Un éternel baiser laverait son flanc pur ;
Un paternel baiser laverait son front pur ;
Un éternel baiser de son père laverait ses plaies vives,
Rafraîchirait ses plaies vives,
Et sa tête, et son flanc, et ses pieds, et ses mains.
Une source éternelle,
Une eau pure éternelle attendait ses plaies vives.
Un éternel baiser s’abattrait sur son flanc ;
Le baiser paternel descendrait sur son front.
Il quittait la maison terrestre pour la maison céleste ;
La maison temporelle pour la maison éternelle.
Il allait donc rentrer dans son éternité.
La tâche était finie et son oeuvre était faite.
Il avait accompli son temps d’humanité.
Les anges l’attendaient pour lui fêter sa fête.
Les anges l’attendaient pour laver ses plaies vives.
Les anges l’attendaient pour baigner ses plaies vives.
Pour tamponner ses plaies.
Pour lui faire un pansement.
Les anges l’attendaient pour lui laver ses plaies.
Les anges l’attendaient pour lui baigner ses plaies.
Pour tamponner ses plaies vives.
Cinq pansements pour les cinq Plaies.
Avec du linge bien fin.
De lin.
Mais un peu usagé.
Parce que c’est plus doux.
Une source éternelle pour baigner ses plaies.
Les anges l’attendaient au sortir de nos mains
Pour acclamer son nom et lui chanter sa gloire ;
Pour lui laver le flanc ; pour lui laver les mains ;
Les anges l’attendaient pour lui baigner, pour lui laver ses plaies ;
Et le sang de ses mains, et le sang de ses pieds ;
Et les clous de ses mains, et les clous de ses pieds.
Comme il avait lavé les pieds de ses disciples,
Ainsi les anges lui laveraient ses pieds.
Les pieds du maître.
Et non seulement les pieds.
Mais comme avait demandé Pierre.
Simon Pierre.
Non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête.
Mais quand il avait lavé les pieds de ses disciples.
C’était dans une chambre bien close.
Bien tranquille.
Dans la chambre du souper.
Encore bien tranquille et bien close.
Et à présent ce serait dans le ciel.
Maintenant ce serait dans le ciel.
Désormais.
Les esprits l’attendaient après la mort des corps ;
Et les purs esprits purs après les corps charnels.
Et les fins esprits purs après la mort charnelle, après la mort grossière.
Et les fins esprits purs après les grossiers corps.
Singulier mystère.
Les esprits l’attendaient pour lui laver son corps.
Comme s’ils se connaissaient en corps.
Comme s’ils savaient ce que c’est qu’un corps.
Comme si ça les regardait.
Singulier mystère.
On voit bien que c’était son corps à lui.
Son siège l’attendait à la droite du père.
Il était le dauphin qui montait vers le roi.
Comme il allait rentrer dans son éternité,
Sur le point de rentrer dans son éternité,
C’est alors, tous les textes concordent, les textes sont formels, c’est alors qu’il poussa cette clameur effrayante.
Et marchant derechef dans son éternité.
Après des années et des années, après des siècles et des siècles un seul acte.
Préparait la maison de gloire maternelle.
Après un long voyage entrait dans sa maison.
Après tant de bataille une paix éternelle ;
Après tant de guerre une victoire éternelle ;
Après tant de misère une gloire éternelle ;
Après tant de bassesse une hausse éternelle ;
Après tant de conteste un règne incontesté.
Tu comprends. C’était fini. Il rentrait chez lui. Il s’en retournait chez lui. Il n’avait plus qu’à rentrer chez lui. Il s’en allait d’ici. Il revoyait de loin la maison de son père. Il revoyait aussi en par ici.
L’autre maison, la maison de son père nourricier.
Il revoyait l’humble berceau de son enfance,
Où son corps fut couché pour la première fois ;
Les langes sur la paille et le boeuf et la panse
De l’âne et les présents, les bergers et les rois.
extrait du Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc
de Charles Péguy
préparé et lu par Michael Lonsdale
au concert de carême de Saint Sulpice ce Dimanche 22 mars
accompagné à l'orgue par Véronique Cauchefer-Choplin