Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 11:00

Nous avons fait dans ces derniers temps, un grand bruit de notre science en politique : on dirait qu’avant nous le monde moderne n’avait jamais entendu parler de liberté ni des différentes formes sociales. C’est apparemment pour cela que nous les avons essayées les unes après les autres avec tant d’habileté et de bonheur. Cependant, Machiavel, Thomas Morus, Mariana, Bodin, Grotius, Puffendorf et Locke, philosophes chrétiens, s’étaient occupés de la nature des gouvernements bien avant Mably et Rousseau.

 

Nous ne ferons point l’analyse des ouvrages de ces publicistes, dont il nous suffit de rappeler les noms pour prouver que tous les genres de gloire littéraire appartiennent au christianisme : nous montrerons ailleurs ce que la liberté du genre humain doit à cette même religion qu’on accuse de prêcher l’esclavage.

 

Il serait bien à désirer, si l’on s’occupe encore d’écrits de politique (ce qu’à Dieu ne plaise !), qu’on retrouvât pour ces sortes d’ouvrages les grâces que leur prêtaient les anciens. La Cyropédie de Xénophon, la République et les Lois de Platon sont à la fois de graves traités et des livres pleins de charmes. Platon excelle à donner un tour merveilleux aux discussions les plus stériles ; il sait mettre de l’agrément jusque dans l’énoncé d’une loi. Ici ce sont trois vieillards qui discourent en allant de Gnosse à l’antre de Jupiter, et qui se reposent sous des cyprès et dans de riantes prairies ; là c’est le meurtrier involontaire qui, un pied dans la mer, fait des libations à Neptune ; plus loin un poète étranger est reçu avec des chants et des parfums ; on l’appelle un homme divin, on le couronne de lauriers et on le conduit, chargé d’honneurs, hors du territoire de la république. Ainsi Platon a cent manières ingénieuses de proposer ses idées ; il adoucit jusqu’aux sentences les plus sévères, en considérant les délits sous un jour religieux.

 

Remarquons que les publicistes modernes ont vanté le gouvernement républicain, tandis que les écrivains politiques de la Grèce ont généralement donné la préférence à la monarchie. Pourquoi cela ? Parce que les uns et les autres haïssaient ce qu’ils avaient et aimaient ce qu’ils n’avaient pas : c’est l’histoire de tous les hommes.

 

Au reste, les sages de la Grèce envisageaient la société sous les rapports moraux ; nos derniers philosophes l’ont considérée sous les rapports politiques. Les premiers voulaient que le gouvernement découlât des mœurs ; les seconds que les mœurs dérivassent du gouvernement. La philosophie des uns s’appuyait sur la religion, la philosophie des autres sur l’athéisme. Platon et Socrate criaient aux peuples : "Soyez vertueux, vous serez libres" ; nous leur avons dit : "Soyez libres, vous serez vertueux". La Grèce avec de tels sentiments fut heureuse.

 

Qu’obtiendrons-nous avec les principes opposés ?

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 2, Philosophie, Chapitre IV - Suite des Philosophes chrétiens. — Publicistes

 

Vanitas, Simon Renard de Saint-André, Musée des Beaux-Arts, Lyon

Vanitas, Simon Renard de Saint-André, Musée des Beaux-Arts, Lyon

Partager cet article
Repost0
17 juillet 2015 5 17 /07 /juillet /2015 15:00

Les exemples viennent à l’appui des principes ; et une religion qui réclame Bacon, Newton, Bayle, Clarke, Leibnitz, Grotius, Pascal, Arnauld, Nicole, Malebranche, La Bruyère (sans parler des Pères de l’Église, ni de Bossuet, ni de Fénelon, ni de Massillon, ni de Bourdaloue, que nous voulons bien ne compter ici que comme orateurs), une telle religion peut se vanter d’être favorable à la philosophie.

 

Bacon doit sa célébrité à son traité On the Advancement of Learning et à son Novum Organum Scientiarum. Dans le premier il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement. Les sciences s’y trouvent réduites à trois : la poésie, l’histoire, la philosophie.

 

Dans le second ouvrage, il rejette la manière de raisonner par syllogisme, et propose la physique expérimentale pour seul guide dans la nature. On aime encore à lire la profession de foi de l’illustre chancelier d’Angleterre et la prière qu’il avait coutume de dire avant de se mettre au travail. Cette naïveté chrétienne dans un grand homme est bien touchante. Quand Newton et Bossuet découvraient avec simplicité leur tête auguste en prononçant le nom de Dieu, ils étaient peut-être plus admirables dans ce moment que lorsque le premier pesait ces mondes dont l’autre enseignait à mépriser la poussière.

 

Clarke dans son Traité de l’existence de Dieu, Leibnitz dans sa Théodicée, Malebranche dans sa Recherche de la vérité se sont élevés si haut en métaphysique, qu’ils n’ont rien laissé à faire après eux.

 

Il est assez singulier que notre siècle se soit cru supérieur en métaphysique et en dialectique au siècle qui l’a précédé. Les faits déposent contre nous : certainement Condillac, qui n’a rien dit de nouveau, ne peut seul balancer Locke, Descartes, Malebranche et Leibnitz. Il ne fait que démembrer le premier, et il s’égare toutes les fois qu’il marche sans lui. Au reste, la métaphysique du jour diffère de celle de l’antiquité, en ce qu’elle sépare, autant qu’il est possible, l’imagination des perceptions abstraites. Nous avons isolé les facultés de notre entendement, réservant la pensée pour telle matière, le raisonnement pour telle autre, etc. D’où il résulte que nos ouvrages n’ont plus d’ensemble, et que notre esprit, ainsi divisé par chapitres, offre les inconvénients de ces histoires où chaque sujet est traité à part. Tandis qu’on recommence un nouvel article, le précédent nous échappe ; nous cessons de voir les liaisons que les faits ont entre eux ; nous retombons dans la confusion à force de méthode, et la multitude des conclusions particulières nous empêche d’arriver à la conclusion générale.

 

Quand il s’agit, comme dans l’ouvrage de Clarke, d’attaquer des hommes qui se piquent de raisonnement et auxquels il est nécessaire de prouver qu’on raisonne aussi bien qu’eux, on fait merveilleusement d’employer la manière ferme et serrée du docteur anglais ; mais dans tout autre cas pourquoi préférer cette sécheresse à un style clair, quoique animé ? Pourquoi ne pas mettre son cœur dans un ouvrage sérieux, comme dans un livre purement agréable ? On lit encore la métaphysique de Platon, parce qu’elle est colorée par une imagination brillante. Nos derniers idéologues sont tombés dans une grande erreur en séparant l’histoire de l’esprit humain de l’histoire des choses divines, en soutenant que la dernière ne mène à rien de positif et qu’il n’y a que la première qui soit d’un usage immédiat. Où est donc la nécessité de connaître les opérations de la pensée de l’homme, si ce n’est pour les rapporter à Dieu ? Que me revient-il de savoir que je reçois ou non mes idées par les sens ? Condillac s’écrie : "Les métaphysiciens mes devanciers se sont perdus dans les mondes chimériques, moi seul j’ai trouvé le vrai ; ma science est de la plus grande utilité. Je vais vous dire ce que c’est que la conscience, l’attention, la réminiscence". Et à quoi cela me conduira-t-il ? Une chose n’est bonne, une chose n’est positive qu’autant qu’elle renferme une intention morale ; or, toute métaphysique qui n’est pas théologie, comme celle des anciens et des chrétiens, toute métaphysique qui creuse un abîme entre l’homme et Dieu, qui prétend que le dernier n’étant que ténèbres, on ne doit pas s’en occuper, cette métaphysique est futile et dangereuse, parce qu’elle manque de but.

 

L’autre, au contraire, en m’associant à la Divinité, en me donnant une noble idée de ma grandeur et de la perfection de mon être, me dispose à bien penser et à bien agir. Les fins morales viennent par cet anneau se rattacher à cette métaphysique, qui n’est alors qu’un chemin plus sublime pour arriver à la vertu. C’est ce que Platon appelait par excellence la science des dieux, et Pythagore la géométrie divine. Hors de là, la métaphysique n’est qu’un microscope qui nous découvre curieusement quelques petits objets que n’aurait pu saisir la vue simple, mais qu’on peut ignorer ou connaître sans qu’ils forment ou qu’ils remplissent un vide dans l’existence.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 2, Philosophie, Chapitre III - Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens

 

Vanitas, Pieter Claesz (1597, Steinfurt - 1661, Haarlem)

Vanitas, Pieter Claesz (1597, Steinfurt - 1661, Haarlem)

Partager cet article
Repost0
16 juillet 2015 4 16 /07 /juillet /2015 11:00

Ce sont ces excès qui ont donné tant d’avantages aux ennemis des sciences et qui ont fait naître les éloquentes déclamations de Rousseau et de ses sectateurs. Rien n’est plus admirable, disent-ils, que les découvertes de Spallanzani, de Lavoisier, de Lagrange : mais ce qui perd tout, ce sont les conséquences que des esprits faux prétendent en tirer. Quoi ! parce qu’on sera parvenu à démontrer la simplicité des sucs digestifs ou à déplacer ceux de la génération ; parce que la chimie aura augmenté. Ou, si l’on veut, diminué le nombre des éléments ; parce que la loi de la gravitation sera connue du moindre écolier ; parce qu’un enfant pourra barbouiller des figures de géométrie ; parce que tel ou tel écrivain sera un subtil idéologue, il faudra nécessairement en conclure qu’il n’y a ni Dieu ni véritable religion ! Quel abus de raisonnement !

 

Une autre observation a fortifié chez les esprits timides le dégoût des études philosophiques. Ils disent : "Si ces découvertes étaient certaines, invariables, nous pourrions concevoir l’orgueil qu’elles inspirent non seulement aux hommes estimables qui les ont faites, mais à la foule qui en jouit. Cependant, dans ces sciences appelées positives, l’expérience du jour ne détruit-elle pas l’expérience de la veille ? Les erreurs de l’ancienne physique ont leurs partisans et leurs défenseurs. Un bel ouvrage de littérature reste dans tous les temps, les siècles même lui ajoutent un nouveau lustre ; mais les sciences qui ne s’occupent que des propriétés des corps voient vieillir dans un instant leur système le plus fameux. En chimie, par exemple, on pensait avoir une nomenclature régulière, et l’on s’aperçoit maintenant qu’on s’est trompé. Encore un certain nombre de faits, et il faudra briser les cases de la chimie moderne. Qu’aura-t-on gagné à bouleverser les noms, à appeler l’air vital, oxygène, etc. ? Les sciences sont un labyrinthe où l’on s’enfonce plus avant au moment même où l’on croyait en sortir."

 

Ces objections sont spécieuses, mais elles ne regardent pas plus la chimie que les autres sciences. Lui reprocher de se détromper elle-même par ses expériences, c’est l’accuser de sa bonne foi et de n’être pas dans le secret de l’essence des choses. Et qui donc est dans ce secret, sinon cette intelligence première qui existe de toute éternité ? La brièveté de notre vie, la faiblesse de nos sens, la grossièreté de nos instruments et de nos moyens, s’opposent à la découverte de cette formule générale que Dieu nous cache à jamais. On sait que nos sciences décomposent et recomposent, mais qu’elles ne peuvent composer. C’est cette impuissance de créer qui découvre le côté faible et le néant de l’homme. Quoi qu’il fasse, il ne peut rien, tout lui résiste ; il ne peut plier la matière à son usage, qu’elle ne se plaigne et ne gémisse : il semble attacher ses soupirs et son cœur tumultueux à tous ses ouvrages !

 

Dans l’œuvre du Créateur, au contraire, tout est muet, parce qu’il n’y a point d’effort ; tout est silencieux, parce que tout est soumis : il a parlé, le chaos s’est tu, les globes se sont glissés sans bruit dans l’espace. Les puissances unies de la matière sont à une seule parole de Dieu comme rien est à tout, comme les choses créées sont à la nécessité. Voyez l’homme à ses travaux : quel effrayant appareil de machines ! Il aiguise le fer, il prépare le poison, il appelle les éléments à son secours ; il fait mugir l’eau, il fait siffler l’air, ses fourneaux s’allument. Armé du feu, que va tenter ce nouveau Prométhée ? Va-t-il créer un monde ? Non ; il va détruire : il ne peut enfanter que la mort !

 

Soit préjugé d’éducation, soit habitude d’errer dans les déserts et de n’apporter que notre cœur à l’étude de la nature, nous avouons qu’il nous fait quelque peine de voir l’esprit d’analyse et de classification dominer dans les sciences aimables, où l’on ne devrait rechercher que la beauté et la bonté de la Divinité. S’il nous est permis de le dire c’est, ce nous semble, une grande pitié que de trouver aujourd’hui l’homme mammifère rangé, d’après le système de Linnaeus, avec les singes, les chauves-souris et les paresseux. Ne valait-il pas autant le laisser à la tête de la création, où l’avaient placé Moïse, Aristote, Buffon et la nature ? Touchant de son âme aux cieux et de son corps à la terre, on aimait à le voir former, dans la chaîne des êtres, l’anneau qui lie le monde visible au monde invisible, le temps à l’éternité.

 

" Dans ce siècle même, dit Buffon, où les sciences paraissent être cultivées avec soin, je crois qu’il est aisé de s’apercevoir que la philosophie est négligée, et peut-être plus que dans aucun siècle ; les arts qu’on veut appeler scientifiques ont pris sa place, les méthodes de calcul et de géométrie, celles de botanique et d’histoire naturelle, les formules, en un mot, et les dictionnaires occupent presque tout le monde : On s’imagine savoir davantage parce qu’on a augmenté le nombre des expressions symboliques et des phrases savantes, et on ne fait point attention que tous ces arts ne sont que des échafaudages pour arriver à la science, et non pas la science elle-même ; qu’il ne faut s’en servir que lorsqu’on ne peut s’en passer, et qu’on doit toujours se défier qu’ils ne viennent à nous manquer lorsque nous voudrons les appliquer à l’édifice."

 

Ces remarques sont judicieuses, mais il nous semble qu’il y a dans les classifications danger encore plus pressant. Ne doit-on pas craindre que cette fureur de ramener nos connaissances à des signes physiques, de ne voir dans les races diverses de la création que des doigts, des dents, des becs, ne conduise insensiblement la jeunesse au matérialisme ? Si pourtant il est quelque science où les inconvénients de l’incrédulité se fassent sentir dans leur plénitude, c’est en histoire naturelle. On flétrit alors ce qu’on touche : les parfums, l’éclat des couleurs, l’élégance des formes, disparaissent dans les plantes pour le botaniste qui n’y attache ni moralité ni tendresse. Lorsqu’on n’a point de religion ; le cœur est insensible et il n’y plus de beauté, car la beauté n’est point un être existant hors de nous : c’est dans le cœur de l’homme que sont les grâces de la nature.

 

Quant à celui qui étudie les animaux, qu’est-ce autre chose, s’il est incrédule, que d’étudier des cadavres ? A quoi ses recherches le mènent-elles ? quel peut être son but ? Ah ! c’est pour lui qu’on a formé ces cabinets, écoles où la Mort, la faux à la main, est le démonstrateur ; cimetières au milieu desquels on a placé des horloges pour compter des minutes à des squelettes, pour marquer des heures à l’éternité !

 

C’est dans ces tombeaux où le néant a rassemblé ses merveilles, où la dépouille du singe insulte à la dépouille de l’homme, c’est là qu’il faut chercher la raison de ce phénomène, un naturaliste athée : à force de se promener dans l’atmosphère des sépulcres, son âme a gagné la mort.

 

Lorsque la science était pauvre et solitaire ; lorsqu’elle errait dans la vallée et dans la forêt, qu’elle épiait l’oiseau portant à manger à ses petits ou le quadrupède retournant à sa tanière ; que son laboratoire était la nature, son amphithéâtre les cieux et les champs ; qu’elle était simple et merveilleuse comme les déserts où elle passait sa vie, alors elle était religieuse. Assise à l’ombre d’un chêne, couronnée de fleurs qu’elle avait cueillies sur la montagne, elle se contentait de peindre les scènes qui l’environnaient. Ses livres n’étaient que des catalogues de remèdes pour les infirmités du corps, ou des recueils de cantiques dont les paroles apaisaient les douleurs de l’âme. Mais quand des congrégations de savants se formèrent, quand les philosophes, cherchant la réputation et non la nature, voulurent parler des œuvres de Dieu sans les avoir aimées, l’incrédulité naquit avec l’amour-propre, et la science ne fut plus que le petit instrument d’une petite renommée.

 

L’Église n’a jamais parlé aussi sévèrement contre les études philosophiques que les divers philosophes que nous avons cités dans ces chapitres. Si on l’accuse de s’être un peu méfiée de ces lettres qui ne guérissent de rien, comme parle Sénèque, il faut aussi condamner cette foule de législateurs, d’hommes d’État, de moralistes, qui se sont élevés beaucoup plus fortement que la religion chrétienne contre le danger, l’incertitude et l’obscurité des sciences.

 

Où découvrira-t-elle la vérité ? Sera-ce dans Locke, placé si haut par Condillac ? dans Leibnitz, qui trouvait Locke si faible en idéologie, ou dans Kant, qui a, de nos jours, attaqué et Locke et Condillac ? En croira-t-elle Minos, Lycurgue, Caton, J.-J. Rousseau, qui chassent les sciences de leurs républiques, ou adoptera-t-elle le sentiment des législateurs qui les tolèrent ? Quelles effrayantes leçons, si elle jette les yeux autour d’elle ! Quelle ample matière de réflexions sur cette histoire de l’arbre de science, qui produit la mort ! Toujours les siècles de philosophie ont touché aux siècles de destruction.

 

L’Église ne pouvait donc prendre, dans une question qui a partagé la terre, que le parti même qu’elle a pris : retenir ou lâcher les rênes, selon l’esprit des choses et des temps ; opposer la morale à l’abus que l’homme fait des lumières, et tâcher de lui conserver, pour son bonheur, un cœur simple et une humble pensée.

 

Concluons que le défaut du jour est de séparer un peu trop les études abstraites des études littéraires. Les unes appartiennent à l’esprit, les autres au cœur ; or, il se faut donner de garde de cultiver le premier à l’exclusion du second, et de sacrifier la partie qui aime à celle qui raisonne. C’est par une heureuse combinaison des connaissances physiques et morales, et surtout par le concours des idées religieuses, qu’on parviendra à redonner à notre jeunesse cette éducation qui jadis a formé tant de grands hommes. Il ne faut pas croire que notre sol soit épuisé. Ce beau pays de France pour prodiguer de nouvelles moissons n’a besoin que d’être cultivé un peu à la manière de nos pères : c’est une de ces terres heureuses où règnent ces génies protecteurs des hommes et ce souffle divin qui, selon Platon, décèle les climats favorables à la vertu.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 2, Philosophie, Chapitre II - Chimie et Histoire naturelle

 

Philosophie, Raphaël, Stanza della Segnatura, Palazzi Pontifici, Vatican

Philosophie, Raphaël, Stanza della Segnatura, Palazzi Pontifici, Vatican

Partager cet article
Repost0
15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 15:00

Considérons maintenant les effets du christianisme dans la littérature en général. On peut la classer sous ces trois chefs principaux : philosophie, histoire, éloquence.

 

Par philosophie nous entendons ici l’étude de toutes espèces de sciences.

 

On verra qu’en défendant la religion nous n’attaquons point la sagesse : nous sommes loin de confondre la morgue sophistique avec les saines connaissances de l’esprit et du cœur. La vraie philosophie est l’innocence de la vieillesse des peuples, lorsqu’ils ont cessé d’avoir des vertus par instinct et qu’ils n’en ont plus que par raison, cette seconde innocence est moins sûre que la première, mais lorsqu’on y peut atteindre, elle est plus sublime.

 

De quelque côté qu’on envisage le culte évangélique, on voit qu’il agrandit la pensée et qu’il est propre à l’expansion des sentiments. Dans les sciences, ses dogmes ne s’opposent à aucune vérité naturelle ; sa doctrine ne défend aucune étude. Chez les anciens, un philosophe rencontrait toujours quelque divinité sur sa route ; il était, sous peine de mort ou d’exil, condamné, par les prêtres d’Apollon ou de Jupiter, à être absurde toute sa vie. Mais comme le Dieu des chrétiens ne s’est pas logé à l’étroit dans un soleil, il a livré les astres aux vaines recherches des savants ; il a jeté le monde devant eux comme une pâture pour leurs disputes. Le physicien peut peser l’air dans son tube sans craindre d’offenser Junon. Ce n’est pas des éléments de notre corps, mais des vertus de notre âme, que le souverain Juge nous demandera compte un jour.

 

Nous savons qu’on ne manquera pas de rappeler quelques bulles du saint-siège, quelques décrets de la Sorbonne qui condamnent telle ou telle découverte philosophique : mais aussi combien ne pourrait-on pas citer d’arrêts de la cour de Rome en faveur de ces mêmes découvertes ? Qu’est-ce donc à dire, sinon que les prêtres, qui sont hommes comme nous, se sont montrés plus ou moins éclairés selon le cours naturel des siècles ? Il suffit que le christianisme lui-même ne prononce rien contre les sciences pour que nous soyons fondé à soutenir notre première assertion.

 

Au reste, remarquons bien que l’Église a presque toujours protégé les arts, quoiqu’elle ait découragé quelquefois les études abstraites : en cela elle a montré sa sagesse accoutumée. Les hommes ont beau se tourmenter, ils n’entendront jamais rien à la nature, parce que ce ne sont pas eux qui ont dit à la mer : Vous viendrez jusque là, vous ne passerez pas plus loin, et vous briserez ici l’orgueil de vos flots.

 

Les systèmes succéderont éternellement aux systèmes, et la vérité restera toujours inconnue. Que ne plaît-il un jour à la nature, s’écrie Montaigne, de nous ouvrir son sein ! Ô Dieu ! quels abus, quels mécomptes nous trouverions en notre pauvre science !

 

Les anciens législateurs, d’accord sur ce point comme sur beaucoup d’autres avec les principes de la religion chrétienne, s’opposaient aux philosophes et comblaient d’honneurs les artistes. Ces prétendues persécutions du christianisme contre les sciences doivent donc être aussi reprochées aux anciens, à qui toutefois nous reconnaissons tant de sagesse. L’an de Rome 591, le sénat rendit un décret pour bannir les philosophes de la ville, et six ans après Caton se hâta de faire renvoyer Carnéade, ambassadeur des Athéniens, "de peur, disait-il, que la jeunesse, en prenant du goût pour les subtilités des Grecs, ne perdit la simplicité des mœurs antiques". Si le système de Copernic fut méconnu de la cour de Rome, n’éprouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs ? "Aristarchus, dit Plutarque, estimoit que les Grecs devoient mettre en justice Cléanthe le Samien et le condamner de blasphème encontre les dieux, comme remuant le foyer du monde ; d’autant que cest homme taschant à sauver les apparences supposoit que le ciel demeuroit immobile et que c’estoit la terre qui se mouvoit par le cercle oblique du zodiaque, tournant à l’entour de son aixieu."

 

Encore est-il vrai que Rome moderne se montra plus sage, puisque le même tribunal ecclésiastique qui condamna d’abord le système de Copernic permit six ans après de l’enseigner comme hypothèse. D’ailleurs pouvait-on attendre plus de lumières astronomiques d’un prêtre romain que de Tycho-Brahé, qui continuait à nier le mouvement de la terre ? Enfin un pape Grégoire, réformateur du calendrier, un moine Bacon, peut-être inventeur du télescope, un cardinal Cuza, un prêtre Gassendi, n’ont-ils pas été ou les protecteurs ou les lumières de l’astronomie ?

 

Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, "qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore."

 

Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens ni même chez les modernes. Hobbes a écrit plusieurs traités contre l’incertitude de la science la plus certaine de toutes, celle des mathématiques. Dans celui qui a pour titre : Contra Geometras, sive contra phastum professorum, il reprend une à une les définitions d’Euclide et montre ce qu’elles ont de faux, de vague ou d’arbitraire. La manière dont il s’énonce est remarquable : Itaque per hanc epistolam hoc ago ut ostendam tibi non minorem esse dubitandi causam in scriptis mathematicorum quam in scriptis physicorum, ethicorum, etc. "Je te ferai voir dans ce traité qu’il n’y a pas moins de sujets de doute en mathématiques qu’en physique, en morale, etc."

 

Bacon s’est exprimé d’une manière encore plus forte contre les sciences, même en paraissant en prendre la défense. Selon ce grand homme, il est prouvé "qu’une légère teinture de philosophie peut conduire à méconnaître l’essence première, mais qu’un savoir plus plein mène l’homme à Dieu."

 

Si cette idée est véritable, qu’elle est terrible ! car pour un seul génie capable d’arriver à cette plénitude de savoir demandée par Bacon, et où, selon Pascal, on se rencontre dans une autre ignorance, que d’esprits médiocres n’y parviendront jamais et resteront dans ces nuages de la science qui cachent la Divinité !

 

Ce qui perdra toujours la foule, c’est l’orgueil : c’est qu’on ne pourra jamais lui persuader qu’elle ne sait rien au moment où elle croit tout savoir. Les grands hommes peuvent seuls comprendre ce dernier point des connaissances humaines où l’on voit s’évanouir les trésors qu’on avait amassés et où l’on se retrouve dans sa pauvreté originelle. C’est pourquoi la plupart des sages ont pensé que les études philosophiques avaient un extrême danger pour la multitude. Locke emploie les trois premiers chapitres du quatrième livre de son Essai sur l’entendement humain à montrer les bornes de notre connaissance, qui sont réellement effrayantes, tant elles sont rapprochées de nous.

" Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile de prendre connaissance de notre ignorance, qui peut servir beaucoup à terminer les disputes si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension."

 

Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : "Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie."

 

En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité et conduisent par la religion à la pratique des vertus.

 

Nous ne citerons pas Rousseau, dont l’autorité pourrait être suspecte ici : mais Descartes, par exemple, s’est exprimé d’une manière bien étrange sur la science qui a fait une partie de sa gloire.

" Il ne trouvait rien effectivement, dit le savant auteur de sa vie, qui lui parût moins solide que de s’occuper de nombres tout simples et de figures imaginaires, comme si l’on devait s’en tenir à ces bagatelles sans porter la vue au delà. Il y voyait même quelque chose de plus qu’inutile ; il croyait qu’il était dangereux de s’appliquer trop sérieusement à ces démonstrations superficielles que l’industrie et l’expérience fournissent moins souvent que le hasard. Sa maxime était que cette application nous désaccoutume insensiblement de l’usage de notre raison et nous expose à perdre la route que la lumière nous trace."

 

Cette opinion de l’auteur de l’application de l’algèbre à la géométrie est une chose digne d’attention.

 

Le père Castel, à son tour, semble se plaire à rabaisser le sujet sur lequel il a lui-même écrit. "En général, dit-il, on estime trop les mathématiques. La géométrie a des vérités hautes, des objets peu développés, des points de vue qui ne sont que comme échappés. Pourquoi dissimuler ? Elle a des paradoxes, des apparences de contradiction, des conclusions de système et de concession, des opinions de sectes, des conjectures même et même des paralogismes."

 

Si nous en croyons Buffon, "ce qu’on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d’idées et n’a aucune réalité". Enfin l’abbé de Condillac, affectant pour les géomètres le même mépris qu’Hobbes, dit en parlant d’eux : "Quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d’une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision ni la même étendue d’esprit. Nous avons quatre métaphysiciens célèbres, Descartes, Malebranche, Leibnitz et Locke ; le dernier est le seul qui ne fût pas géomètre, et de combien n’est-il pas supérieur aux trois autres !"

 

Ce jugement n’est pas exact. En métaphysique pure, Malebranche et Leibnitz ont été beaucoup plus loin que le philosophe anglais. Il est vrai que les esprits géométriques sont souvent faux dans le train ordinaire de la vie, mais cela vient même de leur extrême justesse. Ils veulent trouver partout des vérités absolues, tandis qu’en morale et en politique les vérités sont relatives. Il est rigoureusement vrai que deux et deux font quatre, mais il n’est pas de la même évidence qu’une bonne loi à Athènes soit une bonne loi à Paris. Il est de fait que la liberté est une chose excellente : d’après cela, faut-il verser des torrents de sang pour l’établir chez un peuple en tel degré que ce peuple ne la comporte pas ?

 

En mathématiques ne doit regarder que le principe, en morale que la conséquence. L’une est une vérité simple, l’autre une vérité complexe. D’ailleurs rien ne dérange le compas du géomètre, et tout dérange le cœur du philosophe. Quand l’instrument du second sera aussi sûr que celui du premier, nous pourrons espérer de connaître le fond des choses : jusque là il faut compter sur des erreurs. Celui qui voudrait porter la rigidité géométrique dans les rapports sociaux deviendrait le plus stupide ou le plus méchant des hommes.

 

Les mathématiques, d’ailleurs, loin de prouver l’étendue de l’esprit dans la plupart des hommes qui les emploient, doivent être considérées, au contraire, comme l’appui de leur faiblesse, comme le supplément de leur insuffisante capacité, comme une méthode d’abréviation propre à classer des résultats dans une tête incapable d’y arriver d’elle-même. Elles ne sont en effet que des signes généraux d’idées qui nous épargnent la peine d’en avoir, des étiquettes numériques d’un trésor que l’on n’a pas compté, des instruments avec lesquels on opère, et non les choses sur lesquelles on agit. Supposons qu’une pensée soit représentée par A et une autre par B : quelle prodigieuse différence n’y aura-t-il pas entre l’homme qui développera ces deux pensées dans leurs divers rapports moraux, politiques et religieux, et l’homme qui, la plume à la main, multipliera patiemment son A et son B en trouvant des combinaisons curieuses, mais sans avoir autre chose devant l’esprit que les propriétés de deux lettres stériles ?

 

Mais si, exclusivement à toute autre science, vous endoctrinez un enfant dans cette science qui donne peu d’idées, vous courez les risques de tarir la source des idées mêmes de cet enfant, de gâter le plus beau naturel, d’éteindre l’imagination la plus féconde, de rétrécir l’entendement le plus vaste. Vous remplissez cette jeune tête d’un fatras de nombres et de figures qui ne lui représentent rien du tout ; vous l’accoutumez à se satisfaire d’une somme donnée, à ne marcher, qu’à l’aide d’une théorie, à ne faire jamais usage de ses forces, à soulager sa mémoire et sa pensée par des opérations artificielles, à ne connaître et finalement à n’aimer que ces principes rigoureux et ces vérités absolues qui bouleversent la société.

 

On a dit que les mathématiques servent à rectifier dans la jeunesse les erreurs du raisonnement ; mais on a répondu très ingénieusement et très solidement à la fois que pour classer des idées il fallait premièrement en avoir ; que prétendre arranger l’entendement d’un enfant, c’était vouloir arranger une chambre vide. Donnez-lui d’abord des notions claires de ses devoirs moraux et religieux, enseignez-lui les lettres humaines et divines ; ensuite, quand vous aurez donné les soins nécessaires à l’éducation du cœur de votre élève, quand son cerveau sera suffisamment rempli d’objets de comparaison et de principes certains, mettez-y de l’ordre, si vous le voulez, avec la géométrie.

 

En outre, est-il bien vrai que l’étude des mathématiques soit si nécessaire dans la vie ? S’il faut des magistrats, des ministres, des classes civiles et religieuses, que font à leur état les propriétés d’un cercle ou d’un triangle ? On ne veut plus, dit-on, que des choses positives. Eh ! grand Dieu ! qu’y a-t-il de moins positif que les sciences dont les systèmes changent plusieurs fois par siècle ? Qu’importe au laboureur que l’élément de la terre ne soit pas homogène, ou au bûcheron que le bois ait une substance pyroligneuse ? Une page éloquente de Bossuet sur la morale est plus utile et plus difficile à écrire qu’un volume d’abstractions philosophiques.

 

Mais on applique, dit-on, les découvertes des sciences aux arts mécaniques ; ces grandes découvertes ne produisent presque jamais l’effet qu’on en attend. La perfection de l’agriculture, en Angleterre, est moins le résultat de quelques expériences scientifiques que celui du travail patient et de l’industrie du fermier obligé de tourmenter sans cesse un sol ingrat.

 

Nous attribuons faussement à nos sciences ce qui appartient au progrès naturel de la société. Les bras et les animaux rustiques se sont multipliés : les manufactures et les produits de la terre ont dû augmenter et s’améliorer en proportion. Qu’on ait des charrues plus légères, des machines plus parfaites pour les métiers, c’est un avantage : mais croire que le génie et la sagesse humaine se renferment dans un cercle d’inventions mécaniques, c’est prodigieusement errer.

 

Quant aux mathématiques proprement dites, il est démontré qu’on peut apprendre dans un temps assez court ce qu’il est utile d’en savoir pour devenir un bon ingénieur. Au delà de cette géométrie pratique, le reste n’est plus qu’une géométrie spéculative qui a ses jeux, ses inutilités et, pour ainsi dire ses romans comme les autres sciences. "Il faut bien distinguer, dit Voltaire, entre la géométrie utile et la géométrie curieuse. Carrez des courbes tant qu’il vous plaira, vous montrerez une extrême sagacité. Vous ressemblez à un arithméticien qui examine les propriétés des nombres au lieu de calculer sa fortune. Lorsque Archimède trouva la pesanteur spécifique des corps, il rendit service au genre humain : mais de quoi vous servira de trouver trois nombres tels que la différence des carrés de deux, ajoutée au nombre trois, fasse toujours un carré, et que la somme des trois différences, ajoutée au même cube, fasse toujours un carré ?"

 

Toute pénible que cette vérité puisse être pour les mathématiciens, il faut cependant le dire : la nature ne les a pas faits pour occuper le premier rang. Hors quelques géomètres inventeurs, elle les a condamnés à une triste obscurité ; et ces génies inventeurs eux-mêmes sont menacés de l’oubli si l’historien ne se charge de les annoncer au monde. Archimède doit sa gloire à Polybe, et Voltaire a créé parmi nous la renommée de Newton. Platon et Pythagore vivent comme moralistes et législateurs, Leibnitz et Descartes comme métaphysiciens, peut-être encore plus que comme géomètres. D’Alembert aurait aujourd’hui le sort de Varignon et de Duhamel, dont les noms, encore respectés de l’école, n’existent plus pour le monde que dans les éloges académiques, s’il n’eût mêlé la réputation de l’écrivain à celle du savant. Un poète avec quelques vers passe à la postérité, immortalise son siècle et porte à l’avenir les hommes qu’il a daigné chanter sur sa lyre : le savant, à peine connu pendant sa vie, est oublié le lendemain de sa mort. Ingrat malgré lui, il ne peut rien pour le grand homme, pour le héros qui l’aura protégé. En vain il placera son nom dans un fourneau de chimiste ou dans une machine de physicien : estimables efforts dont pourtant il ne sortira rien d’illustre. La gloire est née sans ailes ; il faut qu’elle emprunte celles des Muses quand elle veut s’envoler aux cieux. C’est Corneille, Racine, Boileau ; ce sont les orateurs, les historiens, les artistes, qui ont immortalisé Louis XIV, bien plus que les savants qui brillèrent aussi dans son siècle. Tous les temps, tous les pays offrent le même exemple. Que les mathématiciens cessent donc de se plaindre si les peuples, par un instinct général, font marcher les lettres avant les sciences ! C’est qu’en effet l’homme qui a laissé un seul précepte moral, un seul sentiment touchant à la terre, est plus utile à la société que le géomètre qui a découvert les plus belles propriétés du triangle.

 

Au reste, il n’est peut-être pas difficile de mettre d’accord ceux qui déclament contre les mathématiques et ceux qui les préfèrent à tout. Cette différence d’opinions vient de l’erreur commune, qui confond un grand avec un habile mathématicien. Il y a une géométrie matérielle, qui se compose de lignes, points, d’A +B ; avec du temps et de la persévérance, l’esprit le plus médiocre peut y faire des prodiges. C’est alors une espèce de machine géométrique qui exécute d’elle-même des opérations compliquées, comme la machine arithmétique de Pascal. Dans les sciences, celui qui vient le dernier est toujours le plus instruit : voilà pourquoi tel écolier de nos jours est plus avancé que Newton en mathématiques ; voila pourquoi tel qui passe pour savant aujourd’hui sera traité d’ignorant par la génération future. Entêtés de leurs calculs, les géomètres-manœuvres ont un mépris ridicule pour les arts d’imagination : ils sourient de pitié quand on leur parle de littérature, de morale, de religion ; ils connaissent, disent-ils, la nature. N’aime-t-on pas autant l’ignorance de Platon, qui appelle cette même nature une poésie mystérieuse ?

 

Heureusement il existe une autre géométrie, une géométrie intellectuelle. C’est celle-là qu’il fallait savoir pour entrer dans l’école des disciples de Socrate ; elle voit Dieu derrière le cercle et le triangle, et elle a créé Pascal, Leibnitz, Descartes et Newton. En général les géomètres inventeurs ont été religieux.

 

Mais on ne peut se dissimuler que cette géométrie des grands hommes ne soit fort rare. Pour un seul génie qui marche par les voies sublimes de la science, combien d’autres se perdent dans ses inextricables sentiers ! Observons ici une de ces réactions si communes dans les lois de la Providence : les âges irréligieux conduisent nécessairement aux sciences, et les sciences amènent nécessairement les âges irréligieux. Lorsque, dans un siècle impie, l’homme vient à méconnaître l’existence de Dieu, comme c’est néanmoins la seule vérité qu’il possède à fond, et qu’il a un besoin impérieux des vérités positives, il cherche à s’en créer de nouvelles et croit les trouver dans les abstractions des sciences. D’une autre part, il est naturel que des esprits communs ou des jeunes gens peu réfléchis, en rencontrant les vérités mathématiques dans l’univers, en les voyant dans le ciel avec Newton, dans la chimie avec Lavoisier, dans les minéraux avec Haüy, il est naturel, disons-nous, qu’ils les prennent pour le principe même des choses, et qu’ils ne voient rien au delà. Cette simplicité de la nature qui devrait leur faire supposer, comme Aristote, un premier mobile, et comme Platon, un éternel géomètre, ne sert qu’à les égarer : Dieu n’est bientôt pour eux que les propriétés des corps, et la chaîne même des nombres leur dérobe la grande unité.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 2, Philosophie, Chapitre I - Astronomie et Mathématiques

 

Archimède, Jusepe de Ribera, Museo del Prado

Archimède, Jusepe de Ribera, Museo del Prado

Partager cet article
Repost0
10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 11:00

Chaque chose doit être mise en son lieu, vérité triviale à force d’être répétée, mais sans laquelle, après tout, il ne peut y avoir rien de parfait.

 

Les Grecs n’auraient pas plus aimé un temple égyptien à Athènes que les Égyptiens un temple grec à Memphis. Ces deux monuments changés de place auraient perdu leur principale beauté, c’est-à-dire leurs rapports avec les institutions et les habitudes des peuples. Cette réflexion s’applique pour nous aux anciens monuments du christianisme. Il est même curieux de remarquer que dans ce siècle incrédule les poètes et les romanciers, par un retour naturel vers les mœurs de nos aïeux, se plaisent à introduire dans leurs fictions des souterrains, des fantômes, des châteaux, des temples gothiques : tant ont de charmes les souvenirs qui se lient à la religion et à l’histoire de la patrie ! Les nations ne jettent pas à l’écart leurs antiques mœurs comme on se dépouille d’un vieil habit. On leur en peut arracher quelques parties, mais il en reste des lambeaux, qui forment avec les nouveaux vêtements une effroyable bigarrure.

 

On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces Notre-Dame de Reims et de Paris, ces basiliques toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères ; il regrettera toujours la tombe de quelques messieurs de Montmorency, sur laquelle il pouvait se mettre à genoux durant la messe, sans oublier les sacrées fontaines où il fut porté à sa naissance. C’est que tout cela est essentiellement lié à nos mœurs ; c’est qu’un monument n’est vénérable qu’autant qu’une longue histoire du passé est pour ainsi dire empreinte sous ses voûtes toutes noires de siècles. Voilà pourquoi il n’y a rien de merveilleux dans un temple qu’on a vu bâtir et dont les échos et les dômes se sont formés sous nos yeux. Dieu est la loi éternelle ; son origine et tout ce qui tient à son culte doit se perdre dans la nuit des temps.

 

On ne pouvait entrer dans une église gothique sans éprouver une sorte de frissonnement et un sentiment vague de la Divinité. On se trouvait tout à coup reporté à ces temps où les cénobites, après avoir médité dans les bois de leurs monastères se venaient prosterner à l’autel et chanter les louanges du Seigneur dans le calme et le silence de la nuit. L’ancienne France semblait revivre : on croyait voir ces costumes singuliers, ce peuple si différent de ce qu’il est aujourd’hui ; on se rappelait et les révolutions de ce peuple, et ses travaux et ses arts. Plus ces temps étaient éloignés de nous, plus ils nous paraissaient magiques, plus ils nous remplissaient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l’homme et la rapidité de la vie.

 

L’ordre gothique, au milieu de ces proportions barbares, a toutefois une beauté qui lui est particulière.

 

Les forêts ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l’architecture. Cet art a donc dû varier selon les climats. Les Grecs ont tourné l’élégante colonne corinthienne avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier. Les énormes piliers du vieux style égyptien représentent le sycomore, le figuier oriental, le bananier et la plupart des arbres gigantesques de l’Afrique et de l’Asie.

 

Les forêts des Gaules ont passé à leur tour dans les temples de nos pères, et nos bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes ciselées en feuillages, ces jambages qui appuient les murs et finissent brusquement comme des troncs brisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes obscures, les passages secrets, les portes abaissées, tout retrace les labyrinthes des bois dans l’église gothique, tout en fait sentir la religieuse horreur, les mystères et la divinité. Les deux tours hautaines plantées à l’entrée de l’édifice surmontent les ormes et les ifs du cimetière et font un effet pittoresque sur l’azur du ciel. Tantôt le jour naissant illumine leurs têtes jumelles ; tantôt elles paraissent couronnées d’un chapiteau de nuages ou grossies dans une atmosphère vaporeuse. Les oiseaux eux-mêmes semblent s’y méprendre et les adopter pour les arbres de leurs forêts : des corneilles voltigent autour de leurs faîtes et se perchent sur leurs galeries. Mais tout à coup des rumeurs confuses s’échappent de la cime de ces tours et en chassent les oiseaux effrayés.

 

L’architecte chrétien, non content de bâtir des forêts, a voulu, pour ainsi dire, en imiter les murmures, et au moyen de l’orgue et du bronze suspendu il a attaché au temple gothique jusqu’au bruit des vents et des tonnerres, qui roulent dans la profondeur des bois. Les siècles, évoqués par ces sons religieux, font sortir leurs antiques voix du sein des pierres et soupirent dans la vaste basilique : le sanctuaire mugit comme l’antre de l’ancienne Sibylle, et tandis que l’airain se balance avec fracas sur votre tête, les souterrains voûtés de la mort se taisent profondément sous vos pieds.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 1, Beaux-arts, Chapitre VIII - Des Églises gothiques

 

Cathédrale gothique avec palais impérial, 1815, Karl Friedrich Schinkel (1781, Neuruppin - 1841, Berlin)

Cathédrale gothique avec palais impérial, 1815, Karl Friedrich Schinkel (1781, Neuruppin - 1841, Berlin)

Partager cet article
Repost0
9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 11:00

La peinture, l’architecture, la poésie et la grande éloquence ont toujours dégénéré dans les siècles philosophiques. C’est que l’esprit raisonneur, en détruisant l’imagination, sape les fondements des beaux-arts. On croit être plus habile parce qu’on redresse quelques erreurs de physique (qu’on remplace par toutes les erreurs de la raison) ; et l’on rétrograde en effet, puisqu’on perd une des plus belles facultés de l’esprit.

 

C’est dans Versailles que les pompes de l’âge religieux de la France s’étaient réunies. Un siècle s’est à peine écoulé, et ces bosquets qui retentissaient du bruit des fêtes ne sont plus animés que par la voix de la cigale et du rossignol. Ce palais qui lui seul est comme une grande ville, ces escaliers de marbre qui semblent monter dans les nues, ces statues, ces bassins, ces bois, sont maintenant ou croulants, ou couverts de mousse, ou desséchés, ou abattus, et pourtant cette demeure des rois n’a jamais paru ni plus pompeuse ni moins solitaire. Tout était vide autrefois dans ces lieux ; la petitesse de la dernière cour (avant que cette cour eût pour elle la grandeur de son infortune) semblait à l’aise dans les vastes réduits de Louis XIV.

 

Quand le temps a porté un coup aux empires, quelque grand nom s’attache à leurs débris et les couvre. Si la noble misère du guerrier succède aujourd’hui dans Versailles à la magnificence des cours, si des tableaux de miracles et de martyres y remplacent de profanes peintures, pourquoi l’ombre de Louis XIV s’en offenserait-elle ? Il rendit illustres la religion, les arts et l’armée : il est beau que les ruines de son palais servent d’abri aux ruines de l’armée, des arts et de la religion.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 1, Beaux-arts, Chapitre VII - Versailles

 

Vue du château et des jardins de Versailles prise de l’avenue de Paris en 1668, Pierre Patel

Vue du château et des jardins de Versailles prise de l’avenue de Paris en 1668, Pierre Patel

Partager cet article
Repost0
8 juillet 2015 3 08 /07 /juillet /2015 11:00

En traitant de l’influence du christianisme dans les arts, il n’est besoin ni de subtilité ni d’éloquence : les monuments sont là pour répondre aux détracteurs du culte évangélique. Il suffit, par exemple, de nommer Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople et Saint-Paul de Londres, pour prouver qu’on est redevable à la religion des trois chefs-d’œuvre de l’architecture moderne.

 

Le christianisme a rétabli dans l’architecture, comme dans les autres arts, les véritables proportions. Nos temples, moins petits que ceux d’Athènes et moins gigantesques que ceux de Memphis, se tiennent dans ce sage milieu où règnent le beau et le goût par excellence. Au moyen du dôme inconnu des anciens, la religion a fait un heureux mélange de ce que l’ordre gothique a de hardi et de ce que les ordres grecs ont de simple et de gracieux.

 

Ce dôme, qui se change en clocher, dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral que ne pouvaient avoir les cités antiques. Les yeux du voyageur viennent d’abord s’attacher sur cette flèche religieuse dont l’aspect réveille une foule de sentiments et de souvenirs : c’est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux ; c’est le monument de joie où l’airain sacré annonce la vie du fidèle ; c’est là que les époux s’unissent ; c’est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le faible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l’innocent pour chanter le Dieu de bonté. Un paysage paraît-il nu, triste, désert, placez-y un clocher champêtre : à l’instant tout va s’animer ; les douces idées de pasteur et de troupeau, d’asile pour le voyageur, d’aumône pour le pèlerin, d’hospitalité et de fraternité chrétienne, vont naître de toutes parts.

 

Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces moments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On en voit un exemple remarquable dans l’hôtel des Invalides et dans l’École militaire : on dirait que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel à la voix du siècle religieux, et que le second s’est abaissé vers la terre à la parole du siècle athée.

 

Trois corps de logis, formant avec l’église un carré long, composent l’édifice des Invalides. Mais quel goût dans cette simplicité ! quelle beauté dans cette cour, qui n’est pourtant qu’un cloître militaire, où l’art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses et marié l’image d’un camp de vieux soldats aux souvenirs attendrissants d’un hospice ! C’est à la fois le monument du Dieu des armées et du Dieu de l’Evangile. La rouille des siècles qui commence à le couvrir lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines animées, qui se promènent sous ses vieux portiques. Dans les avant-cours tout retrace l’idée des combats : fossés, glacis, remparts, canons, tentes, sentinelles. Pénétrez-vous plus avant, le bruit s’affaiblit par degrés et va se perdre à l’église, où règne un profond silence. Ce bâtiment religieux est placé derrière les bâtiments militaires comme l’image du repos et de l’espérance au fond d’une vie pleine de troubles et de périls.

 

Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales et qui ait toujours fait dans les arts ce qu’il fallait faire, rien de moins, rien de plus. L’or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l’hôpital de Greenwich, en Angleterre ; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Invalides. On sent qu’une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées a reçu la puissance du glaive ainsi que le sceptre des arts.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 1, Beaux-arts, Chapitre VI - Architecture. — Hôtel des Invalides

 

Les Invalides, gravure de Gabriel Pérelle (1604, Vernon-sur-Seine - 1677, Paris)

Les Invalides, gravure de Gabriel Pérelle (1604, Vernon-sur-Seine - 1677, Paris)

Partager cet article
Repost0