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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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SALVE REGINA

11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 12:00

On trouve au pied des monts Apalaches, dans les Florides, des fontaines qu’on appelle puits naturels. Chaque puits est creusé au centre d’un monticule planté d’orangers, de chênes-verts et de catalpas. Ce monticule s’ouvre en forme de croissant, du côté de la savane, et un courant d’eau sort du puits par cette ouverture. Les arbres, en s’inclinant sur la fontaine, rendent sa surface toute noire au-dessous ; mais à l’endroit où le courant d’eau s’échappe de la base du cône, un rayon du jour, pénétrant par le lit du canal, tombe sur un seul point du miroir de la fontaine, qui imite l’effet de la glace dans la chambre obscure du peintre. Cette charmante retraite est ordinairement habitée par un énorme crocodile, qui se tient immobile au milieu du bassin : à son écaille verdoyante, à ses larges naseaux qui lancent les ondes en deux ellipses colorées, vous le prendriez pour un dragon de bronze dans quelque grotte des bosquets de Versailles.

 

Les crocodiles ou caïmans des Florides ne vivent pas toujours solitaires. Dans certains temps de l’année ils s’assemblent en troupes, et se mettent en embuscade pour attaquer des voyageurs qui doivent arriver de l’Océan. Lorsque ceux-ci ont remonté les fleuves, que l’eau manque à leur multitude, qu’ils meurent échoués sur les rivages et menacent de répandre la peste dans l’air, la Providence les livre tout à coup à une armée de quatre ou cinq mille crocodiles. Les monstres, poussant un cri et faisant claquer leurs mâchoires, fondent sur les étrangers. Bondissant de toutes parts, les combattants se joignent, se saisissent, s’entrelacent. Ils se plongent au fond des gouffres, se roulent dans les limons, remontent à la surface de l’eau. Le fleuve taché de sang se couvre de corps mutilés et d’entrailles fumantes. Rien ne peut donner une idée de ces scènes extraordinaires, décrites par les voyageurs, et que le lecteur est toujours tenté de prendre pour de vaines exagérations.

 

Rompues, dispersées, pleines d’épouvante, les légions étrangères, poursuivies jusqu’à l’Océan, sont forcées de rentrer dans les abîmes, afin que, désormais utiles à nos besoins, elles nous servent sans nous nuire.

 

Ces espèces de monstres ont quelquefois révolté la sagesse de l’athée : ils sont pourtant nécessaires dans le plan général. Ils n’habitent que les déserts où l’absence de l’homme commande leur présence ; ils y sont placés pour détruire, jusqu’à l’arrivée du grand destructeur. Aussitôt que nous apparaissons sur une côte, ils nous cèdent l’empire, certains qu’un seul de nous fera plus de ravages que dix mille d’entre eux.

 

Et pourquoi Dieu fait-il des êtres superflus qui obligent ensuite à des destructions ? Par la raison que Dieu n’agit pas, comme nous, d’une manière bornée ; il se contente de dire : Croissez et multipliez ; et l’infini est dans ces deux mots. Dorénavant pour être sage il faudra peut-être que la Divinité soit médiocre ; l’infini sera un attribut que nous lui retrancherons ; tout ce qui sera immense sera rejeté. Nous dirons : "Cela est de trop dans la nature", parce que notre esprit ne pourra le comprendre. Et que si Dieu s’avise de placer plus d’un certain nombre de soleils dans la voûte céleste, nous tiendrons l’excédant comme non avenu, et, en conséquence de cette prodigalité d’univers, nous déclarerons le Créateur convaincu de folie et d’impuissance.

 

Considérés en eux-mêmes, quelle que soit la difformité de ces êtres que nous appelons des monstres, on peut encore reconnaître sous leurs horribles traits quelques marques de la bonté divine. Un crocodile, un serpent, ne sont pas moins tendres pour leurs petits qu’un rossignol, une colombe. C’est d’abord un contraste miraculeux et touchant de voir un crocodile bâtir un nid et pondre un œuf comme une poule, et un petit monstre sortir d’une coquille comme un poussin. La femelle du crocodile montre ensuite pour sa famille la plus tendre sollicitude. Elle se promène entre les nids de ses sœurs, qui forment des cônes d’œufs et d’argile, et qui sont rangés comme les tentes d’un camp au bord d’un fleuve. L’amazone fait une garde vigilante et laisse agir les feux du jour ; car si la délicate affection de la mère est comme représentée par l’œuf du crocodile, la force et les mœurs de ce puissant animal se peignent, pour ainsi dire, dans le soleil qui couve cet œuf et dans le limon qui lui sert de levain. Aussitôt qu’une des meules a germé, la femelle prend sous sa protection les monstres naissants : ce ne sont pas toujours ses propres fils ; mais elle fait par ce moyen l’apprentissage de la maternité, et rend son habileté égale à ce que sera sa tendresse. Quand enfin sa famille vient à éclore, elle la conduit au fleuve, la lave dans une eau pure, lui apprend à nager, pêche pour elle de petits poissons, et la protège contre les mâles qui veulent souvent la dévorer.

 

Un Espagnol des Florides nous a conté qu’ayant enlevé la couvée d’un crocodile, et la faisant emporter dans un panier par des nègres, la femelle le suivit avec des cris pitoyables. On posa deux des petits à terre : la mère aussitôt se mit à les pousser avec ses mains et son museau, tantôt se tenant derrière eux pour les défendre, tantôt marchant à leur tête pour leur montrer le chemin. Les petits se traînaient, en gémissant, sur les traces de leur mère, et ce reptile énorme, qui naguère ébranlait le rivage de ses rugissements, faisait alors entendre une sorte de bêlement aussi doux que celui d’une chèvre qui allaite ses chevreaux.

 

Le serpent à sonnettes le dispute au crocodile en affection maternelle : ce reptile, qui donne aux hommes des leçons de générosité, leur en donne encore de tendresse. Quand sa famille est poursuivie, il la reçoit dans sa gueule : peu content des lieux où il la pourrait cacher, il la fait rentrer en lui, ne trouvant point pour des enfants d’asile plus sûr que le sein d’une mère. Exemple d’un dévouement sublime, il ne survit point à la perte de ses petits, car pour les lui ravir il faut les arracher de ses entrailles.

 

Parlerons-nous du poison de ce serpent, toujours plus violent au temps où il a une famille ? Raconterons-nous la tendresse de l’ours, qui, semblable à la femme sauvage, pousse l’amour maternel jusqu’à allaiter ses enfants après leur mort ?

 

Qu’on suive ces prétendus monstres dans leurs instincts ; qu’on étudie leurs formes, leurs armures ; qu’on fasse attention à l’anneau qu’ils occupent dans la chaîne de la création ; qu’on les examine dans leurs propres rapports et dans ceux qu’ils ont avec l’homme, nous osons assurer que les causes finales sont peut-être plus visibles dans cette classe d’êtres qu’elles ne le sont dans les espèces plus favorisées de la nature, de même que dans un ouvrage barbare les traits de génie brillent davantage au milieu des ombres qui les environnent.

 

L’objection que l’on fait contre les lieux que ces monstres habitent ne nous paraît pas mieux fondée. Les marais, tout nuisibles qu’ils semblent, ont cependant de grandes utilités. Ce sont les urnes des fleuves dans les pays de plaines, et les réservoirs des pluies dans les contrées éloignées de la mer. Leur limon et les cendres de leurs herbes fournissent des engrais aux laboureurs ; leurs roseaux donnent le feu et le toit à de pauvres familles ; frêle couverture, en harmonie avec la vie de l’homme, et qui ne dure pas plus que nos jours.

 

Ces lieux ont même une certaine beauté qui leur est propre : frontière de la terre et de l’eau, ils ont des végétaux, des sites et des habitants particuliers : tout y participe du mélange des deux éléments. Les glaïeuls tiennent le milieu entre l’herbe et l’arbuste, entre le poireau des mers et la plante terrestre ; quelques-uns des insectes fluviatiles ressemblent à de petits oiseaux : quand la demoiselle, avec son corsage bleu et ses ailes transparentes, se repose sur la fleur du nénuphar blanc, on croirait voir l’oiseau-mouche des Florides sur une rose de magnolia. En automne, ces marais sont plantés de joncs desséchés, qui donnent à la stérilité même l’air des plus opulentes moissons ; au printemps, ils présentent des bataillons de lances verdoyantes. Un bouleau, un saule isolé où la brise a suspendu quelques flocons de plumes, domine ces mouvantes campagnes ; le vent glissant sur ces roseaux incline tour à tour leurs cimes : l’une s’abaisse, tandis que l’autre se relève ; puis soudain, toute la forêt venant à se courber à la fois, on découvre ou le butor doré, ou le héron blanc, qui se tient immobile sur une longue patte comme sur un épieu.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre X - Amphibies et reptiles

 

Bassin rustique, Bernard Palissy (1510, Agen - 1590, Paris)

Bassin rustique, Bernard Palissy (1510, Agen - 1590, Paris)

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 12:00

Les migrations sont plus fréquentes dans la classe des poissons et des oiseaux que dans celle des quadrupèdes, à cause de la multiplicité des premiers et de la facilité de leurs voyages à travers deux éléments qui enveloppent la terre ; il n’y a d’étonnant que la manière dont ils abordent, sans s’égarer, aux rivages qu’ils cherchent.

 

On conçoit qu’un animal chassé par la faim abandonne le pays qu’il habite, en quête de nourriture et d’abri ; mais conçoit-on que la matière le fasse aller ici plutôt que là, et le conduise, avec une exactitude miraculeuse, précisément au lieu où se trouvent cette nourriture et cet abri ? Pourquoi connaît-il les vents et les marées, les équinoxes et les solstices ? Nous ne doutons point que si les races voyageuses étaient un seul moment abandonnées à leur propre instinct, elles ne périssent presque toutes. Celles-ci, en voulant passer dans les latitudes froides, arriveraient sous les tropiques ; celles-là, en comptant se rendre à la ligne, se trouveraient sous le pôle. Nos rouge-gorge, au lieu de traverser l’Alsace et la Germanie, en cherchant de petits insectes, deviendraient eux-mêmes en Afrique la proie de quelque énorme scarabée ; le Groënlandais entendrait une plainte sortir des rochers et verrait un oiseau grisâtre chanter et mourir : ce serait la pauvre Philomèle.

 

Dieu ne permet pas de pareilles méprises. Tout a ses convenances et ses rapports dans la nature : aux fleurs les zéphyrs, aux hivers les tempêtes, au cœur de l’homme la douleur. Les plus habiles pilotes manqueront longtemps le port désiré avant que le poisson se trompe sur la longitude du moindre des écueils de l’abîme : la Providence est son étoile polaire, et quelque part qu’il se dirige il aperçoit toujours cet astre, qui ne se couche jamais.

 

L’univers est comme une immense hôtellerie, où tout est en mouvement. On en voit sortir, on y voit entrer une multitude de voyageurs. Il n’y a peut-être rien de plus beau, dans les migrations des quadrupèdes, que les bisons à travers les savanes de la Louisiane et du Nouveau-Mexique. Quand le temps de changer de climat est venu, pour aller porter l’abondance à des peuples sauvages, quelque buffle, conducteur des troupeaux du désert, appelle autour de lui ses fils et ses filles. Le rendez-vous est au bord du Meschacebé ; l’instant de la marche est fixé vers la fin du jour. La troupe s’assemble, le moment arrive. Le chef, secouant sa crinière, qui pend de toutes parts sur ses yeux et ses cornes recourbées, salue le soleil couchant en baissant la tête et en élevant son dos comme une montagne ; un bruit sourd, signal du départ, sort en même temps de sa profonde poitrine, et tout à coup il plonge dans les vagues écumantes, suivi de la multitude des génisses et des taureaux qui mugissent d’amour après lui.

 

Tandis que cette puissante famille de quadrupèdes traverse à grand bruit les fleuves et les forêts, une flotte paisible, sur un lac solitaire, vogue en silence à la faveur des zéphyrs et à la clarté des étoiles. De petits écureuils noirs, après avoir dépouillé les noyers du voisinage, se sont résolus à chercher fortune et à s’embarquer pour une autre forêt. Aussitôt, élevant leur queue et déployant au vent cette voile de soie, la race hardie tente fièrement l’inconstance des ondes, pirates imprudents que l’amour des richesses transporte. La tempête se lève, la flotte va périr. Elle essaye de gagner le havre prochain ; mais quelquefois une armée de castors s’oppose à la descente, dans la crainte que ces étrangers ne viennent piller les moissons. En vain les légers escadrons débarqués sur la rive se sauvent en montant sur les arbres et insultent du haut de ces remparts à la marche pesante des ennemis. Le génie l’emporte sur la ruse : des sapeurs s’avancent, minent le chêne, et le font tomber avec tous ses écureuils, comme une tour chargée de soldats, abattue par le bélier antique.

 

Il arrive bien d’autres malheurs à nos aventuriers, qui s’en consolent avec quelques fruits et quelques jeux. Athènes, prise par les Lacédémoniens, n’en fut ni moins aimable ni moins frivole. En remontant la rivière du nord, sur le paquebot de New-York à Albany, nous vîmes un de ces infortunés qui essayait inutilement de traverser le fleuve. On le retira de l’eau à demi noyé ; il était charmant, d’un noir d’ébène, et sa queue avait deux fois la longueur de son corps ; il fut rendu à la vie, mais il perdit la liberté : une jeune passagère en fit son esclave.

 

Les rennes du nord de l’Europe, les caribous et les orignaux de l’Amérique septentrionale ont leur temps de migrations toujours correspondant aux besoins de l’homme. Il n’y a pas jusqu’aux ours blancs de Terre- Neuve, dont la fourrure est si nécessaire aux Esquimaux, qui ne soient envoyés à ces sauvages par une Providence miraculeuse. Ces monstres marins abordent aux côtes du Labrador, sur des glaces flottantes ou sur des débris de navire, où ils se tiennent comme de forts matelots sauvés du naufrage.

 

Les éléphants voyagent aussi en Asie ; la terre tremble sous leurs pas, et cependant il n’y a rien à craindre : chaste, intelligent, sensible, Behmot est doux parce qu’il est fort, paisible parce qu’il est puissant. Premier serviteur de l’homme, et non son esclave, il tient le second rang dans l’ordre de la création : après la chute originelle, les animaux s’éloignèrent du toit de l’homme ; mais on pourrait croire que les éléphants, naturellement généreux, se retirèrent avec le plus de regret, car ils sont toujours restés aux environs du berceau du monde. Ils sortent de temps en temps de leur désert, et s’avancent vers un pays habité, afin de remplacer leurs compagnons morts, sans se reproduire, au service des fils d’Adam.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre IX - Suite des migrations. — Quadrupèdes

 

Le bouc émissaire, William Holman Hunt (Londres,1827 - 1910)

Le bouc émissaire, William Holman Hunt (Londres,1827 - 1910)

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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 12:00

Les oies, les sarcelles, les canards, étant de race domestique, habitent partout où il peut y avoir des hommes. Les navigateurs ont trouvé des bataillons innombrables de ces oiseaux jusque sous le pôle antarctique et sur les côtes de la Nouvelle-Zélande. Nous en avons rencontré nous-même des milliers depuis le golfe Saint-Laurent jusqu’à la pointe de l’isthme de la Floride. Nous vîmes un jour aux Açores une compagnie de sarcelles bleues, que la lassitude contraignit de s’abattre sur un figuier. Cet arbre n’avait point de feuilles, mais il portait des fruits rouges enchaînés deux à deux comme des cristaux. Quand il fut couvert de cette nuée d’oiseaux, qui laissaient pendre leurs ailes fatiguées, il offrit un spectacle singulier : les fruits paraissaient d’une pourpre éclatante sur les rameaux ombragés, tandis que l’arbre, par un prodige, semblait avoir poussé tout à coup un feuillage d’azur.

 

Les oiseaux de mer ont des lieux de rendez-vous, où ils semblent délibérer en commun des affaires de leur république : c’est ordinairement un écueil au milieu des flots. Nous allions souvent nous asseoir, dans l’île Saint-Pierre, sur la côte opposée à une petite île que les habitants ont appelée le Colombier, parce qu’elle en a la forme et qu’on y vient chercher des œufs au printemps.

 

La multitude des oiseaux rassemblés sur ce rocher était si grande, que souvent nous distinguions leurs cris pendant le mugissement des tempêtes. Ces oiseaux avaient des voix extraordinaires, comme celles qui sortaient des mers ; si l’Océan a sa Flore, il a aussi sa Philomèle : lorsqu’au coucher du soleil le courlis siffle sur la pointe d’un rocher et que le bruit sourd des vagues l’accompagne, c’est une des harmonies les plus plaintives qu’on puisse entendre ; jamais l’épouse de Céix n’a rempli de tant de douleurs les rivages témoins de ses infortunes.

 

Une parfaite intelligence régnait dans la république du Colombier. Aussitôt qu’un citoyen était né, sa mère le précipitait dans les vagues, comme ces peuples barbares qui plongeaient leurs enfants dans les fleuves, pour les endurcir contre les fatigues de la vie. Des courriers partaient sans cesse de cette Tyr avec des gardes nombreuses, qui, par ordre de la Providence, se dispersaient sur les mers pour secourir les vaisseaux. Les uns se placent à quarante ou cinquante lieues d’une terre inconnue, et deviennent un indice certain pour le pilote qui les découvre flottants sur l’onde comme les bouées d’une ancre ; d’autres se cantonnent sur un récif, et, sentinelles vigilantes, élèvent pendant la nuit une voix lugubre, pour écarter les navigateurs ; d’autres encore, par la blancheur de leur plumage, sont de véritables phares sur la noirceur des rochers. Nous présumons que c’est pour la même raison que la bonté de Dieu a rendu l’écume des flots phosphorique, et toujours plus éclatante parmi les brisants, en raison de la violence de la tempête : beaucoup de vaisseaux périraient dans les ténèbres sans ces fanaux miraculeux allumés par la Providence sur les écueils.

 

Tous les accidents des mers, le flux et le reflux, le calme et l’orage, sont prédits par les oiseaux. La mauve descend sur une grève, retire son cou dans sa plume, cache une patte dans son duvet, et, se tenant immobile sur l’autre, avertit le pêcheur de l’instant où les vagues se lèvent ; l’alouette marine, qui court le long du flot en poussant un cri doux et triste, annonce au contraire le moment du reflux ; enfin, les procellarias s’établissent au milieu de l’Océan. Compagnes des mariniers, elles suivent la course des navires et prophétisent la tempête. Le matelot leur attribue quelque chose de sacré, et leur donne religieusement l’hospitalité quand le vent les jette à bord ; c’est de même que le laboureur respecte le rouge-gorge, qui lui prédit les beaux jours, et c’est ainsi qu’il les reçoit sous son toit de chaume pendant les rigueurs de l’hiver. Ces hommes malheureux, placés dans les deux conditions les plus dures de la vie, ont des amis que leur a préparés la Providence ; ils trouvent dans un être faible le conseil ou l’espérance, qu’ils chercheraient souvent en vain chez leurs semblables. Ce commerce de bienfaits entre de petits oiseaux et des hommes infortunés est un de ces traits touchants qui abondent dans les œuvres de Dieu. Entre le rouge-gorge et le laboureur, entre la procellaria et le matelot, il y a une ressemblance de mœurs et de destinées tout à fait attendrissante. Oh ! que la nature est sèche expliquée par des sophistes ! mais combien elle paraît pleine et fertile aux cœurs simples qui n’en recherchent les merveilles que pour glorifier le Créateur !

 

Si le temps et le lieu nous le permettaient, nous aurions bien d’autres migrations à peindre, bien d’autres secrets de la Providence à révéler. Nous parlerions des grues des Florides, dont les ailes rendent des sons si harmonieux, et qui font de si beaux voyages au-dessus des lacs, des savanes, des cyprières et des bocages d’orangers et de palmiers ; nous montrerions le pélican des bois, visitant les morts de la solitude, ne s’arrêtant qu’aux cimetières indiens et aux monts des tombeaux ; nous rapporterions les raisons de ces migrations, toujours relatives à l’homme ; nous dirions les vents, les saisons que les oiseaux choisissent pour changer de climat, les aventures qu’ils éprouvent, les obstacles qu’ils ont à surmonter, les naufrages qu’ils font ; comment ils abordent quelquefois loin du pays qu’ils cherchent, sur des côtes inconnues ; comment ils périssent en passant sur des forêts embrasées par la foudre ou sur des plaines où les sauvages ont mis le feu.

 

Dans les premiers âges du monde, c’était sur la floraison des plantes, sur la chute des feuilles, sur le départ et l’arrivée des oiseaux que les laboureurs et les bergers réglaient leurs travaux. De là l’art de la divination chez certains peuples : on supposa que les animaux qui prédisaient les saisons et les tempêtes ne pouvaient être que les interprètes de la Divinité. Les anciens naturalistes et les poètes (à qui nous sommes redevables du peu de simplicité qui reste encore parmi nous) nous montrent combien était merveilleuse cette manière de compter par les fastes de la nature, et quel charme elle répandait sur la vie. Dieu est un profond secret ; l’homme, créé à son image, est pareillement incompréhensible : c’était donc une ineffable harmonie de voir les périodes de ses jours réglées par des horloges aussi mystérieuses que lui-même.

 

Sous les tentes de Jacob ou de Booz, l’arrivée d’un oiseau mettait tout en mouvement ; le patriarche faisait le tour de son champ, à la tête de ses serviteurs, armés de faucilles. Si le bruit se répandait que les petits de l’alouette avaient été vus voltigeant, à cette grande nouvelle tout un peuple, sur la foi de Dieu, commençait avec joie la moisson. Ces aimables signes, en dirigeant les soins de la saison présente, avaient l’avantage de prédire les vicissitudes de la saison prochaine. Les oies et les sarcelles arrivaient-elles en abondance, on savait que l’hiver serait long. La corneille commençait-elle à bâtir son nid au mois de janvier, les pasteurs espéraient en avril les roses de mai. Le mariage d’une jeune fille, au bord d’une fontaine, avait tel rapport avec l’épanouissement d’une plante ; et les vieillards, qui meurent ordinairement en automne, tombaient avec les glands et les fruits mûrs. Tandis que le philosophe, tronquant ou allongeant l’année, promenait l’hiver sur le gazon du printemps, le laboureur ne craignait point que l’astronome qui lui venait du ciel se trompât. Il savait que le rossignol ne prendrait point le mois des frimas pour celui des fleurs et ne ferait point entendre au solstice d’hiver les chansons de l’été. Aussi les soins, les jeux, les plaisirs de l’homme champêtre étaient déterminés non par le calendrier incertain d’un savant, mais par les calculs infaillibles de celui qui a tracé la route du soleil. Ce souverain Régulateur voulut lui-même que les fêtes de son culte fussent assujetties aux simples époques empruntées de ses propres ouvrages, et dans ces jours d’innocence, selon les saisons et les travaux, c’était la voix du zéphyr ou de la tempête, de l’aigle ou de la colombe, qui appelait l’homme au temple du Dieu de la nature.

 

Nos paysans se servent encore quelquefois de ces tables charmantes où sont gravés les temps des travaux rustiques. Les peuples de l’Inde en font le même usage, et les nègres et les sauvages américains gardent cette manière de compter. Un Siminole de la Floride vous dit : "La fille s’est mariée à l’arrivée du colibri. — L’enfant est mort quand la non-pareille a mué. — Cette mère a autant de fils qu’il y a d’œufs dans le nid du pélican."

 

Les sauvages du Canada marquent la sixième heure du soir par le moment où les ramiers boivent aux sources, et les sauvages de la Louisiane par celui où l’éphémère sort des eaux. Le passage des divers oiseaux règle la saison des chasses, et le temps des récoltes du maïs, du sucre d’érable, de la folle avoine, est annoncé par certains animaux qui ne manquent jamais d’accourir à l’heure du banquet.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre VIII - Oiseaux des mers ; comment utiles à l’homme. Que les migrations des oiseaux servaient de calendrier aux laboureurs dans les anciens jours

 

Paysage avec un laboureur, Théodore Rousseau  (1812, Paris - 1867, Barbizon)

Paysage avec un laboureur, Théodore Rousseau (1812, Paris - 1867, Barbizon)

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 12:00

On connaît ces vers charmants de Racine le fils sur les migrations des oiseaux :

 

Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux,

Vont se réfugier dans des climats plus doux,

Ne laisseront jamais la saison rigoureuse

Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse.

Dans un sage conseil par les chefs assemblé,

Du départ général le grand jour est réglé ;

Il arrive : tout part ; le plus jeune peut-être

Demande, en regardant les lieux qui l’ont vu naître,

Quand viendra ce printemps par qui tant d’exilés

Dans les champs paternels se verront rappelés.

 

Nous avons vu quelques infortunés à qui ce dernier trait faisait venir les larmes aux yeux. Il n’en est pas des exils que la nature prescrit comme des exils commandés par des hommes. L’oiseau n’est banni un moment que pour son bonheur ; il part avec ses voisins, avec son père et sa mère, avec ses sœurs et ses frères ; il ne laisse rien après lui : il emporte tout son cœur. La solitude lui a préparé le vivre et le couvert ; les bois ne sont point armés contre lui : il retourne enfin mourir aux bords qui l’ont vu naître ; il y retrouve le fleuve, l’arbre, le nid, le soleil paternel. Mais le mortel chassé de ses foyers y rentre-t-il jamais ? Hélas ! l’homme ne peut dire en naissant quel coin de l’univers gardera ses cendres, ni de quel côté le souffle de l’adversité les portera. Encore si on le laissait mourir tranquille ! Mais, aussitôt qu’il est malheureux, tout le persécute ; l’injustice particulière dont il est l’objet devient une injustice générale. Il ne trouve pas, ainsi que l’oisiveté, l’hospitalité sur la route : il frappe, et l’on n’ouvre pas ; il n’a pour appuyer ses os fatigués que la colonne du chemin public ou la borne de quelque héritage. Souvent même on lui dispute ce lieu de repos, qui placé entre deux champs semblait n’appartenir à personne ; on le force à continuer sa route vers de nouveaux déserts : le ban qui l’a mis hors de son pays semble l’avoir mis hors du monde. Il meurt, et il n’a personne pour l’ensevelir. Son corps gît délaissé sur un grabat, d’où le juge est obligé de le faire enlever, non comme le corps d’un homme, mais comme une immondice dangereuse aux vivants. Ah ! plus heureux lorsqu’il expire dans quelque fossé au bord d’une grande route, et que la charité du Samaritain jette en passant un peu de terre étrangère sur ce cadavre ! N’espérons donc que dans le ciel, et nous ne craindrons plus l’exil : il y a dans la religion toute une patrie.

 

Tandis qu’une partie de la création publie chaque jour aux mêmes lieux les louanges du Créateur, une autre partie voyage pour raconter ses merveilles. Des courriers traversent les airs, se glissent dans les eaux, franchissent les monts et les vallées. Ceux-ci arrivent sur les ailes du printemps, et bientôt, disparaissant avec les zéphyrs, suivent de climat en climat leur mobile patrie ; ceux-là s’arrêtent à l’habitation de l’homme : voyageurs lointains, ils réclament l’antique hospitalité. Chacun suit son inclination dans le choix d’un hôte : le rouge-gorge s’adresse aux cabanes ; l’hirondelle frappe aux palais : cette fille de roi semble encore aimer les grandeurs, mais les grandeurs tristes, comme sa destinée ; elle passe l’été aux ruines de Versailles et l’hiver à celles de Thèbes.

 

A peine a-t-elle disparu, qu’on voit s’avancer sur les vents du nord une colonie qui vient remplacer les voyageurs du midi, afin qu’il ne reste aucun vide dans nos campagnes. Par un temps grisâtre d’automne, lorsque la bise souffle sur les champs, que les bois perdent leurs dernières feuilles, une troupe de canards sauvages, tous rangés à la file, traversent en silence un ciel mélancolique. S’ils aperçoivent du haut des airs quelque manoir gothique environné d’étangs et de forêts, c’est là qu’ils se préparent à descendre : ils attendent la nuit, et font des évolutions au-dessus des bois. Aussitôt que la vapeur du soir enveloppe la vallée, le cou tendu et l’aile sifflante, ils s’abattent tout à coup sur les eaux, qui retentissent. Un cri général, suivi d’un profond silence, s’élève dans les marais. Guidés par une petite lumière, qui peut-être brille à l’étroite fenêtre d’une tour, les voyageurs s’approchent des murs à la faveur des roseaux et des ombres. Là, battant des ailes et poussant des cris par intervalles, au milieu du murmure des vents et des pluies, ils saluent l’habitation de l’homme.

 

Un des plus jolis habitants de ces retraites, mais dont les pèlerinages sont moins lointains, c’est la poule d’eau. Elle se montre au bord des joncs, s’enfonce dans leur labyrinthe, reparaît et disparaît encore en poussant un petit cri sauvage : elle se promène dans les fossés du château ; elle aime à se percher sur les armoiries sculptées dans les murs. Quand elle s’y tient immobile, on la prendrait, avec son plumage noir et le cachet blanc de sa tête, pour un oiseau en blason tombé de l’écu d’un ancien chevalier. Aux approches du printemps, elle se retire à des sources écartées. Une racine de saule mince par les eaux lui offre un asile ; elle s’y dérobe à tous les yeux. Le convolvulus, les mousses, les capillaires d’eau, suspendent devant son nid des draperies de verdure ; le cresson et la lentille lui fournissent une nourriture délicate ; l’eau murmure doucement à son oreille ; de beaux insectes occupent ses regards, et les naïades du ruisseau, pour mieux cacher cette jeune mère, plantent autour d’elle leurs quenouilles de roseaux, chargées d’une laine empourprée.

 

Parmi ces passagers de l’aquilon, il s’en trouve qui s’habituent à nos mœurs et refusent de retourner dans leur patrie : les uns, comme les compagnons d’Ulysse, sont captivés par la douceur de quelques fruits ; les autres, comme les déserteurs du vaisseau de Cook, sont séduits par des enchanteresses qui les retiennent dans leurs îles. Mais la plupart nous quittent après un séjour de quelques mois : ils s’attachent aux vents et aux tempêtes qui ternissent l’éclat des flots et leur livrent la proie qui leur échapperait dans des eaux transparentes ; ils n’aiment que les retraites ignorées, et font le tour de la terre par un cercle de solitudes.

 

Ce n’est pas toujours en troupes que ces oiseaux visitent nos demeures. Quelquefois deux beaux étrangers, aussi blancs que la neige, arrivent avec les frimas : ils descendent au milieu des bruyères, dans un lieu découvert et dont on ne peut approcher sans être aperçu ; après quelques heures de repos, ils remontent sur les nuages. Vous courez à l’endroit d’où ils sont partis, et vous n’y trouvez que quelques plumes, seules marques de leur passage, que le vent a déjà dispersées. Heureux le favori des muses qui, comme le cygne, a quitté la terre sans y laisser d’autres débris et d’autres souvenirs que quelques plumes de ses ailes !

 

Des convenances pour les scènes de la nature, ou des rapports d’utilité pour l’homme, déterminent les différentes migrations des animaux. Les oiseaux qui paraissent dans les mois des tempêtes ont des voix tristes et des mœurs sauvages comme la saison qui les amène ; ils ne viennent point pour se faire entendre, mais pour écouter : il y a dans le sourd mugissement des bois quelque chose qui charme les oreilles. Les arbres qui balancent tristement leurs cimes dépouillées ne portent que de noires légions qui se sont associées pour passer l’hiver : elles ont leurs sentinelles et leurs gardes avancées ; souvent une corneille centenaire, antique sibylle du désert, se tient seule perchée sur un chêne avec lequel elle a vieilli : là, tandis que ses sœurs font silence, immobile et comme pleine de pensées, elle abandonne aux vents des monosyllabes prophétiques.

 

Il est remarquable que les sarcelles, les canards, les oies, les bécasses, les pluviers, les vanneaux, qui servent à notre nourriture, arrivent quand la terre est dépouillée, tandis que les oiseaux étrangers qui nous viennent dans la saison des fruits n’ont avec nous que des relations de plaisirs : ce sont des musiciens envoyés pour charmer nos banquets. Il en faut excepter quelques-uns, tels que la caille et le ramier, dont toutefois la chasse n’a lieu qu’après la récolte, et qui s’engraissent dans nos blés pour servir à notre table. Ainsi, les oiseaux du Nord sont la manne des aquilons, comme les rossignols sont les dons des zéphyrs : de quelque point de l’horizon que le vent souffle, il nous apporte un présent de la Providence.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre VII - Migration des Oiseaux. Oiseaux aquatiques ; leurs mœurs. Bonté de la Providence

 

Le Cygne menacé, Jan Asselyn (1610, Dieppe - 1652, Amsterdam)

Le Cygne menacé, Jan Asselyn (1610, Dieppe - 1652, Amsterdam)

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6 mars 2015 5 06 /03 /mars /2015 12:00

Une admirable Providence se fait remarquer dans les nids des oiseaux. On ne peut contempler sans être attendri cette bonté divine qui donne l’industrie au faible et la prévoyance à l’insouciant.

 

Aussitôt que les arbres ont développé leurs fleurs, mille ouvriers commencent leurs travaux. Ceux-ci portent de longues pailles dans le trou d’un vieux mur, ceux-là maçonnent des bâtiments aux fenêtres d’une église ; d’autres dérobent un crin à une cavale, ou le brin de laine que la brebis a laissé suspendu à la ronce. Il y a des bûcherons qui croisent des branches dans la cime d’un arbre ; il y a des filandières qui recueillent la soie sur un chardon. Mille palais s’élèvent, et chaque palais est un nid ; chaque nid voit des métamorphoses charmantes : un œuf brillant, ensuite un petit couvert de duvet. Ce nourrisson prend des plumes ; sa mère lui apprend à se soulever sur sa couche. Bientôt il va jusqu’à se pencher sur le bord de son berceau, d’où il jette un premier coup d’œil sur la nature. Effrayé et ravi, il se précipite parmi ses frères, qui n’ont point encore vu ce spectacle ; mais rappelé par la voix de ses parents, il sort une seconde fois de sa couche, et ce jeune roi des airs, qui porte encore la couronne de l’enfance autour de sa tête, ose déjà contempler le vaste ciel, la cime ondoyante des pins et les abîmes de verdure au-dessous du chêne paternel. Et pourtant, tandis que les forêts se réjouissent en recevant leur nouvel hôte, un vieil oiseau, qui se sent abandonné de ses ailes, vient s’abattre auprès d’un courant d’eau : là, résigné et solitaire, il attend tranquillement la mort au bord du même fleuve où il chanta ses amours et dont les arbres portent encore son nid et sa postérité harmonieuse.

 

C’est ici le lieu de remarquer une autre loi de la nature. Dans la classe des petits oiseaux, les œufs sont ordinairement peints d’une des couleurs dominantes du mâle. Le bouvreuil niche dans les aubépines, dans les groseilliers et dans les buissons de nos jardins : ses œufs sont ardoisés comme la chape de son dos. Nous nous rappelons avoir trouvé une fois un de ces nids dans un rosier ; il ressemblait à une conque de nacre contenant quatre perles bleues. Une rose pendait au-dessus, tout humide ; le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin, comme une fleur de pourpre et d’azur. Ces objets étaient répétés dans l’eau d’un étang avec l’ombrage d’un noyer, qui servait de fond à la scène, et derrière lequel on voyait se lever l’aurore. Dieu nous donna dans ce petit tableau une idée des grâces dont il a paré la nature.

 

Parmi les grands volatiles, la loi de la couleur des œufs varie. Nous soupçonnons qu’en général l’œuf est blanc chez les oiseaux où le mâle a plusieurs femelles, ou chez ceux dont le plumage n’a point de couleur fixe pour l’espèce. Dans les classes aquatiques et forestières, qui font leur nid les unes sur les mers, les autres dans la cime des arbres, l’œuf est communément d’un vert bleuâtre et pour ainsi dire teint des éléments dont il est environné. Certains oiseaux qui se cantonnent au haut des tours et dans les clochers ont des œufs verts comme les lierres ou rougeâtres comme les maçonneries qu’ils habitent. C’est donc une loi qui peut passer pour constante, que l’oiseau étale sur son œuf la livrée de ses amours et le symbole de ses mœurs et de ses destinées. On peut au seul aspect de ce monument fragile dire à peu près quel était le peuple auquel il a appartenu, quels étaient son costume, ses habitudes, ses goûts, s’il passait des jours de danger sur les mers, ou si, plus heureux, il menait une vie pastorale ; s’il était civilisé ou sauvage, habitant de la montagne ou de la vallée.

 

L’antiquaire des forêts s’appuie sur une science moins équivoque que celle de l’antiquaire des cités : un chêne exfolié ou chargé de mousse annonce bien mieux celui qui lui donna la croissance qu’une colonne en ruine ne dit quel fut l’architecte qui l’éleva. Les tombeaux, parmi les hommes, sont les feuillets de leur histoire ; la nature, au contraire, n’imprime que sur la vie : il ne lui faut ni granit, ni marbre, pour éterniser ce qu’elle écrit. Le temps a rongé les fastes des rois de Memphis sur leurs pyramides funèbres, et il n’a pu effacer une seule lettre de l’histoire que l’ibis égyptien porte gravée sur la coquille de son œuf.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre VI - Nids des oiseaux

 

Paysage avec oiseaux, Roelandt Savery (1576, Kortrijk - 1639, Utrecht)

Paysage avec oiseaux, Roelandt Savery (1576, Kortrijk - 1639, Utrecht)

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5 mars 2015 4 05 /03 /mars /2015 12:00

La nature a ses temps de solennité, pour lesquels elle convoque des musiciens des différentes régions du globe.

 

On voit accourir de savants artistes avec des sonates merveilleuses, de vagabonds troubadours qui ne savent chanter que des ballades à refrain, des pèlerins qui répètent mille fois les couplets de leurs longs cantiques. Le loriot siffle, l’hirondelle gazouille, le ramier gémit ; le premier, perché sur la plus haute branche d’un ormeau, défie notre merle, qui ne le cède en rien à cet étranger ; la seconde, sous un toit hospitalier, fait entendre son ramage confus ainsi qu’au temps d’Evandre ; le troisième, caché dans le feuillage d’un chêne, prolonge ses roucoulements, semblables aux sons onduleux d’un cor dans les bois ; enfin, le rouge-gorge répète sa petite chanson sur la porte de la grange où il a placé son gros nid de mousse. Mais le rossignol dédaigne de perdre sa voix au milieu de cette symphonie : il attend l’heure du recueillement et du repos, et se charge de cette partie de la fête qui se doit célébrer dans les ombres.

 

Lorsque les premiers silences de la nuit et les derniers murmures du jour luttent sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les bois et dans les vallées ; lorsque les forêts se taisent par degrés, que pas une feuille, pas une mousse ne soupire, que la lune est dans le ciel, que l’oreille de l’homme est attentive, le premier chantre de la création entonne ses hymnes à l’Éternel. D’abord il frappe l’écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants ; il saute du grave à l’aigu, du doux au fort ; il fait des pauses ; il est lent, il est vif : c’est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l’amour. Mais tout à coup la voix tombe, l’oiseau se tait. Il recommence ! Que ses accents sont changés ! quelle tendre mélodie ! Tantôt ce sont des modulations languissantes, quoique variées ; tantôt c’est un air un peu monotone, comme celui de ces vieilles romances françaises, chefs-d’œuvre de simplicité et de mélancolie. Le chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie : l’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un, mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur.

 

Ceux qui cherchent à déshériter l’homme, à lui arracher l’empire de la nature, voudraient bien prouver que rien n’est fait pour nous. Or, le chant des oiseaux, par exemple, est tellement commandé pour notre oreille, qu’on a beau persécuter les hôtes des bois, ravir leurs nids, les poursuivre, les blesser avec des armes ou dans des pièges, on peut les remplir de douleur, mais on ne peut les forcer au silence. En dépit de nous, il faut qu’ils nous charment, il faut qu’ils accomplissent l’ordre de la Providence. Esclaves dans nos maisons, ils multiplient leurs accords : il y a sans doute quelque harmonie cachée dans le malheur, car tous les infortunés sont enclins au chant. Enfin que des oiseleurs, par un raffinement barbare, crèvent les yeux à un rossignol, sa voix n’en devient que plus harmonieuse. Cet Homère des oiseaux gagne sa vie à chanter et compose ses plus beaux airs après avoir perdu la vue. "Démodocus, dit le poète de Chio, en se peignant sous les traits du chantre des Phéaciens, était le favori de la muse ; mais elle avait mêlé pour lui le bien et le mal, et l’avait rendu aveugle en lui donnant la douceur des chants."

 

L’oiseau semble le véritable emblème du chrétien ici-bas : il préfère, comme le fidèle, la solitude au monde, le ciel à la terre, et sa voix bénit sans cesse les merveilles du Créateur.

 

Il y a quelques lois relatives aux cris des animaux qui, ce nous semble, n’ont point encore été observées, et qui mériteraient bien de l’être. Le divers langage des hôtes du désert nous paraît calculé sur la grandeur ou le charme du lieu où ils vivent et sur l’heure du jour à laquelle ils se montrent. Le rugissement du lion, fort, sec, âpre, est en harmonie avec les sables embrasés où il se fait entendre ; tandis que le mugissement de nos bœufs charme les échos champêtres de nos vallées ; la chèvre a quelque chose de tremblant et de sauvage dans la voix, comme les rochers et les ruines où elle aime à se suspendre ; le cheval belliqueux imite les sons grêles du clairon, et, comme s’il sentait qu’il n’est point fait pour les soins rustiques, il se tait sous l’aiguillon du laboureur et hennit sous le frein du guerrier.

 

La nuit, tour à tour charmante et sinistre, a le rossignol et le hibou : l’un chante pour le zéphyr, les bocages, la lune, les amants ; l’autre pour les vents, les vieilles forêts, les ténèbres et les morts. Enfin, presque tous les animaux qui vivent de sang ont un cri particulier, qui ressemble à celui de leurs victimes : l’épervier glapit comme le lapin et miaule comme les jeunes chats ; le chat lui-même a une espèce de murmure semblable à celui des petits oiseaux de nos jardins ; le loup bêle, mugit ou aboie ; le renard glousse ou crie ; le tigre a le mugissement du taureau, et l’ours marin une sorte d’affreux râlement tel que le bruit des récifs battus de vagues où il cherche sa proie. Cette loi est fort étonnante, et cache peut-être un secret terrible. Observons que les monstres parmi les hommes suivent la loi des bêtes carnassières : plusieurs tyrans ont eu des traces de sensibilité sur le visage et dans la voix, et ils affectaient au dehors le langage des malheureux qu’ils songeaient intérieurement à déchirer : néanmoins la Providence n’a pas voulu qu’on s’y méprît tout à fait, et pour peu qu’on examine de près les hommes féroces, on trouve sous leurs feintes douceurs un air faux et dévorant, mille fois plus hideux que leur furie.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre V  - Chant des oiseaux ; qu’il est fait pour l’homme. Loi relative aux cris des animaux

 

Lion au repos, Rosa Bonheur (1822, Bordeaux - 1899, Thomery)

Lion au repos, Rosa Bonheur (1822, Bordeaux - 1899, Thomery)

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 12:00

Après avoir reconnu dans l’organisation des êtres un plan régulier, qu’on ne peut attribuer au hasard et qui suppose un ordonnateur, il nous reste à examiner d’autres causes finales, qui ne sont ni moins fécondes ni moins merveilleuses que les premières.

 

Ici nous ne suivrons personne. Nous avions consacré à l’histoire naturelle des études que nous n’eussions jamais suspendues, si la Providence ne nous eût appelé à d’autres travaux. Nous voulions opposer une Histoire Naturelle Religieuse à ces livres scientifiques modernes où l’on ne voit que la matière. Pour qu’on ne nous reprochât pas dédaigneusement notre ignorance, nous avions pris le parti de voyager et de voir tout par nous-même. Nous rapporterons donc quelques-unes de nos observations sur les instincts des animaux et des plantes, sur leurs habitudes, leurs migrations, leurs amours, etc. : le champ de la nature ne peut s’épuiser, et l’on y trouve toujours des moissons nouvelles. Ce n’est point dans une ménagerie où l’on tient en cage les secrets de Dieu qu’on apprend à connaître la sagesse divine : il faut l’avoir surprise, cette sagesse, dans les déserts, pour ne plus douter de son existence ; on ne revient point impie des royaumes de la solitude, regna solitudinis ; malheur au voyageur qui aurait fait le tour du globe, et qui rentrerait athée sous le toit de ses pères !

 

Nous l’avons visitée au milieu de la nuit, la vallée solitaire habitée par des castors, ombragée par des sapins et rendue toute silencieuse par la présence d’un astre aussi paisible que le peuple dont elle éclairait les travaux. Et je n’aurais vu dans cette vallée aucune trace de l’Intelligence divine ! Qui donc aurait mis l’équerre et le niveau dans l’œil de cet animal qui sait bâtir une digue en talus du côté des eaux et perpendiculaire sur le flanc opposé ? Savez-vous le nom du physicien qui a enseigné à ce singulier ingénieur les lois de l’hydraulique, qui l’a rendu si habile avec ses deux dents incisives et sa queue aplatie ? Réaumur n’a jamais prédit les vicissitudes des saisons avec l’exactitude de ce castor, dont les magasins, plus ou moins abondants, indiquent au mois de juin le plus ou le moins de durée des glaces de janvier. A force de disputer à Dieu ses miracles, on est parvenu à frapper de stérilité l’œuvre entière du Tout-Puissant ; les athées ont prétendu allumer le feu de la nature à leur haleine glacée, et ils n’ont fait que l’éteindre ; en soufflant sur le flambeau de la création, ils ont versé sur lui les ténèbres de leur sein.

 

D’autres instincts, plus communs et que nous pouvons observer chaque jour, n’en sont pas moins merveilleux. La poule si timide, par exemple, devient aussi courageuse qu’un aigle quand il faut défendre ses poussins. Rien n’est plus intéressant que ses alarmes lorsque, trompée par les trésors d’un autre nid, de petits étrangers lui échappent et courent se jouer dans une eau voisine. La mère, effrayée rôde autour du bassin, bat des ailes, rappelle l’imprudente couvée ; elle marche précipitamment, s’arrête, tourne la tête avec inquiétude, et ne cesse de s’agiter qu’elle n’ait recueilli dans son sein la famille boiteuse et mouillée qui va bientôt la désoler encore.

 

Entre ces divers instincts que le Maître du monde a répartis dans la nature, un des plus étonnants sans doute, c’est celui qui amène chaque année les poissons du pôle aux douces latitudes de nos climats : ils viennent, sans s’égarer dans la solitude de l’Océan, trouver à jour nommé le fleuve où doit se célébrer leur hymen. Le printemps prépare sur nos bords la pompe nuptiale ; il couronne les saules de verdure, il étend des lits de mousse dans les grottes et déploie les feuilles du nénuphar sur les ondes, pour servir de rideaux à ces couches de cristal. A peine ces préparatifs sont-ils achevés, qu’on voit paraître les légions émaillées. Ces navigateurs étrangers animent tous nos rivages : les uns, comme de légères bulles d’air, remontent perpendiculairement du fond des eaux ; les autres se balancent mollement sur les vagues, ou divergent d’un centre commun, comme d’innombrables traits d’or ; ceux-ci dardent obliquement leurs formes glissantes à travers l’azur fluide ; ceux-là dorment dans un rayon de soleil qui pénètre la gaze argentée des flots. Tous s’égarent, reviennent, nagent, plongent, circulent, se forment en escadron, se séparent, se réunissent encore ; et l’habitant des mers, inspiré par un souffle de vie, suit en bondissant la trace de feu que sa compagne a laissée pour lui dans les ondes.

 

 

CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme ; Première Partie - Dogmes et doctrines ; Livre 5 - Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ; Chapitre IV - Instinct des Animaux

 

La création des animaux, Le Tintoret

La création des animaux, Le Tintoret

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