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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 12:30

L’interrogatoire de Jésus devant le Sanhédrin s’était conclu comme Caïphe s’y attendait : Jésus avait été déclaré coupable de blasphème, un crime pour lequel était prévue la peine de mort. Mais comme le pouvoir d’infliger la peine capitale était réservé aux Romains, le procès devait être transféré devant Pilate et, par là, l’aspect politique de la sentence de culpabilité devait apparaître au premier plan. Jésus s’était déclaré Messie, il avait donc manifesté sa prétention à la dignité royale, même si c’était d’une manière tout à fait particulière. La revendication de la royauté messianique était un crime politique, qui devait être puni par la justice romaine. Avec le chant du coq, le jour s’était levé. Le gouverneur romain avait coutume de siéger pour rendre la justice dans les premières heures de la matinée.

 

 Ainsi, Jésus est amené au prétoire par ses accusateurs et présenté à Pilate comme un malfaiteur qui mérite la mort. C’est le jour de la "Parascève" pour la fête de la Pâque : dans l’après-midi, les agneaux seront abattus pour le banquet du soir. Pour cela, la pureté rituelle est nécessaire ; les prêtres accusateurs ne peuvent donc pas entrer dans le prétoire païen et ils traitent avec le gouverneur romain devant l’édifice. Jean, qui nous transmet ce détail (cf. 18, 28s.), laisse ainsi transparaître la contradiction entre l’observance stricte des prescriptions cultuelles de pureté et le problème de l’authentique pureté intérieure de l’homme : il ne vient pas à l’idée des accusateurs que ce n’est pas le fait d’entrer dans la maison païenne qui est source de souillure, mais le sentiment intime du cœur. En même temps, ce faisant, l’Évangéliste souligne que le repas pascal n’a pas encore été célébré et que l’abattage des agneaux doit encore être effectué.

 

 Dans la description du déroulement du procès, les quatre Évangiles concordent sur tous les points essentiels. Jean est le seul qui rapporte le dialogue entre Jésus et Pilate, dans lequel la question concernant la royauté de Jésus, le motif de sa mort, est sondée dans toute sa profondeur (cf. 18,33-38). Le problème de la valeur historique de cette tradition est – évidemment – l’objet discuté par les exégètes. Alors que Charles H. Dodd avec Raymond E. Brown l’évaluent de manière positive, Charles K. Barrett s’exprime à ce sujet de manière extrêmement critique : "Les intégrations et les modifications de Jean ne suscitent pas la confiance sur sa fiabilité historique" (op. cit., p. 511). Il va de soi que personne ne s’attend à ce que Jean ait voulu présenter quelque chose comme un procès-verbal du procès. Mais il est tout à fait permis de supposer qu’il est capable d’interpréter avec une grande exactitude la question centrale dont il s’agissait et qu’il nous place donc devant la vérité essentielle de ce procès. Ainsi, même Barrett dit que "Jean, avec une extrême sagacité a trouvé la clé d’interprétation pour l’histoire de la Passion dans la royauté de Jésus et il a sans doute mis en valeur sa signification plus clairement que n’importe quel autre auteur du Nouveau Testament" (p. 512).

 

 Mais posons-nous avant tout cette question : qui étaient précisément les accusateurs ? Qui a insisté pour que Jésus soit condamné à mort ? Dans les réponses des Évangiles, il y a des différences sur lesquelles nous devons réfléchir. Selon Jean, ce sont simplement les "Juifs". Mais cette expression chez Jean – comme le lecteur moderne serait tenté de l’interpréter – n’indique en aucune manière le peuple d’Israël comme tel, et elle a encore moins un caractère "raciste". En définitive, Jean lui-même, pour ce qui est de la nationalité, était un Israélite, tout comme Jésus et tous les siens. La Communauté primitive tout entière était composée d’Israélites. Chez Jean, cette expression a une signification précise et rigoureusement limitée : il désigne par là l’aristocratie du Temple. Ainsi, dans le quatrième Évangile, le cercle des accusateurs qui veulent la mort de Jésus est décrit avec précision et il est clairement délimité : il s’agit, justement, de l’aristocratie du Temple – mais non sans quelque exception, comme nous le laisse deviner l’allusion à Nicodème (cf. 7,50s.).

 

 En Marc, dans le contexte de l’amnistie pascale (Barabbas ou Jésus), le cercle des accusateurs semble plus large : voici qu’apparaît l’ochlos qui opte pour la relaxe de Barabbas. Tout d’abord, ochlos veut simplement dire une quantité importante de personnes, la "masse". Bien souvent le mot a un accent négatif dans le sens de "plèbe". En tout cas, par ce mot, ce n’est pas "le peuple" des Juifs qui est désigné comme tel. À l’occasion de l’amnistie pascale (que, en réalité, nous ne connaissons pas par d’autres sources mais dont il n’y a pas de raison de douter), le peuple – comme cela était d’usage pour d’autres amnisties – a le droit de faire une proposition manifestée par "acclamation" : en ce cas, l’acclamation du peuple a un caractère juridique (cf. Pesch Markusevangelium II, p. 466). En ce qui concerne cette "masse", il s’agit en fait des défenseurs de Barabbas qui se sont mobilisés pour l’amnistie ; en tant que rebelle d’une révolte contre le pouvoir romain, il pouvait naturellement compter sur un certain nombre de sympathisants. Les partisans de Barabbas étaient donc là, la "masse", tandis que ceux qui croyaient en Jésus, apeurés, restaient cachés ; c’est ainsi que la voix du peuple sur qui le droit romain comptait était représentée de manière unilatérale. En Marc donc, à côté des "Juifs", c’est-à-dire les cercles sacerdotaux qui font autorité, entre en jeu effectivement l’ochlos, le groupe des partisans de Barabbas, mais pas le peuple juif comme tel.

 

 On trouve une amplification de l’ochlos de Marc, fatal dans ses conséquences, en Matthieu (27,25), qui parle, lui, de "tout le peuple", lui attribuant la demande de la crucifixion de Jésus. Ce faisant, Matthieu à coup sûr n’exprime pas un fait historique : comment le peuple tout entier aurait-il pu être présent en un tel moment pour demander la mort de Jésus ? La réalité historique apparaît d’une manière certainement correcte en Jean et en Marc. Le vrai groupe des accusateurs est celui des cercles existant dans le Temple et, dans le contexte de l’amnistie pascale, la "masse" des partisans de Barabbas se joint à eux.

 

 À cet égard, on peut sans doute donner raison à Joachim Gnilka, pour qui Matthieu – dépassant les faits historiques – a voulu formuler une étiologie théologique, qui lui permettait de s’expliquer le terrible destin d’Israël dans la guerre judéo-romaine, dans laquelle le pays, la ville et le Temple furent enlevés au peuple (cf. Matthäusevangelium II, p. 459). Dans ce contexte, Matthieu pense peut-être aux paroles de Jésus quand il prédit la fin du Temple : "Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes…, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre maison va vous être laissée déserte…" (Mt 23,37s. ; cf. Gnilka, tout le paragraphe Gerichtsworte, p. 295-308).

 

 À propos de ces paroles, il faut – comme nous l’avons montré dans la réflexion sur le discours eschatologique de Jésus – rappeler l’analogie profonde qui existe entre le message du prophète Jérémie et celui de Jésus. Jérémie annonce – s’opposant à l’aveuglement des cercles dominants d’alors – la destruction du Temple et l’exil d’Israël. Mais il parle aussi d’une "nouvelle Alliance" : le dernier mot n’est pas le châtiment ; celui-ci est au service de la guérison. De manière analogue, Jésus annonce la "maison laissée déserte" et donne déjà à l’avance la Nouvelle Alliance "en son sang" : en dernière analyse, il s’agit de guérison et non pas de destruction ou de répudiation.

 

 Si, selon Matthieu, "tout le peuple" avait dit : "Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !" (27,25), le chrétien doit se souvenir que le sang de Jésus parle un autre langage que celui d’Abel (cf. He 12,24) : il n’exige ni vengeance ni punition, mais il est réconciliation. Il n’est pas versé contre quelqu’un, mais c’est le sang répandu pour la multitude, pour tous. "Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu… Dieu l’a exposé [Jésus], comme instrument de propitiation par son propre sang", dit Paul (Rm 3,23.25). De même que c’est en fonction de la foi qu’il faut lire de manière complètement neuve l’affirmation de Caïphe sur la nécessité de la mort de Jésus, de même faut-il le faire à propos de la parole de Matthieu sur le sang : lue dans la perspective de la foi, elle signifie que nous tous nous avons besoin de la force purificatrice de l’amour, et cette force, c’est son sang. Ce n’est pas une malédiction, mais une rédemption, un salut. C’est seulement en fonction de la théologie de la dernière Cène et de la Croix présente à travers tout le Nouveau Testament que la parole de Matthieu sur le sang acquiert son sens correct.

 

 Passons des accusateurs au juge : le gouverneur romain Ponce Pilate. Alors que Flavius Josèphe et surtout Philon d’Alexandrie donnent de lui une image tout à fait négative, il apparaît d’après d’autres témoignages comme résolu, pragmatique et réaliste. On dit souvent que les Évangiles, en raison d’une tendance favorable aux Romains pour des motifs politiques, l’auraient présenté de manière toujours plus positive, en jetant progressivement sur les Juifs la responsabilité de la mort de Jésus. En fait, il n’y avait aucune raison qui permette de soutenir cette tendance dans la situation historique des évangélistes. Lorsque les Évangiles furent rédigés, la persécution de Néron avait déjà montré les aspects cruels de l’État romain et tout l’arbitraire du pouvoir impérial. Si nous pouvons dater l’Apocalypse plus ou moins à l’époque où fut composé l’Évangile de Jean, il apparaît évident que le quatrième Évangile ne s’est pas formé dans un contexte qui aurait permis un cadre "philo-romain".

 

 L’image de Pilate dans les Évangiles nous fait découvrir, de manière réaliste, le préfet romain comme un homme qui savait intervenir brutalement, si cela lui semblait opportun pour l’ordre public. Mais il savait aussi que Rome devait sa domination sur le monde, en premier lieu, à sa tolérance vis-à-vis des divinités étrangères et à la force pacificatrice du droit romain. C’est ainsi qu’il se présente dans le procès à Jésus.

 

 L’accusation selon laquelle Jésus se serait déclaré roi des Juifs était grave. Il est vrai que Rome pouvait effectivement reconnaître des rois "régionaux" – comme Hérode –, mais ceux-ci devaient être légitimés par Rome et obtenir de Rome la description et la délimitation de leurs droits de souveraineté. Un roi sans une telle légitimation était un rebelle qui menaçait la pax romana et par conséquent, il se rendait passible de mort.

 

 Mais Pilate savait que Jésus n’avait pas suscité un mouvement révolutionnaire. D’après tout ce qu’il avait entendu dire, Jésus devait lui être apparu comme un exalté religieux qui, peut-être, violait des prescriptions judaïques concernant le droit et la foi, mais cela ne l’intéressait pas. C’était aux Juifs eux-mêmes qu’il revenait de juger de cela. Au regard des règlements romains concernant la juridiction et le pouvoir, qui entraient dans ses compétences, il n’y avait rien de sérieux contre Jésus.

 

 Arrivés à ce point, il nous faut passer des considérations sur la personne de Pilate au procès lui-même. Il est dit clairement en Jean 18,34s. que, selon Pilate, à partir des informations qu’il possédait, il n’y avait rien contre Jésus. L’autorité romaine n’avait reçu aucune information sur quoi que ce soit qui aurait pu en quelque manière menacer la paix légale. L’accusation provenait des concitoyens de Jésus eux-mêmes, des autorités du Temple. Pilate devait être stupéfait de voir les concitoyens de Jésus se présenter devant lui comme défenseurs de Rome, alors que ses propres informations ne lui avaient pas donné l’impression qu’une intervention était nécessaire.

 

 Mais au cours de l’interrogatoire, voici à l’improviste un moment qui soulève de l’agitation : la déclaration de Jésus. À la question de Pilate : "Donc tu es roi ?", il répond : "Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix" (Jn 18,37). Auparavant déjà, Jésus avait dit : "Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n’est pas d’ici" (Jn 18,36).

 

 Cette "confession" de Jésus met Pilate dans une étrange situation : l’accusé revendique royauté et règne (basileía). Mais elle souligne la totale originalité de cette royauté, et cela en donnant la notion concrète qui pour le juge romain devait être décisive : personne ne combat pour cette royauté. Si le pouvoir, et précisément le pouvoir militaire, est la caractéristique de la royauté et du royaume – il n’y a rien de cela en Jésus. C’est pourquoi il n’y a même pas une menace contre les règlements romains. Ce règne est non violent. Il n’a aucune légion à sa disposition.

 

 Par ces paroles, Jésus a créé un concept absolument nouveau de royauté et de règne devant lequel il met Pilate, le représentant du pouvoir terrestre classique. Que peut penser Pilate, que devons-nous penser, nous, de ce concept de royaume et de royauté ? Est-ce quelque chose d’irréel, un fantasme dont on peut se désintéresser ? Ou bien, cela nous concerne-t-il de quelque manière ?

 

À côté de la délimitation précise du concept de règne (personne ne combat, impuissance terrestre), Jésus a introduit un concept positif, pour rendre perceptible l’essence et le caractère particulier du pouvoir de cette royauté : la vérité. Pilate, dans la suite de l’interrogatoire, a mis en jeu un autre terme qui vient de son monde et qui normalement est relié au terme "règne" : le pouvoir – l’autorité (exousía). La domination exige un pouvoir, elle le définit même. Jésus, à l’inverse, qualifie l’essence de sa royauté par le témoignage à la vérité. La vérité serait-elle donc une catégorie politique ? Ou bien le "règne" de Jésus n’a-t-il rien à voir avec la politique ? À quel genre alors appartient-il ? Si Jésus fait reposer son concept de royauté et de règne sur la vérité comme catégorie fondamentale, il est alors très compréhensible que le pragmatique Pilate demande : "Qu’est-ce que la vérité ?" (18,38).

 

C’est la question que se pose aussi la doctrine moderne de l’État : est-ce que la politique peut prendre la vérité comme catégorie pour sa structure ? Ou bien faut-il laisser la vérité, comme dimension inaccessible, à la subjectivité et s’efforcer au contraire de réussir à établir la paix et la justice avec les instruments disponibles dans le domaine du pouvoir ? Étant donné l’impossibilité d’un consensus sur la vérité et en s’appuyant sur elle, la politique ne se fait-elle pas l’instrument de certaines traditions qui, en réalité, ne sont que des formes de conservation du pouvoir ?

 

Mais, par ailleurs, que se passe-t-il si la vérité ne compte pour rien ? Quelle justice alors sera possible ? Est-ce qu’il ne doit pas y avoir des critères communs qui garantissent véritablement la justice pour tous – critères soustraits à l’arbitraire des opinions changeantes et aux concentrations du pouvoir ? N’est-il pas vrai que les grandes dictatures se sont maintenues par la force du mensonge idéologique et que c’est la vérité seule qui a pu apporter la libération ?

 

Qu’est-ce que la vérité ? La question de l’homme pragmatique, posée de manière superficielle, non sans un certain scepticisme, est une question grave, dans laquelle, de fait, est en jeu le destin de l’humanité. Qu’est-ce donc que la vérité ? Pouvons-nous la connaître ? Peut-elle entrer, en tant que critère, dans notre pensée et dans notre vouloir, aussi bien dans la vie de chacun de nous que dans celle de la communauté ?

 

La définition classique, formulée par la philosophie scholastique qualifie la vérité de adequatio intellectus et rei – adéquation entre l’intelligence et la chose (Thomas d’Aquin, S. theol I q 21 a 2 c). Si la raison d’une personne reflète une chose telle qu’elle est en elle-même, alors cette personne a trouvé la vérité. Mais c’est seulement une petite part de ce qui existe réellement – ce n’est pas la vérité dans toute son ampleur et sa plénitude.

 

Avec une autre affirmation de saint Thomas nous nous approchons davantage des intentions de Jésus : "La vérité est dans l’intelligence divine proprement et premièrement (proprie et primo) ; dans l’intelligence humaine, pro­prement mais secondairement (proprie quidem et secundario)" (De verit. Q 1 a 4 c). Et cela nous fait arriver finalement à la formule lapidaire : Dieu est "ipsa summa et prima veritas – lui-même la souveraine et première vérité" (S. theol. I q 16 a 5 c).

 

Cette formule nous rapproche de ce que Jésus veut dire quand il parle de la vérité, pour laquelle il est venu dans le monde afin d’en témoigner. Vérité et opinion erronée, vérité et mensonge en ce monde sont continuellement mêlés de manière inextricable. La vérité, dans toute sa grandeur et sa pureté n’apparaît pas. Le monde est "vrai" dans la mesure où il reflète Dieu, le sens de la création, la Raison éternelle d’où il a jailli. Et il devient d’autant plus vrai qu’il s’approche davantage de Dieu. L’homme devient vrai, devient lui-même s’il devient conforme à Dieu. Alors il atteint sa vraie nature. Dieu est la réalité qui donne l’être et le sens.

 

" Rendre témoignage à la vérité " signifie mettre au premier plan Dieu et sa volonté face aux intérêts du monde et à ses puissances. Dieu est la mesure de l’être. En ce sens, la vérité est le "Roi véritable qui donne à toutes choses leur lumière et leur grandeur. Nous pouvons dire également que rendre témoignage à la vérité signifie : en partant de Dieu, de la Raison créatrice, rendre la création déchiffrable et sa vérité accessible de telle manière qu’elle puisse constituer la mesure et le critère d’orientation dans le monde de l’homme – que le pouvoir de la vérité, le droit commun, le droit de la vérité puissent venir à la rencontre des grands et des puissants.

 

Disons même tranquillement : la non-rédemption du monde consiste, précisément, dans le fait que la création n’est pas déchiffrable, que la vérité n’est pas reconnaissable. Cette situation conduit alors inévitablement à la domination du pragmatisme, et ainsi le pouvoir des forts devient véritablement le dieu de ce monde.

 

En hommes modernes, nous serions tentés, à ce point, de dire : "La création est devenue déchiffrable pour nous, grâce aux sciences". C’est effectivement ce que dit par exemple Francis S. Collins, qui a dirigé le Human Genome Project, dans une joie admirative : "Le langage de Dieu a été déchiffré" (The Language of God, p. 99). C’est vrai, nous percevons le langage de Dieu dans la grandiose mathématique de la création qu’il nous est possible aujourd’hui de lire dans le code génétique de l’homme. Mais malheureusement pas le langage tout entier. La vérité fonctionnelle sur l’homme est devenue visible. Mais la vérité sur lui-même – sur ce qu’il est, d’où il vient, pour quel but il existe, en quoi consiste le bien ou le mal –, cette vérité-là, malheureusement, ne peut pas être lue de cette manière. Avec la connaissance croissante de la vérité fonctionnelle, semble plutôt aller de pair un aveuglement croissant pour la "vérité" elle-même – pour la question de savoir ce qu’est notre véritable réalité et ce qu’est notre fin véritable.

 

Qu’est-ce que la vérité ? Cette question, comme étant sans réponse et impossible pour sa tâche, n’a pas été mise de côté uniquement par Pilate. De nos jours aussi, dans le débat politique tout comme dans la discussion à propos de la formation du droit, on éprouve en général une certaine difficulté à son égard. Mais sans la vérité, l’homme ne peut saisir le sens de sa vie ; il laisse alors le champ libre aux plus forts. "Rédemption", dans le sens plénier du mot, ne peut consister que dans le fait que la vérité devienne reconnaissable. Et elle devient reconnaissable, si Dieu devient reconnaissable. Il devient reconnaissable en Jésus Christ. En lui, Dieu est entré dans le monde et, ce faisant, il a dressé le critère de la vérité au cœur de l’histoire. Extérieurement, la vérité est impuissante dans le monde ; tout comme le Christ, selon les critères du monde, est sans pouvoir : il n’a aucune légion à sa disposition. Il est crucifié. Mais c’est justement ainsi, dans l’absence totale de pouvoir, qu’il est puissant, et c’est seulement ainsi que la vérité devient toujours davantage une puissance.

 

Dans le dialogue entre Jésus et Pilate, il est question de la royauté de Jésus et donc de la royauté, du "règne" de Dieu. Dans le dialogue de Jésus avec Pilate apparaît de manière évidente qu’il n’y a pas de rupture entre l’annonce de Jésus en Galilée – le royaume de Dieu – et ses discours à Jérusalem. Le point central du message jusqu’à la Croix – jusqu’à l’inscription sur la Croix – est le royaume de Dieu, la royauté nouvelle que Jésus représente. La vérité est, toutefois, au centre de cela. La royauté annoncée par Jésus dans les paraboles et, finalement, ouvertement devant le juge terrestre, est justement la royauté de la vérité. Ériger cette royauté comme libération véritable de l’homme, voilà ce dont il s’agit.

 

Il devient évident, en même temps, qu’il n’y a aucune contradiction entre l’accent mis sur le royaume de Dieu dans la période prépascale et celui mis sur la foi en Jésus Christ, Fils de Dieu, dans la période postpascale. Dans le Christ, Dieu est entré dans le monde – la vérité y est entrée. La christologie est l’annonce, devenue concrète, du royaume de Dieu.

 

Après l’interrogatoire, ce que pratiquement Pilate savait déjà est devenu évident. Ce Jésus n’est pas un agitateur politique, son message et son comportement ne représentent pas un danger pour la domination romaine. S’il n’a pas observé la Torah, que lui importe, à lui, Romain ?

 

Il semble pourtant que Pilate ait éprouvé une certaine crainte superstitieuse devant cet étrange personnage. Pilate était certes un sceptique. Mais en tant qu’homme de l’Antiquité, il ne pouvait toutefois pas exclure que des dieux, ou, à tout le moins, des êtres semblables à des dieux, puissent apparaître sous l’aspect d’êtres humains. Jean dit que les "Juifs" accusaient Jésus de se faire Fils de Dieu, et il ajoute : "Lorsque Pilate entendit cette parole, il fut encore plus effrayé" (19,8).

 

Je crois que nous devons tenir compte de cette peur chez Pilate : peut-être y avait-il vraiment quelque chose de divin dans cet homme. En le condamnant, peut-être se mettait-il contre une puissance divine. Sans doute devait-il s’attendre à la colère de telles puissances. Je crois que son attitude durant ce procès ne s’explique pas seulement en fonction d’un certain souci de la justice, mais précisément aussi à cause de ces pensées.

 

Bien évidemment, les accusateurs s’en rendent compte et ils opposent alors à cette peur une autre peur. À la peur superstitieuse face à une présence divine possible, ils opposent la peur très concrète de tomber dans la défaveur de l’empereur, de perdre sa position et de s’enfoncer ainsi dans une situation privée de soutien. L’affirmation : "Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César" (Jn 19,12) est une menace. À la fin, le souci de sa carrière est plus fort que la peur devant les puissances divines.

 

 Mais avant la décision finale, nous devons encore, brièvement au moins, considérer un épisode dramatique et douloureux qui se déroule en trois actes.

 

 Le premier acte consiste dans le fait que Pilate présente Jésus comme candidat à l’amnistie pascale, cherchant ainsi à le libérer. Mais, ce faisant, il s’expose à une situation fatale. Celui qui est proposé comme candidat à l’amnistie est en fait déjà condamné. L’amnistie n’a de sens que de cette manière. Si la foule a le droit d’acclamation, alors, après qu’elle s’est prononcée, il faut considérer comme condamné celui qu’elle n’a pas choisi. En ce sens, une condamnation est déjà tacitement incluse dans la proposition de libération par le moyen de l’amnistie.

 

 À propos de la confrontation entre Jésus et Barabbas et aussi sur la signification théologique de cette alternative, j’ai déjà écrit de manière détaillée dans la première partie de cette œuvre (cf. p. 60s.). Il suffit donc ici de rappeler brièvement l’essentiel. Selon nos traductions, Jean qualifie Barabbas simplement de "brigand" (18,40). Mais, dans le contexte politique d’alors, le mot grec qu’il a utilisé avait aussi pris le sens de "terroriste", ou plutôt de combattant de la résistance. Il est évident que c’est le sens qui a été retenu dans le récit de Marc : "Or, il y avait en prison le nommé Barabbas, arrêté avec les émeutiers qui avaient commis un meurtre dans la sédition" (15,7).

 

 Barabbas ("fils du père") est une espèce de figure messianique ; dans la proposition de l’amnistie pascale, deux interprétations de l’espérance messianique se trouvent face à face. Selon la loi romaine, il s’agit de deux délinquants accusés du même délit – ils sont en révolte contre la pax romana. Il est clair que Pilate préfère "l'exalté" non violent, qu’était à ses yeux Jésus. Mais les catégories de la foule et aussi des autorités du Temple sont différentes. Si l’aristocratie du Temple en arrive au point de dire au plus : "Nous n’avons d’autre roi que César !" (Jn 19,15), il ne s’agit qu’en apparence d’un renoncement à l’espérance messianique d’Israël : nous ne voulons pas de ce roi-là. Ils désirent un autre genre de solution au problème. L’humanité se trouvera toujours à nouveau confrontée à cette alternative : dire "oui" à ce Dieu qui n’agit que par la force de la vérité et de l’amour ou bien ne compter que sur ce qui est concret, sur ce qui est à portée de la main, sur la violence.

 

 Les partisans de Jésus ne sont pas présents sur le lieu du jugement, ils sont absents par peur. Mais ils manquent aussi par le fait qu’ils ne se montrent pas comme une masse. Leur voix se fera entendre à la Pentecôte par la prédication de Pierre, qui alors "transpercera le cœur" de ces hommes qui, auparavant, s’étaient décidés en faveur de Barabbas. À la question : "Frères, que devons-nous faire ?", ils reçoivent cette réponse : "Repentez-vous" – renouvelez et transformez votre manière de penser et votre être (cf. Ac 2,37s.). Voilà le cri qui, devant la scène de Barabbas et toutes ses rééditions, doit nous déchirer le cœur et nous conduire à changer de vie.

 

 Le deuxième acte est laconiquement résumé par Jean dans cette phrase : "Pilate prit alors Jésus et le fit flageller" (19,1). La flagellation était la punition qui, dans le droit pénal romain, était infligée comme châtiment accompagnant la condamnation à mort (Hengel/Schwemer, p. 609). Selon Jean, celle-ci apparaît comme un acte accompli durant l’interrogatoire – une mesure que le préfet, en vertu de son pouvoir de police, était autorisé à prendre. C’était une punition extrêmement barbare ; le condamné "était frappé par plusieurs bourreaux jusqu’à ce qu’ils soient fatigués et que la chair du délinquant pende en lambeaux sanguinolents" (Blinzler, p. 321). Rudolf Pesch commente : "Le fait que Simon de Cyrène soit contraint de porter à la place de Jésus le bras de la Croix et que Jésus meure si rapidement est sûrement à relier à la torture de la flagellation, durant laquelle certains délinquants mouraient déjà" (Markusevangelium II, p. 467).

 

 Le troisième acte est le couronnement d’épines. Les soldats se moquent de Jésus avec cruauté. Ils savent qu’il se prétend roi. Mais voici que maintenant il se trouve entre leurs mains, et il leur plaît de l’humilier, de faire montre de leur force à ses dépens, peut-être aussi de déverser sur lui, de manière substitutive, leur rage contre les grands. Ils le revêtent, lui – l’homme frappé et blessé sur tout le corps – des signes caricaturaux de la majesté impériale : le manteau pourpre, la couronne d’épines tressée et le sceptre de roseau. Et ils lui rendent hommage : "Salut, roi des Juifs !" ; leur hommage consiste en gifles par lesquelles ils manifestent, encore une fois, tout le mépris qu’ils ont pour lui (cf. Mt 27,28s. ; Mc 15,17s. ; Jn 19,2).

 

L’histoire des religions connaît bien la figure du roi caricaturé – qui s’apparente au phénomène du "bouc émissaire". Tout ce qui angoisse les hommes est déversé sur lui : de cette manière, on espère éloigner tout cela du monde. Sans le savoir, les soldats accomplissent tout ce qui dans ces rites et dans ces coutumes ne pouvait se réaliser : "Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison" (Is 53,5). Jésus est conduit devant Pilate sous cette apparence caricaturale, et Pilate le présente à la foule – à l’humanité : Ecce homo – "voici l’homme !" (Jn 19,5). Sans doute le juge romain est-il bouleversé devant la silhouette battue et bafouée de ce mystérieux accusé. Il compte sur la compassion de ceux qui le voient.

 

Ecce homo – cette expression acquiert spontanément une profondeur qui va bien au-delà de ce moment-là. En Jésus apparaît l’être humain en tant que tel. En lui est rendue visible la misère de tous ceux qui sont frappés et anéantis. Dans sa misère se reflète l’inhumanité du pouvoir humain, qui écrase le faible. En lui se reflète ce que nous appelons "péché" : ce que devient l’homme lorsqu’il se détourne de Dieu et prend en mains de manière autonome le gouvernement du monde.

 

Mais il y a un autre aspect qui est vrai également : la profonde dignité de Jésus ne peut lui être enlevée. Le Dieu caché reste présent en lui. L’homme frappé et humilié reste aussi image de Dieu. Depuis que Jésus s’est laissé frapper, toutes les personnes blessées et humiliées sont justement image du Dieu qui a voulu souffrir pour nous. Alors, au cœur de sa Passion, Jésus est une image d’espérance : Dieu est du côté de ceux qui souffrent.

 

Finalement Pilate s’assied sur le siège du juge. Il dit encore une fois : "Voici votre roi !" (Jn 19,14). Puis il prononce la sentence de mort.

 

Sans doute, la grande vérité, dont avait parlé Jésus, lui est restée inaccessible ; mais la vérité concrète de ce cas, Pilate la connaissait bien. Il savait que Jésus n’était pas un délinquant politique et que la royauté qu’il revendiquait ne représentait aucun danger politique – il savait donc qu’il devait être acquitté.

 

Comme préfet, il représentait le droit romain sur lequel reposait la pax romana – la paix de l’empire qui s’étendait sur le monde. Cette paix, d’une part, était assurée grâce à la puissance militaire de Rome. Mais, par la seule force militaire, il n’est pas possible d’établir une paix quelconque. La paix repose sur la justice. La force de Rome était son système juridique, l’ordre juridique sur lequel les hommes pouvaient compter. Pilate – nous le répétons – connaissait la vérité dont il s’agissait dans ce cas et il savait donc ce que la justice exigeait de lui.

 

Mais, en fin de compte, c’est l’interprétation pragmatique du droit qui l’emporta chez lui : il y a plus important que la vérité du cas présent, c’est la force pacifiante du droit, voilà ce que fut peut-être sa pensée et ainsi se justifiait-il à ses yeux. Absoudre l’innocent pouvait être source d’ennuis non seulement pour lui personnellement – cette crainte fut certainement un motif déterminant dans son comportement –, mais cela risquait encore de provoquer d’autres désagréments et des désordres qui, particulièrement au moment des fêtes de la Pâque, devaient être évités.

 

La paix fut en ce cas plus importante pour lui que la justice. Non seulement la grande et inaccessible vérité devait passer au second plan, mais aussi celle du cas concret : il crut ainsi accomplir le vrai sens du droit – sa fonction pacificatrice. Ainsi, peut-être, apaisa-t-il sa conscience. Sur le moment, tout sembla bien aller. Jérusalem resta calme. Toutefois le fait que la paix, en dernière analyse, ne peut être établie contre la vérité, devait se manifester plus tard.

 

> 3 extraits du "Jésus de Nazareth" de Joseph-Ratzinger-Benoît XVI sur la-Croix.com

 

> fiche livre La Procure

 

 

ECCE HOMO by Hieronymus Bosch

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 12:30

Le problème de la datation de la dernière Cène de Jésus se fonde sur l’opposition en cette matière entre les Évangiles synoptiques, d’une part, et l’Évangile de Jean, de l’autre. Marc, que Matthieu et Luc suivent essentiellement, offre à ce sujet une datation précise. "Le premier jour des Azymes, où l’on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : “Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ?” [...] Le soir venu, il arrive avec les Douze" (Mc 14,12.17). Le soir du premier jour des Azymes, où dans le Temple étaient immolés les agneaux pascals, est la veille de la Pâque. Selon la chronologie des Synoptiques il s’agit d’un jeudi.

 

 Après le coucher du soleil commençait la Pâque, et alors la cène pascale était consommée – par Jésus et ses disciples, comme par tous les pèlerins venus à Jérusalem. Dans la nuit entre jeudi et vendredi – toujours selon la chronologie synoptique – Jésus est arrêté et conduit devant le tribunal, au matin du vendredi, chez Pilate, il est condamné à mort et ensuite "vers la troisième heure" (neuf heures du matin) il est crucifié. La mort de Jésus est datée de la neuvième heure (quinze heures). "Déjà le soir était venu et comme c’était la Préparation, c’est-à-dire la veille du sabbat, Joseph d’Arimathie… s’en vint hardiment trouver Pilate et réclama le corps de Jésus" (Mc 15,42s.). La sépulture devait encore avoir lieu avant le coucher du soleil, parce que ensuite commençait le sabbat. Le sabbat est le jour du repos de Jésus au sépulcre. La Résurrection a lieu le matin du "premier jour de la semaine", le dimanche.

 

 Cette chronologie est compromise par le problème que le procès et la crucifixion de Jésus auraient eu lieu au cours de la fête de la Pâque, qui cette année-là tombait un vendredi. Il est vrai que beaucoup de chercheurs ont tenté demontrer que le procès et la crucifixion étaient compatibles avec les prescriptions de la Pâque. Malgré cette érudition, il semble problématique qu’en cette fête très importante pour les Juifs, le procès devant Pilate et la crucifixion aient été admissibles et possibles. Du reste, une information rapportée par Marc fait aussi obstacle à cette hypothèse. Il nous dit que deux jours avant la fête des Azymes, les grands prêtres et les scribes cherchaient la manière de s’emparer de Jésus par ruse pour le tuer, mais à ce sujet ils déclarent : "Pas en pleine fête, de peur qu’il y ait du tumulte parmi le peuple" (14,1s.). Selon la chronologie synoptique, cependant, l’exécution capitale de Jésus, de fait, aurait eu lieu justement le jour même de la fête.

 

 Tournons-nous maintenant vers la chronologie johannique. Jean veille avec soin à ne pas présenter la dernière Cène comme une cène pascale. Au contraire : les autorités juives qui mènent Jésus devant le tribunal de Pilate évitent d’entrer dans le prétoire "pour ne pas se souiller, mais pour pouvoir manger la Pâque" (18,28). La Pâque commence ensuite, seulement le soir ; durant le procès, la cène pascale est encore à venir ; procès et crucifixion ont lieu la veille de la Pâque, au cours de la "Préparation", et non au cours de la fête elle-même. Cette année-là, la Pâque s’étend donc du soir du vendredi au soir du samedi et non du soir du jeudi au soir du vendredi.

 

 Pour le reste, le déroulement des événements demeure le même. Jeudi soir la dernière Cène de Jésus avec ses disciples, qui cependant n’est pas une cène pascale ; vendredi – veille de la fête et non la fête elle-même : le procès et l’exécution capitale ; samedi : le repos du sépulcre ; dimanche : la Résurrection. Avec cette chronologie, Jésus meurt au moment où, dans le Temple, sont immolés les agneaux pascals. Il meurt comme le véritable Agneau qui, parmi l’ensemble des agneaux, était le seul à avoir été annoncé par avance.

 

 Cette coïncidence, théologiquement importante, de la mort de Jésus au moment de l’immolation des agneaux pascals, a conduit beaucoup de chercheurs à se débarrasser de la version johannique considérée comme une chronologie théologique. Jean aurait changé la chronologie pour créer cette connexion théologique qui, toutefois, dans l’Évangile n’est pas manifestée explicitement. Aujourd’hui, cependant, on voit toujours plus clairement que la chronologie johannique est historiquement plus probable que celle des Synoptiques. Car – comme il a été dit – procès et exécution capitale le jour de la fête semblent peu imaginables. D’autre part, la dernière Cène de Jésus apparaît si étroitement liée à la tradition de la Pâque que la négation de son caractère pascal se révèle problématique.

 

 Des tentatives de concilier les deux chronologies ont été faites pour cette raison, depuis toujours. La tentative la plus importante – et, en de nombreux points, la plus fascinante – d’arriver à une compatibilité entre les deux traditions vient de la chercheuse française Annie Jaubert, qui, depuis 1953, a développé sa thèse dans une série de publications. Nous n’entrerons pas ici dans les détails de cette proposition ; nous nous limiterons à l’essentiel.

 

 Mme Jaubert se base surtout sur deux textes anciens qui semblent conduire à une solution du problème. Il y a avant tout l’indication d’un ancien calendrier sacerdotal, transmis dans le Livre des Jubilés, qui a été rédigé en langue hébraïque dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. Ce calendrier ne prend pas en considération la révolution de la lune et prévoit une année de trois cent soixante-quatre jours, divisée en quatre saisons de trois mois, dont deux ont trente jours et un trente etun. Avec toujours quatre-vingt-onze jours, chaque trimestre comprend exactement treize semaines et chaque année ensuite exactement cinquante-deux semaines. Par conséquent, les fêtes liturgiques de chaque année tombent toujours le même jour de la semaine. Cela signifie, pour ce qui concerne la Pâque, que le 15 Nisan est toujours un mercredi et que le repas pascal est toujours consommé après le coucher du soleil le soir du mardi. Jaubert soutient que Jésus aurait célébré la Pâque selon ce calendrier, c’est-à-dire le mardi soir, et il aurait été arrêté dans la nuit du mercredi.

 

 Par là, la chercheuse voit résolus deux problèmes : d’une part, Jésus aurait célébré un vrai repas pascal comme le rapportent les Synoptiques ; de l’autre, Jean aurait raison en ce que les autorités juives, qui s’en tenaient à leur calendrier, auraient célébré la Pâque seulement après le procès de Jésus et donc celui-ci aurait été exécuté la veille de la véritable Pâque et non au cours de la fête elle-même. De cette façon, la tradition synoptique et la tradition johannique apparaissent également justes sur la base de la diversité entre les deux calendriers.

 

 Le deuxième avantage, souligné par Annie Jaubert, montre en même temps le point faible de cette tentative de trouver une solution. La chercheuse française fait remarquer que les chronologies transmises (dans les Synoptiques et chez Jean) doivent mettre ensemble une série d’événements dans l’espace étroit de quelques heures : l’interrogatoire devant le sanhédrin, le transfert devant Pilate, le rêve de la femme de Pilate, l’envoi chez Hérode, le retour chez Pilate, la flagellation, la condamnation à mort, le chemin de Croix et la crucifixion. Placer tout cela dans le cadre de quelques heures semble – selon Jaubert – quasi impossible. Par rapport à cela sa solution offre un espace de temps qui va de la nuit entre mardi et mercredi jusqu’au matin du vendredi.

 

 Dans ce contexte, la chercheuse montre que chez Marc pour les jours "dimanche des Rameaux", lundi et mardi, il y a une succession précise des événements, mais qu’ensuite il passe directement au repas pascal. Selon la datation transmise il resterait alors deux jours pour lesquels rien n’est rapporté. Enfin, Jaubert rappelle que de cette façon le projet des autorités juives de tuer Jésus, précisément avant la fête, aurait pu fonctionner. Toutefois,Pilate, par son hésitation, aurait renvoyé la crucifixion au vendredi.

 

 Contre le changement de la date de la dernière Cène du jeudi au mardi s’élève, cependant, l’antique tradition du jeudi, que d’ailleurs nous rencontrons clairement dès le IIe siècle. Mais à cela Mme Jaubert objecte en citant le second texte sur lequel se base sa thèse : il s’agit de la Didascalie des Apôtres, un écrit du début du IIIe siècle, qui fixe la date de la Cène de Jésus au mardi. La chercheuse veut démontrer que ce livre aurait recueilli une vieille tradition, dont les traces pourraient être retrouvées dans d’autres textes également.

 

 À cela, il faut cependant répondre que les traces de la tradition, manifestées de cette façon, sont trop faibles pour pouvoir convaincre. L’autre difficulté vient du fait que l’utilisation par Jésus d’un calendrier répandu principalement à Qumran, est peu vraisemblable. Pour les grandes fêtes, Jésus se rendait au Temple. Même s’il en a prédit la fin et qu’il l’a confirmée par un acte symbolique dramatique, il a suivi le calendrier juif des festivités, comme le montre surtout l’Évangile de Jean. Certes, on peut être d’accord avec la chercheuse française sur le fait que le Calendrier des Jubilés n’était pas strictement limité à Qumran et aux Esséniens. Mais cela ne suffit pas à le faire valoir pour la Pâque de Jésus. Ce qui explique pourquoi la thèse, à première vue fascinante, d’Annie Jaubert est refusée par la majorité des exégètes.

 

Je l’ai illustrée de façon aussi détaillée, parce qu’elle laisse imaginer un peu plus la multiplicité et la complexité du monde juif au temps de Jésus – un monde que nous-même, malgré toute l’ampleur de nos connaissances des sources, nous ne pouvons reconstituer que de façon insuffisante. Je reconnaîtrais, donc, à cette thèse une certaine probabilité, bien que – tenant compte des problèmes abordés– il ne soit simplement pas possible de l’accueillir.

 

Que devons-nous donc dire ? J’ai trouvé l’évaluation la plus précise de toutes les solutions imaginées jusqu’à maintenant dans le livre sur Jésus de John P. Meier, qui a exposé une vaste étude sur la chronologie de la vie de Jésus à la fin de son premier volume. Il arrive au résultat qu’il faut choisir entre la chronologie synoptique et la chronologie johannique et il montre, selon l’ensemble des sources, que la décision doit être en faveur de Jean.

 

Jean a raison : au moment du procès de Jésus devant Pilate, les autorités juives n’avaient pas encore mangé la Pâque et pour cela elles devaient se maintenir encore cultuellement pures. Il a raison : la crucifixion n’a pas eu lieu le jour de la fête, mais la veille. Cela signifie que Jésus est mort à l’heure à laquelle les agneaux pascals étaient immolés dans le Temple. Que par la suite les chrétiens aient vu en cela plus qu’un pur hasard, qu’ils aient reconnu Jésus comme le véritable Agneau, qu’ainsi ils aient justement trouvé le rite des agneaux porté à sa vraie signification – tout cela est donc tout à fait normal.

 

Reste la question : mais alors pourquoi les Synoptiques ont-ils parlé d’un repas pascal ? Sur quoi se fonde cette ligne de la tradition ? Meier ne peut pas non plus donner une réponse vraiment convaincante à cette question. Il en fait toutefois la tentative – comme beaucoup d’autres exégètes – au moyen de la critique rédactionnelle et littéraire. Il cherche à montrer que les passages de Mc 14,1a et 14,12-16 – les seuls passages où chez Marc on parle de la Pâque – auraient été insérés par la suite. Dans le récit proprement dit de la dernière Cène, la Pâque ne serait pas mentionnée.

 

Cette tentative – pour autant qu’elle soit soutenue par de nombreux experts importants – est artificielle. Demeure juste, cependant, l’observation de Meier quant au rituel pascal qui apparaît peu dans le récit de la Cène elle-même chez les Synoptiques comme chez Jean. Avec cependant quelques réserves, on pourra adhérer ainsi à l’affirmation : "Toute la tradition johannique… concorde pleinement avec celle originaire des Synoptiques pour ce qui concerne le caractère de la Cène comme n’appartenant pas à la Pâque" (A Marginal Jew I, p. 398).

 

Mais alors, que fut vraiment la dernière Cène de Jésus ? Et comment est-on arrivé à la conception certainement très ancienne de son caractère pascal ? La réponse de Meier est étonnamment simple et convaincante sous de nombreux aspects. Jésus était conscient de sa mort imminente. Il savait qu’il n’aurait pas pu manger la Pâque. Dans cette claire conscience, il invita ses disciples à une dernière Cène de caractère très particulier, une Cène qui n’appartenait à aucun rite juif déterminé, mais qui était ses adieux, dans lesquels il donnait quelque chose de nouveau, il se donnait lui-même comme le véritable Agneau, instituant ainsi sa Pâque.

 

Dans tous les Évangiles synoptiques, la prophétie de Jésus sur sa mort et celle sur sa Résurrection font partie de cette Cène. En Luc, elle a une forme particulièrement solennelle et mystérieuse : "J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le royaume de Dieu" (22,15s.). La parole demeure équivoque : elle peut signifier que Jésus, pour la dernière fois, mange la Pâque habituelle avec les siens. Mais elle peut aussi signifier qu’il ne la mange plus, mais qu’il s’achemine vers la Pâque nouvelle.

 

Une chose est évidente dans toute la tradition : l’essentiel de cette Cène de congé n’a pas été la Pâque ancienne, mais la nouveauté que Jésus a réalisée dans ce contexte. Même si ce banquet de Jésus avec les Douze n’a pas été un repas pascal selon les prescriptions rituelles du judaïsme, en rétrospective la connexion intérieure de l’ensemble avec la mort et la Résurrection de Jésus est apparue évidente : c’était la Pâque de Jésus. Et, en ce sens, il a célébré la Pâque et il ne l’a pas célébrée : les rites anciens ne pouvaient pas être pratiqués ; quand vint leur moment, Jésus était déjà mort. Mais il s’était donné lui-même et ainsi il avait vraiment célébré la Pâque avec eux. De cette façon, l’ancien rite n’avait pas été nié, mais il avait seulement été porté ainsi à son sens plénier.

 

Le premier témoignage de cette vision unifiante du nouveau et de l’ancien, que réalise la nouvelle interprétation de la Cène de Jésus par rapport à la Pâque dans le contexte de sa mort et de sa Résurrection, se trouve chez Paul, dans 1 Corinthiens 5,7 : "Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car notre Pâque, le Christ, a été immolé !" (cf. Meier, A Marginal Jew I, p. 429 s.). Comme en Marc 14,1, le premier jour des Azymes et la Pâque se succèdent ici, mais le sens rituel d’alors est transformé dans une signification christologique et existentielle. Les "azymes" doivent maintenant être constitués par les chrétiens eux-mêmes, libérés du levain du péché. L’Agneau immolé, cependant, c’est le Christ. En cela Paul concorde parfaitement avec la description johannique des événements. Pour lui, la mort et la Résurrection du Christ sont devenues ainsi la Pâque qui perdure.

 

D’après cela, on peut comprendre comment la dernière Cène de Jésus, qui n’était pas seulement une annonce, mais qui comprenait aussi, dans les dons eucharistiques, une anticipation de la Croix et de la Résurrection, a bien vite été considérée comme Pâque – comme sa Pâque. Et elle l’était réellement.

 

> 3 extraits du "Jésus de Nazareth" de Joseph-Ratzinger-Benoît XVI sur la-Croix.com

 

> fiche livre La Procure

 

 

Pope Benedict XVI prays as he attends a meeting at the Romano Maggiore seminary in Rome March 4, 2011.

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 05:00

Pope Benedict XVI delivers his blessing during a ceremony to ordain new bishops, in St. Peter's Basilica, at the Vatican, Saturday, Feb. 5, 2011 daylife.com

 

" Ensevelis avec le Christ lors du Baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui." (Cf. Col 2, 12)

 

Le Carême, qui nous conduit à la célébration de la Pâques très Sainte, constitue pour l’Eglise un temps liturgique vraiment précieux et important. Aussi est-ce avec plaisir que je vous adresse ce message, afin que ce Carême puisse être vécu avec toute l’ardeur nécessaire. Dans l’attente de la rencontre définitive avec son Epoux lors de la Pâque éternelle, la Communauté ecclésiale intensifie son chemin de purification dans l’esprit, par une prière assidue et une charité active, afin de puiser avec plus d’abondance, dans le Mystère de la Rédemption, la vie nouvelle qui est dans le Christ Seigneur (cf. Préface I de Carême).

 

Cette vie nous a déjà été transmise le jour de notre Baptême lorsque, "devenus participants de la mort et de la résurrection du Christ", nous avons commencé "l'aventure joyeuse et exaltante du disciple" (Homélie en la Fête du Baptême du Seigneur, 10 janvier 2010). Dans ses épîtres, Saint Paul insiste à plusieurs reprises sur la communion toute particulière avec le Fils de Dieu, qui se réalise au moment de l’immersion dans les eaux baptismales. Le fait que le Baptême soit reçu le plus souvent en bas-âge, nous indique clairement qu’il est un don de Dieu : Nul ne mérite la vie éternelle par ses propres forces. La miséricorde de Dieu, qui efface le péché et nous donne de vivre notre existence avec "les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (Ph 2,5), est communiquée à l’homme gratuitement.

 

Dans sa lettre aux Philippiens, l’Apôtre des Gentils nous éclaire sur le sens de la transformation qui s’effectue par la participation à la mort et à la résurrection du Christ, en nous indiquant le but poursuivi: "le connaître lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts" (Ph 3, 10-11). Le Baptême n’est donc pas un rite du passé, il est la rencontre avec le Christ qui donne forme à l’existence toute entière du baptisé, lui transmet la vie divine et l’appelle à une conversion sincère, mue et soutenue par la Grâce, lui permettant ainsi de parvenir à la stature adulte du Christ.

 

Un lien spécifique unit le Baptême au Carême en tant que période favorable pour expérimenter la grâce qui sauve. Les Pères du Concile Vatican II ont lancé un appel à tous les Pasteurs de l’Eglise pour que soient "employés plus abondamment les éléments baptismaux de la liturgie quadragésimale" (Const. Sacrosanctum Concilium, 109). En effet, dès ses origines, l’Eglise a uni la Veillée Pascale et la célébration du Baptême : dans ce sacrement s’accomplit le grand Mystère où l’homme meurt au péché, devient participant de la vie nouvelle dans le Christ ressuscité, et reçoit ce même Esprit de Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (cf. Rm 8,11). Ce don gratuit doit être constamment ravivé en chacun de nous, et le Carême nous offre un parcours analogue à celui du catéchuménat qui, pour les chrétiens de l’Eglise primitive comme pour ceux d’aujourd’hui, est un lieu d’apprentissage indispensable de foi et de vie chrétienne: ils vivent vraiment leur Baptême comme un acte décisif pour toute leur existence.

 

Pour emprunter sérieusement le chemin vers Pâques et nous préparer à célébrer la Résurrection du Seigneur – qui est la fête la plus joyeuse et solennelle de l’année liturgique –, qu’est-ce qui pourrait être le plus adapté si ce n’est de nous laisser guider par la Parole de Dieu ? C’est pourquoi l’Eglise, à travers les textes évangéliques proclamés lors des dimanches de Carême, nous conduit-elle à une rencontre particulièrement profonde avec le Seigneur, nous faisant parcourir à nouveau les étapes de l’initiation chrétienne : pour les catéchumènes en vue de recevoir le sacrement de la nouvelle naissance ; pour ceux qui sont déjà baptisés, en vue d’opérer de nouveaux pas décisifs à la suite du Christ, dans un don plus plénier.

 

Le premier dimanche de l’itinéraire quadragésimal éclaire notre condition terrestre. Le combat victorieux de Jésus sur les tentations qui inaugure le temps de sa mission, est un appel à prendre conscience de notre fragilité pour accueillir la Grâce qui nous libère du péché et nous fortifie d’une façon nouvelle dans le Christ, chemin, vérité et vie (cf. Ordo Initiationis Christianae Adultorum, n. 25). C’est une invitation pressante à nous rappeler, à l’exemple du Christ et en union avec lui, que la foi chrétienne implique une lutte contre les "Puissances de ce monde de ténèbres" (Ep 6,12) où le démon est à l’œuvre et ne cesse, même de nos jours, de tenter tout homme qui veut s’approcher du Seigneur : le Christ sort vainqueur de cette lutte, également pour ouvrir notre cœur à l’espérance et nous conduire à la victoire sur les séductions du mal.

 

L’évangile de la Transfiguration du Seigneur nous fait contempler la gloire du Christ qui anticipe la résurrection et annonce la divinisation de l’homme. La communauté chrétienne découvre qu’à la suite des apôtres Pierre, Jacques et Jean, elle est conduite "dans un lieu à part, sur une haute montagne" (Mt 17,1) afin d’accueillir d’une façon nouvelle, dans le Christ, en tant que fils dans le Fils, le don de la Grâce de Dieu : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le" (v.5). Ces paroles nous invitent à quitter la rumeur du quotidien pour nous plonger dans la présence de Dieu : Il veut nous transmettre chaque jour une Parole qui nous pénètre au plus profond de l’esprit, là où elle discerne le bien et le mal (cf. He 4,12) et affermit notre volonté de suivre le Seigneur.

 

" Donne-moi à boire " (Jn 4,7). Cette demande de Jésus à la Samaritaine, qui nous est rapportée dans la liturgie du troisième dimanche, exprime la passion de Dieu pour tout homme et veut susciter en notre cœur le désir du don de "l’eau jaillissant en vie éternelle" (v.14) : C’est le don de l’Esprit Saint qui fait des chrétiens de "vrais adorateurs", capables de prier le Père "«en esprit et en vérité" (v.23). Seule cette eau peut assouvir notre soif de bien, de vérité et de beauté ! Seule cette eau, qui nous est donnée par le Fils, peut irriguer les déserts de l’âme inquiète et insatisfaite "tant qu’elle ne repose en Dieu", selon la célèbre expression de saint Augustin.

 

Le dimanche de l’aveugle-né nous présente le Christ comme la lumière du monde. L’Evangile interpelle chacun de nous : "Crois-tu au Fils de l’homme ?" "Oui, je crois Seigneur !" (Jn 9, 35-38), répond joyeusement l’aveugle-né qui parle au nom de tout croyant. Le miracle de cette guérison est le signe que le Christ, en rendant la vue, veut ouvrir également notre regard intérieur afin que notre foi soit de plus en plus profonde et que nous puissions reconnaître en lui notre unique Sauveur. Le Christ illumine toutes les ténèbres de la vie et donne à l’homme de vivre en "enfant de lumière".

 

Lorsque l’évangile du cinquième dimanche proclame la résurrection de Lazare, nous nous trouvons face au mystère ultime de notre existence : "Je suis la résurrection et la vie... le crois-tu ?" (Jn 11, 25-26). A la suite de Marthe, le temps est venu pour la communauté chrétienne de placer, à nouveau et en conscience, toute son espérance en Jésus de Nazareth : "Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde" (v.27). La communion avec le Christ, en cette vie, nous prépare à franchir l’obstacle de la mort pour vivre éternellement en Lui. La foi en la résurrection des morts et l’espérance en la vie éternelle ouvrent notre intelligence au sens ultime de notre existence : Dieu a créé l’homme pour la résurrection et la vie ; cette vérité confère une dimension authentique et définitive à l’histoire humaine, à l’existence personnelle, à la vie sociale, à la culture, à la politique, à l’économie. Privé de la lumière de la foi, l’univers entier périt, prisonnier d’un sépulcre sans avenir ni espérance.

 

Le parcours du Carême trouve son achèvement dans le Triduum Pascal, plus particulièrement dans la Grande Vigile de la Nuit Sainte : en renouvelant les promesses du Baptême, nous proclamons à nouveau que le Christ est le Seigneur de notre vie, de cette vie que Dieu nous a donnée lorsque nous sommes renés "de l’eau et de l’Esprit Saint", et nous réaffirmons notre ferme propos de correspondre à l’action de la Grâce pour être ses disciples.

 

Notre immersion dans la mort et la résurrection du Christ, par le sacrement du Baptême, nous pousse chaque jour à libérer notre cœur du poids des choses matérielles, du lien égoïste avec la "terre", qui nous appauvrit et nous empêche d’être disponibles et accueillants à Dieu et au prochain. Dans le Christ, Dieu s’est révélé Amour (cf. 1 Jn 4,7-10). La Croix du Christ, le "langage de la Croix" manifeste la puissance salvifique de Dieu (cf. 1 Cor 1,18) qui se donne pour relever l’homme et le conduire au salut : il s’agit de la forme la plus radicale de l’amour (cf. Enc. Deus caritas est, 12). Par la pratique traditionnelle du jeûne, de l’aumône et de la prière, signes de notre volonté de conversion, le Carême nous apprend à vivre de façon toujours plus radicale l’amour du Christ. Le jeûne, qui peut avoir des motivations diverses, a pour le chrétien une signification profondément religieuse : en appauvrissant notre table, nous apprenons à vaincre notre égoïsme pour vivre la logique du don et de l’amour ; en acceptant la privation de quelque chose – qui ne soit pas seulement du superflu –, nous apprenons à détourner notre regard de notre "moi" pour découvrir Quelqu’un à côté de nous et reconnaître Dieu sur le visage de tant de nos frères. Pour le chrétien, la pratique du jeûne n’a rien d’intimiste, mais ouvre davantage à Dieu et à la détresse des hommes ; elle fait en sorte que l’amour pour Dieu devienne aussi amour pour le prochain (cf. Mc 12,31).

 

Sur notre chemin, nous nous heurtons également à la tentation de la possession, de l’amour de l’argent, qui s’oppose à la primauté de Dieu dans notre vie. L’avidité de la possession engendre la violence, la prévarication et la mort ; c’est pour cela que l’Eglise, spécialement en temps de Carême, appelle à la pratique de l’aumône, c’est à dire au partage. L’idolâtrie des biens, au contraire, non seulement nous sépare des autres mais vide la personne humaine en la laissant malheureuse, en lui mentant et en la trompant sans réaliser ce qu’elle lui promet, puisqu’elle substitue les biens matériels à Dieu, l’unique source de vie. Comment pourrions-nous donc comprendre la bonté paternelle de Dieu si notre cœur est plein de lui-même et de nos projets qui donnent l’illusion de pouvoir assurer notre avenir ? La tentation consiste à penser comme le riche de la parabole : "Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années"... Nous savons ce que répond le Seigneur : "Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme"... (Lc 19,19-20). La pratique de l’aumône nous ramène à la primauté de Dieu et à l’attention envers l’autre, elle nous fait découvrir à nouveau la bonté du Père et recevoir sa miséricorde.

 

Pendant toute la période du Carême, l’Eglise nous offre avec grande abondance la Parole de Dieu. En la méditant et en l’intériorisant pour l’incarner au quotidien, nous découvrons une forme de prière qui est précieuse et irremplaçable. En effet l’écoute attentive de Dieu qui parle sans cesse à notre cœur, nourrit le chemin de foi que nous avons commencé le jour de notre Baptême. La prière nous permet également d’entrer dans une nouvelle perception du temps : sans la perspective de l’éternité et de la transcendance, en effet, le temps n’est qu’une cadence qui rythme nos pas vers un horizon sans avenir. En priant, au contraire, nous prenons du temps pour Dieu, pour découvrir que ses "paroles ne passeront pas" (Mc 13,31), pour entrer en cette communion intime avec Lui "que personne ne pourra nous enlever" (cf. Jn 16,22), qui nous ouvre à l’espérance qui ne déçoit pas, à la vie éternelle.

 

En résumé, le parcours du Carême, où nous sommes invités à contempler le mystère de la Croix, consiste à nous rendre "conformes au Christ dans sa mort" (Ph 3,10), pour opérer une profonde conversion de notre vie : nous laisser transformer par l’action de l’Esprit Saint, comme saint Paul sur le chemin de Damas ; mener fermement notre existence selon la volonté de Dieu ; nous libérer de notre égoïsme en dépassant l’instinct de domination des autres et en nous ouvrant à la charité du Christ. La période du Carême est un temps favorable pour reconnaître notre fragilité, pour accueillir, à travers une sincère révision de vie, la Grâce rénovatrice du Sacrement de Pénitence et marcher résolument vers le Christ.

 

Chers Frères et Sœurs, par la rencontre personnelle avec notre Rédempteur et par la pratique du jeûne, de l’aumône et de la prière, le chemin de conversion vers Pâques nous conduit à découvrir d’une façon nouvelle notre Baptême. Accueillons à nouveau, en ce temps de Carême, la Grâce que Dieu nous a donnée au moment de notre Baptême, afin qu’elle illumine et guide toutes nos actions. Ce que ce Sacrement signifie et réalise, nous sommes appelés à le vivre jour après jour, en suivant le Christ avec toujours plus de générosité et d’authenticité. En ce cheminement, nous nous confions à la Vierge Marie qui a enfanté le Verbe de Dieu dans sa foi et dans sa chair, pour nous plonger comme Elle dans la mort et la résurrection de son Fils Jésus et avoir la vie éternelle.

 

MESSAGE DE SA SAINTETÉ BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2011

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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 11:00

En décembre 1944, lorsque je fus appelé au service militaire, le commandant de la compagnie demanda à chacun de nous quelle profession il envisageait pour son avenir. Je répondis que je voulais devenir prêtre catholique. Le sous-lieutenant me répondit : Alors vous devrez chercher quelque chose d’autre. Dans la nouvelle Allemagne, il n’y a plus besoin de prêtres. Je savais que cette "nouvelle Allemagne" était déjà sur le déclin, et qu’après les énormes dévastations apportées par cette folie dans le pays, il y aurait plus que jamais besoin de prêtres.

 

Aujourd’hui, la situation est complètement différente. Mais, de diverses façons, beaucoup aujourd’hui aussi pensent que le sacerdoce catholique n’est pas une "profession" d’avenir, mais qu’elle appartient plutôt au passé. Vous, chers amis, vous vous êtes décidés à entrer au séminaire, et vous vous êtes donc mis en chemin vers le ministère sacerdotal dans l’Église catholique, à l’encontre de telles objections et opinions. Vous avez bien fait d’agir ainsi. Car les hommes auront toujours besoin de Dieu, même à l’époque de la domination technique du monde et de la mondialisation : de Dieu qui s’est rendu visible en Jésus Christ et qui nous rassemble dans l’Église universelle pour apprendre avec lui et par lui la vraie vie et pour tenir présents et rendre efficaces les critères de l’humanité véritable. Là où l’homme ne perçoit plus Dieu, la vie devient vide ; tout est insuffisant. L’homme cherche alors refuge dans la griserie ou dans la violence qui menacent toujours plus particulièrement la jeunesse. Dieu est vivant. Il a créé chacun de nous et nous connaît donc tous. Il est si grand qu’il a du temps pour nos petites choses : "Les cheveux de votre tête sont tous comptés". Dieu est vivant, et il a besoin d’hommes qui vivent pour lui et qui le portent aux autres. Oui, cela a du sens de devenir prêtre : le monde a besoin de prêtres, de pasteurs, aujourd’hui, demain et toujours, tant qu’il existera.

 

 Le séminaire est une communauté en chemin vers le service sacerdotal. Avec cela, j’ai déjà dit quelque chose de très important : on ne devient pas prêtre tout seul. Il faut "la communauté des disciples", l’ensemble de ceux qui veulent servir l’Église. Par cette lettre, je voudrais mettre en évidence – en jetant aussi un regard en arrière sur ce que fut mon temps au séminaire – quelques éléments importants pour ces années où vous êtes en chemin.

 

 1. Celui qui veut devenir prêtre doit être par-dessus tout "un homme de Dieu", comme le décrit saint Paul (1 Tm 6, 11). Pour nous, Dieu n’est pas une hypothèse lointaine, il n’est pas un inconnu qui s’est retiré après le "big bang". Dieu s’est montré en Jésus Christ. Sur le visage de Jésus Christ, nous voyons le visage de Dieu. Dans ses paroles, nous entendons Dieu lui-même nous parler. C’est pourquoi, le plus important dans le chemin vers le sacerdoce et durant toute la vie sacerdotale, c’est la relation personnelle avec Dieu en Jésus Christ.

 

Le prêtre n’est pas l’administrateur d’une quelconque association dont il cherche à maintenir et à augmenter le nombre des membres. Il est le messager de Dieu parmi les hommes. Il veut conduire à Dieu et ainsi faire croître aussi la communion véritable des hommes entre eux. C’est pour cela, chers amis, qu’il est si important que vous appreniez à vivre en contact constant avec Dieu. Lorsque le Seigneur dit : "Priez en tout temps", il ne nous demande pas naturellement de réciter continuellement des prières, mais de ne jamais perdre le contact intérieur avec Dieu. S’exercer à ce contact est le sens de notre prière. C’est pourquoi il est important que la journée commence et s’achève par la prière.

 

Que nous écoutions Dieu dans la lecture de l’Ecriture. Que nous lui disions nos désirs et nos espérances ; nos joies et nos souffrances, nos erreurs et notre action de grâce pour chaque chose belle et bonne et que, de cette façon, nous l’ayons toujours devant nos yeux comme point de référence de notre vie. Nous prenons alors conscience de nos erreurs et apprenons à travailler pour nous améliorer ; mais nous devenons aussi sensibles à tout le bien et à tout le beau que nous recevons chaque jour comme quelque chose allant de soi et ainsi la gratitude grandit en nous. Et avec la gratitude, grandit la joie pour le fait que Dieu nous est proche et que nous pouvons le servir.

 

 2. Dieu n’est pas seulement une parole pour nous. Dans les sacrements il se donne à nous en personne, à travers les choses corporelles. Le centre de notre rapport avec Dieu et de la configuration de notre vie, c’est l’Eucharistie. La célébrer en y participant intérieurement et rencontrer ainsi le Christ en personne doit être le centre de toutes nos journées. Saint Cyprien a interprété la demande de l’Evangile : "Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien", en disant, entre autre, que "notre" pain, le pain que nous pouvons recevoir en chrétiens dans l’Eglise, est le Seigneur eucharistique lui-même. Dans la demande du Notre Père, nous prions donc pour qu’il nous donne chaque jour "notre" pain ; qu’il soit toujours la nourriture de notre vie.

 

Que le Christ ressuscité, qui se donne à nous dans l’Eucharistie modèle vraiment toute notre vie par les splendeurs de son amour divin. Pour la juste célébration eucharistique, il est nécessaire aussi que nous apprenions à connaître, à comprendre et à aimer la liturgie de l’Église dans sa forme concrète. Dans la liturgie, nous prions avec les fidèles de tous les siècles, passé, présent et avenir s’unissent en un unique grand chœur de prière.

 

Comme je puis l’affirmer à propos de mon propre chemin, c’est une chose enthousiasmante que d’apprendre à comprendre peu à peu comment tout cela a grandi, quelle expérience de foi se trouve dans la structure de la Liturgie de la Messe, combien de générations ont contribué à la former en priant !

 

Le Sacrement de Pénitence aussi est important. Il m’enseigne à me regarder du point de vue de Dieu, et m’oblige à être honnête envers moi-même. Il me conduit à l’humilité. Le Curé d’Ars a dit une fois : Vous pensez que cela n’a pas de sens d’obtenir l’absolution aujourd’hui, sachant que demain vous ferez de nouveau les mêmes péchés. Mais, – a-t-il dit – Dieu lui-même oublie en cet instant vos péchés de demain pour vous donner sa grâce aujourd’hui. Bien que nous ayons à combattre continuellement contre les mêmes erreurs, il est important de s’opposer à l’abrutissement de l’âme, à l’indifférence qui se résigne au fait d’être ainsi fait. Il est important de continuer à marcher, sans être scrupuleux, dans la conscience reconnaissante que Dieu me pardonne toujours de nouveau. Mais aussi sans l’indifférence qui ne ferait plus lutter pour la sainteté et pour l’amélioration. Et en me laissant pardonner, j’apprends encore à pardonner aux autres. Reconnaissant ma misère, je deviens plus tolérant et compréhensif devant les faiblesses du prochain.

 

 4. Maintenez en vous la sensibilité pour la piété populaire, qui est différente selon les cultures, mais qui est aussi toujours très semblable, parce que le cœur de l’homme est, en fin de compte, toujours le même. Certes, la piété populaire tend vers l’irrationalité, parfois même vers l’extériorité. Pourtant l’exclure est une grande erreur. A travers elle, la foi est entrée dans le cœur des hommes, elle a fait partie de leurs sentiments, de leurs habitudes, de leur manière commune de sentir et de vivre. C’est pourquoi la piété populaire est un grand patrimoine de l’Eglise. La foi s’est faite chair et sang. La piété populaire doit certainement être toujours purifiée, recentrée, mais elle mérite notre amour et elle nous rend nous-mêmes de façon pleinement réelle "Peuple de Dieu".

 

 5. Le temps du séminaire est aussi et par-dessus tout un temps d’étude. La foi chrétienne a une dimension rationnelle et intellectuelle qui lui est essentielle. Sans elle, la foi ne serait pas elle-même. Paul parle "d’une forme d’enseignement" à laquelle nous avons été confiés dans le baptême (Rm 6, 17). Vous connaissez tous la parole de saint Pierre, considérée par les théologiens médiévaux comme la justification d’une théologie rationnelle et scientifiquement élaborée : "Toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande 'raison' (logos) de l’espérance qui est en vous" (1 P 3, 15).

 

Apprendre à devenir capable de donner de telles réponses est l’un des principaux buts des années de séminaire. Je ne peux que vous prier avec insistance : Etudiez avec sérieux ! Mettez à profit les années d’étude ! Vous ne vous en repentirez pas. Certes, souvent la matière des études semble très éloignée de la pratique de la vie chrétienne et du service pastoral. Toutefois il est complètement erroné de poser toujours immédiatement la question pragmatique : est-ce que cela pourra me servir plus tard ? Est-ce-que cela sera d’une utilité pratique, pastorale ? Il ne s’agit pas justement d’apprendre seulement ce qui est évidemment utile, mais de connaître et de comprendre la structure interne de la foi dans sa totalité, pour qu’elle devienne ainsi réponse aux demandes des hommes, lesquels changent du point de vue extérieur de générations en générations, tout en restant au fond les mêmes.

 

C’est pourquoi il est important d’aller au-delà des questions changeantes du moment pour comprendre les questions vraiment fondamentales et ainsi comprendre aussi les réponses comme de vraies réponses. Il est important de connaître à fond la Sainte Ecriture en entier, dans son unité d’Ancien et de Nouveau Testament : la formation des textes, leur particularité littéraire, leur composition progressive jusqu’à former le canon des livres sacrés, leur unité dynamique intérieure qui ne se trouve pas en surface, mais qui, seule, donne à tous et à chacun des textes leur pleine signification. Il est important de connaître les Pères et les grands Conciles, dans lesquels l’Eglise a assimilé, en réfléchissant et en croyant, les affirmations essentielles de l’Ecriture.

 

Je pourrais continuer encore : ce que nous appelons la dogmatique, c’est la manière de comprendre les contenus de la foi dans leur unité, et même dans leur ultime simplicité : chaque détail unique est finalement simple déploiement de la foi en l’unique Dieu qui s’est manifesté et se manifeste à nous. Je n’ai pas besoin de dire expressément l’importance de la connaissance des questions essentielles de la théologie morale et de la doctrine sociale catholique. Combien est importante aujourd’hui la théologie œcuménique ; la connaissance des différentes communautés chrétiennes est une évidence ; pareillement, la nécessité d’une orientation fondamentale sur les grandes religions, sans oublier la philosophie : la compréhension de la quête des hommes et des questions qu’ils se posent, auxquelles la foi veut apporter une réponse. Mais apprenez aussi à comprendre et – j’ose dire – à aimer le droit canon dans sa nécessité intrinsèque et dans les formes de son application pratique : une société sans droit serait une société privée de droits. Le droit est condition de l’amour. Je ne veux pas maintenant poursuivre cette énumération, mais seulement redire encore : aimez l’étude de la théologie et poursuivez-la avec une sensibilité attentive pour enraciner la théologie dans la communauté vivante de l’Eglise, laquelle, avec son autorité, n’est pas un pôle opposé à la science théologique, mais son présupposé. Sans l’Eglise qui croit, la théologie cesse d’être elle-même et devient un ensemble de diverses disciplines sans unité intérieure.

 

 6. Les années de séminaire doivent être aussi un temps de maturation humaine. Pour le prêtre, qui devra accompagner les autres le long du chemin de la vie et jusqu’aux portes de la mort, il est important qu’il ait lui-même mis en juste équilibre le cœur et l’intelligence, la raison et le sentiment, le corps et l’âme, et qu’il soit humainement "intègre". C’est pour cela que la tradition chrétienne a toujours uni aux "vertus théologales", "les vertus cardinales", dérivées de l’expérience humaine et de la philosophie, et en général la saine tradition éthique de l’humanité. Paul le dit aux Philippiens de façon très claire : "Enfin, frères, tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper" (4, 8).

 

L’intégration de la sexualité dans l’ensemble de la personnalité fait aussi partie de ce contexte. La sexualité est un don du Créateur, mais aussi une tâche qui regarde le développement de l’être humain. Lorsqu’elle n’est pas intégrée dans la personne, la sexualité devient quelque chose de banal et en même temps destructive. Nous le voyons aujourd’hui dans notre société à travers de nombreux exemples. Récemment, nous avons dû constater avec une grande peine que des prêtres ont défiguré leur ministère par l’abus sexuel d’enfants et de jeunes. Au lieu de conduire les personnes vers une humanité mature, et d’en être l’exemple, ils ont provoqué, par leurs abus, des destructions dont nous éprouvons une profonde douleur et un profond regret. A cause de tout cela peut surgir en beaucoup, peut-être aussi en vous-mêmes, la question de savoir s’il est bien de devenir prêtre ; si le chemin du célibat est raisonnable comme vie humaine. Mais l’abus, qui est à réprouver absolument, ne peut discréditer la mission sacerdotale, laquelle demeure grande et pure. Grâce à Dieu, nous connaissons tous des prêtres convaincants, pleins de foi, qui témoignent que dans cet état et précisément dans la vie du célibat, on peut parvenir à une humanité authentique, pure et mature. Ce qui est arrivé doit toutefois nous rendre plus vigilants et attentifs, justement pour nous interroger soigneusement nous-mêmes, devant Dieu, dans le chemin vers le sacerdoce, pour comprendre si c’est sa volonté pour moi. Les confesseurs et vos supérieurs ont cette tâche de vous accompagner et de vous aider dans ce parcours de discernement. Pratiquer les vertus humaines fondamentales est un élément essentiel de votre chemin, en gardant le regard fixé sur le Dieu qui s’est manifesté dans le Christ, en se laissant toujours de nouveau purifier par Lui.

 

7. Aujourd’hui, les débuts de la vocation sacerdotale sont plus variés et différents que par le passé. La décision de devenir prêtre naît aujourd’hui souvent au sein d’une expérience professionnelle séculière déjà commencée. Elle mûrit souvent dans la communauté, spécialement dans les mouvements, qui favorisent une rencontre communautaire avec le Christ et son Eglise, une expérience spirituelle et la joie dans le service de la foi. La décision mûrit aussi dans les rencontres tout à fait personnelles avec la grandeur et la misère de l’être humain. Ainsi, les candidats au sacerdoce vivent souvent sur des continents spirituels extrêmement divers. Il pourra être difficile de reconnaître les éléments communs du futur envoyé et de son itinéraire spirituel. C’est vraiment pour cela que le séminaire est important comme communauté en chemin au-dessus des diverses formes de spiritualité. Les mouvements sont une chose magnifique. Vous savez combien je les apprécie et les aime comme don de l’Esprit Saint à l’Eglise. Ils doivent toutefois être évalués selon la manière avec laquelle ils sont tous ouverts à la réalité catholique commune, à la vie de l’unique et commune Eglise du Christ qui, dans toute sa variété demeure toutefois une.

 

Le séminaire est la période où vous apprenez les uns avec les autres, les uns des autres. Dans la vie en commun, peut-être difficile parfois, vous devez apprendre la générosité et la tolérance non seulement en vous supportant mutuellement, mais en vous enrichissant les uns les autres, si bien que chacun puisse apporter ses dons particuliers à l’ensemble, tandis que tous servent la même Eglise, le même Seigneur. Cette école de tolérance, bien plus, d’acceptation et de compréhension mutuelles dans l’unité du Corps du Christ, fait partie des éléments importants de vos années de séminaire.

 

Chers séminaristes ! J’ai voulu vous montrer par ces lignes combien je pense à vous surtout en ces temps difficiles et combien je vous suis proche par la prière. Priez aussi pour moi, pour que je puisse bien remplir mon service, tant que le Seigneur le veut. Je confie votre cheminement de préparation au sacerdoce à la protection de la Vierge Marie, dont la maison fut une école de bien et de grâce.

 

Que Dieu tout-puissant vous bénisse tous, le Père, le Fils et l’Esprit Saint.

 

 

Du Vatican, le 18 octobre 2010

 

 

October 17, 2010 at St Peter's square at The Vatican

Pope Benedict XVI waves to faithful as he arrives for canonisation ceremony on October 17, 2010 at St Peter's square at The Vatican. Six new saints will be canonised during the mass: Polish Stanislaw Soltys (Kazimierczyk), Canadian from Quebec, Frere Andre (Alfred) Bessette, the founder of the Daughters of Jesus, Spanish Candida Maria de Jesus Cipitria y Barriola, Australian Mary of the Cross (Mary Helen) MacKillop, Italians Giulia Salzano and Battista (Camilla) Varano.  (Photo credit should read CHRISTOPHE SIMON/Getty Images) http://www.daylife.com/

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12 juin 2010 6 12 /06 /juin /2010 12:55

L'Année sacerdotale que nous avons célébrée, 150 ans après la mort du saint Curé d'Ars, modèle du ministère sacerdotal dans notre monde, arrive à son terme. Par le Curé d'Ars, nous nous sommes laissé guider, pour saisir à nouveau la grandeur et la beauté du ministère sacerdotal. 

 

Le prêtre n'est pas simplement le détenteur d'une charge, comme celles dont toute société a besoin afin qu'en son sein certaines fonctions puissent être remplies. Il fait en revanche quelque chose qu'aucun être humain ne peut faire de lui-même : il prononce au nom du Christ la parole de l'absolution de nos péchés et il transforme ainsi, à partir de Dieu, la situation de notre existence. Il prononce sur les offrandes du pain et du vin les paroles d'action de grâce du Christ qui sont paroles de transsubstantiation - des paroles qui le rendent présent, Lui, le Ressuscité, son Corps et son Sang, et transforment ainsi les éléments du monde : des paroles qui ouvrent le monde à Dieu et l'unissent à Lui.

 

Le sacerdoce n'est donc pas seulement une "charge", mais un sacrement : Dieu se sert d'un pauvre homme pour être, à travers lui, présent pour les hommes et agir en leur faveur. Cette audace de Dieu qui se confie à des êtres humains et qui, tout en connaissant nos faiblesses, considère les hommes capables d'agir et d'être présents à sa place - cette audace de Dieu est la réalité vraiment grande qui se cache dans le mot "sacerdoce". Que Dieu nous considère capables de cela, que de cette manière il appelle les hommes à son service et qu'ainsi de l'intérieur il se lie à eux : c'est ce que, en cette année, nous voulions considérer et comprendre à nouveau.

 

Nous voulions réveiller la joie que Dieu nous soit si proche, et la gratitude pour le fait qu'il se confie à notre faiblesse ; qu'il nous conduise et nous soutienne jour après jour. Nous voulions aussi ainsi montrer à nouveau aux jeunes que cette vocation, cette communion de service pour Dieu et avec Dieu, existe - et plus encore, que Dieu est en attente de notre "oui". Avec l'Église, nous voulions à nouveau faire noter que cette vocation nous devons la demander à Dieu. Nous demandons des ouvriers pour la moisson de Dieu, et cette requête faite à Dieu c'est, en même temps, Dieu qui frappe à la porte du cœur des jeunes qui se considèrent capables de ce dont Dieu les considère capables.

 

On pouvait s'attendre à ce que cette nouvelle mise en lumière du sacerdoce déplaise "l'ennemi" ; il aurait préféré le voir disparaître, pour qu'en fin de compte Dieu soit repoussé hors du monde. Et il est ainsi arrivé que, proprement au cours de cette année de joie pour le sacrement du sacerdoce, sont venus à la lumière les péchés des prêtres - en particulier l'abus à l'égard des petits, où le sacerdoce chargé de témoigner de la prévenance de Dieu à l'égard de l'homme se trouve retourné en son contraire.

 

Nous aussi nous demandons avec insistance pardon à Dieu et aux personnes impliquées, alors que nous entendons promettre de faire tout ce qui est possible pour que de tels abus ne puissent jamais plus survenir ; promettre que dans l'admission au ministère sacerdotal et dans la formation délivrée au cours du parcours qui y prépare, nous ferons tout ce qui est possible pour examiner attentivement l'authenticité de la vocation et que nous voulons mieux encore accompagner les prêtres sur leur chemin, afin que le Seigneur les protège et les garde dans les situations difficiles et face aux dangers de la vie.

 

Si l'Année sacerdotale avait du être une glorification de notre prestation humaine personnelle, elle aurait été détruite par ces événements. Mais il s'agissait pour nous exactement du contraire : devenir reconnaissant pour le don de Dieu, un don qui se cache "dans des vases d'argile" et qui toujours de nouveau, à travers toute la faiblesse humaine, rend concret son amour en ce monde.

 

Nous considérons ainsi que ce qui est arrivé est un devoir de purification, un devoir qui nous porte vers l'avenir et qui, d'autant plus, nous fait reconnaître et aimer le grand don de Dieu. De cette façon, le don devient l'engagement de répondre au courage et à l'humilité de Dieu par notre courage et notre humilité. La parole du Christ, que nous avons chanté comme chant d'entrée dans la liturgie de ce jour, peut nous suggérer en cette heure ce que signifie devenir et être prêtre : "Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur."

 

Nous célébrons la fête du Sacré Cœur de Jésus et nous jetons avec la liturgie, pour ainsi dire, un regard dans le cœur de Jésus qui, dans la mort, fut ouvert par la lance du soldat romain. Oui, son cœur est ouvert pour nous et devant nous - et ainsi, le cœur de Dieu lui-même nous est ouvert. La liturgie interprète pour nous le langage du cœur de Jésus, qui parle surtout de Dieu en tant que pasteur des hommes et nous présente de cette façon le sacerdoce de Jésus, qui est enraciné dans les profondeurs de son cœur ; elle nous indique ainsi le fondement durable, tout autant que le critère valable, de tout ministère sacerdotal, qui doit être ancré dans le cœur de Jésus et être vécu à partir de lui.

 

Je voudrais aujourd'hui méditer surtout sur les textes avec lesquels l'Église qui prie répond à la Parole de Dieu donnée dans les lectures. Dans ces chants, la parole et la réponse se compénètrent. D'une part, eux-mêmes sont tirés de la Parole de Dieu, mais d'autre part, ils sont en même temps déjà la réponse de l'homme à une telle Parole, une réponse dans laquelle la Parole elle-même se communique et entre dans notre vie. Le plus important de ces textes dans la liturgie de ce jour est le Psaume 23 (22) - "Le Seigneur est mon berger" -, à travers lequel l'Israël priant a accueilli l'autorévélation de Dieu comme pasteur, et en a fait l'orientation pour sa vie.

 

" Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien" : dans ce premier verset, la joie et la gratitude s'expriment pour le fait que Dieu est présent et qu'il s'occupe de l'homme. La lecture tirée du Livre d'Ézéchiel débute par le même thème : "J'irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles" (Ez 34, 11). Dieu prend personnellement soin de moi, de nous, de l'humanité. Je ne suis pas laissé seul, perdu dans l'univers et dans une société devant laquelle on demeure toujours plus désorienté. Il prend soin de moi. Il n'est pas un Dieu lointain, pour lequel ma vie compterait très peu.

 

Les religions du monde, d'après ce que l'on peut voir, ont toujours su que, en dernière analyse, il y a un seul Dieu. Mais un tel Dieu demeurait lointain. Apparemment celui-ci abandonnait le monde à d'autres puissances et à d'autres forces, à d'autres divinités. De cela, il fallait s'accommoder. Le Dieu unique était bon, mais lointain cependant. Il ne constituait pas un danger, mais il n'offrait pas davantage une aide. Il n'était donc pas nécessaire de se préoccuper de lui. Il ne dominait pas. Étrangement, cette pensée est réapparue avec les Lumières. On comprenait encore que le monde supposait un Créateur. Cependant, ce Dieu avait construit le monde et s'en était ensuite évidemment retiré. À présent, le monde avait un ensemble de lois suivant lesquelles il se développait et sur lequel Dieu n'intervenait pas, ni ne pouvait intervenir. Dieu ne constituait qu'une origine lointaine. Beaucoup peut-être ne désiraient pas non plus que Dieu prenne soin d'eux. Ils ne voulaient pas être dérangés par Dieu. Mais là où la tendresse et l'amour de Dieu sont perçus comme une gêne, là l'être humain est faussé. Il est beau et consolant de savoir qu'il y a une personne qui m'aime et qui prend soin de moi. Mais il est encore plus décisif qu'existe ce Dieu qui me connaît, qui m'aime et se préoccupe de moi.

 

 " Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent" (Jn 10, 14), dit l'Église avant l'Évangile de ce jour avec une parole du Seigneur. Dieu me connaît, il se préoccupe de moi. Cette pensée devrait nous rendre véritablement joyeux. Laissons cela pénétrer profondément en nous. Alors nous comprendrons aussi ce qu'elle signifie : Dieu veut que nous, en tant que prêtres, en un petit point de l'histoire, nous partagions ses préoccupations pour les hommes. En tant que prêtres, nous voulons être des personnes qui, en communion avec sa tendresse pour les hommes, prenons soin d'eux, leur permettons d'expérimenter concrètement cette tendresse de Dieu. Et, à l'égard du milieu qui lui est confié, le prêtre, avec le Seigneur, devrait pouvoir dire : "Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent". 

 

" Connaître", au sens des Saintes Écritures, n'est jamais seulement un savoir extérieur, comme on connaît le numéro de téléphone d'une personne. "Connaître" signifie être intérieurement proche de l'autre. L'aimer. Nous devrions chercher à "connaître" les hommes de la part de Dieu et en vue de Dieu ; nous devrions chercher à cheminer avec eux sur la voie de l'amitié avec Dieu.

 

 Revenons à notre Psaume. Il y est dit : "Il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure". Le pasteur indique le juste chemin à ceux qui lui sont confiés. Il les précède et il les guide. Disons-le autrement : le Seigneur nous dévoile comment l'être humain s'accomplit de façon juste. Il nous enseigne l'art d'être une personne. Que dois-je faire pour ne pas précipiter, pour ne pas gaspiller ma vie dans l'absence de sens ? C'est précisément la question que tout homme doit se poser et qui vaut pour tout âge de la vie. Et quelle obscurité existe autour de cette question en notre temps !

 

Toujours de nouveau, nous vient à l'esprit la parole de Jésus, lequel avait compassion des hommes, parce qu'ils étaient comme des brebis sans pasteur. Seigneur, aie pitié aussi de nous ! Indique-nous le chemin ! De l'Évangile, nous savons cela : Il est lui-même la vie. Vivre avec le Christ, le suivre - cela signifie découvrir le juste chemin, afin que notre vie acquiert du sens et afin que nous puissions dire : "Oui, vivre a été une bonne chose".

 

Le peuple d'Israël était et est reconnaissant à Dieu, parce qu'à travers les Commandements il a indiqué la route de la vie. Le grand Psaume 119 (118) est une seule expression de joie pour ce fait : nous n'avançons pas à tâtons dans l'obscurité. Dieu nous a montré quel est le chemin, comment nous pouvons cheminer de façon juste. Ce que les Commandements disent a été synthétisé dans la vie de Jésus et est devenu un modèle vivant. Nous comprenons ainsi que ces directives de Dieu ne sont pas des chaînes, mais sont la voie qu'Il nous indique. Nous pouvons en être heureux et nous réjouir parce que dans le Christ elles sont devant nous comme une réalité vécue. Lui-même nous a rendus heureux. Dans notre cheminement avec le Christ, nous faisons l'expérience de la joie de la Révélation, et comme prêtres nous devons communiquer aux gens la joie liée au fait que nous a été indiquée la voie juste.

 

 Il y a ensuite la parole concernant "le ravin de la mort" à travers lequel le Seigneur guide l'homme. La route de chacun de nous nous conduira un jour dans le ravin obscur de la mort dans lequel personne ne peut nous accompagner. Et il sera là. Le Christ lui-même est descendu dans la nuit obscure de la mort. Là aussi, il ne nous abandonne pas. Là aussi, il nous guide. Si "je descends chez les morts : te voici" dit le Psaume 139 (138). Oui, tu es aussi présent dans l'ultime labeur, et ainsi, notre Psaume responsorial peut-il dire : là aussi, dans le ravin de la mort, je ne crains aucun mal.

 

En parlant du ravin obscur nous pouvons, cependant, penser aussi aux vallées obscures de la tentation, du découragement, de l'épreuve, que tout être humain doit traverser. Dans ces vallées ténébreuses de la vie, il est là aussi. Oui, Seigneur, dans les obscurités de la tentation ; dans les heures sombres où toutes les lumières semblent s'éteindre, montre-moi que tu es là. Aide-nous, prêtres, afin que nous puissions être auprès des personnes qui nous sont confiés et qui sont dans ces nuits obscures. Afin que nous puissions leur montrer ta lumière.

 

" Ton bâton me guide et me rassure" : le pasteur a besoin du bâton contre les bêtes sauvages qui veulent faire irruption dans le troupeau ; contre les brigands qui cherchent leur butin. À côté du bâton, il y a la houlette qui offre un appui et une aide pour traverser les passages difficiles.

 

Les deux réalités appartiennent aussi au ministère de l'Église, au ministère du prêtre. L'Église aussi doit utiliser le bâton du pasteur, le bâton avec lequel elle protège la foi contre les falsificateurs, contre les orientations qui sont, en réalité, des désorientations. L'usage même du bâton peut être un service d'amour. Nous voyons aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'amour, quand on tolère des comportements indignes de la vie sacerdotale. De même il ne s'agit pas non plus d'amour quand on laisse proliférer l'hérésie, la déformation et la décomposition de la foi, comme si nous inventions la foi de façon autonome. Comme si elle n'était plus le don de Dieu, la perle précieuse que nous ne nous laissons pas dérober. Toutefois, en même temps, le bâton doit toujours redevenir la houlette du pasteur - la houlette qui aide les hommes à pouvoir marcher sur les sentiers difficiles et à suivre le Seigneur.

 

 À la fin du Psaume, on évoque le banquet préparé, l'huile dont la tête est ointe, le calice débordant, la possibilité d'habiter avec le Seigneur. Dans le Psaume, ceci exprime avant tout la perspective de la joie festive qui accompagne le fait d'être avec Dieu dans le temple, d'être accueilli et servi par Lui, de pouvoir habiter auprès de Lui.

 

Pour nous qui prions ce Psaume avec le Christ et avec son Corps qui est l'Église, cette perspective d'espérance a acquis une amplitude et une profondeur encore plus grandes. Nous voyons dans ces paroles, pour ainsi dire, une anticipation prophétique du mystère de l'Eucharistie dans lequel Dieu en personne nous accueille en s'offrant lui-même à nous comme nourriture - comme ce pain et ce vin excellents qui, seuls, peuvent constituer la réponse ultime à la faim et à la soif intimes de l'homme. Comment ne pas être heureux de pouvoir chaque jour être les hôtes de la table même de Dieu, d'habiter près de Lui ? Comment ne pas être heureux du fait qu'il nous a laissé ce commandement : "Faites cela en mémoire de moi" ? Heureux parce qu'Il nous a donné de préparer la table de Dieu pour les hommes, de leur donner son Corps et son Sang, de leur offrir le don précieux de sa présence même. Oui, nous pouvons de tout notre cœur prier ensemble les paroles du Psaume : "Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie".

 

 Pour finir, jetons encore un bref regard sur les deux chants de communion qui nous sont proposés aujourd'hui par l'Église dans sa liturgie. Il y a tout d'abord la parole avec laquelle saint Jean conclut le récit de la crucifixion de Jésus : "Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l'eau".

  

Le cœur de Jésus est transpercé par la lance. Il est ouvert, et il devient une source : l'eau et le sang qui en sortent renvoient aux deux Sacrements fondamentaux dont l'Église vit : le Baptême et l'Eucharistie. Du côté percé du Seigneur, de son cœur ouvert jaillit la source vive qui court à travers les siècles et qui fait l'Église. Le cœur ouvert est source d'un nouveau fleuve de vie ; dans ce contexte, Jean a certainement pensé aussi à la prophétie d'Ézéchiel qui voit jaillir du nouveau temple un fleuve qui donne fécondité et vie (Ez 47) : Jésus lui-même est le nouveau temple, et son cœur ouvert est la source d'où sort un fleuve de vie nouvelle, qui se communique à nous dans le Baptême et l'Eucharistie.

 

 La liturgie de la Solennité du Sacré Cœur de Jésus prévoit, cependant aussi, comme chant à la communion une autre parole, proche de celle-là, tirée de l'Évangile de Jean : Qui a soif, qu'il vienne à moi. Qu'il boive, celui qui croit en moi. L'Écriture dit : "Des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur".

 

Dans la foi, nous buvons, pour ainsi dire, de l'eau vive de la Parole de Dieu. Ainsi, le croyant devient lui-même une source, et offre à la terre desséchée de l'histoire l'eau vive. Nous le voyons chez les saints. Nous le voyons avec Marie qui, femme grande en foi et en amour, est devenue au long des siècles source de foi, d'amour et de vie. Chaque chrétien et chaque prêtre devrait, à partir du Christ, devenir une source qui communique la vie aux autres. Nous devrions donner l'eau de la vie à un monde assoiffé.

  

Seigneur, nous te remercions parce que tu as ouvert ton cœur pour nous ; parce que dans ta mort et dans ta résurrection tu es devenu source de vie.

 

Fais que nous soyons des personnes vivantes, vivantes de ta source, et donne-nous de pouvoir être nous aussi des sources, en mesure de donner à notre temps l'eau de la vie.

 

Nous te remercions pour la grâce du ministère sacerdotal.

 

Seigneur bénis-nous et bénis tous les hommes de ce temps qui sont assoiffés et en recherche.

 

 

Amen

 

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI 

Solennité du Sacré Cœur de Jésus

 

 Place Saint-Pierre
Vendredi 11 juin 2010
CONCLUSION DE L'ANNÉE SACERDOTALE
 

 

 

St. Peter's Square at the Vatican June 11, 2010. 

 

photo : REUTERS/Tony Gentile VATICAN

Pope Benedict XVI celebrates a mass marking the end of the Year for Priests in St. Peter's Square at the Vatican June 11, 2010

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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 21:30

Saint Peter's Square at the Vatican on June 11, 2010

photo : REUTERS/Tony Gentile VATICAN

Pope Benedict XVI celebrates a mass in Saint Peter's Square at the Vatican on June 11, 2010 with some 15,000 priests marking the end of the Roman Catholic Church's Year for Priests.

 

CITE DU VATICAN, 11 juin 2010 (AFP) - Le pape demande "pardon" pour les scandales de pédophilie

 

Le pape Benoît XVI a demandé pour la première fois explicitement "pardon" pour les scandales de pédophilie au sein de l'Eglise catholique en citant nommément "l'abus à l'égard des petits", vendredi lors d'une messe place Saint-Pierre devant quelque 15.000 prêtres.

 

Il a aussi "promis" que l'Eglise allait "faire tout ce qui est possible" pour que les "abus" sexuels sur des mineurs de la part d'hommes d'Eglise "ne puissent jamais plus survenir".

 

Il célébrait la clôture de l'année sacerdotale, entachée par les révélations en cascade sur des scandales de pédophilie au sein du clergé en Europe et en Amérique.

 

" Il est arrivé que, au cours de cette année de joie pour le sacrement du sacerdoce, sont venus à la lumière les péchés des prêtres - en particulier l'abus à l'égard des petits, où le sacerdoce chargé de témoigner de la prévenance de Dieu à l'égard de l'homme se trouve retourné en son contraire", a déclaré le pape.

" Nous demandons avec insistance pardon à Dieu et aux personnes impliquées, alors que nous entendons promettre de faire tout ce qui est possible pour que de tels abus ne puissent jamais plus survenir", a ajouté Benoît XVI.

 

Il a "promis" que l'Eglise ferait "tout ce qui est possible pour examiner attentivement l'authenticité de la vocation" des futurs prêtres, et "mieux encore accompagner les prêtres sur leur chemin, afin que le Seigneur les protège et les garde dans les situations difficiles et face aux dangers de la vie".

 

Ces scandales entraînent "un devoir de purification", a-t-il affirmé.

 

AFP - la-Croix.com 11/06/2010

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 16:00

Pope Benedict XVI waves to the faithful inside ...

Pope Benedict XVI waves to the faithful inside the Eleftheria Sport Palace in Nicosia June 6, 2010

Pope Benedict XVI arrives to celebrate a mass ...

 

Pope Benedict XVI

 

Pope urges end to bloodshed in Mideast

Pope Benedict XVI waves as he arrives to hold mass at the Eleftheria Sports Centre in Nicosia on June 6

Pope Benedict XVI celebrates a mass at the Eleftheria ...

 

Pope Benedict XVI leads a mass ceremony the

Pope Benedict XVI leads a mass ceremony the 'Eleftheria' (Victory) stadium in divided Nicosia, Cyprus, Sunday, June 6, 2010.

 

Pope Benedict XVI

 

Pope Benedict XVI celebrates a mass at the Eleftheria ...

 

Pope Benedict XVI celebrates a mass at the Eleftheria ...

 

Pope Benedict XVI celebrates a mass at the Eleftheria ...

 

Pope Benedict XVI

 

 

Pope Benedict XVI ...

Pope Benedict XVI gives the blessed sacrament to a child during a mass ceremony inside the 'Eleftheria' stadium of divided Nicosia, Cyprus, Sunday, June 6, 2010.

 

Pope Benedict XVI waves as he celebrates a mass ...

Pope Benedict XVI waves as he celebrates a mass at the Eleftheria Sport Palace in Nicosia June 6, 2010

Pope Benedict XVI looks at a child as he leaves ...

Pope Benedict XVI kisses a baby as he leaves the Eleftheria Sport Palace in Nicosia June 6, 2010

Pope Benedict XVI kisses a baby as he leaves ...

 

 

http://news.yahoo.com/

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