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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

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SALVE REGINA

26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 16:00

Un jour que je tenais à la main la croix de mon rosaire, Notre-Seigneur me la prit : quand il me la rendit, elle était formée de quatre grandes pierres, incomparablement plus précieuses que des diamants. En effet, il n’y a aucune proportion entre des pierres précieuses et ce qui est surnaturel : aussi, tous les diamants paraîtraient faux et sans lustre auprès des pierres de cette croix. Les cinq plaies de Notre-Seigneur s’y trouvaient admirablement gravées. Ce divin Maître me dit que je la verrais ainsi désormais. Sa promesse s’est fidèlement accomplie : à partir de ce jour, je n’ai plus discerné dans cette croix le bois dont elle était faite ; les pierres qui la composent frappent seules ma vue ; mais nul autre que moi ne jouit de cette faveur.


A peine, pour obéir, avais-je commencé à résister à ces visions, que le divin Maître multiplia ses grâces. Malgré tous mes efforts pour me distraire, mon oraison était si continuelle que le sommeil même semblait ne pas en interrompre le cours, et mon amour allait toujours croissant. J’adressais des plaintes à Notre-Seigneur, lui disant que je ne pouvais plus supporter cet état violent. J’avais beau vouloir ne point penser à lui, mes désirs et mes efforts étaient impuissants. J’essayais néanmoins d’obéir ; mais que pouvais-je ? Rien, ou presque rien. Malgré cela, Notre-Seigneur ne m’affranchit jamais d’un tel commandement ; mais tout en me disant de m’y conformer, il m’instruisait, comme il le fait encore, de ce que j’avais à dire à ceux qui me l’imposaient, et me rassurait par des raisons si décisives, qu’elles dissipaient toutes mes craintes.


Peu de temps après, il donna, selon sa promesse, des preuves éclatantes de la vérité de ces visions. Je sentis mon âme embrasée d’un très ardent amour de Dieu ; cet amour était évidemment surnaturel, car je ne savais qui l’allumait ainsi en moi, et je n’y avais contribué en rien. Je me voyais mourir du désir de voir Dieu, et je ne savais où je devais chercher cette vie, si ce n’est dans la mort. Les transports de cet amour, sans égaler ni la véhémence ni le prix de ceux dont j’ai parlé autre part, étaient tels néanmoins que je ne savais que devenir. Rien ne répondait à mes vœux ; j’étais comme hors de moi, et il me semblait véritablement que l’on m’arrachait l’âme. O mon Seigneur ! de quel souverain artifice, de quelle délicate industrie vous usiez à l’égard de votre misérable esclave ! Vous vous teniez caché de moi, et votre amour, me poursuivant sans relâche, me faisait goûter une mort si délicieuse que mon âme eût voulu n’en jamais sortir.


Pour pouvoir comprendre quelle est l’impétuosité de ces transports, il faut les avoir éprouvés. Ils n’ont rien de commun avec ces émotions du cœur et ces mouvements de dévotion fort ordinaires, qui veulent éclater au dehors, et semblent devoir suffoquer l’esprit. Cette sorte d’oraison est très basse. Il faut éviter ces élans immodérés, en tâchant doucement de les retenir en soi-même, et s’efforcer d’apaiser l’âme ; de même, quand les enfants pleurent avec tant de violence qu’ils semblent devoir en perdre la respiration, on fait passer cette émotion excessive en leur donnant à boire. La raison doit tenir la bride pour modérer ces mouvements impétueux, parce que la nature pourrait y avoir sa part ; il est à craindre qu’il ne s’y mêle de l’imperfection, et que ces mouvements ne soient en grande partie l’ouvrage des sens. Ainsi, il faut calmer l’âme, comme le petit enfant, par une caresse d’amour, et la porter à aimer Dieu d’une manière suave, et non avec une impétueuse violence. Cette âme doit s’appliquer à recueillir son amour au dedans d’elle-même, sans le laisser se répandre au dehors, comme un vase qui bout trop fort et déborde de tous côtés, parce qu’on a jeté du bois au feu sans discrétion. Enfin, on doit diminuer la cause, c’est-à-dire éloigner de son esprit les pensées qui ont excité cette flamme subite, et tâcher de l’éteindre par quelques larmes douces, et non péniblement arrachées, comme celles qui naissent de ces sentiments si vifs et qui nous font beaucoup de mal. J’en répandais de semblables dans les commencements ; elles me laissaient la tête si épuisée et l’esprit si fatigué, que quelquefois je restais plus d’un jour sans pouvoir revenir à l’oraison. C’est ce qui me fait dire qu’il faut dans les commencements une grande discrétion, afin d’accoutumer l’esprit à n’agir qu’avec douceur et intérieurement ; on doit éviter avec grand soin tout ce qui n’est qu’extérieur.


Mais entre ces mouvements de dévotion et les transports dont je traite, il y a une complète différence. Ici, ce n’est pas nous qui mettons le bois au feu ; on dirait que le feu se trouvant allumé, on nous y jette tout à coup afin que sa flamme nous consume. L’âme ne doit point à ses efforts cette blessure qu’elle ressent de l’absence de son Dieu ; elle lui est faite par une flèche que de temps en temps on lui enfonce au plus vif des entrailles, et qui lui traverse le cœur, en sorte qu’elle ne sait plus ni ce qu’elle a, ni ce qu’elle veut. Elle connaît bien qu’elle ne veut que Dieu, et que la flèche qui l’a blessée était trempée dans le suc d’une herbe qui la porte à s’abhorrer elle-même, pour l’amour de ce Dieu auquel elle ferait avec joie le sacrifice de sa vie.


Nul langage ne saurait représenter ni exprimer la manière dont Dieu fait de telles blessures, ni cet excès de douleur qui transporte l’âme blessée ; mais cette peine est si délicieuse qu’il n’y a point de plaisir dans la vie qui la dépasse. Je le répète, l’âme voudrait se sentir toujours mourante d’un tel mal.


Cette peine unie à cette gloire me jetait crans un profond étonnement, et je ne pouvais comprendre comment cela pouvait être. Quel spectacle qu’une âme ainsi blessée ! Elle comprend combien est excellente la source de cette blessure, et elle voit clairement qu’un tel amour ne lui vient pas de ses efforts. C’est, lui semble-t-il, de l’amour excessif que le Seigneur lui porte, qu’est tombée l’étincelle qui l’embrase tout entière. Oh ! combien de fois, livrée à ce suave tourment, me suis-je souvenue de ces paroles de David : "Comme le cerf soupire après une source d’eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu" ! Elles étaient, ce me semble, l’expression fidèle de ce que je sentais.


Lorsque l’impétuosité de ces transports n’est pas si grande, il semble que la douleur de cette blessure diminue un peu par l’usage de quelques pénitences : du moins l’âme, qui ne sait que faire à son mal, y cherche-t-elle par cette voie un allégement. Mais elle ne les sent pas, et faire couler le sang de ses membres lui est aussi indifférent que si son corps était privé de la vie. En vain elle se fatigue à inventer de nouveaux moyens de souffrir quelque chose pour son Dieu : la première douleur est si grande qu’il n’y a point, selon moi, de tourment corporel qui puisse lui en enlever le sentiment ; car le remède n’est point là, et il serait trop bas pour un mal si relevé. Une seule chose adoucit tant soit peu la souffrance de l’âme, c’est d’en demander à Dieu le remède ; mais elle n’en voit point d’autre que la mort, parce qu’elle seule peut la faire entrer dans la pleine jouissance de son souverain bien. D’autres fois, la douleur se fait sentir à un tel excès, qu’on n’est plus capable ni de cette prière, ni de quoi que ce soit. Le corps en perd tout mouvement ; on ne peut remuer ni les pieds, ni les mains. Si l’on est debout, les genoux fléchissent, on tombe sur soi-même, et l’on peut à peine respirer. On laisse seulement échapper quelques soupirs, très faibles, parce que toute force extérieure manque, mais très vifs par l’intensité de la douleur.


Tandis que j’étais dans cet état, voici une vision dont le Seigneur daigna me favoriser à diverses reprises. J’apercevais près de moi, du côté gauche, un ange sous une forme corporelle. Il est extrêmement rare que je les voie ainsi. Quoique j’aie très souvent le bonheur de jouir de la présence des anges, je ne les vois que par une vision intellectuelle, semblable à celle dont j’ai parlé précédemment. Dans celle-ci, le Seigneur voulut que l’ange se montrât sous cette forme : il n’était point grand, mais petit et très beau ; à son visage enflammé, on reconnaissait un de ces esprits d’une très haute hiérarchie, qui semblent n’être que flamme et amour. Il était apparemment de ceux qu’on nomme chérubins ; car ils ne me disent pas leurs noms. Mais je vois bien que dans le ciel il y a une si grande différence de certains anges à d’autres, et de ceux-ci à d’autres, que je ne saurais le dire. Je voyais dans les mains de cet ange un long dard qui était d’or, et dont la pointe en fer avait à l’extrémité un peu de feu. De temps en temps il le plongeait, me semblait-il, au travers de mon cœur, et l’enfonçait jusqu’aux entrailles ; en le retirant, il paraissait me les emporter avec ce dard, et me laissait toute embrasée d’amour de Dieu.


La douleur de cette blessure était si vive, qu’elle m’arrachait ces gémissements dont je parlais tout à l’heure : mais si excessive était la suavité que me causait cette extrême douleur, que je ne pouvais ni en désirer la fin, ni trouver de bonheur hors de Dieu. Ce n’est pas une souffrance corporelle, mais toute spirituelle, quoique le corps ne laisse pas d’y participer un peu, et même à un haut degré. Il existe alors entre l’âme et Dieu un commerce d’amour ineffablement suave. Je supplie ce Dieu de bonté de le faire goûter à quiconque refuserait de croire à la vérité de mes paroles. Les jours où je me trouvais dans cet état, j’étais comme hors de moi ; j’aurais voulu ne rien voir, ne point parler, mais m’absorber délicieusement dans ma peine, que je considérais comme une gloire bien supérieure à toutes les gloires créées.


Telle était la faveur que le divin Maître m’accordait de temps en temps, lorsqu’il lui plut de m’envoyer ces grands ravissements, contre lesquels, même en présence d’autres personnes, toutes mes résistances étaient vaines ; ainsi j’eus le regret de les voir bientôt connus du public. Depuis que j’ai ces ravissements, je sens moins cette peine qu’une autre dont j’ai parlé précédemment, je ne me souviens plus en quel chapitre. Cette dernière est différente sous plusieurs rapports et d’une plus haute excellence. Quant à celle dont je parle maintenant, elle dure peu : à peine commence-t-elle à se faire sentir que Notre-Seigneur s’empare de mon âme et la met en extase ; elle entre si promptement dans la jouissance, qu’elle n’a pas le temps de souffrir beaucoup. Béni soit à jamais Celui qui comble de ses grâces une âme qui répond si mal à de si grands bienfaits !


Sainte Thérèse d'Avila
Le livre de la vie (chapitre 29)



Cappella Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Roma
Bernini (Le Bernin)

La sainte était âgée de quarante-quatre ans lorsqu’elle reçut, au monastère de l’Incarnation d’Avila, une faveur si extraordinaire. Dieu devait faire éclater un jour dans son Église la gloire de cette mystérieuse blessure. Au commencement du XVIIIe siècle, les carmes réformés d’Espagne et d’Italie ayant demandé au saint-siège l’institution d’une fête particulière pour honorer la blessure faite par l’ange au cœur de leur sainte fondatrice, le pape Benoit XIII accéda à leur demande, et accorda le 25 mai 1726, aux religieux et religieuses du Carmel réformé, un office propre pour la fête de la Transverbération du cœur de sainte Thérèse. Cet office ne contenait d’abord que l’oraison et les leçons ; mais ensuite le même souverain pontife permit de composer une messe et un office complets pour cette fête. Cet office est récité même par les carmes de la commune observance, et l’Espagne tout entière l’a adopté. Benoît XIV, dans son bref Dominici gregis, du 8 août 1744, a accordé à perpétuité une indulgence plénière à tous les fidèles qui visiteraient les églises du Carmel depuis les premières vêpres de la Transverbération jusqu’au coucher du soleil du jour de la fête, qui se célèbre le 26 du mois d’août. Le livre de la vie sur le site du Carmel >chapitre 29, note 8


textes au propre du Carmel : 

1 Corinthiens 13, 1-13 : Hymne à la charité

Psaume 39, 2-10 : Mon cœur brûlait en moi à force d’y songer le feu flamba

Jean 14, 23-27 : Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie

 

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 09:00



Née en 1773 aux confins du Berry et du Poitou, Elisabeth Bichier des Ages se met sous la direction de saint André-Hubert Fournet, curé de Maillé, et s'installe, avec quelques compagnes, près de ce village des environs de Poitiers. La petite communauté devient une congrégation qui prend le nom de "Filles de la Croix".

Au lendemain de la tourmente révolutionnaire, elles ont devant elles une tâche immense : éducation des enfants de la campagne et spécialement des jeunes filles, soin des malades, assistance aux pauvres.

Installée en 1820 dans "l'antique monastère de la Puye", dépendant autrefois de Fontevrault (diocèse de Poitiers), mais fort délabré, la jeune congrégation comptait déjà, dix ans plus tard, quelques soixante-trois maisons, car le Ciel, répondant à la prière de la sainte, avait fait "pleuvoir des sœurs". Sur la fin de sa vie elle rencontre dans les Pyrénées le jeune Michel Garicoïts  pour qui elle sera un modèle et une inspiratrice. Elle meurt le 26 août 1838.
Notice





Le 6 juillet 1947 Pie XII conféra le titre de saints aux bienheureux Michel Garicoïts et Jeanne Elisabeth Bichier des Ages, et prononça ensuite une homélie dont on voici un extrait :

Elisabeth Bichier des Ages brilla à un haut degré par son entrain et par sa force d'âme. Soutenue par la grâce divine, elle ne reculait devant aucun obstacle, ne craignait aucune méchanceté des hommes, et surmontait victorieusement toutes les épreuves.


Née de famille noble, et douée de qualités naturelles plus nobles encore, elle ressentit dès sa plus tendre enfance un secret attrait pour les plus grandes vertus et la poursuite de la perfection évangélique. La virginité qui est une sorte de vie angélique, une vertu qui, dépassant les forces humaines "est comme une chose divine", elle l'aima et la pratiqua à tel point que dès qu'elle en eut la possibilité, elle se consacra volontairement et de grand coeur au céleste Epoux.

A peine eut-elle goûté la douceur de cette consécration qu'elle n'eut pas de plus grand plaisir que d'engager et d'inviter avec la plus pressante instance ses compagnes, toutes celles qu'elle savait appelées par Dieu à une telle perfection, à embrasser le même genre de vie angélique. Et c'est ainsi que, guidée par une impulsion et une inspiration surnaturelles, elle en vint heureusement à fonder une congrégation de vierges sacrées dont le but est de soigner les corps et les âmes des malades, d'assister et de soulager, dans la mesure de leurs forces, les pauvres et les malheureux, et surtout de diriger la formation des jeunes filles de manière à leur inculquer les préceptes chrétiens qui par leur application feront d'elles des citoyennes telles que les veulent la religion catholique et la société humaine.
 

Cependant, sa force d'âme et sa très ardente charité envers Dieu et envers le prochain atteignirent leur apogée lorsque, à l'époque du bouleversement de toutes les institutions, bouleversement qui troubla la France entière, elle secourut les prêtres fugitifs et les religieuses chassées de leurs couvents, ainsi qu'une multitude de fidèles victimes de la Terreur. Souvent même, au péril de sa vie, elle organisa la célébration convenable des mystères saints. 

Vous avez donc là, Vénérables Frères et chers fils, de magnifiques exemples de toutes les vertus. Méditez-les attentivement, suivez-les d'une volonté résolue. Puissent les nouveaux saints obtenir par leurs prières que des temps plus heureux soient aménagés à l'Eglise et à la société humaine et que nous soient accordés par Dieu, à Nous comme à vous, les dons suprêmes, grâce auxquels Nous pourrons tous progresser d'un pas plus alerte chaque jour dans la perfection chrétienne.

Amen.



La canonisation de saint Michel Garicoïts et de sainte Jeanne Elisabeth Bichier des Ages a réuni à Rome de nombreux pèlerinages, personnalités et délégations. Les pèlerinages les plus nombreux sont arrivés de Bayonne, Poitiers et Paris ; beaucoup aussi, surtout des prêtres, du Bêarn (où se trouve Bétharram), de la Bigorre, du Poitou et du Berry. La noble famille des Ages comptait 150 personnes, fieres de porter le nom de sainte Jeanne Elisabeth. On a noté également la présence de quelques descendants de la famille de saint Michel Garicoïts et les deux miraculés de sainte Jeanne Elisabeth. S'adressant à cette foule de pèlerins, le Souverain Pontife, Pie XII, retraça en des termes profonds et clairs les caractéristiques de la sublime sainteté des deux grands disciples du Christ :

Il serait difficile de dire quel fut en Elisabeth Bichier des Ages le trait dominant. Favorisée, dans l'ordre physique, intellectuel, moral, surnaturel, des dons les plus variés de la nature et de la grâce, elle s'est trouvée placée, dans le sombre passage du XVIIIe au XIXe siècle, au carrefour des événements et des situations les plus disparates, les plus brillantes, les plus tragiques, les plus favorables à l'exercice héroïque de toutes les vertus. Elle s'est montrée, toujours et partout, à la hauteur des circonstances, fidèle et diligente à faire fructifier au centuple les dons reçus. Complète et harmonieuse, elle est vraiment cette femme incomparable dont l'Esprit-Saint a daigné peindre lui-même le portrait. Et ce sont les conjonctures extérieures plutôt qu'une évolution personnelle qui ont marqué des étapes dans la manifestation de ses riches qualités et de ses eminentes vertus.

Notre sainte appartenait à cette aristocratie, alors plus nombreuse et plus digne qu'on ne croit ou qu'on ne veut reconnaître, aristocratie de province et de campagne, providence du pays. Sa grâce faisait le charme des réunions de famille et de bon voisinage, réunions chrétiennement mondaines — pour rapprocher ces deux mots si rarement accordables — qu'elle animait joyeusement, trouvant toutefois la manière élégante d'esquiver toute participation aux danses, pourtant bien plus modestes dans son milieu à cette époque qu'elles ne le sont devenues depuis. Sa formation religieuse et intellectuelle était ample et solide autant qu'affinée, jointe le plus heureusement du monde au savoir-faire dans tous les soins, même les plus humbles, de la vie domestique d'alors, passant avec une aisance enjouée de la cuisine et des offices, où elle venait de faire la joie des serviteurs, au salon, où elle faisait les délices des invités. Qui n'eût souri à la voir, à d'autres heures, suivre assidûment, plus résignée qu'enthousiaste, les leçons de comptabilité, de son vénérable oncle, le chanoine de Moussac !


Dans les plans divins, tout cela, même les austères registres, doit lui servir un jour, jour très proche de l'épreuve : dans la maison endeuillée par la mort de son père et dont elle a la conduite ; dans la paroisse où, digne et distante vis-à-vis du clergé schismatique, elle soutient la fermeté catholique des paroissiens ; dans la prison où, avec l'habileté d'une professionnelle, elle ressemelle les chaussures et ravaude les vêtements de sa mère et de ses autres compagnons de détention ; dans le maquis de la procédure révolutionnaire où, avec toute la compétence d'un homme d'affaires, elle discute les intérêts, défend le patrimoine, revendique les droits de la famille ; dans les innombrables péripéties de la vie clandestine où elle se fait l'ange gardien et l'apôtre des fidèles traqués et persécutés.


Comment définir la maison de Béthines, la Guimetière, et l'existence qu'elle y mène avec sa mère, objet de sa sollicitude filiale, mais en même temps judicieuse et dévouée coopératrice de son apostolat, avec les quelques compagnes qui sont venues se joindre à elles pour partager les travaux de leur zèle et de leur charité ? Est-ce maison et vie de famille ? Est-ce couvent et vie religieuse ? Est-ce hôpital, école, dispensaire, centre d'oeuvres de piété ? C'est tout cela en même temps : foyer d'activité, multiple sans confusion, empressée sans agitation.
Et il semblait que tout cela allât de soi-même, au gré des circonstances qui dictaient au jour le jour le programme du bien à faire et la manière de le faire, tandis que la main de la Providence, qui dirigeait le cours apparemment capricieux de ces circonstances, pourvoyait à mettre notre sainte en mesure et à même d'y répondre.

 

La paix religieuse et sociale commençait à peine à renaître. Mais tout était à refaire : tant de ruines à relever, tant de désordres à recomposer !

La tâche qui s'imposait à Elisabeth était immense, surhumaine. Par bonheur, les concours déjà s'étaient spontanément offerts. En outre, elle avait eu la grâce de rencontrer en saint André Fournet un guide pour sa vie personnelle comme pour sa vie apostolique. Le plus urgent semblait être le rétablissement d'une vraie chrétienté. L'oncle chanoine vient en aide et fournit des missionnaires : on réconcilie tout d'abord l'Eglise, on restaure le culte, on évangélise la population : encore faut-il que ce ne soit pas un feu de paille. Il y a donc à pourvoir aux besoins de tous ordres et voici poindre toute une floraison d'ceuvres apostoliques : instruction, catéchisme, et autres oeuvres charitables parmi les pauvres, les malades, les infirmes. Il faut tout à la fois, pour répondre aux nécessités, s'étendre et se concentrer, se développer et s'organiser.

Dans la lumière et sous l'impulsion de l'Esprit-Saint, on s'achemine progressivement vers une vraie vie religieuse, mais une vie dont l'activité sainte ne soit que le jaillissement au dehors de la flamme d'une ardeur excessive incoercible, attisée par une contemplation intense et continuelle. Consciente de la grandeur d'une telle vocation, notre sainte n'ose point improviser : elle veut s'informer, connaître et, sans se relâcher du soin de sa petite communauté et de ses oeuvres, elle se met en campagne ; elle visite des couvents, elle consulte, elle médite, elle prie. Elle trouve de belles et admirables choses qui lui donnent quelque lumière, qui lui suggèrent quelque inspiration ; elle ne rencontre pas précisément ce qu'elle cherche. Et ainsi, avec son bon Père André Fournet, elle a préparé des constitutions ; avec ses compagnes, elle s'est liée par des voeux ; l'autorité ecclésiastique a tout approuvé et la voilà, sans s'être aperçue, devenue fondatrice.

 
Fondatrice ! Songe-t-on à tout ce que sous-entend ce simple mot ? Dans l'ordre matériel, le seul auquel le monde prête attention : ampleur et complexité de tous les devoirs et soucis du gouvernement, de l'administration domestique et économique, des maisons à acquérir, à bâtir, à accommoder, à installer ; — dans l'ordre moral : sollicitude maternelle, à la fois forte, vigilante et tendre, qui doit s'exercer aussi bien dans le choix, la formation, la direction, le soutien des religieuses, que dans le soin corporel et spirituel des enfants, des pauvres, des malades et autres, dont tout l'Institut a la charge ; — dans l'ordre ascétique : sanctification personnelle par la souffrance et par l'humilité, par la pratique héroïque de toutes les vertus, par la contemplation et l'union continuelle avec Dieu.


Comme un organiste, après avoir présenté tour à tour les jeux de son instrument et fait valoir la pureté, le timbre, la délicatesse mystérieuse ou le mordant éclat de chacun d'eux, petit à petit, les groupe ou les oppose pour ensuite synthétiser dans un final la richesse et la puissance de son orgue aimé, ainsi Dieu qui a fait chanter, dans toutes les conditions où il l'a successivement placée, les vertus de sa servante, va désormais les mettre toutes ensemble en pleine valeur dans la vie de son épouse.


Fondatrice ! Elisabeth Bichier des Ages — devenue, de nom et de fait, Fille de la Croix — va l'être à la grande manière d'une Thérèse de Jésus et, plus d'une fois, sans vouloir s'arrêter à d'oiseuses comparaisons, on voit surgir derrière elle le souvenir de la vierge d'Avila.


HOMÉLIE ET DISCOURS DE PIE XII LORS DE LA CANONISATION DE MICHEL GARICOITS ET D'ELISABETH BICHIER DES AGES



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25 août 2009 2 25 /08 /août /2009 09:00


On trouve dans la galerie Saint Louis de la Cour de cassation  une statue de Louis IX, roi de France plus connu sous le nom de Saint-Louis (1214-1270), souverain réputé pour sa sagesse et son équité, devenu au fil des siècles une des figures les plus symboliques de la justice. Il est ici représenté sous un chêne, puisque l'on disait qu'il aimait ainsi siéger sous cet arbre dans le parc de son château de Vincennes ou dans le jardin du palais.
Cour de cassation


De Louis IX l'on peut dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous. Dieu comme but, la foi pour guide : c'est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd'hui sa gloire.

Le Christ,qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais. 
 

Sacré à Reims le premier dimanche de l'Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l'Antienne d'Introït en ce jour : J'ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n'avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille desEspagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens.

La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s'étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l'unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l'héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l'hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d'au delà de la Manche l'occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d'Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s'abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l'Anglais nommaient l'étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.


Nous ne pouvons songer à faire ici l'histoire
du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd'hui cet hommage : d'autant que pour devenir l'honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère. De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse qui en relève d'une façon si spéciale l'héroïsme et la grandeur.

On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d'autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur, qui fut plus grand que cet humble s'honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s'abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l'état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient les privilégiés du ciel.

Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s'affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d'esprit, comme ils pensent, n'a point chez eux déshonoré la défaite, on n'a point non plus entendu l'ennemi s'écrier d'aucun d'eux : "Vous êtes notre captif, et l'on dirait que c'est nous qui sommes vos prisonniers." On ne les a pas vus en imposer à la cupidité
féroce, à l'ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s'ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n'est point, hélas ! sorti plus glorieux de l'épreuve. C'est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n'aurait pu égaler le prestige.

L'humilité des saints rois n'est point l'oubli de la grandeur du rôle qu'ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l'abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l'amour de la paix n'y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l'infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu'avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servirles pauvres, n'entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu'il tenait de ses pères.

Il n'y a qu'un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d'Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n'avaient pas attendu jusque-là pour l'apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d'écraser l'Eglise, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l'Allemand la réponse : "Le royaume de France n'est mie encore si affaibli qu'il se laisse mener à vos éperons."

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l'appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l'espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c'était plus en apôtre qu'en soldat qu'il avait abordé le rivage où l'attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l'entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu'ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l'antique Carthage devenue chrétienne garde la  mémoire pour l'éternité.


Cependant l'armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même par la contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

" Cher fils, la première chose que je t'enseigne, c'est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c'est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t'envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l'as desservi. S'il te donne prospérité, l'en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l'on die devant toi, que tu n'en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Eglise, et garde qu'on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t'enseigne que tu sois toujours dévot à l'Eglise de Rome et au souverain évêque notre père, c'est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir. Biau cher fils, je  te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu'il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin."

" Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda
les sacrements de sainte Eglise, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l'enhuilait et on disait les sept psaumes, il disait les versets d'une part. J'ai ouï conter monseigneur le comte d'Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l'aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c'est à dire : "Dieu, soyez sainte fieur et garde de votre peuple". Monseigneur saint Denis de France appela lors en s'aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : "Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité". Et ouï dire lors à monseigneur d'Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix."

 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique





Statue de Saint Louis dans les jardins du Musée national de Carthage (Tunisie)
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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 09:00



Un témoin du Fils de Dieu, un des princes qui annoncèrent  sa gloire aux nations, illumine ce jour des incomparables feux de la lumière apostolique. Tandis que ses frères du collège sacré suivaient la race humaine sur toutes les  routes où la migration des peuples l'avait portée, c'est au point  de départ, sur  les monts d'Arménie d'où les fils  de Noé remplirent la terre, que  Barthélémy parut comme l'envoyé des collines éternelles et le héraut de l'Epoux. Là, s'était arrêtée l'arche figurative ; l'humanité, partout ailleurs voyageuse, y restait assise, se souvenant de la colombe au rameau d'olivier, attendant la consommation de l'alliance dont l'arc-en-ciel, brillant sur la nue, avait dans ces lieux pour la première fois signifié les splendeurs .

Or, voici qu'une nouvelle bienheureuse a réveillé dans ces hautes vallées les échos des  antiques traditions : nouvelle de paix, fin du péché dont l'universel déluge recule devant le bois du salut. Combien la sérénité qu'apportait la colombe de  jadis est dépassée ! Au châtiment va succéder l'amour. L'ambassadeur du ciel a montré  Dieu aux fils d'Adam dans le plus beau de leurs frères.  Les nobles sommets d'où  coulent les fleuves qui arrosèrent autrefois le jardin de délices, voient renouveler le 
contrat déchiré en Eden, et célébrer dans l'allégresse de la terre et des cieux les noces divines, attente des siècles, union du Verbe et de l'humanité régénérée.


Personnellement, que fut l'Apôtre dont le ministère emprunte une telle solennité du lieu où il s'accomplit ? Sous le nom ou le surnom de Barthélémy, qui est le seul trait que nous aient conservé de lui les trois premiers Evangiles, devons-nous voir, comme plusieurs l'ont pensé, ce Nathanaël dont la présentation par Philippe à Jésus est l'objet en saint Jean d'une scène si suave ? Personnage tout de droiture, d'innocence, de simplicité, bien digne d'avoir eu la colombe pour précurseur, et pour lequel on sent que l'Homme-Dieu dès l'abord réservait des tendresses et des grâces de choix.


Quoi qu'il en puisse être, la part échue entre les douze à l'élu de ce jour dit assez la spéciale confiance du Cœur divin ; l'héroïsme du redoutable martyre où il scelle son apostolat, nous révèle sa fidélité ; la dignité qu'a su garder sous toutes les latitudes où elle vit transplantée la nation qu'il greffa sur le Christ, témoigne de l'excellence de la sève infusée originairement dans ses rameaux.

Lorsque, deux siècles et demi plus tard, Grégoire l’illuminateur fit germer par toute l'Arménie l'abondance des fleurs et des fruits qui la manifestèrent si belle, il n'eut qu'à réveiller la semence divine déposée par l'Apôtre, et dont les épreuves, qui ne devaient jamais manquer à la généreuse contrée, avaient un temps comprimé l'essor, sans pouvoir l'étouffer.


Pourquoi faut-il que de déplorables malentendus, 
nourris dans le trouble d'invasions sans fin, aient maintenu trop longtemps en défiance contre Rome une race que  les guerres d'extermination, les supplices, la dispersion, n'ont pu détacher de l'amour du Christ Sauveur ! Grâce à Dieu pourtant, le mouvement de retour, plus d'une fois commencé pour ensuite se ralentir, semble aujourd'hui s'accentuer davantage ; l'illustre nation voit l'élite de ses fils travailler avec persévérance au rapprochement  si souhaitable, en dissipant les préjugés de leur peuple, en révélant à nos régions les trésors de sa littérature si chrétienne, les magnificences de sa liturgie, en priant surtout et en se dévouant sous l'étendard du père des moines de l'Occident. Avec ces tenants de la vraie tradition nationale, prions Barthélémy leur Apôtre,  et  le disciple Thaddée qui eut aussi part à l'évangélisation  primitive, et Ripsima, l'héroïque vierge amenant des terres romaines ses trente-cinq compagnes à la conquête d'une nouvelle patrie, et tous les martyrs dont le sang cimenta l'édifice sur le seul fondement posé par le Seigneur.

Puisse, comme ces grands prédécesseurs, le chef du second apostolat, Grégoire  l'Illuminateur, qui voulut voir Pierre en la personne de Silvestre et reçut la bénédiction  du Pontife  romain, puissent les saints rois, les patriarches et les docteurs de l'Arménie, redevenir pour elle les guides écoutés des beaux temps de son histoire, et ramener tout entière, sans retour enfin, à l'unique bercail, une Eglise faite  pour marcher d'un  même pas avec l'Eglise maîtresse et mère !


Nous apprenons d'Eusèbe et de saint Jérôme, 
qu'avant de se rendre dans l'Arménie, but suprême de son apostolat, saint Barthélémy évangélisa les Indes, où Pantène, au siècle suivant, trouva un exemplaire de l'Evangile de saint Matthieu en lettres hébraïques qu'il y avait laissé. Saint Denys rapporte aussi du glorieux Apôtre une parole profonde, qu'il cite et commente en ces termes : 
"Le divin Barthélémy dit de la théologie qu'elle est à la fois abondante et succincte, de l'Evangile qu'il est de vaste étendue et en même temps concis ; donnant ainsi excellemment à entendre que la bienfaisante cause de tous les êtres s'exprime et en beaucoup et en peu de paroles, ou même sans discours, n'y ayant parole ou pensée qui la puisse rendre. Car elle est au-dessus de tout par son essence supérieure ; et ceux-là seuls l'atteignent dans sa vérité, non dans les voiles dont elle s'entoure, qui dépassant la matière et l'esprit, s'élevant par delà le faite des plus saints sommets, laissent tous les rayonnements divins, tous les échos de Dieu, tous les discours des cieux, pour entrer dans l'obscurité où habite, comme dit l'Ecriture, celui qui est au delà de toutes choses."



DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
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21 août 2009 5 21 /08 /août /2009 09:00
Joseph Sarto est né en 1835 dans une famille très modeste du bourg de Riese, d'où l'on voit les Alpes. Son curé remarqua sa ferveur et son intelligence ; il fut admis en pension gratuitement. Devenu prêtre, curé puis évêque à Mantoue, il sut insuffler un esprit de réforme en lançant un synode.

Devenu cardinal de Venise en 1892, il recevait toujours quiconque voulait le rencontrer ou se confesser à lui. Joseph Sarto n'oublia jamais qu'il était né pauvre. Il n'accepta les dignités qu'à contre-coeur, comme des croix.

Le 4 août 1903, l'humble fils d'un huissier et d'une couturière est élu pape. C'est lui qui béatifia saint Jean-Marie Vianney en 1905, les seize carmélites de Compiègne en 1906, Jeanne d'Arc en 1909, et Jean Eudes.

Il meurt en 1914, à l'orée de la grande guerre
.


texte du calendrier du Carmel de Montmartre




Giuseppe Melchiorre Sarto naquit dans une famille modeste de Riese en Vénétie, province qui faisait alors partie de l'Autriche-Hongrie. Il put faire des études ecclésiastiques grâce à une bourse. Elles furent brillantes ; Giuseppe Sarto fut ordonné prêtre à 23 ans. Il devait parcourir tous les échelons de la hierarchie, vicaire, puis curé, chancelier de l'évêché de Trévise et directeur spirituel au séminaire. Partout il fit preuve des mêmes qualités : un sens sacerdotal très profond qui se traduisait par une prière presque continue et un zèle ardent pour aider de toutes manières ceux dont il avait la charge. Il menait une vie pauvre et austère qui étonnait ses amis ; son administration était claire et ferme, cette fermeté étant toujours accompagnée d'affabilité. Par ce travail humble "sur le terrain", don Sarto acquit une expérience pastorale qui marquera son action d'évêque et de pape.

Léon XIII le nomma évêque de Mantoue en septembre1884. Ce diocèse périclitait ; Mgr Sarto le redressa, faisant la visite précise des 153 paroisses du diocèse, tenant un synode et réformant le séminaire. L'évêques'intéressa d'une manière spéciale à la crise sociale, en appuyant l'oeuvre des Congrès, fer de lance du mouvement catholique italien encore à ses débuts. À partir des années 1892-1894, Mgr Sarto s'informa de la restauration du chant grégorien commencée à l'abbaye de Solesmes. Plusieurs de ses collaborateurs firent des séjours au monastère et devinrent des disciples du maître de choeur dom Mocquereau.

Léon XIII promut Mgr Sarto au siège patriarcal de Venise en 1893 et le créa cardinal. La Cité des Doges était alors gouvernée par un maire et des conseillers anticléricaux, et la franc-maçonnerie y était puissante. Les autorités civiles boudèrent son intronisation, malgré la joie populaire qui s'exprimait avec fanfares et gondoles. Le nouveau Patriarche garda son même style de vie, très simple, partageant son temps entre la prière à des heures fixes, l'étude et le travail de sa charge.

Organisateur puissant, il mit beaucoup d'unité dans la province, sur le plan ecclésial entre les évêques, mais aussi dans l'action politique des laïcs qu'il conseilla avec efficacité au point de neutraliser les influences maçonniques et d'établir à la mairie de Venise une équipe centriste.

Le 4 août 1903, Mgr Sarto succédait à Léon XIII sous le nom de Pie X. "Méfiant par instinct à l'égard des tendances progressistes, au plan des idées comme au plan social, il estimait que la politique d'ouverture au monde moderne poursuivie par son prédécesseur, si elle n'était pas à condamner en principe, avait du moins été menée avec trop peu de précautions et risquait d'avoir dans l'immédiat des conséquences fâcheuses. Aussi jugeait-il indispensable une certaine réaction" (Aubert, dans Catholicisme).

On se tromperait cependant si on voyait en Pie X un esprit rétrograde et fermé. Au contraire, intelligent et tout donné à l' oeuvre de Dieu, il n'eut qu'une ambition, celle de sa devise "tout restaurer dans le Christ". Nous ne pouvons ici qu'indiquer les grandes orientations de son pontificat. Il réussit à rendre possible et souvent à accomplir les grandes réformes demandées depuis longtemps par l'opinion catholique : il réforma la liturgie par des décrets sur le chant grégorien et la musique d'Église, sur le calendrier des fêtes et la mise en valeur des dimanches ; il encouragea la communion fréquente et la communion des enfants.

La réforme du droit ecclésiastique, immense et difficile, aboutira sous son successeur Benoît XV au Code de Droit canonique de 1917, premier véritable code moderne de l'Église. La réforme des dicastères (ministères de la Papauté) renforcera la centralisation. Saint Pie X eut le souci d'élever la qualité intellectuelle et spirituelle du clergé ; il lutta contre les excès du libéralisme et contre l'hérésie "moderniste", n'hésitant pas à ordonner de nombreuses (plus de mille ?) visites apostoliques de diocèses, séminaires ou maisons religieuses. Le pape ne concevait pas encore l'action des laïcs en dehors d'une direction ecclésiastique ; il faudra attendre le milieu du 20ème siècle pour voir se dégager un domaine propre à la compétence des laïcs.

Pie X eut des collaborateurs dévoués et efficaces, sans lesquels il n'aurait pu mener à bien un tel programme. Il prit comme Secrétaire d'État Mgr Merry del Val, malgré sa jeunesse relative pour un tel poste. Le secrétariat personnel du pape fut très actif, bousculant parfois les lenteurs des dicastères ; le pape s'appuya aussi beaucoup sur des experts, le plus souvent éminents. Cet "appareil" parallèle à la Curie fut critiqué, non seulement par les bureaux romains, mais aussi par une fraction de l'opinion. On lui reprochait de durcir la pensée du pape et d'employer des méthodes contestables, et souvent dénoncées, contre ses adversaires. Il reste que, pris dans son ensemble, le pontificat de saint Pie X a donné à l'Église, à l'aube du 20ème siècle, des impulsions nombreuses et d'une grande fécondité.

texte du calendrier de l'abbaye de Solesmes


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20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 09:00


La vision de Saint Bernard par Alonso Cano


Le val d'absinthe a perdu ses poisons. Devenu Clairvaux, la claire vallée, il illumine le monde ; de tous les points de l'horizon, les abeilles vigilantes y sont attirées par le miel du rocher qui déborde en sa solitude. Le regard de Marie s'est abaissé sur ces collines sauvages ; avec son sourire, la lumière et la grâce y sont descendues.

Une voix harmonieuse, celle de Bernard, l'élu de son amour, s'est élevée du désert ; elle disait : 
Connais, ô homme, le conseil de Dieu ; admire les vues de la Sagesse, le dessein de l'amour. Avant que d'arroser toute l'aire, il inonde la toison ; voulant racheter le genre humain, il amasse en Marie la rançon entière. O Adam, ne dis plus : La femme que vous m'avez donnée m'a présenté du fruit défendu ; dis plutôt  : La femme que vous m’avez donnée m'a nourri d'un fruit de bénédiction. De quelle ardeur faut-il que nous honorions Marie, en qui la plénitude de tout bien fut déposée ! S'il est en nous quelque espérance, quelque grâce de salut, sachons qu'elle déborde de celle qui aujourd'hui s'élève inondée d'amour : jardin de délices, que le divin Auster n'effleure pas seulement d'un souffle rapide, mais sur lequel il fond des hauteurs et qu'il agite sans fin de la céleste brise, pour qu'en tous lieux s'en répandent les parfums, qui sont les dons des diverses grâces. Otez ce soleil matériel qui éclaire le monde : où sera le jour ? Otez Marie, l'étoile de la vaste mer : que restera-t-il, qu'obscurité enveloppant tout, nuit de mort, glaciales ténèbres ? Donc, par toutes les fibres de nos cœurs, par tous les amours de notre âme, par tout l'élan de nos aspirations, vénérons Marie; car c'est la volonté de Celui qui a voulu que nous eussions tout par elle.


Ainsi parlait ce moine dont l'éloquence, nourrie, comme il le disait, parmi les hêtres et les chênes des forêts, ne savait que répandre sur les plaies de son temps le vin et l'huile des Ecritures. En 1113, âgé de vingt-deux ans, Bernard abordait Cîteaux dans la beauté de son adolescence mûrie déjà pour les grands combats. Quinze ans s'étaient écoulés depuis le 21 mars 1098, où Robert de Molesmes avait créé entre Dijon et Beaune le désert nouveau. Issue du passé en la fête même du patriarche des moines, la fondation récente ne se réclamait que de l'observance littérale de la Règle précieuse donnée par lui au monde. Pourtant l'infirmité du siècle se refusait à reconnaître, dans l'effrayante austérité des derniers venus de la grande famille, l'inspiration du très saint code où la discrétion règne en souveraine, le caractère de l'école accessible à tous, où Benoît espérait "ne rien établir de rigoureux ni de trop pénible au 
service du Seigneur."

Sous le gouvernement d'Etienne Harding, successeur d'Albéric qui lui-même avait remplacé Robert, la petite communauté partie de Molesmes allait s'éteignant, sans espoir humain de remplir ses vides, quand l'arrivée du descendant des seigneurs de Fontaines, entouré des trente compagnons sa première conquête, fit éclater la vie où déjà s'étendait la mort.


Réjouis-toi, stérile qui n'enfantais pas ; voilà que vont se multiplier les fils de la délaissée. La Ferté, fondée cette année même dans le Châlonnais, voit après elle Pontigny s'établir près d'Auxerre, en attendant qu'au diocèse de Langres Clairvaux et Morimond viennent compléter, dans l'année 1115, le quaternaire glorieux des filles de Cîteaux qui, avec leur mère, produiront partout des rejetons sans nombre. Bientôt (1119) la Charte de charité va consacrer l'existence de l'Ordre Cistercien dans l'Eglise ; l'arbre planté six siècles plus tôt au sommet du Cassin, montre une fois de plus au monde qu'à tous les âges il sait s'orner de nouvelles branches qui, sans être la tige, vivent de sa sève et sont la gloire de l'arbre entier.


Durant les mois de son noviciat cependant, Bernard a tellement dompté la nature, que l'homme intérieur vit seul en lui ; les sens de son propre corps lui demeurent comme étrangers. Par un excès toutefois qu'il se reprochera, la rigueur déployée dans le but d'obtenir un résultat si désirable a ruiné ce corps, indispensable auxiliaire de tout mortel dans le service de ses frères
et de Dieu. Heureux coupable, que le ciel se chargera d'excuser lui-même magnifiquement ! Mais le miracle, sur lequel tous ne peuvent ni ne doivent compter, pourra seul le soutenir désormais dans l'accomplissement de la mission qui l'attend.

Bernard est ardent pour Dieu comme d'autres le sont pour leurs passions. "Vous voulez apprendre de moi, s'écrie-t-il dans un de ses premiers ouvrages, pourquoi  et comment  il faut aimer Dieu. Et moi, je vous réponds : La raison d'aimer Dieu, c'est Dieu même ; la mesure de l'aimer, c'est de l'aimer sans mesure."

Quelles délices furent les siennes à Cîteaux, dans le secret de la face du Seigneur ! Lorsque, après deux ans, il  quitta ce séjour béni pour fonder Clairvaux, ce fut la sortie du paradis. Moins fait pour converser avec les hommes qu'avec les Anges, il commença, nous dit son historien, par être l'épreuve de ceux qu'il devait conduire :  tant  son langage était d'en haut, tant ses exigences de perfection  dépassaient la force  même de  ces forts d'Israël, tant son étonnement se manifestait douloureux à la révélation des infirmités qui sont la part de toute chair.


Outrance de l'amour, eussent dit nos anciens, qui lui réservait d'autres surprises. Mais l'Esprit-Saint veillait sur le vase d'élection appelé à porter devant les peuples et les rois le nom du Seigneur ; la divine charité qui consumait cette âme, lui fit comprendre, avec leurs durs contrastes, les deux objets inséparables de l'amour : Dieu, dont la bonté en fournit le motif, l'homme,
dont la misère en est l'exercice éprouvant.

Selon la remarque naïve de Guillaume de Saint-Thierry, son disciple et ami, Bernard réapprit l'art de vivre avec les humains ; il se pénétra des admirables recommandations du législateur des moines, quand il dit de l'Abbé établi sur ses frères : "Dans les corrections même, qu'il agisse avec prudence et sans excès, de crainte qu'en voulant trop racler la rouille, le vase ne se brise. En imposant les travaux, qu'il use de discernement et de modération, se rappelant la discrétion du saint patriarche Jacob, qui disait : Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils périront tous en un jour. Faisant donc son profit de cet exemple et autres semblables sur la discrétion, qui est la mère des vertus, qu'il tempère tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage, et que les faibles ne se découragent pas." 

En recevant ce que le Psalmiste appelle l'intelligence de la misère du pauvre, Bernard sentit son cœur déborder de la tendresse de Dieu pour les rachetés du sang divin. Il n'effraya plus les humbles. Près des petits qu'attirait la grâce de ses discours, vinrent se ranger les sages, les puissants, les riches du siècle, abandonnant leurs vanités, devenus eux-mêmes petits et pauvres à l'école de celui qui savait les conduire tous des premiers éléments de l'amour à ses sommets. Au milieu des sept cents moines recevant de lui chaque jour la doctrine du salut, l'Abbé de Clairvaux pouvait s'écrier avec la noble fierté des saints : "Celui qui est puissant a fait en nous de grandes  choses, et c'est à bon droit que notre âme magnifie le Seigneur. Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre : grande résolution, gloire des grands Apôtres; mais nous aussi, par sa grande grâce, nous l'avons prise magnifiquement. Et peut-être même qu'en cela encore, si je veux me glorifier, ce ne sera pas folie ; car je dirai la vérité : il y en a ici qui ont laissé plus qu'une barque et des filets."

Et dans une autre circonstance : "Quoi de plus admirable, disait-il, que de voir celui qui autrefois pouvait deux jours à peine s'abstenir du péché,  s'en garder des années et sa vie entière ? Quel  plus grand miracle que  celui de tant de jeunes hommes, d'adolescents, de nobles personnages, de tous ceux enfin que j'aperçois ici, retenus sans liens dans une prison ouverte, captifs de la seule crainte de Dieu, et qui persévèrent dans les macérations d'une pénitence au delà des forces humaines, au-dessus de la nature, contraire à la coutume ? Que  de merveilles nous  pourrions trouver, vous le savez bien, s'il nous était permis de rechercher  par le détail ce que furent pour chacun la sortie de l'Egypte, la route au désert, l'entrée au monastère, la vie dans ses murs !"

Mais d'autres merveilles que celles dont le cloître garde le secret au Roi des siècles, éclataient déjà de toutes parts. La voix qui peuplait les solitudes, avait par delà d'incomparables échos. Le monde, pour l'écouter, s'arrêta sur la pente qui conduit aux abîmes. Assourdie des mille bruits discordants de l'erreur, du schisme et des passions, on vit l'humanité se taire une heure aux
accents nouveaux dont la mystérieuse puissance l'enlevait à son égoïsme, et lui rendait pour les combats de Dieu l'unité des beaux jours.

Suivrons-nous dans ses triomphes le vengeur du sanctuaire, l'arbitre des rois, le thaumaturge acclamé des peuples ? Mais c'est ailleurs que Bernard a placé son ambition et son trésor ; c'est au dedans qu'est la vraie gloire. Ni la sainteté, ni le mérite, ne se mesurent devant Dieu au succès ; et cent miracles ne valent pas, pour la récompense, un seul acte d'amour. Tous les sceptres inclinés devant lui, l'enivrement des foules, la confiance illimitée des Pontifes, il n'est rien, dans ces années de son historique grandeur, qui captive la pensée de Bernard, bien plutôt qui n'irrite la blessure profonde de sa vie, celle qu'il reçut au plus intime de l'âme, quand il lui fallut quitter cette solitude à laquelle il avait donné son cœur.

A l'apogée de cet éclat inouï éclipsant toute grandeur d'alors, quand, docile à ses pieds, une première fois soumis par lui au Christ en son vicaire, l'Occident tout entier est jeté par Bernard sur l'infidèle Orient dans une lutte suprême, entendons ce qu'il dit : "Il est bien temps que je ne m'oublie pas moi-même. Ayez pitié de ma conscience angoissée : quelle vie monstrueuse que la mienne ! Chimère de mon siècle, ni clerc ni laïque, je porte l'habit d'un moine et n'en ai plus les observances. Dans les périls qui m'assiègent, au bord des précipices qui m'attirent, secourez-moi de vos conseils, priez pour moi."

Absent de Clairvaux, il écrit à ses moines : 
"Mon âme est triste ; elle ne sera point consolée qu'elle ne vous retrouve. Faut-il, hélas ! que mon
 exil d'ici-bas,  si  longtemps  prolongé,  s'aggrave encore ? Véritablement ils ont ajouté douleur sur douleur à mes maux, ceux qui nous ont séparés. Ils m'ont enlevé le seul remède qui me fit supporter d'être sans le Christ ; en attendant de contempler sa face  glorieuse,  il m'était donné du moins de vous voir, vous son saint temple. De ce temple, le passage me semblait facile à l'éternelle patrie. Combien souvent cette consolation m'est ôtée ! c'est la troisième fois, si je ne me trompe, qu'on m'arrache mes entrailles. Mes enfants sont sevrés avant le temps ; je les avais engendrés par l'Evangile, et je ne puis les nourrir. Contraint de négliger ce qui m'est cher, de m'occuper d'intérêts étrangers, je ne sais presque ce qui m'est le plus dur, ou d'être enlevé aux uns, ou d'être mêlé aux autres. Jésus, ma vie doit-elle donc tout entière s'écouler dans les gémissements ? Il m'est meilleur de mourir que de vivre ; mais je voudrais ne mourir  qu'au milieu des miens ;  j'y  trouverais plus de douceur, plus de sûreté. Plaise à mon Seigneur que les yeux d'un père, si indigne qu'il se reconnaisse de porter ce nom, soient fermés de la main de ses fils ; qu'ils l'assistent dans le dernier passage : que leurs désirs, si vous l'en jugez digne, élèvent son âme au séjour bienheureux ; qu'ils ensevelissent le corps d'un pauvre avec les corps de ceux qui furent pauvres comme lui. Par la prière, par le mérite de mes frères, si j'ai trouvé grâce devant vous,  accordez-moi ce vœu ardent de mon  cœur. Et pourtant, que votre volonté se fasse, et non la mienne ; car je ne veux ni vivre ni mourir pour moi."

Plus grand dans son abbaye qu'au milieu des
plus nobles cours, saint Bernard en effet devait y mourir à l'heure voulue de Dieu, non sans avoir vu l'épreuve publique et privée préparer son âme à la purification suprême. Une dernière fois il reprit sans les achever ses entretiens de dix-huit années sur le Cantique, conférences familières recueillies pieusement par la plume de ses fils, et où se révèlent d'une manière si touchante le zèle des enfants pour la divine science, le cœur du père et sa sainteté,  les incidents de la vie de chaque  jour à Clairvaux. Arrivé au premier verset du troisième chapitre,  il décrivait la recherche du Verbe par l'âme dans l'infirmité de cette vie, dans la nuit de ce monde, quand son discours interrompu le laissa dans l'éternel face à face, où cessent toute énigme, toute figure et toute ombre.
 





DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 09:00
Tableau présenté à la basilique Saint Pierre de Rome lors de la béatification du Père Eudes le 25 juin 1909



Le tableau représente le Père Eudes debout devant un autel et consacrant aux Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie les Instituts fondés par lui. La tête du Bienheureux est nimbée de rayons ; debout ou à genoux, l’on voit des Eudistes, des religieuses de Notre-Dame de Charité du Refuge et du Bon-Pasteur, des Tertiaires du Cœur admirable, et par derrière le groupe, Marie des Vallées, la sainte de Coutances, dont l’influence a été si grande sur le Bienheureux.
(Père Roland, in 'chronique relatant tous les événements à Rome lors de la Béatification du Père Eudes', le 25 juin 1909)



Lors de ses missions, Jean Eudes voit la misère de nombreuses femmes, en particulier les prostituées, qui attendent une main tendue pour retrouver la dignité de leur vie. C’est un souci du temps, porté particulièrement par les membres de la Compagnie du Saint-Sacrement nouvellement fondée, en 1627. Des “refuges” sont ouverts à Paris et dans quelques grandes villes de Province. Ce sont des maisons qui accueillent des femmes meurtries et rejetées ; les moyens de se réinsérer dans la société leur sont enfin donnés.


Dès 1634, Jean Eudes est en relation avec Jean de Bernières - qui sera plus tard, à Caen, un des fondateurs de la Compagnie du Saint-Sacrement. Tous deux projettent l’ouverture d’une telle maison. Il a fallu attendre 1641, et une vive interpellation en pleine ville de Caen pour décider d’aller plus loin qu’un simple accueil à domicile. C’est une véritable maison pour accueillir, loger et instruire qu’il faut ériger.


Avec de nombreux appuis humains et financiers, une maison du refuge est ouverte. Les débuts ne sont pas faciles, car il y a des hésitations sur le statut à donner à celles qui assurent le service des femmes. Les Visitandines jouent alors un rôle majeur, à travers la robuste figure de Mère Françoise-Marguerite Patin. Elle transmet l’expérience religieuse de la Visitation, avec les règles écrites par François de Sales. Jean Eudes reprend ce bel héritage et le traduit avec ses accents propres.


Doté de Constitutions, un nouvel institut est érigé à Caen en 1651 : l’Ordre de Notre-Dame de Charité du Refuge et du Bon Pasteur. Il connaîtra une certaine expansion du vivant du fondateur. Après des débuts difficiles, des monastères sont ouverts à Rennes puis en d’autres villes de Bretagne. Le projet de Paris mettra plus de temps à s’accomplir.
Les Eudistes



L'idée d'une oeuvre spéciale pour abriter "les épaves du siècle" est assurément antérieure au Père Eudes. L'exemple de Jésus accueillant avec tant de miséricorde la Madeleine repentante n'avait jamais cessé d'exercer une sainte contagion parmi les âmes généreuses, et, à toutes les époques de l'histoire de l'Eglise, on en voit se vouer au soulagement et au relèvement des malheureuses victimes du vice.

On n'avait point assigné d'autre nom à cette communauté que celui de Notre-Dame de Charité, et celles, qui en avaient la direction ne pensaient nullement à en faire une maison de religieuses ; mais deux raisons firent voir au Père Eudes la nécessité absolue de prendre ce parti : la première vint du nombre des pénitentes, qui augmentait de jour en jour, parce que sa charité ne pouvait refuser aucune de celles qui se présentaient ; la deuxième, de l'inconstance de quelques directrices et de leur mésintelligence.

Dieu ne permit alors toutes ces contradictions pour lui laisser le loisir de commencer une autre entreprise dont lui-même ne voyait pas encore toute l'étendue, mais qui n'était pas d'une petite importance. Après plusieurs délibérations, on convint de prendre une maison de louage, où l'on renfermerait toutes les filles et femmes repenties qui voudraient bien s'y retirer, et de chercher d'honnêtes filles ou de pieuses veuves chargées de les faire travailler en veillant exactement sur leur conduite.

Le Père Eudes fut tout d'abord aidé dans cette oeuvre de miséricorde quelques femmes du peuple, qui consentirent à héberger ses converties. L'une d'elles, Madeleine Lamy, "pauvre des biens de la terre, mais riche des biens du ciel", habitait une petite maison au faubourg Saint-Julien de Caen. De toute évidence, ce ne pouvait être là qu'une installation imparfaite et précaire. Madeleine Lamy s'en rendait compte ; et elle ne se gênait pas pour adresser au Père Eudes des remarques plutôt piquantes sur ce sujet. Étant un jour sur le seuil de sa porte, elle le vit passer en compagnie de M. et Mme de Camilly, et de quelques autres personnes de distinction bien connues pour leur piété.

L'occasion lui parut trop belle pour ne pas user du franc parler que lui valaient et son dévouement et les services rendus : "Où allezvous ?  interroge-t-elle. Sans doute dans les églises pour y manger les images : après quoi vous croirez être bien dévots. Ce n’est pas là où gît le lièvre, mais bien à travailler à fonder une maison pour ces pauvres filles qui se perdent, faute de moyens et de direction."


Cette boutade, un peu inattendue et qui frisait l'impertinence eut le résultat que l'excellente f i l l e en espérait. Elle fut un trait de lumière pour le Père Eudes et ses amis. Ils se concertèrent, et de leurs délibérations naquit le projet de développer l’oeuvre.



extraits de : SAINT JEAN EUDES, MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE, INSTITUTEUR DE LA CONGRÉGATION DE JÉSUS ET MARIE, DE L'ORDRE DE NOTRE-DAME DE CHARITÉ DU REFUGE ET DU BON-PASTEUR, ET DE LA SOCIÉTÉ DU COEUR DE LA MÈRE ADMIRABLE, PÈRE, DOCTEUR ET APÔTRE DU CULTE LITURGIQUE DES SACRÉS-COEURS DE JÉSUS ET DE MARIE

par R. P. ÉMILE GEORGES
PRÊTRE DE LA CONGRÉGATION DE JÉSUS ET MARIE, DITE DES EUDISTES
LAURÉAT DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

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