort de Blanche de Castille elle résolut de vivre à l'écart du monde et passa le reste de sa vie dans une petite maisonnette, près du couvent de Longchamp qu'elle avait bâti à Paris pour
les Sœurs Clarisses et qu'elle consacra à "l'Humilité de Notre-Dame." Elle y mena une vie d'austérité et de prière.
Nous avons d'elle le portrait vivant qu'a écrit l'une de ses dames d'honneur, Agnès d'Harcourt, qui deviendra par la suite abbesse de Longchamp.
Vie d'Isabelle de France écrite par Agnès d'Harcourt (extraits) :
Bienheureuse Isabelle de France au porche de Saint Germain l'Auxerrois à Paris
En sa jeunesse elle estoit moult gracieuse et de grande beauté, et jaçoit ce qu'elle fust si noble de lignage, encore fust elle plus haute et plus noble de mœurs.
Elle sçavoit bien que icelle seule est la vraye noblesse qui est ornement de l'ame par bonté de l'ame et par saincte vie, si comme il appaira cy aprés.
Elle fust fille et espouse et speciale amie de Nostre Seigneur Jesus Christ, et tous ses desirs, et toute l'intention, et tous ses labeurs si furent de destruire pechez et de planter vertus en
soy et en autruy.
Elle fust mirouër d'innocence, exemplaire de penitence, rose de patience, lis de chasteté, fontaine de misericorde.
Elle fust escolle de toutes bonnes mœurs, car elle fust escoliere speciale de l'escolle de Nostre Seigneur Jesus Christ, qui dit a ses disciples : « Approchez, apprenez de moy que je suis doux et
debonnaire et humble de cœur».
Icelle leçon retint bien especiaument nostre benoiste et saincte et noble dame et mere madame Isabelle de France. En toutes ses œuvres n'apparoist fors humilité de cœur et debonnaire, selon que
Salomon enseigne : « Tant comme tu es plus grand, humilie toy en tes œuvres en toutes choses ».
Ceste benoiste et excellente dame en sa jeunesse tres volontiers demeuroit en la chambre, et apprenoit a entendre la divine Escriture, et ne vouloit aller es esbatemens la ou les femmes de ses
freres et les autres dames alloient.
Et quand elle fust introduicte des lettres suffisamment, elle s'estudioit a apprendre et ouvrer de soye, et faisoit estolles et autres paremens a saincte Eglise. Et quand on lui apportoit images
de Nostre Seigneur ou de Nostre Dame, elle les recevoit si joyeusement que ce estoit merveilles, et monstroit bien qu'elle les aymoit mieux et avoit plus chers que nul autre present d'ornement
que l'on ly peut faire.
(...)
Ceste benoiste et excellente dame avoit si grand amour a pureté et a innocence dés s'enfance que a peine le pourroit on raconter, si comme l'on le peust apertement congnoistre en toutes ses
œuvres.
Elle ne pouvoit souffrire que l'on dict nul mal d'autruy devant li ne nulle mensonge, et en avoit si grand horreur que tout la face l'en muoit.
Si qu'il advenoit aucunes fois que, quand aucunes personnes venoient a ly demander l'aumosne ou pour aucunes besognes, elle envoyoit a eux avant qu'ils vinssent devant ly, et leur faisoit dire
qu'ils se prinssent bien garde qu'ils ne disent fors que verité et que, s'elle appercevoit qu'ils disent verité, elle feroit plus volontiers ce que ils ly requerroient.
Je, seur Agnes de Harecourt, porte tesmoignage de ceste chose, qui aucune fois fis ce message.
(...)
Elle faisoit dire le divin office moult devotement et moult ententivement. Elle se levoit pour dire ses matines grand piece devant le jour, et ne se recouchoit point, et estoit continuement en
oraison jusques a hault midy.
Et souvente fois elle faisoit ceux qui la servoient manger avant que ly, pour estre plus longuement en oraison. Elle ne parloit point quand elle disoit ses heurs, ne devant prime, ne puis qu'elle
avoit dict complie.
S'elle n'estoit malade, elle estoit merveilleusement en oraison en Caresme plus qu'en autre temps, et estoit souvent en grande abondance de larmes, si que, quand elle issoit de son oratoire, elle
avoit les yeux si enflez et si rouges qu'il aparoit bien que merveilleusement avoit espandues des larmes.
Elle avoit accoustumé a estre en auraison en son oratoire jusques a l'heure du haut midy, et adonc elle issoit de son oratoire et entroit en sa chambre, et illec estoit jusques a none en estude
des sainctes Escritures si comme de la Bible et des saincts Evangiles et des autres vies des saincts, car elle entendoit moult bien latin. Et si bien l'entendoit que, quand les chapelains ly
avoient escrites ses lettres qu'elle faisoit faire en latin et ils ly apportoient, elle les amendoit quand il y avoit aucun faux mot, et je, seur Agnes de Harecourt, veü ceste chose plusieurs
fois et autres personnes aussi.
(...)
Ceste benoiste dame visitoit humblement et charitablement en sa propre personne les malades, et les confortoit de ses sainctes paroles, et les ammonestoit du salut de leurs ames, et les servoit
de ses propres mains, et leur envoyoit largement de ses biens, et moult longuement se seoit devant eux et tastoit leur poulx. Moult avoit grande pitié de ceux qui estoient en affliction, et avoit
tres grande jalousie du salut des ames.
(...)
Monsieur le roy Louys son pere li laissa moult grand deniers quand il mourut, et tout elle donna pour Dieu, et especiamment elle envoya dix chevaliers outre mer.
Elle assena tant de personnes en religion, que nous n'en sçavons nul nombre.
Moult faisoit de biens et d'aumosnes a vefves femmes et a orfelins, et merveilleusement avoit grand compassion des gens qui estoient a mesaise et en affliction. Elle avoit ceste coustume le Jeudy
absolu qu'elle prenoit XIII pauvres, et leur lavoit leurs pieds, et les servoit de ses propres mains de deux paires de mets, et leur donnoit soulier, et offroit a chascun XXX sous parisis en
remembrance du prix que Nostre Seigneur fust vendu.
(...)
Elle fonda nostre abbaye, laquelle qui cousta bien XXX mille livres de Parisis. Elle fust tres diligente de la reigle qu'elle fust bonne et seure, et la fit esprouver par freres mineurs, qui
estoient personnes bonnes et esprouvees et maistres de divinité si comme frere Bonnaventure, frere Guillaume de Milletonne, et frere Eude de Roni, et frere Geoffroy de Vierson, frere Guillaume de
Harcombour.
Et fit mettre en la riule ce qui estoit es privileges, et ce qui estoit doutable et perilleux en la riule elle fit oster. Et estoit en si grand estude de ceste chose qu'elle en veilloit grande
partie des nuicts et des jours. Elle y travailla tant et estudia qu'a peine le pourroit on raconter.
(...)
Elle eut en sa fin de tres grandes maladies deux ans avant qu'elle trespassat, lesquelles elle receut de son doux espoux tres doucement, et en grande patience les porta, et tres devotement sa vie
fina en parfaite virginité et tres grande humilité et charité.
(...)
Sœur Clemence d'Argas dict en verité que la nuict que nostre saincte et reverente dame et mere trespassa, un peu devant matines, elle ouvrit la fenestre qui estoit pres son lict en intention pour
sçavoir si elle orroit aucun en la court, car elle sçavoit bien que madame estoit pres de sa fin, et arregardoit l'air qui estoit tres bel et tres serain.
Elle ouït une voix mout douce et mout melodieuse sur la maison ou elle gisoit, et l'ouït si longuement que li semble en verité que elle n'ouït onques si longue haleine en ceste mortelle vie.
Icelle sœur Clemence mit son chef hors des fers de la fenestre pour mieux sçavoir qui c'estoit. Et aprés ce l'on sonna matines et nous apporta l'on la nouvelle que madame nostre saincte mere
estoit trespassee.
Aussi sœur Aveline de Hennaut en celle heure ouït chants mout doux et mout melodieux, et se leva en son seant en son lict, mais elle ne sçait que ce fut. Nous croyons fermement que c'estoit la
melodie des saincts anges qui conduisoient sa benoiste ame en la gloire du Ciel, car elle avoit loyaument honoré Dieu et servy en sa vie.
texte et également commentaire du texte par Anne-Hélène Allirot sur le site de Médiévales
restes de l'abbaye de Longchamp
Ministère de la culture - memoire
Afin de mieux comprendre où se trouvait l'ancien site de l'abbaye royale, complètement rasée en 1794, Gabrielle Joudiou donne les indications nécessaires à sa localisation dans le bois de
Boulogne d'aujourd'hui. : Isabelle de France et l’abbaye de Longchamp, de Gabrielle Joudiou
Vierge à l'enfant
Ancienne abbaye de Longchamp,
près de Paris
Ateliers parisiens,
milieu du XIVe siècle
Marbre
Musée national du Moyen Age - (musee Cluny Paris)