La mission de transporter à peu de frais la population n’est pas la seule qu’ait acceptée l’entreprise générale.
Son cahier des charges lui impose une condition onéreuse. Elle doit, en hiver, concourir à l’enlèvement des neiges et «mettre gratuitement à la disposition des ingénieurs du service municipal cinquante tombereaux par jour, attelés de deux forts chevaux guidés par un conducteur ou un charretier». De plus, l’octroi met sur elle une main pesante, car tous ses dépôts, sauf ceux de Courbevoie, de Vincennes et de la barrière de Fontainebleau, doivent être situés dans l’intérieur de Paris ; c’est un lourd impôt, quand on consomme par an pour plusieurs millions de fourrages. La taxe annuelle de l’octroi représente une dépense de près de 600 000 francs, à raison de 60 francs par cheval.
La Compagnie générale des voitures et l’entreprise des omnibus sont aujourd’hui deux organes essentiels de la vie de Paris ; elles représentent la locomotion rapide et facile. Ces deux services, entourés par l’autorité de toutes les garanties désirables, améliorés chaque jour par les efforts des administrateurs, sont devenus pour les Parisiens un objet de première nécessité. À toute heure, quelque temps qu’il fasse, nous trouvons à notre disposition ces véhicules nombreux qui épargnent nos heures, notre fatigue, et aident singulièrement aux transactions de toute espèce. Paris sans voitures serait paralysé et ne pourrait plus se mouvoir. Elles sont assez multipliées pour subvenir même à toutes les fantaisies, et le temps est loin où Henri IV écrivait à Sully : «Je ne pourrai aller vous voir aujourd’hui, ma femme m’a pris mon coche.»
Et cependant, lorsqu’un fait exceptionnel amène à Paris un surcroît d’étrangers et détermine vers un point excentrique une affluence extraordinaire, les moyens de transport sont insuffisants et ne répondent plus à l’exigence démesurée des besoins. C’est en vain que la Compagnie générale jette sa réserve sur le pavé, que l’entreprise des omnibus invente des voitures spéciales, que les bateaux à vapeur sillonnent la Seine, que les chemins de fer ouvrent leurs wagons au public, qu’on va chercher sous les remises des faubourgs toutes les tapissières qu’on peut y découvrir, les véhicules manquent.
La population se plaint avec amertume, sans réfléchir que des administrations régulières et définitives ne peuvent faire face à toutes les éventualités créées par des circonstances transitoires et anormales. C’est ce que nous avons vu à propos de l’Exposition universelle. Le nombre des voitures n’était plus en rapport avec les nécessités du moment, et les cochers semblaient être devenus les maîtres de Paris.
Selon l’usage français, on a accusé l’autorité de négligence ; il faut voir cependant ce qu’elle a fait.
Maxime Du Camp, Les voitures publiques dans la ville de Paris, Revue des Deux Mondes, 1867