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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

20 avril 2015 1 20 /04 /avril /2015 11:00

Posons d’abord quelques principes.

 

Dans toute épopée les hommes et leurs passions sont faits pour occuper la première et la plus grande place.

 

Ainsi, tout poème où une religion est employée comme sujet et non comme accessoire, où le merveilleux est le fond et non l’accident du tableau, pèche essentiellement par la base.

 

Si Homère et Virgile avaient établi leurs scènes dans l’Olympe, il est douteux, malgré leur génie, qu’ils eussent pu soutenir jusqu’au bout l’intérêt dramatique. D’après cette remarque, il ne faut plus attribuer au christianisme la langueur qui règne dans le poème dont les principaux personnages sont des êtres surnaturels : cette langueur tient au vice même de la composition. Nous verrons, à l’appui de cette vérité, que plus le poète dans l’épopée garde un juste milieu entre les choses divines et les choses humaines, plus il devient divertissant, pour parler comme Despréaux. Divertir afin d’enseigner est la première qualité requise en poésie.

 

Sans rechercher quelques poèmes écrits dans un latin barbare, le premier ouvrage qui s’offre à nous est la Divina Commedia du Dante. Les beautés de cette production bizarre découlent presque entièrement du christianisme ; ses défauts tiennent au siècle et au mauvais goût de l’auteur. Dans le pathétique et dans le terrible, le Dante a peut-être égalé les plus grands poètes. Nous reviendrons sur les détails.

 

Il n’y a dans les temps modernes que deux beaux sujets de poème épique : les Croisades et la Découverte du Nouveau Monde. Malfilâtre se proposait de chanter la dernière ; les muses regrettent encore que ce jeune poète ait été surpris par la mort avant d’avoir exécuté son dessein. Toutefois ce sujet a pour un Français le défaut d’être étranger. Or, c’est un autre principe de toute vérité, qu’il faut travailler sur un fonds antique, ou, si l’on choisit une histoire moderne, qu’il faut chanter sa nation.

 

Les croisades rappellent La Jérusalem délivrée : ce poème est un modèle parfait de composition. C’est là qu’on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre : l’art avec lequel le Tasse vous transporte d’une bataille à une scène d’amour, d’une scène d’amour à un conseil, d’une procession à un palais magique, d’un palais magique à un camp, d’un assaut à la grotte d’un solitaire, du tumulte d’une cité assiégée à la cabane d’un pasteur, cet art, disons-nous, est admirable. Le dessin des caractères n’est pas moins savant : la férocité d’Argant est opposée à la générosité de Tancrède, la grandeur de Soliman à l’éclat de Renaud, la sagesse de Godefroi à la ruse d’Aladin ; il n’y a pas jusqu’à l’ermite Pierre, comme l’a remarqué Voltaire, qui ne fasse un beau contraste avec l’enchanteur Ismen. Quant aux femmes, la coquetterie est peinte dans Armide, la sensibilité dans Herminie, l’indifférence dans Clorinde. Le Tasse eût parcouru le cercle entier des caractères de femmes s’il eût représenté la mère. Il faut peut-être chercher la raison de cette omission dans la nature de son talent, qui avait plus d’enchantement que de vérité et plus d’éclat que de tendresse.

 

Homère semble avoir été particulièrement doué de génie, Virgile de sentiment, le Tasse d’imagination. On ne balancerait pas sur la place que le poète italien doit occuper s’il faisait quelquefois rêver sa muse, en imitant les soupirs du Cygne de Mantoue. Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile.

 

Au reste, si la Jérusalem a une fleur de poésie exquise, si l’on y respire l’âge tendre, l’amour et les plaisirs du grand homme infortuné qui composa ce chef-d’œuvre dans sa jeunesse, on y sent aussi les défauts d’un âge qui n’était pas assez mûr pour la haute entreprise d’une épopée. L’octave du Tasse n’est presque jamais pleine, et son vers, trop vite fait, ne peut être comparé au vers de Virgile, cent fois retrempé au feu des muses. Il faut encore remarquer que les idées du Tasse ne sont pas d’une aussi belle famille que celles du poète latin. Les ouvrages des anciens se font reconnaître nous dirions presque à leur sang. C’est moins chez eux, ainsi que parmi nous, quelques pensées éclatantes au milieu de beaucoup de choses communes, qu’une belle troupe de pensées qui se conviennent et qui ont toutes comme un air de parenté : c’est le groupe des enfants de Niobé, nus, simples, pudiques, rougissants, se tenant par la main avec un doux sourire, et portant, pour seul ornement, dans leurs cheveux une couronne de fleurs.

 

D’après la Jérusalem on sera du moins obligé de convenir qu’on peut faire quelque chose d’excellent sur un sujet chrétien. Et que serait-ce donc si le Tasse eût osé employer les grandes machines du christianisme ? Mais on voit qu’il a manqué de hardiesse. Cette timidité l’a forcé d’user des petits ressorts de la magie, tandis qu’il pouvait tirer un parti immense du tombeau de Jésus-Christ, qu’il nomme à peine, et d’une terre consacrée par tant de prodiges. La même timidité l’a fait échouer dans son Ciel. Son Enfer a plusieurs traits de mauvais goût. Ajoutons qu’il ne s’est pas assez servi du mahométisme, dont les rites sont d’autant plus curieux qu’ils sont peu connus. Enfin il aurait pu jeter un regard sur l’ancienne Asie, sur cette Égypte si fameuse, sur cette grande Babylone, sur cette superbe Tyr, sur les temps de Salomon et d’lsaïe. On s’étonne que sa muse ait oublié la harpe de David en parcourant Israël.

 

N’entend-on plus sur le sommet du Liban la voix des prophètes ? Leurs ombres n’apparaissent-elles pas quelquefois sous les cèdres et parmi les pins ? Les anges ne chantent-ils plus sur Golgotha, et le torrent de Cédron a-t-il cessé de gémir ? On est fâché que le Tasse n’ait pas donné quelque souvenir aux patriarches : le berceau du monde dans un petit coin de la Jérusalem ferait un assez bel effet.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 1 - Vue générale des épopées chrétiennes ; Chapitre II - Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. — L’Enfer du Dante. — La Jérusalem délivrée

 

Le Tasse (Torquato Tasso), par un maître italien inconnu, Galleria Palatina (Palazzo Pitti), Florence

Le Tasse (Torquato Tasso), par un maître italien inconnu, Galleria Palatina (Palazzo Pitti), Florence

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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 11:00

Le bonheur des élus, chanté par l’Homère chrétien, nous mène naturellement à parler des effets du christianisme dans la poésie. En traitant du génie de cette religion, comment pourrions-nous oublier son influence sur les lettres et sur les arts ? influence qui a, pour ainsi dire, changé l’esprit humain et créé dans l’Europe moderne des peuples tout différents des peuples antiques.

 

Les lecteurs aimeront peut-être à s’égarer sur Oreb et Sinaï, sur les sommets de l’Ida et du Taygète, parmi les fils de Jacob et de Priam, au milieu des dieux et des bergers. Une voix poétique s’élève des ruines qui couvrent la Grèce et l’Idumée, et crie de loin au voyageur : "Il n’est que deux belles sortes de noms et de souvenirs dans l’histoire, ceux des Israélites et des Pélasges."

 

Les douze livres que nous avons consacrés à ces recherches littéraires composent, comme nous l’avons dit, la seconde et la troisième partie de notre ouvrage, et séparent les six livres du dogme des six livres du culte.

 

Nous jetterons d’abord un coup d’œil sur les poèmes où la religion chrétienne tient la place de la mythologie, parce que l’épopée est la première des compositions poétiques. Aristote, il est vrai, a prétendu que le poème épique est tout entier dans la tragédie : mais ne pourrait-on pas croire, au contraire, que c’est le drame qui est tout entier dans l’épopée ? Les adieux d’Hector et d’Andromaque, Priam dans la tente d’Achille, Didon à Carthage, Enée chez Evandre, ou renvoyant le corps du jeune Pallas, Tancrède et Herminie, Adam et Eve, sont de véritables tragédies, où il ne manque que la division des scènes et le nom des interlocuteurs. D’ailleurs, la tragédie même n’est-elle pas née de l’Iliade, comme la comédie est sortie du Margitès ? Mais si Calliope emprunte les ornements de Melpomène, la première a des charmes que la seconde ne peut imiter : le merveilleux, les descriptions, les épisodes, ne sont point du ressort dramatique. Toute espèce de ton, même le ton comique, toute harmonie poétique, depuis la lyre jusqu’à la trompette ; peuvent se faire entendre dans l’épopée. L’épopée a donc des parties qui manquent au drame ; elle demande donc un talent plus universel ; elle est donc une œuvre plus complète que la tragédie. En effet, on peut avancer, avec quelque vraisemblance, qu’il est moins difficile de faire les cinq actes d’un Œdipe roi que de créer les vingt-quatre livres d’une Iliade. Autre chose est de produire un ouvrage de quelques mois de travail, autre chose est d’élever un monument qui demande les labeurs de toute une vie. Sophocle et Euripide étaient sans doute de beaux génies ; mais ont-ils obtenu dans les siècles cette admiration, cette hauteur de renommée dont jouissent si justement Homère et Virgile ?

 

Enfin, si le drame est la première des compositions, et que l’épopée ne soit que la seconde, comment se fait-il que depuis les Grecs jusqu’à nous on ne compte que cinq ou six poèmes épiques, tandis qu’il n’y a pas de nations qui ne se vantent de posséder plusieurs bonnes tragédies ?

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 1 - Vue générale des épopées chrétiennes ; Chapitre I - Que la poétique du Christianisme se divise en trois branches : Poésie, Beaux-arts, Littérature ; que les six livres de cette seconde partie traitent spécialement de la poésie

 

Homère, Pierre Puget (Marseille, 1620 - 1694), Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon

Homère, Pierre Puget (Marseille, 1620 - 1694), Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon

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17 avril 2015 5 17 /04 /avril /2015 11:00

On demande quelle est cette plénitude de bonheur céleste promise à la vertu par le christianisme ; on se plaint de sa trop grande mysticité : "Du moins dans le système mythologique, dit-on, on pouvait se former une image des plaisirs des ombres heureuses : mais comment comprendre la félicité des élus ?"

 

Fénelon l’a cependant devinée, cette félicité, lorsqu’il fait descendre Télémaque au séjour des mânes : son Élysée est visiblement un paradis chrétien. Comparez sa description à l’Élysée de l’Enéide, et vous verrez quels progrès le christianisme a fait faire à la raison et au cœur de l’homme.

" Une lumière pure et douce se répand autour du corps de ces hommes justes et les environne de ses rayons comme d’un vêtement : cette lumière n’est point semblable à la lumière sombre qui éclaire les yeux des misérables mortels, et qui n’est que ténèbres ; c’est plutôt une gloire céleste qu’une lumière : elle pénètre plus subtilement les corps les plus épais que les rayons du soleil ne pénètrent le plus pur cristal ; elle n’éblouit jamais : au contraire, elle fortifie les yeux et porte dans le fond de l’âme je ne sais quelle sérénité : c’est d’elle seule que les hommes bienheureux sont nourris ; elle sort d’eux, et elle y entre : elle les pénètre et s’incorpore à eux comme les aliments s’incorporent à nous. Ils la voient, ils la sentent, ils la respirent ; elle fait naître en eux une source intarissable de paix et de joie. Ils sont plongés dans cet abîme de délices comme les poissons dans la mer ; ils ne veulent plus rien ; ils ont tout sans rien avoir, car le goût de lumière pure apaise la faim de leur cœur. (…)

Une jeunesse éternelle, une félicité sans fin, une gloire toute divine est peinte sur leur visage, mais leur joie n’a rien de folâtre ni d’indécent : c’est une joie douce, noble, pleine de majesté ; c’est un goût sublime de la vérité et de la vertu qui les transporte : ils sont sans interruption, à chaque moment, dans le même saisissement de cœur où est une mère qui revoit son cher fils qu’elle avait cru mort ; et cette joie, qui échappe bientôt à la mère, ne s’enfuit jamais du cœur de ces hommes."

 

Les plus belles pages du Phédon sont moins divines que cette peinture ; et cependant Fénelon, resserré dans les bornes de sa fiction, n’a pu attribuer aux ombres tout le bonheur qu’il eût retracé dans les véritables élus.

 

Le plus pur de nos sentiments dans ce monde, c’est l’admiration ; mais cette admiration terrestre est toujours mêlée de faiblesse, soit dans l’objet qui admire, soit dans l’objet admiré. Qu’on imagine donc un être parfait, source de tous les êtres, en qui se voit clairement et saintement tout ce qui fut, est et sera ; que l’on suppose en même temps une âme exempte d’envie et de besoins, incorruptible, inaltérable, infatigable, capable d’une attention sans fin ; qu’on se la figure contemplant le Tout-Puissant, découvrant sans cesse en lui de nouvelles connaissances et de nouvelles perfections, passant d’admiration en admiration, et ne s’apercevant de son existence que par le sentiment prolongé de cette admiration même ; concevez de plus Dieu comme souveraine beauté, comme principe universel d’amour ; représentez-vous toutes les amitiés de la terre venant se perdre ou se réunir dans cet abîme de sentiments, ainsi que des gouttes d’eau dans la mer, de sorte que l’âme fortunée aime Dieu uniquement, sans pourtant cesser d’aimer les amis qu’elle eut ici-bas ; persuadez-vous, enfin, que le prédestiné a la conviction intime que son bonheur ne finira point : alors vous aurez une idée, à la vérité très imparfaite, de la félicité des justes ; alors vous comprendrez que tout ce que le chœur des bienheureux peut faire entendre, c’est ce cri : Saint ! Saint ! Saint ! qui meurt et renaît éternellement dans l’extase éternelle des cieux.

 

 

fin de la première partie

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 6 - Immortalité de l’âme prouvée par la morale et le sentiment ; Chapitre VIII - Bonheur des Justes

 

Le Jugement Dernier, Memling

Le Jugement Dernier, Memling

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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 11:00

Les Pères ont été de différentes opinions sur l’état immédiat de l’âme du juste après sa séparation d’avec le corps. Saint Augustin pense qu’elle va dans un séjour de paix, en attendant qu’elle se réunisse à sa chair incorruptible. Saint Bernard croit qu’elle est reçue dans le ciel, où elle contemple l’humanité de Jésus-Christ, mais non sa divinité, dont elle ne jouira qu’après sa résurrection ; dans quelques autres endroits de ses sermons, il assure qu’elle entre immédiatement dans la plénitude du bonheur céleste : c’est le sentiment que l’Église paraît avoir adopté.

 

Mais comme il est juste que le corps et l’âme qui ont commis ou pratiqué ensemble ou la faute, ou la vertu, souffrent ou soient récompensés ensemble, la religion nous enseigne que celui qui nous tira de la poussière nous en rappellera une seconde fois pour comparaître à son tribunal. L’école stoïque croyait, ainsi que les chrétiens, à l’enfer, au paradis, au purgatoire et à la résurrection des corps, et l’idée confuse de ce dernier dogme était répandue chez les mages. Les Egyptiens espéraient revivre après avoir passé mille ans dans la tombe ; les vers sibyllins parlent de la résurrection, du jugement dernier, etc.

 

Pline, en se moquant de Démocrite, nous apprend quelle était l’opinion de ce philosophe touchant une résurrection : Similis et de asservandis corporibus hominum, ac reviviscendi promissa a Democrito vanitas, qui non vixit ipse.

 

La résurrection est clairement exprimée dans ces vers de Phocylide, sur la cendre des morts :

" Il est impie de disperser les restes de l’homme, car la cendre et les ossements des morts retourneront à la lumière, et deviendront semblables aux Dieux."

 

Virgile parle obscurément du dogme de la résurrection dans le sixième livre de l’Enéide.

 

Mais comment des atomes dispersés dans les éléments pourront-ils se réunir pour former les mêmes corps ? Il y a longtemps que cette objection a été faite, et la plupart des Pères y ont répondu. "Explique-moi comment tu es, dit Tertullien, et je te dirai comment tu seras."

 

Rien n’est plus frappant et plus formidable que ce moment de la fin des siècles annoncé par le christianisme.

 

En ce temps-là des signes se manifesteront dans les cieux : le puits de l’abîme s’ouvrira ; les sept anges verseront les sept coupes pleines de colère ; les peuples s’entretueront ; les mères entendront leurs fruits se plaindre dans leur sein, et la Mort parcourra les royaumes sur son cheval pâle.

 

Cependant la terre chancelle sur ses bases, la lune se couvre d’un voile sanglant, les astres pendent à demi détachés de leur voûte : l’agonie du monde commence. Tout à coup l’heure fatale vient à frapper ; Dieu suspend les flots de la création, et le monde a passé comme un fleuve tari.

 

Alors se fait entendre la trompette de l’ange du jugement ; il crie : Morts, levez-vous ! Surgite, mortui ! Les sépulcres se fendent, le genre humain sort du tombeau, et les races s’assemblent dans Josaphat.

 

Le Fils de l’homme apparaît sur les nuées ; les puissances de l’enfer remontent du fond de l’abîme pour assister au dernier arrêt prononcé sur les siècles ; les boucs et les brebis sont séparés, les méchants s’enfoncent dans le gouffre, les justes montent dans les cieux ; Dieu rentre dans son repos, et partout règne l’éternité.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 6 - Immortalité de l’âme prouvée par la morale et le sentiment ; Chapitre VII - Jugement dernier

 

Le Jugement Dernier, Memling

Le Jugement Dernier, Memling

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15 avril 2015 3 15 /04 /avril /2015 11:00

L’existence d’un Être Suprême une fois reconnue et l’immortalité de l’âme accordée, il n’y a plus, quant au fond, de difficulté à admettre un état de récompenses et de châtiments après cette vie : les deux premiers dogmes entraînent de nécessité le troisième. Il ne s’agit donc que de faire voir combien celui-ci est moral et poétique dans les opinions chrétiennes, et combien la religion évangélique se montre encore ici supérieure à tous les cultes de la terre.

 

Dans l’Élysée des anciens on ne trouve que des héros et des hommes qui avaient été heureux ou éclatants dans le monde ; les enfants, et apparemment les esclaves et les hommes obscurs (c’est-à-dire l’infortune et l’innocence) étaient relégués aux enfers. Et quelles récompenses pour la vertu que ces banquets et ces danses dont l’éternelle durée suffirait pour en faire un des tourments du Tartare ?

 

Mahomet promet d’autres jouissances. Son paradis est une terre de musc et de la plus pure farine de froment, qu’arrosent le fleuve de vie et l’Acawtar, rivière qui prend sa source sous les racines du Tuba, ou l’arbre du bonheur. Des fontaines dont les grottes sont d’ambre gris et les bords d’aloès murmurent sous des palmiers d’or. Sur les rives d’un lac quadrangulaire reposent mille coupes faites d’étoiles, dont les âmes prédestinées se servent pour puiser l’onde. Les élus, assis sur des tapis de soie à l’entrée de leurs tentes, mangent le globe de la terre, transformé par Allah en un merveilleux gâteau. Des eunuques et soixante-douze filles aux yeux noirs leur servent dans trois cents plats d’or le poisson Nun et les côtes du buffle Bâlam. L’ange Israfil chante de beaux cantiques ; les houris mêlent leurs voix à ses concerts, et les âmes des poètes vertueux, retirées dans la glotte de certains oiseaux qui voltigent sur l’arbre du bonheur, accompagnent le chœur céleste. Cependant des cloches de cristal, suspendues aux palmiers d’or, sont mélodieusement agitées par un vent sorti du trône de Dieu.

 

Les joies du ciel des Scandinaves étaient sanglantes ; mais il y avait de la grandeur dans les plaisirs attribués aux ombres guerrières ; elles assemblaient les orages et dirigeaient les tourbillons : ce paradis était le résultat du genre de vie que menait le barbare du Nord. Errant sur des grèves sauvages et prêtant l’oreille à cette voix qui sort de l’Océan, il tombait peu à peu dans la rêverie ; égaré de pensée en pensée, comme les flots de murmure en murmure, dans le vague de ses désirs ; il se mêlait aux éléments, montait sur les nues fugitives, balançait les forêts dépouillées, et volait sur les mers avec les tempêtes.

 

Les enfers des nations infidèles sont aussi capricieux que leur ciel : nous parlerons du Tartare dans la partie littéraire de notre ouvrage, où nous allons entrer à l’instant. Quoi qu’il en soit, les récompenses que le christianisme promet à la vertu, et les châtiments qu’il annonce au crime, se font reconnaître au premier coup d’œil pour les véritables. Le ciel et l’enfer des chrétiens ne sont point imaginés d’après les mœurs particulières d’un peuple, mais ils sont fondés sur des idées générales qui conviennent à toutes les nations et à toutes les classes de la société. Ecoutez ce qu’il y a de plus simple et de plus sublime en quelques mots : — Le bonheur du juste consistera, dans l’autre vie, à posséder Dieu avec plénitude ; — le malheur de l’impie sera de connaître les perfections de Dieu, et d’en être à jamais privé.

 

On dira peut-être que le christianisme ne fait que répéter ici les leçons des écoles de Platon et de Pythagore. On convient donc au moins que la religion chrétienne n’est pas la religion des petits esprits, puisqu’on avoue que ses dogmes sont ceux des sages ?

 

En effet, les gentils reprochaient aux premiers fidèles de n’être qu’une secte de philosophes ; mais, fût-il certain, ce qui n’est pas prouvé, que l’antiquité eut touchant un état futur les mêmes notions que le christianisme, autre est toutefois une vérité renfermée dans un petit cercle de disciples choisis, autre une vérité qui est devenue la manne commune du peuple. Ce que les beaux génies de la Grèce ont trouvé par un dernier effort de la raison s’enseigne publiquement aux carrefours de nos cités, et le manœuvre peut acheter pour quelques deniers, dans le catéchisme de ses enfants, les secrets les plus sublimes des sectes antiques.

 

Nous ne dirons rien à présent du purgatoire, parce que nous le considérons ailleurs sous ses rapports moraux et poétiques. Quant au principe qui établit ce lieu d’expiation, il est fondé sur la raison même, puisqu’il y a un état de tiédeur entre le vice et la vertu, qui ne mérite ni les peines de l’enfer ni les récompenses du ciel.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 6 - Immortalité de l’âme prouvée par la morale et le sentiment ; Chapitre VI - Fin des dogmes du Christianisme. — État des peines et des récompenses dans une autre vie. Elysée antique, etc

 

Ecclesia, Cathédrale de Strasbourg

Ecclesia, Cathédrale de Strasbourg

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14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 11:00

Il y a deux sortes d’athées bien distinctes : les premiers, conséquents dans leurs principes, déclarent sans hésiter qu’il n’y a point de Dieu, par conséquent point de différence essentielle entre le bien et le mal ; que le monde appartient aux plus forts et aux plus habiles, etc. Les seconds sont les honnêtes gens de l’athéisme, les hypocrites de l’incrédulité : absurdes personnages, qui avec une douceur feinte se porteraient à tous les excès pour soutenir leur système ; ils vous appelleraient mon frère en vous égorgeant ; les mots de morale et d’humanité sont incessamment dans leur bouche : ils sont triplement méchants, car ils joignent aux vices de l’athée l’intolérance du sectaire et l’amour-propre de l’auteur.

 

Ces hommes prétendent que l’athéisme ne détruit ni le bonheur ni la vertu, et qu’il n’y a point de condition où il ne soit aussi profitable d’être incrédule que d’être religieux : c’est ce qu’il convient d’examiner.

 

Si une chose doit être estimée en raison de son plus ou moins d’utilité, l’athéisme est bien méprisable, car il n’est bon à personne.

 

Parcourons la vie humaine ; commençons par les pauvres et les infortunés, puisqu’ils font la majorité sur la terre. Eh bien, innombrable famille des misérables, est-ce à vous que l’athéisme est utile ? Répondez. Quoi, pas une voix ! pas une seule voix ! J’entends un cantique d’espérance et des soupirs qui montent vers le Seigneur ! Ceux-ci croient : passons aux heureux.

 

Il nous semble que l’homme heureux n’a aucun intérêt à être athée. Il est si doux pour lui de songer que ses jours se prolongeront au delà de la vie ! Avec quel désespoir ne quitterait-il pas ce monde s’il croyait se séparer pour toujours du bonheur ! En vain tous les biens du siècle s’accumuleraient sur sa tête : ils ne serviraient qu’à lui rendre le néant plus affreux. Le riche peut aussi se tenir assuré que la religion augmentera ses plaisirs, en y mêlant une tendresse ineffable ; son cœur ne s’endurcira point, il ne sera point rassasié par la jouissance, inévitable écueil des longues prospérités. La religion prévient la sécheresse de l’âme ; c’est ce que voulait dire cette huile sainte avec laquelle le christianisme consacrait la royauté, la jeunesse et la mort, pour les empêcher d’être stériles.

 

Le guerrier s’avance au combat : sera-t-il athée, cet enfant de la gloire ? Celui qui cherche une vie sans fin consentira-t-il à finir ? Paraissez sur vos nues tonnantes, innombrables soldats, antiques légions de la patrie ! Fameuses milices de la France, et maintenant milices du ciel, paraissez ! Dites aux héros de notre âge, du haut de la Cité sainte, que le brave n’est pas tout entier au tombeau, et qu’il reste après lui quelque chose de plus qu’une vaine renommée.

 

Les grands capitaines de l’antiquité ont été remarquables par leur religion : Epaminondas, libérateur de sa patrie, passait pour le plus religieux des hommes ; Xénophon, ce guerrier philosophe, était le modèle de la piété ; Alexandre, éternel exemple des conquérants, se disait fils de Jupiter ; chez les Romains, les anciens consuls de la république, Cincinnatus, Fabius, Papirius Cursor, Paul Emile, Scipion, ne mettaient leur espérance que dans la divinité du Capitole ; Pompée marchait aux combats en invoquant l’assistance divine ; César voulait descendre d’une race céleste ; Caton, son rival, était convaincu de l’immortalité de l’âme ; Brutus, son assassin, croyait aux puissances surnaturelles ; et Auguste, son successeur, ne régna qu’au nom des dieux.

 

Parmi les nations modernes, était-ce un incrédule que ce fier Sicambre, vainqueur de Rome et des Gaules, qui, tombant aux pieds d’un prêtre, jetait les fondements de l’empire français ! Etait-ce un incrédule que ce saint Louis, arbitre des rois et révéré même des Infidèles ? Du Guesclin, dont le cercueil prenait des villes, Bayard, chevalier sans peur et sans reproche, le vieux connétable de Montmorency, qui disait son chapelet au milieu des camps, étaient-ils des hommes sans foi ? Ô temps plus merveilleux encore, où un Bossuet ramenait un Turenne dans le sein de l’Église !

 

Il n’est point de caractère plus admirable que celui du héros chrétien : le peuple qu’il défend le regarde comme son père ; il protège le laboureur et les moissons, il écarte les injustices : c’est une espèce d’ange de la guerre que Dieu envoie pour adoucir ce fléau. Les villes ouvrent leurs portes au seul bruit de sa justice, les remparts tombent devant ses vertus ; il est l’amour du soldat et l’idole des nations ; il mêle au courage du guerrier la charité évangélique ; sa conversation touche et instruit, ses paroles ont une grâce de simplicité parfaite ; on est étonné de trouver tant de douceur dans un homme accoutumé à vivre au milieu des périls : ainsi le miel se cache sous l’écorce d’un chêne qui a bravé les orages.

 

Concluons que sous aucun rapport l’athéisme n’est bon au guerrier.

 

Nous ne voyons pas qu’il soit plus utile dans les états de la nature que dans les conditions de la société. Si la morale porte tout entière sur le dogme de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme, un père, un fils, des époux, n’ont aucun intérêt à être incrédules. Eh ! comment, par exemple, concevoir qu’une femme puisse être athée ? Qui appuiera ce roseau, si la religion n’en soutient la fragilité ? Être le plus faible de la nature, toujours à la veille de la mort ou de la perte de ses charmes, qui le soutiendra, cet être qui sourit et qui meurt, si son espoir n’est point au delà d’une existence éphémère ? Par le seul intérêt de sa beauté, la femme doit être pieuse. Douceur, soumission, aménité, tendresse, sont une partie des charmes que le Créateur prodigua à notre première mère, et la philosophie est mortelle à cette sorte d’attraits.

 

La femme, qui a naturellement l’instinct du mystère, qui prend plaisir à se voiler, qui ne découvre jamais qu’une moitié de ses grâces et de sa pensée, qui peut être devinée, mais non connue, qui, comme mère et comme vierge, est pleine de secrets, qui séduit surtout par son ignorance, qui fut formée pour la vertu et le sentiment le plus mystérieux, la pudeur et l’amour ; cette femme, renonçant au doux instinct de son sexe, ira d’une main faible et téméraire chercher à soulever l’épais rideau qui couvre la Divinité ! A qui pense-t-elle plaire par cet effort sacrilège ? Croit-elle, en joignant ses ridicules blasphèmes et sa frivole métaphysique aux imprécations des Spinosa et aux sophismes des Bayle, nous donner une grande idée de son génie ? Sans doute elle n’a pas dessein de se choisir un époux : quel homme de bon sens voudrait s’associer à une compagne impie ?

 

L’épouse incrédule a rarement l’idée de ses devoirs ; elle passe ses jours ou à raisonner sur la vertu sans la pratiquer, ou à suivre ses plaisirs dans le tourbillon du monde. Sa tête est vide, son âme creuse ; l’ennui la dévore ; elle n’a ni Dieu ni soins domestiques pour remplir l’abîme de ses moments.

 

Le jour vengeur approche ; le Temps arrive, menant la vieillesse par la main. Le spectre aux cheveux blancs, aux épaules voûtées, aux mains de glace, s’assied sur le seuil du logis de la femme incrédule ; elle l’aperçoit et pousse un cri. Mais qui peut entendre sa voix ? Est-ce un époux ! Il n’y en a plus pour elle : depuis longtemps il s’est éloigné du théâtre de son déshonneur. Sont-ce des enfants ? Perdus par une éducation impie et par l’exemple maternel, se soucient-ils de leur mère ? Si elle regarde dans le passé, elle n’aperçoit qu’un désert où ses vertus n’ont point laissé de traces. Pour la première fois, sa triste pensée se tourne vers le ciel ; elle commence à croire qu’il eût été plus doux d’avoir une religion. Regret inutile ! la dernière punition de l’athéisme dans ce monde est de désirer la foi sans pouvoir l’obtenir.

 

Quand, au bout de sa carrière, on reconnaît les mensonges d’une fausse philosophie, quand le néant, comme un astre funeste, commence à se lever sur l’horizon de la mort, on voudrait revenir à Dieu, et il n’est plus temps : l’esprit abruti par l’incrédulité rejette toute conviction. Oh ! qu’alors la solitude est profonde, lorsque la Divinité et les hommes se retirent à la fois ! Elle meurt, cette femme, elle expire entre les bras d’une garde payée ou d’un homme dégoûté par ses souffrances, qui trouve qu’elle a résisté au mal bien des jours. Un chétif cercueil renferme toute l’infortunée ; on ne voit à ses funérailles ni une fille échevelée ni des gendres et des petits-fils en pleurs ; digne cortège qui, avec la bénédiction du peuple et le chant des prêtres, accompagne au tombeau la mère de famille. Peut-être seulement un fils inconnu, qui ignore le honteux secret de sa naissance, rencontre par hasard le convoi, il s’étonne de l’abandon de cette bière ; et demande le nom du mort à ceux qui vont jeter aux vers le cadavre qui leur fut promis par la femme athée.

 

Que différent est le sort de la femme religieuse ! Ses jours sont environnés de joie, sa vie est pleine d’amour : son époux, ses enfants, ses domestiques, la respectent et la chérissent ; tous reposent en elle une aveugle confiance, parce qu’ils croient fermement à la fidélité de celle qui est fidèle à son Dieu. La foi de cette chrétienne se fortifie par son bonheur, et son bonheur par sa foi ; elle croit en Dieu parce qu’elle est heureuse, et elle est heureuse parce qu’elle croit en Dieu.

 

Il suffit qu’une mère voie sourire son enfant pour être convaincue de la réalité d’une félicité suprême. La bonté de la Providence se montre tout entière dans le berceau de l’homme. Quels accords touchants ! ne seraient-ils que les effets d’une insensible matière ? L’enfant naît, la mamelle est pleine ; la bouche du jeune convive n’est point armée, de peur de blesser la coupe du banquet maternel ; il croît, le lait devient plus nourrissant ; on le sèvre, la merveilleuse fontaine tarit. Cette femme si faible a tout à coup acquis des forces qui lui font surmonter des fatigues que ne pourrait supporter l’homme le plus robuste. Qu’est-ce qui la réveille au milieu de la nuit, au moment même où son fils va demander le repas accoutumé ? D’où lui vient cette adresse qu’elle n’avait jamais eue ? Comme elle touche cette tendre fleur sans la briser ! Ses soins semblent être le fruit de l’expérience de toute sa vie, et cependant c’est là son premier-né ! Le moindre bruit épouvantait la vierge : où sont les armées, les foudres, les périls, qui feront pâlir la mère ? Jadis il fallait à cette femme une nourriture délicate, une robe fine, une couche molle ; le moindre souffle de l’air l’incommodait : à présent un pain grossier, un vêtement de bure, une poignée de paille, la pluie et les vents, ne lui importent guère, tandis qu’elle a dans sa mamelle une goutte de lait pour nourrir son fils, et dans ses haillons un coin de manteau pour l’envelopper.

 

Tout étant ainsi, il faudrait être bien obstiné pour ne pas embrasser le parti où non seulement la raison trouve le plus grand nombre de preuves, mais où la morale, le bonheur, l’espérance, l’instinct même et les désirs de l’âme nous portent naturellement ; car s’il était vrai, comme il est faux, que l’esprit tînt la balance égale entre Dieu et l’athéisme, encore est-il certain qu’elle pencherait beaucoup du côté du premier : outre la moitié de sa raison, l’homme met de plus dans le bassin de Dieu tout le poids de son cœur.

 

On sera convaincu de cette vérité si l’on examine la manière dont l’athéisme et la religion procèdent dans leurs démonstrations.

 

La religion ne se sert que de preuves générales ; elle ne juge que sur l’ordonnance des cieux, sur les lois de l’univers ; elle ne voit que les grâces de la nature, les instincts charmants des animaux et leurs convenances avec l’homme.

L’athéisme ne vous apporte que de honteuses exceptions ; il n’aperçoit que des désordres, des marais, des volcans, des bêtes nuisibles ; et, comme s’il cherchait à se cacher dans la boue, il interroge les reptiles et les insectes, pour lui fournir des preuves contre Dieu.

 

La religion ne parle que de la grandeur et de la beauté de l’homme :

L’athéisme a toujours la lèpre et la peste à vous offrir.

 

La religion tire ses raisons de la sensibilité de l’âme, des plus doux attachements de la vie, de la piété filiale, de l’amour conjugal, de la tendresse maternelle :

L’athéisme réduit tout à l’instinct de la bête ; et pour premier argument de son système, il vous étale un cœur que rien ne peut toucher.

 

Enfin, dans le culte du chrétien, on nous assure que nos maux auront un terme ; on nous console, on essuie nos pleurs, on nous promet une autre vie :

Dans le culte de l’athée, les douleurs humaines font fumer l’encens, la mort est le sacrificateur, l’autel un cercueil, et le néant la divinité.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 6 - Immortalité de l’âme prouvée par la morale et le sentiment ; Chapitre V - Danger et inutilité de l’Athéisme

 

Le bénédicité, Jean-Siméon Chardin (Paris, 1699 - 1779), Musée du Louvre, Aile Sully, 2e étage, salle 40

Le bénédicité, Jean-Siméon Chardin (Paris, 1699 - 1779), Musée du Louvre, Aile Sully, 2e étage, salle 40

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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 11:00

Sans entrer trop avant dans les preuves métaphysiques, que nous avons pris soin d’écarter, nous tâcherons pourtant de répondre à quelques objections qu’on reproduit éternellement.

 

Cicéron ayant avancé, d’après Platon, qu’il n’y a point de peuples chez lesquels on n’ait trouvé quelque notion de la Divinité, ce consentement universel des nations, que les anciens philosophes regardaient comme une loi de nature, a été nié par les incrédules modernes ; ils ont soutenu que certains sauvages n’ont aucune connaissance de Dieu.

 

Les athées se tourmentent en vain pour couvrir la faiblesse de leur cause : il résulte de leurs arguments que leur système n’est fondé que sur des exceptions, tandis que le déisme suit la règle générale. Si l’on dit que le genre humain croit en Dieu, l’incrédule vous oppose d’abord tels sauvages, ensuite telle personne, et quelquefois lui-même. Soutient-on que le hasard n’a pu former le monde, parce qu’il n’y aurait eu qu’une seule chance favorable contre d’incalculables impossibilités, l’incrédule en convient, mais il répond que cette chance existait. C’est en tout la même manière de raisonner. De sorte que d’après l’athée la nature est un livre où la vérité se trouve toujours dans la note, et jamais dans le texte, une langue dont les barbarismes forment seuls l’essence et le génie.

 

Quand on vient d’ailleurs à examiner ces prétendues exceptions, on découvre ou qu’elles tiennent à des causes locales, ou qu’elles rentrent même dans la loi établie. Ici, par exemple, il est faux qu’il y ait des sauvages qui n’aient aucune notion de la Divinité. Les voyageurs qui avaient avancé ce fait ont été démentis par d’autres voyageurs, mieux instruits. Parmi les incrédules des bois on avait cité les hordes canadiennes : eh bien, nous les avons vus, ces sophistes de la hutte, qui devaient avoir appris dans le livre de la nature, comme nos philosophes dans les leurs, qu’il n’y a ni Dieu ni avenir pour l’homme ; ces Indiens sont d’absurdes barbares, qui voient l’âme d’un enfant dans une colombe ou dans une touffe de sensitives. Les mères chez eux sont assez insensées pour épancher leur lait sur le tombeau de leur fils, et elles donnent à l’homme au sépulcre la même attitude qu’il avait dans le sein maternel. Elles prétendent enseigner ainsi que la mort n’est qu’une seconde mère, qui nous enfante à une autre vie. L’athéisme ne fera jamais rien de ces peuples qui doivent à la Providence le logement, l’habit et la nourriture ; et nous conseillons aux incrédules de se défier de ces alliés corrompus qui reçoivent secrètement des présents de l’ennemi.

 

Autre objection.

" Puisque l’esprit croît et décroît avec l’âge, puisqu’il suit les altérations de la matière, il est donc lui-même de nature matérielle, conséquemment divisible et sujet à périr."

Ou l’esprit et le corps sont deux êtres différents, ou ils ne sont que le même être. S’ils sont deux, il vous faut convenir que l’esprit est renfermé dans le corps : il en résulte qu’aussi longtemps que durera cette union, l’esprit sera en quelques degrés soumis aux liens qui le pressent. Il paraîtra s’élever ou s’abaisser dans les proportions de son enveloppe.

 

L’objection ne subsiste donc plus dans l’hypothèse où l’esprit et le corps sont considérés comme deux substances distinctes.

Dans celle où vous supposez qu’ils ne sont qu’un et tout, partageant même vie et même mort, vous êtes tenus à prouver l’assertion. Or, il est depuis longtemps démontré que l’esprit est essentiellement différent du mouvement et des autres propriétés de la matière, n’étant ni étendu ni divisible.

Ainsi l’objection se renverse de fond en comble, puisque tout se réduit à savoir si la matière et la pensée sont une et même chose ; ce qui ne se peut soutenir sans absurdité.

 

Au surplus, il ne faut pas s’imaginer qu’en employant la prescription pour écarter cette difficulté, il soit impossible de l’attaquer par le fond. On peut prouver qu’alors même que l’esprit semble suivre les accidents du corps, il conserve les caractères distinctifs de son essence. Les athées, par exemple, produisent en triomphe la folie, les blessures au cerveau, les fièvres délirantes : afin d’étayer leur système, ces hommes sont obligés d’enrôler pour auxiliaires dans leur cause les malheurs de l’humanité. Eh bien, donc, ces fièvres, cette folie (que l’athéisme, c’est-à-dire le génie du mal, a raison d’appeler en preuve de sa réalité), que démontrent-elles, après tout ? Je vois une imagination déréglée, mais un entendement réglé. Le fou et le malade aperçoivent des objets qui n’existent pas ; mais raisonnent-ils faux sur ces objets ? Ils tirent d’une cause infirme des conséquences saines.

 

Pareille chose arrive à l’homme attaqué de la fièvre : son âme est offusquée dans la partie où se réfléchissent les images, parce que l’imbécillité des sens ne lui transmet que des notions trompeuses ; mais la région des idées reste entière et inaltérable. Et de même qu’un feu allumé dans une vile matière n’en est pas moins un feu pur, quoique nourri d’impurs aliments, ainsi la pensée, flamme céleste, s’élance incorruptible et immortelle du milieu de la corruption et de la mort.

 

Quant à l’influence des climats sur l’esprit, qui a été alléguée comme une preuve de la matérialité de la pensée, nous prions nos lecteurs de faire quelque attention à notre réponse ; car, au lieu de résoudre une objection, nous allons tirer de la chose même qu’on nous oppose une preuve de l’immortalité de l’âme.

 

On a remarqué que la nature se montre plus forte au septentrion et au midi : c’est entre les tropiques que se trouvent les plus grands quadrupèdes, les plus grands reptiles, les plus grands oiseaux, les plus grands fleuves, les plus hautes montagnes ; c’est dans les régions du Nord que vivent les puissants cétacés, qu’on rencontre l’énorme fucus et le pin gigantesque. Si tout est effet de matière, combinaison d’éléments, force de soleil, résultat du froid et du chaud, du sec et de l’humide, pourquoi l’homme seul est-il excepté de la loi générale ? Pourquoi sa capacité physique et morale ne se dilate-t-elle pas avec celle de l’éléphant sous la ligne et de la baleine sous le pôle ? Dira-t-on qu’il est, comme le bœuf, un animal de tous les pays ? Mais le bœuf conserve son instinct en tout climat, et nous voyons par rapport à l’homme une chose bien différente.

 

Loin de suivre la loi générale des êtres, loin de se fortifier là où la matière est supposée plus active, l’homme, au contraire, s’affaiblit en raison de l’accroissement de la création animale autour de lui. L’Indien, le Péruvien, le Nègre au Midi, l’Esquimau, le Lapon au Nord, en sont la preuve. Il y a plus : l’Amérique, où le mélange des limons et des eaux donne à la végétation la vigueur d’une terre primitive, l’Amérique est pernicieuse aux races d’hommes, quoiqu’elle le devienne moins chaque jour, en raison de l’affaiblissement du principe matériel. L’homme n’a toute son énergie que dans les régions où les éléments, moins vifs, laissent un plus libre cours à la pensée, où cette pensée, pour ainsi dire dépouillée de son vêtement terrestre, n’est gênée dans aucun de ses mouvements, dans aucune de ses facultés.

 

Il faut donc reconnaître ici quelque chose en opposition directe avec la nature passive : or, cette chose est notre âme immortelle. Elle répugne aux opérations de la matière ; elle est malade, elle languit quand elle est trop touchée, Cet état de langueur de l’âme produit à son tour la débilité du corps ; le corps qui, s’il eût été seul, eût profité sous les feux du soleil, est contrarié par l’abattement de l’esprit. Que si l’on disait que c’est, au contraire, le corps qui, ne pouvant supporter les extrémités du froid et du chaud, fait dégénérer l’âme en dégénérant lui-même, ce serait une seconde fois prendre l’effet pour la cause. Ce n’est pas le vase qui agit sur la liqueur, c’est la liqueur qui tourmente le vase, et ces prétendus effets du corps sur l’âme sont les effets de l’âme sur le corps.

 

La double débilité mentale et physique des peuples du Nord et du Midi, la mélancolie dont ils semblent frappés, ne peuvent donc, selon nous, être attribuées à une fibre trop relâchée ou trop tendue, puisque les mêmes accidents ne produisent pas le même effet dans les zones tempérées. Cette affection plaintive des habitants du pôle et des tropiques est une véritable tristesse intellectuelle, produite par la position de l’âme et par ses combats contre les forces de la matière. Ainsi, non seulement Dieu a marqué sa sagesse par les avantages que le globe retire de la diversité des latitudes ; mais en plaçant l’homme sur cette échelle il nous a démontré presque mathématiquement l’immortalité de notre essence, puisque l’âme se fait le plus sentir là où la matière agit le moins, et que l’homme diminue où la brute augmente.

 

Touchons une dernière objection :

" Si l’idée de Dieu est naturellement empreinte dans nos âmes, elle doit devancer l’éducation, prévenir le raisonnement, se montrer dès l’enfance : or, les enfants n’ont point l’idée de Dieu : donc, etc."

Dieu étant esprit, et ne pouvant être entendu que par l’esprit, un enfant chez qui la pensée n’est pas encore développée ne saurait concevoir le souverain Être. Ne demandons point au cœur sa fonction la plus noble lorsqu’il n’est pas achevé, lorsque le merveilleux ouvrage est encore entre les mains de l’ouvrier.

 

Mais d’ailleurs on peut soutenir que l’enfant a du moins l’instinct de son Créateur, Nous en prenons à témoin ses petites rêveries, ses inquiétudes, ses craintes dans la nuit, son penchant à lever les yeux vers le ciel. Un enfant joint ses deux mains innocentes et répète après sa mère une prière au bon Dieu : pourquoi ce jeune ange de la terre balbutie-t-il avec tant d’amour et de pureté le nom de ce souverain Être qu’il ne connaît pas ?

 

Voyez ce nouveau-né qu’une nourrice porte dans ses bras. Qu’a-t-il pour donner tant de joie à ce vieillard, à cet homme fait, à cette femme ? Deux ou trois syllabes à demi formées, que personne n’a comprises : et voilà des êtres raisonnables transportés d’allégresse, depuis l’aïeul, qui sait toutes les choses de la vie, jusqu’à la jeune mère, qui les ignore encore ! Qui donc a mis cette puissance dans le verbe de l’homme ? Pourquoi le son d’une voix humaine vous remue-t-il si impérieusement ? Ce qui vous subjugue ici est un mystère qui tient à des causes plus relevées qu’à l’intérêt qu’on peut prendre à l’âge de cet enfant : quelque chose vous dit que ces paroles inarticulées sont les premiers bégaiements d’une pensée immortelle.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 6 - Immortalité de l’âme prouvée par la morale et le sentiment ; Chapitre IV - De quelques objections

 

Student in his Study, Jan Davidsz. de Heem (1606, Utrecht - 1684, Anvers), Ashmolean Museum, Oxford

Student in his Study, Jan Davidsz. de Heem (1606, Utrecht - 1684, Anvers), Ashmolean Museum, Oxford

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