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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

23 juin 2015 2 23 /06 /juin /2015 11:00

Entre ces styles divins, trois surtout se font remarquer :

1 - Le style historique, tel que celui de la Genèse, du Deutéronome, de Job, etc. ;

2 - La poésie sacrée telle qu’elle existe dans les psaumes, dans les prophètes et dans les traités moraux, etc.

3 - Le style évangélique.

 

Le premier de ces trois styles, avec un charme plus grand qu’on ne peut dire, tantôt imite la narration de l’épopée, comme dans l’aventure de Joseph, tantôt emprunte des mouvements de l’ode, comme après le passage de la mer Rouge ; ici soupire les élégies du saint Arabe, là chante avec Ruth d’attendrissantes bucoliques. Ce peuple, dont tous les pas sont marqués par des phénomènes, ce peuple pour qui le soleil s’arrête, le rocher verse des eaux, le ciel prodigue la manne, ce peuple ne pouvait avoir des fastes ordinaires. Les formes connues changent à son égard : ses révolutions sont tour à tour racontées avec la trompette, la lyre et le chalumeau ; et le style de son histoire est lui-même un continuel miracle qui porte témoignage de la vérité des miracles dont il perpétue le souvenir.

 

On est merveilleusement étonné d’un bout de la Bible à l’autre. Qu’y a-t-il de comparable à l’ouverture de la Genèse ? Cette simplicité de langage, en raison inverse de la magnificence des faits, nous semble le dernier effort du génie.

In principio creavit Deus coelum et terram.

Terra autem erat inanis et vacua, et tenebrae erant super faciem abyssi et spiritus Dei ferebatur super aquas.

Dixitque Deus : Fiat lux. Et facta est lux. Et vidit Deus lucem quod esset bona ; et divisit lucem a tenebris.

 

On ne montre pas comment un pareil style est beau ; et si quelqu’un le critiquait, on ne saurait que répondre. Nous nous contenterons d’observer que Dieu qui voit la lumière, et qui, comme un homme content de son ouvrage, s’applaudit lui-même et la trouve bonne, est un de ces traits qui ne sont point dans l’ordre des choses humaines, cela ne tombe point naturellement dans l’esprit. Homère et Platon, qui parlent des dieux avec tant de sublimité, n’ont rien de semblable à cette naïveté imposante : c’est Dieu qui s’abaisse au langage des hommes pour leur faire comprendre ses merveilles, mais c’est toujours Dieu.

 

Quand on songe que Moïse est le plus ancien historien du monde quand on remarque qu’il n’a mêlé aucune fable à ses récits ; quand on le considère comme le libérateur d’un grand peuple, comme l’auteur d’une des plus belles législations connues et comme l’écrivain le plus sublime qui ait jamais existé ; lorsqu’on le voit flotter dans son berceau sur le Nil, se cacher ensuite dans les déserts pendant plusieurs années, puis revenir pour entrouvrir la mer, faire couler les sources du rocher, s’entretenir avec Dieu dans la nue, et disparaître enfin sur le sommet d’une montagne, on entre dans un grand étonnement.

 

Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant dans ses aventures tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité voilée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre ; enfin, quand on voit le fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou, l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : "Dieu est notre roi avant tous les temps". Deus autem rex noster ante saecula.

 

C’est dans Job que le style historique de la Bible prend, comme nous l’avons dit, le ton de l’élégie. Aucun écrivain n’a poussé la tristesse de l’âme au degré où elle a été portée par le saint Arabe, pas même Jérémie, qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bossuet. Il est vrai que les images empruntées de la nature du Midi, les sables brûlants du désert, le palmier solitaire, la montagne stérile, conviennent singulièrement au langage et au sentiment d’un cœur malheureux ; mais il y a dans la mélancolie de Job quelque chose de surnaturel. L’homme individuel, si misérable qu’il soit, ne peut tirer de tels soupirs de son âme. Job est la figure de l’humanité souffrante, et l’écrivain inspiré a trouvé assez de plaintes pour la multitude des maux partagés entre la race humaine. De plus, comme dans l’Écriture tout a un rapport final avec la Nouvelle alliance, on pourrait croire que les élégies de Job se préparaient aussi pour les jours de deuil de l’Église de Jésus-Christ : Dieu faisait composer par ses prophètes des cantiques funèbres dignes des morts chrétiens, deux mille ans avant que ces morts sacrés eussent conquis la vie éternelle.

" Puisse périr le jour où je suis né, et la nuit en laquelle il a été dit : Un homme a été conçu ! "

Etrange manière de gémir ! Il n’y a que l’Écriture qui ait jamais parlé ainsi.

" Je dormirais dans le silence, et je reposerais dans mon sommeil. "

Cette expression, je reposerais dans mon sommeil, est une chose frappante ; mettez le sommeil, tout disparaît. Bossuet a dit : Dormez votre sommeil, riches de la terre, et demeurez dans votre poussière.

" Pourquoi le jour a-t-il été donné au misérable, et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur ? "

Jamais les entrailles de l’homme n’ont fait sortir de leur profondeur un cri plus douloureux.

" L’homme né de la femme vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères. "

Cette circonstance, né de la femme est une redondance merveilleuse ; on voit toutes les infirmités de l’homme dans celles de sa mère. Le style le plus recherché ne peindrait pas la vanité de la vie avec la même force que ce peu de mots : "Il vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères."

 

Au reste, tout le monde connaît ce passage où Dieu daigne justifier sa puissance devant Job en confondant la raison de l’homme : c’est pourquoi nous n’en parlons point ici.

 

Le troisième caractère sous lequel il nous resterait à envisager le style historique de la Bible est le caractère pastoral ; mais nous aurons occasion d’en traiter avec quelque étendue dans les deux chapitres suivants.

 

Quant au second style général des saintes lettres, à savoir la poésie sacrée, une foule de critiques s’étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter. Qui n’a lu les chœurs d’Esther et d’Athalie, les odes de Rousseau et de Malherbe ? Le traité du docteur Lowth est entre les mains de tous les littérateurs, et La Harpe a donné en prose une traduction estimée du Psalmiste.

 

Enfin, le troisième et dernier style des livres saints est celui du Nouveau Testament. C’est là que la sublimité des prophètes se change en une tendresse non moins sublime ; c’est là que parle l’amour divin, c’est là que le Verbe s’est réellement fait chair. Quelle onction ! quelle simplicité !

 

Chaque évangéliste a un caractère particulier, excepté saint Marc, dont l’Évangile ne semble être que l’abrégé de celui de saint Matthieu. Saint Marc, toutefois, était disciple de saint Pierre, et plusieurs ont pensé qu’il a écrit sous la dictée de ce prince des apôtres. Il est digne de remarque qu’il a raconté aussi la faute de son maître. Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le seul de ses disciples qui l’eût renié. Tout l’esprit du christianisme est là : saint Pierre est l’Adam de la nouvelle loi ; il est le père coupable et repentant des nouveaux Israélites. Sa chute nous enseigne en outre que la religion chrétienne est une religion de miséricorde, et que Jésus-Christ a établi sa loi parmi les hommes sujets à l’erreur, moins encore pour l’innocence que pour le repentir.

 

L’Évangile de saint Matthieu est surtout précieux pour la morale. C’est cet apôtre qui nous a transmis le plus grand nombre de ces préceptes en sentiments qui sortaient avec tant d’abondance des entrailles de Jésus-Christ.

 

Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre. On reconnaît en lui le disciple que Jésus aimait, le disciple qu’il voulut avoir auprès de lui, au jardin des Oliviers, pendant son agonie. Sublime distinction sans doute ! car il n’y a que l’ami de notre âme qui soit digne d’entrer dans le mystère de nos douleurs. Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l’Homme jusqu’à la croix. Ce fut là que le Sauveur lui légua sa mère. Mulier, ecce filiius tuus ; deinde dixit discipuo : Ecce mater tua. Mot céleste, parole ineffable ! Le disciple bien aimé, qui avait dormi sur le sein de son Maître, avait gardé de lui une image ineffaçable : aussi le reconnut-il le premier après sa résurrection. Le cœur de Jean ne put se méprendre aux traits de son divin ami, et la foi lui vint de la charité.

 

Au reste, l’esprit de tout l’Évangile de saint Jean est renfermé dans cette maxime qu’il allait répétant dans sa vieillesse : cet apôtre, rempli de jours et de bonnes œuvres, ne pouvant plus faire de longs discours au nouveau peuple qu’il avait enfanté à Jésus-Christ, se contentait de lui dire : Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.

 

Saint Jérôme prétend que saint Luc était médecin, profession si noble et si belle dans l’antiquité, et que son Évangile est la médecine de l’âme. Le langage de cet apôtre est pur et élevé : on voit que c’était un homme versé dans les lettres et qui connaissait les affaires et les hommes de son temps. Il entre dans son récit à la manière des anciens historiens ; vous croyez entendre Hérodote :

" 1 - Comme plusieurs ont entrepris d’écrire l’histoire des choses qui se sont accomplies parmi nous ;

" 2 - Suivant le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement les ont vues de leurs propres yeux, et qui ont été les ministres de la parole ;

" 3 - J’ai cru que je devais aussi, très excellent Théophile, après avoir été exactement informé de toutes ces choses, depuis leur commencement, vous en écrire par ordre toute l’histoire."

 

Notre ignorance est telle aujourd’hui, qu’il y a peut-être des gens de lettres qui seront étonnés d’apprendre que saint Luc est un très grand écrivain, dont l’Évangile respire le génie de l’antiquité grecque et hébraïque. Qu’y a-t-il de plus beau que tout le morceau qui précède la naissance de Jésus-Christ ?

" Au temps d’Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, du sang d’Abia ; sa femme était aussi de la race d’Aaron ; elle s’appelait Elisabeth.

" Ils étaient tous deux justes devant Dieu. Ils n’avaient point d’enfants, parce que Elisabeth était stérile et qu’ils étaient tous deux avancés en âge."

 

Zacharie offre un sacrifice ; un ange lui apparaît debout à côté de l’autel des parfums. Il lui prédit qu’il aura un fils, et que ce fils s’appellera Jean ; qu’il sera le précurseur du Messie et qu’il réunira le cœur des pères et des enfants. Le même ange va trouver ensuite une vierge qui demeurait en Israël, et lui dit : " Je vous salue, ô pleine de grâce ! le Seigneur est avec vous". Marie s’en va dans les montagnes de Judée ; elle rencontre Elisabeth, et l’enfant que celle-ci portait dans son sein tressaille à la voix de la vierge qui devait mettre au jour le Sauveur du monde. Elisabeth, remplie tout à coup de l’Esprit saint, élève la voix et s’écrie : "Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de votre sein sera béni.

" D’où me vient le bonheur que la mère de mon Sauveur vienne vers moi ?

" Car, lorsque vous m’avez saluée, votre voix n’a pas plus tôt frappé mon oreille, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein."

Marie entonne alors le magnifique cantique : " Ô mon âme ! glorifie le Seigneur."

 

L’histoire de la crèche et des bergers vient ensuite. Une troupe nombreuse de l’armée céleste chante pendant la nuit : Gloire à Dieu dans le ciel, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! mot digne des anges, et qui est comme l’abrégé de la religion chrétienne.

 

Nous croyons connaître un peu l’antiquité, et nous osons assurer qu’on chercherait longtemps chez les plus beaux génies de Rome et de la Grèce avant d’y trouver rien qui soit à la fois aussi simple et aussi merveilleux.

 

Quiconque lira l’Évangile avec un peu d’attention y découvrira à tous moments des choses admirables et qui échappent d’abord, à cause de leur extrême simplicité. Saint Luc, par exemple, en donnant la généalogie du Christ, remonte jusqu’à la naissance du monde.

 

La religion du fils de Marie est comme l’essence des diverses religions ou ce qu’il y a de plus céleste en elles. On peut peindre en quelques mots le caractère du style évangélique : c’est un ton d’autorité paternelle mêlé à je ne sais quelle indulgence de frère, à je ne sais quelle considération d’un Dieu qui pour nous racheter a daigné devenir fils et frère des hommes.

 

Au reste, plus on lit les Épîtres des Apôtres, surtout celles de saint Paul, et plus on est étonné : on ne sait quel est cet homme qui dans une espèce de prône commun dit familièrement des mots sublimes, jette les regards les plus profonds sur le cœur humain, explique la nature du souverain Être et prédit l’avenir.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 5 - La Bible et Homère ; Chapitre II - Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture

 

Job, Gerard Seghers (1591 - 1651, Anvers) - " Job est la figure de l’humanité souffrante..."

Job, Gerard Seghers (1591 - 1651, Anvers) - " Job est la figure de l’humanité souffrante..."

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:00

C’est un corps d’ouvrage bien singulier que celui qui commence par la Genèse et qui finit par l’Apocalypse ; qui s’annonce par le style le plus clair et qui se termine par le ton le plus figuré. Ne dirait-on pas que tout est grand et simple dans Moïse, comme cette création du monde et cette innocence des hommes primitifs qu’il nous peint ; et que tout est terrible et hors de la nature dans le dernier prophète, comme ces sociétés corrompues et cette fin du monde qu’il nous représente ?

 

Les productions les plus étrangères à nos mœurs, les livres sacrés des nations infidèles, le Zend-Avesia des Parsis, le Veidam des Brahmes, le Coran des Turcs, les Edda des Scandinaves, les Maximes de Confucius, les poèmes sanskrits, ne nous surprennent point : nous y retrouvons la chaîne ordinaire des idées humaines ; ils ont quelque chose de commun entre eux, et dans le ton et dans la pensée. La Bible seule ne ressemble à rien : c’est un monument détaché des autres. Expliquez-la à un Tartare, à un Cafre, à un Canadien ; mettez-la entre les mains d’un bonze ou d’un derviche : ils en seront également étonnés. Fait qui tient du miracle ! Vingt auteurs, vivant à des époques très éloignées les unes des autres, ont travaillé aux livres saints, et quoiqu’ils aient employé vingt styles divers, ces styles, toujours inimitables, ne se rencontrent dans aucune composition. Le Nouveau Testament, si différent de l’Ancien par le ton, partage néanmoins avec celui-ci cette étonnante originalité.

 

Ce n’est pas la seule chose extraordinaire que les hommes s’accordent à trouver dans l’Ecriture : ceux qui ne veulent pas croire à l’authenticité de la Bible croient pourtant, en dépit d’eux-mêmes, à quelque chose dans cette même Bible. Déistes et athées, grands et petits, attirés par je ne sais quoi d’inconnu, ne laissent pas de feuilleter sans cesse l’ouvrage que les uns admirent et que les autres dénigrent. Il n’y a pas une position dans la vie pour laquelle on ne puisse rencontrer dans la Bible un verset qui semble dicté tout exprès. On nous persuadera difficilement que tous les événements possibles, heureux ou malheureux, aient été prévus avec toutes leurs conséquences dans un livre écrit de la main des hommes. Or, il est certain qu’on trouve dans l’Ecriture :

L’origine du monde et l’annonce de sa fin ;

La base des sciences humaines ;

Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ;

Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés comme aux rangs les plus humbles de la vie ;

 

Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 5 - La Bible et Homère ; Chapitre I - De l’Ecriture et de son excellence

 

Bible de Wenceslas, XIVe s.

Bible de Wenceslas, XIVe s.

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 11:00

Le trait qui distingue essentiellement le Paradis de l’Elysée, c’est que dans le premier les âmes saintes habitent le ciel avec Dieu et les anges, et que dans le dernier les ombres heureuses sont séparées de l’Olympe. Le système philosophique de Platon et de Pythagore qui divise l’âme en deux essences, le char subtil qui s’envole au-dessous de la lune, et l’esprit qui remonte vers la Divinité ; ce système, disons-nous, n’est pas de notre compétence, et nous ne parlons que de la théologie poétique.

 

Nous avons fait voir dans plusieurs endroits de cet ouvrage la différence qui existe entre la félicité des élus et celle des mânes de l’Elysée. Autre est de danser et de faire des festins, autre de connaître la nature des choses, de lire dans l’avenir, de voir les révolutions des globes, enfin d’être comme associé à l’omniscience, sinon à la toute-puissance de Dieu. Il est pourtant extraordinaire qu’avec tant d’avantages les poètes chrétiens aient échoué dans la peinture du ciel. Les uns ont péché par timidité, comme le Tasse et Milton ; les autres par fatigue, comme le Dante ; par philosophie, comme Voltaire ; ou par abondance, comme Klopstock. Il y a donc un écueil caché dans ce sujet ; voici quelles sont nos conjectures à cet égard.

 

Il est de la nature de l’homme de ne sympathiser qu’avec les choses qui ont des rapports avec lui, et qui le saisissent par un certain côté, tel, par exemple, que le malheur. Le ciel, où règne une félicité sans bornes, est trop au-dessus de la condition humaine pour que l’âme soit fort touchée du bonheur des élus : on ne s’intéresse guère à des êtres parfaitement heureux. C’est pourquoi les poètes ont mieux réussi dans la description des enfers ; du moins l’humanité est ici, et les tourments des coupables nous rappellent les chagrins de notre vie ; nous nous attendrissons sur les infortunes des autres, comme les esclaves d’Achille, qui en répandant beaucoup de larmes sur la mort de Patrocle pleuraient secrètement leurs propres malheurs.

 

Pour éviter la froideur qui résulte de l’éternelle et toujours semblable félicité des justes, on pourrait essayer d’établir dans le ciel une espérance, une attente quelconque de plus de bonheur, ou d’une époque inconnue dans la révolution des êtres ; on pourrait rappeler davantage les choses humaines, soit en tirant des comparaisons, soit en donnant des affections et même des passions aux élus : l’Ecriture nous parle des espérances et des saintes tristesses du ciel. Pourquoi donc n’y aurait-il pas dans le paradis des pleurs tels que les saints peuvent en répandre ? Par ces divers moyens, on ferait naître des harmonies entre notre nature bornée et une constitution plus sublime, entre nos fins rapides et les choses éternelles : nous serions moins portés à regarder comme une fiction un bonheur qui, semblable au nôtre, serait mêlé de changements et de larmes.

 

D’après ces considérations sur l’usage du merveilleux chrétien dans la poésie, on peut du moins douter que le merveilleux du paganisme ait sur le premier un avantage aussi grand qu’on l’a généralement supposé. On oppose toujours Milton avec ses défauts à Homère avec ses beautés ; mais supposons que le chantre d’Eden fût né en France sous le siècle de Louis XIV, et qu’à la grandeur naturelle de son génie il eût joint le goût de Racine et de Boileau : nous demandons quel fût devenu alors le Paradis perdu, et si le merveilleux de ce poème n’eut pas égalé celui de l’Iliade et de l’Odyssée. Si nous jugions la mythologie d’après la Pharsale, ou même d’après l’Enéide, en aurions-nous la brillante idée que nous en a laissée le père des Grâces, l’inventeur de la ceinture de Vénus ? Quand nous aurons sur un sujet chrétien un ouvrage aussi parfait dans son genre que les ouvrages d’Homère, nous pourrons nous décider en faveur du merveilleux de la fable, ou du merveilleux de notre religion ; jusque alors il sera permis de douter de la vérité de ce précepte de Boileau :

De la foi d’un chrétien les mystères terribles

D’ornements égayés ne sont point susceptibles.

(Art poét., ch. III.)

 

Au reste, nous pouvions nous dispenser de faire lutter le christianisme avec la mythologie sous le seul rapport du merveilleux. Nous ne sommes entré dans cette étude que par surabondance de moyens, et pour montrer les ressources de notre cause. Nous pouvions trancher la question d’une manière simple et péremptoire ; car fût-il certain, comme il est douteux, que le christianisme ne pût fournir un merveilleux aussi riche que celui de la fable, encore est-il vrai qu’il y a une certaine poésie de l’âme, une sorte d’imagination du cœur, dont on ne trouve aucune trace dans la mythologie. Or, les beautés touchantes qui émanent de cette source feraient seules une ample compensation pour les ingénieux mensonges de l’antiquité.

 

Tout est machine et ressort, tout est extérieur, tout est fait pour les yeux dans les tableaux du paganisme ; tout est sentiment et pensée, tout est intérieur, tout est créé pour l’âme dans les peintures de la religion chrétienne. Quel charme de méditation ! quelle profondeur de rêverie ! Il y a plus d’enchantement dans une de ces larmes que le christianisme fait répandre au fidèle que dans toutes les riantes erreurs de la mythologie. Avec une Notre-Dame des Douleurs, une Mère de Pitié, quelque saint obscur, patron de l’aveugle et de l’orphelin, un auteur peut écrire une page plus attendrissante qu’avec tous les dieux du Panthéon. C’est bien là aussi de la poésie ! c’est bien là du merveilleux ! Mais voulez-vous du merveilleux plus sublime, contemplez la vie et les douleurs du Christ, et souvenez-vous que votre Dieu s’est appelé le Fils de l’Homme ! Nous osons le prédire : un temps viendra que l’on sera étonné d’avoir pu méconnaître les beautés qui existent dans les seuls noms, dans les seules expressions du christianisme ; l’on aura de la peine à comprendre comment on a pu se moquer de cette religion de la raison et du malheur.

 

Ici finissent les relations directes du christianisme et des Muses, puisque nous avons achevé de l’envisager poétiquement dans ses rapports avec les hommes et dans ses rapports avec les êtres surnaturels. Nous couronnerons ce que nous avons dit sur ce sujet par une vue générale de l’Ecriture : c’est la source où Milton, le Dante, le Tasse et Racine ont puisé une partie de leurs merveilles, comme les poètes de l’antiquité ont emprunté leurs grands traits d’Homère.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XVI - Le Paradis

 

Paradis, Bouts, Musée des Beaux-Arts, Lille

Paradis, Bouts, Musée des Beaux-Arts, Lille

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 11:00

On avouera du moins que le purgatoire offre aux poètes chrétiens un genre de merveilleux inconnu à l’antiquité.

 

Il n’y a peut-être rien de plus favorable aux muses que ce lieu de purification, placé sur les confins de la douleur et de la joie, où viennent se réunir les sentiments confus du bonheur et de l’infortune. La gradation des souffrances en raison des fautes passées, ces âmes plus ou moins heureuses, plus ou moins brillantes, selon qu’elles approchent plus ou moins de la double éternité des plaisirs ou des peines, pourraient fournir des sujets touchants au pinceau. Le purgatoire surpasse en poésie le ciel et l’enfer, en ce qu’il présente un avenir qui manque aux deux premiers.

 

Dans l’Elysée antique le fleuve du Léthé n’avait point été inventé sans beaucoup de grâce ; mais toutefois on ne saurait dire que les ombres qui renaissaient à la vie sur ses bords présentassent la même progression poétique vers le bonheur que les âmes du purgatoire. Quitter les campagnes des mânes heureux pour revenir dans ce monde, c’était passer d’un état parfait à un état qui l’était moins ; c’était rentrer dans le cercle, renaître pour mourir, voir ce qu’on avait vu. Toute chose dont l’esprit peut mesurer l’étendue est petite : le cercle, qui chez les anciens exprimait l’éternité, pouvait être une image grande et vraie ; cependant il nous semble qu’elle tue l’imagination, en la forçant de tourner dans ce cerceau redoutable. La ligne droite prolongée sans fin serait peut-être plus belle, parce qu’elle jetterait la pensée dans un vague effrayant, et ferait marcher de front trois choses qui paraissent s’exclure, l’espérance, la mobilité et l’éternité.

 

Le rapport à établir entre le châtiment et l’offense peut produire ensuite dans le purgatoire tous les charmes du sentiment. Que de peines ingénieuses réservées à une mère trop tendre, à une fille trop crédule, à un jeune homme trop ardent ! Et certes, puisque les vents, les feux, les glaces prêtent leurs violences aux tourments de l’enfer, pourquoi ne trouverait-on pas des souffrances plus douces dans les chants du rossignol, dans les parfums des fleurs, dans le bruit des fontaines, ou dans les affections purement morales ? Homère et Ossian ont chanté les plaisirs de la douleur.

 

Une autre source de poésie qui découle du purgatoire est ce dogme par qui nous sommes enseignés que les prières et les bonnes œuvres des mortels hâtent la délivrance des âmes. Admirable commerce entre le fils vivant et le père décédé ! entre la mère et la fille, entre l’époux et l’épouse, entre la vie et la mort ! Que de choses attendrissantes dans cette doctrine ! Ma vertu, à moi chétif mortel, devient un bien commun pour tous les chrétiens ; et de même que j’ai été atteint du péché d’Adam, ma justice est passée en compte aux autres. Poètes chrétiens, les prières de vos Nisus atteindront un Euryale au delà du tombeau ; vos riches pourront partager leur superflu avec le pauvre ; et pour le plaisir qu’ils auront eu à faire cette simple, cette agréable action, Dieu les en récompensera encore, en retirant leur père et leur mère d’un lieu de peines !

 

C’est une belle chose d’avoir, par l’attrait de l’amour, forcé le cœur de l’homme à la vertu, et de penser que le même denier qui donne le pain du moment au misérable donne peut-être à une âme délivrée une place éternelle à la table du Seigneur.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XV - Du Purgatoire

 

La Madone du Carmel et les âmes du Purgatoire, Tiepolo (1696, Venise - 1770, Madrid)

La Madone du Carmel et les âmes du Purgatoire, Tiepolo (1696, Venise - 1770, Madrid)

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 11:00

L’entrée de l’Averne, dans le sixième livre de l’Enéide, offre des vers d’un travail achevé.

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram,

Perque domos Ditis vacuas et inania regna.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus,

Et Metus, et malesuada Fames, et turpis Egestas,

Terribiles visu formae ; Lethumque Laborque,

Tum consanguineus Lethi Sopor, et mala mentis

Gaudia…

(Lib. VI, v. 268 et seq.)

 

Il suffit de savoir lire le latin pour être frappé de l’harmonie lugubre de ces vers. Vous entendez d’abord mugir la caverne où marchent la Sibylle et Enée : Ibant obscuri sola sub nocte per umbram ; puis tout à coup vous entrez dans des espaces déserts, dans les royaumes du vide ; Perque domos Ditis vacuas et inania regna. Viennent ensuite des syllabes sourdes et pesantes, qui rendent admirablement les pénibles soupirs des enfers. Tristisque Senectus et Metus. — Lethumque Laborque ; consonances qui prouvent que les anciens n’ignoraient pas l’espèce de beauté attachée à la rime. Les Latins, ainsi que les Grecs, employaient la répétition des sons dans les peintures pastorales et dans les harmonies tristes.

 

Le Dante, comme Enée, erre d’abord dans une forêt qui cache l’entrée de son enfer : rien n’est plus effrayant que cette solitude. Bientôt il arrive à la porte, où se lit la fameuse inscription :

Per me si va nella città dolente,

Per me si va nell’eterno dolore :

Per me si va tra la perduta gente.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate.

 

Voilà précisément la même sorte de beautés que dans le poète latin. Toute oreille sera frappée de la cadence monotone de ces rimes redoublées, où semble retentir et expirer cet éternel cri de douleur qui remonte du fond de l’abîme. Dans les trois per me si va, on croit entendre le glas de l’agonie du chrétien. Le lasciate ogni speranza est comparable au plus grand trait de l’enfer de Virgile.

 

Milton, à l’exemple du poète de Mantoue, a placé la Mort à l’entrée de son enfer (Lethum), et le Péché, qui n’est que le mala mentis gaudia, les joies coupables du cœur. Il décrit ainsi la première :

. . . . . . . . . . . The other shape, etc.

" L’autre forme, si l’on peut appeler de ce nom ce qui n’avait point de formes, se tenait debout à la porte. Elle était sombre comme la nuit, hagarde comme dix furies ; sa main brandissait un dard affreux, et sur cette partie qui semblait sa tête elle portait l’apparence d’une couronne."

 

Jamais fantôme n’a été représenté d’une manière plus vague et plus terrible. L’origine de la Mort, racontée par le Péché, la manière dont les échos de l’enfer répètent le nom redoutable lorsqu’il est prononcé pour la première fois, tout cela est une sorte de noir sublime, inconnu de l’antiquité.

 

En avançant dans les enfers, nous suivrons Enée au champ des larmes. lugentes campi. Il y rencontre la malheureuse Didon ; il l’aperçoit dans les ombres d’une forêt, comme on voit, ou comme on croit voir la lune nouvelle se lever à travers les nuages :

Qualem primo qui surgere mense

Aut videt, aut vidisse putat, per nubile lunam.

 

Ce morceau est d’un goût exquis ; mais le Dante est peut-être aussi touchant dans la peinture des campagnes des pleurs. Virgile a placé les amants au milieu des bois de myrtes et dans des allées solitaires ; le Dante a jeté les siens dans un air vague et parmi des tempêtes qui les entraînent éternellement ; l’un a donné pour punition à l’amour ses propres rêveries, l’autre en a cherché le supplice dans l’image des désordres que cette passion fait naître. Le Dante arrête un couple malheureux au milieu d’un tourbillon : Françoise de Rimini, interrogée par le poète, lui raconte ses malheurs et son amour :

Noi leggevamo, etc.

" Nous lisions un jour, dans un doux loisir, comment l’amour vainquit Lancelot. J’étais seule avec mon amant, et nous étions sans défiance, plus d’une fois nos visages pâlirent, et nos yeux troublés se rencontrèrent, mais un seul instant nous perdit tous deux. Lorsque enfin l’heureux Lancelot cueille le baiser désiré, alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes, et nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour."

 

Quelle simplicité admirable dans le récit de Françoise ! quelle délicatesse dans le trait qui le termine ! Virgile n’est pas plus chaste dans le quatrième livre de l’Enéide, lorsque Junon donne le signal, dant signum. C’est encore au christianisme que ce morceau doit une partie de son pathétique. Françoise est punie pour n’avoir pas su résister à son amour, et pour avoir trompé la foi conjugale : la justice inflexible de la religion contraste avec la pitié que l’on ressent pour une faible femme.

 

Non loin du champ des larmes, Enée voit le champ des guerriers. Il y rencontre Déiphobe cruellement mutilé. Son histoire est intéressante, mais le seul nom d’Ugolin rappelle un morceau fort supérieur. On conçoit que Voltaire n’ait vu dans les feux d’un enfer chrétien que des objets burlesques ; cependant ne vaut-il pas mieux pour le poète y trouver le comte Ugolin, et matière à des vers aussi beaux, à des épisodes aussi tragiques ?

 

Lorsque nous passons de ces détails à une vue générale de l’Enfer et du Tartare, nous voyons dans celui-ci les Titans foudroyés, Ixion menacé de la chute d’un rocher, les Danaïdes avec leur tonneau,Tantale trompé par les ondes, etc.

 

Soit que l’on commence à s’accoutumer à l’idée de ces tourments, soit qu’ils n’aient rien en eux-mêmes qui produise le terrible, parce qu’ils se mesurent sur des fatigues connues dans la vie, il est certain qu’ils font peu d’impression sur l’esprit. Mais voulez-vous être remué, voulez-vous savoir jusqu’où l’imagination de la douleur peut s’étendre, voulez-vous connaître la poésie des tortures et les hymnes de la chair et du sang, descendez dans l’Enfer du Dante. Ici des ombres sont ballottées par des tourbillons d’une tempête, là des sépulcres embrasés renferment les fauteurs de l’hérésie. Les tyrans sont plongés dans un fleuve de sang tiède ; les suicides, qui ont dédaigné la noble nature de l’homme, ont rétrogradé vers la plante : ils sont transformés en arbres rachitiques, qui croissent dans un sable brûlant, et dont les harpies arrachent sans cesse des rameaux. Ces âmes ne reprendront point leurs corps au jour de la résurrection ; elles les traîneront dans l’affreuse forêt pour les suspendre aux branches des arbres auxquelles elles sont attachées.

 

Si l’on dit qu’un auteur grec ou romain eût pu faire un Tartare aussi formidable que l’Enfer du Dante, cela d’abord ne conclurait rien contre les moyens poétiques de la religion chrétienne ; mais il suffit d’ailleurs d’avoir quelque connaissance du génie de l’antiquité pour convenir que le ton sombre de l’Enfer du Dante ne se trouve point dans la théologie païenne, et qu’il appartient aux dogmes menaçants de notre foi.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XIV - Parallèle de l’Enfer et du Tartare. Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables

 

Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile, Ary Scheffer, Musée du Louvre, Aile Denon, 1er étage, salle 77

Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile, Ary Scheffer, Musée du Louvre, Aile Denon, 1er étage, salle 77

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 11:00

Entre plusieurs différences qui distinguent l’enfer chrétien du Tartare, une surtout est remarquable : ce sont les tourments qu’éprouvent eux-mêmes les démons. Pluton, les Juges, les Parques et les Furies ne souffraient point avec les coupables. Les douleurs de nos puissances infernales sont donc un moyen de plus pour l’imagination, et conséquemment un avantage poétique de notre enfer sur l’enfer des anciens.

 

Dans les champs Cimmériens de l’Odyssée, le vague des lieux, les ténèbres, l’incohérence des objets, la fosse où les ombres viennent boire le sang, donnent au tableau quelque chose de formidable, et qui peut-être ressemble plus à l’enfer chrétien que le Ténare de Virgile. Dans celui-ci l’on remarque les progrès des dogmes philosophiques de la Grèce. Les Parques, le Cocyte, le Styx, se retrouvent dans les ouvrages de Platon. Là commence une distribution de châtiments et de récompenses inconnue à Homère. Nous avons déjà fait remarquer que le malheur, l’indigence et la faiblesse étaient, après le trépas, relégués par les païens dans un monde aussi pénible que celui-ci. La religion de Jésus-Christ n’a point ainsi sevré nos âmes. Nous savons qu’au sortir de ce monde de tribulations, nous autres misérables, nous trouverons un lieu de repos, et, si nous avons eu soif de la justice dans le temps, nous en serons rassasiés dans l’éternité Sitiunt justitiam ipsi saturabuntur.

 

Si la philosophie est satisfaite, il ne nous sera pas très difficile peut-être de convaincre les Muses. A la vérité nous n’avons point d’enfer chrétien traité d’une manière irréprochable. Ni le Dante, ni le Tasse, ni Milton, ne sont parfaits dans la peinture des lieux de douleur. Cependant quelques morceaux excellents, échappés à ces grands maîtres, prouvent que si toutes les parties du tableau avaient été retouchées avec le même soin, nous posséderions des enfers aussi poétiques que ceux d’Homère et de Virgile.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XIII - L’Enfer chrétien

 

Le Jugement Dernier, Hieronymus Bosch

Le Jugement Dernier, Hieronymus Bosch

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 11:00

Nous touchons à la dernière des machines poétiques, c’est-à-dire aux voyages des êtres surnaturels. C’est une des parties du merveilleux dans laquelle Homère s’est montré le plus sublime. Tantôt il raconte que le char du dieu vole comme la pensée d’un voyageur qui se rappelle, en un instant, les lieux qu’il a parcourus ; tantôt il dit :

Autant qu’un homme assis au rivage des mers

Voit, d’un roc élevé, d’espace dans les airs,

Autant des Immortels les coursiers intrépides

En franchissent d’un saut.

 

Quoi qu’il en soit du génie d’Homère et de la majesté de ses dieux, son merveilleux et sa grandeur vont encore s’éclipser devant le merveilleux du christianisme.

 

Satan arrivé aux portes de l’enfer, que le Péché et la Mort lui ont ouvertes, se prépare à aller à la découverte de la création.

Like a furnace mouth

The sudden view

Of all this world at once.

 

Les portes de l’enfer s’ouvrent vomissant, comme la bouche d’une fournaise, des flocons de fumée et des flammes rouges. Soudain, aux regards de Satan se dévoilent les secrets de l’antique abîme ; océan sombre et sans bornes, où les temps, les dimensions et les lieux viennent se perdre, où l’ancienne Nuit et le Chaos, aïeux de la Nature, maintiennent une éternelle anarchie au milieu d’une éternelle guerre, et règnent par la confusion. Satan, arrêté sur le seuil de l’enfer, regarde dans le vaste gouffre, berceau et peut-être tombeau de la Nature ; il pèse en lui-même les dangers du voyage. Bientôt, déployant ses ailes, et repoussant du pied le seuil fatal, il s’élève dans des tourbillons de fumée. Porté sur ce siège nébuleux, longtemps il monte avec audace ; mais la vapeur, graduellement dissipée, l’abandonne au milieu du vide. Surpris, il redouble en vain le mouvement de ses ailes, et comme un poids mort, il tombe.

 

" L’instant où je chante verrait encore sa chute si l’explosion d’un nuage tumultueux rempli de soufre et de flamme ne l’eut élancé à des hauteurs égales aux profondeurs où il était descendu. Jeté sur des terres molles et tremblantes, à travers les éléments épais ou subtils, il marche, il vole, il nage, il rampe. A l’aide de ses bras, de ses pieds, de ses ailes, il franchit les syrtes, les détroits, les montagnes. Enfin une universelle rumeur, des voix et des sons confus viennent avec violence assaillir son oreille. Il tourne aussitôt son vol de ce côté, résolu d’aborder l’Esprit inconnu de l’abîme, qui réside dans ce bruit, et d’apprendre de lui le chemin de la lumière.

" Bientôt il aperçoit le trône du Chaos, dont le sombre pavillon s’étend au loin sur le gouffre immense. La Nuit, revêtue d’une robe noire, est assise à ses côtés : fille aînée des Etres, elle est l’épouse du Chaos. Le Hasard, le Tumulte, la Confusion, la Discorde aux mille bouches, sont les ministres de ces divinités ténébreuses. Satan paraît devant eux sans crainte.

" Esprits de l’abîme, leur dit-il, Chaos, et vous, antique Nuit, je ne viens point pour épier les secrets de vos royaumes. Apprenez-moi le chemin de la lumière."

" Le vieux Chaos répond en mugissant : Je te connais, ô étranger ! Un monde nouveau pend au-dessus de mon empire, du côté où tes légions tombèrent. Vole, et hâte-toi d’accomplir tes desseins. Ravages, dépouilles, ruines, vous êtes les espérances du Chaos !"

" Il dit ; Satan plein de joie s’élève avec une nouvelle vigueur ; il perce comme une pyramide de feu l’atmosphère ténébreuse. Enfin l’influence sacrée de la lumière commence à se faire sentir. Parti des murailles du ciel, un rayon pousse au loin dans le sein des ombres une douteuse et tremblante aurore ; ici la Nature commence, et le Chaos se retire. Guidé par ces mobiles blancheurs, Satan, comme un vaisseau longtemps battu de la tempête, reconnaît le port avec joie, et glisse plus doucement sur les vagues calmées. A mesure qu’il avance vers le jour, l’empyrée, avec ses tours d’opale et ses portes de vivants saphirs, se découvre à sa vue.

" Enfin il aperçoit au loin une haute structure, dont les marches magnifiques s’élèvent jusqu’aux remparts du ciel. Perpendiculairement au pied des degrés mystiques s’ouvre un passage vers la terre. Satan s’élance sur la dernière marche, et, plongeant tout à coup ses regards dans les profondeurs au-dessous de lui, il découvre avec un immense étonnement tout l’univers à la fois."

 

Pour tout homme impartial, une religion qui a fourni un tel merveilleux et qui de plus a donné l’idée des amours d’Adam et d’Eve, n’est pas une religion anti-poétique. Qu’est-ce que Junon allant aux bornes de la terre en Ethiopie, auprès de Satan remontant du fond du chaos jusqu’aux frontières de la nature ? Il y a même dans l’original un effet singulier que nous n’avons pu rendre, et qui tient pour ainsi dire au défaut général du morceau : les longueurs que nous avons retranchées semblent allonger la course du prince des ténèbres et donner au lecteur un sentiment vague de cet infini au travers duquel il a passé.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XII - Suite des machines poétiques. Voyages des dieux homériques ; Satan allant à la découverte de la création

 

Milton, Mihály Munkácsy (1844, Munkács - 1900, Endenich), Public Library, New York

Milton, Mihály Munkácsy (1844, Munkács - 1900, Endenich), Public Library, New York

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