Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

11 août 2011 4 11 /08 /août /2011 11:30

Nous ne devons pas manquer de signaler aussi ce phénomène si remarquable, qui surprend dès l'abord l'observateur des anciennes religions, savoir, la ressemblance frappante des formes religieuses employées par la plupart des peuples Gentils avec les rites liturgiques du peuple israélite. Ce fait est incontestable, et, ainsi qu'on l'a remarqué il y a longtemps, il a contribué puissamment à préparer les voies à l'établissement du culte chrétien, soit qu'on l'explique, avec la plupart des anciens Pères, par une suite de communications de ces peuples avec les Juifs, soit qu'on le considère comme un débris des traditions patriarcales dont le culte mosaïque n'était qu'un vaste développement.

 

 Quoi qu'il en soit, la plénitude des temps étant venue, le Verbe se fit Chair et habita parmi nous : il se donna à voir, à entendre, à toucher aux hommes, et, descendu du ciel pour créer des adorateurs en esprit et en vérité, il vint, non détruire, mais accomplir et perfectionner les traditions liturgiques. Après sa naissance, il fut circoncis, offert au temple, racheté. Dès l'âge de douze ans, il accomplit la visite du temple, et, plus tard, on l’y vit fréquemment venir offrir sa prière. Il remplit la carrière du jeûne de quarante jours ; il sanctifia le sabbat ; il consacra par son exemple la prière nocturne. A la dernière cène, où il célébra le grand Acte liturgique, et pourvut à son accomplissement futur jusqu'à la fin des siècles, il préluda par le lavement des pieds que les Pères ont appelé un mystère, et termina par un hymne solennel, avant de sortir pour aller au mont des Oliviers. Peu d'heures après, sa vie mortelle, qui n'était elle-même qu'un grand acte liturgique, se termina dans l'effusion du sang sur l'autel de la croix ; le voile de l'ancien temple se déchirant, ouvrit comme un passage à de nouveaux mystères, proclama un nouveau tabernacle,  une  arche  d'alliance  éternelle,   et désormais la Liturgie commença sa période complète en tant que culte de la terre.

 

Car le sacrifice ne cesse pas en ce jour, bien qu'il soit consommé. Du lever du soleil à son couchant, il devient perpétuel, quotidien, universel ; et non seulement le sacrifice, centre de la Liturgie, reste, mais une nouvelle naissance par l'eau est offerte au genre humain ; la visite de l'Esprit de sanctification est annoncée, ses dons sont communiqués aux Apôtres pour toute l'Église par l'insufflation et l'imposition des mains. Enfin, lorsque le Médiateur ressuscité a employé quarante jours à instruire ses disciples de tout ce qui regarde le royaume de Dieu, c'est-à-dire l'Église, lorsqu'il leur a dit solennellement, invoquant la puissance qui lui a été donnée au ciel et en terre : Allez, baptisez toutes les nations ; enseignes-leur à garder toutes les choses que je vous ai enjointes, il les quitte en montant au ciel, laissant ouvertes sur toutes les nations du monde sept sources principales de salut dans les sacrements, dont chacun contient une grâce agissante, mais invisible, en même temps qu'il la signifie à l'extérieur par les symboles les plus précis et les plus énergiques.

 

Jésus-Christ laissa donc sur la terre ses apôtres investis de son pouvoir, envoyés comme il avait été envoyé lui-même ; aussi s'annoncent-ils, non pas simplement comme propagateurs de la parole évangélique, mais comme ministres et dispensateurs des mystères. Le pouvoir liturgique était fondé et déclaré perpétuel pour veiller à la garde du dépôt des sacrements et des autres observances rituelles que le Pontife suprême avait établies, pour régler les rites qui devaient les rendre plus vénérables encore au peuple chrétien, pour étendre et appliquer, suivant les besoins de l'homme et de la société, cette grâce de sanctification qu'était venu apporter au monde Celui qui, comme le chante l'Église, ôtant la malédiction, a donné la bénédiction.

 

Les Apôtres durent donc établir et promulguer un ensemble de rites, ensemble supérieur sur tous les points à la Liturgie mosaïque. Tel était le génie de la nouvelle religion, comme de toute religion ; car, ainsi que le dit saint Augustin : "jamais on ne parviendra à réunir les hommes sous aucune forme ou appellation religieuse, vraie ou fausse, si on ne les lie par une association de sacrements visibles". C'est pourquoi le saint Concile de Trente, traitant dans sa XXIIe session des cérémonies augustes du saint sacrifice de la Messe, déclare, avec toute l'autorité de la science et de l'enseignement religieux, qu'il faut rapporter à l'institution apostolique les bénédictions mystiques, les cierges allumés, les encensements, les habits sacrés, et généralement tous les détails propres à relever la majesté de cette grande action, et à porter l'âme des fidèles à la contemplation des choses sublimes cachées dans ce profond mystère, au moyen de ces signes visibles de religion et de piété.

 

Or ce saint Concile n'était point amené à produire cette assertion par quelque conjecture incertaine, déduite de prémisses vagues, il parlait comme parlaient les premiers siècles. Il invoquait la tradition primitive, c'est-à-dire apostolique, comme l'avait si éloquemment invoquée Tertullien, dès le troisième siècle, pour rendre raison de tant de rites qui ne paraissaient point fondés sur la lettre des saints Évangiles, tels que le renoncement au démon avant le baptême, la triple immersion, la confession du baptisé dont elle était précédée ; la nourriture de lait et de miel qu'on lui donnait, l'obligation de s'abstenir du bain durant la semaine qui suivait le baptême ; la communion eucharistique fixée au matin, avant toute autre nourriture ; les oblations pour les défunts ; la défense de jeûner ou de prier à genoux, le dimanche et durant le temps pascal ; le soin tout particulier des espèces consacrées ; l'usage continuel du signe de la croix, etc. Saint Basile signale aussi la même tradition comme source des mêmes observances, auxquelles il ajoute, en manière d'exemple, les suivantes, ainsi de prier vers l'orient, de consacrer l'Eucharistie au milieu d'une formule d'invocation qui ne se trouve rapportée ni dans saint Paul, ni dans l'Évangile ; de bénir l'eau baptismale et l'huile de l'onction, etc. Et non seulement saint Basile et Tertullien, mais toute l'antiquité, sans exception, confesse expressément cette grande règle de saint Augustin devenue banale à force d'être répétée : Quod universa tenet ecclesia, nec conciliis institution, sed semper retentum est, non nisi auctoritate apostolica traditum rectissime creditur.

 

C'est pourquoi les protestants éclairés, en dépit des conséquences que les catholiques en peuvent tirer contre eux, ne font aucune difficulté de rapporter à l'institution apostolique les  rites  qui   accompagnent  la  célébration  des sacrés mystères, toutes les fois que ces rites présentent un caractère   d'universalité. Grotius   confesse  franchement qu'il ne voit pas le plus léger sujet d'en douter ; Grabe a va plus loin et déclare qu'il ne comprend pas comment un homme de sens se pourrait persuader un instant qu'il en pût être autrement. "Non, dit-il, que je prétende adjuger toutes les Liturgies dites Apostoliques à ceux dont elles portent les noms ; il suffit bien que les Apôtres aient été les auteurs, sinon les rédacteurs des  anciennes Liturgies". En quoi ils se trouvent pleinement d'accord l'un et l'autre avec le grand cardinal  Bona qui  résume admirablement toute cette question dans les paroles suivantes : "Il est dans toutes les Liturgies certaines choses sur lesquelles toutes les Églises conviennent, et qui sont telles que sans elles l'essence du sacrifice n'existerait pas, comme sont la préparation du pain et du vin, l'oblation, la consécration, la consommation, enfin la distribution du sacrement à ceux qui veulent communier. Ensuite, il y a d'autres parties importantes qui, bien qu'elles n'appartiennent pas à l'intégrité du sacrifice, se retrouvent cependant dans toutes les Liturgies, comme le chant des psaumes, la lecture de l'Écriture sainte, l'assistance des ministres, l'encensement, l'exclusion des catéchumènes et des profanes, la fraction de l'hostie, le souhait de paix, les prières multipliées, l'action de grâces et autres choses de cette nature."

 

Mais si les Apôtres doivent être incontestablement considérés comme les créateurs de toutes les formes liturgiques universelles, on n'est pas moins en droit de leur attribuer un grand nombre de celles qui, pour n'avoir qu'une extension bornée, ne se perdent pas moins, quant à leur origine, dans la nuit des temps. En effet, ils ont dû plus d'une fois assortir les institutions de ce genre, dans leur partie mobile, aux mœurs des pays, au génie des peuples, pour faciliter par cette condescendance la diffusion de l'Évangile : et c'est là l'unique manière d'expliquer les dissemblances profondes qui règnent entre certaines Liturgies d'Orient, qui sont l'œuvre plus ou moins directe d'un ou plusieurs apôtres, et les Liturgies d'Occident, dont l'une, celle de Rome, doit reconnaître saint Pierre pour son principal auteur. Ainsi encore pourra-t-on expliquer comment les Églises d'Asie, au second siècle, soutenaient, comme une tradition apostolique, leur manière de célébrer la Pâque, contraire à celle de l'Église romaine qui invoquait, avec raison, la tradition très certaine et très canonique du Prince des apôtres.

 

On est même en droit de conjecturer que le même Apôtre a pu, dans le cours de sa carrière de prédication, se trouver dans le cas d'employer des rites différents, à raison de la diversité des lieux qu'il évangélisait tour à tour. C'est la remarque du savant Père Lesleus dans l'excellente préface de son édition du Missel Mozarabe ; ce qu'il faut néanmoins toujours entendre, sauf la réserve des points sur lesquels on trouve accord universel dans toutes les Liturgies. Ces diversités n'ont donc rien qui doive surprendre : elles entraient dans les nécessités de l’époque apostolique, puisque, aujourd'hui même, l'unité fût-elle rétablie entre l'Orient et l'Occident, on n'oserait se flatter de les voir disparaître.

 

Concluons donc que ce n'est point une raison pour refuser d'admettre l'origine apostolique des Liturgies générales et particulières, de ce que celles qui portent les noms de saint Pierre, de saint Jacques, de saint Marc, etc., ne s'accordent ni entre elles, ni avec celles de l'Occident, dans les choses d'une importance secondaire, telles que l'ordre et la teneur des formules de supplication. On ne saurait non plus leur disputer cette même origine, sous prétexte que, dans l'état où elles sont aujourd'hui, elles présentent plusieurs choses qui paraissent visiblement avoir été ajoutées dans des temps postérieurs.

 

Les Apôtres tracèrent les  premières lignes, imprimèrent  la direction ; mais l'œuvre liturgique dut se perfectionner sous l'influence de l'Esprit de vérité qui était donné à l'Église pour résider en elle jusqu'à la fin des temps.

 

Telle est la manière saine d'envisager les controverses agitées plusieurs fois par des hommes doctes, à propos de ces Liturgies ; assez généralement on a excédé de part et d'autre, en soutenant des principes trop absolus.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE III : ÉTAT DE LA LITURGIE AU TEMPS DES APÔTRES 

 

Plaquette d'un coffret mozarabe   

Plaquette d'un Coffret Mozarabe, Xe s. Navarre, Musée du Moyen Âge, Paris

Partager cet article
Repost0
10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 11:30

Les questions de détail seront traitées à  leur place dans les volumes suivants, d'après l'ordre que les matières présenteront successivement d'elles-mêmes.

 

La Liturgie est une chose si excellente, que, pour en trouver le principe, il faut remonter jusqu'à Dieu ; car Dieu, dans la contemplation de ses perfections infinies, se loue et se glorifie sans cesse, comme il s'aime d'un amour éternel. Toutefois ces divers actes accomplis dans l'essence divine, n'ont eu d'expression visible et véritablement liturgique que du moment où une des trois Personnes ayant pris la nature humaine, a pu dès lors rendre les devoirs de la religion à la glorieuse Trinité.

 

Dieu a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique pour l'instruire dans l'accomplissement de l'œuvre liturgique. Après avoir été annoncée et préfigurée pendant quarante siècles, une prière divine a été offerte, un sacrifice divin a été accompli, et, maintenant encore et jusque dans l'éternité, l'Agneau immolé dès le commencement du monde s'offre sur l'autel sublime du ciel et rend d'une manière infinie à l'ineffable Trinité tous les devoirs de la religion, au nom des membres dont il est le Chef, lesquels confessent, supplient et glorifient avec lui, par la vertu du divin Esprit qui, les animant de son souffle et les couvrant de son ombre, forme en eux cet inénarrable gémissement qui retentit doucement dans les cœurs.

 

Infiniment au-dessous de l'Agneau, mais incomparablement au-dessus de toute autre créature, Marie, mère de Dieu, assistant en corps et en âme, afin que rien ne manque à la plénitude de son expression liturgique, offre à Dieu la prière la plus pure et la plus complète après celle du Fils de Dieu auprès duquel elle introduit les vœux de la création, les complétant de sa perfection propre, les rendant agréables de sa faveur toujours agréée.

 

Les chœurs des esprits angéliques célèbrent aussi la louange de Dieu. Ils ne cessent de crier alternativement : Saint, saint, saint ! Ils rendent tous les devoirs de la religion pour eux-mêmes, et aussi pour le reste de la création, particulièrement pour les hommes auxquels Dieu a, comme à eux, confié l'honneur de son service.

 

Les hommes élus et glorifiés, les saints, établis dans une harmonie parfaite de grâce et de gloire, chantent aussi la divine louange, continuant d'un ton plus fort et plus mélodieux encore leurs cantiques de la terre, et, afin que rien ne manque aux conditions de leur Liturgie, ils reprendront un jour leurs corps pour lui pouvoir donner une forme visible.

 

L'Église militante enfin loue Dieu avec l'Agneau qui est son époux et sur lequel elle est appuyée ; avec Marie, qui est sa miséricordieuse reine ; avec les anges, qui la gouvernent sous l'œil du Très-Haut ; avec les saints, qui l'aiment toujours d'une tendresse filiale, et la tirent d'en haut ; enfin dans cette demeure mortelle où la retiennent les décrets divins et qu'elle est appelée à sanctifier, elle remplit admirablement toutes les conditions de la Liturgie, ainsi que nous le ferons voir en détail dans ces Institutions.

 

Mais suivons d'abord les principes et les développements de cette Liturgie sous ses formes générales. Reconnaissons d'abord que le monde n'a jamais été sans elle : car, comme l'Eglise date du commencement du monde, suivant la doctrine de saint Augustin, la Liturgie date de ce même commencement. En effet, l'homme n'a point été sans connaître Dieu qui se révéla à lui tout d'abord; or, connaissant Dieu, il n'a point été sans l'adorer, sans le supplier, sans célébrer ses grandeurs et ses bienfaits, et ces sentiments n'ont point non plus été dans l'homme sans se produire par des paroles et des actes.

 

Dieu daigna révéler ces formes de la Liturgie, comme il donna à l'homme la pensée, comme il lui donna la parole, comme il se manifesta à lui en qualité d'auteur de la nature et d'auteur de la grâce et de la gloire. Aussi voyons-nous, dès l'origine, la Liturgie exercée par les premiers hommes dans le principal et le plus auguste de ses actes, le sacrifice. Malgré la différence de leurs hosties, et par la raison de cette différence même, Caïn et Abel attestent dans leurs offrandes diverses un ordre préétabli, un rite commun, quoique le sacrifice du second soit sanglant et que l'offrande du premier ne le soit pas.

 

Bientôt, à cette même époque antédiluvienne, si riche de communications divines, nous lisons d'Énos, homme juste et serviteur de Dieu, qu'il commença d'invoquer le nom du Seigneur, c'est-à-dire, comme l'ont entendu les Pères, à enrichir de développements plus vastes cette première forme qui remontait au jour même de la création de l'homme. Durant cette période, le sacrifice persévéra toujours ; car Noé, au sortir de l'Arche, pendant que l'arc du Seigneur resplendissait à l'horizon, immola en action de grâces plusieurs des animaux purs que, dans cette intention même, Dieu avait ordonné de conserver en plus grand nombre.

 

Ainsi le principe liturgique avait été sauvé du redoutable cataclysme qui engloutit pour jamais la plupart des souvenirs de ce premier monde ; il survécut avec le langage, avec les traditions sacrées des patriarches. Nous en voyons de fréquentes applications dans les pages si courtes du récit antémosaïque. Abraham, Isaac, Jacob, offrent des sacrifices d'animaux ; ils dédient au Seigneur les lieux où ils ont senti sa présence ; ils élèvent des pierres en autel ; ces pierres, comme aujourd'hui, ont besoin d'être inondées d'huile pour devenir dignes de recevoir la majesté de Dieu ; et non-seulement l'autel paraît, mais le sacrifice futur est montré de loin. Tout à coup, un Roi Pontife, tenant en ses mains le pain et le vin, offre une hostie pacifique, et avec tant de vérité, que la mémoire de son sacrifice et de sa consécration demeure pour être invoquée mille ans après, par un autre prophète-roi, mais non plus pontife, comme type du sacerdoce et du sacrifice du Messie à venir.

 

Durant toute cette époque primitive, les traditions liturgiques ne sont point flottantes et arbitraires, mais précises et déterminées : elles se reproduisent toujours les mêmes. On voit clairement qu'elles ne sont point de l'invention de l'homme, mais imposées par Dieu lui-même ; car le Seigneur loue Abraham d'avoir gardé non-seulement ses lois et ses préceptes, mais encore ses cérémonies.

 

La loi mosaïque fut ensuite promulguée en son temps, à l'effet de donner une forme plus précise encore et plus solennelle à la Liturgie, de créer un corps de Prêtres présidé par un Pontife souverain, de fixer, au moyen de règlements écrits, des traditions jusqu'alors conservées pures, mais dont la défection générale des peuples menaçait l'intégrité. Toutefois, avant que Moïse montât sur le Sinaï, où il devait recevoir cette loi, déjà l'Agneau pascal avait été immolé au milieu des rites les plus mystérieux, et déjà le chef des Hébreux avait chanté l'hymne du passage de la mer Rouge, pendant que Marie, à la tête du chœur des vierges d'Israël, l'accompagnait du son des instruments sacrés.

 

Dieu parle donc et révèle cet ensemble de rites dans lequel on voit figurer en un ordre admirable les diverses espèces de sacrifices, les expiations, l'offrande des prémices, le feu sacré, les thurifications, les habits sacerdotaux, etc. La Liturgie sort de l'enfance et passe à son âge intermédiaire, durant lequel elle ne devait plus être exercée sous une forme simplement domestique, mais sous une forme plus sociale, au moyen d'une tribu sacrée ; mais, d'autre part, ses symboles, si riches qu'ils fussent, ne devaient pas renfermer les réalités qu'ils signifiaient. Le développement de ce magnifique tableau n'entre point dans notre plan ; de nombreux et savants commentateurs s'en sont occupés dans des ouvrages spéciaux que tout le monde peut consulter.

 

D'ailleurs le Lévitique ne renfermait pas tous les détails rituels du culte mosaïque, non plus que les tables de la loi, toutes les croyances du peuple de Dieu. Beaucoup de particularités liturgiques se conservaient par la tradition ; tels sont le rite du cantique des degrés, la prière sept fois le jour et au milieu de la nuit,l’onction des rois, et mille autres faits épars dans les livres historiques et prophétiques de l'Ancien Testament.

 

Nous ne devons pas manquer de signaler aussi ce phénomène si remarquable, qui surprend dès l'abord l'observateur des anciennes religions, savoir, la ressemblance frappante des formes religieuses employées par la plupart des peuples Gentils avec les rites liturgiques du peuple israélite. Ce fait est incontestable, et, ainsi qu'on l'a remarqué il y a longtemps, il a contribué puissamment à préparer les voies à l'établissement du culte chrétien, soit qu'on l'explique, avec la plupart des anciens Pères, par une suite de communications de ces peuples avec les Juifs, soit qu'on le considère comme un débris des traditions patriarcales dont le culte mosaïque n'était qu'un vaste développement.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE III : ÉTAT DE LA LITURGIE AU TEMPS DES APÔTRES 

 

Moïse offrant un agneau

Moïse offrant un agneau, Bible, Initiale U du Lévitique, XIIIe s. - Montmajour, Abbaye Saint-Pierre 

Partager cet article
Repost0
9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 11:30

Ne craignons donc pas de le dire, la Liturgie renferme éminemment toute beauté de sentiment, de mélodie et de forme, non seulement à l'égal, mais infiniment au-dessus de tout ce qu'on pourrait lui comparer, à part les Livres saints. Nous en verrons à loisir la preuve.

 

 On sent aisément que de tout cet ensemble de confession, de prière et de louange, qui constitue la Liturgie, doit résulter la matière d'une science véritable ; science des Offices divins, c'est-à-dire de cette partie de la Liturgie qui consiste dans le sacrifice des lèvres (Hebr., XIII, 15) ; science du sacrifice réel avec tous ses rites et ses mystères ; science des sacrements, organes de la sanctification de l'homme ; science des bénédictions et des sacramentaux au moyen desquels toute créature est purifiée et réhabilitée par la vertu de la croix ; science enfin des supplications et autres rites solennels que l'Église emploie dans des occasions extraordinaires.

 

Mais si déjà cette simple énumération des forces et des moyens de la Religion nous place en regard d'un si vaste et si radieux ensemble, que sera-ce quand, poursuivant, à travers la tradition, dans les écrits des Pères, dans les ordonnances des conciles, dans les monuments de l'antiquité ecclésiastique, ces diverses formes du culte divin, nous sommes conduits à interroger tous les siècles et à enregistrer leurs réponses si belles d'unité et si fécondes en tout genre d'inspiration ? Telle est cependant la science liturgique telle qu'elle a été conçue, explorée, enseignée par tant de grands docteurs, dont les noms glorieux et les services immenses seront racontés plus loin.

 

Tous, sans doute, ne sont pas appelés à suivre dans la science liturgique une carrière  d'égale étendue, mais on peut affirmer, sans crainte d'être démenti, que, pour ne parler que des personnes ecclésiastiques, elle doit faire pour elles l'objet d'une étude non moins spéciale que la casuistique à laquelle, dans l'état présent, l'usage est en France de consacrer à peu près la moitié du temps assigné à l'éducation cléricale.

 

La récitation et souvent même la célébration des divins Offices ne forment-elles pas l'occupation journalière du Prêtre ? Quel plus grand intérêt pour lui que de pouvoir suivre la chaîne de merveilles qui se déroule dans la succession des fêtes et des temps de l'année chrétienne, de pouvoir briser les sceaux de ce livre journalier que l'Église d'aujourd'hui a reçu de l'Église des premiers siècles avec une tradition de mystères cachés et de chants admirables ? Le Prêtre monte chaque jour à l'autel pour y sacrifier l'Agneau immolé depuis le commencement du monde (Apoc, XIII, 8.) ; où comprendra-t-il mieux la sainteté, la grandeur de cette action, comme on l'appelait autrefois, où apprendra-t-il mieux la pureté de cœur qu'elle exige, qu'en étudiant la manière dont elle s'est exercée depuis la veille du jour où le Christ souffrit, jusqu'à ces temps plus rapprochés de nous où l'Église, mue par  l’Esprit-Saint, a fixé d'une manière irrévocable les rites, de la religion desquels elle a voulu environner le plus auguste des mystères ? Et les sacrements, sources divines du salut, et les sacramentaux par lesquels l'Église épanche sur le peuple fidèle la plénitude de sanctification qui est en elle ; si tant de doctes écrits ont été composés par les plus pieux et les plus savants hommes de l'Église, à l'effet d'en expliquer les rites, d'en éclaircir les formules, d'en développer toute la majesté, comment le Prêtre, ministre de toute cette dispensation à la fois miséricordieuse et sublime, ne se livrerait-il pas à la recherche de cette perle d'un prix infini ? S'il lui a été dit d'imiter ce qu'il a entre les mains, imitamini quod tractatis, ne lui a-t-il pas été dit par là même de l'étudier et de le connaître ?

 

Oh ! qui pourrait dire les grâces de salut qui se répandraient sur le peuple chrétien, comme effet direct d'un enseignement basé sur l'explication et la compréhension des mystères, des paroles et des rites de la Liturgie, si nos peuples savaient et goûtaient ce que savaient et goûtaient les simples catéchumènes des Églises de Milan, d'Hippone ou de Jérusalem, initiés par un Ambroise, un Augustin, un Cyrille ! Et plus tard nos nouvelles Églises d'Occident, quelles lumières ne tiraient-elles pas de l'enseignement liturgique d'un Rhaban Maur, d'un Ives de Chartres, d'un Honorius d'Autun, d'un Hildebert du Mans et de Tours, d'un Durand de Mende, etc. ! Quelle influence sur les moeurs catholiques ! quel boulevard de la foi ! quelle disposition à sentir les choses de la vie surnaturelle dans ces populations instruites avec soin et détail des secrets que le Christ et son Église ont cachés sous le vaste et profond emblème de la Liturgie !

 

On le sent tous les jours dans ces contrées de l'Amérique du Nord, dans lesquelles la vraie Église ne possède pour ainsi dire pour fidèles que ces âmes que, sous la conduite du divin Esprit, elle va glanant et recueillant dans les sueurs et les fatigues. Les lettres des missionnaires ne cessent de parler du grand succès qu'ils obtiennent en développant à leurs auditeurs le merveilleux symbolisme de la Liturgie catholique. Assez heureux pour la posséder en entier et pure de tout alliage national, telle en un mot que le Siège Apostolique la promulgue, ces nouveaux apôtres n'ont aucune peine à faire sentir l'harmonie et l'autorité dans cet ensemble véritablement surhumain. S'il arrive qu'une nouvelle église vienne à être dédiée par l'évêque, la simple explication des symboles qui, dans cette auguste cérémonie, font tour à tour passer sous les yeux des fidèles les mystères de la Jérusalem céleste, ceux de l'Église militante et ceux de la vie spirituelle, prépare une moisson abondante, et lorsqu'après avoir accompli tous les rites si profonds de cette solennité, le Pontife demande au Dieu qui se bâtit un temple immortel avec des pierres vivantes, que cette extension matérielle que vient d'obtenir son Église, soit encore dépassée par ses accroissements spirituels, il ne tarde pas à connaître qu'il a été exaucé.

 

Et, en effet, quel autre moyen de faire pénétrer la connaissance du dogme dans les esprits, que celui-là même que l'auteur et le réparateur de notre nature a choisi pour y faire descendre cette grâce invisible qui nous sanctifie ? Mes paroles sont esprit et vie (Joan., VI, 64.), dit le Sauveur : elles donnent à la fois la lumière à l'intelligence, et au cœur la charité qui est la vie. Il en est de même des paroles de l'Église qui possède la plénitude des mystères et la dispense sur le peuple chrétien par des rites et des formules remplis à la fois de vérité et d'amour.

 

Aussi a-t-on toujours considéré la Liturgie comme le haut enseignement du dogme, en même temps qu'elle est sa forme la plus populaire. Nous verrons bientôt que tous les saints docteurs étaient Liturgistes ; que les écrivains ecclésiastiques qui les ont suivis cultivèrent avec ardeur la science des rites sacrés ; que les théologiens scolastiques du moyen âge voulurent aussi faire leur somme des mystères; qu'à l'époque de la Réforme, l'activité des docteurs catholiques se porta vers cette étude et donna, la première, naissance aux Collections liturgiques ; qu'enfin, chose surprenante pour  plusieurs, de   savants protestants, au risque d'exposer l'héritage de la Réforme aux invasions de l'antiquité ecclésiastique, ont cru aussi, ont cru, comme tous les anciens Pères et docteurs catholiques, qu'il n'y avait point d'étude complète du dogme chrétien, si la matière des rites et des formules sacrées n'était soigneusement explorée, s'ils n'interrogeaient siècle par siècle ces livres papistes qu'ailleurs ils voudraient donner comme un instrument de corruption pour la doctrine évangélique. On les a vus, on les voit publier des collections, des bibliothèques liturgiques, et faire honte à plus d'un catholique par le zèle et l'importance qu'ils mettent à de semblables travaux.

 

Voici les propres paroles  du célèbre Pfaff de Tubingen, dans une dissertation de Liturgiis, missalibus, agendis et libris ecclesiasticis Ecclesiae orientalis et occidentalis, placée à la suite de ses Institutions, d'histoire ecclésiastique : "Comme les livres ecclésiastiques, les Liturgies, et ceux que l'on nomme Agenda, sont revêtus d'une autorité publique et de l'approbation de l'Eglise entière qui en fait usage ;  comme ces Liturgies très anciennes, qui ont régné et règnent encore dans l'Église orientale  et occidentale,  ont emprunté  beaucoup   de choses des temps apostoliques ; comme enfin  le culte public lui-même ne peut dériver d'une autre source que de ces mêmes Liturgies, il est aisé de voir que leur étude ne saurait manquer de jeter un grand jour sur toute  l'histoire   ecclésiastique,   principalement  sur la partie dogmatique et rituelle, et qu'elle est propre non seulement à repaître la curiosité des   érudits, mais à remplir  leur   esprit  d'excellentes   observations." Plus loin, il recommande la lecture des livres du cardinal Bona, sur les matières liturgiques, comme présentant le plus haut intérêt scientifique, et finit en disant que la théologie polémique elle-même ne saurait se passer de ce genre d'études accessoires.

 

Qu'il nous soit donc permis d'indiquer ici cette lacune fâcheuse que laisse, dans l'enseignement ecclésiastique de notre pays, l'absence des études liturgiques spéciales, et d'émettre le vœu de voir nos séminaires imiter le Séminaire romain et la plupart des principaux séminaires d'Italie, dans lesquels la jeunesse cléricale se livre, sous la direction d'un professeur, à l'étude d'Institutions liturgiques plus ou moins complètes. L'intelligence du dogme catholique y gagnera ; la science du droit canonique, qui a tant de points de contact avec la Liturgie, en tirera de grands avantages ; l'histoire ecclésiastique enfin sera mieux comprise et plus attrayante, du moment que la tradition des rites sacrés qui y occupe une si grande place, sera mieux connue et mieux appréciée. Ces études d'antiquité et d'archéologie, qu'on semble vouloir introduire en plusieurs lieux avec un zèle si louable, préparées par la science au moins générale de l'histoire ecclésiastique, obtiendraient des résultats véritables, du moment qu'elles seraient éclairées par la connaissance un peu minutieuse peut-être, mais indispensable, des formules et des symboles du culte divin, depuis l'origine du christianisme jusqu'au temps présent.

 

Enfin l'esprit de foi, si précieux dans la dispensation des dons célestes, dans la garde du sanctuaire, dans la célébration des pompes sacrées, prendrait de nouveaux accroissements et produirait des fruits d'autant plus durables, que l'étude et la science de la Liturgie est, de toutes, celle qui, présentant pour objet direct et immédiat les choses de Dieu, permet le moins à l'homme de perdre de vue les choses surnaturelles, dont l'attrait seul peut faire entreprendre ce genre de labeur ; mais nous aurons ailleurs occasion de développer ces considérations.

 

L'étude de la Liturgie n'est pas seulement nécessaire aux clercs ; sans elle, il est impossible aux savants qui s'occupent d'explorer et de raconter les mœurs des diverses sociétés européennes, depuis la prédication de l'Évangile, il leur est impossible de faire un pas sans tomber dans des méprises de plus d'un genre, de ne pas perdre une multitude d'observations précieuses qui jetteraient une grande vérité et un plus grand intérêt sur leurs récits, ou sur leurs tableaux. Malheureusement, cet inconvénient est peu senti, et si la fureur du moyen âge qui possède tous les esprits n'est pas parvenue encore à faire apprendre, d'une étude même désintéressée, le catéchisme des peuples dont on raconte les croyances, il faut convenir aussi qu'il n'était guère à espérer que l'on eût la patience de pénétrer le mystère de leurs rites et de leurs formules sacrées. C'est un zèle qu'on peut avoir, quoiqu'avec des résultats beaucoup moins faciles et beaucoup moins certains, quand il s'agit des mystères et des croyances de l'Inde, de la Perse, ou de l'Egypte. Pour l'Occident, il est vrai, on cite fastueusement l'ouvrage de D. Martène, De Antiquis Ecclesiœ ritibus ; mais les applications qu'on fait des richesses que renferme ce trésor sont loin de répondre à la bonne volonté qu'on déploie.

 

Toute science, en général, est rebelle à qui ne l'a pas étudiée, et celle des rites catholiques demande par-dessus tout une application profonde et non partagée, puisque tout y est à la fois ou mystique, ou positif. Entrevoir une certaine couleur générale de haute et gracieuse poésie, construire sur ces éléments un récit plus ou moins agréable, c'est chose facile, puisque c'est chose superficielle ; mais la science n'est pas là. Les populations dont vous dépeignez les mœurs n'auraient peut-être pas comme vous analysé toute cette poésie ; mais elles savaient pourquoi elles agissaient, quelles croyances elles exprimaient dans tel ou tel symbole ; et vous, vous ne le savez pas, faute de connaître l'économie si vaste et si populaire du catholicisme.

 

Si l'étude de la Liturgie est nécessaire à l'historien de mœurs et à l'antiquaire, elle ne l'est pas moins à l'artiste. Mais qui sait aujourd'hui que tous les arts, architecture, peinture, sculpture, musique, sont tributaires de la Liturgie, et par elle du catholicisme ? Quel artiste le sait, hors Cornélius et Overbeck en Allemagne, et quelques jeunes talents méconnus en France ? Cependant la Liturgie seule a le secret de la construction des temples ; elle seule sait combien de mystères devront exprimer les portes, les fenêtres, les colonnes, les chapelles, les tours ou flèches, les distributions de l'édifice. Elle seule sait et peut dire au peintre sous quels emblèmes fixés par les décrets ecclésiastiques les mystères doivent être représentés, avec quels attributs les saints et les saintes seront reconnus tout aussitôt et invoqués par la foi des fidèles. Elle seule peut lui faire éviter ces hideux anachronismes de costume sacerdotal, que l'on voit pompeusement étalés sur les grandes toiles qui encombrent les églises de la capitale, ou les salles de l'exposition annuelle ; anachronismes quelquefois d'autant plus risibles, qu'ils sont les résultats d'une étude mal digérée. Elle seule peut lui apprendre la tradition si riche et si importante des couleurs, l'expression que donne le contact des mystères divins (on peut lire sur ce sujet les excellentes remarques de M. le comte de Montalembert sur la perte absolue de l'art catholique en France, dans son admirable introduction aux Monuments de sainte Elisabeth. Seulement, nous le prierons d'ajouter à l'énumération des tableaux étranges qu'il signale dans les églises de Paris, certaine toile à la Sorbonne sur laquelle est représenté, près de Robert Sorbon, un moine habillé de vert, la seule de toutes les couleurs que jamais aucun ordre religieux n'ait adoptée. Les traditions sont déjà si loin de nous que nous ne nous flattons pas que tous les lecteurs comprennent toute l'étendue de cette bévue).

 

 L'étude de la Liturgie seule peut révéler au sculpteur ces détails de pose, ces agencements de draperies, le secret de ces groupes mystérieux qui se forment dans la célébration des rites sacrés, ces convenances de lieu et d'objet dont l'appréciation préviendrait ces malentendus dont on ne s'aperçoit quelquefois que lorsqu'un objet de sculpture, après avoir coûté beaucoup de dépense et de travail, est trouvé incapable de remplir la fin à laquelle on l'avait destiné.  Elle seule peut révéler au musicien ces ineffables mélodies grégoriennes qui sont à la fois l'unique reste de cette musique antique, dont on raconte tant de merveilles, et le produit de la plus noble et de la plus sublime inspiration catholique ; motifs admirables dont on ne s'est écarté que pour tomber dans le barbare, en croyant pouvoir substituer des mélodies tout aussi aisément qu'on substituait des formules nouvelles aux formules de l'antiquité, ou pour se jeter dans un genre tout profane qui forme le contraste le plus révoltant avec la sainteté du lieu, la majesté des paroles et la religion des mystères ; si ce n'est que d'autres fois on aime mieux composer patiemment et exécuter de même des morceaux insignifiants et dépourvus d'un sens quelconque, à la condition que l'accord sera parfait et que la mesure ne manquera pas.

 

Une étude attentive de la Liturgie eût prévenu et préviendrait tous les  jours, dans tous les genres, bien des erreurs ; et quelle que soit l'exiguïté de notre talent et de nos connaissances en cette matière, nous n'estimerons pas avoir perdu notre temps en composant cet ouvrage, si nous parvenons à troubler quelque peu une indifférence trop longtemps prolongée, à réveiller quelques hommes et à leur faire apercevoir une science riche et féconde là où jusqu'ici ils n'avaient pas soupçonné   matière à une  application sérieuse.

 

Il nous reste à poser, à discuter, à établir beaucoup de principes, quelques-uns peut-être assez sévères ; nous procéderons dans ce travail avec franchise, et, s'il plaît à Dieu, sans perdre de vue un instant les principes de l'Église sur  une matière  aussi, importante. Mais, comme  nous avons déjà été à même d'éprouver que, faute d'éclaircissements sur les questions de fait, la vérité sur les matières liturgiques pouvait être quelquefois objet de contestation, nous avons cru devoir placer en tête de la discussion une histoire générale de la Liturgie ; nous n'aurons plus alors qu'à procéder par voie de corollaires ou d'applications. Nous nous flattons qu'on rendra justice aux efforts que nous avons faits pour nous mettre en état de traiter d'une manière neuve des sujets qui, pour être aujourd'hui assez généralement ignorés, n'en ont pas moins, dans tous les siècles précédents, comme on le verra, occupé une grande place dans la science ecclésiastique.

 

Il est bien entendu que, dans ce coup d'oeil historique qui va suivre, nous nous arrêterons seulement aux faits généraux, et à ceux des faits particuliers qui sont nécessaires pour mettre le lecteur à portée de saisir un ensemble.

 

Les questions de détail seront traitées à  leur place dans les volumes suivants, d'après l'ordre que les matières présenteront successivement d'elles-mêmes.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE II : IMPORTANCE DE L'ÉTUDE DE LA LITURGIE 

 

 Evangeliarum from Saint-Amand Abbey

 Evangeliarum from Saint-Amand Abbey, by French Miniaturist, 1180-1200, Museum Mayer van den Bergh, Antwerp

Partager cet article
Repost0
8 août 2011 1 08 /08 /août /2011 11:30

La Liturgie, considérée en général, est l’ensemble des symboles, des chants et des actes au moyen desquels l'Église exprime et manifeste sa religion envers Dieu.

 

La Liturgie n'est donc pas simplement la prière, mais bien la prière considérée à l'état social. Une prière individuelle, faite dans un nom individuel, n'est point Liturgie. Cependant les formules et les signes de la Liturgie peuvent être légitimement et convenablement employés par les particuliers, dans l'intention de donner plus de force et d'efficacité à leurs œuvres de prière ; comme lorsqu'on récite des oraisons consacrées, des hymnes, des répons, pour s'exciter à la religion. Ce genre de prière est même le meilleur, en fait de prière vocale, car il associe à l'effort individuel le mérite et la consécration de l'Église entière.

 

Quant à la récitation privée des formules de la Liturgie dans l'Office divin par les clercs, les bénéficiers et les réguliers, lesquels sont tenus de suppléer en particulier à ce qu'ils n'accomplissent pas au chœur, on ne saurait la considérer comme une œuvre de dévotion privée : elle est un acte de religion sociale. Celui qui prie ainsi est député officiellement pour ce sujet. Sa parole, son intention même, appartiennent à l'Église. S'il pèche en cet emploi, c'est contre l'Église autant que contre lui-même qu'il pèche. Ainsi la récitation du Bréviaire, quoique dans nos malheureux temps et dans notre pays elle n'ait plus guère lieu que dans le particulier, n'en est pas moins une chose liturgique, une œuvre liturgique.

 

De même que la vertu de religion renferme tous les actes du culte divin, ainsi la Liturgie, qui est la forme sociale de cette vertu, les comprend tous également. On peut même dire que la Liturgie est l'expression la plus haute, la plus sainte de la pensée, de l'intelligence de l'Église, par cela seul qu'elle est exercée par l'Église en communication directe avec Dieu dans la Confession, la Prière et la Louange.

 

Confession, Prière, Louange : tels sont les actes principaux de la religion ; telles sont aussi les formes principales de la Liturgie.

 

La Confession, par laquelle l'Église fait hommage à Dieu de la vérité qu'elle en a reçue, redisant mille fois en sa présence le triomphant symbole qui renferme écrites dans le langage de la terre des vérités qui sont du ciel. Ce symbole, elle le répète chaque jour en abrégé plusieurs fois dans les Heures canoniales; plus développé dans l'action du sacrifice au jour du Dimanche et dans les grandes solennités ; enfin elle le confesse en grand, dans l'ensemble de l'année chrétienne, au sein de laquelle il est représenté, mystère par mystère, avec toute la richesse des rites, toute la pompe du langage, toute la profondeur des adorations, tout l'enthousiasme de la foi.

 

De là l'importance si grande pour l'intelligence du dogme, donnée dans tous les temps aux paroles et aux faits de la Liturgie. On connaît l'axiome : Legem credendi statuat lex supplicandi. C'est dans la Liturgie que l'esprit qui inspira les Écritures sacrées parle encore ; la Liturgie est la tradition même à son plus haut degré de puissance et de solennité.

 

La Prière, par laquelle l'Église exprime son amour, son désir de plaire à Dieu, de lui être unie, désir à la fois humble et fort, timide et hardi, parce qu'elle est aimée et que celui qui l'aime est Dieu. C'est dans la Prière qui vient à la suite de la Confession, comme l'espérance après la foi, que l'Église présente ses demandes, expose ses besoins, explique ses nécessités, car elle sait ce que Dieu veut d'elle, et combien elle en est éloignée, jusqu'à ce que le nombre des élus soit complet.

 

De là l'onction ravissante, l'ineffable mélancolie, la tendresse incommunicable de ces formules, les unes si simples, les autres si solennelles, dans lesquelles apparaît tantôt la douce et tendre confiance d'une royale épouse envers le monarque qui l'a choisie et couronnée, tantôt la sollicitude empressée d'un cœur de mère qui s'alarme pour des enfants bien-aimés ; mais toujours cette science des choses d'une autre vie, si profonde et si distincte, soit qu'elle confesse la vérité, soit qu'elle désire en goûter les fruits, que nul sentiment ne saurait être comparé au sien nul langage rapproché de son langage.

 

La Louange, car l'Église ne saurait contenir dans une silencieuse contemplation les transports d'amour et d'admiration que lui fait naître l'aspect des mystères divins. Comme Marie, à la vue des grandes choses qu'a faites en elle Celui qui est puissant, elle tressaille en lui, elle le glorifie. Elle célèbre donc les victoires du Seigneur et aussi ses propres triomphes. Le souvenir des merveilles des temps anciens la ravit et l'exalte ; elle se met à en faire le récit pompeux, comme pour raviver les sentiments qu'elles lui inspirent.

 

Elle célèbre, après Dieu, les élus de Dieu ; d'abord l'incomparable Marie, pour qui elle a des accents d'amour et de prière d'une douceur céleste ; les Esprits bienheureux, dont les relations et les influences l'embellissent et la protègent ; ses propres enfants qui l'ont arrosée de leur sang, illuminée de leur doctrine, sanctifiée de leur glorieuse confession, embaumée du parfum de leurs lis et de leurs roses. Chaque année, elle redit avec amour et maternité leurs vertus et leurs combats !

 

Or ces trois parties principales, Confession, Prière, Louange, deviennent dans la Liturgie une triple source d'intarissable poésie : poésie inspirée du même esprit qui dicta les cantiques de David, d'Isaïe et de Salomon ; poésie aussi ravissante dans les images que profonde et inépuisable dans le sentiment. Dieu devait à son Église un langage digne de servir de si hautes pensées, de si ardents désirs.

 

Mais, comme toutes les grandes impressions de l'âme, la foi, l'amour, le sentiment de l'admiration, la joie du triomphe, ne se parlent pas seulement, mais se chantent, et d'autant plus que tout sentiment établi dans l'ordre se résout en harmonie, il s'ensuit que l'Église doit naturellement chanter louange, prière et confession, produisant, par une gradation quelque peu affaiblie sans doute, à mesure qu'elle s'éloigne du principe, un chant beau comme les paroles, des paroles élevées comme le sentiment, et le sentiment lui-même en rapport fini mais réel avec celui qui en est l'objet et la source.

 

Et, comme l'Église est une société, non d'esprits, mais d'hommes, créatures composées d'âme et de corps, qui traduisent toute vérité sous des images et des signes, portant eux-mêmes dans leurs corps une forme ineffable de leur âme ; dans l'Église, disons-nous, ce céleste ensemble de confession, de prière et de louange, parlé dans un langage sacré, modulé sur un rythme surnaturel, se produit aussi par les signes extérieurs, rites et cérémonies, qui sont le corps de la Liturgie.

 

Ainsi, sentiment, parole, mélodie, action, tels sont les éléments qui, mis en rapport avec le vrai et le bien, produisent l'ordre et l'harmonie parfaite ; que ne doivent-ils pas enfanter quand ils prennent la proportion de l'Église même de Dieu, initiée par le Verbe aux secrets de la vie éternelle, dépositaire de la vérité immuable et féconde, nourrie constamment de l'élément surnaturel ?

 

Ne craignons donc pas de le dire, la Liturgie renferme éminemment toute beauté de sentiment, de mélodie et de forme, non seulement à l'égal, mais infiniment au-dessus de tout ce qu'on pourrait lui comparer, à part les Livres saints.

 

Nous en verrons à loisir la preuve.

 

DOM GUÉRANGER, INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE I, NOTIONS PRÉLIMINAIRES

 

Mayer van den Bergh Breviary

Folios from the Mayer van den Bergh Breviary, by Flemish Miniaturist, 1510, Museum Mayer van den Bergh, Antwerp

Partager cet article
Repost0
6 août 2011 6 06 /08 /août /2011 11:30

Des écrivains, héritiers de tous les préjugés et même quelquefois des plus dangereuses erreurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, essayèrent en effet de continuer la lutte après Mgr Fayet.

 

De ce nombre furent, en 1847, M. l'abbé Bernier, vicaire général d'Angers, homme d'esprit et d'érudition, mais dont le jugement avait été absolument gâté par les livres de l'école française du XVIIe siècle ; et, en 1850, M. l'abbé Prompsault, qu'on peut justement appeler le dernier écrivain janséniste de notre pays.

 

Après son éclatante victoire sur ses deux premiers adversaires, Dom Guéranger n'avait pas besoin de se préoccuper de ses nouveaux ennemis. Le mouvement de retour à la Liturgie romaine se propageait avec une force irrésistible ; chaque année, deux ou trois diocèses rejetaient leurs bréviaires et leurs missels gallicans, pour reprendre les livres grégoriens ; MM. Bernier et Prompsault, même renforcés de M. Laborde (de Lectoure), ne pouvaient arrêter un pareil triomphe. Quelques notes d'explication suffisaient pour répondre à des critiques aussi mal fondées que véhémentes. On les trouvera encore dans la préface du troisième volume des Institutions liturgiques, publié pour la première fois en 1850.

 

Dom Guéranger y commençait la partie didactique de son œuvre, et traitait des livres liturgiques en général, de leur importance, de leur antiquité, de leur langue, de leur traduction, de leur publication et de leur correction, de leur forme avant et après l'invention de l'imprimerie et enfin de leurs ornements. En donnant ce volume, l'auteur annonçait qu'il allait s'occuper immédiatement d'un commentaire complet du Bréviaire et du Missel romains, qu'on lui réclamait de tous côtés. Il promettait aussi à bref délai sa théologie liturgique et ne doutait pas, du reste, qu'il ne lui fût donné d'exécuter dans sa totalité le plan immense tracé en tête de ses Institutions. Familiarisé avec les moindres détails de la science liturgique, Dom Guéranger trouvait sur le champ dans sa mémoire et son génie, la notion exacte de toute chose, la solution précise des difficultés et la réponse à toutes les questions ; mais quand il s'agissait de composer un livre, malgré sa vaste érudition et sa merveilleuse facilité, il ne pouvait ni abréger les recherches, ni allonger les heures, ni se débarrasser surtout des sollicitudes de sa charge pastorale. S'il avait continué ses Institutions liturgiques, sa vie entière aurait dû être consacrée à ce travail exclusivement à tout autre, et il n'en aurait probablement pas vu le terme. Il en rêva la continuation jusqu'au dernier jour de sa vie ; mais d'autres labeurs, plus urgents,   l'en détournèrent toujours.

 

" Plusieurs vies patriarcales ajoutées les unes aux autres, a dit l'évêque de Poitiers, n'auraient pas suffi à Dom Guéranger pour produire tout ce qu'il avait en projet. Ses projets pourtant n'étaient pas des rêves et des chimères, parce qu'à la façon des patriarches, il devait agir encore dans la survivance des siens."

(Oraison funèbre du T. R. P. Dom Guéranger)

 

Espérons que cette parole du grand évêque sera réalisée un jour pour les Institutions liturgiques et que Dieu suscitera dans la postérité spirituelle de Dom Guéranger des hommes capables d'élever peu à peu l'œuvre gigantesque dont le savant abbé a posé les fondements. Continuer, dans la mesure de leurs forces, les traditions et les œuvres d'un père tel que Dom Guéranger, est le plus grand honneur que puissent ambitionner ses fils.

 

L'abbé de Solesmes n'a point achevé ses Institutions liturgiques ; mais il en a écrit assez pour que sa mission de restaurateur de la Liturgie romaine en France ait été accomplie dans sa plénitude. Après la publication des trois lettres à Mgr Fayet, la polémique vraiment sérieuse fut close pour toujours ; les clameurs d'une ignorance obstinée et de préjugés aussi étroits qu'invincibles trouvèrent encore quelques échos dans des articles de journaux et des brochures sans portée ; Dom Guéranger, toujours pris à partie dans ces tristes publications, dédaigna d'y répondre.

 

Plein de respect et de réserve à l'égard de l'autorité épiscopale, il n'essaya pas non plus de presser le rétablissement de la Liturgie romaine  dans les diocèses dont les prélats cherchaient à temporiser, trop longtemps, au gré de certaines impatiences. Chaque année, quelqu'une des Églises de France reprenait possession de la Liturgie romaine ; Dom Guéranger gardait toujours le silence ; et jamais on ne surprit sur ses lèvres une seule parole indiquant qu'il s'attribuât à lui-même l'honneur de ces merveilleux changements. Dieu lui réservait la consolation d'assister au triomphe définitif de la cause qu'il avait servie avec tant de vaillance. L'abbé de Solesmes vit la Liturgie romaine remplacer à Paris l'œuvre des Vigier et des Mézenguy ; et quelques mois avant sa mort, Orléans, le dernier diocèse qui conservât le Bréviaire parisien, le rejeta pour reprendre enfin possession de cet héritage des Gélase, des Grégoire le Grand, des Pie V, dont la perte avait été si funeste au clergé et au peuple de France.

 

Après sa victoire, Dom Guéranger ne négligea pas ses études liturgiques. S'il n'écrivit plus sur ces matières sous une forme polémique ou purement didactique, il fut en revanche appliqué jusqu'à son dernier jour à un travail, qui a été l'œuvre de prédilection de sa vie et qui renferme la moelle exquise et nourrissante de presque toute la science des rites sacrés. L'Année liturgique, commencée en 1841 par la publication de l’Avent, et poussée jusqu'à son neuvième volume, consacré aux fêtes de l'Ascension et de la Pentecôte, présente l'explication des rites et des mystères principaux de la Liturgie durant la partie la plus longue et la plus importante du cycle ecclésiastique. Le fidèle y trouve le commentaire de tous les offices auxquels  il  est appelé   dans  sa paroisse, et le prêtre la clef de son missel et de son bréviaire.

 

Aucun des monuments d'érudition, qui font l'ornement de nos bibliothèques, ne peut tenir lieu de cet ouvrage si modeste en apparence ; et nous ne craignons pas d'être abusé par notre tendresse filiale, en disant que les deux œuvres inachevées de Dom Guéranger sont deux manuels indispensables pour former un liturgiste digne de ce nom. Les Institutions renferment, avec l'histoire de la Liturgie, un immense amas de notions fondamentales et d'indications bibliographiques qu'aucun autre livre ne présente ; elles sont ainsi une introduction à peu près complète à la science des rites sacrés, dont l'Année liturgique, de son côté, dévoile en grande partie les mystères. En étudiant à fond ces deux ouvrages, on acquiert le sens des études liturgiques ; on apprend de quel côté il faut attaquer les questions et à quelles sources on doit recourir ; dès le premier pas, on entrevoit la solution, quand on ne la possède pas déjà complète ; on se pénètre surtout de ce respect pour les choses saintes, de cette piété à la fois ardente et intelligente, de cet enthousiasme pour le culte divin, sans lesquels on n'aura jamais le secret de la science liturgique.

 

Depuis le rétablissement du rite romain en France, des travaux estimables ont été exécutés sur la partie purement matérielle des rubriques et du cérémonial. Ces   études préliminaires    étaient   indispensables,   puisqu'il   fallait renouer une tradition pratique, brisée depuis plus d'un siècle ; mais il serait temps de comprendre que pour être liturgiste, ce n'est pas assez de posséder à fond les cérémoniaux accrédités présentement  à Rome, de connaître Gavanti et quelques autres rubricistes, de consulter enfin avec un soin minutieux les moindres décrets de la Congrégation des Rites, C'est là sans  doute  le premier pas ; ce travail donne le squelette de la science,  mais non la science  elle-même, et un   rubriciste consommé  arrive quelquefois à n'en pas avoir l'idée. On n'est liturgiste qu'à la condition de faire pour les rites   sacrés ce que l'interprète des livres saints fait pour l'Écriture, d'appeler à son secours toutes les ressources de  l'érudition pour expliquer le sens du texte,  de briser l'écorce de la  lettre pour saisir l'esprit.   La   moindre des cérémonies  a   un sens et une histoire   qu'il faut rechercher dans   la tradition. De la  Liturgie   de saint Pie V,  on doit remonter aux commentateurs et aux monuments liturgiques  du moyen âge pour arriver aux sources grégoriennes  et atteindre jusqu'aux premiers écrits des Pères et à l'Ecriture sainte elle-même. La théologie, l'histoire,  l'archéologie doivent être sans cesse mises à contribution ; et alors la science des rites  sacrés  apparaît sur les lèvres ou la  plume de son interprète ce qu'elle est en réalité, la noble sœur et l'indispensable auxiliaire de  l'exégèse  biblique  et de la théologie.

 

Aucun écrit ne fera mieux comprendre l'importance et la sublimité de ces études que les Institutions liturgiques de Dom Guéranger : et à ce titre, c'est une des meilleures lectures que l'on puisse conseiller aux jeunes clercs. En étudiant cet ouvrage, ils apprendront ce que c'est qu'un travail d'érudition, et en voyant des horizons tout nouveaux s'ouvrir devant eux, ils entendront le cri éloquent d'une âme généreuse et sainte, dévorée de l'amour de l'Église et transportée d'enthousiasme pour le culte divin. On trouverait difficilement un livre plus propre à communiquer ces deux grandes passions, sans lesquelles il n'y a pas d'âme vraiment sacerdotale ; et nous oserons dire que les Institutions liturgiques peuvent être à ce point de vue plus utiles aux élèves du sanctuaire, que certains livres ascétiques, accrédités par des usages séculaires.

 

On s'étonnera peut-être que Dom Guéranger n'ait pas réimprimé lui-même un ouvrage qui eut un si éclatant succès. Chacun des trois volumes des Institutions, tiré à trois mille exemplaires, fut presque immédiatement épuisé ; les brochures, que nous réunissons dans un quatrième volume, sont depuis longtemps introuvables. Quoiqu'il en fût souvent sollicité, Dom Guéranger ne réédita pas cet ouvrage, parce qu'il voulait le refaire, Comme tous les auteurs qui marchent les premiers dans une voie inexplorée, l'abbé de Solesmes avait été nécessairement incomplet. Dans la préface de son troisième volume, il déclarait déjà qu'il était en mesure de remplir les lacunes de son histoire de la révolution liturgique en France au XVIIIe siècle ; presque toutes les autres parties de son travail devaient être augmentées de même, dans une proportion plus ou moins considérable ; et ce que le vénérable abbé disait en 1851, il le répétait à plus forte raison en 1874 dans les derniers jours de sa laborieuse carrière. Il parlait alors quelquefois de la refonte de ses Institutions liturgiques comme de l'œuvre qu'il réservait pour les heures paisibles de l'extrême vieillesse. Dieu ne lui a pas donné la longévité que rêvait la tendresse de ses fils et que tant de travaux commencés réclamaient pour être menés à terme ; les Institutions liturgiques sont restées telles qu'il les a composées en premier jet, et c'est ainsi que nous les publions de nouveau. C'est un ouvrage qui est encore unique en son genre et qui a sa place marquée dans la bibliothèque de tout homme voué aux études ecclésiastiques et même simplement historiques.

 

On pourrait sans doute, après Dom Guéranger et en suivant ses traces, refaire l'histoire de la Liturgie, spécialement pour la France du XVIIIe siècle ; ce serait l'œuvre d'une vie entière. Les Institutions liturgiques n'en resteront pas moins à leur place parmi les travaux les plus considérables de l'érudition ecclésiastique. Non seulement on les consultera, mais on les relira comme un modèle de polémique incisive et souvent éloquente, toujours exacte et grave. Elles resteront comme le monument de cette révolution liturgique, qui est un des principaux événements de l'histoire religieuse de notre siècle. La restauration de la Liturgie romaine en France a été le prélude du concile du Vatican et de la ruine définitive du gallicanisme ; or, de l'aveu de tous, amis et ennemis, cette restauration est l'œuvre de Dom Guéranger, et c'est par les Institutions liturgiques qu'il l'a opérée.

 

L'avenir seul dévoilera toute l'étendue du service que l'abbé de Solesmes a rendu à l'Église et spécialement à notre patrie ; mais, témoins des épreuves qui accablent le Souverain Pontife, inquiets des menaces que l'avenir fait peser sur nos têtes, nous sentons déjà que le rétablissement d'un des liens les plus étroits qui rattachent nos Églises au centre de l'unité catholique, est pour elles un principe de force et un gage de sécurité.

 

Pour conclure cette préface, nous n'avons plus qu'à dire un mot de notre propre rôle dans cette publication. Il s'est réduit à celui d'un simple éditeur. Nous ne pouvions nous substituer à l'auteur, et surtout à un auteur tel que celui des Institutions liturgiques, pour des remaniements qui auraient altéré le caractère de son œuvre. Notre dessein a été de maintenir partout le texte primitif, même dans les passages où nous savions ce qu'aurait voulu y ajouter l'auteur. Nous venons de raconter l'accueil fait aux Institutions liturgiques ; rarement un travail d'érudition a été soumis à une critique aussi malveillante et aussi prolongée ; telle était là solidité de l'édifice, que pas une pierre de ses murailles n'a été ébranlée. Notre devoir était donc de le conserver intact. Secondé par le dévouement de nos frères en religion, nous avons veillé avec soin à la correction du texte et placé sur les marges un résumé de chaque alinéa, emprunté le plus souvent aux propres paroles de l'auteur. Nous avons inséré dans le corps de l'ouvrage quelques additions placées dans le troisième volume, et se rapportant aux deux premiers ; en résumé, l'œuvre de Dom Guéranger reste dans son intégrité et garde par là même toute son  autorité.

 

Le lecteur retrouvera même, religieusement conservées en tête de ce volume, la préface de l'auteur et l'épître dédicatoire, par laquelle il faisait hommage de son oeuvre au cardinal Lambruschini, secrétaire d'État de S. S. Grégoire XVI, qui lui avait témoigné une grande bienveillance au moment de l'érection canonique de la congrégation bénédictine de France.

 

De son côté, notre intelligent éditeur n'a rien épargné pour donner à l'exécution matérielle de ces volumes la forme élégante et noble dont il a su revêtir déjà les grandes publications auxquelles il doit sa renommée. Nous espérons donc que cette édition sera un service rendu à l'Église en même temps qu'un hommage à l'un de ses plus grands serviteurs.

 

DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877 

Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS  LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER

 

T. R. P. Dom Guéranger    

Partager cet article
Repost0
5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 11:30

Dès que l'abbé de Solesmes avait eu connaissance  de l'écrit de Mgr, d'Astros, il avait annoncé qu'il y répondrait.

 

Descendant dans  l'arène de   la polémique, le vénérable prélat s'était dépouillé pour ainsi dire  de son caractère sacré et avait pris  les   armes ordinaires des publicistes pour attaquer les Institutions liturgiques ! Au même titre Dom Guéranger croyait pouvoir répondre.

 

Mgr Affre, au contraire, avait donné à sa lettre la forme d'un acte d'autorité épiscopale. L'abbé de Solesmes garda un humble silence et ne se départit jamais de cette attitude dans tout le cours de cette polémique, quoique plus d'un mandement publié à cette époque autorisât de sa part une apologie. Même à l'égard de Mgr d'Astros, voulant pousser les ménagements jusqu'aux dernières limites, Dom Guéranger laissa passer plusieurs mois avant de livrer au public sa Défense des Institutions liturgiques, en réponse au livre du vénérable prélat. Il espérait que la première effervescence de la discussion passée, la question serait jugée avec plus de calme et de raison ; il craignait aussi d'opérer une diversion funeste aux efforts des catholiques, alors concentrés sur la revendication de la liberté d'enseignement ; mais ces ménagements devaient avoir nécessairement un terme.

 

La réplique de Dom Guéranger parut en 1844 ; nous la donnerons dans le quatrième volume de cette édition. Elle est divisée en deux parties : dans la première, l'auteur établit de nouveau l'importance de l'unité liturgique, sa nécessité, son obligation dans tout le patriarcat d'Occident ; il montre ensuite qu'en racontant la révolution qui avait privé la France du bienfait de cette unité, il n'a ni excédé les droits d'un historien catholique, ni injurié l'épiscopat ; qu'en paraissant enfin souhaiter et prédire le rétablissement de la Liturgie romaine, il n'a point attenté aux droits de la hiérarchie ni fomenté des troubles dans le clergé.

 

Cette réponse générale est suivie d'un examen de toutes les  accusations  de détail portées par l'archevêque de Toulouse contre les Institutions liturgiques. Suivant page à page le livre de son vénérable contradicteur, Dom Guéranger reproduit le texte même des principaux passages et place en regard ses explications et ses réponses,toujours respectueuses dans la forme, mais nettes et péremptoires sur le fond. En parcourant ces pages, on ne s'étonne pas que l'abbé de Solesmes ait dit en commençant sa défense : "Il me serait doux de m'avouer vaincu dans le combat, si j'avais la conscience de ma défaite ; malheureusement je ne l'ai pas, cette conscience. Je pourrais, il est vrai, garder le silence et ne pas entreprendre ma justification ; mais, d'autre part, il me semble qu'un devoir impérieux, celui de défendre la vérité, me presse de prendre la parole et de présenter des explications nécessaires : je dirai plus  (car je m'en flatte), une justification complète."

 

La partie sérieuse et désintéressée du public jugea que l'abbé de Solesmes avait tenu ce qu'il annonçait au début de son apologie, et qu'il ne restait rien des accusations de son adversaire. Dès lors la cause de la Liturgie romaine, fut gagnée et le mouvement de retour à l'unité, qui devait s'étendre peu à peu à toutes nos Eglises, commença pour ne plus s'arrêter. Un pieux prélat, dont la mémoire est restée en bénédiction dans son diocèse, Mgr Georges-Maçonnais, évêque de Périgueux, en prit l'initiative par un mandement daté du 1er décembre 1844. Huit jours après, le chapitre de Gap, par "une délibération unanime", demandait à son évêque, Mgr Depéry, le rétablissement de la Liturgie romaine ; et le prélat, accédant avec empressement à ces vœux, annonçait sa résolution à son diocèse par une lettre pastorale, en tête de laquelle il insérait un extrait de la Défense des Institutions liturgiques.

 

Cependant la polémique n'était pas terminée. Nous ne parlerons pas ici de la réplique essayée par Mgr d'Astros sous ce titre : Examen de la Défense de Dom Guéranger, et courte réfutation de sa Lettre à Monseigneur l'Archevêque de Reims. L'accueil que lui fit le public dispensa Dom Guéranger de toute réponse. Le vénérable archevêque de Toulouse avait essayé d'arrêter par une autre barrière les progrès de la Liturgie romaine : à l'unité liturgique de tout l'Occident latin, il voulut opposer l'unité métropolitaine ; et usant de l'autorité qu'il avait sur l'esprit d'un de ses suffragants, Mgr de Saint-Rome-Gualy, évêque de Carcassonne, il l'avait décidé à prendre la Liturgie toulousaine ; mais les autres évêques de la province n'acceptèrent point le système de leur métropolitain. Dès 1847, Mgr Doney, évêque de Montauban,promulguait dans son diocèse la Liturgie romaine ; et après moins de dix années de règne, la Liturgie toulousaine devait disparaître de Carcassonne, à la voix de Son Éminence le cardinal de Bonnechose, aujourd'hui archevêque de Rouen (1854).

 

En 1845, un nouveau défenseur des Liturgies gallicanes s'était révélé dans la personne de Mgr Fayet, évêque d'Orléans. L'ouvrage de ce prélat intitulé : Des Institutions liturgiques de Dom Guéranger et de sa Lettre à Mgr l'Archevêque de Reims, écrit   dans   un style  tout différent de celui de Mgr d'Astros, n'était pas moins sévère pour l'abbé de Solesmes et ses doctrines. "Presque tout, disait l'auteur, m'a paru faux ou dangereux  dans le livre de Dom Guéranger : les principes, les raisonnements et même les faits". Mgr Fayet attribuait en outre à son adversaire, les plus dangereuses visées. "Ce n'est pas, disait-il, en simple écrivain ou en simple docteur que Dom Guéranger attaque l'Eglise de France, c'est comme pouvoir réformateur qu'il se pose en face des évêques chargés de la gouverner ; et sous ce point de vue, l'épiscopat doit à ses entreprises plus d'attention qu'on n'en donne ordinairement à de simples productions littéraires."

 

Réfuter l'abbé de Solesmes paraissait du reste à l'évêque d'Orléans chose facile. "Dans un temps, disait-il, où il suffit de déployer un certain appareil de science et d'érudition pour entraîner les esprits hors de l'orthodoxie, nous nous proposons de montrer combien la science et l'érudition ont peu de profondeur parmi nous, et à quelles étranges nouveautés elles peuvent conduire quand elles sortent des routes battues, et qu'elles se mettent en voyage pour faire des découvertes en théologie. Nous allons tout simplement les mettre aux prises avec le catéchisme : car notre science à nous ne va pas plus loin."

 

Le spirituel prélat se faisait donc fort de prouver que le système liturgique du P. abbé de Solesmes reposait sur une erreur fondamentale en théologie, et sur une fausse notion de la foi, de la prière et du culte divin. Les premières pages de son livre étaient consacrées à démontrer que la "Liturgie proprement dite n'a aucun rapport nécessaire avec la vertu de la religion, qui ne produit par elle-même que des actes intérieurs d'adoration, de louange, de sacrifice, etc. ; qu'il faut laisser la Liturgie dans son domaine, et le culte divin dans le sien ; enfin que par l'exercice public de la Liturgie, l'Église se met plutôt en communication avec les hommes qu'avec a Dieu". Mgr Fayet entreprenait ensuite de discuter les principales autorités sur lesquelles Dom Guéranger appuyait son système ; et de là, passant aux faits liturgiques qui regardaient la France, il entreprenait de prouver qu'ils étaient, pour la plupart, altérés ou puisés à des sources suspectes, et qu'ils n'avaient point eu sur l'affaiblissement de la religion la funeste influence qu'on se plaisait à leur attribuer.

 

Si l'évêque d'Orléans avait été réellement en mesure de remplir un tel programme, après la publication de son livre, c'en eût été fait des Institutions liturgiques et de leur auteur ; mais le prélat, plus spirituel que savant, avait écrit avec assez de verve et d'éclat un volume de près de six cents   pages,  sans   se défier que les bases mêmes de son argumentation étaient fausses, et qu'il faisait à chaque page ce qu'il reprochait à Dom Guéranger, les découvertes les plus surprenantes en érudition et surtout en théologie. Le nouveau champion des Liturgies gallicanes ne devait pas les sauver de la ruine ; mais tant qu'une réfutation ne lui était pas opposée, il restait maître du terrain. Des voix nombreuses s'élevaient du côté des gallicans pour proclamer qu'il était sans contestation vainqueur, et leurs journalistes annonçaient que plus de trente évêques avaient écrit à Mgr Fayet pour adhérer à son livre.

 

Dom Guéranger commença donc une série de lettres sous le titre de Nouvelle Défense des Institutions liturgiques (1846). La première était consacrée à établir que la religion n'est pas complète sans le culte extérieur, et que la Liturgie n'est autre chose que le culte extérieur rendu à Dieu par l'Église, principes élémentaires qu'un évêque catholique n'aurait jamais pu nier, s'il n'eût pas été sous l'empire de la préoccupation la plus étrange. La seconde lettre, admirable dissertation, prouvait, par la doctrine de saint Augustin, de Bossuet et de tous les théologiens, que la Liturgie était le principal instrument de la tradition de l'Église. Mgr Fayet avait été jusqu'à lui refuser tout caractère dogmatique et à soutenir qu'une erreur liturgique ne pouvait violer que les lois de la discipline.

 

La troisième lettre parut en 1847. Après ses deux théories surprenantes sur la vertu de religion et l'autorité doctrinale de la Liturgie, Mgr Fayet avait cherché encore avec non moins de désinvolture, à montrer que la. question  liturgique n'avait point une si  grande importance. "Les changements opérés dans nos églises au XVIIIe siècle n'intéressaient, tout au plus, disait-il, que les règlements généraux ou particuliers que l'Église a faits sur cette matière", et il se jugeait fondé à conclure "que le meilleur bréviaire était celui que l'on disait le mieux". L'abbé de Solesmes répondait avec raison que toute subordination était désormais abolie dans l'Église, du moment que l'on pouvait regarder comme légitime un ordre de choses qui avait contre lui les règles de la discipline ecclésiastique. Dans sa troisième lettre, il s'attacha donc à faire voir le lien intime qui relie la discipline à la foi ; à rappeler les droits de la discipline générale contre laquelle les tentatives isolées sont toujours nulles ; à prouver enfin l'existence d'une réserve apostolique qui fait de la Liturgie que chose papale et non une chose diocésaine.

 

Dom Guéranger se proposait de compléter son apologie par deux autres lettres, dont la première aurait exposé sa doctrine sur l'hérésie antiliturgique et démontré que son enseignement à cet égard ne ressemblait en rien à celui que son adversaire lui imputait ; la deuxième devait être consacrée à la réfutation d'une foule d'accusations de détail que Mgr Fayet avait multipliées sur un ton de plaisanterie dégagée, assez étrange dans une pareille controverse sur les lèvres d'un évêque. Dom Guéranger, qui, dans ses lettres, discutait avec la gravité d'un savant et d'un homme d'Église, même les objections les plus bizarres,aurait peut-être laissé en terminant le champ plus libre à son esprit finement caustique, sans oublier cependant les égards dus à un caractère sacré ; mais un coup soudain vint interrompre la polémique, Mgr Fayet mourut à Paris, le 4 avril 1849, emporté en quelques heures par le choléra.

 

Dom Guéranger renonça aussitôt à continuer sa défense des Institutions liturgiques. Il se borna seulement à donner, dans la préface de son troisième volume, une réponse sommaire à certaines attaques, que de nouveaux adversaires répétaient après l'évêque d'Orléans en cherchant à mettre en doute l'orthodoxie de l'abbé de Solesmes ou la probité de ses intentions.

 

Des écrivains, héritiers de tous les préjugés et même quelquefois des plus dangereuses erreurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, essayèrent en effet de continuer la lutte après Mgr Fayet.

 

DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877.

Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS  LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER

 

T. R. P. Dom Guéranger   

Partager cet article
Repost0
4 août 2011 4 04 /08 /août /2011 11:30

L'effet de cette publication fut immense, et les vétérans du clergé français se rappelleront longtemps les controverses passionnées qu'elle excita dans son sein. Tous les hommes qui par leur âge et leur éducation tenaient aux traditions gallicanes, se déclarèrent violemment contre les Institutions  liturgiques.

 

Il n'y eut qu'un cri dans leur camp pour dénoncer la conspiration qui s'ourdissait à Solesmes contre l'autorité des évêques, contre les doctrines de l'Église de France, contre ses gloires les plus pures. Vainement Dom Guéranger avait pris soin de réserver formellement la question du droit liturgique, et avait blâmé toute démonstration imprudente et téméraire du clergé du second ordre contre les Liturgies diocésaines ; vainement il répétait que le retour à l'unité ne pouvait être accompli que par l'autorité des évêques : on ne lui tint aucun compte de ces ménagements. Son nom devint dans certaines bouches le synonyme de fauteur de rébellion, d'écrivain exagéré et paradoxal. Heureux encore quand on ne lui accolait pas des qualifications théologiques plus sévères !

 

Tout autre était le jugement d'une fraction de l'épiscopat et du clergé français, moins nombreuse peut-être que la première, mais plus indépendante des préjugés en vogue et plus solidement instruite. C'était celle qui, ralliée aux véritables doctrines catholiques, appelées alors ultramontaines, travaillait à arracher la France au joug funeste du gallicanisme. Pour celle-là, le second volume des Institutions liturgiques donnait une base inébranlable aux convictions que le premier avait fait naître, et le rétablissement de la Liturgie romaine dans les diocèses de France, apparaissait comme la première et la plus importante étape de ce retour vers Rome, objet de tant de vœux et de persévérants efforts.

 

Malgré les récriminations dont son livre était l'objet, Dom Guéranger avait remporté un premier avantage. Le coup de mort n'était pas porté aux liturgies gallicanes déjà subsistantes ; mais, à partir de la publication du second volume des Institutions liturgiques, on n'osa plus en fabriquer de nouvelles. Le bréviaire, dont M. le chanoine Quilien avait doté l'Église de Quimper en 1840, fut le dernier ; le missel, déjà préparé pour lui servir de complément, resta dans les cartons de l'auteur, et la Liturgie romaine demeura en vigueur dans toutes ou presque toutes les paroisses du diocèse. Il en fut de même dans les autres églises, où elle s'était encore maintenue. Nous sommes heureux d'inscrire ici les noms de deux prélats, honorés aujourd'hui de la pourpre romaine, qui, les premiers, se prononcèrent en faveur du rite romain. Son Éminence le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, rassura les fidèles, qui l'avaient toujours possédé et qui le savaient menacé d'une destruction prochaine ; Son Eminence le cardinal Saint-Marc, archevêque de Rennes, en attendant l'heure de le rendre à tout son peuple, déclara son intention formelle d'en conserver les débris, qui subsistaient dans un certain nombre de paroisses de son diocèse.

 

Sur ces entrefaites, un prélat qui, avec Mgr Parisis, avait pris la tête du mouvement ultramontain en France, Mgr Gousset, archevêque de Reims, consulta le Saint Siège sur la situation de nos Eglises, au point de vue liturgique, et sur la ligne de conduite que devaient tenir les évêques. Le pape Grégoire XVI répondit par un bref du 6 août 1842, dans lequel, en déplorant comme un malheur la variété des livres liturgiques et en rappelant les bulles de saint Pie V, il déclarait cependant que, par crainte de graves dissensions, il s'abstiendrait non seulement d'en presser l'exécution, mais même de répondre aux questions qui lui seraient adressées à ce sujet. Ne pouvant obtenir de Rome une solution officielle à ses difficultés, l'archevêque de Reims consulta alors l'abbé de Solesmes et lui posa ces trois questions :

1° Quelle est l'autorité d'un évêque particulier en matière de Liturgie, dans un diocèse où la Liturgie romaine se trouve être actuellement en usage ?

2° Quelle est l'autorité d'un évêque particulier en matière de Liturgie, dans un diocèse où la Liturgie romaine n'est pas actuellement en usage ?

3° Quelle conduite doit garder un évêque dans un diocèse où la Liturgie romaine a été abolie depuis la réception de la bulle de saint Pie V dans le même diocèse ?

 

Dom Guéranger répondit à ces trois questions par un traité canonique intitulé : Lettre à Monseigneur l'Archevêque de Reims, sur le droit de la Liturgie. Nous le publions à la suite des Institutions liturgiques. Si l'on veut se reporter, en lisant cet écrit, aux circonstances dans lesquelles il fut composé, à la tempête déjà déchaînée contre l'auteur, aux dangers qui empêchaient le Souverain Pontife de réclamer l'observation du droit liturgique en France, on trouvera, croyons-nous, que Dom Guéranger a déployé dans cet ouvrage, plus qu'en aucun autre, "la constance et l'habileté singulière" que N. S. P. le Pape Pie IX, a louées dans sa conduite pendant la controverse liturgique.   Il fallait en effet poser   avec fermeté les principes et cependant tenir compte des difficultés, qui arrêtaient les évêques les mieux intentionnés et effrayaient Rome elle-même ; la moindre exagération eût compromis la cause de la Liturgie romaine aux yeux de l'épiscopat et provoqué peut-être des manifestations intempestives au sein du clergé du second ordre. Ce double écueil fut sagement évité ; la Lettre sur le droit liturgique est un chef-d'œuvre de tact et de prudence, en même temps que de fermeté dans l'exposé et l'application des principes.

 

Devons-nous dire ici que, vingt ou trente ans plus tard, quand le triomphe de la Liturgie romaine était assuré, certains Français n'ont pas trouvé l'Abbé de Solesmes assez absolu dans l'affirmation des droits du Pontife romain, en matière de Liturgie. Cette assertion ne mérite pas une discussion ; nous serions en droit de répondre à ses auteurs, que, sans Dom Guéranger, ils diraient encore certainement, et fabriqueraient peut-être des bréviaires gallicans. La vérité est que le vénérable abbé de Solesmes a fait rentrer le Saint-Siège, dans l'exercice plus étendu et plus souverain que jamais, d'un droit que Grégoire XVI n'osait pas réclamer et que ses prédécesseurs, depuis le XVIIIe siècle, avaient cru perdu pour toujours en France.

 

En terminant sa Lettre sur le droit liturgique, Dom Guéranger répondait sommairement aux incriminations dont les Institutions liturgiques avaient été l'objet ; dès lors, il pouvait prévoir que cette première défense ne suffirait pas. Dans les préfaces de ses deux volumes, il s'était engagé à reproduire loyalement les objections qui lui seraient faites et à y répondre dans  la suite de son ouvrage. Sûr de sa cause, il désirait la discussion au lieu de la craindre ; mais il ne se serait jamais attendu à l'éclat que prit tout à coup la polémique, ni surtout à voir devant lui les champions qui descendirent dans la lice.

 

 Nous ne parlons pas ici de Mr l'abbé Tresvaux du Fraval, chanoine de l'Église métropolitaine de Paris, ami et ancien auxiliaire de M. Picot, dans la première rencontre de celui-ci avec l'abbé Guéranger. Les opinions gallicanes de ce prêtre respectable et instruit, mais imprégné de tous les préjugés d'un autre âge, étaient bien connues de l'abbé de Solesmes ; la lutte qu'ils eurent ensemble dans L’Ami de la Religion était prévue et inévitable ; c'était un de ces combats d'avant-garde qu'amène toujours le commencement d'une campagne et qui n'ont aucune influence sur son résultat.

 

L'intervention soudaine de Mgr d'Astros, archevêque de Toulouse, eut une tout autre portée sur le débat. Le rang que ce prélat occupait dans l'Église, le souvenir de sa courageuse résistance aux volontés tyranniques de Napoléon et de sa détention à Vincennes, sa réputation de piété donnaient une grande autorité à sa parole sur la masse du clergé et des fidèles, qui ignoraient l'attachement du vieil archevêque aux doctrines gallicanes. Grande fut l'émotion quand parut un livre signé par Mgr d'Astros et portant ce titre solennel : L'Église de France injustement flétrie dans un ouvrage ayant pour titre : "Institutions liturgiques, par le R. P. Dom Prosper Guéranger, abbé de Solesmes" par Mgr l'archevêque de Toulouse.

 

Après  l'apparition   d'un tel  livre,   pour les laïques la cause était jugée sans examen. Le titre de l'ouvrage et le nom de l'auteur suffisaient, sur la foi   de Mgr d'Astros, on   eut une conviction toute faite. Jusque dans la tribu sacerdotale, on était si mal préparé à cette controverse, que de bons esprits furent troublés par la publication et même par la lecture de cet étrange écrit.  Le droit canonique, la liturgie, l'histoire  ecclésiastique   elle-même   et surtout les études d'érudition proprement dite, étaient tellement négligés à cette époque,  que tous ne saisissaient pas du premier coup d'œil la faiblesse des arguments du prélat.

 

Ressuscitant les procédés des vieux polémistes du XVIe et du XVIIe siècle, Mgr d'Astros ne ménageait pas les termes : son premier chapitre était une démonstration de l'imprudence et de la témérité de  l'auteur des  Institutions liturgiques ; le second mettait au jour son injustice et   ses  dispositions   hostiles envers l'Église de   France. Quarante   pages  étaient  consacrées   à cette   réfutation d'ensemble ; la   seconde partie de l'ouvrage contenait un examen  détaillé des reproches faits par Dom Guéranger aux bréviaires et aux missels de Paris, et se terminait par  un   examen des beautés  de la   Liturgie  en usage depuis  le XVIIe siècle   dans cette  Église et   dans   une grande partie des diocèses de France. Chemin faisant, le vénérable auteur   infligeait aux Institutions liturgiques les notes d'imprudence, de témérité, d'injustice, d'absurdité, de calomnie, de fureur, de blasphème, d'indécence, d'obscénité ; il traitait l'auteur de jeune impie, et allait jusqu'à lui prédire la chute lamentable de M. de Lamennais. Comment n'être pas impressionné par un pareil langage sortant d'une bouche justement révérée ? La brochure de Mgr d'Astros, rapidement épuisée, eut bientôt une seconde édition ; et dans la préface, l'auteur annonçait que près de cinquante évêques lui avaient écrit pour le remercier d'avoir pris la défense de l'Église de France et qu'ils partageaient son jugement sur les écrits et les doctrines de Dom Guéranger.

 

Dès le 14 août 1843, Mgr Affre, archevêque de Paris, s'était prononcé avec éclat, en adressant à son clergé une circulaire pour protester, comme gardien de l'honneur de son Église, contre les appréciations des Institutions liturgiques sur la Liturgie parisienne, et recommander à l'attention de ses prêtres l'ouvrage de Mgr d'Astros. Soixante évêques adhéraient, disait-on, à cet acte épiscopal qui, par sa forme officielle et la modération apparente de sa rédaction, donnait une autorité inattendue au livre de l'archevêque de Toulouse.

 

Les défenseurs des Liturgies gallicanes,et NN. SS. Affre et d'Astros les premiers, triomphaient même du bref de Grégoire XVI à l'archevêque de Reims et du silence absolu que Rome était déterminée à garder dans cette polémique ; et on tirait de la paternelle discrétion du Souverain Pontife, les conclusions les plus inattendues contre Dom Guéranger et l'importance du retour à l'unité liturgique.

 

Dès que l'abbé de Solesmes avait eu connaissance  de l'écrit de Mgr, d'Astros, il avait annoncé qu'il y répondrait.

 

DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877.

Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS  LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER

 

T. R. P. Dom Guéranger  

Partager cet article
Repost0