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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

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SALVE REGINA

27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 08:00

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.
Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

 

 Le divin Esprit qui tient unis dans un même tout les membres de la sainte Eglise, parce qu'il est lui-même unique, n'a pas seulement été envoyé pour assurer l'unité inviolable à l'Epouse du Christ. Cette Epouse d'un Dieu qui s'est appelé lui-même la Vérité, a besoin d'être dans la vérité, et ne peut être accessible à l'erreur. Jésus lui a confié sa doctrine, il l'a instruite en la personne des Apôtres. "Tout ce que j'ai entendu de mon Père, dit-il, je vous l'ai manifesté". Mais comment cette Eglise, si elle est laissée à l'humaine faiblesse, pourra-t-elle conserver sans mélange et sans altération, durant la traversée des siècles, cette parole que Jésus n'a pas écrite, cette vérité qu'il est venu de si haut apporter à la terre ? L'expérience prouve que tout s'altère ici-bas, que les textes écrits sont sujets à de fausses interprétations, et que les traditions non écrites deviennent méconnaissables par le cours des années.

 

 C'est ici encore que nous devons reconnaître la divine prévoyance de notre Emmanuel montant au ciel. De même que pour accomplir le désir qu'il a "que nous soyons un, comme il est un avec son Père", il a député vers nous son unique Esprit ; ainsi, pour nous maintenir dans la vérité, il nous a envoyé ce même Esprit qu'il appelle l'Esprit de vérité. "Quand il sera venu, dit-il, cet Esprit de vérité, il vous enseignera toute vérité". Et quelle est la vérité qu'enseignera cet Esprit ? "Il enseignera toutes choses, et il vous suggérera tout ce que je vous aurai dit".

 

 Rien donc ne se perdra de ce que le Verbe divin a dit aux hommes. La beauté de son Epouse aura pour fondement la vérité ; car la beauté est la splendeur du vrai. Sa fidélité à l'Epoux sera parfaite ; car s'il est la Vérité, la Vérité est assurée en elle pour jamais. Jésus le déclare ainsi : "Le nouveau Consolateur que le Père vous enverra demeurera avec vous pour toujours, et il sera en vous". C'est donc par l'Esprit-Saint que l'Eglise possédera en propre la vérité, et cette possession ne lui sera jamais enlevée ; car cet Esprit envoyé par le Père et par le Fils s'attachera à l'Eglise et ne la quittera plus.

 

 C'est ici le moment de se rappeler la magnifique théorie de saint Augustin. Selon sa doctrine qui n'est que l'explication des passages du saint Evangile que nous venons de lire, l'Esprit-Saint est le principe de la vie dans l'Eglise ; étant donc l'Esprit de vérité, il conserve la vérité en elle, il la dirige dans la vérité, en sorte qu'elle ne peut exprimer que la vérité dans son enseignement et dans sa conduite. Il assume la responsabilité de ses paroles, comme notre esprit répond de ce que profère notre langue ; et c'est pour cela que la sainte Eglise est tellement identifiée avec la vérité par son union avec l'Esprit divin, que l'Apôtre ne fait pas difficulté de nous dire qu'elle en est "la colonne et l'appui". Que l'on ne s'étonne donc pas si le chrétien se repose sur l'Eglise dans sa croyance. Ne sait-il pas que cette Eglise n'est jamais seule, qu'elle est toujours avec l'Esprit divin qui vit en elle, que sa parole n'est pas sa parole à elle, mais la parole de l'Esprit qui n'est autre que la parole de Jésus ?

 

 Or cette parole de Jésus, l'Esprit la conserve pour l'Eglise dans un double dépôt. Il veille sur elle dans les saints Evangiles qu'il a inspirés a leurs auteurs. Par ses soins, ces livres sacrés sont défendus contre toute altération, et ils traversent les siècles sans que la main de l'homme leur ait fait subir de changement. Il en est de même des autres livres du Nouveau Testament composés sous le souffle du même Esprit. Ceux dont se compose l'Ancien Testament sont également le produit de l'inspiration du divin Esprit. S'ils ne rapportent pas les discours de Jésus durant sa vie mortelle, ils parlent de lui, ils l'annoncent, en même temps qu'ils contiennent la première initiation aux choses divines. Cet ensemble des livres sacrés est rempli des mystères dont l'Esprit a la clef pour la communiquer à l'Eglise.

 

 L'autre source de la parole de Jésus est la Tradition. Tout ne devait pas être écrit, et l'Eglise existait déjà que les Evangiles n'étaient pas encore rédigés. Cette Tradition, élément divin comme l'Ecriture elle-même, comment aurait-elle survécu sans altération, si l'Esprit de Vérité ne veillait à sa garde ? Il la maintient donc dans la mémoire de l'Eglise, il la préserve de tout changement : c'est sa mission, et par la fidélité qu'il met à remplir cette mission, l'Epouse demeure en possession de tous les secrets de l'Epoux.

 

Mais il ne suffit pas que l'Eglise possède la vérité écrite et traditionnelle, comme un dépôt scellé. Il faut encore qu'elle en ait le discernement, afin de pouvoir l'interpréter à ceux auxquels elle doit rendre les enseignements de Jésus. La vérité n'est pas descendue du ciel pour n'être pas communiquée aux hommes ; car elle est leur lumière, et sans elle ils languiraient dans les ténèbres, sans savoir d'où ils viennent et où ils vont. L'Esprit de Vérité ne se bornera donc pas à conserver la parole de Jésus dans l'Eglise comme un trésor caché, il en dirigera l'épanchement sur les hommes, afin qu'ils y puisent la vie de leurs âmes. L'Eglise sera donc infaillible dans son enseignement ; car elle ne pourrait se tromper ni tromper les hommes, puisque l'Esprit de Vérité la conduit en tout et parle par son organe. Il est son âme, et nous avons reconnu, avec saint Augustin, que lorsque la langue s'exprime, c'est l'âme que l'on entend.

 

 La voilà, cette infaillibilité de notre mère la sainte Eglise, résultat direct et immédiat de l'incorporation de l'Esprit de Vérité en elle ! c'est la promesse du Fils de Dieu, c'est l'effet nécessaire de la présence du Saint-Esprit. Quiconque ne reconnaît pas l'Eglise pour infaillible doit, s'il est conséquent avec lui-même, admettre que le Fils de Dieu a été impuissant à remplir sa promesse, et que l'Esprit de Vérité n'est qu'un Esprit d'erreur. Mais celui qui raisonne ainsi a perdu le sentier de la vie ; il a cru nier seulement l'Eglise, et sans s'en apercevoir, c'est Dieu même qu'il a renié. Tel est le crime et le malheur de l'hérésie. Le défaut de réflexion sérieuse peut voiler cette terrible conséquence : elle n'en est pas moins rigoureusement déduite. L'hérétique a rompu avec le Saint-Esprit, en rompant de pensée avec l'Eglise : il pourrait revivre en retournant humblement vers l'Epouse du Christ, mais présentement il est dans la mort ; car l'âme ne l'anime plus.

 

Ecoutons encore le grand Docteur : 

" Il arrive parfois, dit-il, qu'un membre du corps humain soit coupé, une main, un doigt, un pied : l'âme suit-elle le membre ainsi séparé du corps ? non ; ce membre, quand il était uni au corps, jouissait de la vie ; isolé maintenant, c'est la vie même qu'il a perdue. De même le chrétien demeure catholique tant qu'il est adhérent au corps de l'Eglise ; en est-il séparé, le voilà hérétique ; l'Esprit ne suit pas le membre qui s'est détaché." Serm. CCLVII. In die Pentecostes.

 

 Honneur soit donc à l'Esprit divin pour la splendeur de vérité qu'il communique à l'Epouse ! mais pourrions-nous, sans le plus affreux péril, imposer des bornes à notre docilité, aux enseignements qui nous viennent à la fois de l'Esprit et de l'Epouse que nous savons unis d'une manière si indissoluble ? Soit donc que l'Eglise nous intime ce que nous devons croire en nous montrant sa pratique, ou par la simple énonciation de ses sentiments, soit qu'elle déclare solennellement la définition attendue, nous devons regarder et écouter avec soumission de cœur : car la pratique de l'Eglise est maintenue dans la vérité par l'Esprit qui la vivifie ; renonciation de ses sentiments à toute heure est l'aspiration continue de cet Esprit qui vit en elle ; et quant aux sentences qu'elle rend, ce n'est pas elle seule qui prononce, c'est l'Esprit qui prononce en elle et par elle.

 

 Si c'est son Chef visible qui déclare la doctrine, nous savons que Jésus a daigné prier pour que la foi de Pierre ne défaille pas, qu'il l'a obtenu de son Père, et qu'il a confié à l'Esprit la charge de maintenir Pierre en possession d'un don si précieux pour nous. Si le Pontife suprême, à la tète du collège épiscopal réuni conciliairement, déclare la foi dans l'accord parfait du Chef et des membres, c'est l'Esprit qui dans ce jugement collectif prononce avec une majesté souveraine pour la gloire de la vérité et la confusion de l'erreur. C'est l'Esprit qui a abattu toutes les hérésies sous les pieds de l'Epouse victorieuse ; c'est l'Esprit qui a suscité dans son sein, à tous les siècles, les docteurs qui ont terrassé l'erreur aussitôt qu'elle s'est montrée.

 

 Elle a donc en partage le don de l'infaillibilité, notre Eglise bien-aimée ; elle est donc vraie en tout et toujours, l'Epouse de Jésus ; et elle doit cet heureux sort à celui qui procède éternellement du Père et du Fils. Mais il est encore une gloire dont elle lui est redevable. L'Epouse du Dieu saint doit être sainte. Elle l'est ; et c'est de l'Esprit de sainteté qu'elle reçoit la sainteté. La vérité et la sainteté sont unies en Dieu d'une manière indissoluble ; et c'est pour cela que Jésus voulant "que nous soyons parfaits comme notre Père céleste est parfait", et que tout en restant de simples créatures nous cherchions notre type dans le souverain bien, demande "que nous soyons sanctifiés dans la Vérité".

 

 Jésus a donc remis son Epouse à la direction de l'Esprit, afin qu'il la rendît sainte. Or, la sainteté est tellement inhérente à cet Esprit divin qu'elle sert à le désigner comme sa qualité fondamentale. Jésus lui-même l'appelle le Saint-Esprit, en sorte que c'est sur le témoignage du Fils de Dieu que nous lui donnons ce beau nom. Le Père est la Puissance, le Fils est la Vérité, l'Esprit est la Sainteté ; et c'est pour cela que l'Esprit remplit ici-bas le ministère de sanctificateur, bien que le Père et le Fils soient saints, de même que la vérité est dans le Père et dans l'Esprit, et que l'Esprit ainsi que le Fils aient aussi la puissance. Les trois divines personnes ont leurs propriétés spéciales, mais elles sont unies dans une seule et même essence. Or, la propriété spéciale du Saint-Esprit est d'être l'amour, et l'amour produit la sainteté ; car il unit et identifie le souverain bien avec celui qui en a l'amour, et cette union ou identification est la sainteté qui est la splendeur du Bien, comme la beauté est la splendeur du Vrai.

 

 Pour être digne de l'Emmanuel son Epoux, l'Eglise devait donc être sainte. Il lui avait donne la vérité que l'Esprit a maintenue en elle ; l'Esprit à son tour lui donnera la sainteté, et le Père céleste la voyant vraie et sainte, l'adoptera pour sa fille : telle est sa destinée glorieuse. Voyons maintenant les traits de cette sainteté.

 

Le premier est la fidélité à l'Epoux. Or, l'histoire de l'Eglise tout entière dépose de cette fidélité. Tous les pièges lui ont été tendus, toutes les violences ont été dirigées contre elle, pour la séduire et pour la détacher de l'Epoux. Elle a tout déjoué, tout bravé ; elle a sacrifié son sang, son repos, et jusqu'au territoire où elle régnait, plutôt que de laisser altérer entre ses mains le dépôt que l'Epoux lui avait confié. Comptez, si vous pouvez, les martyrs depuis les Apôtres jusqu'aujourd'hui. Rappelez-vous les offres des princes, si elle voulait se taire sur la vérité divine, les menaces et les traitements cruels qu'elle a encourus plutôt que de laisser mutiler son symbole. Pourrait-on oublier les luttes formidables qu'elle a soutenues contre les empereurs d'Allemagne pour sauvegarder sa liberté dont son Epoux est si jaloux ; le noble détachement qu'elle a montré, aimant mieux voir l'Angleterre rompre avec elle que de sanctionner par une dispense illicite l'adultère d'un roi. L'Eglise agit et agira ainsi jusqu'à la fin, parce qu'elle est sainte dans sa fidélité ; et l'Esprit nourrit toujours en elle un amour qui ne calcule jamais en présence du devoir. Elle peut ouvrir le code de ses lois en présence de ses ennemis comme de ses enfants fidèles, et leur demander s'ils pourraient en signaler une seule qui n'ait pas pour objet de procurer la gloire de son Epoux et le bien des hommes par la pratique de la vertu.

 

 Aussi, voyons-nous sortir de son sein des millions d'êtres vertueux qui s'en vont à Dieu après cette vie. Ce sont les saints que l'Eglise sainte produit par l'influence de l'Esprit-Saint.

 

Dans toutes ces myriades d'élus, il n'en est pas un que l'Eglise ne revendique comme le fruit de son sein maternel. Ceux-là mêmes qu'une permission divine a laissé naître dans les sociétés séparées, s'ils ont vécu dans la disposition d'embrasser la vraie Eglise quand elle leur serait manifestée, et s'ils ont pratiqué toutes les vertus dans une entière fidélité à la grâce qui est le fruit de l'universelle rédemption : cette Eglise sainte les réclame pour ses fils.

 

 Chez elle fleurissent tous les dévouements, tous les héroïsmes. Des vertus inconnues au monde avant qu'elle fût fondée, sont journalières dans son sein. En elle il est des saintetés éclatantes qu'elle couronne des honneurs de la canonisation : il est des vertus humbles et cachées qui ne rayonneront qu'au jour de l'éternité. Les préceptes de Jésus sont observés par ses disciples, et il règne en eux comme un maître chéri. Mais ce maître a donné aussi des conseils qui ne sont pas à la portée de tous, et c'est la source d'un nouvel épanouissement de la sainteté intarissable de l'Epouse. Non seulement il est des âmes généreuses qui s'attachent avec amour à ces divins conseils ; mais le sein de l'Eglise fécondé par le divin Esprit ne cesse de produire et d'alimenter d'immenses familles religieuses, dont l'élément est la perfection, dont la loi suprême est la pratique des conseils unie par le vœu à celle des préceptes.

 

Nous ne nous étonnerons plus après cela que l'Epouse resplendisse de ce don des miracles qui atteste visiblement la sainteté. Jésus lui a promis que son front serait toujours entouré de cette surnaturelle auréole : or, l'Apôtre nous enseigne que les prodiges opérés dans l'Eglise sont l'œuvre directe du Saint-Esprit.

 

 Que si quelqu'un fait la remarque que tous les membres de l'Eglise ne sont pas saints, nous lui répondrons qu'il suffit que cette Epouse du Christ offre à tous le moyen de le devenir ; mais que la liberté étant donnée pour être l'instrument du mérite, il serait contradictoire que ceux qui possèdent la liberté fussent en même temps nécessités au bien. Nous ajouterons qu'un nombre immense de ceux qui sont dans le péché, restant membres de l'Eglise par la foi et la soumission respectueuse aux pasteurs légitimes et principalement au Pontife romain, rentreront tôt ou tard en grâce avec Dieu et termineront leur vie dans la sainteté. La miséricorde de l'Esprit-Saint opère cette merveille par le moyen de l'Eglise qui, à l'exemple de son Epoux, "n'éteint pas la mèche qui fume encore, et n'achève pas de rompre le roseau déjà éclaté".

 

 Celle qui a reçu, pour le communiquer à ses membres, le divin septénaire des Sacrements dont nous avons exposé la richesse dans le cours d'une des semaines précédentes, comment ne serait-elle pas sainte ? Est-il rien de plus saint que cet auguste ensemble de rites qui donnent les uns la vie aux pécheurs, les autres l'accroissement de la grâce aux justes ? Ces Sacrements établis par Jésus lui-même et qui sont l'héritage de la sainte Eglise, ont tous leur relation avec l'Esprit-Saint. Dans le Baptême, la Confirmation et l'Ordre, c'est lui-même qui agit directement ; dans le Sacrifice eucharistique, c'est par son action que l'Homme-Dieu vit et est immolé sur notre autel ; il fait renaître la grâce baptismale dans la Pénitence ; il est l'Esprit de Force qui conforte le mourant dans l'Onction suprême, le lien sacré qui unit indissolublement les époux dans le Mariage.

 

 En montant aux cieux, notre Emmanuel nous laissait comme gage de son amour ce septénaire sacramentel ; mais le trésor demeura scellé jusqu'à ce que l'Esprit divin fût descendu. Il devait lui-même mettre l'Epouse en possession d'un dépôt si précieux, l'ayant préparée, en la sanctifiant, à le recevoir dans ses royales mains et à l'administrer fidèlement à ses heureux membres.

 

 L'Eglise enfin est sainte au moyen de la prière qui en elle est incessante. Celui qui est "l'Esprit de grâce et de prières" produit continuellement dans les fidèles de l'Eglise, les actes divers qui forment le sublime concert de la prière : adoration, action de grâces, demande, élans du repentir, effusions de l'amour. Il y joint chez plusieurs les dons de la contemplation, par lesquels la créature est tantôt ravie jusqu'en Dieu, tantôt voit descendre Dieu jusqu'à elle avec des faveurs qui tiennent de la vie à venir plus que de celle-ci. Qui pourrait compter les respirations de la sainte Eglise, je veux dire ses épanchements vers l'Epoux, dans les millions de prières qui montent à chaque minute de la terre au ciel, et semblent les unir l'un à l'autre dans le plus étroit embrassement ? Comment ne serait-elle pas sainte, celle qui a ainsi, selon la forte expression de l'Apôtre : "sa conversation dans le ciel" ?

 

Mais si la prière des membres est si merveilleuse dans sa multiplication et son ardeur, combien plus encore est imposante et plus belle la prière générale de l'Eglise elle-même dans la sainte Liturgie, où l'Esprit-Saint agit avec plénitude, inspirant l'Epouse, et lui suggérant ces touchants et nobles accents que nous avons cherché à traduire dans la succession de cet ouvrage ! Que ceux qui nous ont suivi jusqu'ici disent si la prière liturgique n'est pas la première de toutes, si elle n'est pas désormais la lumière et la vie de leur prière personnelle. Qu'ils applaudissent donc à la sainteté de l'Epouse qui leur donne de sa plénitude, et qu'ils glorifient "l'Esprit de grâce et de prière" de ce qu'il daigne faire pour elle et pour eux.

 

 Ô Eglise, vous êtes "sanctifiée dans la vérité" ; et par vous nous sommes initiés à toute la doctrine de Jésus votre Epoux ; par vous nous sommes établis dans la voie de cette sainteté qui est votre élément. Que pouvons-nous désirer ayant ainsi le Vrai et le Bien ? Hors de vous c'est en vain que nous les chercherions, et notre bonheur consiste en ce que nous n'avons rien à chercher ; car votre cœur de mère ne désire que de répandre sur nous tout ce qu'il a reçu de dons et de lumières.

 

 Soyez bénie en cette solennité de la Pentecôte où vous avez tant reçu pour nous ! Nous  sommes éblouis de l'éclat des prérogatives que la munificence de votre Epoux vous a préparées, et dont l'Esprit-Saint vous comble de sa part; et maintenant que nous vous connaissons mieux encore, nous promettons de vous être plus fidèles que jamais. 

  

 DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Basilique Saint Pierre de Rome

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 15:00

Le don de Science nous a appris ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter pour être conformes au dessein de Jésus-Christ notre divin chef. Il faut maintenant que l'Esprit-Saint établisse en nous un principe duquel nous puissions emprunter l'énergie qui devra nous soutenir dans la voie qu'il vient de nous montrer. Nous devons en effet compter sur des obstacles, et le grand nombre de ceux qui succombent suffit à nous convaincre du besoin que nous avons d'être aidés. Le secours que le divin Esprit nous communique est le Don de Force, par lequel, si nous sommes fidèles à l'employer, il nous sera possible et même aisé de triompher de tout ce qui pourrait arrêter notre marche.

 

 Dans les difficultés et les épreuves de la vie, l'homme est tantôt porté à la faiblesse et à l'abattement, tantôt poussé par une ardeur naturelle qui a sa source dans le tempérament ou dans la vanité. Cette double disposition avancerait peu la victoire dans les combats que l'âme doit livrer pour son salut. L'Esprit-Saint apporte donc un élément nouveau, cette force surnaturelle qui lui est tellement propre que le Sauveur, instituant ses Sacrements, en a établi un qui a pour objet spécial de nous donner ce divin Esprit comme principe d'énergie. Il est hors de doute qu'ayant à lutter pendant cette vie contre le démon, le monde et nous-mêmes, il nous faut autre chose pour résister que la pusillanimité ou l'audace. Nous avons besoin d'un don qui modère en nous la peur, en même temps qu'il tempère la confiance que nous serions portés à mettre en nous-mêmes. L'homme ainsi modifié par le Saint-Esprit vaincra sûrement ; car la grâce suppléera en lui à la faiblesse de la nature, en même temps qu'elle en corrigera la fougue.

 

 Deux nécessités se rencontrent dans la vie du chrétien : il lui faut savoir résister et savoir supporter. Que pourrait-il opposer aux tentations de Satan, si la Force du divin Esprit ne venait le couvrir d'une armure céleste et aguerrir son bras ? Le monde n'est-il pas aussi un adversaire terrible, si l'on considère le nombre des victimes qu'il fait chaque jour par la tyrannie de ses maximes et de ses prétentions ? Quelle ne doit pas être l'assistance du divin Esprit, lorsqu'il s'agit de rendre le chrétien invulnérable aux traits meurtriers qui font tant de ravages autour de lui ?

 

 Les passions du cœur de l'homme ne sont pas un moindre obstacle à son salut et à sa sanctification : obstacle d'autant plus redoutable qu'il est plus intime. Il faut que l'Esprit-Saint transforme le cœur, qu'il l'entraîne même à se renoncer, lorsque la lumière céleste indique une autre voie que celle vers laquelle nous pousse l'amour et la recherche de nous-mêmes. Quelle Force divine ne faut-il pas pour "haïr jusqu'à sa propre vie", quand Jésus-Christ l'exige, quand il s'agit de faire le choix entre deux maîtres dont le service est incompatible ? L'Esprit-Saint fait tous les jours de ces prodiges au moyen du don qu'il a répandu en nous, si nous ne méprisons pas ce don, si nous ne l'étouffons pas dans notre lâcheté ou dans notre imprudence. Il apprend au chrétien à dominer ses passions, à ne pas se laisser conduire par ces guides aveugles, à ne céder à ses instincts que lorsqu'ils sont conformes à l'ordre que Dieu a établi.

 

 Quelquefois ce divin Esprit ne demande pas seulement que le chrétien résiste intérieurement aux ennemis de son âme ; il exige qu'il proteste ouvertement contre l'erreur et le mal, si le devoir d'état ou la position le réclament. C'est alors qu'il faut braver cette sorte d'impopularité qui s'attache parfois au chrétien, et qui ne doit pas le surprendre quand il se rappelle les paroles de l'Apôtre : "Si j'étais agréable aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ". Mais l'Esprit-Saint ne fait jamais défaut, et lorsqu'il rencontre une âme résolue à user de la Force divine dont il est la source, non seulement il lui assure le triomphe, mais il l'établit pour l'ordinaire dans cette paix pleine de douceur et de courage qu'apporte la victoire sur les passions.

 

Telle est la manière dont l'Esprit-Saint applique le don de Force au chrétien, lorsque celui-ci doit s'exercer à la résistance. Nous avons dit que ce précieux don apportait en même temps l'énergie nécessaire pour supporter les épreuves au prix desquelles est le salut. Il est des frayeurs qui glacent le courage et peuvent entraîner l'homme à sa perte. Le don de Force les dissipe ; il les remplace par un calme et une assurance qui déconcertent la nature. Voyez les martyrs, et non pas seulement un saint Maurice, chef de la légion Thébaine, accoutumé aux luttes du champ de bataille, mais ces Félicité, mère de sept enfants, ces Perpétue, noble dame de Carthage pour laquelle le monde n'avait que des faveurs ; ces Agnès, enfant de treize ans, et tant de milliers d'autres, et dites si le don de Force est stérile en sacrifices. Qu'est devenue la peur de la mort, de cette mort dont la seule pensée nous accable parfois ? Et ces généreuses offrandes de toute une vie immolée dans le renoncement et les privations, afin de trouver Jésus sans partage et de suivre ses traces de plus près ! Et tant d'existences voilées aux regards distraits et superficiels des hommes, existences dont l'élément est le sacrifice, où la sérénité n'est jamais vaincue par l'épreuve, où la croix toujours renaissante est toujours acceptée ! Quels trophées pour l'Esprit de Force ! que de dévouements au devoir il sait produire ! Et si l'homme à lui seul est peu de chose, combien il grandit sous l'action de l'Esprit-Saint !

 

 C'est lui encore qui aide le chrétien à braver la triste tentation du respect humain, l'élevant au-dessus des considérations mondaines qui dicteraient une autre conduite. C'est lui qui pousse l'homme à préférer au vain honneur du monde la joie de n'avoir pas violé le commandement de son Dieu. C'est cet Esprit de Force qui fait accepter les disgrâces de la fortune comme autant de desseins miséricordieux du ciel, qui soutient le courage du chrétien dans la perte si douloureuse d'êtres chéris, dans les souffrances physiques qui lui rendraient la vie à charge, s'il ne savait qu'elles sont des visites du Seigneur. C'est lui enfin, comme nous le lisons dans la Vie des saints, qui se sert des répugnances mêmes de la nature, pour provoquer ces actes héroïques où la créature humaine semble avoir franchi les limites de son être pour s'élever au rang des esprits impassibles et glorifiés.

 

 Esprit de Force, soyez toujours plus en nous, et sauvez-nous de la mollesse de ce siècle. A aucune époque l'énergie des âmes n'a été plus affaiblie, l'esprit mondain plus triomphant, le sensualisme plus insolent, l'orgueil et l'indépendance plus prononcés.

 

 Savoir être fort contre soi-même, est une rareté qui excite l'étonnement dans ceux qui en sont témoins tant les maximes de l'Evangile ont perdu de terrain ! Retenez-nous sur cette pente qui nous entraînerait comme tant d'autres, ô divin Esprit ! Souffrez que nous vous adressions en forme de demande les vœux que formait Paul pour les chrétiens d'Ephèse, et que nous osions réclamer de votre largesse cette armure divine qui nous mettra en état de résister au jour mauvais et de demeurer parfaits en toutes choses. Ceignez nos reins de la vérité, couvrez-nous de la cuirasse de la justice, donnez à nos pieds l'Evangile de paix pour chaussure indestructible ; munissez-nous du bouclier de la foi, contre lequel viennent s'éteindre les traits enflammés de notre cruel ennemi. Placez sur notre tête le casque qui est l'espérance du salut, et dans notre main le glaive spirituel qui est la  parole même de Dieu, et à l'aide duquel, comme le Seigneur dans le désert, nous pouvons venir à bout de tous nos adversaires.

 

Esprit de Force, faites qu'il en soit ainsi.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Domine quo vadis ?

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 08:00

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.
Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

 

Nous avons vu avec quelle fidélité le divin Esprit a su accomplir, dans le cours des siècles, la mission que l'Emmanuel lui a donnée de former, de protéger et de maintenir l'Eglise son Epouse. Cette recommandation d'un Dieu a été remplie avec toute la puissance d'un Dieu ; et c'est le plus beau et le plus étonnant spectacle que présentent les annales de l'humanité depuis dix-huit siècles. Cette conservation d'une société morale, toujours la même en tous les temps et en tous les lieux, promulguant un symbole précis et obligatoire pour tous ses membres, et maintenant par ses arrêts la plus compacte unité de croyance entre tous ses fidèles, est, avec la merveilleuse propagation du christianisme, l'événement capital de l'histoire. Aussi ces deux faits sont-ils, non l'effet d'une providence ordinaire, comme le prétendent certains philosophes de notre temps, mais des miracles de premier ordre opérés directement par le Saint-Esprit, et destinés à servir de base à notre foi dans la vérité du christianisme. L'Esprit-Saint qui ne devait pas, dans l'exercice de sa mission, revêtir une forme sensible, y a rendu sa présence visible à notre intelligence, et par ce moyen, il a fait assez pour démontrer son action personnelle dans l'œuvre du salut des hommes.

 

 Suivons maintenant cette action divine, non plus en tant qu'elle a pour but de seconder le dessein miséricordieux du Fils de Dieu qui a daigné prendre une Epouse ici-bas, mais dans les rapports de cette Epouse avec la race humaine. Notre Emmanuel a voulu qu'elle fût la Mère des hommes, et que tous ceux qu'il convie à l'honneur de devenir ses propres membres, reconnussent que c'est elle qui les enfante à cette glorieuse destinée. L'Esprit-Saint devait donc produire l'Epouse de Jésus avec assez d'éclat pour qu'elle fût distinguée et connue sur la terre, tout en laissant à la liberté humaine le pouvoir de la méconnaître et de la repousser.

 

 Il fallait que cette Eglise dans sa durée embrassât tous les siècles, qu'elle eût parcouru la terre d'une manière assez patente pour que son nom et sa mission pussent être connus chez tous les peuples ; en un mot elle devait être Catholique, c'est-à-dire universelle, possédant la catholicité des temps et la catholicité des lieux. Telle est, en effet, l'existence que le divin Esprit lui a créée sur la terre. Il l'a d'abord promulguée à Jérusalem, au jour de la Pentecôte, sous les yeux des Juifs venus de tant de régions diverses, et qui partirent bientôt pour aller en porter la nouvelle dans les contrées qu'ils habitaient. Il a lancé ensuite les Apôtres et les disciples sur le monde, et nous savons par les auteurs contemporains qu'un siècle était à peine écoulé que déjà la terre entière possédait des chrétiens. Dès lors chaque année a profité à la visibilité de cette sainte Eglise. Si le divin Esprit, dans les desseins de sa justice, a jugé à propos de la laisser s'affaiblir au sein d'une nation qui n'était plus digne d'elle, il l'a transférée dans une autre où elle devait rencontrer des fils plus soumis. Si des régions entières ont quelquefois semblé lui être fermées, c'est qu'à une époque antérieure elle se présenta et fut repoussée, ou encore que le moment n'était pas venu où elle devait paraître et s'établir. L'histoire de la propagation de l'Eglise nous donne à constater cet ensemble merveilleux de vie perpétuelle et de migrations. Les temps et les lieux lui appartiennent ; là où elle ne règne pas, elle est présente par ses membres, et cette prérogative de la catholicité qui lui a valu son nom est un des chefs-d'œuvre de l'Esprit-Saint.

 

 Mais là ne se borne pas son action pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée l'Emmanuel à l'égard de son Epouse, et ici nous devons pénétrer la profondeur du mystère du Saint-Esprit dans l'Eglise. Après avoir constaté son influence extérieure pour la conserver et l'étendre, il nous faut apprécier la direction intérieure qu'elle reçoit de lui, et qui produit en elle l'unité, l'infaillibilité et la sainteté, qualités qui, avec la catholicité, forment le signalement de l'Epouse du Christ.

 

 L'union de l'Esprit-Saint avec l'humanité de Jésus est une des bases du mystère de l'Incarnation. Notre divin médiateur est appelé le Christ, parce qu'il a reçu l'onction, et cette onction est l'effet de l'union de son humanité avec le Saint-Esprit. Cette union est indissoluble : éternellement le Verbe demeurera uni à son humanité, éternellement aussi le divin Esprit-Saint imprimera sur cette humanité le sceau de l'onction qui fait le Christ. Il suit de là que l'Eglise, étant le corps de Jésus-Christ, doit avoir part à l'union qui existe entre son divin Chef et l'Esprit-Saint. Le chrétien, dans le baptême, reçoit l'onction divine par le Saint-Esprit qui habite désormais en lui comme le gage de l'héritage éternel ; mais il y a cette différence qu'il peut perdre par le péché cette union qui est en lui le principe de la vie surnaturelle, tandis qu'elle ne peut jamais faire défaut au corps même de l'Eglise. L'Esprit-Saint est incorporé à l'Eglise pour toujours ; il est le principe qui l'anime, qui la fait agir et mouvoir, et lui fait surmonter toutes les crises auxquelles, par la permission divine, elle demeure exposée durant le trajet de cette vie militante.

 

 Saint Augustin exprime admirablement cette doctrine dans un de ses Sermons pour la fête de la Pentecôte : 

" Le souffle par lequel vit l'homme, nous dit-il, s'appelle l'âme ; et vous êtes à même d'observer le rôle de cette âme relativement au corps. C'est elle qui donne la vie aux membres : elle qui voit par l'œil, entend par l'oreille, sent par l'odorat, parle par la langue, opère par la main, marche par les pieds. Présente à chaque membre, elle donne la vie à tous et la fonction à chacun. Ce n'est pas l'œil qui entend, ce n'est pas l'oreille qui voit ni la langue, de même que ce n'est ni l'oreille ni l'œil qui parlent ; cependant l'oreille est vivante, la langue est vivante ; les fonctions des sens sont donc variées, mais une même vie est commune à tous. Ainsi en est-il dans l'Eglise de Dieu. Dans tel saint elle opère des miracles, dans tel autre elle enseigne la vérité, dans celui-ci elle pratique la virginité, dans celui-là elle garde la chasteté conjugale ; en un mot les divers membres de l'Eglise ont leurs fonctions variées, mais tous puisent la vie à une même source. Or ce qu'est l'âme au corps humain, le Saint-Esprit l'est au corps du Christ qui est l'Eglise. Le Saint-Esprit opère dans toute l'Eglise ce que l'âme opère dans tous les membres d'un même corps."

 

 La voilà donc dégagée, cette notion à l'aide de laquelle nous nous rendrons compte de l'existence de l'Eglise et de ses opérations. L'Eglise est le corps du Christ, et en elle le Saint-Esprit est le principe de la vie. C'est lui qui l'anime, la conserve, agit en elle et par elle. Il est son âme, non plus seulement dans le sens restreint selon lequel nous avons parlé plus haut de l'âme de l'Eglise, c'est-à-dire son être intérieur qui est du reste en elle le produit de l'action du Saint-Esprit ; mais il est son âme en ce que toute sa vie intérieure et extérieure, et toute son opération, procèdent de lui. L'Eglise est impérissable, parce que l'amour qui a porté l'Esprit-Saint à habiter en elle durera toujours ; telle est la raison de cette perpétuité qui est le phénomène le plus étonnant en ce monde.

 

 Mais il nous faut considérer maintenant cette autre merveille qui consiste dans la conservation de l'unité au sein de cette société. L'Epoux, dans le divin Cantique, appelle l'Eglise "son unique". Il n'a pas désiré plusieurs épouses ; l'Esprit-Saint aura donc dû veiller avec sollicitude sur l'accomplissement du dessein de l'Emmanuel. Suivons les traces de sa sollicitude pour obtenir un tel résultat. Est-il possible humainement qu'une société traverse dix-huit siècles sans avoir changé, sans avoir remanié son existence en mille façons, en supposant même que, sous un nom ou sous un autre, elle ait pu remplir une telle durée ? Songez que cette société, durant un si long espace de temps, n'a pu manquer de voir s'agiter dans son sein, sous mille formes, les passions humaines qui souvent entraînent tout après elles ; qu'elle a toujours été composée de races diverses de langage, de génie, de mœurs, tantôt éloignées les unes des autres au point de se connaître à peine, tantôt voisines mais divisées par des intérêts et même par des antipathies nationales ; que des révolutions politiques sans nombre ont modifié sans cesse, renversé même l'existence des peuples ; et cependant, partout où il a existé, partout où il existera des catholiques, l'unité demeure le caractère de ce corps immense et des membres qui le composent. Une même Foi, un même symbole, une même soumission à un même chef visible, un même culte quant aux points essentiels, une même manière de trancher toute question par la tradition et l'autorité.

 

Des sectes se sont élevées en chaque siècle ; toutes ont dit : "Je suis la vraie Eglise" ; et pas une seule n'a pu survivre aux circonstances qui l'avaient produite. Où sont maintenant les ariens avec leur puissance politique, les nestoriens, les eutychiens, les monothélites, avec leurs inépuisables subtilités ? Que reste-t-il du jansénisme épuisé par ses vains efforts pour se maintenir dans l'Eglise malgré l'Eglise ? et quant au protestantisme parti du principe de négation, ne l'a-t-on pas vu dès le lendemain brisé en morceaux, sans jamais pouvoir former une même société religieuse ? Et ne le voyons-nous pas aujourd'hui aux abois, incapable de retenir les dogmes qu'il avait regardés d'abord comme fondamentaux : l'inspiration des Ecritures et la divinité de Jésus-Christ ?

 

 En face de tant de ruines amoncelées, qu'elle est belle et radieuse dans son unité, notre mère la sainte Eglise catholique, l'Epouse unique de l'Emmanuel ! Les millions d'hommes qui l'ont composée, et qui la composent encore aujourd'hui, seraient-ils d'une autre nature que ceux qui se sont partagés entre les diverses sectes qu'elle a vues naître et mourir ? Orthodoxes ou hétérodoxes, ne sommes-nous pas tous membres de la même famille humaine, sujets aux mêmes passions et aux mêmes erreurs ? D'où vient aux fils de l'Eglise catholique cette consistance qui triomphe du temps, sur laquelle n'influe pas la dissemblance des races, qui survit à ces crises et à ces changements que n'ont pu prévenir ni la forte constitution des Etats, ni la résistance séculaire des nationalités ? Il faut en convenir, un élément divin est là qui résiste et qui maintient. L'âme de l'Eglise, l'Esprit-Saint, influe dans tous ses membres, et comme il est unique, il produit l'unité dans tout l'ensemble qu'il anime. Ne pouvant être contraire à lui-même, rien ne subsiste par lui qu'au moyen d'une entière conformité avec ce qu'il est. Nous avons ainsi la clef du grand problème.

 

Demain nous parlerons de ce que fait l'Esprit-Saint pour le maintien de la foi une et invariable dans tout le corps de l'Eglise ; arrêtons-nous aujourd'hui à le considérer comme principe d'union extérieure par la subordination volontaire à un même centre d'unité. Jésus avait dit : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise" ; mais Pierre devait mourir. La promesse n'avait donc pas pour objet sa personne seulement, mais toute la suite de ses successeurs jusqu'à la fin des siècles. Quelle étonnante et énergique action du divin Esprit produit ainsi, anneau par anneau, cette dynastie de princes spirituels arrivée à son deux cent soixante-troisième Pontife, et devant se poursuivre jusqu'au dernier jour du monde ! Aucune violence ne sera faite à la liberté humaine ; le divin Esprit lui laissera tout tenter ; mais il faut cependant qu'il poursuive sa mission. Qu'un Décius produise par ses violences une vacance de quatre ans sur le siège de Rome, qu'il s'élève des anti-papes soutenus les uns par la faveur populaire, les autres par la politique des princes, qu'un long schisme rende douteuse la légitimité de plusieurs Pontifes, l'Esprit-Saint laissera s'écouler l'épreuve, il fortifiera, pendant qu'elle dure, la foi de ses fidèles; enfin, au moment marqué, il produira son élu, et toute l'Eglise le recevra avec acclamation.

 

 Pour comprendre tout ce que cette action surnaturelle renferme de merveilleux, il ne suffit pas d'apprécier les résultats extérieurs qu'elle produit dans l'histoire ; il faut la suivre dans ce qu'elle a d'intime et de mystérieux. L'unité de l'Eglise n'est pas du genre de cette unité que les conquérants établissent dans les pays qu'ils ont soumis, où l'on paie le tribut parce qu'il faut bien se soumettre à la force. Les membres de l'Eglise gardent l'unité dans la foi et dans la soumission, parce qu'ils se courbent avec amour sous un joug imposé à leur liberté et à leur raison. Mais qui donc captive ainsi l'orgueil humain sous une telle obéissance ? Qui donc fait trouver la joie et le contentement dans l'abaissement de toute prétention personnelle ? Qui donc dispose l'homme à mettre sa sécurité et son bonheur à disparaître comme individu dans cette unité absolue, et cela en des questions où le caprice humain s'est donné plus large carrière dans tous les temps ? N'est-ce pas le divin Esprit qui opère ce miracle multiple et permanent, qui anime et harmonise ce vaste ensemble, et qui, sans violence, fond dans l'unité d'un même concert les millions de cœurs et d'esprits qui forment l'Epouse unique du Fils de Dieu ?

 

 Dans les jours de sa vie mortelle, Jésus demandait pour nous l'unité au Père céleste : "Qu'ils soient un, comme nous sommes un", disait-il. Il la prépare, en nous appelant à devenir ses membres ; mais pour opérer cette union, il envoie aux hommes son Esprit, cet Esprit divin qui est le lien éternel entre le Père et le Fils, et qui daigne, dans le temps, descendre jusqu'à nous, pour y réaliser cette unité ineffable qui a son type en Dieu même.

 

 Grâces vous soient donc rendues, divin Esprit, qui habitant ainsi dans l'Eglise de Jésus, nous inclinez miséricordieusement vers l'unité, qui nous la faites aimer, et nous disposez à tout souffrir plutôt que de la rompre.

 

Fortifiez-la en nous, et ne permettez jamais qu'un défaut de soumission l'altère même légèrement. Vous êtes l'âme de la sainte Eglise ; gouvernez-nous comme des membres toujours dociles à votre impulsion ; car nous savons que nous ne saurions être à Jésus qui vous a envoyé, si nous n'étions à l'Eglise son Epouse et notre Mère, à cette Eglise qu'il a rachetée de son sang, et qu'il vous a donnée à former et à conduire.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

   

Pentecôte

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 15:00

L'âme ayant été détachée du mal par la Crainte de Dieu et ouverte aux nobles affections par le don de Piété, éprouve le besoin de savoir par quel moyen elle évitera ce qui fait l'objet de sa crainte et pourra trouver ce qu'elle doit aimer.

 

L'Esprit-Saint vient à son secours, et lui apporte ce qu'elle désire, en répandant en elle le Don de Science. Par ce don précieux la vérité lui apparaît, elle connaît ce que Dieu demande et ce qu'il réprouve, ce qu'elle doit rechercher et ce qu'elle doit fuir. Sans la science divine notre vue court le risque de s'égarer, à cause des ténèbres qui trop souvent obscurcissent en tout ou en partie l'intelligence de l'homme. Ces ténèbres proviennent d'abord de notre propre fonds qui porte des traces trop réelles de la déchéance. Elles ont encore pour cause les préjugés et les maximes du monde qui faussent tous les jours les esprits que l'on croirait les plus droits. Enfin l'action de Satan, qui est le Prince des ténèbres, s'exerce en grande partie dans le but d'environner notre âme d'obscurités, ou de l'égarer à l'aide de fausses lueurs.

 

 La Foi qui nous a été infuse dans le baptême est la lumière de notre âme. Par le don de Science, l'Esprit-Saint fait produire à cette vertu des rayons assez vifs pour dissiper toutes nos ténèbres. Les doutes alors s'éclaircissent, l'erreur s'évanouit, et la vérité apparaît dans tout son éclat. On voit chaque chose dans son véritable jour, qui est le jour de la Foi. On découvre les déplorables erreurs qui ont cours dans le monde, qui séduisent un si grand nombre d'âmes, et dont peut-être on a été soi-même longtemps la victime.

 

 Le don de Science nous révèle la fin que Dieu s'est proposé dans la création, cette fin hors laquelle les êtres ne sauraient trouver ni le bien ni le repos. Il nous apprend l'usage que nous devons faire des créatures, qui nous ont été données non pour nous être un écueil, mais pour nous aider dans notre marche vers Dieu. Le secret de la vie nous étant ainsi manifesté, notre route devient sûre, nous n'hésitons plus, et nous nous sentons disposés à nous retirer de toute voie qui ne nous conduirait pas au but.

 

 C'est cette Science, don de l'Esprit-Saint, que l'Apôtre a en vue lorsque, parlant aux chrétiens, il leur dit : "Autrefois vous étiez ténèbres ; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur : marchez désormais comme les fils de la lumière". De là vient cette fermeté, cette assurance de la conduite chrétienne. L'expérience peut manquer quelquefois, et le monde s'émeut à la pensée des faux pas qui sont à redouter ; mais le monde a compté sans le don de Science. "Le Seigneur conduit le juste par les voies droites, et pour assurer ses pas il lui a donné la Science des saints". Chaque jour cette leçon est donnée. Le chrétien, au moyen de la lumière surnaturelle, échappe à tous les dangers, et s'il n'a pas l'expérience propre, il a l'expérience de Dieu.

 

Soyez béni, divin Esprit, pour cette lumière que vous répandez en nous, que vous y maintenez avec une si aimable persévérance. Ne permettez pas que nous en cherchions jamais une autre. Elle seule nous suffit ; hors d'elle il n'y a que ténèbres. Gardez-nous des tristes inconséquences auxquelles plusieurs se laissent aller imprudemment, acceptant un jour votre conduite, et le lendemain se livrant aux préjugés du monde ; menant une double vie qui ne satisfait ni le monde ni vous. Il nous faut donc l'amour de cette Science que vous nous avez donnée pour que nous fussions sauvés ; l'ennemi de nos âmes la jalouse en nous, cette science salutaire ; il voudrait y substituer ses ombres. Ne permettez pas, divin Esprit, qu'il réussisse dans son perfide dessein, et aidez-nous toujours à discerner ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est juste de ce qui est injuste.

 

Que, selon la parole de Jésus, notre œil soit simple, afin que tout notre corps, c'est-à-dire l'ensemble de nos actes, de nos désirs et de nos pensées, soit dans la lumière ; et sauvez-nous, divin Esprit, de cet œil que Jésus appelle mauvais, et qui rend ténébreux le corps tout entier.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Triomphe de Saint Thomas et Allégories des Sciences Sacrées

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 08:00

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.
Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

 

Nous avons admiré l'œuvre du Saint-Esprit accomplissant dans le monde, par les Apôtres et par ceux qui vinrent après eux, la conquête du genre humain au nom de Jésus à qui "toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre". La langue de feu a vaincu, et le Prince du monde, en dépit de ses fureurs, a vu crouler ses autels et tomber son pouvoir. Voyons la suite des œuvres de ce divin Esprit pour la glorification du Fils de Dieu qui l'a envoyé aux hommes.

 

 L'Emmanuel était descendu ici-bas cherchant dans son amour l'Epouse qu'il avait désirée de toute éternité. Il l'épousa d'abord en prenant la nature humaine et l'unissant indissolublement à sa personne divine ; mais cette union individuelle ne suffisait pas à son amour. Il daignait aspirer à posséder la race humaine tout entière ; il lui fallait son Eglise, "son unique", comme il l'appelle au divin Cantique, son Eglise formée de l'élite de tous les peuples, "pleine de gloire, n'ayant ni tache ni ride, mais sainte et immaculée". Il trouvait la race humaine souillée par le péché, indigne de célébrer avec lui les noces augustes auxquelles il la conviait. Son amour cependant n'hésita pas. Il déclara qu'il était l'Epoux annoncé dans l'Epithalame sacré : Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : 'Voici l'époux ! Sortez à sa rencontre.' ; il lava dans son propre sang les souillures de sa fiancée, et lui attribua en dot les mérites infinis qu'il avait conquis.

 

 L'ayant ainsi préparée pour lui-même, il voulut que son union avec lui fût la plus intime qui pût être. Jésus et son Eglise sont un seul corps ; il est la tête, elle est l'ensemble des membres réunis dans l'unité sous cet unique chef. C'est la doctrine de l'Apôtre : "Le Christ est la tête de l'Eglise ; nous sommes les membres de son corps, nous sommes de sa chair et de ses os". Ce corps se formera par l'accession successive des fils de la race humaine qui, prévenus du secours surnaturel de la grâce, voudront en faire partie ; et ce monde que nous habitons sera conservé jusqu'à ce que le dernier élu qui manquait encore à l'intégralité du corps mystérieux du Fils de Dieu soit venu s'y réunir pour l'éternité. Alors tout sera consommé, et la dernière des conséquences de la divine incarnation sera remplie.

 

 Or, de même que dans le Verbe incarné l'humanité est composée d'une âme invisible et d'un corps visible, ainsi l'Eglise sera à la fois une âme et un corps : une âme dont l'œil seul de Dieu pourra contempler ici-bas toute la beauté ; un corps qui attirera les regards des hommes, et sera le témoignage éclatant de la puissance de Dieu et de l'amour qu'il porte à la race humaine. Jusqu'aux jours où nous sommes, les justes appelés à être réunis sous le divin Chef avaient seulement appartenu à l'âme de l'Eglise ; car le corps n'existait pas encore. Le Père céleste les avait adoptés pour ses enfants, le Fils de Dieu les avait acceptés pour ses membres, et l'Esprit-Saint, dont nous allons voir désormais l'action extérieure, avait opéré intimement leur élection et leur consommation. Le point de départ du nouvel ordre de choses est en Marie. En elle d'abord, ainsi que nous l'avons enseigné dans une des semaines précédentes, résida l'Eglise complète, âme et corps. Celle qui devait être aussi réellement la Mère du Fils de Dieu selon l'humanité, que le Père céleste en est le Père selon la divinité, devait être dans l'ordre des temps, comme dans la mesure des grâces, supérieure à tout ce qui avait précédé et à tout ce qui devait suivre.

 

 L'Emmanuel voulut aussi poser lui-même, en dehors de sa mère bien-aimée, les assises de son Eglise. Il en plaça de ses mains divines la Pierre fondamentale, il en éleva les colonnes, et nous avons vu comment il employa les quarante jours qui précédèrent son Ascension à l'organisation de cette Eglise encore si restreinte, mais qui devait un jour couvrir le monde entier. Il annonça qu'il serait avec les siens "jusqu'à la consommation des siècles" ; c'était promettre que, lors même qu'il serait monté au ciel, la race de ses disciples se perpétuerait jusqu'à la fin des temps.

 

 Pour l'accomplissement de son œuvre qu'il n'avait qu'ébauchée, il comptait sur le divin Esprit. Il était même nécessaire que cet Esprit-Saint descendît pour perfectionner et confirmer les élus de l'Emmanuel. Il devait être leur Paraclet, leur Consolateur, après le départ de leur Maître ; il était la Vertu d'en haut qui devait les protéger comme une armure dans leurs combats ; il devait leur remettre en mémoire les enseignements de leur Maître ; il devait féconder de son action les Sacrements que Jésus avait institués, et dont le pouvoir était en eux par le caractère qu'il avait imprimé à leurs âmes. Voilà pourquoi il leur dit : "Il vous est avantageux que je m'en aille ; car si je ne m'en allais pas, le Paraclet ne viendrait pas vers vous". Au jour de la Pentecôte, nous avons vu le divin Esprit opérer sur la personne des Apôtres et des disciples ; maintenant il nous faut le voir à l'œuvre dans la création, dans le maintien et le perfectionnement de cette Eglise que Jésus a promis d'assister de sa présence mystérieuse "jusqu'à la consommation des siècles".

 

 La première opération de l'Esprit-Saint dans l'Eglise est l'élection des membres qui doivent la composer. Ce droit de l'élection lui est tellement personnel que, selon la parole du livre sacré, les disciples mêmes que Jésus s'était choisis pour être les bases de son Eglise, il les avait élus "avec le concours de l'Esprit-Saint". Dès le jour même de la Pentecôte, nous avons vu ce divin Esprit débuter par l'élection de trois mille personnes. Peu de jours après, cinq mille autres sont attirées, ayant entendu la prédication de Pierre et de Jean sous les portiques du temple. Après les Juifs, la gentilité a son tour ; et l'Esprit-Saint, ayant conduit Pierre auprès du centurion Corneille, fond tout à coup sur ce Romain et sur ses gens, les déclarant ainsi élus pour l'Eglise et appelés au baptême.

 

 A la suite de ces débuts, qui pourrait suivre la marche impétueuse de cet Esprit que rien n'arrête ? "Le bruit de ses envoyés parcourt la terre entière, et leur parole retentit jusqu'aux extrémités du monde". L'Esprit les précède et les accompagne, et c'est lui qui fait la conquête pendant qu'ils parlent. On n'est encore qu'au commencement du IIIe siècle, et un écrivain chrétien peut dire aux magistrats de l'empire romain :  "Nous sommes d'hier, et nous remplissons toute vos villes, vos municipes, vos camps, le palais, le sénat, le forum" (TERTULLIEN Apologet. XXXVII). Rien ne résiste à l'Esprit ; trois siècles sont loin encore d'être écoulés depuis la manifestation du jour de la Pentecôte, et ce sont les Césars eux-mêmes que l'Esprit choisit pour en faire des membres de l'Eglise.

 

 Ainsi se forme d'heure en heure l'Epouse que Jésus attend, et dont il contemple avec amour, du haut du ciel, la croissance et les développements. Dans les premières années du IVe siècle, cette Eglise, œuvre du Saint-Esprit, dépasse les limites de l'empire romain ; et si dans cet empire lui-même, il est ça et là des groupes païens qui tiennent encore, tous du moins ont entendu parler d'elle, et la haine qu'ils lui portent témoigne assez des progrès qu'elle fait sous leurs yeux.

 

 Mais n'allons pas croire que le rôle de l'Esprit-Saint se borne à assurer l'établissement de l'Eglise sur les ruines de l'empire païen. Jésus veut une Epouse immortelle, toujours plus connue par sa présence en tous lieux et en tous temps, toujours supérieure à toute autre division de la race humaine par l'étendue de son empire et le nombre de ses sujets.

 

Le divin Esprit ne saurait donc s'arrêter dans l'accomplissement de sa mission. Si Dieu a résolu de submerger l'empire coupable sous l'inondation des barbares, c'est un nouveau triomphe préparé pour l'Esprit. Laissez-le pénétrer et agiter doucement cette masse formidable. Il a là ses élus, et par millions. Il avait renouvelé la face de la terre païenne ; il renouvelle la face du monde devenu barbare. Les coopérateurs qu'il se prépare lui-même ne lui feront pas défaut. Il crée sans fin de nouveaux apôtres, et puissant comme il est, il en emploie de tout genre à son œuvre. Les Clotilde, les Berthe, les Théodelinde, les Hedwige et tant d'autres, sont à ses ordres : parée de leurs royales mains, l'Epouse de Jésus croît toujours plus jeune et plus belle.

 

 Si de vastes continents en Europe n'ont pas encore été associés au mouvement, c'est qu'il fallait d'abord consolider l'œuvre dans les régions où les chrétientés de la première époque avaient été comme submergées sous le torrent de l'invasion. Mais voici qu'à partir de la fin du VIe siècle, le divin Esprit lance tour à tour sur l'île des Bretons, sur la Germanie, sur les races Scandinaves, sur les pays slaves, les Augustin, les Boniface, les Anschaire, les Adalbert, les Cyrille, les Méthodius, les Othon. Servie par ces nobles instruments de l'Esprit-Saint, l'Epouse répare les pertes qu'elle a subies dans l'Orient, où le schisme et l'hérésie ont successivement rétréci son héritage primitif. Celui qui, étant Dieu comme le Père et le Fils, a reçu pour mission de la maintenir dans ses honneurs, veille fidèlement à sa garde.

 

 Et en effet, lorsqu'une défection plus désastreuse encore est à la veille d'éclater en Europe par la prétendue réforme, l'Esprit-Saint a déjà pris les devants. Les Indes orientales sont devenues tout à coup la conquête de la nation très fidèle ; un nouveau monde occidental est sorti des eaux, et forme un nouvel apanage au royaume catholique. C'est alors que le divin Esprit, toujours jaloux de maintenir dans sa dignité et dans sa plénitude le dépôt que lui a confié le Verbe incarné, suscite de nouveaux envoyés pour aller porter sur ces plages immenses le nom de celui qui est l'Epoux, et qui sourit du haut du ciel aux accroissements qu'obtient l'Epouse. François Xavier est donné aux Indes orientales ; ses frères, joints aux fils de Dominique et de François, défrichent avec une indomptable persévérance l'héritage que les Indes occidentales offrent à l'Eglise.

 

 Mais si plus tard la vieille Europe, trop crédule à des docteurs de mensonge, semble repousser cette noble reine qui est aimée du Fils éternel de Dieu ; si, trahie et dépouillée, calomniée et privée de ses droits, cette sainte Eglise doit être en butte à ceux qui longtemps furent ses fils, tenez pour certain que le divin Esprit ne la laissera pas manquer à ses destinées. Voyez plutôt ses œuvres en nos jours. D'où viennent, si ce n'est de son souffle, ces vocations à l'apostolat plus nombreuses d'année en année ? Tandis que d'un côté les retours des hérétiques à l'antique foi sont plus fréquents qu'ils ne l'ont jamais été, toutes les régions infidèles sont visitées par le flambeau de l'Evangile. Notre siècle a revu les martyrs, il a entendu les interrogatoires des proconsuls chinois et annamites, il a recueilli dans son admiration les réponses des confesseurs dictées par l'Esprit-Saint, selon la promesse du Maître. L'extrême Orient donne ses élus, les nègres de l'Afrique sont évangélisés ; et si une cinquième partie de la terre s'est révélée, elle possède déjà de nombreux fidèles sous une hiérarchie de pasteurs légitimes.

 

Soyez donc béni, divin Esprit, qui veillez avec tant de sollicitude sur l'Epouse chérie de Jésus ! Elle n'a pas défailli un seul jour, grâce à votre action constante et jamais lassée. Vous n'avez pas laissé passer un siècle sans susciter des apôtres pour l'enrichir de leurs conquêtes ; sans cesse vous avez sollicité par votre grâce les esprits et les cœurs de se donner à elle ; en toute race, en tous les siècles, vous avez élu vous-même les innombrables fidèles dont elle se compose. Comme elle est notre mère et que nous sommes ses fils, comme elle est l'Epouse de notre divin Chef auquel nous espérons nous réunir en elle, en opérant pour la gloire du Fils de Dieu qui vous a envoyé sur la terre, ô divin Esprit, vous avez daigné travailler pour nous, humbles et pécheresses créatures. Nous vous offrons nos faibles actions de grâces pour tant de bienfaits.

 

 Notre Emmanuel nous a révélé que vous devez demeurer ainsi avec nous jusqu'à la fin des temps, et nous comprenons maintenant la nécessité de votre présence, ô divin Esprit ! Vous dirigez la formation de l'Epouse, vous la maintenez, vous la rendez victorieuse de toutes les attaques, vous la transportez d'une région dans l'autre, lorsque le sol qu'elle foule n'est plus digne de la porter ; vous êtes son vengeur contre ceux qui l'outragent, et vous le serez jusqu'au dernier jour.

 

 Mais cette noble Epouse d'un Dieu ne doit pas toujours demeurer ainsi exilée loin de son Epoux. De même que Marie resta plusieurs années sur la terre, afin d'y travailler à la gloire de son fils, et fut enfin enlevée aux cieux pour y régner avec lui ; ainsi l'Eglise demeurera militante ici-bas durant les siècles qui sont nécessaires pour arriver au complément du nombre des élus. Mais nous savons qu'un temps doit venir dont il est écrit : "Les noces de l'Agneau sont venues, et son Epouse s'est préparée. On lui a donné un vêtement de fin lin d'une blancheur éblouissante, et le tissu en est composé des vertus des saints qu'elle a formés". En ces derniers jours, l'Epouse, toujours belle et digne de l'Epoux, ne croîtra plus ; elle diminuera même ici-bas, en proportion de ce qu'elle grandira triomphante au ciel.

 

Autour d'elle, sur la terre, la défection prédite par saint Paul se fera sentir ; les hommes la laisseront seule, ils courront vers le Prince du monde qui sera délié "pour un peu de temps", et vers la bête à laquelle "il sera donné de faire la guerre aux saints  et même de les vaincre". Les dernières heures de l'Epouse ici-bas seront dignes d'elle ; vous soutiendrez notre mère, ô divin Esprit, jusqu'à l'arrivée de l'Epoux. Mais après l'enfantement du dernier élu, I'Esprit et I'Epouse s'uniront dans un même cri : "Venez ! diront-ils". Alors l'Emmanuel paraîtra sur les nuées du ciel, la mission de l'Esprit sera terminée, et l'Epouse, "appuyée sur son bien-aimé", s'élèvera de cette terre ingrate et stérile vers le ciel où l'attendent les noces de l'éternité.

 

 La Station de ce jour est dans l'Eglise de Sainte-Anastasie, cette intéressante basilique où nous assistâmes à la Messe de l'Aurore le jour de la naissance de l'Emmanuel. Nous la revoyons aujourd'hui que toute la série des mystères de notre salut est à son terme.

 

Bénissons Dieu qui a daigné achever avec tant de force ce qu'il a commencé pour nous avec tant de douceur. Les néophytes assistent encore à cette Messe avec leurs robes blanches, et leur présence atteste à la fois l'amour du Fils de Dieu qui les a lavés dans son sang, et la puissance de l'Esprit-Saint qui les a ravis à l'empire du Prince de ce monde.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

     

Pentecôte par Juan de Flandes

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 15:00

Le don de Crainte de Dieu est destiné à guérir en nous la plaie de l'orgueil ; le don de Piété est répandu dans nos âmes par le Saint-Esprit pour combattre l'égoïsme, qui est l'une des mauvaises passions de l'homme déchu, et le second obstacle à son union avec Dieu. Le cœur du chrétien ne doit être ni froid ni indifférent ; il faut qu'il soit tendre et dévoué ; autrement il ne pourrait s'élever dans la voie à laquelle Dieu, qui est amour, a daigné l'appeler.

 

 L'Esprit-Saint produit donc en l'homme le Don de Piété, en lui inspirant un retour filial vers son Créateur. "Vous avez reçu l'Esprit d'adoption, nous dit l'Apôtre, et c'est par cet Esprit que nous crions à Dieu : Père ! Père !" Cette disposition rend l'âme sensible à tout ce qui touche l'honneur de Dieu. Elle fait que l'homme nourrit en lui-même la componction de ses péchés, à la vue de l'infinie bonté qui a daigné le supporter et lui pardonner, à la pensée des souffrances et de la mort du Rédempteur. L'âme initiée par le don de Piété désire constamment la gloire de Dieu ; elle voudrait amener tous les hommes à ses pieds, et les outrages qu'il reçoit lui sont particulièrement sensibles. Sa joie est de voir le progrès des âmes dans l'amour, et les dévouements que cet amour leur inspire pour celui qui est le souverain bien. Remplie d'une soumission filiale envers ce Père universel qui est aux cieux, elle est prête à toutes ses volontés. Elle se résigne de cœur à toutes les dispositions de sa Providence.

 

 Sa foi est simple et vive. Elle se tient amoureusement soumise à l'Eglise, toujours prête à renoncer à ses idées les plus chères, si elles s'écartent en quelque chose de son enseignement ou de sa pratique, ayant une horreur instinctive de la nouveauté et de l'indépendance.

 

 Ce dévouement à Dieu qu'inspire le don de Piété en unissant l'âme à son Créateur par l'affection filiale, l'unit d'une affection fraternelle à toutes les créatures, puisqu'elles sont l'œuvre de la puissance de Dieu et qu'elles sont à lui.

 

 Au premier rang dans les affections du chrétien animé du don de Piété se placent les créatures glorifiées dont Dieu jouit éternellement, et qui jouissent de lui pour jamais. Il aime tendrement Marie, et il est jaloux de son honneur ; il vénère avec amour les saints ; il admire avec effusion le courage des martyrs, et les actes héroïques de vertu accomplis par les amis de Dieu ; il se délecte de leurs miracles, il honore religieusement leurs reliques sacrées.

 

 Mais son affection n'est pas seulement pour les créatures couronnées au ciel ; celles qui sont encore ici-bas tiennent une large place dans son cœur. Le don de Piété lui fait trouver en elles Jésus lui-même. Sa bienveillance pour ses frères est universelle. Son cœur est disposé au pardon des injures, au support des imperfections d'autrui, à l'excuse pour les torts du prochain. Il est compatissant pour le pauvre, empressé auprès de l'infirme. Une douceur affectueuse révèle le fond de son cœur ; et dans ses rapports avec ses frères de la terre, on le voit toujours disposé à pleurer avec ceux qui pleurent, à se réjouir avec ceux qui sont dans la joie.

 

 Telle est, ô divin Esprit, la disposition de ceux qui cultivent le don de Piété que vous avez versé dans leurs âmes. Par cet ineffable bienfait, vous neutralisez le triste égoïsme qui flétrirait leur cœur, vous les délivrez de cette sécheresse odieuse qui rend l'homme indifférent à ses frères, et vous fermez son âme à l'envie et à la haine. Pour cela il ne lui a fallu que cette piété filiale envers son Créateur ; elle a attendri son cœur, et ce cœur s'est fondu dans une vive affection pour tout ce qui est sorti des mains de Dieu.

 

Faites fructifier en nous un si précieux don, ô divin Esprit ! ne permettez pas qu'il soit étouffé par l'amour de nous-mêmes. Jésus nous a encouragés en nous disant que son Père céleste "fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants" ; ne soutirez pas, divin Paraclet, qu'une si paternelle indulgence soit un exemple perdu pour nous, et daignez développer dans nos âmes ce germe de dévouement, de bienveillance et de compassion que vous y avez daigné placer au moment où vous en preniez possession par le saint Baptême.  

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Madonna di Loreto par Le Caravage

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 08:00

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.
 
 
Hier L'Esprit-Saint a pris possession du monde, et ses débuts dans la mission qu'il a reçue du Père et du Fils ont annoncé sa puissance sur les cœurs, et ont préludé avec éclat à ses conquêtes futures. Nous allons suivre respectueusement sa marche et ses opérations sur cette terre qui lui a été confiée ; la succession des jours d'une si solennelle Octave nous permettra de signaler tour à tour ses œuvres dans l'Eglise et dans les âmes.

 

 Jésus, notre Emmanuel, est le Roi du monde ; il a reçu de son Père les nations en héritage. Il nous a déclaré lui-même que "toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre". Mais il est monté au ciel avant que son empire fût établi ici-bas. Le peuple d'Israël lui-même auquel il a fait entendre sa parole, sous les yeux duquel il a opéré les prodiges qui attestaient sa mission, ce peuple l'a renié et a cessé d'être son peuple (Daniel IX, 26.). Quelques-uns de ses membres seulement l'ont accepté et l'accepteront encore ; mais la masse d'Israël confirme le cri sacrilège de ses pontifes : "Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous".

 

 La gentilité est tout aussi éloignée d'accepter le fils de Marie pour son maître. Elle ignore profondément sa personne, sa doctrine, sa mission. Les traditions antiques de la religion primitive se sont graduellement effacées. Le culte de la matière a envahi le monde civilisé comme le monde barbare, et l'adoration est prodiguée à toute créature. La morale est altérée jusque dans ses sources les plus sacrées et les plus inviolables. La raison s'est obscurcie chez cette minorité imperceptible qui se fait gloire du nom de philosophes ; "ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé s'est aveuglé". Les races humaines déracinées ont été mêlées successivement par la conquête. Tant de bouleversements n'ont laissé chez les peuples que l'idée de la force, et le colossal empire romain dominé par César pèse de tout son poids sur la terre. C'est le moment que le Père céleste a choisi pour envoyer son Fils en ce monde. Il n'y a pas place pour un roi des intelligences et des cœurs ; et cependant il faut que Jésus règne sur les hommes et que son règne soit accepté.

 

 En attendant, un autre maître s'est présenté, et les peuples l'ont accueilli avec acclamation. C'est Satan, et son empire est si fortement établi que Jésus lui-même l'appelle le Prince de ce monde. Il faut qu'il soit "jeté dehors" ; il s'agit de le chasser de ses temples, de l'expulser des mœurs, de la pensée, de la littérature, des arts, de la politique ; car il possède tout. Ce n'est pas seulement l'humanité dépravée qui résiste ; c'est le fort armé qui la regarde comme son domaine, et qui ne cédera pas devant une force créée.

 

 Tout est donc contre le règne du Christ, et rien pour lui. Que sert à l'impiété moderne de dire, contre l'évidence des faits, que le monde était prêt pour une si complète révolution ? Comme si tous les vices et toutes les erreurs étaient une préparation à toutes les vertus et à toutes les vérités ! comme s'il suffisait à l'homme vicieux de sentir le malheur, pour comprendre que son malheur vient de ce qu'il est dans le mal, pour se résoudre à devenir tout d'un coup, et au prix de tous les sacrifices, un héros de vertu !

 

 Non, pour que Jésus régnât sur ce monde pervers, il fallait un miracle et le plus grand de tous les miracles, un prodige qui, comme le dit Bossuet, n'a de terme de comparaison qu'avec l'acte créateur qui a fait sortir les êtres du néant. Or, ce prodige, qui l'a fait, sinon le divin Esprit ? C'est lui-même qui a voulu que nous qui n'avons pas vu le Seigneur Jésus, nous fussions rendus aussi certains de sa nature divine et de sa mission de Sauveur, que si nous eussions été témoins de ses miracles et auditeurs de ses enseignements. C'est dans ce but qu'a été opéré ce prodige des prodiges, cette conversion du monde, dans laquelle "Dieu a choisi ce qu'il y avait de plus faible dans le monde pour renverser ce qui était fort, ce qui n'était pas pour détruire ce qui était". C'est dans ce fait immense et plus lumineux que le soleil, que l'Esprit-Saint a rendu sa présence visible, qu'il s'est affirmé lui-même.

 

Voyons par quels moyens il s'y est pris pour assurer le règne de Jésus sur le monde. Retournons d'abord au Cénacle. Considérez ces hommes revêtus maintenant de la Vertu d'en haut. Qu'étaient-ils tout à l'heure ? Des gens sans influence, de condition vile, sans lettres, d'une faiblesse connue. N'est-il pas vrai que l'Esprit-Saint en a fait tout à coup des hommes éloquents et du plus haut courage, des hommes que le monde connaîtra bientôt, et qui remporteront sur lui une victoire devant laquelle pâliront les triomphes des plus glorieux conquérants ? Il faut bien que l’incrédulité l'avoue, le fait est par trop évident : le monde a été transformé, et cette transformation est l'œuvre de ces pauvres juifs du Cénacle. Ils ont reçu le Saint-Esprit en ce jour de la Pentecôte, et cet Esprit a accompli par eux tout ce qu'il avait à accomplir.

 

 Il leur a donné trois choses en ce jour : la parole figurée par les langues, l'ardeur de l'amour représenté par le feu, et le don des miracles qu'ils exercent tout aussitôt. La parole est le glaive dont ils sont armés, l'amour est l'aliment du courage qui leur fera tout braver, et par le miracle ils forceront l'attention des hommes. Tels sont les moyens devant lesquels le Prince du monde sera réduit à capituler, par lesquels le règne de l'Emmanuel s'établira dans son domaine, et ces moyens procèdent tous de l'Esprit-Saint.

 

 Mais il ne borne pas là son action. Il ne suffit pas que les hommes entendent retentir la parole, qu'ils admirent le courage, qu'ils voient des prodiges. Il ne suffit pas qu'ils entrevoient la splendeur de la vérité, qu'ils sentent la beauté de la vertu, qu'ils reconnaissent la honte et le crime de leur situation. Pour arriver à la conversion du cœur, pour reconnaître un Dieu dans ce Jésus qu'on va leur prêcher, pour l'aimer et se vouer à lui dans le baptême et jusqu'au martyre, s'il le faut, il est nécessaire que le Saint-Esprit intervienne. Lui seul, comme parle le Prophète, peut enlever de leur poitrine le cœur de pierre et y substituer un cœur de chair capable d'éprouver le sentiment surnaturel de la foi et de l'amour. L'Esprit divin accompagnera donc partout ses envoyés ; à eux l'action visible, à lui l'action invisible ; et le salut pour l'homme résultera de ce concours. Il faudra que l'une et l'autre action s'exercent sur chaque individu, que la liberté de chaque individu acquiesce et se rende à la prédication extérieure de l'apôtre et à la touche intérieure de l'Esprit. Certes, c'est un grand œuvre d'entraîner la race humaine à confesser Jésus son seigneur et roi ; la volonté perverse résistera longtemps ; mais qu'il s'écoule seulement trois siècles, et le monde civilisé se rangera autour de la croix du Rédempteur.

 

 Il était juste que l'Esprit-Saint et ses envoyés s'adressassent d'abord au peuple de Dieu. Ce peuple "avait reçu en dépôt les divins oracles" ; il avait fourni le sang de la rédemption. Jésus avait déclaré qu'il était envoyé "pour les brebis perdues de la maison d'Israël". Pierre, son vicaire, devait hériter de cette gloire d'être l'Apôtre du peuple circoncis ; bien que la gentilité, en la personne de Corneille le Centurion, dût être par lui introduite dans l'Eglise, et l'émancipation des gentils baptisés proclamée par lui dans l'assemblée de Jérusalem. Mais l'honneur était dû d'abord à la famille d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ; voilà pourquoi notre première Pentecôte est juive, pourquoi nos premiers ancêtres en ce jour sont juifs. C'est sur la race d'Israël que l'Esprit-Saint répand d'abord ses dons ineffables.

 

Voyez-les maintenant partir de Jérusalem ces juifs qui ont reçu la parole, et dont le saint baptême a fait de véritables enfants d'Abraham. La solennité passée, ils retournent dans les provinces de la gentilité qu'ils habitent, portant dans leurs cœurs Jésus qu'ils ont reconnu pour le Messie roi et sauveur. Saluons ces prémices de la sainte Eglise, ces trophées de l'Esprit divin, ces porteurs de la bonne nouvelle. Ils ne tarderont pas à voir arriver les hommes du Cénacle qui se tourneront vers les gentils, après l'inutile sommation faite à l'orgueilleuse et ingrate Jérusalem.

 

 Une faible minorité dans la nation juive a donc consenti à reconnaître le fils de David pour l'héritier du Père de famille ; la masse est demeurée rebelle et court obstinément à sa perte. Comment qualifier son erreur ? Etienne, le Protomartyr, nous l'apprend. S'adressant à ces indignes fils d'Abraham : "Hommes à la tête dure, leur dit-il, cœurs et oreilles incirconcis, vous résistez continuellement au Saint-Esprit". Un si coupable refus d'obéir chez la nation privilégiée donne le signal de la migration des Apôtres vers la gentilité. L'Esprit Saint ne les quitte plus, et c'est désormais sur les peuples assis dans les ombres de la mort qu'il va épancher les torrents de la grâce que Jésus a mérités aux hommes par son Sacrifice sur la croix.

 

 Ils s'avancent, ces porteurs de la parole de vie, vers les régions païennes. Tout s'arme contre eux, mais ils triomphent de tout. L'Esprit qui les anime féconde en eux ses dons. Il agit en même temps sur les âmes de leurs auditeurs, la foi en Jésus se répand avec rapidité ; et bientôt Antioche, puis Rome, puis Alexandrie, voient s'élever en leur sein une population chrétienne. La langue de feu parcourt le monde ; elle ne s'arrête même pas aux limites de l'empire romain, prédestiné, selon les divins Prophètes, à servir de base à l'empire du Christ. Les Indes, la Chine, l'Ethiopie et cent peuples lointains entendent la voix des Evangélistes de la paix.

 

 Mais il ne leur faut pas seulement rendre témoignage par la parole à la royauté de leur Maître ; ils lui doivent aussi le témoignage du sang. Ils ne seront pas en retard. Le feu qui les embrasa au Cénacle les consume dans l'holocauste du martyre.

 

 Admirons ici la puissance et la fécondité du divin Esprit. A ces premiers envoyés il fait succéder une génération nouvelle. Les noms sont changés, mais l'action continue et continuera jusqu'à la fin des temps, parce qu'il faut que Jésus soit reconnu sauveur et maître de l'humanité, et que l'Esprit Saint a été envoyé pour opérer cette reconnaissance sur la terre.

 

 Le Prince de ce monde, "l'ancien serpent", s'agite avec violence pour arrêter les conquêtes des envoyés de l'Esprit. Il a crucifié Pierre, tranché la tête à Paul, immolé leurs compagnons ; mais lorsque ces nobles chefs ont disparu, son orgueil est soumis à une épreuve plus dure encore. C'est un peuple entier qu'a produit le mystère de la Pentecôte ; la semence apostolique a germé dans des proportions immenses. La persécution de Néron a pu abattre les chefs juifs du nouveau peuple ; mais voici maintenant la gentilité elle-même établie dans l'Eglise. Ainsi que nous le chantions hier en triomphe, "l'Esprit du Seigneur a rempli la terre entière". Nous voyons, dès la fin du premier siècle, le glaive de Domitien sévir jusque sur les membres de la famille impériale. Bientôt les Trajan, les Adrien, les Antonin, les Marc-Aurèle, épouvantés du compétiteur Jésus de Nazareth, s'élancent sur son troupeau ; mais c'est en vain. Le Prince du monde les avait armés de la politique et de la philosophie ; l'Esprit-Saint dissout tous ces faux prestiges, et la vérité s'étend toujours plus sur la surface du monde. A ces sages succèdent des tyrans forcenés, un Sévère, un Décius, un Gallus, un Valérien, un Aurélien, un Maximien ; le carnage s'étend à tout l'empire, parce que les chrétiens y sont partout. Enfin l'effort suprême du Prince du monde est dans l'effroyable persécution décrétée par Dioclétien et les farouches Césars qui partagent le pouvoir avec lui. Ils avaient résolu l'extermination du christianisme, et ce sont eux-mêmes qui, après avoir répandu des torrents de sang, s'affaissent dans le désespoir et l'ignominie.

 

Qu'ils sont magnifiques vos triomphes, ô divin Esprit ! qu'il est surhumain l'empire du Fils de Dieu, lorsque vous l'établissez ainsi à l'encontre de toutes les résistances de la faiblesse et de la perversité humaines, à la face de Satan dont le règne semblait pour jamais consolidé sur la terre ! Mais vous aimez le futur troupeau du Rédempteur, et vous répandez dans des millions d'âmes l'attrait pour une vérité qui exige de si redoutables sacrifices. Vous renversez les prétextes d'une vaine raison par des prodiges innombrables, et échauffant ensuite par l'amour ces cœurs arrachés à la concupiscence et à l'orgueil, vous les envoyez pleins d'un enthousiasme tranquille au-devant de la mort et des tortures.

 

 Alors s'accomplit la promesse que Jésus avait faite pour le moment où ses fidèles comparaîtraient devant les ministres du Prince du monde. Il avait dit : "Ne prenez pas la peine de réfléchir sur la manière dont vous parlerez et sur ce que vous direz. A l'heure même, vous sera donné ce que vous aurez à dire ; car ce ne sera pas vous-mêmes qui parlerez, mais ce sera I'Esprit de votre Père qui parlera en vous". Nous en pouvons juger encore en lisant les immortels Actes de nos martyrs, en suivant ces interrogatoires et ces réponses simples et sublimes qui s'échappent du milieu même des tourments. C'est la voix de l'Esprit, la parole de l'Esprit qui lutte et qui triomphe. Les assistants s'écriaient : "Il est grand, le Dieu des chrétiens !" et plus d'une fois on vit les bourreaux, séduits par une si divine éloquence, se déclarer eux-mêmes les disciples d'un Dieu si puissant, et se ranger soudain parmi les nobles victimes qu'ils déchiraient tout à l'heure. Nous savons par les monuments contemporains que l'arène du martyre fut la tribune de la foi, et que le sang des martyrs, joint à la beauté de leur parole, fut la semence des chrétiens.

 

Après trois siècles de ces merveilles du divin Esprit, la victoire fut complète. Jésus était reconnu Roi et Sauveur du monde, docteur et rédempteur des hommes ; Satan était expulsé du domaine qu'il avait usurpé, le polythéisme dont il fut l'auteur était remplacé par la foi en un seul Dieu, et le culte ignoble de la matière n'était plus qu'un objet de honte et de mépris. Or, une telle victoire qui eut d'abord pour théâtre l'empire romain tout entier, et qui n'a cessé de s'étendre, de siècle en siècle, à tant d'autres nations infidèles, est l'œuvre du Saint-Esprit. La manière miraculeuse dont elle s'est accomplie contre toutes les prévisions humaines est l'un des principaux arguments sur lesquels repose notre foi. Nous n'avons pas vu de nos yeux, nous n'avons pas entendu de nos oreilles le Seigneur Jésus ; mais nous le confessons pour notre Dieu, à cause du témoignage que lui a rendu si visiblement l'Esprit-Saint qu'il nous a envoyé. Soient donc à jamais à ce divin Esprit gloire, reconnaissance et amour de la part de toute créature ! car il nous a mis en possession du salut que notre Emmanuel nous avait apporté.

 

La Station est aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Pierre-aux-Liens. Cette église, appelée aussi la Basilique d'Eudoxie, du nom de l'impératrice qui l'éleva, garde précieusement les chaînes dont saint Pierre fut lié à Jérusalem par l'ordre d'Hérode, et à Rome par l'ordre de Néron. La réunion du peuple fidèle en son enceinte aujourd'hui rappelle merveilleusement la force dont l’Esprit-Saint revêtit les Apôtres au jour de la Pentecôte. Pierre s'est laissé lier pour le service de son maître Jésus, et il s'est fait honneur de ses liens. Cet apôtre qui avait tremblé à la voix d'une servante, ayant reçu le don de l'Esprit-Saint, est allé au-devant des chaînes. Le Prince du monde a cru qu'il pourrait enchaîner la divine parole ; mais cette parole était libre jusque dans les fers.

 

L'Introït, formé des paroles de David, fait allusion aux néophytes qui viennent d'être baptisés, et sont là présents avec leurs robes blanches. Au sortir de la fontaine, ils ont été nourris du pain de vie qui est la fine fleur du divin froment. On leur a donné à goûter la douceur du miel qui procède de la pierre. Or la Pierre est le Christ, nous dit l'Apôtre, et le Christ a admis Simon, fils de Jonas, à l'honneur de participer à ce noble symbole. Il lui a dit : "Tu es Pierre", et les chaînes sacrées qui sont là montrent assez avec quelle fidélité Simon a compris qu'il devait s'attacher à la suite de son Maître. Le même Esprit qui l'a fortifié dans la lutte repose maintenant sur les néophytes de la Pentecôte.

 

Le Saint-Esprit crée la Foi dans nos âmes, et par la Foi nous obtenons la vie éternelle ; car la Foi n'est pas l'adhésion à une thèse rationnellement démontrée, mais une vertu qui procède de la volonté fécondée par la grâce. Au temps où nous vivons, la Foi devient rare. L'orgueil de l'esprit est monté à son comble, et la docilité de la raison aux enseignements de l'Eglise fait défaut chez un grand nombre. On se croit chrétien et catholique, et en même temps on ne se sent pas disposé à renoncer à ses idées en toute simplicité, si elles étaient désapprouvées par l'autorité qui seule a le droit de nous diriger dans la croyance. On se permet des lectures imprudentes, quelquefois même mauvaises, sans s'inquiéter si l'on contrevient à des défenses sacrées. On fait peu pour arriver à une instruction sérieuse et complète sur les choses de la religion, en sorte que l'on conserve dans son esprit, comme un poison caché, beaucoup d'idées hétérodoxes qui ont cours dans l'atmosphère que l'on respire. Souvent il arrive qu'un homme compte parmi les catholiques, et remplit les devoirs extérieurs de la foi par principe d'éducation, par tradition de famille, par une certaine disposition naturelle du cœur ou de l'imagination. Il est triste de le dire, plusieurs aujourd'hui pensent avoir la Foi, et elle est éteinte en eux.

 

 Cependant la Foi est le premier lien avec Dieu ; c'est par la Foi, nous dit l'Apôtre, que l'on approche de Dieu, et qu'on lui demeure attaché. Telle est l'importance de la Foi, que le Seigneur vient de nous dire que "celui qui croit n'est pas jugé". En effet, celui qui croit dans le sens de notre Evangile, n'adhère pas seulement à une doctrine ; il croit, parce qu'il se soumet de cœur et d'esprit, parce qu'il veut aimer ce qu'il croit. La Foi opère par la charité qui la complète, mais elle est un avant-goût de la charité ; et c'est pour cela que le Seigneur promet déjà le salut à celui qui croit. Cette Foi éprouve des obstacles de la part de notre nature déchue. Nous venons de l'entendre : "La lumière est venue dans le monde ; mais les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière". En notre siècle, les ténèbres règnent, elles s'épaississent ; on voit même s'élever de fausses lumières ; des mirages trompeurs égarent le voyageur, et nous le répétons, la Foi est devenue plus rare, cette Foi qui unit à Dieu et sauve de ses jugements.

 

Divin Esprit,arrachez-nous aux ténèbres de notre temps, corrigez l'orgueil de notre esprit, délivrez-nous de cette vaine liberté que l’on prône comme l'unique fin de toutes choses, et qui est si complètement stérile pour le bien des âmes. Nous voulons aimer la lumière, la posséder, la conserver, et mériter par la docilité et la simplicité des enfants le bonheur de la voir épanouie dans le jour éternel.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

La Pentecôte par Le Greco

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