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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

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SALVE REGINA

21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 05:00

À Rome, commémoraison de sainte Praxède. Sous son nom une église fut dédiée à Dieu sur l’Esquilin avant 491.

Martyrologe romain

 

Enfin l'angélique sœur de Pudentienne obtient de l'Epoux que ses liens soient brisés. L'exil était lourd à ce dernier rejeton d'une souche illustre pour la terre et pour Dieu. Des races nouvelles que ses pères n'avaient point connues, quand ils soumettaient le monde à la Ville éternelle, gouvernaient maintenant Rome et l'univers ; plus que Néron et Domitien, qui du moins ne s'inspiraient dans leurs errements que de l'instinct de la tyrannie, les césars philosophes du moment faisaient preuve de la méconnaissance la plus absolue des destinées de la cité reine. Le salut de Rome était aux mains d'une autre dynastie ; un siècle déjà s'était passé depuis que l'aïeul de Praxède, plus authentique héritier des traditions du Capitole que tous les empereurs présents ou futurs, avait incliné devant cette principauté venue d'en haut la majesté des grands souvenirs des sept collines, et salué dans Simon fils de Jean le dominateur de l'avenir. Hôte du Prince des Apôtres, Pudens transmit à sa descendance l'estime d'un titre plus glorieux que tous ceux qu'il tenait des ancêtres ; au temps de Pie Ier comme à celui de Pierre, sa maison continuait d'abriter le Vicaire de Dieu.

 

Restée seule avec de tels souvenirs, Praxède, après la mort  de  sa  sœur  bien-aimée, avait achevé de transformer ses palais en églises où nuit et jour retentissait la divine louange, où les païens accouraient en foule au baptême ; la police impériale respectait la demeure d'une descendante des Cornelii. Délivré de la tutelle d'Antonin son père adoptif, Marc Aurèle ne devait pas connaître longtemps cette barrière : une descente eut lieu au Titre de Praxède ; nombre de chrétiens furent pris, dont le glaive abattit les têtes. La vierge connut le tourment de voir tout frapper autour d'elle, sans elle-même être atteinte. Brisée, elle se tourna vers Dieu et demanda de mourir. Son corps fut réuni à ceux des siens dans le cimetière de son aïeule Priscille.

 

Voici le court récit que lui consacre l'Eglise : 

Praxède, vierge de Rome, était sœur de la vierge Pudentienne. Au temps où l'Empereur Marc Antonin persécutait les chrétiens, elle leur consacra son temps et ses richesses, les soulageant par toutes les industries de sa charité, cachant chez elle les uns, exhortant les autres à la constance dans la foi, ensevelissant leurs corps ou pourvoyant à ce que rien de ce qu'elle pouvait ne leur fît défaut dans les prisons et les bagnes. Mais le massacre des chrétiens prit de telles proportions, qu'elle se sentit impuissante à en supporter la vue davantage : elle pria Dieu que, s'il était expédient de mourir, il l'enlevât à tant de maux. Le douze des calendes d'août, elle fut donc appelée pour recevoir au ciel la récompense de sa piété. Le prêtre Pastor ensevelit son corps dans le tombeau de son père et de sa sœur Pudentienne, au cimetière de Priscille sur la voie Salaria.

 

 

 L'Eglise Mère vous est restée reconnaissante, ô Praxède ! Depuis si longtemps déjà près de l'Epoux, vous continuez d'exercer sur la terre en faveur des Saints les traditions de votre noble famille. Quand, aux huitième et neuvième siècles, les Martyrs, exposés aux profanations lombardes, se levèrent de leurs tombeaux pour rentrer dans les murs de la Ville éternelle, on vit Pierre, dans la personne de Pascal Ier, chercher pour eux l'hospitalité là où lui-même l'avait trouvée au premier âge.

 

 Ce fut un grand jour que ce 20 Juillet 817 où, quittant les catacombes, deux mille trois cents de ces héros du Christ vinrent retrouver au Titre de Praxède un repos que troublaient les barbares. Quelles fleurs Rome en ce jour vous offrait, ô vierge ! que pourrions-nous qu'associer notre hommage à celui de l'auguste phalange venant, au jour de votre fête bénie, reconnaître ainsi vos bienfaits ?

 

Fille de Pudens et de Priscille, communiquez-nous votre amour de Pierre, votre dévouement à l'Eglise, votre zèle pour les Saints de Dieu militant encore ou déjà dans la gloire.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

Via Salaria

VIA SALARIA

Le prêtre Pastor ensevelit son corps dans le tombeau de son père et de sa sœur Pudentienne, au cimetière de Priscille sur la voie Salaria.

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 05:00

À Antioche de Pisidie, sans doute au début du IVe siècle, sainte Marine ou Marguerite, dont on rapporte qu’elle consacra son corps au Christ par sa virginité et son martyreMartyrologe romain

 

Georges à l'armure brillante salue l'arrivée d'une émule de sa gloire. Victorieuse comme lui du dragon, Marguerite aussi est appelée la Mégalomartyre (La grande Martyre : Menées des Grecs). La croix fut son arme ; et, comme le guerrier, la vierge consomma dans le sang son triomphe. Egale fut leur renommée dans les temps chevaleresques où bravoure et foi s'alliaient sous l'œil des Saints pour servir le Christ.

 

Déjà au septième siècle, Albion nous montre l'extrême Occident rivalisant de piété confiante avec l'Orient, pour honorer la perle sortie des abîmes de l'infidélité où Marguerite était née. Avant le schisme lamentable où l'entraîna l'ignominie du second des Tudors, l'Ile des Saints célébrait ce jour sous le rite double de première classe, avec abstention des œuvres serviles pour les femmes seulement ; on voulait reconnaître par cette particularité la protection que celles-ci avaient coutume d'implorer de Marguerite au moment d'être mères, et qui la fit ranger parmi les Saints plus spécialement appelés au moyen âge auxiliateurs ou secourables en raison de leurs bienfaits.

 

Ce ne fut point en effet seulement sur le sol anglais qu'on sut recourir au crédit de notre Sainte, comme le prouvent les nombreuses et illustres clientes que l'histoire nous fait voir de toutes parts portant son nom béni. Au ciel aussi, près du trône de Marguerite, la fête est grande en ce jour : nous en avons pour véridiques témoins Gertrude la Grande (Legatus divinae pietatis, IV, XLV.) et Françoise Romaine (Visio XXXVI.), qu'une insigne faveur de l'Epoux admit, à plus d'un siècle de distance, à y assister d'ici-bas.

 

 Les faits trop peu assurés que renfermait l'ancienne Légende du Bréviaire romain pour ce jour, engagèrent saint Pie V, au seizième siècle, à la supprimer. A son défaut, nous donnons ici une suite de Répons et d'Antiennes ainsi qu'une Oraison tirées de l'Office qui semble être celui-là même que sainte Gertrude célébrait de son temps ; car il est fait allusion à un de ces Répons, Virgo veneranda, dans la Vision que nous avons citée : 

 

La bienheureuse Marguerite , née d'un sang païen, reçut dans le Saint-Esprit la foi qu'elle se garda de souiller d'aucun vice.

V/. Elle allait de vertu en vertu, souhaitant ardemment le salut de son âme. Elle reçut.

R/. Ignorante du mal , admirablement pure, prévenue de la grâce du Rédempteur. Elle paissait les brebis de sa nourrice.

V/. Simple comme la colombe, prudente comme le serpent. Elle paissait.

R/. Passant un jour, Olibrius, odieux à Dieu et aux hommes , jeta sur elle les yeux : aussitôt s'alluma sa passion.

V/. Car elle était merveilleusement belle ; son visage brillait comme une rose. Aussitôt.

R/. Tout de suite il envoie ses gens s'enquérir de sa naissance. Pour que, si elle était trouvée libre, il se l'unît comme épouse.

V/. Mais Jésus-Christ, qui se l'était fiancée, en avait autrement décidé. Pour que.

R/. Le tyran a appris que la vierge le dédaigne : courroucé il ordonne qu'on l'amène à son tribunal.

V/. Il espérait la fléchir comme jeune fille par menaces et terreur. Courroucé.

R/. La vierge vénérable, demeurant ferme en sa constance, méprisa les paroles du juge : loin était sa pensée de la concupiscence.

V/. Joyeuse dans l'espoir de la céleste récompense, elle souffrait patiemment l'épreuve. Loin était.

R/. Elle soutient l'horreur des cachots, les tortures de sa chair ; et de nouveau la bien-aimée du Christ est enfermée dans la prison ténébreuse.

V/. Elle ne cesse d'y louer le Seigneur, d'y glorifier son Nom. Et de nouveau.

R/. Tandis que la sainte martyre redouble ses prières, apparaît un infect dragon : il l'attaque, tout entière la dévore.

V/. Grâce au signe de la croix, par le milieu elle le transperce, et sort du monstre sans nul mal. Il l'attaque.

 

Breviarium  Constantiense ,  Augustae  Vindelicorum, MCCCCXCIX.

 

ANTIENNES.
 

Ensuite les bourreaux brûlent les membres délicats de la jeune fille ; mais elle, priant, ne sent point la flamme.

 

Un vase immense plein d'eau est apporté sur l'ordre du juge ; on lie la vierge et on l'y plonge.

 

Loué soit le Seigneur en sa puissance ! il a délié les mains de sa servante, il l’a délivrée de  la mort.

 

En voyant ces merveilles, cinq mille sont baptisés : la colère du préfet leur fait trancher la tête ; et pour compagne on leur adjoint l'invincible martyre du Christ, bénissant le Dieu des dieux dans les siècles des siècles.

 

ORAISON.
 

Dieu qui avez amené aux cieux par la palme du martyre votre bienheureuse vierge Marguerite ; faites, nous vous en supplions, que, suivant ses exemples, nous méritions d'arriver jusqu'à vous.

 

Par Jésus-Christ

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

   

Sainte Marguerite par Carracci

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17 juillet 2010 6 17 /07 /juillet /2010 04:00

Barrière du Trône 

 

Aucun témoin ne fut entendu dans l'affaire des Carmélites. Fouquier-Tinville avait jugé inutile d'en faire citer un seul, en présence des termes mêmes du décret du 22 prairial.

 

 Le tribunal s'occupa ensuite des autres accusés traduits en même temps que les Carmélites, et quand leur interrogatoire fut terminé on passa aux plaidoiries. M. Sezille de Montarlet, en sa qualité de défenseur officieux, chercha probablement à attendrir les juges et les jurés au sujet des infortunées religieuses, mais que pouvaient son éloquence et ses efforts devant de pareils juges ! Après les plaidoiries, le jury entra dans la salle de ses délibérations d'où il sortit bientôt avec un verdict affirmatif contre les trente accusés.

 

Suivant l'usage encore usité aujourd'hui dans les cours d'assises, on avait fait retirer tous les accusés pendant que le jury délibérait ; ils ne rentrèrent donc dans la salle du tribunal que pour entendre prononcer le jugement qui les condamnait tous à mort et qui ordonnait que l'exécution aurait lieu dans les 24 heures sans recours ni appel possible.

 

 La lecture du jugement fut écoutée avec un courage et une résignation au-dessus de tout éloge. Seule, Thérèse Soiron, l'une des Sœurs tourières, parut avoir un moment de défaillance en entendant prononcer la peine de mort. Aussitôt la Mère prieure supplia un gendarme de lui procurer un verre d'eau, mais bientôt Thérèse reprit ses sens et s'excusa elle-même de la faiblesse qu'elle avait laissé paraître.

 

 On n'attendit même pas le lendemain pour exécuter cette terrible sentence. Le greffier avait préparé à l'avance toutes les pièces qui devaient servir de décharge au geôlier et de feuille de route au conducteur des charrettes, et moins d'une heure après la levée de l'audience, les malheureux condamnés, les mains liées derrière le dos, prenaient place dans les voitures qui les attendaient dans la Cour de Mai.

 

 Pendant le long trajet qui sépare le Palais de justice de la Barrière du Trône, l'attitude des Carmélites ne se démentit pas un seul instant. Leurs yeux, constamment fixés au ciel, indiquaient suffisamment les pensées qui dominaient leurs cœurs. Elles chantèrent tour à tour le Miserere et le Salve Regina, et leurs accents empreints d'un caractère vraiment divin, impressionnaient tout le monde et formaient un contraste frappant avec le bruissement de la foule qui suivait les sinistres voitures, sans toutefois faire entendre aucun cri hostile, tant elle était impressionnée par la vue de ce cortège qui ne ressemblait en rien aux autres.

 

Arrivées au pied de l'échafaud, les pieuses femmes descendirent avec autant de calme que de simplicité ; elles entonnèrent le Veni Creator et se livrèrent successivement aux aides du bourreau. D'après un témoignage recueilli depuis leur mort, ce fut la Sœur Constance qui fut appelée la première, probablement parce qu'elle était la plus jeune. Aussitôt elle se mit à genoux devant la mère prieure et lui demanda sa bénédiction, puis elle monta sur la plate-forme en chantant : Laudate Dominum omnes gentes ; les autres religieuses lui succédèrent et seize fois de suite le hideux couperet tout ruisselant s'abaissa en faisant jaillir autour de lui le sang des victimes. La Mère prieure fut exécutée la dernière.

 

Quant aux treize autres condamnés, ils subirent le même sort quelques minutes après, puis tous les corps furent jetés sur une charrette et transportés au cimetière de Picpus où, enfouis dans la même fosse, ils disparurent sous une épaisse couche de terre et de chaux.

 

 Ainsi se termina cette sanglante exécution sans qu'un cri ait retenti dans l'air et sans que le tambour ait fait entendre le moindre roulement. Seul le bruit du sinistre couperet de la guillotine avait rompu le silence que gardaient les spectateurs en proie tour à tour à l'épouvante, à l'admiration et à la pitié.

 

Ainsi périrent en moins d'une demi-heure, dans toute la plénitude de la santé, seize religieuses qui n'avaient commis d'autres crimes que d'être restées fidèles à leurs convictions.

 

LES MARTYRS par le R. P. DOM H. LECLERCQ

 

 

Bienheureuses Carmélites de Compiègne

 

Noms et lieux de naissances des Carmélites de Compiègne :

 

Mère Thérèse de Saint Augustin (42 ans) : Madeleine-Claudine Lidoine, 1752, Paris, Saint Sulpice

Mère Henriette de Jésus (49 ans) : Marie-Françoise de Croissy, 1745, Paris, Saint Roch
Sœur Saint Louis (43 ans) : Marie-Anne-Françoise Brideau, 1751, Belfort
Sœur de Jésus Crucifié (79 ans) : Marie-Amie Piedcourt,1715, Paris, Saints Innocents
Sœur Charlotte de la Résurrection (79 ans) : Anne-Marie-Madeleine-Françoise Thouret, 1715, Mouy (Oise)
Sœur Euphrasie de l’Immaculée Conception (58 ans) : Marie-Claude-Cyprienne Brard, 1736, Bourth (Eure)
Sœur Thérèse du Coeur de Marie (52 ans) : Marie-Anne Hanisset, 1742, Reims
Sœur Thérèse de Saint Ignace (51 ans) : Marie-Gabrielle Trézel, 1743, Compiègne, Saint Jacques

Sœur Julie-Louise de Jésus (53 ans) : Rose Chrétien de Neuville, 1741, Évreux (Eure)
Sœur Marie-Henriette de la Providence (34 ans) : Anne Pelras, 1760 Cajarc (Lot)
Sœur Constance de Jésus (29 ans) : Marie-Geneviève Meunier, 1765, Saint Denis
Sœur Marie du Saint-Esprit (52 ans) : Angélique Roussel, 1742, Fresne-Mazancourt (Somme)
Sœur Sainte Marthe (53 ans) : Marie Dufour, 1741, Bannes (Sarthe)
Sœur Saint François-Xavier (30 ans) : Elisabeth-Julie Verolot, 1764, Lignières (Aube)
Sœur Catherine (52 ans) : Marie-Anne Soiron, 1742, Compiègne, Saint Jacques
Sœur Thérèse (46 ans) : Marie-Thérèse Soiron, 1748, Compiègne, Saint Jacques

 

 

Les Carmélites de Compiègne par Jean-Pierre Gilson

Les Carmélites de Compiègne par Jean-Pierre Gilson

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16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 15:00

A toute autre époque, l'instruction d'une pareille affaire eût demandé un certain temps ; on eût, à tout le moins, procédé à des interrogatoires minutieux qu'expliquerait le véritable motif des poursuites, mais, depuis le décret du 22 prairial et surtout au 24 messidor, on ne s'arrêtait plus à de semblables vétilles. On était alors à l'apogée de la Terreur ; l'échafaud stationnait en permanence, et il ne fallait pas faire attendre ceux qui avaient l’habitude de se repaître de ces sanglantes exécutions.

 

La mise à mort se consommait en masse, sous une forme hypocritement juridique ; plus d'instruction préparatoire, plus d'interrogatoire, plus d'audition de témoins, les preuves morales suffisaient ; on jugeait pêle-mêle ; nobles et roturiers, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, on condamnait tout par fournées ; on faisait ce que Fouquier-Tinville appelait des feux de file, c'est-à-dire qu'on envoyait à l'échafaud presque tous les accusés sans exception.

 

Fouquier-Tinville 

Fouquier-Tinville (se faisait appeler 'Fouquier de Tinville' avant la Révolution)

 

Cependant Fouquier-Tinville s'était empressé de faire libeller l'acte d'accusation des Carmélites de Compiègne qui devait être soumis au tribunal Révolutionnaire. Un rapide examen du procès-verbal dressé par le comité de Compiègne du 7 messidor (25 juin) précédent, et l'analyse sommaire des pièces qui l'accompagnaient, lui avaient suffi pour asseoir dans son esprit une conviction que la qualité seule des prévenues avait fait germer à l'avance. Aussi, trois jours après leur incarcération à la Conciergerie, le 16 juillet, jour de la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, les Carmélites furent-elles averties dans la soirée que, le lendemain matin, elles comparaîtraient devant le redoutable tribunal.

 

Conciergerie

 

A la Grand Chambre du Palais, devenue salle de l'Égalité, s'installa le 17 avril 1792 le premier Tribunal révolutionnaire, remplacé le 10 mai 1793 par le Tribunal criminel extraordinaire, réorganisé le 26 septembre suivant par un décret qui contenait cette phrase encore plus extraordinaire que le tribunal lui-même : "La loi accorde un défenseur au patriote calomnié ; elle en refuse aux conspirateurs."

 

C'est là que comparurent – on ne peut pas dire furent jugés – et ce même d'Épréménil, qui avait proclamé les droits de la nation, et Barnave, et les Girondins, et la Reine de France, et Madame Élisabeth, et Danton, et Camille Desmoulins, Chaumette, Hébert, Fabre d'Églantine, puis à leur tour les deux Robespierre, avec Couthon, Collot d'Herbois, Saint-Just, Henriot et Fouquier-Tinville lui-même, au total deux mille sept cent quarante-deux victimes, dont les deux mille sept cent quarante-deux têtes tombèrent dans le panier rouge, soit à l'ancienne place Louis XV, devenue place de la Révolution, soit à la place du Trône, devenue Barrière Renversée.

 

Aucune apparence d'équité, nul simulacre de formes judiciaires ne colorait ces sanglantes hécatombes. La plupart des victimes, sacrifiées d'avance, étaient amenées à la Conciergerie à huit heures du matin, traduites à deux heures devant le Tribunal et exécutées à quatre heures. 

 

La cour du Mai  

La cour de Mai aujourd'hui : là attendaient les charrettes des condamnés à mort durant la Terreur

 

extrait des textes :

LES MARTYRS par le R. P. DOM H. LECLERCQ  

Histoire du Tribunal Révolutionnaire de Paris

 

photos : 'Academic'

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16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 05:00

Couronné de puissance et de grâce, le Carmel élève sa tête parfumée au-dessus des flots qui baignent le rivage de la terre où se sont accomplis les mystères du salut. Les montagnes de Galilée descendant du Nord, celles de Judée venant du Midi, se joignent en Samarie sur la chaîne assez courte qui tire de lui son nom : elles semblent ainsi faire converger vers lui tous leurs grands souvenirs ; et l'on dirait que par la situation dominante de son promontoire au centre même du littoral sacré, il a pour mission d'annoncer au loin sur la mer d'Occident l'Orient divin qui s'est levé du sein des ténèbres.

 

" Au jour de mon amour, je t'ai introduite de l'Egypte en la terre du Carmel" (Jerem. II, 2-7), dit le Seigneur à la fille de Sion, comme si ce seul nom résumait à ses yeux tous les biens de la terre des promesses ; et quand les crimes du peuple élu menacent d'amener la ruine sur la Judée : "J'ai vu le Carmel désert, s'écrie le Prophète, et toutes ses villes détruites au souffle de la fureur de Dieu" (Jerem. IV, 26.). Mais voici qu'au sein de la gentilité une Sion plus aimée succède à la première ; huit siècles à l'avance, Isaïe la reconnaît à la gloire du Liban devenue sienne, à la beauté du Carmel et de Saron qui lui est donnée (Isai. XXXV, 2.) ; et dans le Cantique sacré les suivantes de l'Epouse, célébrant pour l'Epoux celle qui sans retour a ravi son cœur, chantent que "sa tête est comme le Carmel, et sa chevelure comme les fils précieux de la pourpre du roi tressés avec soin dans les eaux colorantes" (Cant. VII, 5. ).

 

 La pêche des coquillages fournissant la royale couleur était, en effet, abondante au cap Carmel. Près de là également, et affleurant les pentes de la noble montagne, coulait le Cison, fameux par la victoire de Debbora sur les Chananéens dont il avait roulé  les cadavres (Judic. V, 21.), en attendant que Madian succombât à son tour dans la même plaine où Sisara avait senti la puissance de celle qu'on appelait la Mère en Israël (Judic V, 7.). Présage redoutable pour le funeste serpent de l'Eden : contre Madian Gédéon  aussi n'avait marché qu'au nom de la femme terrible comme une armée rangée en bataille (Cant. VI, 3, 9.), et dont le signe avait été pour lui la douce toison rafraîchie par la céleste rosée dans la sécheresse de la terre  entière (Judic. VII, 36-40). Et comme si cette plaine glorieuse d'Esdrelon, qui vient mourir au pied du Carmel, ne devait offrir aux horizons de ses divers sommets, aux échos de ses multiples vallées,  que les prophétiques figures et les titres variés de la triomphatrice annoncée dès le premier jour du monde : non loin d'Esdrelon quelques défilés conduisent à Béthulie, terreur des Assyriens, qu'illustra Judith, la joie d'Israël et l'honneur de son peuple (Judith, XV, 10.) ; tandis que dans  les  hauteurs  du septentrion se cache Nazareth, blanche cité, fleur de la Galilée (Hieron. Epist. XLVI, Paulae et Eustochii ad Marcellam.).

 

Quand son amour se jouait dans l'affermissement des collines et des monts (Prov. VIII, 22-31.), l'éternelle Sagesse avait en effet choisi le Carmel pour être, aux siècles des figures, l'apanage anticipé de la fille d'Eve qui briserait la tête de l'ancien ennemi. Aussi lorsque le dernier des longs millénaires de l'attente eut commencé de dérouler ses interminables anneaux, quand l'aspiration des nations devenue plus instante obtint du Seigneur l'épanouissement de l'esprit prophétique dont cette époque parut marquée, ce fut au sommet de la montagne prédestinée qu'on vit le père des Prophètes venir dresser sa tente et observer l'horizon.

 

 Les triomphes de David, les gloires de Salomon n'étaient plus ; le sceptre de Juda, brisé par le schisme des dix tribus, menaçait  prématurément d'échapper à ses mains ; Baal régnait en Israël. Image de l'aridité des âmes, une sécheresse persistante épuisait partout les sources de la vie. Hommes et animaux près de leurs citernes vides attendaient la mort, lorsque Elie de Thesbé, convoquant tout le peuple sur le Carmel et l'arrachant à ses docteurs de mensonge, rassembla en lui les vœux de cette foule qui représentait le genre humain. Prosterné au faîte du mont le front dans la poussière, raconte l'Ecriture même, il dit à son serviteur : "Va, et vois du côté de la mer". Lui donc étant  allé, et  ayant regardé, revint dire : "Il n'y a rien". Elie lui dit : "Retourne". Et jusqu'à sept fois il fut fait ainsi. Or à la septième fois, voici qu'un petit nuage comme le pied d'un homme s'élevait de la mer (III Reg. XVIII.).

 

 Nuée bénie, sortie de l'amertume des flots et toute de douceur, elle monte, docile au moindre souffle venu du ciel, légère et humble au-dessus du lourd et immense océan ; elle tempère les feux qui brûlaient la terre, enferme en soi le soleil, et rend au monde agonisant la vie, la grâce et la fécondité. Déjà l'envoyé promis, le Fils de l'homme marque en elle son empreinte, et cette empreinte rappelle par sa forme au serpent maudit le talon qui doit l'écraser. Le Prophète, en qui se personnifie l'humanité, sent à cette vue la main de Dieu renouveler sa jeunesse ; sous la  bienheureuse pluie qui déjà inonde les vallées, il s'élance au-devant du char portant le roi d'Israël (III Reg. XVIII, 46.). Il traverse en courant la grande plaine d'Esdrelon, et le terme de sa course est Jezrahel, la ville au nom plein de mystère ; car c'est là, dit Osée, que les enfants d'Israël et de Juda retrouveront un seul chef au grand jour des fils de Dieu (Ose. I, 11), qui verra les noces éternelles du Seigneur avec un peuple nouveau. Mais le mystère continue de s'affirmer dans sa divine ampleur. Bientôt Sunam, cité voisine de Jezrahel et  patrie de  l'Epouse (Cant. VI, 12 ; III Reg. 1, 3.), nous  montre la Mère dont l'enfant était mort,  traverser dans un sens opposé à celui d'Elie la plaine qu'il avait parcourue triomphant sous l'impulsion de l'Esprit-Saint, et derechef monter au Carmel  pour implorer la  résurrection de ce fils qui là encore nous figurait tous (IV Reg. IV, 8-37.).

 

 Déjà cependant le char de feu avait enlevé Elie de cette terre; aux derniers jours, avant de goûter la mort, il reparaîtra, pour joindre en compagnie d'Hénoch le témoignage des Patriarches et des Prophètes à celui de l'Eglise, touchant l'Epoux né de celle que signifiait la nuée (Apoc. XI, 7.). En attendant, son disciple Elisée, investi du manteau et de l'esprit du père sur les bords du Jourdain, avait aussitôt pris lui-même possession de l'auguste montagne (IV Reg. II, 25.) devenue comme la principauté, le titre domanial des enfants des Prophètes, depuis que la Reine des Prophètes s'y était manifestée.

 

 Désormais le Carmel fut sacré pour tous ceux dont les espérances de l'humanité tenaient le regard au-dessus de la terre. Gentils aussi bien que descendants d'Israël, philosophes et princes (Tacit. Hist. II, LXXVIII.), y vinrent en pèlerins adorer le Dieu sans idole et méditer sur les destinées du monde. Les âmes d'élite de l'Eglise de l'attente, qui jusque-là erraient déjà nombreuses par les montagnes et dans les solitudes (Heb. XI, 38), aimèrent à choisir leur lieu de prière et de repos dans les mille grottes que leur ouvraient ses flancs ; car les antiques traditions y remplissaient plus qu'ailleurs de leur majesté le silence des forêts, et la Vierge qui devait enfanter s'y annonçait à ses parfums. Le culte de la douce souveraine de la terre et des cieux fut véritablement à tout jamais fondé dès lors ; et la tribu de ses dévots clients, les ascètes du Carmel, pouvait s'appliquer la parole qui fut dite par Dieu plus tard aux pieux descendants de Réchab : "Il ne manquera point d'homme de cette race pour se tenir devant moi tous les jours" (Jerem. XXXV, 19.).

 

 Lorsqu'enfin les réalités succédèrent aux figures, lorsque le ciel eut répandu sa rosée et que le Juste fut sorti de la nuée (Isai. XLV, 8.), bientôt on le vit, son œuvre achevée, remonter vers le Père ; mais il laissait au monde la divine Mère, et il envoyait l'Esprit-Saint à l'Eglise : et le moindre triomphe de cet Esprit d'amour, qui parlait par les Prophètes autrefois (Symbol. Constantinop.), n'était point de révéler Marie aux nouveau-nés de la glorieuse Pentecôte. "Quel ne fut pas, disions-nous alors, le bonheur de ceux des néophytes auxquels il fut donné, en cette heureuse journée, d'approcher d'une si auguste reine, de la Vierge-Mère, à qui il avait été donné de porter dans ses chastes flancs celui qui était l'espérance d'Israël ! Ils contemplèrent les traits de la nouvelle Eve, ils entendirent sa voix, ils éprouvèrent le sentiment filial qu'elle inspire à tous les disciples de Jésus. Dans une  autre saison, la sainte Liturgie nous parlera de ces hommes fortunés". Or c'est aujourd'hui que cette annonce est réalisée. Dans les Leçons de la fête, l'Eglise tout à l'heure nous dira qu'entre  tous, les disciples d'Elie et d'Elisée, devenus chrétiens à la première prédication des Apôtres, sentirent croître leur vénération pour la Vierge bénie dont il leur fut  loisible de recueillir les paroles si suaves, de goûter l'ineffable intimité. Plus que jamais affectionnés  à la montagne où, moins  fortunés qu'eux pourtant, leurs pères avaient vécu d'espérance, ils y construisirent, au lieu même d'où Elie avait vu la nuée monter de la mer, un oratoire qui fut dédié dès lors à la très pure Vierge, et leur valut le nom de Frères de la bienheureuse Marie du Mont-Carmel.

 

Au douzième siècle, à la suite de l'établissement du royaume latin de Jérusalem, beaucoup de pèlerins d'Europe venant augmenter le nombre des solitaires de la sainte montagne, il parut bon de donner à leur vie, jusque-là plus érémitique que conventuelle, une forme mieux en rapport avec les habitudes des Occidentaux ; ce fut alors que le légat Aimeric Malafaida, patriarche d'Antioche, les réunit en communauté sous l'autorité de saint Berthold qui, le premier, reçut à cette occasion le titre de Prieur général. Le Bienheureux  Albert, patriarche de Jérusalem et également légat apostolique, acheva dans les  premières années  du siècle suivant l'œuvre d'Aimeric, en donnant une Règle fixe à l'Ordre qui commença de se répandre en Chypre, en  Sicile et dans  les pays d'au delà de la mer, favorisé par les princes et les chevaliers revenus de Terre Sainte. Bientôt même, Dieu abandonnant les chrétiens d'Orient au châtiment mérité par leurs fautes, les représailles des Sarrasins victorieux devinrent telles en ce siècle de malheur pour la Palestine, qu'une assemblée plénière, tenue au  Carmel  sous Alain le Breton, décréta l'émigration  totale, ne laissant à la garde du berceau de l'Ordre que quelques affamés du martyre. L'année même où elle se consommait (1245), Simon Stock fut élu général dans le premier Chapitre d'Occident, réuni à Aylesford en Angleterre.

 

 Simon était désigné à ce choix par les luttes heureuses qu'il avait précédemment soutenues pour la reconnaissance de l'Ordre, que nombre de prélats, s'appuyant des récentes décisions du concile de Latran, rejetaient comme nouveau en Europe. Notre-Dame même avait alors pris en mains la cause des Frères, et obtenu d'Honorius III le décret de confirmation qui fut l'origine première de la fête de ce jour. Or, ce n'était là ni le commencement, ni la fin des faveurs de la très douce Vierge pour la famille qui si longtemps avait vécu comme à l'ombre de la nuée mystérieuse, obscure comme elle dans son humilité, sans autre lien ni prétention que l'imitation de ses œuvres cachées et la commune contemplation de sa gloire. Elle-même avait voulu sa sortie du milieu d'un peuple infidèle, comme avant la fin de ce même siècle treizième, elle donnera ordre à ses Anges de transporter en terre catholique sa bénie maison de Nazareth. Que les hommes d'alors, que les historiens de nos temps à vue toujours si courte en aient eu ou non la pensée : les deux translations s'appelaient, comme elles se complètent et s'expliquent mutuellement, comme l'une et l'autre vont être pour notre Europe le point de départ des plus insignes faveurs du ciel.

 

 Dans la nuit du 15 au 16 juillet de l'année 1251, la gracieuse souveraine du Carmel confirmait à ses fils par un signe extérieur le droit de cité qu'elle leur avait obtenu en ces régions nouvelles où les amenait leur exode ; maîtresse et mère de tout l'Ordre religieux, elle leur conférait de ses augustes mains le scapulaire, vêtement distinctif jusque-là de la plus grande et de la plus ancienne des familles religieuses de l'Occident. Saint Simon Stock qui recevait de la Mère de Dieu cet insigne, ennobli encore par le contact de ses doigts sacrés, l'entendait en même temps lui dire : "Quiconque mourra dans cet habit, ne souffrira point les flammes éternelles."

 

 Mais ce n'était point seulement contre le feu sans fin de l'abîme, que devait s'exercer en faveur de ceux qui porteraient le pieux habit la toute-puissance suppliante de la divine Mère. En 1316, lorsque de toutes les âmes saintes s'élevaient au ciel d'ardentes prières pour obtenir à l'Eglise la cessation du veuvage désastreux et prolongé qui avait suivi la mort de Clément V, la Reine des Saints se montrait à Jacques d'Euze que le monde allait saluer bientôt du nom de Jean XXII ; elle lui annonçait sa prochaine élévation au pontificat suprême, et en même temps lui recommandait de publier le privilège d'une prompte délivrance du purgatoire qu'elle avait obtenu de son Fils divin pour ses enfants du Carmel : "Moi leur Mère, je descendrai par grâce vers eux le samedi qui suivra leur mort, et tous ceux que je trouverai dans le purgatoire je les délivrerai et les emmènerai à la montagne de l'éternelle vie". Ce sont les propres paroles de Notre-Dame, citées par Jean XXII dans la bulle où il en rend témoignage, et qui fut dite sabbatine en raison du jour désigné par la glorieuse libératrice comme celui où s'exercerait le miséricordieux privilège.  

 

The Madonna of Carmel by TIEPOLO

Notre Dame du Carmel et les Âmes du Purgatoire par Tiepolo

 

La munificence de Marie, la pieuse gratitude de ses fils pour l'hospitalité que leur donnait l'Occident, l'autorité  enfin des successeurs de Pierre, rendirent bientôt ces richesses spirituelles accessibles au peuple entier des  chrétiens, par l'institution de la Confrérie du saint Scapulaire qui fait entrer ses membres en participation des mérites et privilèges de tout l'Ordre des Carmes. Qui dira les grâces, souvent merveilleuses, obtenues par l'humble vêtement ? Qui pourrait compter aujourd'hui les fidèles enrôlés dans la milice sainte ?  Lorsque Benoît XIII, au XVIIIe siècle, étendit la fête du 16 juillet à l'Eglise entière, il ne fit pour ainsi  dire que consacrer  officiellement l'universalité de fait que le culte de la Reine du Carmel avait conquise presque partout dès lors.

 

Reine du Carmel, agréez les vœux de l'Eglise de la terre qui aujourd'hui vous dédie ses chants. Quand le monde gémissait dans l'angoisse d'une attente sans fin, vous étiez déjà son espoir. Bien impuissant encore à pénétrer vos grandeurs, il aimait pourtant, sous ce règne des figures, à vous parer des plus nobles symboles ; la reconnaissance anticipée aidait en lui l'admiration à vous former comme une auréole surhumaine de toutes les notions de beauté, de force et de grâce que lui suggérait la vue des sites les plus enchanteurs, des plaines en fleurs, des cimes boisées, des vallées fertiles, de ce Carmel principalement dont le nom signifie plantation du Seigneur.

 

Sur son sommet, nos pères, qui savaient que la Sagesse a son trône dans la nue, hâtèrent de leurs désirs ardents l'arrivée du signe sauveur ; c'est là qu'à leurs prières fut enfin donné ce que l'Ecriture nomme la science parfaite, ce qu'elle désigne comme la connaissance des grandes routes des nuées. Et quand Celui qui fait son char et son palais de l'obscurité de la nue, se fut dans un avenir moins éloigné manifesté par elle à l'œil exercé du père des Prophètes, on vit les plus saints personnages de l'humanité se réunir en troupe d'élite dans les solitudes de la montagne bénie, comme autrefois Israël au désert, pour observer les moindres mouvements de la nuée mystérieuse, recevoir d'elle leur unique direction dans les sentiers de cette vie, leur seule lumière dans la longue nuit de l'attente.

 

Ô Marie, qui dès lors présidiez ainsi aux veilles des armées du Seigneur, qui jamais ne leur fîtes un seul jour défaut : depuis qu'en toute vérité Dieu est par vous descendu, ce n'est plus seulement le pays de Judée, mais toute la terre, que vous couvrez comme une nuée répandant l'abondance et les bénédictions. Vos antiques clients, les fils des Prophètes, en firent l'heureuse expérience, lorsque, la terre des promesses devenue infidèle, ils durent songer un jour à transplanter sous d'autres cieux leurs coutumes et leurs traditions; ils constatèrent alors que jusqu'en notre extrême Occident la nuée du Carmel avait versé sa rosée fécondante, que partout aussi sa protection leur restait acquise.

 

Cette fête, ô Mère divine, est l'authentique monument de leur reconnaissance, accrue encore par les bienfaits nouveaux dont votre munificence accompagna cet autre exode des derniers restes d'Israël. Et nous les fils de la vieille Europe, c'est à bon droit que nous faisons écho à l'expression de leur pieuse allégresse ; car depuis que leurs tentes se sont posées autour des collines où sur Pierre est bâtie la nouvelle Sion, la nuée s'est épanchée de toutes parts en pluies plus que jamais précieuses, refoulant à l'abîme les flammes éternelles, éteignant les feux du séjour de l'expiation.

 

 En même temps donc que nous joignons pour vous notre reconnaissance à la leur, daignez, Mère de la divine grâce, acquitter envers eux la dette de notre gratitude. Protégez-les toujours. Gardez-les dans nos temps malheureux où les sévices du Sarrasin sont dépassés, en résultats de mort, par l'hypocrisie calculée des modernes persécuteurs.

 

 Que non seulement la vieille tige garde la vie dans ses racines profondes, mais que ses vénérables rameaux saluent sans cesse l'accession de nouvelles branches portant comme leurs aînées, ô Marie, les fleurs et les fruits qui vous plaisent. Maintenez au cœur des fils l'esprit de retraite et de divine contemplation qui fut celui de leurs pères à l'ombre de la nue ; faites que leurs sœurs aussi restent fidèles aux traditions de tant de nobles  devancières, sous tous les cieux où l'Esprit les a multipliées pour en même temps conjurer l'orage et attirer les bénédictions qui descendent de la nuée mystérieuse.

 

Puissent les austères parfums de la sainte montagne continuer d'assainir autour d'elle l'air que tant de miasmes corrompent ; puisse le Carmel offrir toujours à l'Epoux le type des beautés qu'il aime à trouver en sa bien-aimée !

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

Our Lady of Mount Carmel

Notre Dame du Mont Carmel par Novelli

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 05:00

Quatre mois après l’Ange de l'Ecole, voici qu'à son tour Bonaventure paraît au ciel comme un astre éclatant réfléchissant les feux du Soleil de justice. Inséparables au pied du trône de Dieu comme ils le furent ici-bas dans la doctrine et l'amour, la terre les honore de titres glorieux empruntés au monde des célestes esprits. Ecoutons le Docteur séraphique justifier à l'avance, pour son compagnon de gloire et pour lui, ces appellations de la reconnaissante admiration des peuples.

 

 Aux trois célestes hiérarchies comprenant les neuf chœurs des Anges, correspondent sur la terre trois ordres d'élus. Les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, qui se divisent la première hiérarchie, sont en ce monde ceux que rapproche dans la divine contemplation la meilleure part, et que distinguent entre eux plus spécialement l'intensité de l'amour, la plénitude de la science, la fermeté de la justice ; aux Dominations, Vertus et Puissances répondent les prélats et les princes, aux derniers chœurs enfin les divers rangs des sujets de la sainte Eglise adonnés à la vie active. C'est le triple partage indiqué parmi les hommes en saint Luc au dernier des jours : deux seront dans le repos, deux au champ, deux à la meule, à savoir le repos des divines suavités, le champ du gouvernement,  la meule du  labeur de la vie. Quant à l'association mutuelle ici marquée,  on doit savoir en effet que les Séraphins eux-mêmes, unis à Dieu plus immédiatement que tous autres, s'acquittent à deux en Isaïe du ministère du sacrifice et de la louange (Isai. VI, 3.) ; car pour l'ange aussi bien que pour l'homme, la plénitude de l'amour, part plus spéciale du Séraphin, ne saurait exister sans l'accomplissement du double précepte de la charité embrassant Dieu et son semblable. Aussi est-il observé du Seigneur qu'il envoie ses disciples deux à  deux devant sa face, et  voyons-nous également Dieu dans  la  Genèse envoyer deux anges là où un seul pouvait suffire. Il vaut donc mieux être deux ensemble qu'un seul, dit l'Ecclésiaste ; car ils tirent avantage de leur société.

 

Nous venons d'entendre l'enseignement de Bonaventure en son livre de la Hiérarchie De ecclesiast. hierarchia, pars I, cap. I, 11. ; il nous donne le secret des procédés divins où l'éternelle Sagesse s'est complue souvent, dans la poursuite du salut du monde et de la sanctification des élus. Au XIIIe siècle en particulier, l'historien qui recherche les causes des événements déroulés sous ses yeux n'arrivera point à les connaître pleinement, s'il oublie la vision prophétique où Notre-Dame nous est montrée, au commencement de ce siècle, présentant à son Fils irrité ses deux serviteurs Dominique et François pour lui ramener par  leur  union  puissante  l'humanité dévoyée. Quel spectacle plus digne des Séraphins que la rencontre de ces deux anges de la terre, au lendemain de l'apparition mystérieuse ! "Tu es mon compagnon, tu courras avec moi d'un même pas, dit dans une étreinte du ciel le descendant des Gusman au pauvre d'Assise ; tenons-nous ensemble, et nul ne prévaudra contre nous". Mais ne doit-ce pas être aussi la devise, n'est-ce pas, sur le terrain de la doctrine sacrée, l'histoire de leurs deux nobles fils, Thomas et Bonaventure ? L'étoile qui brille au front de Dominique a dirigé vers Thomas ses rayons ; le Séraphin qui imprima sur la chair de François les stigmates divins touche de son aile de feu l'âme de Bonaventure ; mais, de même que leurs incomparables pères, tous deux n'ont qu'un but : amener les hommes par la science et l'amour à cette vie éternelle qui consiste à connaître le seul vrai Dieu et celui qu'IL a envoyé, Jésus-Christ.

 

 Lampes ardentes et luisantes combinant leur flamme dans les cieux en des proportions que nul œil mortel ne saurait spécifier d'ici-bas, la Sagesse éternelle a voulu pourtant que l'Eglise de la terre empruntât plus particulièrement à Thomas sa lumière, et à Bonaventure ses feux. Que ne pouvons-nous ici montrer à l'œuvre en chacun d'eux cette Sagesse, unique lien dès ce monde de leur commune pensée, et dont il est écrit que, toujours immuable en son adorable unité, elle ne se répète jamais dans les âmes qu'elle choisit parmi les nations pour en faire les prophètes et les amis de Dieu ! Mais nous ne devons parler aujourd'hui que de Bonaventure.

 

 Voué tout enfant par sa pieuse mère à saint François qui l'avait sauvé d'une mort imminente, ce fut dès le berceau et sous les traits de la divine pauvreté, compagne aimée  du  patriarche séraphique, que l'éternelle Sagesse voulut prévenir notre saint et se montrer à lui la première. Promis dès lors à l'Ordre des Frères Mineurs, c'était donc bien littéralement qu'au premier éveil  de ses facultés, il la trouvait assise aux portes de son âme, attendant  l'ouverture de ces portes qui sont, nous dit-il lui-même, l'intelligence et l'amour. La très douce âme de l'enfant, prévenue de tous les dons de nature et de grâce, ne pouvait hésiter entre les tumultueuses vanités de ce monde et l'auguste amie qui s'offrait à lui dans le calme rayonnement de sa sublime noblesse et de ses charmes divins. De ce  premier  instant, sans lutte  aucune, elle fut  sa lumière ;  aussi tranquillement que le rayon de soleil entrant par une fenêtre jusque-là  close, la Sagesse remplit cette demeure  devenue  sienne, comme l'épouse au jour des noces prend possession de la maison de son époux et y apporte  toute joie, en pleine communauté de biens et surtout d'amour.

 

 Pour sa part de contribution à la table nuptiale, elle apportait les substantielles clartés des cieux ; Bonaventure lui servait en retour les lis de la pureté, qu'elle recherche, assure-t-il, pour premier aliment. Le festin ne devait plus cesser dans cette âme ; et la lumière et les parfums s'en échappant, allaient au loin tout attirer, éclairer et nourrir. Presque encore un enfant, lorsqu'au sortir des premières années de sa vie religieuse, il fut selon l'usage envoyé aux cours de la célèbre Université de Paris, tous les cœurs furent gagnés à cet ange de la terre dans lequel il semblait, disait-on, qu'Adam n'eût point péché : parole  d'admiration  que n'avait pu retenir, à la vue de tant de qualités rassemblées, le grand Alexandre de Halès. Comme ces montagnes dont la cime se perd au delà des  nues, dont la base envoie au loin les eaux fécondantes, Frère Alexandre, selon l'expression du Pontife suprême, semblait alors contenir en soi la source vive du paradis, d'où le fleuve de la science du salut s'échappait à flots pressés  sur la  terre. Bien peu de temps néanmoins allait s'écouler avant que celui qu'on nommait le Docteur irréfragable et le Docteur des docteurs, cédât  la place  au  nouveau venu qui devait être sa plus pure gloire en l'appelant son Père et son Maître.

 

Si jeune encore investi d'un pareil héritage, Bonaventure cependant pouvait dire de la Sagesse divine plus justement que de l'illustre Maître qui n'avait eu qu'à assister au développement  prodigieux de  cette âme : "C'est elle qui m'a tout appris ; elle m'a enseigné la science de Dieu et de ses ouvrages, et la  justice et  les  vertus, et  les  subtilités du discours et le nœud des plus forts arguments".

 

Tel est bien tout l'objet de ces Commentaires sur les quatre Livres des Sentences, qui nous ont conservé les leçons de Bonaventure en cette chaire de Paris où sa parole gracieuse, animée d'un souffle divin, tenait captives  les plus nobles intelligences : inépuisable mine, que la famille franciscaine se doit à elle-même d'exploiter toujours plus comme son vrai trésor ; monument impérissable de la science de ce Docteur  de vingt-sept ans,  qui, distrait bientôt  de l'enseignement par les soins du gouvernement d'un grand Ordre, n'en partagera pas moins toujours, à cause  de cette exposition magistrale, l'honneur du principat de la Théologie sacrée avec son illustre ami Thomas d'Aquin, plus heureux et plus libre de poursuivre ses études saintes.

 

 Mais combien déjà le jeune Maître répondait à son titre prédestiné de Docteur séraphique, en ne voyant dès ce temps dans la science qu'un moyen de l'amour, en répétant sans fin que la lumière qui illumine l'intelligence reste stérile et vaine si elle  ne  pénètre jusqu'au cœur, où seulement la Sagesse se repose et festoie ! Aussi, nous dit saint Antonin, toute vérité perçue par l'intellect en lui passait par les affections, devenant ainsi prière et divine louange. Son but était, dit un autre historien, d'arriver à l'incendie de l'amour, de s'embraser lui-même au divin foyer et d'enflammer ensuite les autres ; indifférent aux louanges comme à la renommée, uniquement soucieux de régler ses mœurs et sa vie, il entendait brûler d'abord et non seulement luire, être feu pour ainsi approcher de Dieu davantage étant  plus conforme à celui qui est feu : toutefois, comme le feu ne va pas sans lumière, ainsi fut-il du même coup un luisant flambeau dans la maison  de Dieu ; mais son titre spécial de louange, est que tout ce qu'il put rassembler de lumière il en fit l'aliment de sa flamme et de la divine charité.

 

 On sut à quoi s'en tenir au sujet de cette direction unique de ses pensées, lorsqu'inaugurant son enseignement public, il dut prendre parti sur la question qui divisait l'Ecole touchant la fin de la Théologie : science spéculative pour les uns, pratique au jugement des autres, selon que les uns et les autres étaient frappés davantage du caractère théorique ou moral des notions qu'elle a pour objet. Bonaventure, cherchant à unir les deux sentiments dans le principe qui était à ses yeux l'universelle et seule loi, concluait que "la Théologie est une science affective, dont la connaissance procède par contemplation spéculative, mais tend principalement à nous rendre bons". La Sagesse de la doctrine en effet, disait-il, doit être ce que l’indique son nom, savoureuse à l'âme ; et, ajoutait-il, non sans quelque pointe de suave ironie comme en connaissent les saints, il y a différence dans l'impression produite par cette proposition : Le Christ est mort pour nous, et semblables, ou cette autre, je suppose : La diagonale et le coté d'un carré sont incommensurables entre eux.

 

En même temps, de quelle ineffable modestie n'étaient pas relevés dans notre saint le charme du discours et la profondeur de la science ! "Soit dit sans préjudice du sentiment d'autrui, concluait-il dans les questions obscures. Si quelqu'un pense autrement ou mieux, ainsi qu'il est possible, sur ce point comme sur tous les autres, je n'en suis point envieux ; mais s'il se rencontre quelque chose digne d'approbation dans ce petit ouvrage, qu'on en rende grâces à Dieu auteur des bonnes choses : pour le faux, le douteux ou l'obscur qui peut s'y trouver en d'autres endroits, que la bienveillance du lecteur le pardonne à l'insuffisance de  l'écrivain, auquel  sa conscience rend témoignage à coup sûr d'avoir désiré ne rien dire que de vrai, de clair et de reçu communément".

 

Dans une circonstance  pourtant , l'inaltérable dévouement de Bonaventure à la Reine des vierges tempère l'expression de son humilité avec une grâce non moins remplie de force que de douceur : "Que si quelqu'un, dit-il, préfère s'exprimer autrement, pourvu que ce ne soit pas au détriment de la Vierge vénérée, je ne lutterai guère à l'encontre ; mais il faut éviter diligemment que l'honneur de Notre-Dame soit en rien  diminué par personne, dût-il en coûter la tête". Enfin, terminant le troisième Livre de cette admirable exposition des Sentences : "Mieux vaut la charité que toute science, déclare-t-il. Il suffit dans le doute de savoir ce qu'ont pensé les sages ; la dispute sert de peu. Nombreuses sont nos paroles, et les mots nous trahissent et nous manquent. Grâces immenses à celui qui parfait tout discours, à  notre Seigneur Jésus-Christ dont l'aide m'a donné de parvenir à l'achèvement de cette œuvre médiocre, ayant pris en pitié ma pauvreté de science et de génie ! Je lui demande qu'il en provienne pour  moi  le mérite de l'obéissance et profit pour mes Frères, double but dans la pensée duquel ce travail a été entrepris".

 

 Cependant le temps était venu où le mérite de l'obéissance allait faire place pour notre saint à un autre moins envié de lui, mais non moins profitable aux Frères. A trente-cinq ans il fut élu Ministre Général. Thomas d'Aquin, plus jeune de quelques années, montait comme un soleil puissant à l'horizon. Bonaventure, contraint d'abandonner le champ de l'enseignement scolastique, laissait à son ami le soin de le féconder plus complètement et plus longuement qu'il n'avait pu faire. L'Eglise ne devait donc rien perdre ; et, fortement et suavement comme toujours, l'éternelle Sagesse poursuivait en cela sa pensée : ainsi prétendait-elle obtenir que ces deux incomparables génies se complétassent ineffablement l'un par l'autre, en nous donnant, réunis, la plénitude de la vraie science qui non seulement révèle Dieu, mais conduit à lui.

 

 Donnez au sage l'occasion, et la sagesse croîtra en lui. Bonaventure devait justifier cette parole placée par lui en tête du traité des six ailes du Séraphin, où il expose les qualités requises dans l'homme appelé à porter la charge des âmes. L'espace nous manque, on le comprendra, pour suivre le détail infini et parfois les difficultés de ce gouvernement immense, que les missions franciscaines si répandues étendaient pour ainsi dire à l'Eglise entière. Le traité même que nous venons de citer, fruit de son expérience, et que le Père Claude Aquaviva tenait en si haute estime qu'il en avait fait comme un guide obligé des supérieurs de la Compagnie de Jésus, dit assez ce que fut notre saint dans cette dernière partie de son existence. Son âme était arrivée à ce point qui n'est autre que le sommet de la vie spirituelle, où le plus vertigineux tourbillon du dehors ne trouble en rien le repos du dedans ; où l'union divine s'affirme dans la mystéiieuse fécondité qui en résulte pour les saints, et qui se manifeste à la face du monde, quand il plaît à Dieu, par des œuvres parfaites dont la multiplicité reste inexplicable pour les profanes. Si nous voulons comprendre Bonaventure à cette heure de sa vie, méditons ce portrait tracé par lui-même : Les Séraphins influent sur ceux qui sont au-dessous d'eux pour les amener vers les hauteurs ; ainsi l'amour de l'homme spirituel se porte au prochain et à Dieu, à Dieu pour s'y reposer lui-même, au prochain pour l'y ramener avec lui. Non seulement donc ils embrasent ; ils donnent aussi la forme du parfait amour, chassant toutes ténèbres, montrant la manière de s'élever progressivement et d'aller à Dieu par les sommets.

 

 Tel est le secret de la composition de toute cette série d'admirables opuscules où, n'ayant pour livre que son crucifix, comme il l'avouait à saint Thomas, sans plan préconçu, mais prenant occasion des demandes ou du besoin des frères et des sœurs de sa grande famille, d'autres fois ne voulant qu'épancher son âme, Bonaventure se trouve avoir traité tout ensemble et des premiers éléments de l'ascèse et des sujets les plus élevés de la vie mystique, avec une plénitude, une sûreté, une clarté, une force divine de persuasion, qui font dire au Souverain Pontife Sixte IV que l'Esprit-Saint lui-même semble parler en lui.

 

Ecrit au sommet de l'Alverne, et comme sous l'influence plus immédiate des Séraphins du ciel, l'Itinéraire de l’âme à Dieu ravissait à tel point le chancelier Gerson, qu'il déclarait "cet opuscule, ou plutôt, disait-il, cette œuvre immense, au-dessus de la louange d'une bouche mortelle" ; il eût voulu qu'en le joignant au Breviloquium, abrégé merveilleux de la science sacrée, on l'imposât comme manuel indispensable aux théologiens. C'est qu'en effet, dit pour l'Ordre bénédictin le grand Abbé Trithème, par ses paroles de feu l'auteur de tous ces profonds et dévots opuscules n'embrase pas moins la volonté du lecteur qu'il n'éclaire son intelligence. Pour qui considère l'esprit de l'amour divin et de la dévotion chrétienne qui s'exprime en lui, il surpasse sans peine tous les docteurs de son temps quant à l'utilité de ses ouvrages. Beaucoup exposent la doctrine, beaucoup prêchent la dévotion, peu dans leurs livres enseignent les deux ; Bonaventure surpasse et ce grand et ce petit nombre, parce que chez lui la science forme à la dévotion, et la dévotion à la science. Si donc vous voulez être et savant et dévot, pratiquez ses œuvres.

 

 Mais, mieux que personne, Bonaventure nous révélera dans quelles dispositions il convient de le lire pour le faire avec fruit. En tête de son Incendium amoris, où il enseigne le triple chemin qui conduit par la purification, l'illumination et l'union à la véritable sagesse : "J'offre, dit-il, ce livre, non aux philosophes, non aux sages du monde, non aux grands théologiens embarrassés de questions infinies, mais aux simples, aux ignorants qui s'efforcent plus d'aimer Dieu que de beaucoup savoir. Ce n'est point en discutant, mais en agissant qu'on apprend à aimer. Pour ces hommes pleins de questions, supérieurs en toute science, mais inférieurs dans l'amour du Christ, j'estime qu'ils ne sauraient comprendre le contenu de ce livre ; à moins que laissant de côté la vaine ostentation du savoir, ils ne s'appliquent, dans un très profond renoncement, dans la prière et la méditation, à faire jaillir en eux l'étincelle divine qui, échauffant leur cœur et dissipant toute obscurité, les guidera par delà  les choses du temps jusqu'au trône de  la paix.  Car par cela même pourtant qu'ils savent plus, ils sont plus aptes, ou  ils le  seraient, à aimer, s'ils se méprisaient véritablement  eux-mêmes et avaient  joie d'être méprisés par autrui." (Incend. amoris, Prologus.).

 

 Si longues que soient déjà ces  pages, nous ne résistons pas au désir de citer les dernières paroles qu'on nous ait conservées de Bonaventure. De même que l'Ange de l'Ecole allait bientôt, à Fosse-Neuve, terminer ses oeuvres et sa vie par l'explication du divin Cantique, le Séraphin son émule et son frère exhalait avec ces mots de l'épithalame sacré la dernière note de ses chants : "Le roi Salomon s'est fait un trône en bois du Liban ; les colonnes en sont d'argent, le siège en est d'or, les degrés tout de pourpre. Le siège d'or, ajoutait notre saint, est la sagesse contemplative : elle n'appartient  qu'à quiconque possède aussi  les colonnes d'argent, à savoir les vertus affermissant l'âme ; les degrés de pourpre sont la charité par où l'on monte vers les hauteurs et l'on descend dans les vallées."

 

 Ouvrage sublime et pourtant inachevé, que déjà il n'avait pu rédiger lui-même ! "Hélas ! hélas ! hélas ! s'écrie plein de larmes le pieux disciple à qui nous devons ce dernier trésor, une dignité plus haute, et bientôt le départ de cette vie de notre seigneur et Maître ont arrêté la continuation de cette œuvre". Et nous révélant d'une façon touchante les précautions prises par les fils pour ne rien laisser perdre des conférences que faisait le père : "Ce que je donne ici, déclare-t-il, est ce que j'ai pu d'une plume rapide dérober tandis qu'il parlait. Deux autres avec moi pendant ce temps recueillaient des notes, mais leurs cahiers sont restés difficilement lisibles pour autrui ; au lieu que quelques-uns des auditeurs ont pu relire mon exemplaire, et que le Maître lui-même et beaucoup d'autres en ont fait usage, ce dont m'est due reconnaissance. Et maintenant, après bien des jours, la permission et le temps m'en étant accordés, j'ai revu ces notes, ayant toujours dans l'oreille et devant les yeux la voix et les gestes du Maître ; je les ai mises en ordre, sans rien ajouter toutefois qu'il n'eût dit, sauf l'indication de quelques autorités."

 

 La dignité rappelée par le fidèle secrétaire est celle du cardinal évêque d'Albano, que Grégoire X, élu pour succéder à Clément IV après trois ans qu'avait duré le veuvage de l'Eglise, imposa en vertu de l'obéissance à notre Saint dont le crédit près du sacré Collège avait obtenu cette élection. Chargé de préparer les travaux du concile indiqué à Lyon pour le printemps de l'année 1274, il eut la joie d'assister à la réunion des deux Eglises latine et grecque que plus que personne il avait procurée. Mais Dieu voulut lui épargner l'amertume de constater combien  peu devait  durer un  rapprochement qui eût  été le salut de cet Orient qu'il aimait, et où le nom de Bonaventure, transformé en celui d'Eutychius, gardait encore son ascendant, deux siècles plus tard,  au  temps du concile de Florence.

 

Le  15 juillet de cette année 1274, en plein concile et sous la présidence du  Pontife suprême,  eurent lieu les plus  solennelles funérailles que la terre eût jamais contemplées : J'ai grande douleur à ton sujet, mon frère Jonathas, s'écriait, devant l'Occident et l'Orient rassemblés dans une commune lamentation, le cardinal  Pierre de Tarentaise, de l'Ordre de saint Dominique. Le séraphin avait rejeté son manteau de chair,  et déployant ses ailes, après cinquante-trois ans donnés au monde, il rejoignait Thomas d'Aquin qui venait à peine de le précéder dans les cieux.

 

 

 La brièveté insolite des deux seules Leçons propres consacrées à Bonaventure, est un peu compensée par leur élégante concision qui dit beaucoup en peu de mots :

 Bonaventure naquit à Bagnorea en Toscane. Dans son enfance étant tombé en danger de la vie, sa mère fit vœu, s'il en échappait, de le consacrer à l'Ordre de saint François. Ensuite de quoi, devenu jeune homme, il fut sur sa demande admis parmi les  Frères Mineurs ; là, sous Alexandre de Haies, il acquit bientôt une si parfaite science qu'au bout de sept ans il interprétait publiquement à Paris, aux applaudissements de tous, les livres des Sentences qu'il illustra par la suite d'admirables commentaires. Six ans après, élu à Rome Ministre Général de son Ordre, il remplit cette charge avec une telle renommée de prudence et de sainteté, qu'il devint l'objet de la louange et de l'admiration universelles.

 

Il écrivit beaucoup d'ouvrages, dans lesquels unissant à la plus haute science une égale ardeur de piété, il émeut le lecteur en l'instruisant. Touché de son renom de sainteté et de sagesse, Grégoire X le créa cardinal éveque d'Albano.

 

 Il fut appelé saint de son vivant par le bienheureux Thomas d'Aquin. Car celui-ci l'ayant un jour trouvé occupé à écrire la vie de saint François : "Laissons, dit-il, un saint travailler pour un saint."

 

 Il cessa de vivre la veille des ides de juillet, au concile de Lyon, âgé de cinquante-trois ans. Ses miracles furent nombreux. Le Souverain Pontife Sixte IV l'a mis au nombre des Saints.

 

 

 Vous êtes entré dans la joie de votre Seigneur, ô Bonaventure ; quelles ne doivent pas  être maintenant vos délices puisque, selon la règle que vous avez rappelée, "autant quelqu'un aime Dieu ici-bas, autant là-haut il se réjouit en lui !" (Bonav. De perfectione vitae, ad Sorores, VIII.)

 

 Si le grand saint Anselme, auquel  vous empruntiez cette parole, ajoutait que l'amour se mesure à la connaissance, ô vous qui fûtes l'un des princes de la science sacrée en même temps que le Docteur de l'amour, vous nous montrez qu'en effet toute lumière, dans l'ordre de grâce et dans celui de nature, n'a pour but que d'amener à aimer. En toute chose se cache Dieu (Bonav. De reductione artium ad theologiam.) ; et toutes les sciences ont Christ pour  centre (Illuminationes Eccl. I.) ; et le fruit de chacune est d'édifier la foi, d'honorer Dieu, de régler les mœurs, de conduire à l'union divine par la charité sans laquelle toute notion reste vaine. Car,  disiez-vous, toutes ces sciences ont leurs règles certaines et  infaillibles, qui descendent comme  autant de rayons de la loi éternelle en notre âme ; et notre âme, entourée, pénétrée de tant de splendeurs, est par elle-même amenée, si elle n'est aveugle, à contempler cette lumière éternelle. Irradiation merveilleuse des montagnes de la patrie jusqu'aux plus lointaines vallées de l'exil ! noblesse véritable du monde aux yeux de François votre séraphique père, et qui lui faisait appeler du nom de frères et de sœurs, comme vous le racontez, les moindres créatures (Legenda sancti Francisci, VIII.) ; dans toute beauté il découvrait la Beauté suprême, et aux traces laissées dans la création par son auteur il poursuivait partout le Bien-Aimé, se faisant de toute chose un échelon pour monter jusqu'à lui.

 

 Ouvre donc toi aussi les yeux, ô mon âme ! prête l'oreille, délie tes lèvres, dispose ton cœur, pour qu'en toute créature tu voies ton Dieu, tu l'entendes, tu le loues, tu l'aimes et l'honores, de peur que tout entier l'univers ne se lève contre toi pour ne t'être point réjouie dans les œuvres de ses mains. Du monde ensuite qui est au-dessous de toi, qui n'a de Dieu que des vestiges et sa présence en tant qu'il est partout, passe en toi-même, son image de nature, reformée dans le Christ-Epoux ; puis de l'image monte à la vérité du premier principe dans l'unité de l'essence et la trinité des personnes, pour arriver au repos de la nuit sacrée où s'oublient, dans l'amour absorbant tout, le vestige et l'image.

 

Mais tout d'abord sache bien que le miroir de ce monde extérieur te servira de peu, si le miroir intérieur de l'âme n'est purifié et brillant, si le désir ne s'aide en toi de la prière et de la contemplation pour aviver l'amour. Sache que ne suffisent point ici la lecture sans l'onction, la spéculation sans la dévotion, le travail sans la piété, la science sans la charité, l'intelligence sans l'humilité, l'étude sans la grâce ; et lorsqu'enfin t'élevant graduellement par l'oraison, la sainteté de la vie, les spectacles de la vérité, tu seras parvenu à la montagne où se révèle le Dieu des dieux : averti par l'impuissance de ta vue d'ici-bas à porter des splendeurs dont la trop faible création n'a pu te révéler nulle trace, laisse assoupie ton intelligence aveuglée, passe par delà dans le Christ qui est la porte et la voie, interroge non plus le Maître mais l'Epoux, non l'homme mais Dieu, non la lumière mais le feu totalement consumant. Passé de ce monde avec le Christ au Père qui te sera montré, dis alors comme Philippe : Il nous suffit.

 

Docteur séraphique, conduisez-nous par cette montée sublime dont chaque ligne de vos œuvres nous manifeste les secrets, les labeurs, les beautés, les  périls. Dans  la poursuite  de cette  divine Sagesse que, même en ses reflets les plus lointains, personne n'aperçoit sans extase, préservez-nous de la tromperie qui nous ferait prendre pour le but la satisfaction trouvée dans les rayons épars descendus vers nous pour nous ramener des confins du néant jusqu'à elle. Car ces rayons qui par eux-mêmes procèdent de l'éternelle beauté, séparés du foyer, détournés de leur fin, ne seraient plus qu'illusion, déception, occasion de vaine science ou de faux plaisirs. Plus élevée même est la science, plus elle se rapproche de Dieu en tant qu'objet de théorie spéculative, plus en un sens l'égarement reste à craindre ; si elle distrait l'homme dans ses ascensions vers la Sagesse possédée et goûtée pour elle seule, si elle l'arrête à ses propres charmes, vous ne craignez pas de la comparer  à la vile séductrice qui supplanterait dans les affections d'un fils de roi la très noble fiancée qui l'attend. Et certes un tel affront, qu'il provienne de la servante ou de la dame d'honneur, en est-il moins sanglant pour une auguste souveraine ? C'est pourquoi vous déclarez que "dangereux est le passage de la science à la Sagesse, si l'on ne place au milieu la sainteté". Aidez-nous à franchir le périlleux défilé ; faites que toute science ne soit jamais pour nous qu'un moyen de la sainteté pour parvenir à plus d'amour.

 

 Telle est bien toujours votre pensée dans la lumière de Dieu, ô  Bonaventure.  S'il en était besoin, nous en aurions comme preuve vos séraphiques prédilections plus d'une fois manifestées dans nos temps pour les milieux où, en dépit de la fièvre qui précipite à l'action toutes les forces vives de ce siècle, la divine contemplation reste appréciée comme  la meilleure part, comme le premier but et l'unique fin de toute connaissance. Daignez continuer à vos dévots et obligés clients une protection qu'ils estiment à son prix. Défendez comme autrefois, dans ses prérogatives et sa vie, tout l'Ordre religieux plus que jamais battu en brèche de nos jours.

 

 Que la famille franciscaine vous doive encore de croître en sainteté et en nombre ; bénissez les travaux entrepris dans son sein, aux applaudissements du  monde, pour illustrer comme elles le méritent votre histoire et vos œuvres.

 

 Une troisième fois, et pour jamais s'il se peut enfin, ramenez l'Orient à l'unité et à la vie.

 

 Que toute l'Eglise s'échauffe à vos rayons ; que le feu divin si puissamment alimenté par vous embrase de nouveau la terre.

 

DOM GUÉRANGER

L'Année Liturgique

 

 

Saint Bonaventure entre chez les Franciscains par Francisco de Herrera

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14 juillet 2010 3 14 /07 /juillet /2010 05:00

Ne croyons pas que l’Esprit-Saint, dans son désir d'élever nos âmes au-dessus de la terre, n'ait que mépris pour les corps. C'est l'homme tout entier qu'il a reçu mission de conduire à l'éternité bienheureuse, comme tout entier l'homme est sa créature et son temple. Dans l'ordre de la création matérielle, le corps de l'Homme-Dieu fut son chef d'oeuvre ; et la divine complaisance qu'il prend dans ce corps très parfait du chef de notre race, rejaillit sur les nôtres dont ce même corps, formé par lui au sein de la Vierge toute pure, a été dès le commencement le modèle. Dans l'ordre de réhabilitation qui suivit la chute, le corps de l'Homme-Dieu fournit la rançon du monde ; et telle est l'économie du salut, que la vertu du sang rédempteur n'arrive à l'âme de chacun de nous qu'en passant par nos corps avec les divins sacrements, qui tous s'adressent aux sens pour leur demander l'entrée. Admirable harmonie de la nature et de la grâce, qui fait qu'elle-même honore l'élément matériel de notre être au point de ne vouloir élever l'âme qu'avec lui vers la lumière et les cieux ! Car dans cet insondable mystère de la sanctification, les sens ne sont point seulement un passage : eux-mêmes éprouvent l'énergie du sacrement, comme les facultés supérieures dont ils sont les avenues ; et l'âme sanctifiée voit dès ce monde l'humble compagnon de son pèlerinage associé à cette dignité de la filiation divine, dont l'éclat de nos corps après la résurrection ne sera que l'épanouissement.

 

 C'est la raison qui élève à la divine noblesse de la sainte charge les soins donnés au prochain dans son corps ; car, inspirés par ce motif, ils ne sont autres que l'entrée en participation de l'amour dont le Père souverain entoure ces membres, qui sont pour lui les membres d'autant de fils bien-aimés. J’ai été malade et vous m’avez visité, dira le Seigneur au dernier des jours, montrant bien qu'en effet, dans les infirmités mêmes de la déchéance et de l'exil, le corps de ceux qu'il daigne appeler ses frères participe de la propre dignité du Fils unique engendré au sein du Père avant tous les âges. Aussi l'Esprit, chargé de rappeler les paroles du Sauveur à l'Eglise, n'a-t-il eu garde d'oublier celle-ci ; tombée dans la bonne terre des âmes d'élite elle a produit cent pour un en fruits de grâce et d'héroïque dévouement. Camille de Lellis l'a recueillie avec amour ; et par ses soins la divine semence est devenue un grand arbre offrant son ombre aux oiseaux fatigués qu'arrête plus ou moins longuement la souffrance, ou pour lesquels l'heure du dernier repos va sonner. L'Ordre des Clercs réguliers Ministres des infirmes, ou du bien mourir, mérite la reconnaissance de la terre ; depuis longtemps celle des cieux lui est acquise, et les Anges sont ses associés, comme on l'a vu plus d'une fois au chevet des mourants.

 

 

 Le récit liturgique de la vie de Camille  est assez étendu pour nous dispenser d'y rien ajouter :

 Camille naquit à Bucchianico, ville du diocèse de Chieti. Il était de la noble famille des Lellis. Sa mère était sexagénaire quand elle le mit au monde ; au temps qu'elle le portait, il lui sembla pendant son repos qu'elle donnait naissance à un petit enfant muni sur la poitrine du signe de la croix et conduisant une troupe d'enfants qui portaient le même signe. Dans sa jeunesse il suivit le métier des armes, et se laissa quelque temps aller aux vices du siècle. Mais à la vingt-cinquième année de son âge, il fut éclairé d'une telle grâce d'en haut et saisi d'une telle douleur d'avoir offensé Dieu, que soudain, tout en larmes, il résolut irrévocablement de laver les souillures de sa vie passée et de revêtir l'homme nouveau. C'était la fête de la Purification de la bienheureuse Vierge ; le jour même, accourant chez les Frères Mineurs Capucins, il les supplia instamment de le recevoir parmi eux. Une première et une seconde fois  sa prière fut exaucée ; mais un ulcère repoussant, dont il avait souffert autrefois à la jambe, ayant deux fois reparu et empiré, il se soumit humblement au dessein de la divine Providence qui avait sur lui de plus grandes vues. Vainqueur de lui-même, par deux fois donc il demanda l'habit de cet Ordre, et par deux fois, après l'avoir reçu, il le quitta.

 

 Parti pour Rome, il y fut reçu dans l'hôpital dit des Incurables. Tel était l'éclat de ses vertus, qu'on lui en confia même l'administration, ce dont il s'acquitta en toute intégrité et avec une sollicitude véritablement paternelle. Se regardant comme le serviteur de tous les malades, il faisait leurs lits, les nettoyait, soignait leurs plaies, et dans leur dernière agonie les soutenait par ses prières et ses pieuses exhortations ; dans ces soins qui lui étaient habituels, il donna d'illustres exemples de patience admirable, de force invincible, d'héroïque charité. Mais il comprit bientôt de quel secours la connaissance des lettres pouvait lui être pour cet unique objet de ses pensées, le soulagement des âmes au milieu des dangers du dernier combat ; à trente-deux ans donc il ne rougit pas de revenir au milieu des enfants s'adonner à l'étude des premiers éléments de la grammaire. Elevé par la suite au sacerdoce, il s'adjoignit quelques compagnons, et, en dépit des efforts contraires de l'ennemi du genre humain, jeta les premiers fondements de la Congrégation des Clercs réguliers Ministres des infirmes. Une voix du ciel partie de l'image du Christ en croix, laquelle même, admirable prodige ! détacha ses mains du bois et les tendit vers lui, était venue merveilleusement l'affermir. Camille obtint pour son Ordre l'approbation du Siège apostolique ; les membres s'astreignaient par un quatrième vœu très ardu à servir les malades même atteints de la peste. Il parut bien que cet institut était singulièrement agréable à Dieu et profitable au salut des âmes ; car saint Philippe Néri, confesseur de Camille, attesta que souvent il avait vu les Anges suggérer à ses disciples auprès des mourants les paroles qu'ils devaient employer.

 

 Voué par ces liens plus étroits au service des malades, on ne saurait dire quelle merveilleuse ardeur, de jour et de nuit jusqu'à son dernier souffle, sans se lasser d'aucune fatigue, sans redouter aucun danger de la vie, il  déploya pour  leurs intérêts. Tout à tous, on le voyait d'un esprit prompt et joyeux dans la plus profonde  humilité s'arroger près d'eux les plus vils offices, souvent à genoux, comme s'il eût vu le Christ dans les malades ; pour être mieux à la disposition de tous en leurs besoins, il renonça spontanément au gouvernement général  de l'Ordre et aux délices célestes dont il était  inondé dans la contemplation. Son paternel amour  pour les malheureux brilla surtout, lorsque Rome fut éprouvée par une maladie contagieuse que suivit une disette extrême, et lorsque à Nole en Campanie une cruelle peste exerça  ses ravages. Telle fut enfin la flamme de sa charité envers Dieu et le prochain, qu'il mérita d'être appelé un Ange et d'éprouver en divers dangers de ses voyages le secours des Anges. Doué du don de prophétie et de la grâce des guérisons, il connut aussi les secrets des cœurs ; à sa prière on vit tantôt se  multiplier les vivres, et tantôt l'eau se changer en vin. Epuisé de veilles, de jeûnes, de travaux assidus, n'ayant plus, semblait-il, que la peau et les os, il supporta aussi courageusement cinq maladies également longues et cruelles, qu'il appelait les miséricordes du Seigneur ; enfin à l'heure qu'il avait annoncée la veille des ides de juillet de l'an du salut mil six cent quatorze, muni des Sacrements il s'endormit a Rome dans le Seigneur en la soixante-cinquième année de son âge, entre les très doux noms de Jésus et de Marie, à ces mots : Que l'apparition du Christ Jésus te soit douce et festive.

 

 Il fut illustré par plusieurs miracles, et Benoît XIV l'inscrivit solennellement dans les fastes des Saints. Selon le vœu des prélats du monde catholique, et sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII l’a déclaré Patron des hôpitaux et des malades en tous lieux, ordonnant d'invoquer son nom dans les litanies des agonisants.

 

 

 Ange de la charité, quelles voies ont été les vôtres sous la conduite du divin Esprit ! Il fallut un long temps avant que la vision de votre pieuse mère, quand elle vous portait, se réalisât : avant de paraître orné du signe de la Croix et d'enrôler des compagnons sous cette marque sacrée, vous connûtes la tyrannie du maître odieux qui ne veut que des esclaves sous son étendard, et la passion du jeu faillit vous perdre. Ô Camille, à la pensée du péril encouru alors, ayez pitié des malheureux que domine l'impérieuse passion, arrachez-les à la fureur funeste qui jette en  proie  au  hasard capricieux leurs biens, leur honneur, leur repos de ce monde et de l'autre. Votre histoire montre qu'il n'est point de liens que la grâce ne brise, point d'habitude invétérée qu'elle ne transforme : puissent-ils comme vous retourner vers Dieu leurs penchants, et oublier pour les hasards de la sainte charité ceux qui plaisent à l'enfer ! Car, elle aussi, la charité a ses risques, périls glorieux qui vont jusqu'à exposer sa vie comme le Seigneur a donné pour nous la sienne : jeu sublime, dans lequel vous fûtes maître, et auquel plus d'une fois applaudirent les Anges. Mais qu'est-ce donc que l'enjeu de cette vie terrestre, auprès du prix réservé au vainqueur ?

 

 Selon la recommandation de l'Evangile que l'Eglise nous fait lire aujourd'hui en votre honneur, puissions-nous tous à votre exemple aimer nos frères comme le Christ nous a aimés ! Bien peu, dit saint Augustin, ont aujourd'hui cet amour qui accomplit toute la loi ; car bien peu s'aiment pour que Dieu soit tout en tous.

 

 Vous l'avez eu cet amour, ô Camille ; et de préférence vous l'avez exercé à l'égard des membres souffrants du corps mystique de l'Homme-Dieu, en qui le Seigneur se révélait plus à vous, en qui son règne aussi approchait davantage. A cause de cela, l'Eglise reconnaissante vous a choisi pour veiller, de concert avec Jean de Dieu, sur ces asiles de la souffrance qu'elle a fondés avec les soins que seule une mère sait déployer pour ses fils malades. Faites honneur à la confiance de la Mère commune. Protégez les Hôtels-Dieu contre l'entreprise d'une laïcisation inepte et odieuse qui sacrifie jusqu'au bien-être des corps à la rage de perdre les âmes des malheureux livrés aux soins d'une philanthropie de l'enfer.

 

 Pour satisfaire à nos misères croissantes, multipliez vos fils ; qu'ils soient toujours dignes d'être assistés des Anges.

 

Qu'en quelque lieu de cette vallée d'exil vienne à sonner pour nous l'heure du dernier combat, vous usiez de la précieuse prérogative qu'exalte aujourd'hui la Liturgie sacrée, nous aidant par l'esprit de la sainte dilection à vaincre l'ennemi et à saisir la couronne céleste.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Christ Appears to Camillo de Lellis

Jésus Christ apparaît à Saint Camille de Lellis

Eglise de La Madeleine à Rome

photo :Richard Stracke

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