Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 20:00

Un incident qui nous révèle le caractère intime de Pierre et de Paul se passa peu de temps après à Antioche,  où Pierre s'était rendu de Jérusalem.

 

 Il était arrivé de cette dernière ville plusieurs juifs chrétiens dont l'apôtre croyait avoir besoin de ménager la susceptibilité. L'assemblée de Jérusalem, en prescrivant de ne pas astreindre aux rites mosaïques les convertis de la gentilité, n'avait point prétendu interdire l'usage de ces rites aux chrétiens sortis du judaïsme. Pierre, qui s'asseyait volontiers à la table des chrétiens gentils, usant sans répugnance des aliments proscrits par la loi de Moïse, craignit que cette liberté ne fût une épreuve trop forte pour les nouveaux venus.  Usant donc du droit qu'avaient encore ces derniers, il les fit manger avec lui, et l'on observa dans le repas l'ancienne distinction des viandes. La chose fut connue dans l'Eglise d'Antioche, et les chrétiens juifs en prenaient occasion de retourner aux usages mosaïques dans leurs repas  : Barnabé lui-même se laissait entraîner à leur exemple dans un but de pacification.

 

Paul  ne put supporter une telle  condescendance, et, dans son inquiétude pour les résultats qu'elle pouvait entraîner, il alla droit à Pierre, et osa  l'interpeller en  public :  "Comment !  lui dit-il, toi juif, d'ordinaire tu vis comme les gentils et non plus à la manière juive ; et voici que maintenant tu contrains les gentils à judaïser !" C'était reconnaître la haute autorité de Pierre, dont l'exemple aurait suffi  pour amener à sa pratique personnelle toute l'Eglise d'Antioche. Pierre n'avait agi que d'une manière privée, dans un désir de ménagement, et Paul voyait déjà tout l'effet  du  décret  de  l'assemblée  de  Jérusalem compromis  dans  cette  grande  ville. Peut-être s'exagérait-il la portée d'un fait transitoire ; mais Pierre, dont les vues étaient pures et paternelles, dut profiter de cet éclat pour amener insensiblement les chrétiens juifs à ne plus craindre autant de profiter du privilège des gentils.

 

 Nous devions insister sur ces faits, dans lesquels se dessine si énergiquement l'antagonisme des deux capitales. Souvenons-nous qu'à ce moment Jérusalem est encore debout, que les victimes sont toujours offertes dans son temple selon le rituel de Moïse, que ses solennités attirent dans ses murs un nombre immense d'israélites accourus des synagogues du monde entier. En même temps, voyons l'Eglise chrétienne dans son essor, ayant occupé déjà Antioche, établie dans Rome, et, par la mission de Marc, prenant possession d'Alexandrie. La gentilité se précipite en foule dans son sein depuis que les barrières sont tombées ; il importe donc que les dernières traces du judaïsme, qu'il faut ménager encore, n'offusquent pas les gentils, et que tous ces hommes de tous les rangs, qui accourent vers Jésus, ne soient plus obligés de passer par Moïse. Ainsi l'entendirent les deux apôtres de Rome : Pierre d'abord et Paul ensuite, quoi qu'aient osé en écrire les docteurs d'outre-Rhin. Paul ne demeura pas longtemps à Antioche, et, s'étant séparé de Barnabé, il reprit le cours de ses excursions apostoliques à travers les provinces qu'il avait déjà évangélisées, afin d'y confirmer les églises. De là, traversant la Phrygie, il vit la Macédoine, s'arrêta un moment à Athènes, d'où il se rendit à Corinthe, où il séjourna un an et demi. Ce fut là qu'il rencontra Aquila et Priscille, récemment arrivés d'Italie. Il trouva chez eux cette même hospitalité qu'ils avaient offerte à Pierre dans le Transtévère. Paul apprit par eux en détail les progrès de la foi chrétienne dans Rome, et son cœur d'apôtre put tressaillir au récit de tant de conquêtes que la parole divine y avait déjà opérées.

 

 On était en l'année 48. Aquila avait repris sa profession à Corinthe, et continuait à se livrer à la fabrication des tentes. Afin de n'être à charge à personne dans son apostolat, Paul, comme il nous l'apprend lui-même, partageait à ses moments libres les travaux de l'atelier. On sait que, dans sa jeunesse, il s'était employé à l'industrie des  tentes. Sa  prédication eut  à Corinthe  un grand succès, et lorsqu'il quitta cette ville, il y laissa une Eglise florissante. Mais ses succès n'avaient pas été sans exciter la fureur des juifs contre lui.  Un jour ils le traînèrent devant le proconsul Gallion, qui était le frère de Sénèque, se plaignant à grands cris de ce que l'apôtre enseignait une manière d'honorer Dieu qui n'était pas conforme à leur loi ; mais le proconsul, après avoir déclaré qu'il n'entendait pas se mêler de questions de cette nature,  donna ordre de les éconduire.

 

 De Corinthe, Paul se rendit à Ephèse. Aquila et Priscille l'y suivirent, et restèrent quelque temps auprès de lui. Ephèse retint Paul plus de deux ans. Sans négliger les juifs, il obtint dans cette ville un tel succès auprès des gentils, que le culte de Diane en éprouva un affaiblissement sensible. Une émeute violente s'ensuivit, et Paul jugea que le moment était venu de sortir d'Ephèse. Durant son séjour dans cette ville, il révéla à ses disciples la pensée qui l'occupait déjà depuis longtemps : "Il faut, leur dit-il, que je voie Rome". La capitale de la gentilité appelait l'apôtre des gentils.

 

 Au commencement de l'année 53, Paul voulut revoir Corinthe ; mais il n'y trouva plus Aquila ni Priscille. Soit qu'ils eussent appris que l'édit de bannissement rendu par Claude contre les juifs n'était pas appliqué avec rigueur, soit grâce à l'intervention de protecteurs puissants, ils avaient trouvé moyen de rentrer dans Rome. Leur arrivée dut réjouir la noble famille à laquelle les attachaient le lien des bienfaits et la fraternité dans la loi. Peut-être doit-on retarder jusqu'à cette époque le séjour des deux époux dans la maison du mont Aventin, à laquelle nous savons que se rattache le souvenir des Cornelii. Après les agitations du Transtévère qui avaient amené l'expulsion des juifs, il n'eût pas été prudent pour Aquila et Priscille de se placer trop en vue. Ils trouvaient au contraire asile et sécurité dans cette région tranquille de l'Aventin, où ils auront attendu le moment du retour de Pierre et de l'arrivée de Paul dans Rome.

 

 L'accroissement rapide du christianisme dans la capitale de l'Empire avait mis en présence, d'une  manière  plus  frappante  qu'ailleurs, les deux éléments hétérogènes dont l'Eglise d'alors était formée. L'unité d'une même foi réunissait dans le même bercail les anciens juifs et les anciens païens. Il s'en rencontra quelques-uns dans chacune de ces deux races qui, oubliant trop promptement la gratuité de leur commune vocation, se laissèrent aller au mépris de leurs frères, les réputant moins dignes qu'eux-mêmes du baptême qui les avait tous faits égaux dans le Christ.

 

Paul, qui fut à même de connaître ces débats par ses relations avec Aquila et Priscille, profita de son second séjour à Corinthe pour écrire aux fidèles de l'Eglise romaine la célèbre Epître dans laquelle il s'attache à établir la gratuité du don de la foi, juifs et gentils étant indignes de l'adoption divine et n'ayant été appelés que par une pure miséricorde. Sa qualité d'apôtre reconnue donnait à Paul le droit d'intervenir en cette manière, au sein même d'une chrétienté qu'il n'avait pas fondée. Au reste, son intervention ne fut pas seulement salutaire aux fidèles de Rome, entre lesquels elle répandit la concorde; la lettre se répandit et porta ses fruits en d'autres églises.

 

Dès le début de cette lettre, qui fut écrite en l'an 53, Paul atteste que la foi des Romains est déjà célèbre "dans le monde entier", et il témoigne de l'ardent désir qu'il éprouve de visiter une si noble chrétienté. Nous ne le suivrons pas dans l'exposé de sa doctrine sur la vocation de l'homme à la foi, où il fait ressortir avec éloquence  l'indignité  des  gentils  à  l'égard  d'un don si précieux, et aussi l'obstacle que lui opposaient les vues terrestres et l'orgueil des juifs. Il montre comment la grâce divine a seule triomphé des uns et des autres. S'adressant au Romain régénéré dans le baptême, Paul, pour le ramener à l'humilité,  lui adresse ces paroles énergiques, que  les  docteurs  d'outre-Rhin auront peine à concilier avec le prétendu hellénisme de l'apôtre : "J'en conviens, leur dit-il, des branches sont tombées à terre ; mais toi, olivier sauvage, tu as eu la faveur d'être enté sur celles qui étaient demeurées ; c'est ainsi que tu as été rendu participant du tronc et de la sève de l'olivier franc. Tu n'as donc pas le droit de te glorifier aux dépens des rameaux. Songe que ce n'est pas toi qui portes le tronc,  mais que c'est le tronc qui te porte. Diras-tu : Ces branches ont été rompues afin que je fusse enté à leur place ? — Oui, leur incrédulité les a brisées ; c'est à toi maintenant de demeurer ferme par la foi. Garde-toi donc de t'élever, mais tiens-toi dans la crainte ; car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, sois assuré qu'il ne t'épargnerait pas non plus." (Rom., XI.)

 

C'est ainsi que Paul, en face de l'élément romain, rendait hommage à la dignité de l'Israélite, à la paternité universelle d'Abraham ; mais il ne poursuivait pas avec moins de rigueur l'orgueil judaïque qui prétendait encore, même après le baptême, se glorifier dans sa loi abolie pour jamais. Cette loi mosaïque qui devait s'éclipser devant l'Evangile, l'apôtre la montre impuissante, grossière, transitoire, n'ayant en elle-même aucune valeur, frappée de stérilité, puisqu'elle n'a amené aux pieds du Christ qu'un si petit nombre de fidèles. La question était donc désormais terminée ; juifs et gentils, oubliant leur passé, n'avaient qu'à s'embrasser dans la fraternité d'une même foi, et à témoigner leur reconnaissance à Dieu, qui les avait appelés par sa grâce les uns et les autres.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 66 à 72) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 20:00

Le premier pas de Paul est en Chypre, et c'est là qu'il vient sceller avec l'ancienne  Rome  une  alliance  qui  est  comme la sœur  de  celle que Pierre avait  contractée  à Césarée.

 

 L'île de Chypre, à raison de son étendue et de son importance, formait à elle seule une province de l'Empire. Elle était, à ce moment, du nombre de celles qui, étant l'apanage du sénat, avaient pour gouverneur un proconsul annuel, choisi toujours parmi les anciens consulaires ou prétoriens. Six licteurs portaient devant lui les faisceaux.

 

 En l'année 43, où Paul aborda en Chypre, l'île avait pour proconsul Sergius Paulus, issu d'une famille dont le nom se lut de bonne heure sur les fastes consulaires. La gens Sergia, patricienne d'origine, s'était distinguée d'abord dans les luttes que Rome eut à soutenir pour asseoir son indépendance au milieu des peuples jaloux qui l'entouraient, et, dès l'an de Rome 317, nous voyons le surnom de Fidenas attribué au consul L. Sergius, à la suite d'une campagne héroïque. Plus tard, au combat de Pydna (586), qui rompit la phalange macédonienne et livra Persée au vainqueur, Paul Emile avait un M. Sergius parmi ses lieutenants, et ce fut peut-être l'occasion de l'alliance qui se forma entre les Sergii et les  Aemilii, et amena chez les premiers l'usage du surnom de Paulus, l'insigne de la gens Aemilia. Une inscription du meilleur temps relevée à Rome par Sirmond et transmise par lui à Gruter nous découvre une autre alliance des Sergii non moins glorieuse, celle avec la gens Caecilia.

 

D. M.

Q.  CAECILIO

Q. F. METELLO

VIXIT ANNIS VIII

DIEBUS V

SERGIA. A. F.

FAVSTINA AMITA

M. FECIT

 

Si le proconsul de Chypre se recommandait par ses aïeux, il était plus digne d'estime encore pour la sagesse de son gouvernement. Sans avoir la piété de Cornélius,  il avait par sa droiture attiré sur lui le regard de Dieu. Par un instinct céleste, il désira entendre Paul et Barnabé. Un miracle de Paul, opéré sous ses yeux, le convainquit de  la  vérité  de  l'enseignement  des  deux apôtres, et l'Eglise chrétienne compta, ce jour-là, dans son sein un nouvel héritier du nom et de la gloire des plus illustres familles romaines. Un échange touchant eut lieu en ce moment. Le patricien romain était affranchi du joug de la gentilité par le juif, et en retour, le juif, qu'on appelait Saul jusqu'alors, reçut et adopta désormais le nom de Paul, comme un trophée digne de l'Apôtre des gentils.

 

 Après son année de gouvernement,  Sergius Paulus dut quitter Chypre, et se rendre à Rome, où déjà la gens Cornelia avait abordé au christianisme par le centurion de la cohorte Italique. D'antiques traditions nous montrent dans l'ancien proconsul de Chypre le premier évêque de Narbonne. Quoi qu'il en soit, on ne peut nier que la gens Sergia n'ait connu de bonne heure le midi de la Gaule; ce qui expliquerait aisément le retour de Sergius Paulus dans une province où  sa famille  avait  un établissement. Gruter donne une inscription venue des confins de la Narbonnaise, et qui lui a été transmise par Sirmond, sur laquelle on voit un M. Sergius Paulus dédier un monument à sa mère Julia Paulina, fille de Sergius. Muratori en produit une autre, trouvée à Aix, d'une Sergia Optata qui consacre un marbre à la mémoire de Sergius, son père.

 

 De Chypre,  Paul se rend successivement en Cilicie, dans la Pamphylie, dans la Pisidie, dans la Lycaonie. Partout il évangélise, et partout il fonde des chrétientés.  Il revient ensuite à Antioche, accompagné de Barnabé, en l'année 47, et il trouve l'église de cette ville dans l'agitation. Un parti de juifs sortis des rangs du pharisaïsme, qui devait plus tard se fondre dans les sectes judéo-chrétiennes de Cérinthe et d'Ebion, consentait à l'admission des gentils dans l'Eglise, mais seulement à la condition qu'ils seraient assujettis aux pratiques mosaïques, c'est-à-dire à la circoncision, à la distinction des viandes, etc. Les chrétiens sortis de la gentilité répugnaient à cette servitude à laquelle Pierre ne les avait pas astreints, et la controverse devint si vive, que Paul jugea nécessaire d'entreprendre le voyage de Jérusalem, où Pierre fugitif de Rome venait d'arriver. Il partit donc avec Barnabé, apportant la question à résoudre aux représentants de la loi nouvelle réunis dans la ville de David. Outre Jacques, qui résidait actuellement à Jérusalem comme évêque, Pierre, ainsi que nous l'avons dit, et Jean y représentèrent en cette circonstance tout le collège apostolique.

 

La question à trancher était de la plus haute portée. Le christianisme  se  contenterait-il de faire, à la manière des juifs, de simples prosélytes courbés sous le joug de deux lois à la fois, ou appellerait-il ses néophytes à une entière liberté à  l'égard  des préceptes  transitoires que Dieu avait jadis imposés à son peuple dans le désert ? La cause était déjà décidée par le fait. En conférant le baptême à Cornélius, Pierre n'avait exigé de lui aucun servage à l'égard du mosaïsme. Néanmoins, à cette époque, où un grand nombre d'églises avaient eu pour premiers membres des juifs sortis de la Synagogue,  il devenait nécessaire de terminer par une décision solennelle la controverse qui s'était élevée à Antioche, et pouvait, en s'étendant, compromettre le repos de la famille chrétienne.

 

 Une assemblée se réunit, présidée par Pierre. Jacques et Jean y prirent séance, Paul et Barnabé siégèrent après eux. On y appela les prêtres de l'église de Jérusalem, et les fidèles de cette église furent admis à entendre les résolutions qui allaient être portées. Tous étant présents, Pierre prit la parole : "Mes frères, dit-il, vous savez comment Dieu m'a choisi, il y a déjà longtemps, pour faire entendre par ma bouche la parole de l'Evangile aux gentils et les amener à croire ; comment il leur a donné son Esprit ainsi qu'à nous-mêmes, ne faisant entre eux et nous aucune différence, et purifiant leurs coeurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tenter Dieu, en imposant à de tels disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? Par la grâce du Seigneur Jésus-Christ, nous croyons être dans la voie du salut, comme ils y sont eux-mêmes."

 

Saint Luc rapporte que cette solennelle déclaration de Pierre fut accueillie par l'assistance avec le silence d'un  profond respect.  Paul et Barnabé  prirent ensuite  la  parole, et racontèrent les merveilles que Dieu  avait  opérées dans leurs récentes prédications  au milieu des gentils, Jacques, relevant  la  sentence  de Pierre, la justifia en citant les oracles prophétiques sur la vocation des gentils, et l'on finit par formuler un décret en forme de lettre adressée aux fidèles d'Antioche, mais destinée à faire droit  dans  l'Eglise  entière. Toute  exigence  à l'égard des gentils relativement aux rites judaïques y était interdite, et cette disposition était prise au nom et sous l'influence de l'Esprit-Saint.

 

Ce fut dans cette réunion de Jérusalem que Paul, qui, dans son Epître aux Galates, complète le récit des Actes, atteste qu'il fut accueilli par les trois grands apôtres comme devant exercer spécialement  l'apostolat  des  gentils, de  même que celui des juifs continuerait d'être l'apanage de saint Pierre. II a fallu toute l'audace germanique pour bâtir sur ces paroles l'étrange système en vertu duquel saint Pierre aurait été l'adversaire des gentils, et saint Paul le partisan enthousiaste de leur admission dans l'Eglise. Deux faits réfutent, sans réplique, cet odieux roman et se déduisent l'un et l'autre du récit des Actes et du texte des Epîtres des deux apôtres. D'un côté, Pierre nous apparaît comme le tuteur dévoué de la gentilité par l'adoption qu'il fait de Cornélius à Césarée, par le choix qu'il fait de Rome pour y établir sa Chaire, par son énergique langage dans l'assemblée  de Jérusalem,  et par mille  autres traits ; d'autre part, nous voyons Paul, si dévoué aux gentils,  s'adonner constamment à  la conversion des juifs, au point de commencer toujours par eux son évangélisation dans toutes les villes où ils avaient une synagogue.

 

Quel but se proposait Paul en sollicitant des trois apôtres cette déclaration d'un apostolat spécial reconnu en sa personne ? Lui-même nous le fait connaître. Il voulait, dit-il, s'assurer qu'en s'adressant avec tant d'ardeur aux gentils, "il n’avait pas couru en vain" (Gal., II.) Il désirait, de la part de ceux qu'il appelle 'les colonnes', une confirmation de cet apostolat surajouté à celui des douze ; il voulait que ce ministère extraordinaire, qui surgissait au moment même où la moisson des gentils était ouverte, fût reconnu comme divinement destiné à seconder l'œuvre de la  miséricorde  céleste  en  faveur de  ceux  qui avaient été appelés les derniers.

 

Les trois apôtres n'avaient qu'à s'incliner devant la volonté évidente du ciel ; mais il restait toujours vrai que si Pierre avait eu l'honneur d'ouvrir aux juifs la porte de l'Eglise au jour de la Pentecôte, sa main aussi l'avait ouverte aux gentils, lorsqu'il en reçut l'ordre d'en haut.

 

Un incident qui nous révèle le caractère intime de Pierre et de Paul se passa peu de temps après à Antioche,  où Pierre s'était rendu de Jérusalem.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 59 à 65) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 20:00

Pierre ne devait pas, en effet, jouir longtemps, à Rome, de la tranquillité qui lui eût permis de donner par lui-même à l'Eglise tous les développements que faisaient présager des commencements si heureux.

 

 Nous avons dit plus haut comment, sous le règne d'Auguste, la population juive de Rome était agglomérée dans le quartier du Transtévère, où Pierre avait d'abord fixé sa demeure. Ses premiers soins avaient dû être pour les enfants de Jacob. Dans cette conduite, qui fut d'ailleurs celle de tous les autres apôtres, il imitait son Maître divin, qui déclarait être venu "pour les brebis perdues de la maison d'Israël". Le mode d'enseignement consistait à faire reconnaître aux juifs, les prophéties en mains, que Jésus de Nazareth avait réalisé en lui-même le type du Messie, tel qu'elles le produisaient. De là un partage entre les auditeurs de Pierre ; mais l'élément juif était trop compact et en même temps trop populeux dans Rome, pour que la réaction de la Synagogue contre toute nouveauté n'amenât pas de vives dissensions. Réviser la sentence portée contre Jésus par le sanhédrin de Jérusalem, proclamer que les gentils étaient désormais égaux aux juifs devant Dieu, c'était mettre Israël à la plus rude épreuve, et d'autant plus qu'à chaque heure on était à même de voir des fils de Jacob se détacher de la Synagogue et venir se ranger autour de Pierre. Insensiblement la lutte devint menaçante pour la tranquillité publique, jusqu'à attirer les regards du gouvernement impérial.

 

 Le païen Suétone caractérise d'un seul mot cet incident, en disant que Claude expulsa de Rome tous les juifs, "à la suite de séditions qui avaient pour instigateur un certain Chrestus". On reconnaît aisément dans ce nom légèrement altéré celui du Christ lui-même, qui retentissait sans cesse dans le Transtévère, prononcé avec rage ou avec amour, selon l'accueil que l'on avait fait aux prédications de Pierre. Durant plus d'un siècle, les païens employèrent souvent cette fausse prononciation du nom du Sauveur, ainsi que Tertullien et Lactance en ont fait la remarque. Quant à la manière dont s'exprime Suétone, il est aisé de voir qu'il a en vue quelqu'un en particulier, et que, par une erreur assez explicable chez lui, il confond Pierre, prédicateur du Christ, avec le Christ lui-même.

 

 On vit donc paraître, en l'année 47, un édit de Claude qui expulsait de Rome tous les juifs. Pierre dut céder à l'orage, et abandonner, après cinq ans de séjour, cette ville, dont il avait fait pour toujours, par un choix inspiré d'en haut, le siège de son pouvoir. Il se retourna vers l'Orient, et, comme première station, il s'embarqua pour Jérusalem. L'apôtre emportait avec lui la fortune de Rome, quoique Rome n'en eût pas conscience. Après huit années d'absence, Pierre reparaîtra dans ses murs ; il viendra terminer son œuvre, et sceller de son sang le titre imprescriptible de la dynastie immortelle, à qui tout le passé de Rome appartenait comme préparation d'un avenir pour lequel la Providence avait disposé les événements de l'histoire humaine tout entière.

 

 Les nobles amitiés que Pierre avait formées lui demeurèrent fidèles, ainsi que nous le verrons ; en même temps, les pauvres et les humbles gardèrent chèrement son souvenir. Le progrès de la foi chrétienne ne se ralentit en rien, et l'Eglise romaine marcha vers de nouveaux accroissements, sous la conduite de ministres fidèles que Pierre avait eu soin d'établir avant son départ.

 

 Aquila et Priscille, frappés du même coup, s'arrêtèrent quelque temps en Italie ; il leur en coûtait de quitter cette terre qui était devenue pour eux comme une patrie. Enfin ils se décidèrent à partir pour Corinthe, où nous ne tarderons pas à les retrouver.

 

Après avoir exposé les événements qui signalèrent la fondation de l'Eglise romaine,  il est temps de nous occuper d'un personnage qui est, après Pierre, la seconde gloire de cette mère des églises. Paul, appelé l'Apôtre des gentils, devait un jour exercer l'apostolat dans la capitale de la gentilité. Sorti des rangs du judaïsme le plus rigoureux, il avait dû à l'intervention divine le changement radical qui s'opéra en lui et en fit tout à coup le disciple le plus ardent de Jésus, que tout à l'heure il persécutait avec fureur dans ses disciples.

 

Par un privilège qui n'a pas eu de semblable, le Sauveur déjà assis à la droite du Père dans les cieux, daigna instruire directement ce néophyte, afin qu'il fût un jour compté au nombre de ses apôtres. Mais les voies de Dieu n'étant jamais opposées entre elles, cette création d'un nouvel apôtre ne pouvait contredire la constitution divinement donnée à l'Eglise chrétienne par le Fils de Dieu. Paul était un aide surajouté au collège apostolique ; mais il fallait qu'une telle mission fût examinée et certifiée par l'autorité légitime.

 

Paul, au sortir des contemplations sublimes durant lesquelles le dogme chrétien était versé dans son âme, dut se rendre à Jérusalem, afin "de voir Pierre", comme il le raconta lui-même à ses disciples de Galatie. Il dut, selon l'expression de Bossuet, "conférer son propre évangile avec celui du prince des apôtres". (Sermon sur l'unité.) Paul insiste lui-même sur la longueur du séjour qu'il fit auprès de celui que le Christ avait établi la pierre fondamentale de son Eglise, le docteur indéfectible, le pasteur des brebis comme des agneaux. "Je restai, dit-il, quinze jours auprès de lui." (Gal., I, 18.)

 

Agréé dès lors pour coopérateur à la prédication de l'Evangile, nous le voyons, au livre des Actes, associé à Barnabé, se présenter avec celui-ci dans Antioche après la conversion de Cornélius et l'ouverture de l'Eglise aux gentils par la déclaration de Pierre. Il passe dans cette ville une année entière signalée par une abondante moisson. Après la prison de Pierre à Jérusalem et son départ pour Rome, un avertissement d'en haut manifeste aux ministres des choses saintes qui présidaient à l'église d'Antioche que le moment est venu d'imposer les mains aux deux missionnaires, et on leur confère le caractère sacré de l'ordination. Jusque-là ils étaient encore laïques l'un et l'autre.

 

A partir de ce moment, Paul grandit de toute la hauteur d'un apôtre, et l'on sent que la mission pour laquelle il avait été préparé est enfin ouverte. Tout aussitôt, dans le récit de saint Luc, Barnabé s'efface et n'a plus qu'une destination secondaire. Le nouvel apôtre a ses disciples à lui, et il entreprend comme chef désormais une longue suite de pérégrinations marquées par autant de conquêtes. Son premier pas est en Chypre, et c'est là qu'il vient sceller avec l'ancienne  Rome  une  alliance  qui  est  comme la sœur  de  celle que Pierre avait  contractée  à Césarée.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 53 à 59) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 20:00

Le christianisme était aisé à rencontrer dans Rome pour une personne du rang de Pomponia Graecina, que sa douleur persévérante éloignait pour toujours des agitations mondaines.

 

 Pierre, le chef des chrétiens, était l'ami et l'hôte des Cornelii ; les Cornelii étaient, comme nous l'avons vu, unis aux Caecilii, avec lesquels les Pomponii étaient liés par une alliance qui datait déjà d'un siècle. Il est permis de penser aussi que le nom de Jésus avait pu arriver de bonne heure aux oreilles de Pomponia, et ouvrir son cœur à la grâce qui l'attendait. Son oncle, Pomponius Flaccus, frère de Graecinus, était légat de Syrie durant les années où eurent lieu à Jérusalem les événements desquels est sorti le salut du monde. Il dut avoir connaissance des faits relatifs à Jésus de Nazareth, faits dont la renommée fut si grande dans la province qui lui était confiée, que la relation officielle en fut envoyée à Tibère, ainsi que le rappelle saint Justin dans son Apologie adressée aux empereurs. Il est assez naturel que de tels événements aient préoccupé plus ou moins les membres de la famille de Pomponia, et que son passage au christianisme en ait été rendu plus facile encore. Quoi qu'il en soit, la suite de notre récit montrera avec quelle fermeté l'illustre matrone sut constamment affirmer sa foi. En conservant le deuil de Julie jusqu'à sa mort, durant quarante années entières, non seulement elle conquit aux yeux de la société romaine une rare considération, comme l'atteste Tacite, mais elle se créait une précieuse indépendance à l'égard du public païen, étant exempte désormais de paraître en mille occasions où la corruption des mœurs et la superstition idolâtrique auraient donné à sa présence une signification que sa qualité de chrétienne devait repousser. Nous verrons néanmoins que, malgré l'isolement que cherchait Pomponia Grascina, la persécution vint un jour l'atteindre.

 

 Elle avait été mariée à Aulus Plautius, sénateur et homme de guerre. Les Plautii figurent sur les fastes consulaires dès l'an de Rome 397, et une fille de M. Plautius Silvanus avait été fiancée à Claude, avant son avènement à l'empire. Dès l'année 43, qui laissa de si douloureux souvenirs à Pomponia Graecina, Plautius, son mari, partait pour la célèbre expédition de Bretagne, qui lui mérita, à son retour, en l'année 47,  les  honneurs d'une  solennelle ovation. Les deux époux avaient étendu leur affection sur les membres d'une famille d'origine plébéienne et étrangère à Rome, les Flavii, qui, après s'être essayés dans les charges civiles et militaires, devaient bientôt s'asseoir sur le trône et devenir une dynastie impériale. Cette bienveillance porta Plautius, partant pour la Bretagne, à placer dans le cadre des officiers de son armée les deux frères Vespasien et Sabinus, ainsi que le jeune Titus, fils de Vespasien.

 

 Mais là ne s'arrêta pas l'intérêt de la noble famille romaine envers les nouveaux venus, et tandis qu'Aulus Plautius s'occupait de les avancer dans la carrière mondaine qui s'ouvrait comme naturellement devant eux, Pomponia Graecina travaillait avec succès à leur inoculer le christianisme, dont elle avait goûté de si bonne heure les consolations.

 

Eusèbe, saint Jérôme et Photius racontent que Philon entreprit un second voyage à Rome pour voir et entendre Pierre. Il est difficile que cette tradition n'ait pas quelque fondement. Chez un juif moitié philosophe comme Philon, il ne serait pas étonnant que le bruit occasionné dans la Synagogue par le christianisme, eût excité quelque désir de connaître un homme qui passait pour le chef d'une nouvelle école d'interprétation des Ecritures. Saint Jérôme remarque la bienveillance avec laquelle le philosophe grec parle des thérapeutes d'Alexandrie, dans lesquels on a plus d'une raison de reconnaître des chrétiens, disciples de saint Marc. Photius raconte que des auteurs antérieurs à lui étaient allés jusqu'à dire que Philon, non seulement avait traité familièrement avec Pierre, mais qu'il avait reçu le baptême, et qu'ensuite son orgueil l'avait fait tomber dans l'apostasie. Nous ne donnons ces détails qu'afin de ne rien omettre de ce qui se rapporte au premier séjour de Pierre à Rome.

 

Le succès de sa prédication exigeait qu'un lieu fût déterminé pour la célébration des mystère chrétiens, un centre de réunion où juifs et gentils pussent se rassembler sans trop éveiller l'attention. Les anciens Itinéraires des pèlerins de Rome, les premiers Martyrologes et d'autres documents signalent, comme ayant servi à cette destination, un hypogée situé à la campagne, entre la voie Nomentane et la voie Salaria, et il y est désigné sous le nom de cimetière Ostrianum. Souvent une dénomination plus étendue sert à le distinguer des autres cimetières de ces deux voies ; ainsi il est appelé cimetière Ubi Petrus baptizabat, cimetière Ad nymphas Sancti Petri, ou Fontis Sancti Petri.

 

Les hypogées funéraires n'étaient pas rares dans la campagne romaine, et ils devenaient une nécessité pour les chrétiens, auxquels leur religion ne permettait pas de brûler les corps des défunts, comme faisaient les païens. Les juifs de Rome possédaient déjà plusieurs cryptes disposées pour les sépultures de leurs frères, et quant à l'ancienne Rome, on sait que les Cornelii, fidèles à l'usage antique, ne brûlaient pas les corps des membres de leur famille. Cornélius Sylla fut le premier qui convoita les honneurs du bûcher.

 

Le cimetière Ostrianum dut donc être le premier asile funéraire de la petite communauté chrétienne, qui se multipliait de jour en jour autour de Pierre ; car la mort n'attend pas toujours que les sociétés soient devenues nombreuses pour faire sentir ses droits. Une fontaine, comme on en rencontre dans plusieurs des catacombes ouvertes depuis, était disposée pour l'administration du baptême, et le point central de Rome chrétienne restait ainsi enveloppé de mystère, tout en demeurant accessible aux initiés.

 

 Là était établie, dans son humble majesté, la Chaire souveraine du vicaire du Christ, et ce n'est point une figure de langage que nous employons ici. L'autorité d'enseigner la parole divine fut, dès l'origine de l'Eglise, symbolisée dans un siège particulier, sur lequel s'asseyait l'apôtre pour parler aux fidèles. Cette Chaire était conservée avec le respect le plus profond, et celui qui était appelé à succéder au fondateur d'une Eglise devait solennellement y prendre séance, montrant ainsi par un signe sensible que son enseignement serait le même que celui de son prédécesseur. C'est ainsi qu'au rapport d'Eusèbe, la Chaire de l'apôtre saint Jacques le Mineur était encore gardée à Jérusalem au quatrième siècle. La Chaire de saint Marc, transportée plus tard à Venise, où elle est dans le trésor de l'église patriarcale, se conservait aussi à Alexandrie, selon le même historien, après la paix de Constantin.

 

 Celle de saint Pierre, établie au cimetière Ostrianum, y fut vénérée jusqu'au temps de saint Grégoire le Grand, comme le monument du premier séjour de l'apôtre à Rome. Des lampes brûlaient par honneur devant elle, et sur la liste des huiles saintes envoyées par le même saint Grégoire à la reine Théodelinde, liste topographique des sanctuaires de Rome souterraine, rédigée par le prêtre Jean sur un papyrus conservé encore à Monza, on lit ces paroles correspondant à l'une des fioles : OLEVM DE SEDE VBI PRIVS SEDIT SANCTVS PETRVS. La vénération de l'Eglise romaine pour cette première Chaire du prince des apôtres fut telle, qu'on lui consacra une fête particulière au 18 janvier de chaque année. Cette fête tomba par la suite en désuétude, sans doute après que la Chaire qu'elle avait pour objet eut disparu, et il ne restait plus au calendrier liturgique d'autre fête de la Chaire de saint Pierre que celle, non moins importante, du 22 février, lorsque Paul IV, en 1558, rétablit l'antique solennité du 18 janvier, sous le nom de Chaire de saint Pierre à Rome. Nous aurons à parler plus loin de la seconde Chaire qui se rapporte au second séjour de l'apôtre dans cette ville.

 

Pierre ne devait pas, en effet, jouir longtemps, à Rome, de la tranquillité qui lui eût permis de donner par lui-même à l'Eglise tous les développements que faisaient présager des commencements si heureux.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 47 à 52) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 20:00

En Occident comme en Orient, l'Eglise chrétienne reconnut constamment dans l'apôtre de Jérusalem, d'Antioche et de Rome, le vicaire du Fils de Dieu, la pierre du fondement, le pasteur universel. Après son martyre, elle se groupa autour de la Chaire romaine sur laquelle il avait achevé sa vie, et c'est ainsi que selon la promesse du Christ, il n'y eut dès le principe, dans le christianisme, qu'un seul troupeau et un seul pasteur. La suite de ces récits le montrera avec la plus haute évidence.

 

 Ce fut dès le début de son séjour à Rome que Pierre adressa son instruction aux chrétiens gentils de l'Asie ; car il y témoigne que Marc est encore avec lui,  et avant la fin de l'année 42 Marc allait se séparer de son maître. Pierre avait su mettre à profit cette première année de son séjour à Rome.  Une Eglise nouvelle surgissait déjà autour de lui. Juifs et gentils goûtaient sa parole ; Cornélius Pudens et les siens, Aquila et Priscille, étaient en mesure de lui ouvrir bien des portes. En terminant sa lettre, l'apôtre informe d'une façon mystérieuse ses disciples d'Asie des progrès de l'Evangile dans Rome. "Je vous envoie, dit-il, le salut, de la part de l'Eglise qui est votre coélue dans Babylone."

 

 Ce mot sur la Rome de Claude est sévère autant qu'il est vrai. Cette ville, centre de toute erreur et de toute perversité, méritait bien ce nom flétrissant que saint Jean lui donna plus tard, lorsqu'il l'appela Babylone et la dépeignit sous les traits "d'une prostituée plongée dans l'ivresse, assise sur ses sept collines, et tenant à la main la coupe des abominations,  à laquelle elle faisait boire toutes les nations de la terre".

 

 Pierre ayant ainsi, au nom du Christ, pris possession du monde romain par l'occupation de Rome elle-même, cette ville était désormais enchaînée d'un lien indissoluble à la principauté spirituelle de l'apôtre. Déjà capitale du plus vaste de tous les empires, elle devenait la capitale de l'Eglise chrétienne. Le moment était donc arrivé où Pierre devait songer au gouvernement général de cette société qui, depuis le baptême de Cornélius, apparaissait comme ne devant avoir d'autres limites que celles de la race humaine. Il s'agissait alors d'établir des relations entre les diverses régions du monde, de chercher le moyen de ramener à l'unité, et de faciliter les rapports en créant plusieurs centres d'action. L'isolement judaïque était renversé pour jamais, et, quant à la conception du nouveau mode d'organisation de la société des croyants, Pierre, désormais en relation intime avec des membres du patriciat romain, n'avait pas longtemps à chercher pour rencontrer le type selon lequel il était à propos qu'il procédât.

 

L'Empire gouvernait le monde par ses trois grandes villes : Rome, Alexandrie et Antioche. Les provinces, il est vrai, demeuraient directement soumises à des proconsuls ou à des légats impériaux, mais la vie du monde romain s'alimentait à ces trois sources. Pierre avait mis le pied dans Rome, et elle était désormais le siège de la monarchie chrétienne ; mais quels immenses labeurs à entreprendre pour évangéliser les vastes provinces du monde latin, placées sous le ressort immédiat de cette capitale ! L'Italie, l'Espagne et le rivage africain, la Gaule Celtique, la Gaule Belgique, la Germanie, la Bretagne : tel allait être l'apanage direct de Pierre et de ses successeurs ; c'est ce que l'on a appelé dans la suite le patriarcat d'Occident.

 

Alexandrie, la seconde ville du monde, opulente et peuplée autant que pouvait l'être Rome, cultivée à l'excès sous le rapport de la science, et en même temps en proie à toutes les superstitions, n'avait pas encore entendu parler du Christ. Pierre songea tout d'abord à venir à son secours, et avant la fin de l'année 42 il la marqua pour être la seconde entre les Eglises chrétiennes. Il lui fallut pour cela se séparer de Marc, dont il connaissait le zèle et la capacité, et ce courageux disciple reçut l'ordre de partir pour l'Egypte. Les bornes de notre récit ne nous permettent pas de décrire ici le glorieux sillon de lumière qu'il y traça. Après Alexandrie, ce fut Antioche, la troisième ville de l'Empire, à laquelle Pierre voulut assigner aussi un rang supérieur dans l'Eglise. Il connaissait cette ville, il y avait eu son propre siège ; ce qu'il voulait maintenant, c'était d'en faire le troisième centre de l'action chrétienne. Eusèbe, dans sa Chronique, où il a recueilli les dates de la fondation des principales Eglises, nous apprend que l'élévation d'Antioche à cet honneur eut lieu dès l'année 43. Pierre n'envoya personne d'auprès de lui pour aller occuper ce troisième poste hiérarchique. Il avait laissé à Antioche un de ses plus fidèles coopérateurs, nommé Evodius ; ce fut à lui qu'il conféra cette délégation supérieure de l'autorité apostolique.

 

Ainsi furent fondés tout d'abord, par l'institution directe du prince des apôtres, comme l'enseignent saint Gélase et saint Grégoire le Grand, les trois sièges patriarcaux de l'antiquité : Rome d'abord, l'Eglise mère et maîtresse ; au-dessous, Alexandrie et Antioche, dans la subordination à l'égard de Rome. L'Eglise copiait l'Empire, en attendant  qu'elle le remplaçât.   A la paix de Constantin, les trois sièges avaient traversé tous les orages. Le concile de Nicée honora l'œuvre de Pierre ; mais l'ambition de la nouvelle capitale de l'Empire chercha de bonne heure et parvint enfin   à   supplanter   Alexandrie.   Rome   résista longtemps, et finit par céder les droits de la seconde Eglise à cette parvenue ; mais qu'importait au fond ? L'Empire, dont Pierre avait jugé utile d'imiter en quelque chose l'organisation, avait cessé de vivre, et l'Eglise régnait désormais sur le monde renouvelé.

 

 Les progrès de la foi chrétienne dans la Babylone de l'Occident, ne paraissent pas avoir excité d'abord une attention  capable d'en  compromettre le succès. C'était dans le silence que se posaient les fondements de cette Eglise romaine dont saint Paul, qui ne l'avait pas visitée encore, attestait, dix ans après sa fondation, que la renommée de sa foi faisait bruit dans le monde entier. La puissance politique n'en était pas encore à prendre ombrage d'un prosélytisme qui, à première vue,  se distinguait à peine de celui qu'exerçait sans éclat et sur un petit nombre de personnes le judaïsme lui-même. On savait que, depuis longtemps déjà, la société romaine, jusque dans ses hauts rangs, avait eu et avait encore de ces affiliés à cette religion peu aimée, mais pourtant tolérée.  Ce fut même l'origine de la confusion qui eut lieu quelque temps chez les païens, entre le christianisme et le judaïsme. Le nouveau culte, d'ailleurs, ne cherchait pas à se produire en bâtissant des temples au grand jour. Les réunions de ses membres n'avaient qu'un caractère privé, et toute agitation, toute prétention même à l'intrigue politique, en était strictement bannie.

 

 C'est à cette période de repos qu'on est en droit de rapporter avec toute vraisemblance la conversion d'une dame romaine de haut rang, que Tacite nous fait connaître, et dans laquelle les commentateurs de cet historien s'accordent généralement à reconnaître une chrétienne. Cette noble femme était appelée Pomponia Graecina. Les Pomponii sont mentionnés dès le quatrième siècle de Rome, et se firent de bonne heure un nom dans la carrière militaire. L'un d'eux était déjà consul en 519 et en 521. Le plus connu des membres de cette famille est l'ami de Cicéron, Pomponius Atticus, ainsi appelé pour l'élégance de son langage. Il n'est pas de notre sujet de parler ici de ses relations politiques  dans les derniers temps de la république ; mais Pomponius Atticus nous intéresse sous un autre rapport. Les Pomponii était unis à la gens Caecilia. Nous en trouvons une preuve sur un marbre funéraire, publié par Gruter et Muratori. C'est l'épitaphe d'une jeune enfant de treize ans, nommée Caecilia Prima, à qui Pomponia, sa mère, dédie le monument. Le style et la forme de l'inscription sont de la meilleure époque.

 

D. M.

CAECILIA L. F. PRIMA

V. ANN. XIII.

POMPONIA MATER

FILIAE

C. CLINIVS C. F.  IIII VIR

 

Quant à l'ami de Cicéron, il était le propre neveu de Q. Caecilius, familier de Luculus, et, comme celui-ci, possesseur d'une immense fortune. Pomponius Atticus, adopté par cet oncle opulent, prit désormais le nom de Caecilius, et lorsqu'il mourut, en l'an de Rome 720, ses cendres furent déposées dans le magnifique tombeau de son père adoptif, au cinquième mille de la voie Appienne.

 

 Il laissa une fille, nommée Caecilia, qui fut mariée au célèbre Agrippa, l'ami d'Auguste, et dont nous parlerons ailleurs. Une fille de celle-ci, appelée du nom de son père, Vipsania Agrippina, fut fiancée dès l'âge d'un an à Tibère, et devint la mère de Drusus. Nous verrons comment Tibère fut contraint de se séparer d'elle, pour épouser Julie, fille d'Auguste. Drusus, dont la fin fut tragique, comme il arrivait si souvent à la cour des Césars, laissait une fille appelée aussi Julie. La jalousie de l'infâme Messaline poursuivit cette jeune femme ornée de qualités attrayantes, et lui fit subir d'abord l'exil, puis une mort violente en l'année 43.

 

Pomponia Graecina, fille de C. Pomponius Graecinus, que nous trouvons consul suffectus en l'année 16 de l'ère vulgaire, était tendrement attacbée à la victime de Messaline : Julie était à la fois sa parente et son amie. Pomponia témoigna avec éclat ses regrets et son indignation. Bravant l'entourage de Claude et les fureurs de la femme meurtrière qui l'avait si cruellement frappée dans ses affections, elle arbora un deuil qu'elle garda le reste de sa vie. Rome tout entière vit et estima cette protestation contre une tyrannie devant laquelle tout se taisait et tout tremblait. (Tacite, Annal., XIII, 32.)

 

L'orgueilleux stoïcisme, qui faisait tant de ravages dans le monde auquel appartenait Pomponia Graecina, n'avait point faussé son intelligence, ni paralysé son cœur. Ce cœur brisé dans sa plus chère affection s'ouvrit à la foi chrétienne, et tout porte à croire que la conversion de cette femme généreuse eut lieu peu de temps après le meurtre de Julie. Le christianisme était aisé à rencontrer dans Rome pour une personne du rang de Pomponia Graecina, que sa douleur persévérante éloignait pour toujours des agitations mondaines.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 40 à 46) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 20:00

(...) ayant à revenir longuement sur cette famille sénatoriale  [la famille Cornelia] et sur la demeure qu'elle partageait si noblement avec le prince des apôtres, nous dirons d'abord quels furent les soins auxquels Pierre se livra dès les premiers temps de son séjour dans Rome.

 

 Depuis la conversion de Cornélius, et dans le cours de ses travaux apostoliques au sein des populations asiatiques, il avait senti le besoin de mettre entre les mains des chrétiens sortis de la gentilité un récit de la vie et de la doctrine du Sauveur des hommes. L'Evangile de saint Matthieu, écrit dans la langue syro-chaldaïque, en faveur des juifs initiés au baptême, atteste que l'Eglise, au moment de sa publication, n'avait pas encore franchi les limites de la Synagogue. Il débutait par une généalogie destinée à établir la descendance de Jésus, comme issu de la famille  de David ;  l'évangéliste  insistait particulièrement sur les prophéties juives, et s'attachait à en montrer l'accomplissement dans les faits relatifs au prophète de Nazareth. Il racontait très au long les discussions avec les pharisiens et les docteurs de la loi. Il avait recueilli en grand nombre les paraboles dont Jésus se servait pour faire pénétrer ses enseignements dans l'esprit des populations de la Judée et de la Galilée.

 

 Pierre pensa donc que la rédaction d'un second Evangile serait d'une véritable utilité aux néophytes de la gentilité, et il employa à ce travail son disciple Marc, que l'Esprit-Saint favorisa en même temps de son inspiration. L'œuvre se présentait comme l'abrégé du récit de saint Matthieu ; mais la touche de Pierre était reconnaissable dans de nombreux passages où la narration du premier évangéliste reparaît complétée par un témoin oculaire. La généalogie du Sauveur a disparu, ainsi que la plupart des citations de l'Ancien Testament. Les paraboles conservées se réduisent à quatre, sur lesquelles une a rapport à la prédication de la parole de Dieu, deux à l'établissement de l'Eglise et la quatrième à la vocation des gentils.

 

Marc écrivit en grec l'Evangile qui devait porter son nom, et qui a été quelquefois appelé, dans l'antiquité,  l'Evangile de Pierre, comme ayant été rédigé sous les yeux du prince des apôtres. Papias et Clément d'Alexandrie, dans des fragments cités par Eusèbe, confirment la part que prit l'apôtre à l'œuvre de son disciple ; ils attestent même l'empressement avec lequel cette œuvre était désirée des néophytes de Pierre qui, dès les premiers jours, avaient été conquis à la foi du Christ par sa parole. Au reste, ce livre ne devait pas demeurer renfermé dans Rome ; ainsi que l'Evangile de saint Matthieu, il était appelé à se répandre comme livre sacré dans la chrétienté tout entière.  A cet effet,  ainsi que nous l'apprend  Papias, qui  écrivait  au  commencement du deuxième siècle, "Pierre l'approuva, afin qu'il fût lu désormais dans les églises".

 

Ayant ainsi pourvu, avec le concours de Marc, à l'instruction  des  nouveaux  chrétiens  que  la gentilité produisait de jour en jour, Pierre songea à leur éducation morale, et leur adressa un avertissement, sous forme de lettre, dans lequel il retraçait l'attitude que devaient garder les fidèles au milieu  de  la  société païenne. Cette  lettre, écrite dans la langue grecque, que l'on parlait à Rome autant que la langue latine, était destinée aux chrétiens dispersés dans le Pont, la Cappadoce, la Bithynie et les autres provinces de l'Asie que Pierre avait évangélisées. On voit par toute la teneur de ce document que l'apôtre n'y a en vue que des chrétiens sortis de la gentilité. Pas un mot  qui fasse allusion  au  judaïsme  qu'ils auraient professé antérieurement : loin de là, c'est à eux qu'il applique la prophétie d'Osée sur la conversion des païens, et il leur rappelle la vanité du culte auquel ils ont renoncé. Cette lettre, gage touchant de son affection pour les populations qu'il avait connues après le baptême de Cornélius, était donc en même temps destinée à Rome, où elle devait servir de règle aux nouvelles recrues de la foi chrétienne.

 

 Après un exorde plein de majesté, l'apôtre définit en quelques mots énergiques la situation des chrétiens au sein de la société qui les entoure. "Vous devez, leur dit-il, vous considérer comme des étrangers et des voyageurs, et résister aux désirs charnels qui luttent contre l'âme. Que votre manière de vivre au milieu des gentils soit donc conforme au bien ; en sorte que ceux qui maintenant parlent mal de vous, comme si vous étiez des méchants, considèrent à la longue vos œuvres bonnes, et qu'ils en rendent gloire à Dieu, au jour où il les visitera eux-mêmes". On reconnaît ici déjà la condition particulière où allait se trouver cette nouvelle race d'hommes, recrutée dans tous les rangs de l'échelle sociale. Les chrétiens n'étaient pas appelés à devenir une école accessible seulement aux gens d'une certaine classe, comme celle des stoïciens. Il leur était seulement demandé d'être vertueux et de fuir le sensualisme ; c'était l'unique réaction qu'ils avaient à exercer.

 

 Pour ce qui est de l'ordre politique, Pierre leur prescrit de se tenir purement passifs, et de conserver toujours l'idée de Dieu, en tant que source du pouvoir social. "Soyez soumis pour Dieu, leur dit-il, à toute créature humaine ; au prince, comme à celui qui occupe la première place, et ensuite à ceux qui sont envoyés de sa part, pour punir les méchants et récompenser les bons ; car la volonté de Dieu est que par votre bonne vie vous fassiez taire l'ignorance des hommes insensés."

 

 Quant à la liberté, voici celle des chrétiens : "Soyez libres, non comme ceux qui se servent de  la liberté  comme  d'un  voile pour couvrir leur méchanceté, mais en étant les serviteurs de Dieu". Le christianisme  ne pouvait favoriser cette liberté sauvage qui pousse l'homme à ne vouloir relever que de lui-même,  et qui avait amené  la  tyrannie des  Césars ;  mais par cela même que les chrétiens acceptaient le joug de Dieu, ils étaient francs du joug de l'homme. Il leur fallait seulement vivre trois siècles hors de la vie politique, la seule à laquelle on avait tenu jusqu'alors, et  qui  avait  fini  par  l'esclavage. Après cette épreuve, viendrait un temps où le césarisme compromis et vaincu serait rendu impossible,  hors  le cas  où  une  nation  autrefois chrétienne aurait le malheur de retourner à l'infidélité.

 

 En même temps qu'il retirait les chrétiens de l'arène des révolutions politiques, le christianisme avait, à  s'occuper de refaire  la  famille.

 

 Depuis des siècles, chez les nations païennes, la vie domestique n'existait plus : le forum avait tout absorbé. Mais la vraie dignité de l'homme, le sentiment d'une vie supérieure, qui s'en préoccupait ? Le mariage, altéré dans son essence par l'abaissement de la femme, avait perdu son caractère, et l'on sait d'ailleurs en quelle désuétude il était déjà tombé sous Auguste. Il s'agissait de créer de nouveau dans l'homme le sentiment de la responsabilité personnelle en présence du devoir moral, d'opposer une digue à l'égoïsme, et de remettre en vigueur les droits imprescriptibles et sacrés sur lesquels repose la famille. C'est à la femme d'abord que Pierre s'adresse ; car, en la relevant, il relèvera la famille avec elle. "Que les femmes, dit-il, soient soumises à leurs maris, afin que ceux qui ne croient pas encore soient gagnés par la manière de vivre de leurs épouses, en voyant combien est réservée et chaste leur conduite. Qu'elles ne se fassent pas remarquer par l'étalage ambitieux de leur chevelure ; qu'elles évitent de paraître rehaussées par l'or et éclatantes par le luxe des vêtements, mais qu'elles songent à parer cette nature humaine invisible qui est dans le cœur, et qui doit régner dans l'incorruptible pureté d'une âme tranquille et modeste : c'est là une riche nature pour l'œil de Dieu."

 

 La leçon que l'apôtre donne ensuite aux hommes n'est pas moins profonde. "Et vous, maris, leur dit-il, vivez selon la sagesse avec vos femmes, les traitant avec honneur comme le sexe le plus faible, et comme étant vos cohéritières à la grâce qui produit la vie."

 

C'est sur de telles bases que devait porter la réforme du monde romain, mais quelle opposition cette réforme ne devait-elle pas amener au sein d'une société dégradée par des siècles de polythéisme et d'idolâtrie ! Pierre ne dissimule pas aux fidèles le sort qui les attend. "Mes bien-aimés, leur dit-il, lorsque le feu de la tribulation viendra vous éprouver, ne soyez pas surpris, comme si quelque chose d'imprévu nous arrivait ; mais réjouissez-vous alors de participer aux souffrances du Christ. Votre allégresse en sera d'autant plus grande, au jour où sa gloire se manifestera. Si donc c'est pour le nom du Christ que l'on vous injurie, heureux serez-vous ! car sur vous repose celui qui est l'honneur, la gloire, la vertu de Dieu, celui qui est son Esprit."

 

Ce sublime manifeste, auquel nous ne pouvons emprunter que quelques lignes, nous révèle le mode d'enseignement de Pierre au milieu des gentils, en même temps qu'il nous fournit les traits les plus touchants de la modestie de ce monarque de l'Eglise chrétienne. Déjà il avait exigé que Marc n'omit pas dans le nouvel Evangile le récit de sa faiblesse chez Caïphe, et l'on est à même d'observer que la narration du disciple de Pierre à cet endroit est plus vive que celle de saint Matthieu ;  mais en même temps il avait voulu qu'il laissât au premier Evangile, et qu'il ne redit pas le solennel épisode où l'on voit le Sauveur changeant le nom de Simon en celui de Pierre, et attribuant à ce disciple la qualité de fondement  de  l'Eglise, avec  la  promesse  des clefs souveraines. Si, dans le magnifique document qui nous occupe, il rappelle avec une éloquence émue le symbole biblique de la Pierre, on sent qu'il veut détourner l'attention de dessus lui-même, et reporter sur son Maître divin tout l'honneur de cette allégorie prophétique,  dans laquelle cependant il était personnellement compris. De même pour ce type du Pasteur que le Christ  lui  avait appliqué, il le  renvoie  humblement au Christ, qu'il appelle avec pompe le Pasteur et l'évêque des âmes.

 

L'Eglise chrétienne ne s'y trompa pas. En Occident comme en Orient, elle reconnut constamment dans l'apôtre de Jérusalem, d'Antioche et de Rome, le vicaire du Fils de Dieu, la pierre du fondement, le pasteur universel. Après son martyre, elle se groupa autour de la Chaire romaine sur laquelle il avait achevé sa vie, et c'est ainsi que selon la promesse du Christ, il n'y eut dès le principe, dans le christianisme, qu'un seul troupeau et un seul pasteur.

 

La suite de ces récits le montrera avec la plus haute évidence.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 33 à 39) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0
29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 20:00

Il pénétrait toujours plus le mode d'instruction auquel seul étaient accessibles les hommes qui n'avaient pas eu la préparation du judaïsme, et Dieu dirigeait son vicaire à l'entier accomplissement de ses desseins sur le monde.

 

 Au retour de ses premières pérégrinations de l'Asie, Pierre eut le désir de revoir Jérusalem, où Jacques le Mineur occupait le siège épiscopal. La ville de David et de Salomon venait de voir arriver dans ses murs, avec toute la pompe royale, au printemps de l'année 41, Hérode Agrippa, que l'empereur Claude envoyait prendre possession de la couronne de Judée. L'Iduméen sentait le besoin de se concilier dès son arrivée la faveur populaire, et il comprit qu'en sacrifiant quelques victimes au fanatisme judaïque, surexcité de plus en plus par les progrès de l'Eglise chrétienne et par l’admission des gentils avec les transfuges de la  Synagogue,  il s'attacherait plus étroitement la multitude aveugle. Il se saisit donc de Jacques le Majeur, qui se trouvait pour le moment à Jérusalem, et lui fit trancher la tête. Le respect dont les juifs entourèrent longtemps Jacques le Mineur l'empêcha de porter la main sur lui ; mais, ayant su que Pierre était dans la ville, il le fit arrêter et jeter dans un cachot, se proposant de l'immoler après la fête de Pâques, qui était proche (année 42). Nul coup ne pouvait être plus sensible à la chrétienté de Jérusalem. Durant la captivité de Pierre, "la prière de l'Eglise pour lui était sans relâche", nous dit saint Luc. (Act., XII.) On sait que cette captivité fut de courte durée. Un ange vint délivrer l'apôtre ; mais Jérusalem n'était plus un séjour sûr pour Pierre. Il ordonna que l'on fit part de sa délivrance à Jacques le Mineur, et, jugeant inutile de braver plus longtemps le courroux du tyran, il sortit de la ville.

 

 Mais l'heure était venue où, préparé par l'honneur de cette nouvelle confession, le prince des apôtres devait enfin partir pour sa destination finale et prendre possession de l'Occident. Ce départ dut être aussi secret qu'il fut rapide, à raison des périls qui menaçaient l'apôtre. Pierre emmenait avec lui Marc, son disciple, qui l'avait suivi dans les pérégrinations de l'Asie, et dont il avait été à même d'éprouver le courage et le dévouement.

 

 L'empereur Claude était entré dans la deuxième année de son règne, lorsque Pierre se présenta aux portes de Rome. On était encore au printemps de l'année 42 ; c'est du moins ce que donne lieu de conclure l'ensemble des monuments qui s'accordent à fixer la durée de l'épiscopat romain du prince des apôtres à vingt-cinq années, mais ajoutent tous également un surplus de quelques semaines, pour arriver au 29 juin 67, jour de son martyre.

 

 On ne saurait douter que Rome ne renfermât déjà dans son sein quelques chrétiens. Saint Luc donne lieu de penser qu'au nombre des néophytes du jour de la Pentecôte, à Jérusalem, se trouvaient des pèlerins juifs venus de la capitale de l'Empire. D'ailleurs l'activité et les migrations continuelles des enfants de Jacob, leurs communications incessantes, sont des faits qui résultent de leur histoire tout entière. La grande crise qui travaillait en ce moment le judaïsme, les  passions  dont Jérusalem  récalcitrante était l'ardent foyer, devaient se faire sentir dans une ville où l'agrégation israélite était considérable ; mais si l'immense majorité des juifs, à Rome comme ailleurs,  repoussait Jésus de Nazareth, la minorité courageuse qui l'acceptait ne pouvait manquer d'y être déjà représentée.  Avant son arrivée, Pierre, chef du christianisme, connaissait la situation, et il devait même posséder des renseignements précis sur les personnes.

 

 Nous savons par Philon que la colonie juive de Rome avait été, de la part d'Auguste, l'objet d'une tolérance et même d'une bienveillance marquées. Il avait consenti à lui laisser occuper une partie considérable de la région transtibérine, approuvant qu'on y exerçât le culte mosaïque avec une entière liberté. Un cimetière juif, récemment découvert sur le Janicule, avec des monuments et des inscriptions remontant à la plus haute antiquité, est venu confirmer cette donnée historique, et attester l'importance de l'établissement des juifs dans ce quartier.

 

 Fidèle à la ligne de conduite que suivirent constamment les prédicateurs de l'Evangile, Pierre devait commencer par les juifs son apostolat dans Rome.  Ce fut donc au quartier des juifs qu'il vint prendre son premier séjour. Sur une des collines du Janicule, l'église Saint-Pierre in Montorio atteste encore l'emplacement de la maison  qu'il  habita.  Quant aux  hôtes  qui  le reçurent, on est en droit de conjecturer que ce durent être les deux époux juifs Aquila et Priscille, dont nous sommes à portée de suivre les intimes relations avec saint Pierre et saint Paul. Tout porte à croire qu'ils étaient du nombre des juifs qui avaient déjà embrassé le christianisme avant l'arrivée du prince des apôtres dans Rome.

 

 Aquila, riche industriel, s'employait à la fabrication des tentes pour l'armée et pour les particuliers, et l'on voit, par l'ensemble des détails qui nous sont parvenus sur lui, qu'il devait jouir d'une grande aisance.

 

 Mais Pierre, devenu habitant de Rome, n'avait pas seulement à entretenir des relations avec ses compatriotes qui formaient une petite cité juive au Transtévère ; les rapports qu'il avait eus à Césarée avec un Cornélius l'appelaient au vicus Patricius, où le grand événement qui s'était accompli en faveur du centurion de la cohorte Italique ne pouvait manquer d'avoir eu quelque retentissement. Les Cornelii ne cherchaient plus à figurer sur la scène de Rome ; mais leurs relations de famille n'en étaient devenues que plus étroites. Il est impossible que le centurion de Césarée, dont nous avons connu l'empressement à communiquer le bienfait de la foi à ceux qui l'entouraient, soit demeuré sans faire connaître aux siens dans Rome la faveur dont il venait d'être l'objet. Lui-même, qui n'avait avec l'armée d'autre lien que celui d'un service volontaire, ne sera-t-il pas rentré dans ses foyers, sachant surtout que Pierre, son initiateur, devait tôt ou tard choisir Rome pour séjour ?

 

Les Actes de sainte Praxède et les Martyrologes les plus anciens s'accordent à nous montrer saint Pierre devenu, sur le Viminal, dans le quartier le plus aristocratique de Rome, l'hôte d'un personnage de race sénatoriale qui est appelé Pudens.  Ce Pudens appartenait-il à la gens Cornelia ?  Les faits archéologiques  peuvent  seuls donner la solution du problème. Une inscription que l'on ne saurait renvoyer au delà des premières années du troisième siècle, découverte au siècle dernier dans l'église Sainte-Pudentienne, fermait le loculus d'une femme chrétienne qui réunit les deux noms :

 

CORN.   PVDENTIANETI

BENEM.   Q.   VIXIT.   AN.   XLVII.

D.   I.    VAL.   PETRONIVS   MAT.

DVLC.   IN   PACE

 

En 1776, on découvrit à Rome, dans une fouille faite à l'église Sainte-Prisque, un titulus gravé sur cuivre, se rapportant a l'année 222, et offert par une ville d'Espagne à Gaïus Marius Pudens Cornelianus,   personnage  de l'ordre  sénatorial. (De Rossi,  Bulletin,  année V.)  Ces deux  faits suffiraient à eux seuls pour donner à penser que l'alliance des noms Pudens et Cornélius pouvait exister déjà au premier siècle. Comme nous ne tarderons pas à en administrer en son lieu la preuve directe, nous ne ferons aucune difficulté de désigner dès à présent par le nom de Cornélius Pudens le personnage qui eut l'honneur de donner l'hospitalité à saint Pierre. Un monument incontestable  nous  donnera  même le droit de produire ensuite son fils appelé des mêmes noms.

 

Le récit de saint Luc sur la conversion du centurion de la cohorte Italique se termine par un trait qui vient confirmer d'une manière inattendue  le  fait  que  nous  racontons.   On  y  lit qu'après son baptême, Cornélius obtint de Pierre qu'il voulût bien passer quelques jours sous son toit. Il n'est pas permis d'ignorer l'importance que les Romains attachaient à l'hospitalité. Celui que l'on avait reçu à son foyer devenait dès lors comme un membre de la famille. L'alliance contractée avec lui, et représentée par le signe appelé tessera, devenait perpétuelle. Elle liait les parents mêmes de celui qui avait ainsi ouvert sa maison à cet étranger, devenu un frère, s'il était jeune encore, un père s'il était avancé en âge.

 

Le séjour de Pierre au Transtévère ne dut donc pas être de longue durée ; l'hospitalité de Césarée réclamait ses droits, et conviait le Galiléen à l'honneur d'habiter au Viminal. Mais en échangeant un quartier méprisé pour celui de l'aristocratie romaine, Pierre ne se séparait pas pour cela de ses deux hôtes israélites, Aquila et Priscille. Ce nom de Priscille, porté par une juive, semble indiquer dans celle qui en était décorée l'affranchie de quelque grande dame romaine. Or nous apprenons des Actes de sainte Praxède que la femme de Pudens se nommait Priscille ; ainsi se trouvent expliquées les relations intimes entre les deux époux juifs et les Pudens. Au jugement de M. de Rossi, ces relations sont "un des faits de l'histoire chrétienne primitive de Rome les mieux établis par les monuments".

 

Une église située sur le mont Aventin, et qui porte jusqu'aujourd'hui le nom de Sainte-Prisque, retrace encore toute cette histoire par ses vénérables souvenirs. Dès la plus haute antiquité, elle fut connue dans Rome sous l'appellation de Titre d'Aquila et de Prisque, et c'est dans son enceinte que l'on découvrit, au siècle dernier, la plaque en bronze de l'an 222, qui relate les noms d'un Pudens Cornelianus.

 

Il est hors de doute que saint Pierre, comme le dit la tradition, y ait célébré les saints mystères. On pense avec non moins de fondement que la maison de Cornélius, au vicus Patricius, dut jouir du même honneur; mais ayant à revenir longuement sur cette famille sénatoriale et sur la demeure qu'elle partageait si noblement avec le prince des apôtres, nous dirons d'abord quels furent les soins auxquels Pierre se livra dès les premiers temps de son séjour dans Rome.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 25 à 32) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

Partager cet article
Repost0