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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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SALVE REGINA

19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 11:30

J’attendais avec impatience le moment de mon départ pour Jérusalem.

 

Le 3 octobre, à quatre heures de l’après-midi, mes domestiques se revêtirent de sayons de poils de chèvre, fabriqués dans la Haute-Égypte, et tels que les portent les Bedouins ; je mis par-dessus mon habit une robe semblable à celle de Jean et de Julien, et nous montâmes sur de petits chevaux. Des bâts nous servaient de selles. Nous avions les pieds passés dans des cordes en guise d’étriers. Le président de l’hospice marchait à notre tête, comme un simple frère. Un Arabe presque nu nous montrait le chemin, et un autre Arabe nous suivait, chassant devant lui un âne chargé de nos bagages. Nous sortîmes par les derrières du couvent, et nous gagnâmes la porte de la ville, du côté du midi, à travers les décombres des maisons détruites dans les derniers sièges. Nous cheminâmes d’abord au milieu des jardins, qui devaient être charmants autrefois : le père Neret et M. de Volney en ont fait l’éloge. Ces jardins ont été ravagés par les différents partis qui se sont disputé les ruines de Jaffa : mais il y reste encore des grenadiers, des figuiers de Pharaon, des citronniers, quelques palmiers, des buissons de nopals, et des pommiers, que l’on cultive aussi dans les environs de Gaza, et même au couvent du mont Sinaï.
 
Nous nous avançâmes dans la plaine de Saron, dont l’Ecriture loue la beauté. Quand le père Neret y passa, au mois d’avril 1713, elle était couverte de tulipes. "La variété de leur couleur, dit-il, forme un agréable parterre". Les fleurs qui couvrent au printemps cette campagne célèbre sont les roses blanches et roses, le narcisse, l’anémone, les lis blancs et jaunes, les giroflées, et une espèce d’immortelle très odorante. La plaine s’étend le long de la mer, depuis Gaza au midi jusqu’au mont Carmel au nord. Elle est bornée au levant par les montagnes de Judée et de Samarie. Elle n’est pas d’un niveau égal : elle forme quatre plateaux, qui sont séparés les uns des autres par un cordon de pierres nues et dépouillées. Le sol est une arène fine, blanche et rouge, et qui paraît, quoique sablonneuse, d’une extrême fertilité. Mais, grâce au despotisme musulman, ce sol n’offre de toutes parts que des chardons, des herbes sèches et flétries, entremêlées de chétives plantations de coton, de doura, d’orge et de froment. Çà et là paraissent quelques villages, toujours en ruine, quelques bouquets d’oliviers et de sycomores.

 

A moitié chemin de Rama à Jaffa, on trouve un puits indiqué par tous les voyageurs : l’abbé Mariti en fait l’histoire, afin d’avoir le plaisir d’opposer l’utilité d’un santon turc à l’inutilité d’un religieux chrétien. Près de ce puits on remarque un bois d’oliviers plantés en quinconce, et dont la tradition fait remonter l’origine au temps de Godefroy de Bouillon. On découvre de ce lieu Rama ou Ramlé, situé dans un endroit charmant, à l’extrémité d’un des plateaux ou des plis de la plaine. Avant d’y entrer nous quittâmes le chemin pour visiter une citerne, ouvrage de la mère de Constantin. On y descend par vingt-sept marches ; elle a trente-trois pas de long sur trente de large ; elle est composée de vingt-quatre arches et reçoit les pluies par vingt-quatre ouvertures. De là, à travers une forêt de nopals, nous nous rendîmes à la tour des Quarante-Martyrs, aujourd’hui le minaret d’une mosquée abandonnée, autrefois le clocher d’un monastère dont il reste d’assez belles ruines : ces ruines consistent en des espèces de portiques assez semblables à ceux des écuries de Mécène à Tibur ; ils sont remplis de figuiers sauvages. On veut que Joseph, la Vierge et l’Enfant se soient arrêtés dans ce lieu lors de la fuite en Égypte : ce lieu certainement serait charmant pour y peindre le repos de la sainte Famille ; le génie de Claude Lorrain semble avoir deviné ce paysage, à en juger par son admirable tableau du palais Doria à Rome.
 
Sur la porte de la tour on lit une inscription arabe rapportée par M. de Volney : tout près de là est une antiquité miraculeuse décrite par Muratori.
 
Après avoir visité ces ruines, nous passâmes près d’un moulin abandonné : M. de Volney le cite comme le seul qu’il eût vu en Syrie ; il y en a plusieurs autres aujourd’hui. Nous descendîmes à Rama, et nous arrivâmes à l’hospice des moines de Terre Sainte. Ce couvent avait été saccagé cinq années auparavant, et l’on me montra le tombeau d’un des frères qui périt dans cette occasion. Les religieux venaient enfin d’obtenir, avec beaucoup de peine, la permission de faire à leur monastère les réparations les plus urgentes.
 
De bonnes nouvelles m’attendaient à Rama.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte 

 

Landscape with the Rest on the Flight into Egypt

Paysage avec le repos de la fuite en Egypte, Claude Le Lorrain 

 

" Ces ruines consistent en des espèces de portiques assez semblables à ceux des écuries de Mécène à Tibur ; ils sont remplis de figuiers sauvages. On veut que Joseph, la Vierge et l’Enfant se soient arrêtés dans ce lieu lors de la fuite en Égypte : ce lieu certainement serait charmant pour y peindre le repos de la sainte Famille ; le génie de Claude Lorrain semble avoir deviné ce paysage, à en juger par son admirable tableau du palais Doria à Rome." 

 

Landscape with the Rest on the Flight into Egypt (detail)

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 11:30

Ce fut à regret que je m’arrachai au spectacle de cette mer qui réveille tant de souvenirs ; mais il fallut céder au sommeil.
 
Le Père Juan de la Conception, curé de Jaffa et président de l’hospice, arriva le lendemain matin, 2 octobre. Je voulais parcourir la ville et rendre visite à l’aga, qui m’avait envoyé complimenter ; le président me détourna de ce dessein :  
" Vous ne connaissez pas ces gens-ci, me dit-il ; ce que vous prenez pour une politesse est un espionnage. On n’est venu vous saluer que pour savoir qui vous êtes, si vous êtes riche, si on peut vous dépouiller. Voulez-vous voir l’aga, il faudra d’abord lui porter des présents : il ne manquera pas de vous donner malgré vous une escorte pour Jérusalem ; l’aga de Rama augmentera cette escorte ; les Arabes, persuadés qu’un riche Franc va en pèlerinage au Saint-Sépulcre, augmenteront les droits de Caffaro ou vous attaqueront. A la porte de Jérusalem, vous trouverez le camp du pacha de Damas, qui est venu lever les contributions, avant de conduire la caravane à La Mecque : votre appareil donnera de l’ombrage à ce pacha et vous exposera à des avanies. Arrivé à Jérusalem, on vous demandera trois ou quatre mille piastres pour l’escorte. Le peuple, instruit de votre arrivée, vous assiégera de telle manière, qu’eussiez-vous des millions, vous ne satisferiez pas son avidité. Les rues seront obstruées sur votre passage, et vous ne pourrez entrer aux saints lieux sans courir les risques d’être déchiré. Croyez-moi, demain nous nous déguiserons en pèlerins et nous irons ensemble à Rama ; là je recevrai la réponse de mes exprès ; si elle est favorable, vous partirez dans la nuit, vous arriverez sain et sauf, à peu de frais, à Jérusalem."
 
Le père appuya son raisonnement de mille exemples, et en particulier de celui d’un évêque polonais, à qui un trop grand air de richesse pensa coûter la vie, il y a deux ans. Je ne rapporte ceci que pour montrer à quel degré la corruption, l’amour de l’or, l’anarchie et la barbarie sont poussés dans ce pays.
 
Je m’abandonnai donc à l’expérience de mes hôtes, et je me renfermai dans l’hospice, où je passai une agréable journée dans des entretiens paisibles. J’y reçus la visite de M. Contessini, qui aspirait au vice-consulat de Jaffa, et de MM. Damiens père et fils, Français d’origine, jadis établis auprès de Djezzar, à Saint-Jean-d’Acre. Ils me racontèrent des choses curieuses sur les derniers événements de la Syrie ; ils me parlèrent de la renommée que l’empereur et nos armes ont laissée au désert. Les hommes sont encore plus sensibles à la réputation de leur pays hors de leur pays que sous le toit paternel, et l’on a vu les émigrés français réclamer leur part des victoires qui semblaient les condamner à un exil éternel.
 
Je passai cinq jours à Jaffa à mon retour de Jérusalem, et je l’examinai dans le plus grand détail ; je ne devrais donc en parler qu’à cette époque ; mais, pour suivre l’ordre de ma marche, je placerai ici mes observations, d’ailleurs, après la description des saints lieux, il est probable que les lecteurs ne prendraient pas un grand intérêt à celle de Jaffa.
 
Jaffa s’appelait autrefois Joppé, ce qui signifie belle ou agréable, pulchritudo aut decor, dit Adrichomius. D’Anville dérive le nom actuel de Jaffa d’une forme primitive de Joppé, qui est Japho. Je remarquai qu’il y avait dans le pays des Hébreux une autre cité du nom de Jaffa, qui fut prise par les Romains : ce nom a peut-être été transporté ensuite à Joppé. S’il faut en croire les interprètes et Pline lui-même, l’origine de cette ville remonterait à une haute antiquité, puisque Joppé aurait été bâtie avant le déluge. On dit que ce fut à Joppé que Noé entra dans l’arche. Après la retraite des eaux, le patriarche donna en partage à Sem, son fils aîné, toutes les terres dépendantes de la ville fondée par son troisième fils Japhet. Enfin Joppé, selon les traditions du pays, garde la sépulture du second père du genre humain.
 
Selon Pococke, Shaw et peut-être d’Anville, Joppé tomba en partage à Ephraïm, et forma la partie occidentale de cette tribu, avec Ramlé et Lydda. Mais d’autres auteurs, entre autres Adrichomius, Roger, etc., placent Joppé sous la tribu de Dan. Les Grecs étendirent leurs fables jusqu’à ces rivages. Ils disaient que Joppé tirait son nom d’une fille d’Eole. Ils plaçaient dans le voisinage de cette ville l’aventure de Persée et d’Andromède. Scaurus, selon Pline, apporta de Joppé à Rome les os du monstre marin suscité par Neptune. Pausanias prétend qu’on voyait près de Joppé une fontaine où Persée lava le sang dont le monstre l’avait couvert : d’où il arriva que l’eau de cette fontaine demeura teinte d’une couleur rouge. Enfin, saint Jérôme raconte que de son temps on montrait encore à Joppé le rocher et l’anneau auxquels Andromède fut attachée.
 
Ce fut à Joppé qu’abordèrent les flottes d’Hyram, chargées de cèdres pour le temple, et que s’embarqua le prophète Jonas lorsqu’il fuyait devant la face du Seigneur. Joppé tomba cinq fois entre les mains des Egyptiens, des Assyriens et des différents peuples qui firent la guerre aux Juifs avant l’arrivée des Romains en Asie. Elle devint une des onze toparchies où l’idole Ascarlen était adorée. Judas Machabée brûla cette ville, dont les habitants avaient massacré deux cents Juifs. Saint Pierre y ressuscita Tabithe et y reçut chez Simon le corroyeur les hommes venus de Césarée. Au commencement des troubles de la Judée, Joppé fut détruite par Cestius. Des pirates en ayant relevé les murs, Vespasien la saccagea de nouveau et mit garnison dans la citadelle.
 
On a vu que Joppé existait encore environ deux siècles après, du temps de saint Jérôme, qui la nomme Japho. Elle passa avec toute la Syrie sous le joug des Sarrasins. On la retrouve dans les historiens des Croisades. L’anonyme qui commence la collection Gesta Dei per Francos raconte que, l’armée des croisés étant sous les murs de Jérusalem, Godefroy de Bouillon envoya Raymond Pilet, Achard de Mommellou et Guillaume de Sabran pour garder les vaisseaux génois et pisans arrivés au port de Jaffa : qui fideliter custodirent homines et naves in portu Japhiae. Benjamin de Tudèle en parle à peu près à cette époque sous le nom de Gapha : Quinque abhinc leucis est Gapha, olim Japho, aliis Joppe dicta, ad mare sita, ubi unus tandem Judaeus, isque lanae inficiendae artifex est. Saladin reprit Jaffa sur les croisés, et Richard Cœur de Lion l’enleva à Saladin. Les Sarrasins y rentrèrent, et massacrèrent les chrétiens. Mais lors du premier voyage de saint Louis en Orient elle n’était plus au pouvoir des infidèles, car elle était tenue par Gautier de Brienne, qui prenait le titre de comte de Japhe, selon l’orthographe du sire de Joinville :

Et quand le comte de Japhe vit que le roy venoit, il assorta et mist son chastel de Japhe en tel point, qu’il ressembloit bien une bonne ville deffensable ; car à chascun creneau de son chastel il y avoit bien cinq cents hommes, à tout chascun une targe et ung penoncel à ses armes. Laquelle chose estoit fort belle à veoir, car ses armes estoient de fin or, à une croix de gueules paltée faicte moult richement. Nous nous logeasmes aux champs tout à l’entour d’icelui chastel de Japhe qui estoit séant rez de la, mer et en une isle. Et fist commancer le roy à faire fermer et édifier une bourge tout à l’entour du chastel, dès l’une des mers jusques à l’autre, en ce qu’il y avait de terre.


Ce fut à Jaffa que la reine femme de saint Louis accoucha d’une fille nommée Blanche, et saint Louis reçut dans la même ville la nouvelle de la mort de sa mère. Il se jeta à genoux, et s’écria : "Je vous rends grâces, mon Dieu ! de ce que vous m’avez prêté madame ma chère mère, tant qu’il a plu à votre volonté ; et de ce que maintenant, selon votre bon plaisir, vous l’avez retirée à vous. Il est vrai que je l’aimais sur toutes les créatures du monde, et elle le méritait ; mais puisque vous me l’avez ôtée, votre nom soit béni éternellement."
 
Jaffa sous la domination des chrétiens avait un évêque suffragant du siège de Césarée. Quand les chevaliers eurent été contraints d’abandonner entièrement la Terre Sainte, Jaffa retomba avec toute la Palestine sous le joug des soudans d’Égypte, et ensuite sous la domination des Turcs.
 
Depuis cette époque jusqu’à nos jours on retrouve Joppé ou Jaffa dans tous les voyages à Jérusalem ; mais la ville, telle qu’on la voit aujourd’hui, n’a guère plus d’un siècle d’existence, puisque Monconys, qui visita la Palestine en 1647, ne trouva à Jaffa qu’un château et trois cavernes creusées dans le roc. Thévenot ajoute que les moines de Terre Sainte avaient élevé devant les cavernes des baraques de bois et que les Turcs contraignirent les Pères de les démolir. Cela explique un passage de la relation d’un religieux vénitien. Ce religieux raconte qu’à leur arrivée à Jaffa on renfermait les pèlerins dans une caverne. Breve, Opdam, Deshayes, Nicole le Huen, Barthélemy de Salignac ; Duloir, Zuallart, le Père Roger et Pierre de la Vallée sont unanimes sur le peu d’étendue et la misère de Jaffa.
 
On peut voir dans M. de Volney ce qui concerne la moderne Jaffa, l’histoire des sièges qu’elle a soufferts pendant les guerres de Dâher et d’Aly-Bey, ainsi que les autres détails sur la bonté de ses fruits, l’agrément de ses jardins, etc. J’ajouterai quelques remarques.
 
Indépendamment des deux fontaines de Jaffa, citées par les voyageurs, on trouve des eaux douces le long de la mer, en remontant vers Gaza ; il suffit de creuser avec la main dans le sable pour faire sourdre au bord même de la vague une eau fraîche : j’ai fait moi-même, avec M. Contessini, cette curieuse expérience, depuis l’angle méridional de la ville jusqu’à la demeure d’un santon, que l’on voit à quelque distance sur la côte.
 
Jaffa, déjà si maltraitée dans les guerres de Dâher, a beaucoup souffert par les derniers événements. Les Français, commandés par l’empereur, la prirent d’assaut en 1799. Lorsque nos soldats furent retournés en Égypte, les Anglais, unis aux troupes du grand-vizir, bâtirent un bastion à l’angle sud-est de la ville. Abou-Marra, favori du grand-vizir, fut nommé commandant de la ville. Djezzar, pacha d’Acre, ennemi du grand-vizir, vint mettre le siège devant Jaffa après le départ de l’armée ottomane. Abou-Marra se défendit vaillamment pendant neuf mois, et trouva moyen de s’échapper par mer. Les ruines qu’on voit à l’orient de la ville sont les fruits de ce siège. Après la mort de Djezzar, Abou-Marra fut nommé pacha de Gedda, sur la mer Rouge. Le nouveau pacha prit sa route à travers la Palestine ; par une de ces révoltes si communes en Turquie, il s’arrêta dans Jaffa, et refusa de se rendre à son pachalic. Le pacha d’Acre, Suleiman-pacha, second successeur de Djezzar, reçut ordre d’attaquer le rebelle, et Jaffa fut assiégée de nouveau. Après une assez faible résistance, Abou-Marra se réfugia auprès de Mahamet-Pacha-Adem, alors élevé au pachalic de Damas.
 
J’espère qu’on voudra bien pardonner l’aridité de ces détails, à cause de l’importance que Jaffa avait autrefois et de celle qu’elle a acquise dans ces derniers temps.
 
J’attendais avec impatience le moment de mon départ pour Jérusalem.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte 

 

Jaffa from the north beach between 1898 and 1914 

Jaffa (Joppa) from the north beach between 1898 and 1914 

" Jaffa s’appelait autrefois Joppé, ce qui signifie belle ou agréable, pulchritudo aut decor, dit Adrichomius. D’Anville dérive le nom actuel de Jaffa d’une forme primitive de Joppé, qui est Japho."

 

Landing place, Jaffa 1898-1914

Landing place, Jaffa 1898-1914 

" S’il faut en croire les interprètes et Pline lui-même, l’origine de cette ville remonterait à une haute antiquité, puisque Joppé aurait été bâtie avant le déluge. On dit que ce fut à Joppé que Noé entra dans l’arche."

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17 juillet 2012 2 17 /07 /juillet /2012 11:30

Nous nous rendîmes à l’hospice des Pères, simple maison de bois bâtie sur le port et jouissant d’une belle vue de la mer.

 

Mes hôtes me conduisirent d’abord à la chapelle, que je trouvai illuminée et où ils remercièrent Dieu de leur avoir envoyé un frère ; touchantes institutions chrétiennes par qui le voyageur trouve des amis et des secours dans les pays les plus barbares ; institutions dont j’ai parlé ailleurs, et qui ne sont jamais assez admirées.

Les trois religieux qui étaient venus me chercher à bord se nommaient Jean Truylos Penna, Alexandre Roma et Martin Alexano ; ils composaient alors tout l’hospice, le curé, don Juan de la Conception, étant absent.

En sortant de la chapelle, les Pères m’installèrent dans ma cellule, où il y avait une table, un lit, de l’encre, du papier, de l’eau fraîche et du linge blanc. Il faut descendre d’un bâtiment grec chargé de deux cents pèlerins pour sentir le prix de tout cela. A huit heures du soir, nous passâmes au réfectoire. Nous y trouvâmes deux autres Pères venus de Rama et partant pour Constantinople, le père Manuel Sancia et le père François Munoz. On dit en commun le Benedicite, précédé du De profundis ; souvenir de la mort que le christianisme mêle à tous les actes de la vie pour les rendre plus graves, comme les anciens le mêlaient à leurs banquets pour rendre leurs plaisirs plus piquants. On me servit, sur une petite table propre et isolée, de la volaille, du poisson, d’excellents fruits, tels que des grenades, des pastèques, des raisins et des dattes dans leur primeur ; j’avais à discrétion le vin de Chypre et le café du Levant. Tandis que j’étais comblé de biens, les Pères mangeaient un peu de poisson sans sel et sans huile. Ils étaient gais avec modestie, familiers avec politesse ; point de questions inutiles, point de vaine curiosité. Tous les propos roulaient sur mon voyage, sur les mesures à prendre pour me le faire achever en sûreté : "car, me disaient-ils, nous répondons maintenant de vous à votre patrie". Ils avaient déjà dépêché un exprès au chéik des Arabes de la montagne de Judée, et un autre au Père procureur de Rama. "Nous vous recevons, me disait le père François Munoz, avec un cœur limpido e bianco". Il était inutile que ce religieux espagnol m’assurât de la sincérité de ses sentiments, je les aurais facilement devinés à la pieuse franchise de son front et de ses regards.

Cette réception, si chrétienne et si charitable dans une terre où le christianisme et la charité ont pris naissance, cette hospitalité apostolique dans un lieu où le premier des apôtres prêcha l’Evangile, me touchaient jusqu’au cœur : je me rappelais que d’autres missionnaires m’avaient reçu avec la même cordialité dans les déserts de l’Amérique. Les religieux de Terre Sainte ont d’autant plus de mérite, qu’en prodiguant aux pèlerins de Jérusalem la charité de Jésus-Christ, ils ont gardé pour eux la Croix qui fut plantée sur ces mêmes bords. Ce Père au cœur limpido e bianco m’assurait encore qu’il trouvait la vie qu’il menait depuis cinquante ans un vero paradiso. Veut-on savoir ce que c’est que ce paradis ? Tous les jours une avanie, la menace des coups de bâton, des fers et de la mort ! Ce religieux, à la dernière fête de Pâques, ayant lavé des linges de l’autel, l’eau imprégnée d’amidon coula en dehors de l’hospice et blanchit une pierre. Un Turc passe, voit cette pierre, et va déclarer au cadi que les Pères ont réparé leur maison. Le cadi se transporte sur les lieux, décide que la pierre, qui était noire, est devenue blanche, et, sans écouter les religieux, il les oblige à payer dix bourses. La veille même de mon arrivée à Jaffa, le Père procureur de l’hospice avait été menacé de la corde par un domestique de l’aga en présence de l’aga même. Celui-ci se contenta de rouler paisiblement sa moustache, sans daigner dire un mot favorable au chien. Voilà le véritable paradis de ces moines qui, selon quelques voyageurs, sont de petits souverains en Terre Sainte et jouissent des plus grands honneurs.

A dix heures du soir, mes hôtes me reconduisirent par un long corridor à ma cellule. Les flots se brisaient avec fracas contre les rochers du port : la fenêtre fermée, on eût dit d’une tempête ; la fenêtre ouverte, on voyait un beau ciel, une lune paisible, une mer calme et le vaisseau des pèlerins mouillé au large. Les Pères sourirent de la surprise que me causa ce contraste. Je leur dis en mauvais latin : Ecce monachis similitudo mundi ; quantumcumque mare fremitum reddat, eis placidae semper undae videntur : omnia tranquillitas serenis animis.

Je passai une partie de la nuit à contempler cette mer de Tyr, que l’Ecriture appelle la Grande-Mer, et qui porta les flottes du roi-prophète quand elles allaient chercher les cèdres du Liban et la pourpre de Sidon ; cette mer où Léviathan laisse des traces comme des abîmes ; cette mer à qui le Seigneur donna des barrières et des portes ; cette mer qui vit Dieu et qui s’enfuit. Ce n’étaient là ni l’Océan sauvage du Canada, ni les flots riants de la Grèce. Au midi s’étendait l’Égypte, où le Seigneur était entré sur un nuage léger, pour sécher les canaux du Nil et renverser les idoles ; au nord s’élevait la reine des cités, dont les marchands étaient des princes : Ululate, naves maris, quia devastata est fortitudo vestra !… Attrita est civitas vanitatis, clausa est omnis domus nullo intrœunte… quia haec erunt in medio terrae… quomodo si paucae olivae quae remanserunt excutiantur ex olea, et racemi, cum fuerit finita vindemia. "Hurlez, vaisseaux de la mer, parce que votre force est détruite… La ville des vanités est abattue ; toutes les maisons en sont fermées et personne n’y entre plus… Ce qui restera d’hommes en ces lieux sera comme quelques olives demeurées sur l’arbre après la récolte, comme quelques raisins suspendus au cep après la vendange". Voilà d’autres antiquités expliquées par un autre poète : Isaïe succède à Homère.
 
Et ce n’était pas tout encore, car la mer que je contemplais baignait à ma droite les campagnes de la Galilée, et à ma gauche la plaine d’Ascalon : dans les premières je retrouvais les traditions de la vie patriarcale et de la nativité du Sauveur, dans la seconde je rencontrais les souvenirs des croisades et les ombres des héros de Jérusalem :


Grande e mirabil cosa era il vedere

Quando quel campo e questo a fronte venne :

Come spiegate in ordine le schiere,

Di mover già, già d’assalire accenne :

Sparse al vento ondeggiando ire le bandiere

E ventolar su i grand cimier le penne :

Abiti, fregi, imprese, e arme, e colori

D’oro e di ferro, al sol lampi, e fulgori.

 

" Quel grand et admirable spectacle de voir les deux camps s’avancer front contre front, les bataillons se déployer en ordre, impatients de marcher, impatients de combattre ! Les bannières ondoyantes flottent dans les airs et le vent agite les panaches sur les hauts cimiers. Les habits, les franges, les devises, les couleurs, les armes d’or et de fer resplendissent aux feux du soleil."

 
J. B. Rousseau nous peint ensuite le succès de cette journée :


La Palestine, enfin, après tant de ravages,

Vit fuir ses ennemis, comme on voit les nuages

Dans le vague des airs fuir devant l’aquilon ;

Et du vent du midi la dévorante haleine

N’a consumé qu’à peine

Leurs ossements blanchis dans les champs d’Ascalon.


Ce fut à regret que je m’arrachai au spectacle de cette mer qui réveille tant de souvenirs ; mais il fallut céder au sommeil.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte 

 

Jaffa. A stormy sea. Barges inside the rocks 1920-1933

Jaffa. A stormy sea. Barges inside the rocks, 1920

" A dix heures du soir, mes hôtes me reconduisirent par un long corridor à ma cellule. Les flots se brisaient avec fracas contre les rochers du port : la fenêtre fermée, on eût dit d’une tempête ; la fenêtre ouverte, on voyait un beau ciel, une lune paisible, une mer calme et le vaisseau des pèlerins mouillé au large."

 

 

Jaffa (Joppa) and environs. Rough sea at Jaffa approximatel

Jaffa (Joppa) and environs. Rough sea at Jaffa, 1900 

" Je passai une partie de la nuit à contempler cette mer de Tyr, que l’Ecriture appelle la Grande-Mer."

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 11:30

Nous étions sur le vaisseau à peu près deux cents passagers, hommes, femmes, enfants et vieillards. On voyait autant de nattes rangées en ordre des deux côtés de l’entrepont. Une bande de papier, collée contre le bord du vaisseau, indiquait le nom du propriétaire de la natte. Chaque pèlerin avait suspendu à son chevet son bourdon, son chapelet et une petite croix. On entendait de tous côtés le son des mandolines, des violons et des lyres. On chantait, on dansait, on riait, on priait. Tout le monde était dans la joie. On me disait : Jérusalem, en me montrant le midi ; et je répondais : Jérusalem !

 

Le temps était si beau et l’air si doux, que tous les passagers restaient la nuit sur le pont. J’avais disputé un petit coin du gaillard d’arrière à deux gros caloyers qui ne me l’avaient cédé qu’en grommelant. C’était là que je dormais le 30 septembre, à six heures du matin, lorsque je fus éveillé par un bruit confus de voix : j’ouvris les yeux, et j’aperçus les pèlerins qui regardaient la proue du vaisseau. Je demandai ce que c’était ; on me cria : Signor, il Carmelo ! le Carmel ! Le vent s’était levé la veille à huit heures du soir, et dans la nuit nous étions arrivés à la vue des côtes de Syrie. Comme j’étais couché tout habillé, je fus bientôt debout, m’enquérant de la montagne sacrée. Chacun s’empressait de me la montrer de la main, mais je n’apercevais rien, à cause du soleil qui commençait à se lever en face de nous. Ce moment avait quelque chose de religieux et d’auguste ; tous les pèlerins, le chapelet à la main, étaient restés en silence dans la même attitude, attendant l’apparition de la Terre Sainte ; le chef des papas priait à haute voix : on n’entendait que cette prière et le bruit de la course du vaisseau, que le vent le plus favorable poussait sur une mer brillante.

 

De temps à temps un cri s’élevait de la proue quand on revoyait le Carmel. J’aperçus enfin moi-même cette montagne comme une tache ronde au-dessous des rayons du soleil. Je me mis alors à genoux à la manière des Latins. Je ne sentis point cette espèce de trouble que j’éprouvai en découvrant les côtes de la Grèce ; mais la vue du berceau des Israélites et de la patrie des chrétiens me remplit de crainte et de respect. J’allais descendre sur la terre des prodiges, aux sources de la plus étonnante poésie, aux lieux où, même humainement parlant, s’est passé le plus grand événement qui ait jamais changé la face du monde, je veux dire la venue du Messie ; j’allais aborder à ces rives que visitèrent comme moi Godefroy de Bouillon, Raimond de Saint-Gilles, Tancrède le Brave, Hugues le Grand, Richard Cœur de Lion, et ce saint Louis dont les vertus furent admirées des infidèles. Obscur pèlerin, comment oserais-je fouler un sol consacré par tant de pèlerins illustres ?
 
A mesure que nous avancions et que le soleil montait dans le ciel, les terres se découvraient devant nous. La dernière pointe que nous apercevions au loin, à notre gauche vers le nord, était la pointe de Tyr ; venaient ensuite le cap Blanc, Saint-Jean-d’Acre, le mont Carmel, avec Caïfe à ses pieds, Tartoura, autrefois Dora, le Château-Pèlerin, et Césarée, dont on voit les ruines. Jaffa devait être sous la proue même du vaisseau, mais on ne le distinguait point encore ; ensuite la côte s’abaissait insensiblement jusqu’à un dernier cap au midi, où elle semblait s’évanouir : là commencent les rivages de l’ancienne Palestine, qui vont rejoindre ceux de l’Égypte, et qui sont presque au niveau de la mer. La terre, dont nous pouvions être à huit ou dix lieues, paraissait généralement blanche, avec des ondulations noires, produites par des ombres ; rien ne formait saillie dans la ligne oblique qu’elle traçait du nord au midi ; le mont Carmel même ne se détachait point sur le plan : tout était uniforme et mal teint. L’effet général était à peu près celui des montagnes du Bourbonnais, quand on les regarde des hauteurs de Tarare. Une file de nuages blancs et dentelés suivait à l’horizon la direction des terres, et semblait en répéter l’aspect dans le ciel.
 
Le vent nous manqua à midi ; il se leva de nouveau à quatre heures, mais, par l’ignorance du pilote, nous dépassâmes le but. Nous voguions à pleines voiles sur Gaza, lorsque les pèlerins reconnurent, à l’inspection de la côte, la méprise de notre Allemand ; il fallut virer de bord ; tout cela fit perdre du temps, et la nuit survint. Nous approchions cependant de Jaffa, on voyait même les feux de la ville ; lorsque, le vent du nord-ouest venant à souffler avec une nouvelle force, la peur s’empara du capitaine ; il n’osa chercher la rade de nuit : tout à coup il tourna la proue au large, et regagna la haute mer.
 
J’étais appuyé sur la poupe, et je regardais avec un vrai chagrin s’éloigner la terre. Au bout d’une demi-heure j’aperçus comme la réverbération lointaine d’un incendie sur la cime d’une chaîne de montagnes : ces montagnes étaient celles de la Judée. La lune, qui produisait l’effet dont j’étais frappé, montra bientôt son disque large et rougissant au-dessus de Jérusalem. Une main secourable semblait élever ce phare au sommet de Sion pour nous guider à la cité sainte. Malheureusement nous ne suivîmes pas comme les mages l’astre salutaire, et sa clarté ne nous servit qu’à fuir le port que nous avions tant désiré.
 
Le lendemain, mercredi 1er octobre, au point du jour, nous nous trouvâmes affalés à la côte, presque en face de Césarée : il nous fallut remonter au midi le long de la terre. Heureusement le vent était bon, quoique faible. Dans le lointain s’élevait l’amphithéâtre des montagnes de la Judée. Du pied de ces montagnes une vaste plaine descendait jusqu’à la mer. On y voyait à peine quelques traces de culture, et pour toute habitation un château gothique en ruine, surmonté d’un minaret croulant et abandonné. Au bord de la mer, la terre se terminait par des falaises jaunes ondées de noir, qui surplombaient une grève où nous voyions et où nous entendions se briser les flots. L’Arabe, errant sur cette côte, suit d’un œil avide le vaisseau qui passe à l’horizon ; il attend la dépouille du naufragé au même bord où Jésus-Christ ordonnait de nourrir ceux qui ont faim et de vêtir ceux qui sont nus.
 
A deux heures de l’après-midi nous revîmes enfin Jaffa. On nous avait aperçus de la ville. Un bateau se détacha du port, et s’avança au-devant de nous. Je profitai de ce bateau pour envoyer Jean à terre. Je lui remis la lettre de recommandation que les commissaires de Terre Sainte m’avaient donnée à Constantinople, et qui était adressée aux Pères de Jaffa. J’écrivis en même temps un mot à ces Pères.
 
Une heure après le départ de Jean, nous vînmes jeter l’ancre devant Jaffa, la ville nous restant au sud-est, et le minaret de la mosquée à l’est quart sud-est. Je marque ici les rumbs du compas par une raison assez importante : les vaisseaux latins mouillent ordinairement plus au large ; ils sont alors sur un banc de rochers qui peut couper les câbles, tandis que les bâtiments grecs, en se rapprochant de la terre, se trouvent sur un fond moins dangereux, entre la darse de Jaffa et le banc de rochers.
 
Jaffa ne présente qu’un méchant amas de maisons rassemblées en rond et disposées en amphithéâtre sur la pente d’une côte élevée. Les malheurs que cette ville a si souvent éprouvés y ont multiplié les ruines. Un mur qui par ses deux points vient aboutir à la mer l’enveloppe du côté de terre et la met à l’abri d’un coup de main.
 
Des caïques s’avancèrent bientôt de toutes parts pour chercher les pèlerins : le vêtement, les traits, le teint, l’air de visage, la langue des patrons de ces caïques, m’annoncèrent sur-le-champ la race arabe et la frontière du désert. Le débarquement des passagers s’exécuta sans tumulte, quoique avec un empressement très légitime. Cette foule de vieillards, d’hommes, de femmes et d’enfants ne fit point entendre en mettant le pied sur la Terre Sainte ces cris, ces pleurs, ces lamentations dont on s’est plu à faire des peintures imaginaires et ridicules. On était fort calme ; et de tous les pèlerins j’étais certainement le plus ému.
 
Je vis enfin venir un bateau dans lequel je distinguai mon domestique grec, accompagné de trois religieux. Ceux-ci me reconnurent à mon habit franc, et me firent des salutations de la main, de l’air le plus affectueux. Ils arrivèrent bientôt à bord. Quoique ces Pères fussent Espagnols et qu’ils parlassent un italien difficile à entendre nous nous serrâmes la main comme de véritables compatriotes. Je descendis avec eux dans la chaloupe ; nous entrâmes dans le port par une ouverture pratiquée entre des rochers et dangereuse même pour un caïque. Les Arabes du rivage s’avancèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture, afin de nous charger sur leurs épaules. Il se passa là une scène assez plaisante : mon domestique était vêtu d’une redingote blanchâtre ; le blanc étant la couleur de distinction chez les Arabes, ils jugèrent que mon domestique était le chéik. Ils se saisirent de lui, et l’emportèrent en triomphe malgré ses protestations, tandis que, grâce à mon habit bleu, je me sauvais obscurément sur le dos d’un mendiant déguenillé.
 
Nous nous rendîmes à l’hospice des Pères, simple maison de bois bâtie sur le port et jouissant d’une belle vue de la mer.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte  

 

Jaffa (Joppa) and environs. View of Jaffa from the sea betw 

  View of Jaffa from the sea between 1898 and 1914

" A deux heures de l’après-midi nous revîmes enfin Jaffa. On nous avait aperçus de la ville. Un bateau se détacha du port, et s’avança au-devant de nous."

 

Jaffa (Joppa) and environs. Boat going through the rocks 18

  Jaffa and environs. Boat going through the rocks between 1898 and 1914

" Les vaisseaux latins mouillent ordinairement plus au large ; ils sont alors sur un banc de rochers qui peut couper les câbles, tandis que les bâtiments grecs, en se rapprochant de la terre, se trouvent sur un fond moins dangereux, entre la darse de Jaffa et le banc de rochers."

 

Jaffa (Joppa) and environs. The landing place 1898-1914

  Jaffa and environs. The landing place 1898-1914

" Jaffa ne présente qu’un méchant amas de maisons rassemblées en rond et disposées en amphithéâtre sur la pente d’une côte élevée. Les malheurs que cette ville a si souvent éprouvés y ont multiplié les ruines."

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