V. JÉSUS VA A JÉRUSALEM
Le matin, pendant que les deux apôtres s'occupaient, à Jérusalem, des préparatifs de la Pâque, Jésus, qui était
resté à Béthanie, fit des adieux touchants aux saintes femmes, à Lazare et à sa mère, et leur donna encore quelques instructions. Je vis le Seigneur s'entretenir seul avec sa mère ; il lui dit,
entre autres choses, qu'il avait envoyé Pierre, qui représentait la foi, et Jean, qui représentait l’amour, pour préparer la Pâque à Jérusalem. Il dit de Madeleine, dont la douleur la jetait dans
une sorte d'égarement, que son amour était grand, mais encore un peu selon la chair, et qu'à cause de cela, la douleur la mettait hors d'elle-même. Il parla aussi des projets du traître Judas, et
la sainte Vierge pria pour lui.
Judas était encore allé de Béthanie à Jérusalem, sous prétexte de faire des payements et divers arrangements. Le matin, Jésus s'enquit de lui auprès des neuf apôtres, quoiqu'il sût très bien ce
qu'il faisait. Il courut toute la journée chez des Pharisiens, et arrangea tout avec eux. On lui fit même voir les soldats chargés de s'emparer du Sauveur. Il calcula toutes ses allées et venues
de manière à pouvoir expliquer son absence. Il ne revint vers le Seigneur que peu de temps avant la Cène.
J'ai vu tous ses complots et toutes ses pensées. Lorsque Jésus parla de lui à Marie, je vis beaucoup de choses touchant son caractère. Il était actif et serviable, mais plein d'avarice,
d'ambition et d'envie, et il ne luttait pas contre ses passions. Il avait fait des miracles et guéri des malades en l'absence de Jésus. Lorsque le Seigneur annonça à la sainte Vierge ce qui
allait arriver, elle le pria, de la manière la plus touchante, de la laisser mourir avec lui. Mais il lui recommanda d'être plus calme dans sa douleur que les autres femmes ; il lui dit aussi
qu'il ressusciterait, et lui indiqua le lieu où il lui apparaîtrait. Elle ne pleura pas beaucoup, mais elle était profondément triste et plongée dans un recueillement qui avait quelque chose
d'effrayant. Le Seigneur la remercia, comme un fils pieux, de tout l'amour qu'elle lui avait porté, et la serra contre son cœur. Il lui dit aussi qu'il ferait spirituellement la Cène avec elle,
et lui désigna l'heure où elle la recevrait. Il fit encore à tous de touchants adieux et donna des enseignements sur plusieurs objets.
Jésus et les neuf apôtres allèrent, vers midi, de Béthanie à Jérusalem ; ils étaient suivis de sept disciples qui, à l'exception de Nathanael et de Silas, étaient de Jérusalem et des environs.
Parmi eux étaient Jean Marc et le fils de la pauvre veuve qui le jeudi précédent, avait offert son denier dans le Temple, pendant que Jésus y enseignait. Jésus l'avait pris avec lui depuis peu de
jours. Les saintes femmes partirent plus tard.
Jésus et sa suite erraient ça et là autour du mont des Oliviers, dans la vallée de Josaphat et jusqu'au Calvaire. Tout en marchant, il ne cessait de les instruire. Il dit, entre autres choses,
aux apôtres que jusqu'à présent il leur avait donné son pain et son vin, mais qu’aujourd’hui il voulait leur donner sa chair et son sang, qu'il leur laisserait tout ce qu'il avait. En disant
cela, le Seigneur avait une expression si touchante que toute son âme semblait se répandre au dehors, et qu'il paraissait languir d'amour dans l'attente du moment où il se donnerait aux hommes.
Ses disciples ne le comprirent pas : ils crurent qu'il s'agissait de l'agneau pascal. On ne saurait exprimer tout ce qu'il y avait d'amour et de résignation dans les derniers discours qu'il tint
à Béthanie et ici. Les saintes femmes se rendirent plus tard dans la maison de Marie, mère de Marc.
Les sept disciples qui avaient suivi le Seigneur à Jérusalem ne firent point ce chemin avec lui : ils portèrent au Cénacle les habits de cérémonie pour la Pâque, les déposèrent et revinrent dans
la maison de Marie, mère de Marc. Lorsque Pierre et Jean vinrent de la maison de Séraphia au Cénacle avec le calice, tous les habits de cérémonie étaient déjà dans le vestibule, où ces disciples
et quelques autres les avaient apportés. Ils avaient aussi couvert de tentures les murailles nues de la salle, dégagé les ouvertures en haut, et apprêté trois lampes suspendues. Pierre et Jean
gagnèrent ensuite la vallée de Josaphat, et appelèrent le Seigneur et les neuf apôtres. Les disciples et les amis qui devaient faire aussi la Pâque dans le Cénacle vinrent plus
tard.
LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine
Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès Gallica
'Die ekstatische Jungfrau Katharina
Emmerick' par Gabriel von Max, München, Neue Pinakothek