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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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SALVE REGINA

9 mai 2015 6 09 /05 /mai /2015 11:00

Les siècles héroïques sont favorables à la poésie, parce qu’ils ont cette vieillesse et cette incertitude de tradition que demandent les Muses, naturellement un peu menteuses. Nous voyons chaque jour se passer sous nos yeux des choses extraordinaires sans y prendre aucun intérêt ; mais nous aimons à entendre raconter des faits obscurs qui sont déjà loin de nous. C’est qu’au fond les plus grands événements de la terre sont petits en eux-mêmes : notre âme, qui sent ce vice des affaires humaines, et qui tend sans cesse à l’immensité, tâche de ne les voir que dans le vague pour les agrandir.

 

Or, l’esprit des siècles héroïques se forme du mélange d’un état civil encore grossier et d’un état religieux porté à son plus haut point d’influence. La barbarie et le polythéisme ont produit les héros d’Homère ; la barbarie et le christianisme ont enfanté les chevaliers du Tasse.

 

Qui des héros ou des chevaliers méritent la préférence, soit en morale, soit en poésie ? C’est ce qu’il convient d’examiner.

 

En faisant abstraction du génie particulier des deux poètes et ne comparant qu’homme à homme, il nous semble que les personnages de la Jérusalem sont supérieurs à ceux de l’Iliade.

 

Quelle différence en effet entre les chevaliers si francs, si désintéressés, si humains, et des guerriers perfides, avares, cruels, insultant aux cadavres de leurs ennemis, poétiques enfin par leurs vices, comme les premiers le sont par leurs vertus !

 

Si par héroïsme on entend un effort contre les passions en faveur de la vertu, c’est sans doute Godefroi, et non pas Agamemnon, qui est le véritable héros. Or, nous demandons pourquoi le Tasse en peignant des chevaliers a tracé le modèle du parfait guerrier, tandis qu’Homère en représentant les hommes des temps héroïques n’a fait que des espèces de monstres ? C’est que le christianisme a fourni dès sa naissance le beau idéal moral ou le beau idéal des caractères, et que le polythéisme n’a pu donner cet avantage au chantre d’Ilion. Nous arrêterons un peu le lecteur sur ce sujet : il importe trop au fond de notre ouvrage pour hésiter à le mettre dans tout son jour.

 

Il y a deux sortes de beau idéal : le beau idéal moral, et le beau idéal physique : l’un et l’autre sont nés de la société.

 

L’homme très près de la nature, tel que le sauvage, ne le connaît pas ; il se contente, dans ses chansons, de rendre fidèlement ce qu’il voit. Comme il vit au milieu des déserts, ses tableaux sont nobles et simples ; on n’y trouve point de mauvais goût, mais aussi ils sont monotones, et les actions qu’ils expriment ne vont pas jusqu’à l’héroïsme.

 

Le siècle d’Homère s’éloignait déjà de ces premiers temps. Qu’un Canadien perce un chevreuil de ses flèches, qu’il le dépouille au milieu des forêts, qu’il étende la victime sur les charbons d’un chêne embrasé : tout est poétique dans ces mœurs. Mais dans la tente d’Achille il y a déjà des bassins, des broches, des vases ; quelques détails de plus, et Homère tombait dans la bassesse des descriptions, ou bien il entrait dans la route du beau idéal en commençant à cacher quelque chose.

 

Ainsi, à mesure que la société multiplia les besoins de la vie, les poètes apprirent qu’il ne fallait plus, comme par le passé, peindre tout aux yeux, mais voiler certaines parties du tableau.

 

Ce premier pas fait, ils virent encore qu’il fallait choisir, ensuite que la chose choisie était susceptible d’une forme plus belle, ou d’un plus bel effet dans telle ou telle position.

 

Toujours cachant et choisissant, retranchant ou ajoutant, ils se trouvèrent peu à peu dans des formes qui n’étaient plus naturelles, mais qui étaient plus parfaites que la nature : les artistes appelèrent ces formes le beau idéal.

 

On peut donc définir le beau idéal l’art de choisir et de cacher.

 

Cette définition s’applique également au beau idéal moral et au beau idéal physique. Celui-ci se forme en cachant avec adresse la partie infirme des objets ; l’autre, en dérobant à la vue certains côtés faibles de l’âme : l’âme a ses besoins honteux et ses bassesses comme le corps.

 

Et nous ne pouvons nous empêcher de remarquer qu’il n’y a que l’homme qui soit susceptible d’être représenté plus parfait que nature et comme approchant de la Divinité. On ne s’avise pas de peindre le beau idéal d’un cheval, d’un aigle, d’un lion Ceci nous fait entrevoir une preuve merveilleuse de la grandeur de nos fins et de l’immortalité de notre âme.

 

La société où la morale parvint le plus tôt à son développement dut atteindre le plus vite au beau idéal moral, ou, ce qui revient au même, au beau idéal des caractères : or, c’est ce qui distingue éminemment les sociétés formées dans la religion chrétienne. Il est étrange, et cependant rigoureusement vrai, que tandis que nos pères étaient des barbares pour tout le reste, la morale, au moyen de l’Évangile, s’était élevée chez eux à son dernier point de perfection : de sorte que l’on vit des hommes, si nous osons parler ainsi, à la fois sauvages par le corps et civilisés par l’âme.

 

C’est ce qui fait la beauté des temps chevaleresques, et ce qui leur donne la supériorité tant sur les siècles héroïques que sur les siècles tout à fait modernes.

 

Car si vous entreprenez de peindre les premiers âges de la Grèce, autant la simplicité des mœurs vous offrira des choses agréables, autant la barbarie des caractères vous choquera ; le polythéisme ne fournit rien pour changer la nature sauvage et l’insuffisance des vertus primitives.

 

Si au contraire vous chantez l’âge moderne, vous serez obligé de bannir la vérité de votre ouvrage et de vous jeter à la fois dans le beau idéal moral et dans le beau idéal physique. Trop loin de la nature et de la religion sous tous les rapports, on ne peut représenter fidèlement l’intérieur de nos ménages, et moins encore le fond de nos cœurs.

 

La chevalerie seule offre le beau mélange de la vérité et de la fiction.

 

D’une part, vous pouvez offrir le tableau des mœurs dans toute sa naïveté : un vieux château, un large foyer, des tournois, des joutes, des chasses, le son du cor, le bruit des armes, n’ont rien qui heurte le goût, rien qu’on doive ou choisir ou cacher.

 

Et, d’un autre côté, le poète chrétien, plus heureux qu’Homère, n’est point forcé de ternir sa peinture en y plaçant l’homme barbare ou l’homme naturel : le christianisme lui donne le parfait héros.

 

Ainsi, tandis que le Tasse est dans la nature relativement aux objets physiques, il est au-dessus de cette nature par rapport aux objets moraux.

 

Or, le vrai et l’idéal sont les deux sources de l’intérêt poétique : le touchant et le merveilleux.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères ; Chapitre XI - Le Guerrier. — Définition du beau idéal

 

Angélique se cache de Roger avec l’anneau (Roland furieux), Giovanni Bilivert, Galerie Palatine, Florence

Angélique se cache de Roger avec l’anneau (Roland furieux), Giovanni Bilivert, Galerie Palatine, Florence

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8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 11:00

Enée va consulter la Sibylle : arrêté au soupirail de l’antre, il attend les paroles de la prophétesse.

Cum virgo : Poscere fata, etc.

" Alors la vierge : Il est temps d’interroger le destin. Le dieu ! Voilà le dieu ! Elle dit, etc."

Enée adresse sa prière à Apollon ; la Sibylle lutte encore ; enfin le dieu la dompte, les cent portes de l’antre s’ouvrent en mugissant, et ces paroles se répandent dans les airs :

Ferunt responsa per auras :

O tandem magnis pelagi defuncte periclis !

" Ils ne sont plus, les périls de la mer : mais quel danger sur la terre ! etc."

 

Remarquez la rapidité de ces mouvements : Deus, ecce deus ! La Sibylle touche, saisit l’Esprit, elle en est surprise : Le dieu ! voilà le dieu ! c’est son cri. Ces expressions : Non vultus, non color unus, peignent excellemment le trouble de la prophétesse. Les tours négatifs sont particuliers à Virgile, et l’on peut remarquer en général qu’ils sont fort multipliés chez les écrivains d’un génie mélancolique. Ne serait-ce point que les âmes tendres et tristes sont naturellement portées à se plaindre, à désirer, à douter, à exprimer avec une sorte de timidité, et que la plainte, le désir, le doute et la timidité, sont des privations de quelque chose ? L’homme que l’adversité a rendu sensible aux peines d’autrui ne dit pas avec assurance : Je connais les maux, mais il dit, comme Didon : Non ignara mali. Enfin, les images favorites des poètes enclins à la rêverie sont presque toutes empruntées d’objets négatifs, tels que le silence des nuits, l’ombre des bois, la solitude des montagnes, la paix des tombeaux, qui ne sont que l’absence du bruit, de la lumière, des hommes et des inquiétudes de la vie.

 

Quelle que soit la beauté des vers de Virgile, la poésie chrétienne nous offre encore quelque chose de supérieur. Le grand prêtre des Hébreux, prêt à couronner Joas, est saisi de l’esprit divin dans le temple de Jérusalem :

Voilà donc quels vengeurs s’arment pour ta querelle !

Des prêtres, des enfants !… ô Sagesse éternelle !

Mais si tu les soutiens, qui peut les ébranler ?

Du tombeau, quand tu veux, tu sais nous rappeler ;

Tu frappes et guéris, tu perds et ressuscites.

Ils ne s’assurent point en leurs propres mérites,

Mais en ton nom, sur eux invoqué tant de fois,

En tes serments jurés au plus saint de leurs rois,

En ce temple où tu fais ta demeure sacrée,

Et qui doit du soleil égaler la durée.

Mais d’où vient que mon cœur frémit d’un saint effroi ?

Est-ce l’Esprit divin qui s’empare de moi ?

C’est lui-même : il m’échauffe ; il parle ; mes yeux s’ouvrent,

Et les siècles obscurs devant moi se découvrent.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cieux, écoutez ma voix ; Terre, prête l’oreille :

Ne dis plus, ô Jacob ! que ton Seigneur sommeille ;

Pécheurs, disparaissez, le Seigneur se réveille.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ?

Quel est dans le lieu saint ce pontife égorgé…

Pleure, Jérusalem, pleure, cité perfide,

Des prophètes divins malheureuse homicide !

De son amour pour toi ton Dieu s’est dépouillé ;

Ton encens à ses yeux est un encens souillé…

. . . . Où menez-vous ces enfants et ces femmes ?

Le Seigneur a détruit la reine des cités ;

Ses prêtres sont captifs, ses rois sont rejetés :

Dieu ne veut plus qu’on vienne à ses solennités.

Temple, renverse-toi ; cèdres, jetez des flammes.

Jérusalem, objet de ma douleur,

Quelle main en un jour t’a ravi tous tes charmes ?

Qui changera mes yeux en deux sources de larmes,

Pour pleurer ton malheur ?

 

Il n’est pas besoin de commentaire.

 

Puisque Virgile et Racine reviennent si souvent dans notre critique, tâchons de nous faire une idée juste de leur talent et de leur génie. Ces deux grands poètes ont tant de ressemblance, qu’ils pourraient tromper jusqu’aux yeux de la muse, comme ces jumeaux de l’Enéide qui causaient de douces méprises à leur mère.

 

Tous deux polissent leurs ouvrages avec le même soin, tous deux sont pleins de goût, tous deux hardis, et pourtant naturels dans l’expression, tous deux sublimes dans la peinture de l’amour ; et, comme s’ils s’étaient suivis pas à pas, Racine fait entendre dans Esther je ne sais quelle suave mélodie dont Virgile a pareillement rempli sa seconde églogue, mais toutefois avec la différence qui se trouve entre la voix de la jeune fille et celle de l’adolescent, entre les soupirs de l’innocence et ceux d’une passion criminelle.

 

Voilà peut-être en quoi Virgile et Racine se ressemblent : voici peut-être en quoi ils diffèrent.

 

Le second est en général supérieur au premier dans l’invention des caractères : Agamemnon, Achille, Oreste, Mithridate, Acomat, sont fort au-dessus des héros de l’Enéide. Enée et Turnus ne sont beaux que dans deux ou trois moments ; Mézence seul est fièrement dessiné.

 

Cependant, dans les peintures douces et tendres, Virgile retrouve son génie : Evandre, ce vieux roi d’Arcadie qui vit sous le chaume et que défendent deux chiens de berger, au même lieu où les Césars, entourés de prétoriens, habiteront un jour leurs palais ; le jeune Pallas, le beau Lausus, Nisus et Euryale, sont des personnages divins.

 

Dans les caractères de femmes, Racine reprend la supériorité : Agrippine est plus ambitieuse qu’Amate, Phèdre plus passionnée que Didon.

 

Nous ne parlons point d’Athalie, parce que Racine dans cette pièce ne peut être comparé à personne : c’est l’œuvre le plus parfait du génie inspiré par la religion.

 

Mais, d’un autre côté, Virgile a pour certains lecteurs un avantage sur Racine : sa voix, si nous osons nous exprimer ainsi, est plus gémissante et sa lyre plus plaintive. Ce n’est pas que l’auteur de Phèdre n’eût été capable de trouver cette sorte de mélodie des soupirs ; le rôle d’Andromaque, Bérénice tout entière, quelques stances des cantiques imités de l’Écriture, plusieurs strophes des chœurs d’Esther et d’Athalie, montrent ce qu’il aurait pu faire dans ce genre ; mais il vécut trop à la ville, pas assez dans la solitude. La cour de Louis XIV en lui donnant la majesté des formes et en épurant son langage lui fut peut-être nuisible sous d’autres rapports : elle l’éloigna trop des champs et de la nature.

 

Nous avons déjà remarqué qu’une des premières causes de la mélancolie de Virgile fut sans doute le sentiment des malheurs qu’il éprouva dans sa jeunesse. Chassé du toit paternel, il garda toujours le souvenir de sa Mantoue ; mais ce n’était plus le Romain de la république, aimant son pays à la manière dure et âpre des Brutus : c’était le Romain de la monarchie d’Auguste, le rival d’Homère et le nourrisson des Muses.

 

Virgile cultiva ce genre de tristesse en vivant seul au milieu des bois. Peut-être faut-il encore ajouter à cela des accidents particuliers. Nos défauts moraux ou physiques influent beaucoup sur notre humeur, et sont souvent la cause du tour particulier que prend notre caractère. Virgile avait une difficulté de prononciation ; il était faible de corps, rustique d’apparence. Il semble avoir eu dans sa jeunesse des passions vives, auxquelles ces imperfections naturelles purent mettre des obstacles. Ainsi des chagrins de famille, le goût des champs, un amour-propre en souffrance et des passions non satisfaites s’unirent pour lui donner cette rêverie qui nous charme dans ses écrits.

 

On ne trouve point dans Racine le diis aliter visum, le dulces moriens reminiscitur Argos, le Disce, puer, virtutem ex me - fortunam ex aliis, le Lyrnessi domus alta : sola Laurente sepulcrum. Il n’est peut-être pas inutile d’observer que ces mots attendrissants se trouvent presque tous dans les six derniers livres de l’Enéide, ainsi que les épisodes d’Evandre et de Pallas, de Mézence et de Lausus, de Nisus et d’Euryale. Il semble qu’en approchant du tombeau le Cygne de Mantoue mit dans ses accents quelque chose de plus céleste, comme les cygnes de l’Eurotas, consacrés aux Muses, qui avant d’expirer avaient, selon Pythagore, une vision de l’Olympe, et témoignaient leur ravissement par des chants harmonieux.

 

Virgile est l’ami du solitaire, le compagnon des heures secrètes de la vie. Racine est peut-être au-dessus du poète latin, parce qu’il a fait Athalie ; mais le dernier a quelque chose qui remue plus doucement le cœur. On admire plus l’un, on aime plus l’autre ; le premier a des douleurs trop royales, le second parle davantage à tous les rangs de la société. En parcourant les tableaux des vicissitudes humaines tracés par Racine, on croit errer dans les parcs abandonnés de Versailles : ils sont vastes et tristes, mais à travers leur solitude on distingue la main régulière des arts et les vestiges des grandeurs :

Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes,

Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes.

 

Les tableaux de Virgile, sans être moins nobles, ne sont pas bornés à de certaines perspectives de la vie ; ils représentent toute la nature : ce sont les profondeurs des forêts, l’aspect des montagnes, les rivages de la mer, où des femmes exilées regardent, en pleurant, l’immensité des flots :

. . . . . . Cunctaeque profundum

Pontum adspectabant flentes.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères ; Chapitre X - Suite du Prêtre. — La Sibylle.- Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine

 

Liseuse couronnée de fleurs, ou La Muse de Virgile, Corot, Musée du Louvre

Liseuse couronnée de fleurs, ou La Muse de Virgile, Corot, Musée du Louvre

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7 mai 2015 4 07 /05 /mai /2015 11:00

Ces caractères, que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poète, ceux du prêtre et du guerrier.

 

Si nous n’avions pas consacré à l’histoire du clergé et de ses bienfaits la quatrième partie de notre ouvrage, il nous serait aisé de faire voir à présent combien le caractère du prêtre, dans notre religion, offre plus de variété et de grandeur que le même caractère dans le polythéisme.

 

Que de tableaux à tracer depuis le pasteur du hameau jusqu’au pontife qui ceint la triple couronne pastorale ; depuis le curé de la ville jusqu’à l’anachorète du rocher ; depuis le Chartreux et le Trappiste jusqu’au docte Bénédictin ; depuis le Missionnaire et cette foule de religieux consacrés aux maux de l’humanité jusqu’au prophète de l’antique Sion ! L’ordre des vierges n’est ni moins varié ni moins nombreux : ces filles hospitalières qui consument leur jeunesse et leurs grâces au service de nos douleurs, ces habitantes du cloître qui élèvent à l’abri des autels les épouses futures des hommes, en se félicitant de porter elles-mêmes les chaînes du plus doux des époux, toute cette innocente famille sourit agréablement aux neuf Sœurs de la Fable. Un grand prêtre, un devin, une vestale, une sibylle, voilà tout ce que l’antiquité fournissait au poète ; encore ces personnages n’étaient-ils mêlés qu’accidentellement au sujet, tandis que le prêtre chrétien peut jouer un des rôles les plus importants de l’épopée.

 

M. de La Harpe a montré, dans sa Mélanie, ce que peut devenir le caractère d’un simple curé, traité par un habile écrivain. Shakespeare, Richardson, Goldsmith, ont mis le prêtre en scène avec plus ou moins de bonheur.

 

Quant aux pompes extérieures, nulle religion n’en offrit jamais de plus magnifiques que les nôtres La Fête-Dieu, Noël, Pâques, la Semaine-Sainte, la fête des Morts, les Funérailles, la Messe et mille autres cérémonies fournissent un sujet inépuisable de descriptions. Certes, les Muses modernes qui se plaignent du christianisme n’en connaissent pas les richesses. Le Tasse a décrit une procession dans la Jérusalem, et c’est un des plus beaux tableaux de son poème.

 

Enfin, le sacrifice antique n’est pas même banni du sujet chrétien, car il n’y a rien de plus facile, au moyen d’un épisode, d’une comparaison ou d’un souvenir, que de rappeler un sacrifice de l’ancienne loi.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères ; Chapitre IX - Caractères sociaux. — Le Prêtre

 

Portrait d'un moine, Jan Gossart, Musée du Louvre, Aile Richelieu, 2e étage, salle 9

Portrait d'un moine, Jan Gossart, Musée du Louvre, Aile Richelieu, 2e étage, salle 9

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6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 11:00

Iphigénie et Zaïre offrent, pour le caractère de la fille, un parallèle intéressant. L’une et l’autre, sous le joug de l’autorité paternelle, se dévouent à la religion de leur pays. Agamemnon, il est vrai, exige d’Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaïre que d’oublier son amour ; mais pour une femme passionnée vivre et renoncer à l’objet de ses vœux, c’est peut-être une condition plus douloureuse que la mort. Les deux situations peuvent donc se balancer quant à l’intérêt naturel : voyons s’il en est ainsi de l’intérêt religieux.

 

Agamemnon, en obéissant aux dieux, ne fait, après tout, qu’immoler sa fille à son ambition. Pourquoi la jeune Grecque se dévouerait-elle à Neptune ? N’est-ce pas un tyran qu’elle doit détester ? Le spectateur prend parti pour Iphigénie contre le Ciel. La pitié et la terreur s’appuient donc uniquement, dans cette situation, sur l’intérêt naturel ; et si vous pouviez retrancher la religion de la pièce, il est évident que l’effet théâtral resterait le même.

 

Mais dans Zaïre, si vous touchez à la religion, tout est détruit. Jésus-Christ n’a pas soif de sang ; il ne veut pas le sacrifice d’une passion. A-t-il le droit de le demander, ce sacrifice ? Eh ! qui pourrait en douter ? N’est-ce pas pour racheter Zaïre qu’il a été attaché à une croix, qu’il a supporté l’insulte, les dédains et les injustices des hommes, qu’il a bu jusqu’à la lie le calice d’amertume ? Et Zaïre irait donner son cœur et sa main à ceux qui ont persécuté ce Dieu charitable ! à ceux qui tous les jours immolent les chrétiens ! à ceux qui retiennent dans les fers ce successeur de Bouillon, ce défenseur de la foi, ce père de Zaïre ! Certes, la religion n’est pas inutile ici, et qui la supprimerait anéantirait la pièce.

 

Au reste, il nous semble que Zaïre, comme tragédie, est encore plus intéressante qu’Iphigénie, pour une raison que nous essayerons de développer. Ceci nous oblige de remonter au principe de l’art.

 

Il est certain qu’on ne doit élever sur le cothurne que les personnages pris dans les hauts rangs de la société. Cela tient à de certaines convenances, que les beaux-arts, d’accord avec le cœur humain, savent découvrir. Le tableau des infortunes que nous éprouvons nous-mêmes nous afflige sans nous instruire. Nous n’avons pas besoin d’aller au spectacle pour y apprendre les secrets de notre famille ; la fiction ne peut nous plaire quand la triste réalité habite sous notre toit. Aucune morale ne se rattache d’ailleurs à une pareille imitation : bien au contraire, car en voyant le tableau de notre état ou nous tombons dans le désespoir, ou nous envions un état qui n’est pas le nôtre. Conduisez le peuple au théâtre : ce ne sont pas des hommes sous le chaume et des représentations de sa propre indigence qu’il lui faut : il vous demande des grands sur la pourpre ; son oreille veut être remplie de noms éclatants et son œil occupé du malheur de rois.

 

La morale, la curiosité, la noblesse de l’art, la pureté du goût, et peut-être la nature envieuse de l’homme, obligent donc de prendre les acteurs de la tragédie dans une condition élevée. Mais si la personne doit être distinguée, sa douleur doit être commune, c’est-à-dire d’une nature à être sentie de tous. Or, c’est en ceci que Zaïre nous paraît plus touchante qu’Iphigénie.

 

Que la fille d’Agamemnon meure pour faire partir une flotte, le spectateur ne peut guère s’intéresser à ce motif. Mais la raison presse dans Zaïre, et chacun peut éprouver le combat d’une passion contre un devoir. De là dérive cette règle dramatique : qu’il faut, autant que possible, fonder l’intérêt de la tragédie non sur une chose, mais sur un sentiment, et que le personnage doit être éloigné du spectateur par son rang, mais près de lui par son malheur.

 

Nous pourrions maintenant chercher dans le sujet d’Iphigénie traité par Racine les traits du pinceau chrétien ; mais le lecteur est sur la voie de ces études, et il peut la suivre : nous ne nous arrêterons plus que pour faire une observation.

 

Le père Brumoy a remarqué qu’Euripide en donnant à Iphigénie la frayeur de la mort et le désir de se sauver a mieux parlé selon la nature que Racine, dont l’Iphigénie semble trop résignée. L’observation est bonne en soi ; mais ce que le père Brumoy n’a pas vu, c’est que l’Iphigénie moderne est la fille chrétienne. Son père et le Ciel ont parlé, il ne reste plus qu’à obéir. Racine n’a donné ce courage à son héroïne que par l’impulsion secrète d’une institution religieuse qui a changé le fond des idées et de la morale. Ici le christianisme va plus loin que la nature, et par conséquent est plus d’accord avec la belle poésie, qui agrandit les objets et aime un peu l’exagération. La fille d’Agamemnon, étouffant sa passion et l’amour de la vie, intéresse bien davantage qu’Iphigénie pleurant son trépas. Ce ne sont pas toujours les choses purement naturelles qui touchent : il est naturel de craindre la mort, et cependant une victime qui se lamente sèche les pleurs qu’on versait pour elle. Le cœur humain veut plus qu’il ne peut ; il veut surtout admirer : il a en soi-même un élan vers une beauté inconnue, pour laquelle il fut créé dans son origine.

 

La religion chrétienne est si heureusement formée, qu’elle est elle-même une sorte de poésie, puisqu’elle place les caractères dans le beau idéal : c’est ce que prouvent nos martyrs chez nos peintres, les chevaliers chez nos poètes, etc. Quant à la peinture du vice, elle peut avoir dans le christianisme la même vigueur que celle de la vertu, puisqu’il est vrai que le crime augmente en raison du plus grand nombre de liens que le coupable a rompus. Ainsi les muses, qui haïssent le genre médiocre et tempéré, doivent s’accommoder infiniment d’une religion qui montre toujours ses personnages au-dessus ou au-dessous de l’homme.

 

Pour achever le cercle des caractères naturels, il faudrait parler de l’amitié fraternelle, mais ce que nous avons dit du fils et de la fille s’applique également à deux frères, ou à un frère et à une sœur. Au reste, c’est dans l’Écriture qu’on trouve l’histoire de Caïn et d’Abel, cette grande et première tragédie qu’ait vue le monde : nous parlerons ailleurs de Joseph et de ses frères.

 

En un mot, le christianisme n’enlève rien au poète des caractères naturels, tels que pouvait les représenter l’antiquité, et il offre, de plus, son influence sur ces mêmes caractères. Il augmente donc nécessairement la puissance, puisqu’il augmente le moyen, et multiplie les beautés dramatiques, en multipliant les sources dont elles émanent.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères ; Chapitre VIII - La Fille. — Iphigénie

 

Le sacrifice d'iphigénie, François Perrier (1594, Pontarlier - 1649, Paris), Musée des Beaux-Arts, Dijon

Le sacrifice d'iphigénie, François Perrier (1594, Pontarlier - 1649, Paris), Musée des Beaux-Arts, Dijon

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5 mai 2015 2 05 /05 /mai /2015 11:00

Voltaire va nous fournir encore le modèle d’un autre caractère chrétien, le caractère du fils. Ce n’est ni le docile Télémaque avec Ulysse, ni le fougueux Achille avec Pélée : c’est un jeune homme passionné, dont la religion combat et subjugue les penchants.

 

Alzire, malgré le peu de vraisemblance des mœurs, est une tragédie fort attachante ; on y plane au milieu de ces régions de la morale chrétienne, qui, s’élevant au-dessus de la morale vulgaire, est d’elle-même une divine poésie. La paix qui règne dans l’âme d’Alvarez n’est point la seule paix de la nature. Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps.

 

L’autorité qu’emploie Alvarez est d’une autre espèce : il met en oubli son âge et son pouvoir paternel, pour ne parler qu’au nom de la religion. Il ne cherche pas à détourner Guzman d’un crime particulier ; il lui conseille une vertu générale, la charité, d’humanité céleste, que le Fils de l’Homme a fait descendre sur la terre, et qui n’y habitait point avant l’établissement du christianisme. Enfin Alvarez, commandant à son fils comme père, et lui obéissant comme sujet, est un de ces traits de haute morale, aussi supérieure à la morale des anciens que les Évangiles surpassent les dialogues de Platon pour l’enseignement des vertus.

 

Achille mutile son ennemi, et l’insulte après l’avoir abattu. Guzman est aussi fier que le fils de Pélée : percé de coups par la main de Zamore, expirant à la fleur de l’âge, perdant à la fois une épouse adorée et le commandement d’un vaste empire, voici l’arrêt qu’il prononce sur son rival et son meurtrier, triomphe éclatant de la religion et de l’exemple paternel sur un fils chrétien :

 

(A Alvarez.)

Le Ciel qui veut ma mort et qui l’a suspendue,

Mon père, en ce moment m’amène à votre vue.

Mon âme fugitive et prête à me quitter

S’arrête devant vous… mais pour vous imiter.

Je meurs ; le voile tombe, un nouveau jour m’éclaire :

Je ne me suis connu qu’au bout de ma carrière.

J’ai fait jusqu’au moment qui me plonge au cercueil

Gémir l’humanité du poids de mon orgueil.

Le Ciel venge la terre : il est juste, et ma vie

Ne peut payer le sang dont ma main s’est rougie.

Le bonheur m’aveugla, la mort m’a détrompé ;

Je pardonne à la main par qui Dieu m’a frappé :

J’étais maître en ces lieux, seul j’y commande encore,

Seul je puis faire grâce, et la fais à Zamore.

Vis, superbe ennemi ; sois libre, et te souvien

Quel fut et le devoir et la mort d’un chrétien.

 

(A Montèze, qui se jette à ses pieds.)

Montèze, Américains, qui fûtes mes victimes,

Songez que ma clémence a surpassé mes crimes ;

Instruisez l’Amérique, apprenez à ses rois

Que les chrétiens sont nés pour leur donner des lois.

 

(A Zamore.)

Des dieux que nous servons connais la différence :

Les tiens t’ont commandé le meurtre et la vengeance,

Et le mien, quand ton bras vient de m’assassiner,

M’ordonne de te plaindre et de te pardonner.

 

A quelle religion appartiennent cette morale et cette mort ? Il règne ici un idéal de vérité au-dessus de tout idéal poétique. Quand nous disons un idéal de vérité, ce n’est point une exagération ; on sait que ces vers :

Des dieux que nous servons connais la différence, etc.,

sont les paroles mêmes de François de Guise. Quant au reste de la tirade, c’est la substance de la morale évangélique :

Je ne me suis connu qu’au bout de ma carrière.

J’ai fait jusqu’au moment qui me plonge au cercueil

Gémir l’humanité du poids de mon orgueil.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un trait seul n’est pas chrétien dans ce morceau :

Instruisez l’Amérique, apprenez à ses rois

Que les chrétiens sont nés pour leur donner des lois.

 

Le poète a voulu faire reparaître ici la nature et le caractère orgueilleux de Guzman : l’intention dramatique est heureuse ; mais prise comme beauté absolue, le sentiment exprimé dans ce vers est bien petit, au milieu des hauts sentiments dont il est environné ! Telle se montre toujours la pure nature auprès de la nature chrétienne. Voltaire est bien ingrat d’avoir calomnié un culte qui lui a fourni ses plus beaux titres à l’immortalité. Il aurait toujours dû se rappeler ce vers, qu’il avait fait sans doute par un mouvement involontaire d’admiration : Quoi donc ! les vrais chrétiens auraient tant de vertus !

 

Ajoutons tant de génie.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères  ; Chapitre VII - Le Fils. — Guzman

 

L’Archange Saint-Michel terrassant le démon, Delacroix, Chapelle des Saints-Anges de l'église Saint-Sulpice - " Dieu est en nous : c’est cette présence intérieure qui nous fait admirer le beau ". Delacroix, Journal, 1862

L’Archange Saint-Michel terrassant le démon, Delacroix, Chapelle des Saints-Anges de l'église Saint-Sulpice - " Dieu est en nous : c’est cette présence intérieure qui nous fait admirer le beau ". Delacroix, Journal, 1862

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 11:00

Vox in Rama audita est, dit Jérémie, ploratus et ululatus multus ; Rachel plorans filios suos, et noluit consolari, quia non sunt. "Une voix a été entendue sur la montagne, avec des pleurs et beaucoup de gémissements : c’est Rachel pleurant ses fils, et elle n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus." Comme ce quia non sunt est beau ! Une religion qui a consacré un pareil mot connaît bien le cœur maternel.

 

Le culte de la Vierge et l’amour de Jésus-Christ pour les enfants prouvent assez que l’esprit du christianisme a une tendre sympathie avec le génie des mères. Ici nous proposons d’ouvrir un nouveau sentier à la critique ; nous chercherons dans les sentiments d’une mère païenne, peinte par un auteur moderne, les traits chrétiens que cet auteur a pu répandre dans son tableau, sans s’en apercevoir lui-même. Pour démontrer l’influence d’une institution morale ou religieuse sur le cœur de l’homme, il n’est pas nécessaire que l’exemple rapporté soit pris à la racine même de cette institution : il suffit qu’il en décèle le génie : c’est ainsi que l’Élysée, dans le Télémaque, est visiblement un paradis chrétien.

 

Or, les sentiments les plus touchants de l’Andromaque de Racine émanent pour la plupart d’un poète chrétien. L’Andromaque de l’Iliade est plus épouse que mère ; celle d’Euripide a un caractère à la fois rampant et ambitieux, qui détruit le caractère maternel ; celle de Virgile est tendre et triste, mais c’est moins encore la mère que l’épouse : la veuve d’Hector ne dit pas : Astyanax ubi est, mais : Hector ubi est.

 

L’Andromaque de Racine est plus sensible, plus intéressante que l’Andromaque antique. Ce vers si simple et si aimable :

Je ne l’ai point encore embrassé d’aujourd’hui,

est le mot d’une femme chrétienne : cela n’est point dans le goût des Grecs, et encore moins des Romains. L’Andromaque d’Homère gémit sur les malheurs futurs d’Astyanax, mais elle songe à peine à lui dans le présent ; la mère, sous notre culte, plus tendre, sans être moins prévoyante, oublie quelquefois ses chagrins, en donnant un baiser à son fils. Les anciens n’arrêtaient pas longtemps les yeux sur l’enfance ; il semble qu’ils trouvaient quelque chose de trop naïf dans le langage du berceau. Il n’y a que le Dieu de l’Évangile qui ait osé nommer sans rougir les petits enfants (parvuli), et qui les ait offerts en exemple aux hommes :

Et accipiens puerum, statuit eum in medio eorum : quem cum complexus esset, ait illis :

Quisquis unum ex hujusmodi pueris receperit in nomine meo me recipit.

Et ayant pris un petit enfant, il l’assit au milieu d’eux, et l’ayant embrassé, il leur dit :

Quiconque reçoit en mon nom un petit enfant me reçoit.

 

Lorsque la veuve d’Hector dit à Céphise, dans Racine :

Qu’il ait de ses aïeux un souvenir modeste :

Il est du sang d’Hector, mais il en est le reste,

qui ne reconnaît la chrétienne ? C’est le deposuit potentes de sede. L’antiquité ne parle pas de la sorte, car elle n’imite que les sentiments naturels : or, les sentiments exprimés dans ces vers de Racine ne sont point purement dans la nature ; ils contredisent au contraire la voix du cœur. Hector ne conseille point à son fils d’avoir de ses aïeux un souvenir modeste ; en élevant Astyanax vers le ciel, il s’écrie :

" O Jupiter, et vous tous, dieux de l’Olympe, que mon fils règne, comme moi, sur Ilion ; faites qu’il obtienne l’empire entre les guerriers ; qu’en le voyant revenir chargé des dépouilles de l’ennemi, on s’écrie : Celui-ci est encore plus vaillant que son père !"

 

Enée dit à Ascagne :

Et te, animo repetentem exempla tuorum,

Et pater Aeneas, et avunculus excitet Hector.

A la vérité l’Andromaque moderne s’exprime à peu près comme Virgile sur les aïeux d’Astyanax. Mais après ce vers :

Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté,

elle ajoute :

Plutôt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils ont été.

Or, de tels préceptes sont directement opposés au cri de l’orgueil : on y voit la nature corrigée, la nature plus belle, la nature évangélique. Cette humilité que le christianisme a répandue dans les sentiments, et qui a changé pour nous le rapport des passions, comme nous le dirons bientôt, perce à travers tout le rôle de la moderne Andromaque.

 

Quand la veuve d’Hector, dans l’Iliade, se représente la destinée qui attend son fils, la peinture qu’elle fait de la future misère d’Astyanax a quelque chose de bas et de honteux ; l’humilité, dans notre religion, est bien loin d’avoir un pareil langage : elle est aussi noble qu’elle est touchante. Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie ; mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu, qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères  ; Chapitre VI - La Mère. — Andromaque

 

Andromaque pleurant Hector, Jacques-Louis David, Musée du Louvre

Andromaque pleurant Hector, Jacques-Louis David, Musée du Louvre

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2 mai 2015 6 02 /05 /mai /2015 11:00

Nous trouverons dans Zaïre un père à opposer à Priam. A la vérité, les deux scènes ne se peuvent comparer, ni pour la composition, ni pour la force du dessin, ni pour la beauté de la poésie ; mais le triomphe du christianisme n’en sera que plus grand, puisque lui seul, par le charme de ses souvenirs, peut lutter contre tout le génie d’Homère.

 

Voltaire lui-même ne se défend pas d’avoir cherché son succès dans la puissance de ce charme, puisqu’il écrit, en parlant de Zaïre : "Je tacherai de jeter dans cet ouvrage tout ce que la religion chrétienne semble avoir de plus pathétique et de plus intéressant." Un antique Croisé, chargé de malheur et de gloire, le vieux Lusignan, resté fidèle à sa religion au fond des cachots, supplie une jeune fille amoureuse d’écouter la voix du Dieu de ses pères : scène merveilleuse, dont le ressort gît tout entier dans la morale évangélique et dans les sentiments chrétiens :

 

Mon Dieu ! j’ai combattu soixante ans pour ta gloire ;

J’ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire ;

Dans un cachot affreux abandonné vingt ans,

Mes larmes t’imploraient pour mes tristes enfants :

Et lorsque ma famille est par toi réunie,

Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie !

Je suis bien malheureux ! — C’est ton père, c’est moi,

C’est ma seule prison qui t’a ravi ta foi…

Ma fille, tendre objet de mes dernières peines,

Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines :

C’est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi ;

C’est le sang des héros, défenseurs de ma loi,

C’est le sang des martyrs. — O fille encor trop chère !

Connais-tu ton destin ? Sais-tu quelle est ta mère ?

Sais-tu bien qu’à l’instant que son flanc mit au jour

Ce triste et dernier fruit d’un malheureux amour,

Je la vis massacrer par la main forcenée,

Par la main des brigands à qui tu t’es donnée ?

Tes frères, ces martyrs égorgés à mes yeux,

T’ouvrent leurs bras sanglants, tendus du haut des cieux.

Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes,

Pour toi, pour l’univers, est mort en ces lieux mêmes,

En ces lieux où mon bras le servit tant de fois,

En ces lieux où son sang te parle par ma voix.

Vois ces murs, vois ce temple envahi par tes maîtres :

Tout annonce le Dieu qu’ont vengé tes ancêtres.

Tourne les yeux : sa tombe est près de ce palais,

C’est ici la montagne où, lavant nos forfaits,

Il voulut expirer sous les coups de l’impie ;

C’est là que de sa tombe il rappela sa vie.

Tu ne saurais marcher dans cet auguste lieu,

Tu n’y peux faire un pas sans y trouver ton Dieu,

Et tu n’y peux rester sans renier ton père…

 

Une religion qui fournit de pareilles beautés à son ennemi mériterait pourtant d’être entendue avant d’être condamnée. L’antiquité ne présente rien de cet intérêt, parce qu’elle n’avait pas un pareil culte. Le polythéisme, ne s’opposant point aux passions, ne pouvait amener ces combats intérieurs de l’âme, si communs sous la loi évangélique, et d’où naissent les situations les plus touchantes.

 

Le caractère pathétique du christianisme accroît encore puissamment le charme de la tragédie de Zaïre. Si Lusignan ne rappelait à sa fille que des dieux heureux, les banquets et les joies de l’Olympe, cela serait d’un faible intérêt pour elle, et ne formerait qu’un dur contresens avec les tendres émotions que le poète cherche à exciter. Mais les malheurs de Lusignan, mais son sang, mais ses souffrances se mêlent aux malheurs, au sang et aux souffrances de Jésus-Christ. Zaïre pourrait-elle renier son Rédempteur au lieu même où il s’est sacrifié pour elle ? La cause d’un père et celle d’un Dieu se confondent ; les vieux ans de Lusignan, les tourments des martyrs deviennent une partie même de l’autorité de la religion : la Montagne et le Tombeau crient ; ici tout est tragique, les lieux, l’homme et la Divinité.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Deuxième Partie - Poétique du Christianisme ; Livre 2 - Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères  ; Chapitre V - Suite du Père. — Lusignan

 

Temps orageux sur la campagne romaine, Karl Blechen (1798, Cottbus - 1840, Berlin)

Temps orageux sur la campagne romaine, Karl Blechen (1798, Cottbus - 1840, Berlin)

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