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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

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beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

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SALVE REGINA

13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 11:00

Il ne nous reste plus qu’à parler de deux machines poétiques : les voyages des dieux et les songes.

 

En commençant par les derniers, nous choisirons le songe d’Enée dans la nuit fatale de Troie ; le héros le raconte lui-même à Didon :

Tempus erat, etc.

C’était l’heure où, du jour adoucissant les peines,

Le sommeil, grâce aux dieux, se glisse dans nos veines ;

Tout à coup, le front pâle et chargé de douleurs,

Hector, près de mon lit, a paru tout en pleurs,

Et tel qu’après son char la victoire inhumaine,

Noir de poudre et de sang, le traîna sur l’arène.

Je vois ses pieds encore et meurtris et percés

Des indignes liens qui les ont traversés.

Hélas !! qu’en cet état de lui-même il diffère !

Ce n’est plus cet Hector, ce guerrier tutélaire,

Qui, des armes d’Achille orgueilleux ravisseur,

Dans les murs paternels revenait en vainqueur,

Ou, courant assiéger les vingt rois de la Grèce,

Lançait sur leurs vaisseaux la flamme vengeresse,

Combien il est changé ! le sang de toutes parts

Souillait sa barbe épaisse et ses cheveux épars,

Et son sein étalait à ma vue attendrie

Tous les coups qu’il reçut autour de sa patrie.

Moi-même il me semblait qu’au plus grand des héros,

L’œil de larmes noyé, je parlais en ces mots :

" Ô des enfants d’Ilus la gloire et l’espérance !

Quels lieux ont si longtemps prolongé ton absence ?

Oh ! qu’on t’a souhaité ! mais, pour nous secourir,

Est-ce ainsi qu’à nos yeux Hector devait s’offrir,

Quand à ses longs travaux Troie entière succombe !

Quand presque tous les tiens sont plongés dans la tombe !

Pourquoi ce sombre aspect, ces traits défigurés,

Ces blessures sans nombre, et ces flancs déchirés ? "

Hector ne répond point ; mais du fond de son âme

Tirant un long soupir : " Fuis les Grecs et la flamme,

Fils de Vénus, dit-il, le destin t’a vaincu ;

Fuis, hâte-toi : Priam et Pergame ont vécu.

Jusqu’en leurs fondements nos murs vont disparaître ;

Ce bras nous eût sauvés, si nous avions pu l’être.

Cher Enée ! ah ! du moins, dans ses derniers adieux,

Pergame à ton amour recommande ses dieux !

Porte au delà des mers leur image chérie

Et fixe-toi près d’eux dans une autre patrie. "

Il dit ; et dans ses bras emporte à mes regards

La puissante Vesta qui gardait nos remparts

Et ses bandeaux sacrés, et la flamme immortelle

Qui veillait dans son temple et brûlait devant elle.

( Nous devons cette belle traduction à M. de Fontanes.)

 

Ce songe est une espèce d’abrégé du génie de Virgile : l’on y trouve dans un cadre étroit tous les genres de beautés qui lui sont propres.

 

Observez d’abord le contraste entre cet effroyable songe et l’heure paisible où les dieux l’envoient à Enée. Personne n’a su marquer les temps et les lieux d’une manière plus touchante que le poète de Mantoue. Ici c’est un tombeau, là une aventure attendrissante, qui déterminent la limite d’un pays ; une ville nouvelle porte une appellation antique ; un ruisseau étranger prend le nom d’un fleuve de la patrie. Quant aux heures, Virgile a presque toujours fait briller la plus douce sur l’événement le plus malheureux. De ce contraste plein de tristesse résulte cette vérité, que la nature accomplit ses lois sans être troublée par les faibles révolutions des hommes.

 

De là nous passons à la peinture de l’ombre d’Hector. Ce fantôme qui regarde Enée en silence, ces larges pleurs, ces pieds enflés, sont les petites circonstances que choisit toujours le grand peintre, pour mettre l’objet sous les yeux. Le cri d’Enée : quantum mutatus ab illo ! est le cri d’un héros, qui relève la dignité d’Hector. Squalentem barbam et concretos sanguine crines. Voilà le spectre. Mais Virgile fait soudain un retour à sa manière. — Vulnera… circum plurima muros accepit patrios. Tout est là-dedans : éloge d’Hector, souvenirs de ses malheurs et de ceux de la patrie pour laquelle il reçut tant de blessures. Ces locutions, ô lux Dardaniae ! Spes ô fidissima Tencrum ! sont pleines de chaleur, autant elles remuent le cœur, autant elles rendent déchirantes les paroles qui suivent. Ut te post multa tuorum fanera… adspicimus ! Hélas ! c’est l’histoire de ceux qui ont quitté leur patrie ; à leur retour, on peut dire comme Enée à Hector : Faut-il vous revoir après les funérailles de vos proches ! Enfin, le silence d’Hector, son soupir, suivi du fuge, eripe flammis, font dresser les cheveux sur la tête. Le dernier trait du tableau mêle la double poésie du songe et de la vision ; en emportant dans ses bras la statue de Vesta et le feu sacré, on croit voir le spectre emporter Troie de la terre.

 

Ce songe offre d’ailleurs une beauté prise dans la nature même de la chose. Enée se réjouit d’abord de voir Hector qu’il croit vivant ; ensuite il parle des malheurs de Troie arrivés depuis la mort même du héros. L’état où il le revoit ne peut lui rappeler sa destinée ; il demande au fils de Priam d’où lui viennent ses blessures, et il vous a dit qu’on l’a vu ainsi le jour qu’il fut traîné autour d’Ilion. Telle est l’incohérence des pensées, des sentiments et des images d’un songe.

 

Il nous est singulièrement agréable de trouver parmi les poètes chrétiens quelque chose qui balance, et qui peut-être surpasse ce songe : poésie, religion, intérêt dramatique, tout est égal dans l’une et l’autre peinture, et Virgile s’est encore une fois reproduit dans Racine.

Athalie, sous le portique du temple de Jérusalem, raconte son rêve à Abner et à Mathan :

 

C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ;

Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée,

Comme au jour de sa mort pompeusement parée ;

Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté :

Même elle avait encore cet éclat emprunté

Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage

Pour réparer des ans l’irréparable outrage.

" Tremble ! m’a-t-elle dit, fille digne de moi ;

Le cruel Dieu des Juifs l’emporte aussi sur toi :

Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,

Ma fille ! " En achevant ces mots épouvantables,

Son ombre vers mon lit a paru se baisser,

Et moi, je lui tendais les mains pour l’embrasser ;

Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange

D’os et de chairs meurtris et traînés dans la fange,

Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux

Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.

 

Il serait malaisé de décider ici entre Virgile et Racine. Les deux songes sont pris également à la source des différentes religions des deux poètes : Virgile est plus triste, Racine plus terrible : le dernier eût manqué son but, et aurait mal connu le génie sombre des dogmes hébreux, si, à l’exemple du premier, il eût amené le rêve d’Athalie dans une heure pacifique. Comme il va tenir beaucoup, il promet beaucoup par ce vers :

C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.

 

Dans Racine il y a concordance, et dans Virgile contraste d’images. La scène annoncée par l’apparition d’Hector, c’est-à-dire la nuit fatale d’un grand peuple et la fondation de l’empire romain, serait plus magnifique que la chute d’une seule reine, si Joas, en rallumant le flambeau de David, ne nous montrait dans le lointain le Messie et la révolution de toute la terre.

 

La même perfection se remarque dans les vers des deux poètes : toutefois, la poésie de Racine nous semble plus belle. Tel Hector paraît au premier moment devant Enée, tel il se montre à la fin ; mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jézabel,

Pour réparer des ans l’irréparable outrage,

suivi tout à coup non d’une forme entière, mais

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .De lambeaux affreux

Que des chiens dévorants se disputaient entre eux,

est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.

 

Enfin, cette ombre d’une more qui se baisse vers le lit de sa fille, comme pour s’y cacher, et qui se transforme tout à coup en os et en chairs meurtris, est une de ces beautés vagues, de ces circonstances effrayantes de la vraie nature du fantôme.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre XI - Suite des machines poétiques. — Songe d’Enée ; songe d’Athalie

 

Génie du christianisme - Suite des machines poétiques
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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 11:00

Venons aux exemples des machines poétiques. Vénus se montrant à Enée dans les bois de Carthage est un morceau achevé dans le genre gracieux Cui mater media, etc. " A travers la forêt, sa mère, suivant le même sentier, s’avance au-devant de lui. Elle avait l’air et le visage d’une vierge, et elle était armée à la manière des filles de Sparte, etc."

 

Cette poésie est délicieuse ; mais le chantre d’Eden en a beaucoup approché lorsqu’il a peint l’arrivée de l’ange Raphaël au bocage de nos premiers pères :

" Pour ombrager ses formes divines, le Séraphin porte six ailes. Deux attachées à ses épaules sont ramenées sur son sein, comme les pans d’un manteau royal ; celles du milieu se roulent autour de lui comme une écharpe étoilée, les deux dernières, teintes d’azur, battent à ses talons rapides. Il secoue ses plumes qui répandent des odeurs célestes.

" Il s’avance dans le jardin du bonheur, au travers des bocages de myrtes et des nuages de nard et d’encens ; solitudes de parfums où la nature dans sa jeunesse se livre à tous ses caprices. Adam, assis à la porte de son berceau, aperçut le divin messager. Aussitôt il s’écrie : Eve, accours ! viens voir ce qui est digne de ton admiration ! Regarde vers l’orient, parmi ces arbres. Aperçois-tu cette forme glorieuse qui semble se diriger vers notre berceau ? On la prendrait pour une autre aurore, qui se lève au milieu du jour."

 

Ici Milton, presque aussi gracieux que Virgile, l’emporte sur lui par la sainteté et la grandeur. Raphaël est plus beau que Vénus, Eden plus enchanté que les bois de Carthage, et Enée est un froid et triste personnage auprès du majestueux Adam.

Voici un ange mystique de Klopstock :

" Soudain le premier-né des trônes descend vers Gabriel, pour le conduire vers le Très Haut. L’Éternel le nomme Élu, et le ciel Eloa. Plus parfait que tous les êtres créés, il occupe la première place près de l’Être infini. Une de ses pensées est belle comme l’âme entière de l’homme, lorsque, digne de son immortalité, elle médite profondément. Son regard est plus beau que le matin d’un printemps, plus doux que la clarté des étoiles, lorsque, brillantes de jeunesse, elles se balancèrent près du trône céleste avec tous leurs flots de lumière. Dieu le créa le premier. Il puisa dans une gloire céleste son corps aérien. Lorsqu’il naquit, tout un ciel de nuages flottait autour de lui ; Dieu lui-même le souleva dans ses bras, et lui dit en le bénissant : "Créature, me voici."

 

Raphaël est l’ange extérieur, Eloa l’ange intérieur : les Mercure et les Apollon de la mythologie nous semblent moins divins que ces génies du christianisme.

 

Plusieurs fois les dieux en viennent aux mains dans Homère ; mais, comme nous l’avons déjà remarqué, on ne trouve rien dans l’Iliade qui soit supérieur au combat que Satan s’apprête à livrer à Michel dans le Paradis terrestre, ni à la déroute des légions foudroyées par Emmanuel : plusieurs fois les divinités païennes sauvent leurs héros favoris en les couvrant d’une nuée ; mais cette machine a été très heureusement transportée par le Tasse à la poésie chrétienne, lorsqu’il introduit Soliman dans Jérusalem. Ce char enveloppé de vapeurs, ce voyage invisible d’un enchanteur et d’un héros au travers du camp des chrétiens, cette porte secrète d’Hérode, ces souvenirs des temps antiques jetés au milieu d’une narration rapide, ce guerrier qui assiste à un conseil sans être vu, et qui se montre seulement pour déterminer Solyme aux combats, tout ce merveilleux, quoique du genre magique, est d’une excellence singulière.

 

On objectera peut-être que dans les peintures voluptueuses le paganisme doit au moins avoir la préférence. Et que ferons-nous donc d’Armide ? Dirons-nous qu’elle est sans charmes, lorsque, penchée sur le front de Renaud endormi, le poignard échappe à sa main, et que sa haine se change en amour ? Préférerons-nous Ascagne caché par Vénus dans les bois de Cythère au jeune héros du Tasse enchaîné avec des fleurs et transporté sur un nuage aux îles Fortunées ? Ces jardins, dont le seul défaut est d’être trop enchantés, ces amours, qui ne manquent que d’un voile, ne sont pas assurément des tableaux si sévères. On retrouve dans cet épisode jusqu’à la ceinture de Vénus, tant et si justement regrettée. Au surplus, si des critiques chagrins voulaient absolument bannir la magie, les anges des ténèbres pourraient exécuter eux-mêmes ce qu’Armide fait par leur moyen.

 

On y est autorisé par l’histoire de quelques-uns de nos saints, et le démon des voluptés a toujours été regardé comme un des plus dangereux et des plus puissants de l’abîme.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre X - Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage. — Raphaël au berceau d’Eden

 

Renaud et Armide, Nicolas Poussin (1594, Les Andelys - 1665, Rome)

Renaud et Armide, Nicolas Poussin (1594, Les Andelys - 1665, Rome)

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 11:00

Des préceptes passons aux exemples. En reprenant ce que nous avons dit dans les précédents chapitres, nous commencerons par le caractère attribué aux mauvais anges, et nous citerons le Satan de Milton.

 

Avant le poète anglais, le Dante et le Tasse avaient peint le monarque de l’enfer. L’imagination du Dante, épuisée par neuf cercles de tortures, n’a fait de Satan enclavé au centre de la terre qu’un monstre odieux ; le Tasse, en lui donnant des cornes, l’a presque rendu ridicule. Entraîné par ces autorités, Milton a eu un moment le mauvais goût de mesurer son Satan, mais il se relève bientôt d’une manière sublime. Écoutez le prince des ténèbres s’écrier, du haut de la montagne de feu d’où il contemple pour la première fois son empire :

" Adieu, champs fortunés qu’habitent les joies éternelles ! Horreurs ! je vous salue ! je vous salue, monde infernal ! Abîme, reçois ton nouveau monarque. Il t’apporte un esprit que ni temps ni lieux ne changeront jamais. Du moins ici nous serons libres, ici nous régnerons : régner même aux enfers est digne de mon ambition."

Quelle manière de prendre possession des gouffres de l’enfer !

 

Le conseil infernal étant assemblé, le poète représente Satan au milieu de son sénat :

" Ses formes conservaient une partie de leur primitive splendeur ; ce n’était rien moins encore qu’un archange tombé, une gloire un peu obscurcie, comme lorsque le soleil levant, dépouillé de ses rayons, jette un regard horizontal à travers les brouillards du matin, ou tel que, dans une éclipse, cet astre, caché derrière la lune, répand sur une moitié des peuples un crépuscule funeste et tourmente les rois par la frayeur des révolutions. Ainsi paraissait l’archange obscurci, mais encore brillant, au-dessus des compagnons de sa chute : toutefois, son visage était labouré par les cicatrices de la foudre, et les chagrins veillaient sur ses joues décolorées."

 

Achevons de connaître le caractère de Satan. Échappé de l’enfer, et parvenu sur la terre, il est saisi de désespoir en contemplant les merveilles de l’univers ; il apostrophe le soleil.

" Ô toi qui, couronné d’une gloire immense, laisses du haut de ta domination solitaire tomber tes regards comme le Dieu de ce nouvel univers ; toi devant qui les étoiles cachent leur tête humiliée, j’élève une voix vers toi, mais non pas une voix amie ; je ne prononce ton nom, ô soleil ! que pour te dire combien je hais tes rayons. Ah ! ils me rappellent de quelle hauteur je suis tombé, et combien jadis je brillais glorieux au-dessus de ta sphère ! L’orgueil et l’ambition m’ont précipité. J’osai, dans le ciel même, déclarer la guerre au Roi du ciel. Il ne méritait pas un pareil retour, lui qui m’avait fait ce que j’étais dans un rang éminent. Élevé si haut, je dédaignai d’obéir ; je crus qu’un pas de plus me porterait au rang suprême et me déchargerait en un moment de la dette immense d’une reconnaissance éternelle. Oh ! pourquoi sa volonté toute-puissante ne me créa-t-elle au rang de quelque ange inférieur ! je serais encore heureux, mon ambition n’eût point été nourrie par une espérance illimitée. Misérable ! où fuir une colère infinie, un désespoir infini ? L’enfer est partout où je suis, moi-même je suis l’enfer. Ô Dieu, ralentis tes coups ! N’est-il aucune voie laissée au repentir, aucune à la miséricorde, hors l’obéissance ? L’obéissance ! L’orgueil me défend ce mot. Quelle honte pour moi devant les esprits de l’abîme ! Ce n’était pas par des promesses de soumission que je les séduisis, lorsque j’osai me vanter de subjuguer le Tout-Puissant. Ah ! tandis qu’ils m’adorent sur le trône des enfers, ils savent peu combien je paye cher ces paroles superbes, combien je gémis intérieurement sous le fardeau de mes douleurs. Mais si je me repentais, si, par un acte de la grâce divine, je remontais à ma première place ? Un rang élevé rappellerait bientôt des pensées ambitieuses ; les serments d’une feinte soumission seraient bientôt démentis ! Le tyran le sait ; il est aussi loin de m’accorder la paix que je suis loin de demander grâce. Adieu donc, espérance, et avec toi, adieu, crainte et remords ! tout est perdu pour moi. Mal, sois mon unique bien ! Par toi du moins avec le Roi du ciel je partagerai l’empire ; peut-être même régnerai-je sur plus d’une moitié de l’univers, comme l’homme et ce monde nouveau l’apprendront en peu de temps."

 

Quelle que soit notre admiration pour Homère, nous sommes obligé de convenir qu’il n’a rien de comparable à ce passage de Milton. Lorsque, avec la grandeur du sujet, la beauté de la poésie, l’élévation naturel des personnages, on montre une connaissance aussi profonde des passions, il ne faut rien demander de plus au génie. Satan se repentant à la vue de la lumière qu’il hait, parce qu’elle lui rappelle combien il fut élevé au-dessus d’elle, souhaitant ensuite d’avoir été créé dans un rang inférieur, puis s’endurcissant dans le crime par orgueil, par honte, par méfiance même de son caractère ambitieux ; enfin, pour tout fruit de ses réflexions, et comme pour expier un moment de remords, se chargeant de l’empire du mal pendant toute une éternité : voilà, certes, si nous ne nous trompons, une des conceptions les plus sublimes et les plus pathétiques qui soient jamais sorties du cerveau d’un poète.

 

Nous sommes frappé dans ce moment d’une idée que nous ne pouvons taire. Quiconque a quelque critique et un bon sens pour l’histoire pourra reconnaître que Milton a fait entrer dans le caractère de son Satan les perversités de ces hommes qui, vers le commencement du dix-septième siècle, couvrirent l’Angleterre de deuil : on y sent la même obstination, le même enthousiasme, le même orgueil, le même esprit de rébellion et d’indépendance ; on retrouve dans le monarque infernal ces fameux niveleurs qui, se séparant de la religion de leur pays, avaient secoué le joug de tout gouvernement légitime et s’étaient révoltés à la fois contre Dieu et contre les hommes.

 

Milton lui-même avait partagé cet esprit de perdition ; et pour imaginer un Satan aussi détestable il fallait que le poète en eût vu l’image dans ces réprouvés qui firent si longtemps de leur patrie le vrai séjour des démons.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre IX - Application des principes établis dans les chapitres précédents. — Caractère de Satan

 

Le Jugement Dernier, Giotto, Église de l'Arena de Padoue

Le Jugement Dernier, Giotto, Église de l'Arena de Padoue

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10 juin 2015 3 10 /06 /juin /2015 11:00

Tel est le merveilleux qu’on peut tirer de nos saints, sans parler des diverses histoires de leur vie.

 

On découvre ensuite dans la hiérarchie des anges, doctrine aussi ancienne que le monde, mille tableaux pour le poète. Non seulement les messagers du Très Haut portent ses décrets d’un bout de l’univers à l’autre ; non seulement ils sont les invisibles gardiens des hommes, ou prennent pour se manifester à eux les formes les plus aimables ; mais encore la religion nous permet d’attacher des anges protecteurs à la belle nature ainsi qu’aux sentiments vertueux. Quelle innombrable troupe de divinités vient donc tout à coup peupler les mondes !

 

Chez les Grecs le ciel finissait au sommet de l’Olympe, et leurs dieux ne s’élevaient pas plus haut que les vapeurs de la terre. Le merveilleux chrétien, d’accord avec la raison, les sciences et l’expansion de notre âme, s’enfonce de monde en monde, d’univers en univers, dans des espaces où l’imagination, effrayée, frissonne et recule. En vain les télescopes fouillent tous les coins du ciel, en vain ils poursuivent la comète au delà de notre système, la comète enfin leur échappe, mais elle n’échappe pas à l’archange qui la roule à son pôle inconnu, et qui au siècle marqué la ramènera par des voies mystérieuses jusque dans le foyer de notre soleil.

 

Le poète chrétien est le seul initié au secret de ces merveilles. De globe en globe, de soleil en soleil, avec les Séraphins, les Trônes, les Ardeurs, qui gouvernent les mondes, l’imagination fatiguée redescend enfin sur la terre comme un fleuve qui par une cascade magnifique épanche ses flots d’or à l’aspect d’un couchant radieux. On passe alors de la grandeur à la douceur des images : sous l’ombrage, des forêts on parcourt l’empire de l’Ange de la solitude ; on retrouve dans la clarté de la lune le Génie des rêveries du cœur ; on entend ses soupirs dans le frémissement des bois et dans les plaintes de Philomèle. Les roses de l’aurore ne sont que la chevelure de l’Ange du matin. L’Ange de la nuit repose au milieu des cieux, où il ressemble à la lune endormie sur un nuage ; ses yeux sont couverts d’un bandeau d’étoiles ; ses talons et son front sont un peu rougis de la pourpre de l’aurore et de celle du crépuscule ; l’Ange du silence le précède, et celui du mystère le suit. Ne faisons pas l’injure aux poètes de penser qu’ils regardent l’Ange des mers, l’Ange des tempêtes, l’Ange du temps, l’Ange de la mort, comme des génies désagréables aux Muses. C’est l’Ange des saintes amours qui donne aux vierges un regard céleste, et c’est l’Ange des harmonies qui leur fait présent des grâces ; l’honnête homme doit son cœur à l’Ange de la vertu, et ses lèvres à celui de la persuasion.

 

Rien n’empêche d’accorder à ces esprits bienfaisants des marques distinctives de leurs pouvoirs et de leurs offices : l’Ange de l’amitié, par exemple, pourrait porter une écharpe merveilleuse où l’on verrait fondus, par un travail divin, les consolations de l’âme, les dévouements sublimes, les paroles secrètes du cœur, les joies innocentes, les chastes embrassements, la religion, le charme des tombeaux et l’immortelle espérance.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre VIII - Des Anges

 

Tombeau de Goethe, Carl Gustav Carus (1789, Leipzig - 1869, Dresde)

Tombeau de Goethe, Carl Gustav Carus (1789, Leipzig - 1869, Dresde)

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 11:00

Il est certain que les poètes n’ont pas su tirer du merveilleux chrétien tout ce qu’il peut fournir aux muses. On se moque des saints et des anges ; mais les anciens eux-mêmes n’avaient-ils pas leurs demi-dieux ? Pythagore, Platon, Socrate recommandent le culte de ces hommes qu’ils appellent des héros. Honore les héros pleins de bonté et de lumière, dit le premier dans ses vers dorés. Et pour qu’on ne se méprenne pas à ce nom de héros, Hiéroclès l’interprète exactement comme le christianisme explique le nom de saint. "Ces héros pleins de bonté et de lumière pensent toujours à leur Créateur, et sont tout éclatants de la lumière qui rejaillit de la félicité dont ils jouissent en lui". - Et plus loin, "héros vient d’un mot grec qui signifie amour, pour marquer que, pleins d’amour pour Dieu, les héros ne cherchent qu’à nous aider à passer de cette vie terrestre à une vie divine et à devenir citoyens du ciel". Les Pères de l’Église appellent à leur tour les saints des héros : c’est ainsi qu’ils disent que le baptême est le sacerdoce des laïques, et qu’il fait de tous les chrétiens des rois et des prêtres de Dieu.

 

Et sans doute ce sont des héros, ces martyrs, qui, domptant les passions de leur cœur et bravant la méchanceté des hommes, ont mérité par ces travaux de monter au rang des puissances célestes. Sous le polythéisme, des sophistes ont paru quelquefois plus moraux que la religion de leur patrie : mais parmi nous jamais un philosophe, si sage qu’il ait été, n’a pu s’élever au-dessus de la morale chrétienne. Tandis que Socrate honorait la mémoire des justes, le paganisme offrait à la vénération des peuples des brigands dont la force corporelle était la seule vertu et qui s’étaient souillés de tous les crimes. Si quelquefois on accordait l’apothéose aux bons rois, Tibère et Néron avaient aussi leurs prêtres et leurs temples. Sacrés mortels, que l’Église de Jésus-Christ nous commande d’honorer, vous n’étiez ni des forts ni des puissants entre les hommes ! Nés souvent dans la cabane du pauvre, vous n’avez étalé aux yeux du monde que d’humbles jours et d’obscurs malheurs ! N’entendra-t-on jamais que des blasphèmes contre une religion qui, déifiant l’indigence, l’infortune, la simplicité et la vertu, a fait tomber à leurs pieds la richesse, le bonheur, la grandeur et le vice ?

 

Et qu’ont donc de si odieux à la poésie ces solitaires de la Thébaïde, avec leur bâton blanc et leur habit de feuilles de palmier ? Les oiseaux du ciel les nourrissent, les lions portent leurs messages ou creusent leurs tombeaux ; en commerce familier avec les anges, ils remplissent de miracles les déserts où fut Memphis. Horeb et Sinaï, le Carmel et le Liban, le torrent de Cédron et la vallée de Josaphat, redisent encore la gloire de l’habitant de la cellule et de l’anachorète du rocher. Les Muses aiment à rêver dans ces monastères remplis des ombres d’Antoine, de Pacôme, de Benoît, de Basile. Les premiers apôtres prêchant l’Evangile aux premiers fidèles dans les catacombes ou sous le dattier de Béthanie n’ont pas paru à Michel-Ange et à Raphaël des sujets si peu favorables au génie.

 

Nous tairons à présent, parce que nous en parlerons dans la suite, ces bienfaiteurs de l’humanité qui fondèrent les hôpitaux et se vouèrent à la pauvreté, à la peste, à l’esclavage, pour secourir des hommes, nous nous renfermerons dans les seules Ecritures, de peur de nous égarer dans un sujet si vaste et si intéressant. Josué, Elie, Isaïe, Jérémie, Daniel, tous ces prophètes enfin qui vivent d’une éternelle vie ne pourraient-ils pas faire entendre dans un poème leurs sublimes lamentations ? L’urne de Jérusalem ne se peut-elle encore remplir de leurs larmes ? N’y a-t-il plus de saules de Babylone pour y suspendre les harpes détendues ? Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante, une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards.

 

Mais quel essaim de vénérables ombres, à la voix d’une muse chrétienne, se réveille dans la caverne de Membré ? Abraham, Isaac, Jacob, Rebecca, et vous tous, enfants de l’Orient, rois, patriarches, aïeux de Jésus-Christ, chantez l’antique alliance de Dieu et des hommes ! Redites-nous cette histoire chère au ciel, l’histoire de Joseph et de ses frères. Le chœur des saints rois, David à leur tête ; l’armée des confesseurs et martyrs vêtus de robes éclatantes nous offriraient aussi leur merveilleux. Ces derniers présentent au pinceau le genre tragique dans sa plus grande élévation ; après la peinture de leurs tourments, nous dirions ce que Dieu fit pour ces victimes, et le don des miracles dont il honora leurs tombeaux.

 

Nous placerions auprès de ces illustres chœurs les chœurs des vierges célestes, les Geneviève de Brabant, les Pulchérie, les Rosalie, les Cécile, les Lucile, les Isabelle, les Eulalie. Le merveilleux du christianisme est plein de concordance ou de contrastes gracieux. On sait comment Neptune,

S’élevant sur la mer,

D’un mot calme les flots

 

Nos dogmes fournissent un autre genre de poésie. Un vaisseau est prêt à périr : l’aumônier, par des paroles qui délient les âmes, remet à chacun la peine de ses fautes ; il adresse au ciel la prière qui, dans un tourbillon, envoie l’esprit du naufragé au Dieu des orages. Déjà ! l’Océan se creuse pour engloutir les matelots ; déjà les vagues élevant leur triste voix entre les rochers, semblent commencer les chants funèbres ; tout à coup un trait de lumière perce la tempête : l’Etoile des mers, Marie, patronne des mariniers, paraît au milieu de la nue. Elle tient son enfant dans les bras, et calme les flots par un sourire : charmante religion, qui oppose à ce que la nature a de plus terrible ce que le ciel a de plus doux ! aux tempêtes de l’Océan, un petit enfant et une tendre mère !

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre VII - Des Saints

 

Vierge à L'Enfant, Fra Angelico

Vierge à L'Enfant, Fra Angelico

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 11:00

Les dieux du polythéisme, à peu près égaux en puissance, partageaient les mêmes haines et les mêmes amours. S’ils se trouvaient quelquefois opposés les uns aux autres, c’était seulement dans les querelles des mortels : ils se réconciliaient bientôt en buvant le nectar ensemble.

 

Le christianisme, au contraire, en nous instruisant de la vraie constitution des êtres surnaturels, nous a montré l’empire de la vertu éternellement séparé de celui du vice. Il nous a révélé des esprits de ténèbres machinant sans cesse la perte du genre humain, et des esprits de lumière uniquement occupés des moyens de le sauver. De là un combat éternel, dont l’imagination peut tirer une foule de beautés.

 

Ce merveilleux, d’un fort grand caractère, en fournit ensuite un second, d’une moindre espèce, à savoir : la magie. Celle-ci a été connue des anciens, mais sous notre culte elle a acquis comme machine poétique plus d’importance et d’étendue. Toutefois, on doit en user sobrement, parce qu’elle n’est pas d’un goût assez pur ; elle manque surtout de grandeur, car en empruntant quelque chose de son pouvoir aux hommes, ceux-ci lui communiquent leur petitesse.

 

Un autre trait distinctif de nos êtres surnaturels, surtout chez les puissances infernales, c’est l’attribution d’un caractère. Nous verrons incessamment quel usage Milton a fait du caractère d’orgueil donné par le christianisme au prince des ténèbres. Le poète, pouvant en outre attacher un ange du mal à chaque vice, dispose ainsi d’un essaim de divinités infernales. Il a même alors la véritable allégorie sans avoir la sécheresse qui l’accompagne, ces esprits pervers étant en effet des êtres réels et tels que la religion nous permet de les croire.

 

Mais si les démons se multiplient autant que les crimes des hommes ils peuvent aussi présider aux accidents terribles de la nature ; tout ce qu’il y a de coupable et d’irrégulier dans le monde moral et dans le monde physique est également de leur ressort. Il faudra seulement prendre garde, en les mêlant aux tremblements de terre, aux volcans ou aux ombres d’une forêt, de donner à ces scènes un caractère majestueux. Il faut qu’avec un goût exquis le poète sache faire distinguer le tonnerre du Très Haut du vain bruit que fait éclater un esprit perfide ; que le foudre ne s’allume que dans la main de Dieu, qu’il ne brille jamais dans une tempête excitée par l’enfer ; que celle-ci soit toujours sombre et sinistre ; que les nuages n’en soient point rougis par la colère et poussés par le vent de la justice, mais que leurs teintes soient blafardes et livides, comme celles du désespoir, et qu’ils ne se meuvent qu’au souffle impur de la haine. On doit sentir dans ces orages une puissance forte seulement pour détruire ; on y doit trouver cette incohérence, ce désordre, cette sorte d’énergie du mal, qui a quelque chose de disproportionné et de gigantesque, comme le chaos dont elle tire son origine.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre VI - Des Esprits de ténèbres

 

Pandemonium, John Martin (1789, Haydon Bridge - 1854, Douglas, Isle of Man)

Pandemonium, John Martin (1789, Haydon Bridge - 1854, Douglas, Isle of Man)

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6 juin 2015 6 06 /06 /juin /2015 17:00

C’est une chose merveilleuse que le Dieu de Jacob soit aussi le Dieu de l’Evangile ; que le Dieu qui lance la foudre soit encore le Dieu de paix et d’innocence.

 

Il donne aux fleurs leur aimable peinture :

Il fait naître et mûrir les fruits,

Et leur dispense avec mesure

Et la chaleur des jours et la fraîcheur des nuits.

 

Nous croyons n’avoir pas besoin de preuves pour montrer combien le Dieu des chrétiens est poétiquement supérieur au Jupiter antique. A la voix du premier les fleuves rebroussent leur cours, le ciel se roule comme un livre, les mers s’entrouvrent, les murs des cités se renversent, les morts ressuscitent, les plaies descendent sur les nations. En lui le sublime existe de soi-même, et il épargne le soin de le chercher. Le Jupiter d’Homère, ébranlant le ciel d’un signe de ses sourcils, est sans doute fort majestueux ; mais Jéhovah descend dans le chaos, et lorsqu’il prononce le fiat lux, le fabuleux fils de Saturne s’abîme et rentre dans le néant.

 

Si Jupiter veut donner aux autres dieux une idée de sa puissance, il les menace de les enlever au bout d’une chaîne : il ne faut à Jéhovah ni chaîne ni essai de cette nature.

 

Et quel besoin son bras a-t-il de nos secours ?

Que peuvent contre lui tous les rois de la terre ?

En vain ils s’uniraient pour lui faire la guerre :

Pour dissiper leur ligue, il n’a qu’à se montrer ;

Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer,

Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble

Il voit comme un néant tout l’univers ensemble,

Et les faibles mortels, vains jouets du trépas,

Sont tous devant ses yeux comme s’ils n’étaient pas.

 

Achille va paraître pour venger Patrocle. Jupiter déclare aux Immortels qu’ils peuvent se mêler au combat et prendre parti dans la mêlée. Aussitôt l’Olympe s’ébranle :

Deinon, etc.

" Le père des dieux et des hommes fait gronder sa foudre. Neptune, soulevant les ondes, ébranle la terre immense ; l’Ida secoue ses fondements et ses cimes ; ses fontaines débordent : les vaisseaux des Grecs, la ville des Troyens, chancellent sur le sol flottant."

Pluton sort de son trône ; il pâlit, il s’écrie, etc.

 

Ce morceau a été cité par les critiques comme le dernier effort du sublime. Les vers grecs sont admirables ; ils deviennent tour à tour le foudre de Jupiter, le trident de Neptune et le cri de Pluton. Il semble qu’on entende les gorges de l’Ida répéter le son des tonnerres : ces R et ces consonances en ôn, dont le vers est rempli, imitent le roulement de la foudre, interrompu par des espèces de silence : c’est ainsi que la voix du ciel, dans une tempête, meurt et renaît tour à tour dans la profondeur des bois. Un silence subit et pénible, des images vagues et fantastiques, succèdent au tumulte des premiers mouvements : on sent, après le cri de Pluton, qu’on est entré dans la région de la mort ; les expressions d’Homère se décolorent, elles deviennent froides, muettes et sourdes, et une multitude d’S sifflantes imitent le murmure de la voix inarticulée des ombres.

 

Ou prendrons-nous le parallèle, et la poésie chrétienne a-t-elle assez de moyens pour s’élever à ces beautés ? Qu’on en juge. C’est l’Eternel qui se peint lui-même :

" Sa colère a monté comme un tourbillon de fumée ; son visage a paru comme la flamme, et son courroux comme un feu ardent. Il a abaissé les cieux, il est descendu, et les nuages étaient sous ses pieds. Il a pris son vol sur les ailes des Chérubins ; il s’est élancé sur les vents. Les nuées amoncelées formaient autour de lui un pavillon de ténèbres : l’éclat de son visage les a dissipées, et une pluie de feu est tombée de leur sein. Le Seigneur a tonné du haut des cieux. Le Très Haut a fait entendre sa voix ; sa voix a éclaté comme un orage brûlant. Il a lancé ses flèches et dissipé mes ennemis ; il a redoublé ses foudres, qui les ont renversés. Alors les eaux ont été dévoilées dans leurs sources ; les fondements de la terre ont paru à découvert, parce que vous les avez menacés, Seigneur, et qu’ils ont senti le souffle de votre colère."

 

" Avouons-le, dit La Harpe, dont nous empruntons la traduction, il y a aussi loin de ce sublime à tout autre sublime, que de l’esprit de Dieu à l’esprit de l’homme. On voit ici la conception du grand dans son principe : le reste n’en est qu’une ombre, comme l’intelligence créée n’est qu’une faible émanation de l’intelligence créatrice ; comme la fiction, quand elle est belle, n’est encore que l’ombre de la vérité, et tire tout son mérite d’un fond de ressemblance."

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 4 - Du merveilleux, ou de la poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels ; Chapitre V - Caractère du vrai Dieu

 

Jean-François de La Harpe (Paris 1739 - 1803) élu en 1776 à l'Académie Française - " Soyons vrais, de nos maux n'accusons que nous-mêmes."

Jean-François de La Harpe (Paris 1739 - 1803) élu en 1776 à l'Académie Française - " Soyons vrais, de nos maux n'accusons que nous-mêmes."

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