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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

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SALVE REGINA

13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 04:00

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

 

La cinquième demande du Notre Père présuppose un monde où il y a des offenses - offenses des hommes les uns envers les autres, offenses envers Dieu.

 

Toute faute entre des hommes comporte d'une façon ou d'une autre une violation de la vérité et de l'amour, et s'oppose ainsi à Dieu, qui est la Vérité et l'Amour. Le dépassement de la faute est une question centrale de toute existence humaine. L'histoire des religions gravite autour de cette question. La faute appelle la vengeance, et ainsi se crée une escalade de l'endettement où le mal de la faute ne cesse de croître et dont il devient de plus en plus difficile de sortir.

 

Par cette demande, le Seigneur nous dit : la faute ne peut être dépassée que par le Pardon, et non par la vengeance. Dieu est un Dieu qui pardonne, parce qu'il aime ses créatures. Mais le Pardon ne peut entrer et agir que dans celui qui, lui-même, pardonne.

 

 Le thème du Pardon traverse tout l'Évangile. Nous le rencontrons tout au début du Sermon sur la montagne, dans la nouvelle interprétation du cinquième commandement, où le Seigneur nous dit : "Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande" (Mt 5, 23-24).

 

Celui qui n'est pas réconcilié avec son frère ne peut se présenter devant Dieu. Le devancer dans le geste du Pardon, aller vers lui, telle est la condition pour rendre un juste culte à Dieu. À ce sujet on pense spontanément que Dieu lui-même, sachant que nous, les hommes, nous étions rebelles et en opposition avec lui, est sorti de sa divinité pour venir à notre rencontre et pour nous réconcilier. Nous nous souviendrons qu'avant le don de l'Eucharistie, Jésus s'est agenouillé devant ses disciples et il a lavé leurs pieds sales, il les a purifiés par son humble amour.

 

Au centre de l'Évangile de Matthieu, se trouve la parabole du serviteur sans pitié. À ce haut dignitaire royal a été remise la dette inimaginable de 10 000 talents (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent) ; et lui-même n'est pas prêt à remettre la somme comparativement dérisoire de 100 pièces d'argent. Quel que soit ce que nous avons à nous pardonner, quoi que ce soit, c'est peu de chose par rapport à la bonté de Dieu qui nous pardonne. Et tout à la fin, nous entendons, venant de la croix, la prière de Jésus : "Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font" (Lc 23, 34).

 

 Si nous voulons pleinement comprendre cette demande et la faire nôtre, nous devons faire un pas de plus et nous demander : qu'est véritablement le Pardon ? Qu'advient-il dans le Pardon ? La faute est une réalité, une réalité objective ; elle a causé une destruction qui doit être surmontée. C'est pourquoi le Pardon doit être plus qu'une volonté d'ignorer ou d'oublier. La faute doit être assumée, réparée et ainsi surmontée.

 

Le Pardon a un coût, et d'abord pour celui qui pardonne. Le mal qui lui a été fait, il doit le surmonter intérieurement, le brûler au-dedans de lui et ainsi se renouveler, de sorte qu'il fasse entrer l'autre, le coupable, dans ce processus de transformation et de purification intérieures, que tous deux se renouvellent en souffrant le mal jusqu'au fond et en le surmontant. C'est là que nous butons sur le mystère de la croix du Christ. Mais tout d'abord nous butons sur les limites de notre force à guérir et à surmonter le mal. Nous butons sur la supériorité du mal, que nous ne pouvons vaincre avec nos seules forces. Reinhold Schneider dit à ce sujet : "Le mal vit sous des milliers de formes ; il occupe les sommets du pouvoir... ; il sourd de l'abîme. L'amour n'a qu'une forme : celle de ton fils."

 

 L'idée que, pour la remise de notre faute, la guérison des hommes à partir de l'intérieur, Dieu ait payé le prix de la mort de son Fils nous est devenue aujourd'hui très étrangère. Que le Seigneur ait "porté nos souffrances et supporté nos douleurs", qu'il ait été "transpercé à cause de nos fautes, que "c'est par nos péchés qu'il a été broyé" et que c'est "par ses blessures que nous sommes guéris" (cf. Is 53, 4-5), cela n'est plus une évidence pour nous aujourd'hui.

 

S'y oppose, d'une part, la banalisation du mal, dans laquelle nous nous réfugions, alors que nous utilisons, en même temps, les atrocités de l'histoire humaine, et notamment de la plus récente, comme un prétexte irréfutable pour nier un Dieu bon et pour blasphémer sa créature, l'homme.

 

À la compréhension du grand mystère de l'expiation s'oppose, d'autre part, notre conception individualiste de l'homme. Nous ne pouvons plus en comprendre la signification vraie, parce que, selon nous, tout homme vit isolé en lui-même. Nous ne sommes plus capables de comprendre le profond enchevêtrement de toutes nos existences et leur enlacement par l'existence de l'Unique, du Fils incarné. Nous devrons revenir sur ces questions lorsque nous aborderons la crucifixion du Christ.

 

 Pour l'instant nous nous contenterons d'une remarque du Cardinal John Henry Newman disant un jour que Dieu, avec un seul mot, avait pu créer tout l'univers à partir de rien, mais que pour la faute et la souffrance des hommes, il ne pouvait les surmonter qu'en s'impliquant lui-même, en connaissant lui-même la souffrance en son propre Fils, qui a porté ce fardeau et l'a surmonté en se donnant lui-même. Vaincre la faute exige la mobilisation de notre cœur, plus encore, la mobilisation de toute notre existence. Et même cette mobilisation reste insuffisante, elle ne peut agir que dans la communion avec celui qui a porté notre fardeau à tous.

 

La demande de Pardon est plus qu'un appel moral, ce qu'elle est aussi par ailleurs. Et en tant que telle, c'est un défi quotidien qui nous est lancé. Mais elle est profondément, tout comme les autres demandes, une prière christologique. Elle nous rappelle celui qui, par le Pardon, a payé le prix de la descente dans la misère de l'existence humaine et de la mort sur la croix.

 

Elle nous appelle à en être reconnaissants, mais aussi à résorber, avec lui, le mal par l'amour, à le consumer par la souffrance. Et si nous devons reconnaître, jour après jour, à quel point nos forces sont insuffisantes, combien de fois nous-mêmes ne redevenons-nous pas débiteurs ?

 

Alors cette prière nous donne le grand réconfort de savoir que notre prière est assumée par son amour et, avec lui, par lui et en lui, elle peut malgré tout devenir force de guérison.

 

Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait) 

 

 

Washing of the Feet by Giovanni Agostino da Lodi 

" Celui qui n'est pas réconcilié avec son frère ne peut se présenter devant Dieu. Le devancer dans le geste du Pardon, aller vers lui, telle est la condition pour rendre un juste culte à Dieu. À ce sujet on pense spontanément que Dieu lui-même, sachant que nous, les hommes, nous étions rebelles et en opposition avec lui, est sorti de sa divinité pour venir à notre rencontre et pour nous réconcilier. Nous nous souviendrons qu'avant le don de l'Eucharistie, Jésus s'est agenouillé devant ses disciples et il a lavé leurs pieds sales, il les a purifiés par son humble amour."

 

 

> fiche de l'édition de poche

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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 04:07

Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour

 

La quatrième demande du Notre Père nous apparaît comme la plus 'humaine' de toutes.

 

Le Seigneur, qui dirige notre regard vers l'essentiel, vers 'l'unique nécessaire', tient aussi compte de nos besoins terrestres et les reconnaît. Lui qui dit à ses disciples : "Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture" (Mt 6, 25) nous invite cependant à prier pour notre nourriture et à transférer notre souci sur Dieu.

 

Le pain est le "fruit de la terre et du travail des hommes", mais la terre ne porte pas de fruits si elle ne reçoit pas le soleil et la pluie d'en haut. Cette synergie des forces cosmiques, qui échappe à notre contrôle s'oppose à la tentation de notre orgueil de nous donner à nous-mêmes la vie, et cela par nos seules capacités. Un tel orgueil rend violent et froid. Il finit par détruire la terre. Il ne peut pas en être autrement, car il s'oppose à la vérité qui est que nous, les hommes, nous sommes tenus au dépassement de nous-mêmes et que seule l'ouverture à Dieu nous permet de devenir grands et libres, de devenir nous-mêmes. Nous pouvons demander et nous devons demander. Nous le savons, même si les pères terrestres peuvent donner de bonnes choses à leurs fils lorsqu'ils le demandent, Dieu ne nous refusera pas les biens que lui seul peut donner.

 

Dans son interprétation de la prière du Seigneur, saint Cyprien signale deux aspects importants de la demande. Comme il a déjà souligné toute l'ampleur de la signification du 'notre' dans le Notre Père, il nous fait ici aussi remarquer qu'il est question de 'notre' pain. Nous prions ici encore dans la communion des disciples, dans la communion des fils de Dieu, et nul ne doit penser seulement à soi-même. Il s'ensuit un nouvel élément : nous prions pour notre pain, donc nous demandons aussi le pain pour les autres. Celui qui a du pain en abondance est appelé à partager.

 

Dans son explication de la première Épître aux Corinthiens à propos du scandale que les chrétiens donnaient à Corinthe, saint Jean Chrysostome souligne que "chaque bouchée de pain est en quelque sorte une bouchée du pain qui appartient à tous, du pain du monde". Le père Kolvenbach ajoute : "En invoquant notre Père sur la table du Seigneur et lors de la célébration du repas du Seigneur dans son ensemble, comment peut-on se dispenser de manifester la volonté inébranlable de procurer à tous les hommes, à ses frères, le pain de ce jour ?" Par la demande à la première personne du pluriel, le Seigneur nous dit : "Donnez-leur vous-mêmes à manger" (Mc 6, 37).

 

 Une autre remarque de Cyprien est importante. Celui qui prie pour le pain de ce jour est pauvre. La prière présuppose la pauvreté des disciples. Elle présuppose des personnes qui, à cause de leur foi, ont renoncé au monde, à ses richesses et à sa gloire, et qui ne demandent désormais que le nécessaire pour vivre. "C'est donc avec raison que le disciple du Christ demande sa nourriture au jour le jour, puisqu'il lui est défendu de s'occuper du lendemain. Une conduite opposée serait absurde. Comment chercherions-nous à vivre longtemps dans ce monde, nous qui désirons la prompte arrivée du royaume de Dieu". Dans l'Eglise, il doit toujours y avoir des personnes qui abandonnent tout pour suivre le Seigneur ; des personnes qui s'en remettent radicalement à Dieu, à sa bonté qui nous nourrit, des personnes, donc qui, de cette manière, donnent un signe de foi qui nous secoue et qui nous tire de notre vacuité intellectuelle et de la faiblesse de notre foi.

 

 Ces personnes, qui se confient à Dieu au point de ne chercher aucune autre sécurité, nous concernent aussi. Elles nous encouragent à nous confier à Dieu et à miser sur lui dans les grands défis de la vie. En même temps, cette pauvreté entièrement motivée par l'engagement pour Dieu et pour son Règne est aussi un acte de solidarité avec les pauvres du monde, un acte qui, tout au long de l'histoire, a créé de nouvelles appréciations et un nouvel esprit de service et d'engagement pour les autres.

 

 La demande concernant le pain, le pain de ce jour seulement, réveille aussi le souvenir des quarante ans de marche d'Israël dans le désert, durant lesquels le peuple vivait de la manne, du pain que le Seigneur envoyait du ciel. Chacun avait le droit de recueillir seulement ce qui était nécessaire pour la journée. C'est seulement le sixième jour qu'on avait le droit de recueillir la ration nécessaire pour deux jours, afin de respecter le commandement du sabbat (Ex 16, 16-22). La communauté des disciples, qui vit tous les jours à nouveau de la bonté de Dieu, renouvelle l'expérience du peuple de Dieu en marche, que Dieu a nourri même dans le désert.

 

 Ainsi la demande du pain uniquement pour aujourd'hui ouvre des perspectives qui dépassent l'horizon de la nourriture quotidienne indispensable. Elle présuppose de suivre radicalement la communauté des disciples la plus restreinte, qui renonce à la possession dans ce monde et qui rejoint le chemin de ceux qui considèrent "l'humiliation du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte" (He 11, 26). L'horizon eschatologique apparaît : les réalités futures sont plus importantes et plus réelles que les réalités présentes.

 

 Ainsi nous arrivons maintenant à un mot de cette demande qui, dans nos traductions habituelles, paraît anodin : donne-nous aujourd'hui notre pain 'de ce jour'. Ce 'de ce jour' rend le grec epiousios, dont le théologien Origène (mort vers 254), un des grands maîtres de la langue grecque, dit que, dans cette langue, ce terme n'existe pas à d'autres endroits et qu'il a été créé par les évangélistes. Entre-temps, on a certes trouvé une occurrence de ce terme dans un papyrus du Ve siècle avant Jésus Christ. Mais cette occurrence isolée ne peut pas nous renseigner avec certitude sur la signification de ce mot pour le moins inhabituel et rare. Il faut s'appuyer sur des étymologies et sur l'étude du contexte.

 

 Aujourd'hui, nous avons principalement deux interprétations. L'une dit que le mot signifierait : le pain nécessaire à l'existence. Le sens de la demande serait donc : donne-nous aujourd'hui le pain dont nous avons besoin pour pouvoir vivre. L'autre interprétation dit que la bonne traduction serait : le pain futur, celui pour le lendemain.

 

Mais la demande de recevoir aujourd'hui le pain du lendemain ne paraît pas très fondée à lumière de la façon de vivre des disciples. La référence à l'avenir s'éclairerait un peu plus si l'on priait pour le véritable pain futur : pour la vraie manne de Dieu. Alors ce serait une demande eschatologique, la demande d'une anticipation du monde à venir, à savoir que le Seigneur veuille donner dès 'aujourd'hui' le pain futur, le pain du monde nouveau, c'est-à-dire lui-même. Alors la demande prendrait un sens eschatologique. Quelques traductions plus anciennes vont dans ce sens, ainsi la Vulgate de saint Jérôme, qui traduit le mot mystérieux par supersubstantialis, l'interprétant dans le sens de la nouvelle 'substance', de la substance supérieure, que le Seigneur nous donne dans le Saint Sacrement en tant que véritable pain de notre vie.

 

 De fait, les Pères de l'Église ont presque unanimement compris la quatrième demande du Notre Père comme une demande eucharistique. Dans ce sens, la prière du Seigneur est présente dans la liturgie de la messe en tant que prière eucharistique. Cela ne signifie nullement que le simple sens terrestre, que nous avions tout à l'heure dégagé comme la signification immédiate du texte, aurait été éliminé de la demande des disciples. Les Pères pensent aux différentes dimensions d'un mot qui commence par la demande de pain pour ce jour faite par les pauvres, mais précisément pour cela, alors que nous tournons le regard vers notre Père céleste qui nous nourrit, ce mot évoque aussi le peuple de Dieu en marche, qui a été nourri par Dieu lui-même. Pour les chrétiens, à la lumière du grand discours de Jésus sur le Pain de vie, le miracle de la manne renvoyait quasi automatiquement au-delà de lui-même, vers un monde nouveau, où le Logos, le Verbe éternel de Dieu, sera notre pain, la nourriture de l'éternel repas de noces.

 

 A-t-on le droit de penser dans de telles dimensions ou s'agit-il ici d'une 'théologisation' abusive d'un mot dont le sens est simplement terrestre ? Aujourd'hui il existe une peur de ces 'théologisations' qui n'est pas tout à fait sans fondement, mais qu'il ne faut pas non plus exagérer. Je pense que, dans l'explication de la demande de pain, il faut garder à l'esprit le contexte plus vaste des paroles et des actions de Jésus, où des éléments essentiels de la vie humaine jouent un très grand rôle : l'eau, le pain, de même que la vigne et le vin, en tant que signes du caractère festif et de la beauté du monde. Le thème du pain prend une place importante dans le message de Jésus, de la tentation dans le désert jusqu'à la Cène, en passant par la multiplication des pains.

 

 Le grand discours sur le Pain de vie dans le chapitre VI de l'Évangile de Jean ouvre tout le champ de signification de ce thème. Tout au début, nous avons la faim des hommes qui ont écouté Jésus et qu'il ne laisse pas partir sans les avoir rassasiés, donc sans le 'pain nécessaire' dont nous avons besoin pour vivre. Mais Jésus n'admet pas qu'on puisse s'arrêter là ni réduire les besoins de l'homme au pain, aux besoins biologiques et matériels. "Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Mt 4, 4). Le pain miraculeusement multiplié rappelle, en amont, le miracle de la manne dans le désert, mais de même il renvoie à un au-delà de lui-même. Il nous dit que la véritable nourriture de l'homme est le Logos, le Verbe éternel, le sens éternel dont nous venons et dans l'attente duquel nous vivons.

 

Si ce premier dépassement du cadre physique ne dit d'abord que ce que la grande philosophie avait également trouvé et peut trouver, il est immédiatement suivi d'un autre dépassement. Le Logos éternel devient concrètement le pain pour l'homme seulement 'parce qu'il a pris chair' et qu'il nous parle avec des mots humains.

 

S'ensuit le troisième dépassement essentiel qui, certes, fait scandale pour les gens de Capharnaüm : celui qui s'est fait homme se donne à nous dans le Sacrement, et c'est seulement ainsi que le Verbe éternel devient pleinement manne, don du pain futur dès aujourd'hui. C'est à ce moment que le Seigneur réunit encore une fois le tout : cette corporisation ultime est précisément la véritable spiritualisation : "C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien" (Jn 6, 63).

 

Doit-on supposer que Jésus, dans la demande de pain, ait mis entre parenthèses tout ce qu'il nous dit sur le pain et ce qu'il voulait donner comme pain ? Si nous prenons le message de Jésus dans son ensemble, alors on ne peut effacer la dimension eucharistique de la quatrième demande du Notre Père. La demande du pain de ce jour pour tous est essentielle justement dans sa dimension concrète et terrestre. Mais de la même façon, elle nous aide à dépasser l'aspect purement matériel et à demander, dès maintenant, la réalité du 'lendemain', le pain nouveau. En priant aujourd'hui pour la réalité 'du lendemain', nous sommes exhortés à vivre dès maintenant du 'lendemain', de l'amour de Dieu qui nous appelle tous à la responsabilité mutuelle.

 

Ici je voudrais redonner la parole à Cyprien, qui souligne ce double sens. Il réfère le mot 'notre', dont nous avons parlé plus haut, précisément à l'Eucharistie qui est, dans un sens très particulier, 'notre' pain, le pain des disciples de Jésus Christ. Il dit que nous, qui pouvons recevoir l'Eucharistie comme notre pain, nous devons toujours à nouveau prier pour que personne ne soit coupé, séparé du corps du Christ : "Ainsi nous réclamons notre pain quotidien, c'est-à-dire le Christ, afin que nous, dont la vie est dans le Christ, nous demeurions toujours unis à sa grâce et à son corps sacré."

 

 Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait)

 

L'Enfant Jésus distribuant du Pain aux Pèlerins par Murillo 

" Celui qui s'est fait homme se donne à nous dans le Sacrement, et c'est seulement ainsi que le Verbe éternel devient pleinement manne, don du pain futur dès aujourd'hui. C'est à ce moment que le Seigneur réunit encore une fois le tout : cette corporisation ultime est précisément la véritable spiritualisation : C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien (Jn 6, 63)."  

 

 

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 04:00

Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel

 

Deux aspects ressortent immédiatement des termes de cette demande. Il existe une volonté de Dieu avec nous et pour nous qui doit devenir le critère de notre vouloir et de notre être.

 

Et la caractéristique même du 'ciel' est que la volonté de Dieu y est faite indéfectiblement ou, en d'autres mots : là où la volonté de Dieu est faite, là est le ciel. L'essence du ciel est d'être une seule chose avec la volonté de Dieu, l'union entre volonté et vérité. La terre devient 'ciel' seulement si et dans la mesure où la volonté de Dieu y est faite, tandis qu'elle n'est que 'terre', pôle opposé au ciel, si et dans la mesure où elle se soustrait à la volonté de Dieu. C'est pourquoi nous demandons que sur la terre il en soit de même qu'au ciel, que la terre devienne 'ciel'.

 

 Mais qu'est-ce donc que la 'volonté de Dieu' ? Comment la reconnaître ? Comment pouvons-nous la faire ? Les Écritures Saintes posent qu'au plus profond de lui-même, l'homme connaît la volonté de Dieu, qu'il existe une communion de savoir avec Dieu, profondément inscrite en nous, que nous appelons conscience. Mais elles savent aussi que cette communion de savoir avec le Créateur, que ce savoir qu'il nous a donné en nous créant 'selon sa ressemblance' a été enfoui dans l'histoire, qu'il n'est cependant jamais entièrement éteint, mais recouvert de multiples façons, qu'il existe une flamme doucement vacillante qui risque trop souvent d'être étouffée sous les cendres des préjugés gravés en nous. C'est pourquoi Dieu nous a de nouveau parlé avec des mots de l'histoire qui s'adressent à nous de l'extérieur et qui viennent en aide à notre savoir intérieur désormais trop voilé.

 

 Au cœur de cet enseignement de l'histoire se trouve, dans la révélation biblique, le Décalogue du mont Sinaï qui, comme nous l'avons vu, n'a nullement été aboli ou présenté comme une 'loi ancienne' par le Sermon sur la montagne, mais, au contraire développé afin qu'il rayonne d'autant plus dans toute sa profondeur et dans toute sa grandeur.

 

Cette parole, nous l'avons vu, n'est pas quelque chose qui a été imposé à l'homme de l'extérieur. Elle est, dans la mesure où nous sommes capables de la recevoir, révélation de la nature de Dieu lui-même et ainsi interprétation de la vérité de notre être : la partition de notre existence nous est déchiffrée, afin que nous puissions la lire et la mettre en pratique. La volonté de Dieu provient de l'être de Dieu ; elle nous conduit par conséquent vers la vérité de notre être en nous délivrant de l'autodestruction liée au mensonge.

 

 Puisque notre être vient de Dieu, nous pouvons, en dépit de toutes les souillures qui nous retiennent, nous mettre en route vers la volonté de Dieu. Dans l'Ancien Testament, la notion de 'juste' voulait dire précisément ceci : vivre de la Parole de Dieu et donc de la volonté de Dieu, et entrer progressivement en syntonie avec cette volonté.

 

 Quand Jésus nous parle de la volonté de Dieu et du ciel où cette volonté s'accomplit, il nous conduit à nouveau au centre de sa propre mission personnelle. Près du puits de Jacob, Jésus dit à ses disciples qui lui apportent à manger : "Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé" (Jn 4, 34). Cela signifie : l'union avec la volonté du Père est la source de sa vie. L'union de volonté avec le Père est au cœur même de son être.

 

Dans la demande du Notre Père, nous percevons surtout un écho du dialogue tourmenté du mont des Oliviers : "Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux". "Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite !" (Mt 26, 39.42). Lorsque nous méditerons la passion de Jésus, nous aurons à revenir sur cette prière, dans laquelle il nous fait entrevoir son âme humaine et l'union de celle-ci avec la volonté de Dieu.

 

 L'auteur de la Lettre aux Hébreux a vu dans la lutte intérieure au jardin des Oliviers la clé même du mystère de Jésus, et c'est en partant de ce regard dans l'âme de Jésus qu'il a interprété ce mystère avec le Psaume 40. Il le lit ainsi : "Tu n'as pas voulu de sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps... ; alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c'est bien de moi que parle l'Écriture" (He 10, 5-7). Toute l'existence de Jésus est résumée dans ces paroles "Je suis venu pour faire ta volonté". C'est seulement ainsi que nous pouvons comprendre pleinement la phrase suivante : "Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé."

 

 Dès lors, nous comprenons que Jésus lui-même, au sens le plus profond et le plus authentique, est 'le ciel' — lui en qui et par qui la volonté de Dieu est entièrement faite.

 

En regardant vers lui, nous découvrons que nous ne pouvons pas être entièrement 'justes' par nos propres moyens : la force de gravité de notre propre volonté nous éloigne sans cesse de la volonté de Dieu et nous fait devenir simple 'terre'. Mais lui nous accepte, nous tire vers le haut jusqu'à lui, en lui, et, dans la communion avec lui, nous apprenons, nous aussi, la volonté de Dieu.

 

Dans cette troisième demande du Notre Père nous demandons de pouvoir nous approcher de plus en plus de lui pour que la volonté de Dieu l'emporte sur la force de gravité de notre égoïsme et qu'il nous rende capables de la hauteur à laquelle nous sommes appelés.

 

Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait)

 

Page from the Très Belles Heures de Notre Dame de Jean de Berry

" Dans la demande du Notre Père, nous percevons surtout un écho du dialogue tourmenté du mont des Oliviers : "Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux". "Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite !" (Mt 26, 39.42).

 

 

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 11:30

Que Ton Règne vienne

 

Réfléchissant sur la demande relative au Règne de Dieu, nous nous rappellerons tout ce que nous avons pu dire précédemment à propos de l'expression "Royaume de Dieu".

 

Par cette demande, nous reconnaissons d'abord le primat de Dieu. Là où Dieu n'est pas, rien ne peut être bon. Là où l'on ne voit pas Dieu, l'homme déchoit, ainsi que le monde. C'est dans ce sens que le Seigneur nous dit : "Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché" (Mt 6, 33). Ce mot établit un ordre de priorités pour l'agir humain, pour nos attitudes dans le quotidien.

 

 On ne nous promet nullement un pays de cocagne, en contrepartie de notre piété ou de notre vague désir du Royaume de Dieu. On ne nous fait pas miroiter un monde parfait comme dans l'utopie de la société sans classes, un monde qui viendrait automatiquement et où tout irait bien tout simplement parce qu'il n'y aurait plus de propriété privée. Jésus ne nous fournit pas des recettes aussi simples. Mais, il pose, nous l'avons déjà dit, une priorité capitale pour tout : "Royaume de Dieu" veut dire "Seigneurie de Dieu", et cela signifie qu'on accepte que sa volonté soit prise comme critère. Cette volonté crée la justice, qui implique que nous reconnaissions la légitimité du droit de Dieu et que nous y trouvions le critère pour le juste droit entre les hommes.

 

 L'ordre des priorités que Jésus nous indique ici n'est pas sans rappeler, dans l'Ancien Testament, le récit de la première prière de Salomon après sa montée sur le trône. On y raconte que, la nuit, le Seigneur est apparu en songe au jeune roi, lui offrant d'exaucer une de ses demandes. Un rêve on ne peut plus classique de l'humanité ! Que demande Salomon ? "Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu'il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal" (1 R 3, 9). Dieu le loue parce qu'il ne demande pas — ce qui aurait été si facile — la richesse, la fortune, l'honneur ou la mort de ses ennemis ou une longue vie, mais ce qui est véritablement essentiel : un cœur docile, la capacité de discerner le bien du mal. Et c'est pourquoi le reste est aussi accordé à Salomon par surcroît.

 

 Quand nous demandons la venue de "ton Règne" (et non pas du nôtre !), le Seigneur veut nous conduire exactement vers cette façon de prier et d'établir les priorités de notre agir. Il faut d'abord et essentiellement, un cœur docile, afin que Dieu règne, et non pas nous. Le Règne de Dieu vient à travers un cœur docile. Tel est son chemin. Et c'est pourquoi nous devons prier sans cesse.

 

 À partir de la rencontre avec le Christ, cette demande s'approfondit et se concrétise encore. Nous avons vu que Jésus était le Règne de Dieu en personne. Là où il est, est le "Règne de Dieu". La demande du cœur docile est devenue la demande en vue de la communion avec Jésus Christ, la demande de pouvoir devenir toujours plus 'un' avec lui. C'est la demande de le suivre véritablement, qui devient communion et qui nous réunit en un seul corps avec lui.

 

Reinhold Schneider a exprimé cela de façon saisissante : "La vie de ce règne est la poursuite de la vie du Christ dans les siens ; lorsque le cœur n'est plus nourri par la force vitale du Christ, ce règne se termine ; lorsque le cœur est touché par elle et transformé par elle, il commence, les racines de l'arbre inexpugnable cherchent à pénétrer dans le cœur de chacun. Le règne est un. Il subsiste uniquement par le Seigneur, qui est sa vie, sa force, son centre."

 

Demander le Règne de Dieu signifie dire à Jésus : fais-nous être à toi, Seigneur. Pénètre en nous, vis en nous. Réunis dans ton corps l'humanité dispersée, pour que tout en toi soit soumis à Dieu et que tu puisses remettre l'univers au Père, et ainsi "Dieu sera tout en tous" (1 Co 15, 26-28).

 

Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait)

 

Anges en Adoration par Benozzo Gozzoli 

" Quand nous demandons la venue de "ton Règne" (et non pas du nôtre !), le Seigneur veut nous conduire exactement vers cette façon de prier et d'établir les priorités de notre agir. Il faut d'abord et essentiellement, un cœur docile, afin que Dieu règne, et non pas nous. Le Règne de Dieu vient à travers un cœur docile. Tel est son chemin. Et c'est pourquoi nous devons prier sans cesse." 

 

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 15:00

Lorsque l’évangile du cinquième dimanche proclame la résurrection de Lazare, nous nous trouvons face au mystère ultime de notre existence : "Je suis la résurrection et la vie... le crois-tu ?" (Jn 11, 25-26).

 

A la suite de Marthe, le temps est venu pour la communauté chrétienne de placer, à nouveau et en conscience, toute son espérance en Jésus de Nazareth : "Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde" (v.27).

 

La communion avec le Christ, en cette vie, nous prépare à franchir l’obstacle de la mort pour vivre éternellement en Lui.

 

La foi en la résurrection des morts et l’espérance en la vie éternelle ouvrent notre intelligence au sens ultime de notre existence : Dieu a créé l’homme pour la résurrection et la vie ; cette vérité confère une dimension authentique et définitive à l’histoire humaine, à l’existence personnelle, à la vie sociale, à la culture, à la politique, à l’économie.

 

Privé de la lumière de la foi, l’univers entier périt, prisonnier d’un sépulcre sans avenir ni espérance.

 

Benoît XVI

extrait du Message pour le Carême 2011

 

La Résurection de Lazare par Salviati

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 04:00

Que Ton Nom soit sanctifié

 

La première demande du Notre Père nous rappelle le deuxième commandement du Décalogue : "Tu n'invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal" (Ex 20, 7; cf. Dt 5, 11). Mais qu'est-ce donc que 'le nom de Dieu' ? Quand nous l'évoquons nous avons devant nous l'image de Moïse, qui voit dans le désert un buisson qui était en feu sans se consumer. Poussé par la curiosité, il s'approche pour voir de plus près ce mystérieux événement, mais alors une voix l'appelle du milieu du buisson, et cette voix lui dit : "Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob" (Ex 3, 6). Ce Dieu le renvoie en Égypte avec la mission de faire sortir d'Égypte le peuple d'Israël et de le conduire vers la Terre promise. Au nom de Dieu, Moïse doit demander au pharaon la délivrance d'Israël.

 

 Mais dans le monde de l'époque, il y avait beaucoup de dieux. Moïse demande donc à Dieu son nom, le nom par lequel ce Dieu pourra justifier de son autorité particulière vis-à-vis des autres dieux. L'idée du nom de Dieu fait donc d'abord partie du monde polythéiste, où ce Dieu doit aussi se donner un nom. Mais le Dieu qui appelle Moïse est vraiment Dieu. Dieu au sens strict et vrai n'existe pas au pluriel. Par nature, Dieu est unique. C'est pourquoi il ne peut pas entrer dans le monde des dieux comme un parmi d'autres, et il ne peut pas avoir un nom parmi d'autres.

 

 Aussi, la réponse de Dieu est-elle à la fois refus et assentiment. Il dit simplement de lui-même "Je suis celui qui suis". II est, un point c'est tout. Cette réponse est à la fois un nom et une absence de nom. Il était donc tout à fait juste qu'en Israël, cette auto-désignation de Dieu, entendue sous le mot YHWH, n'ait pas été prononcée et qu'elle ne se soit pas dégradée pour devenir une sorte de nom idolâtrique. Il n'était donc pas juste que, dans les traductions récentes de la Bible, on écrive comme n'importe quel autre nom ce nom resté toujours mystérieux et imprononçable pour Israël, réduisant ainsi le mystère de Dieu, dont il n'y a ni images ni noms prononçables, et le ramenant dans la banalité d'une histoire générale des religions.

 

 II n'en reste pas moins que Dieu n'a pas purement et simplement rejeté la demande de Moïse, et, afin de comprendre l'imbrication étrange du nom et de l'absence de nom, nous devons comprendre ce qu'est un nom. Nous pourrions simplement dire : le nom crée la possibilité de l'invocation, de l'appel. Il crée une relation. Quand Adam nomme les animaux, cela ne signifie pas qu'il exprime leur nature, mais qu'il les intègre dans son univers humain et qu'il fait en sorte de pouvoir les appeler. Partant de là, nous comprenons l'aspect positif du nom de Dieu : Dieu crée une relation entre lui et nous. Il fait en sorte qu'on puisse l'invoquer. Il entre en relation avec nous et il nous permet d'être en relation avec lui. Mais cela signifie qu'il entre, d'une façon ou d'une autre, dans notre monde humain. Il est devenu accessible et par là aussi vulnérable. Il prend le risque de la relation, le risque d'être avec nous.

 

 Ce qui parvient à son accomplissement dans son incarnation s'origine dans le don du nom. Lors de l'étude de la prière sacerdotale de Jésus, nous verrons qu'en effet Jésus se présente alors comme le nouveau Moïse : "J'ai fait connaître ton nom aux hommes" (Jn 17, 6). Ce qui a commencé avec le Buisson ardent dans le désert du Sinaï s'accomplit avec le Buisson ardent de la croix. En son fils devenu homme, on peut dire que Dieu est désormais devenu vraiment accessible. Il fait partie de notre monde, il s'est en quelque sorte remis entre nos mains.

 

Nous comprenons alors ce que signifie la demande de sanctifier le nom de Dieu. Désormais, on peut abuser du nom de Dieu et ainsi souiller Dieu lui-même. Le nom de Dieu peut être récupéré, et alors l'image de Dieu est déformée. Plus Dieu se remet entre nos mains, plus nous pouvons obscurcir sa lumière. Plus il est proche, plus notre abus de lui peut le rendre méconnaissable.

 

Martin Buber disait qu'en voyant l'abus honteux qu'on faisait du nom de Dieu, on peut perdre tout courage de le nommer. Mais le taire serait plus encore un refus de son amour qui vient à notre rencontre. Buber affirmait que nous ne pourrions que ramasser, dans le plus grand respect, les lambeaux du nom sali et essayer de les purifier. Mais seuls, nous en sommes incapables. Nous ne pouvons que lui demander de ne pas laisser détruire dans ce monde la lumière de son nom.

 

Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait)

 

Moïse devant le Buison Ardent par Domenico Feti

" Ce qui a commencé avec le Buisson ardent dans le désert du Sinaï s'accomplit avec le Buisson ardent de la croix."

 

 

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 04:00

Notre Père qui es aux cieux

 

Nous commençons en nous adressant au Père. Dans son interprétation du Notre Père, Reinhold Schneider écrit : "Le Notre Père commence en nous apportant une grande consolation ; nous pouvons dire 'Père'. Ce mot contient toute l'histoire de la Rédemption. Nous pouvons dire 'Père', car le Fils était notre frère et nous a révélé le Père ; parce que, par l'action du Christ, nous sommes redevenus des enfants de Dieu". Pour l'homme d'aujourd'hui cependant, la grande consolation contenue dans le mot 'père' n'est pas aussi évidente, car l'expérience du 'père' est souvent soit totalement absente soit obscurcie par la défaillance des pères.

 

 Ainsi, nous devons avant tout apprendre à partir de Jésus ce que 'père' signifie précisément. Quand Jésus parle, le père apparaît comme la source de tout bien, comme le critère de l'homme devenu juste ('parfait') : "Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons" (Mt 5, 44). L'amour qui va "jusqu'au bout" (Jn 13, 1), que le Seigneur a accompli sur la croix en priant pour ses ennemis, nous montre la nature du Père. Il est cet Amour. Parce que Jésus accomplit cet amour, il est entièrement 'Fils', et il nous invite - à partir de ce critère - à devenir à notre tour des 'fils'.

 

 Regardons maintenant un autre texte. Le Seigneur rappelle qu'aux enfants qui demandent du pain, les pères ne donnent pas une pierre, et il continue en disant : "Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent" (Mt 7, 11). Luc spécifie le 'bien' que donne le Père, en disant : "combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent" (Lc 11, 13). Cela veut dire que le don de Dieu est Dieu lui-même, le 'bien' qu'il nous donne, c'est lui-même. Ce passage manifeste de façon surprenante de quoi il s'agit dans la prière. Il ne s'agit pas de ceci ou de cela, il importe seulement que Dieu veuille vraiment se donner à nous : tel est le don de tous les dons, "la seule chose nécessaire" (Lc 10, 42). La prière est un chemin qui nous conduit progressivement à purifier nos désirs, à les corriger et à découvrir peu à peu ce qui nous fait vraiment défaut : Dieu et son Esprit.

 

 Quand le Seigneur enseigne qu'il faut découvrir la nature de Dieu le Père à partir de l'amour des ennemis et qu'il faut y trouver sa 'perfection' afin de devenir soi-même 'fils', alors la relation entre le Père et le Fils est évidente. Il est dès lors manifeste que, dans le reflet de la figure de Jésus, nous découvrons qui est Dieu et comment il est : Par le Fils, nous trouvons le Père. "Celui qui m'a vu, a vu le Père", dit Jésus lors de la Cène à Philippe, qui avait demandé : "montre-nous le Père" (Jn 14, 8-9). Seigneur, montre-nous le Père, répétons-nous sans cesse à Jésus, et la réponse est encore et toujours le Fils. Par lui, et seulement par lui, nous apprenons à connaître le Père. Ainsi se révèlent la mesure et le modèle de la vraie paternité. Le Notre Père ne projette pas une image humaine sur le ciel, mais il nous montre à partir du ciel - à partir de Jésus -comment nous devrions et comment nous pouvons devenir des hommes.

 

 Cependant, en y regardant de plus près, nous pouvons maintenant constater que, d'après le message de Jésus, la paternité de Dieu comporte deux dimensions. Tout d'abord, Dieu est notre Père en tant qu'il est notre Créateur. Parce qu'il nous a créés, nous lui appartenons. L'être en tant que tel vient de lui, il est donc bon et il est participation de Dieu. Cela vaut tout particulièrement pour l'homme. Le verset 15 du Psaume 33 dit, dans sa traduction latine : "lui qui leur a modelé un même cœur est attentif à toutes leurs œuvres". L'idée que Dieu a créé chaque individu fait partie de l'image de l'homme contenue dans la Bible. Chaque homme est individuellement et comme tel voulu par Dieu. Il connaît chacun personnellement. En ce sens, déjà en vertu de la création, l'être humain est de manière spéciale 'fils' de Dieu, et Dieu est son véritable Père. Dire que l'homme est à l'image de Dieu est une autre manière d'exprimer cette idée.

 

 Nous en arrivons ainsi à la deuxième dimension de la paternité de Dieu. De façon singulière, le Christ est "image de Dieu". À partir de là, les Pères de l'Eglise ont dit que Dieu, en créant l'homme "à son image", a d'emblée regardé vers Jésus et créé l'homme à l'image du "nouvel Adam", de l'Homme qui est le modèle de l'humanité. Mais surtout, Jésus est au sens propre "le Fils" - de la même substance que le Père. Il veut nous faire entrer tous dans son "être homme" et, par là, dans son "être fils", dans la pleine appartenance à Dieu.

 

 Ainsi, la filiation est devenue un concept dynamique : nous ne sommes pas encore de manière achevée des fils de Dieu, mais nous devons le devenir et l'être de plus en plus à travers notre communion de plus en plus profonde avec Jésus. Être fils, c'est suivre le Christ. La parole qui qualifie Dieu comme Père devient alors pour nous un appel : vivre comme 'fils' et 'fille'. "Tout ce qui est à moi est à toi", dit Jésus au Père dans la prière sacerdotale (Jn 17, 10), et la même chose est dite par le père au frère aîné du fils prodigue (Lc 15, 31). Le terme de 'père' nous invite à vivre à partir de cette conscience. Dès lors est dépassée aussi la folie de la fausse émancipation qui se trouvait au début de l'histoire du péché de l'humanité. Car, en écoutant la parole du serpent, Adam veut devenir lui-même Dieu et se passer de Dieu. On voit qu'être 'fils' ne signifie pas être dépendant, mais se tenir dans la relation d'amour qui porte l'existence humaine en lui donnant sa grandeur et son sens.

 

Reste, pour finir, une question : Dieu, n'est-il pas aussi mère ? L'amour de Dieu est comparé à l'amour d'une mère : "De même qu'une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai" (Is 66, 13). "Est-ce qu'une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l'oublier, moi, je ne t'oublierai pas" (Is 49, 15). Le mystère de l'amour maternel de Dieu ressort de façon particulièrement impressionnante du mot hébreu rahamim, qui signifie en fait le sein maternel, mais qui finit par désigner la compassion de Dieu pour l'homme, la miséricorde de Dieu. Dans l'Ancien Testament, des organes du corps humain servent à maintes reprises à désigner des attitudes fondamentales de l'homme, mais aussi les dispositions de Dieu, tout comme le cœur ou le cerveau disent aujourd'hui encore quelque chose de notre propre existence. Ainsi, l'Ancien Testament présente les attitudes fondamentales de l'existence non pas en termes abstraits, mais dans le langage métaphorique du corps. Le sein maternel est l'expression la plus concrète pour signifier le lien intime entre deux existences et l'attention portée à la créature faible et dépendante qui, dans son corps et dans son âme, est totalement protégée dans le sein de sa mère. Le langage métaphorique du corps nous permet donc de comprendre plus profondément les dispositions de Dieu vis-à-vis des hommes qu'un langage conceptuel quel qu'il soit.

 

Si dans le langage formé à partir de la corporéité de l'homme, l'amour de la mère semble inscrit dans l'image de Dieu, il n'en reste pas moins que Dieu n'est jamais qualifié de mère ni invoqué comme mère, que ce soit dans l'Ancien ou dans le Nouveau Testament. Dans la Bible, le mot 'mère' n'est pas un titre de Dieu. Pourquoi ? Nous ne pouvons que tâtonner dans notre tentative de compréhension. Bien sûr, Dieu n'est ni homme ni femme, étant précisément le créateur de l'homme et de la femme. Les divinités mères, dont le peuple d'Israël tout comme l'Eglise du Nouveau Testament étaient entourées, montrent une image de la relation entre Dieu et le monde contraire à l'image de Dieu contenue dans la Bible. Elles englobent toujours, et sans doute nécessairement, des conceptions panthéistes qui font disparaître la différence entre le Créateur et la créature. L'existence des choses et des hommes apparaît nécessairement, à partir de ce point de départ, comme une émanation du sein maternel de l'Être qui, entrant dans le temps, se concrétise dans la diversité des réalités existantes.

 

A l'inverse, l'image du père était et reste toujours en mesure d'exprimer l'altérité du créateur et de la créature, la souveraineté de son acte créateur. C'est seulement en excluant les divinités mères que l'Ancien Testament a pu mûrir son image de Dieu, qui est pure transcendance. Même si nous ne pouvons pas fournir de justifications absolument convaincantes, la norme doit rester pour nous le langage de la prière de toute la Bible, et nous l'avons constaté, malgré les grandes images de l'amour maternel, le mot 'mère' ne figure pas parmi les titres de Dieu ; ce n'est pas un nom avec lequel nous pouvons nous adresser à Dieu. Ainsi nous prions comme Jésus nous l'a enseigné sur la base de l'Écriture Sainte, et non pas sur la base de notre inspiration ou de notre caprice. C'est la seule façon de prier comme il faut.

 

Pour finir, nous devons réfléchir sur le mot 'notre'. Seul Jésus pouvait dire de plein droit "mon Père", car lui seul est vraiment le Fils unique de Dieu, de la même substance que le Père. Nous tous, par contre, devons dire "notre Père". Seul le 'nous' des disciples nous permet de nommer Dieu Père, car c'est uniquement à travers la communion avec Jésus Christ que nous devenons vraiment 'fils de Dieu'. Ainsi, ce mot 'notre' nous interpelle : il exige que nous sortions de la clôture de notre 'je'. Il exige que nous entrions dans la communauté des autres fils de Dieu. Il exige que nous nous départions de tout ce qui nous est propre et qui nous sépare des autres. Il exige de nous que nous acceptions autrui, les autres, et que nous leur ouvrions notre oreille et notre cœur. Avec le mot 'notre', nous proclamons notre adhésion à l'Église vivante, dans laquelle le Seigneur voulait réunir sa nouvelle famille. Ainsi, le Notre Père est à la fois une prière très personnelle et pleinement ecclésiale. En disant le Notre Père, nous prions chacun de tout notre cœur, mais nous prions en même temps en communion avec la famille de Dieu, avec les vivants et les morts, avec les hommes de toutes conditions, de toutes les cultures et de toutes les races. Le Notre Père fait de nous une famille, au-delà de toutes les frontières.

 

À partir du 'notre', nous comprenons aussi le deuxième ajout : "qui es aux cieux". Par ces mots, nous ne plaçons pas Dieu, le Père, sur un quelconque astre lointain, mais nous énonçons que nous, tout en ayant des pères terrestres différents, nous provenons cependant tous d'un seul Père, qui est la mesure et l'origine de toute paternité. "Frères, je tombe à genoux devant le Père, qui est la source de toute paternité au ciel et sur la terre" dit saint Paul (Ep 3, 14). Et en arrière-fond, nous entendons la parole du Seigneur : "Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux" (Mt23, 9).

 

La paternité de Dieu est plus réelle que la paternité humaine, parce qu'en dernière instance nous tirons de lui notre être ; parce que, éternellement, il nous a pensés et voulus ; parce qu'il nous fait don de la vraie maison paternelle, celle qui est éternelle. Et si la paternité terrestre sépare, la paternité céleste réunit. Le mot ciel signifie donc cette autre dimension de la majesté de Dieu, dont nous venons tous et vers laquelle nous devons tous aller. La paternité "aux cieux" nous renvoie à ce 'nous' plus grand qui dépasse toutes les frontières, qui abat toutes les murailles et qui crée la paix.

 

Benoît XVI

Jésus de Nazareth

tome 1, chapitre V (extrait)

 

Le Retour du Fils Prodigue par Murillo

"Tout ce qui est à moi est à toi", dit Jésus au Père dans la prière sacerdotale (Jn 17, 10), et la même chose est dite par le père au frère aîné du fils prodigue (Lc 15, 31). 

 

 

> fiche de l'édition de poche

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