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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SALVE REGINA

26 août 2012 7 26 /08 /août /2012 12:30

Je viens donc à ces petits détails qui piquent la curiosité, en raison de la grandeur des lieux dont on parle.

 

On ne se peut figurer qu’on vive à Athènes et à Sparte comme chez soi. Jérusalem surtout, dont le nom réveille le souvenir de tant de mystères, effraye l’imagination ; il semble que tout doive être extraordinaire dans cette ville extraordinaire. Voyons ce qu’il en est, et commençons par la description du couvent des Pères latins.
 
On y pénètre par une rue voûtée qui se lie à une autre voûte assez longue et très obscure. Au bout de cette voûte on rencontre une cour formée par le bûcher, le cellier et le pressoir du couvent. On aperçoit à droite, dans cette cour, un escalier de douze à quinze marches ; cet escalier monte à un cloître qui règne au-dessus du cellier, du bûcher et du pressoir, et qui par conséquent a vue sur la cour d’entrée. A l’orient de ce cloître s’ouvre un vestibule qui communique à l’église : elle est assez jolie ; elle a un chœur garni de stalles, une nef éclairée par un dôme, un autel à la romaine et un petit jeu d’orgues : tout cela est renfermé dans un espace de vingt pieds de longueur sur douze de largeur.
 
Une autre porte, placée à l’occident du cloître dont j’ai parlé, conduit dans l’intérieur du couvent. " Ce couvent, dit un pèlerin dans sa description, aussi exacte que naïve, ce couvent est fort irrégulier, bâti à l’antique et de plusieurs pièces rapportées, hautes et basses, les officines petites et dérobées, les chambres pauvres et obscures, plusieurs petites courcelles, deux petits jardins, dont le plus grand peut avoir quinze ou seize perches, et tenant aux remparts de la ville. Vers la partie occidentale est une autre cour et quelques petits logements pour les pèlerins. Toute la récréation qu’on peut avoir dans ce lieu, c’est que, montant sur la terrasse de l’église, on découvre toute la ville, qui va toujours en descendant jusqu’à la vallée de Josaphat : on voit l’église du Saint-Sépulcre, le parvis du temple de Salomon, et plus loin, du même côté d’orient, la montagne des Olives ; au midi le château de la ville et le chemin de Bethléem, et au nord la grotte de Jérémie. Voilà en peu de paroles le plan et le tableau de ce couvent, qui ressent extrêmement la simplicité et la pauvreté de celui qui en ce même lieu propter nos egenus factus est cum esset dives". (II, Cor., 8.)
 
La chambre que j’occupais s’appelle la grande chambre des pèlerins. Elle donnait sur une cour solitaire, environnée de murs de toutes parts. Les meubles consistaient en un lit d’hôpital avec des rideaux de serge verte, une table et un coffre ; mes domestiques occupaient deux cellules assez loin de moi. Une cruche pleine d’eau et une lampe à l’italienne complétaient mon ménage. La chambre, assez grande, était obscure, et ne tirait de jour que par une fenêtre qui s’ouvrait sur la cour dont j’ai parlé. Treize pèlerins avaient écrit leurs noms sur la porte, en dedans de la chambre : le premier s’appelait Charles Lombard, et il se trouvait à Jérusalem en 1669 ; le dernier est John Gordon, et la date de son passage est de 1804 (c’est apparemment le même M. Gordon qui a fait analyser à Londres une bouteille d’eau de la mer Morte). Je n’ai reconnu que trois noms français parmi ces treize voyageurs.
 
Les pèlerins ne mangent point avec les Pères comme à Jaffa. On les sert à part, et ils font la dépense qu’ils veulent. S’ils sont pauvres, on les nourrit ; s’ils sont riches, ils payent ce qu’on achète pour eux : le couvent n’en retire pas une obole. Le logement, le lit, le linge, la lumière, le feu, sont toujours pour rien et à titre d’hospitalité.
 
On avait mis un cuisinier à mes ordres. Je ne dînais presque jamais qu’à la nuit, au retour de mes courses. On me servait d’abord un potage à l’huile et aux lentilles, ensuite du veau aux concombres ou aux oignons, du chevreau grillé ou du mouton au riz. On ne mange point de bœuf, et la viande de buffle a un goût sauvage. Pour rôti, j’avais des pigeons, et quelquefois des perdrix de l’espèce blanche, appelée perdrix du désert. Le gibier est fort commun dans la plaine de Rama et dans les montagnes de Judée : il consiste en perdrix, bécasses, lièvres, sangliers et gazelles. La caille d’Arabie qui nourrit les Israélites est presque inconnue à Jérusalem ; cependant on en trouve quelques-unes dans la vallée du Jourdain. Pour légumes on m’a continuellement fourni des lentilles, des fèves, des concombres et des oignons.
 
Le vin de Jérusalem est excellent : il a la couleur et le goût de nos vins de Roussillon. Les coteaux qui le fournissent sont encore ceux d’Engaddi près de Bethléem. Quant aux fruits, je mangeai, comme à Jaffa, de gros raisins, des dattes, des grenades, des pastèques, des pommes et des figues de la seconde saison : celles du sycomore ou figuier de Pharaon étaient passées. Le pain, fait au couvent, était bon et savoureux.
 
Venons au prix de ces divers comestibles.
 
Le quintal de Jérusalem est composé de cent rolts, le rolt de neuf cents drachmes.
 
Le rolt vaut deux oques et un quart, ce qui revient à peu près à huit livres de France.
 
Le mouton se vend deux piastres dix paras le rolt. La piastre turque, continuellement altérée par les beys et les pachas d’Égypte, ne s’élève pas en Syrie à plus de trente-trois sous quatre deniers, et le para à plus de dix deniers. Or, le rolt étant à près de huit livres, la livre de viande de mouton, à Jérusalem, revient à neuf sous quatre deniers et demi.
 
Le veau ne coûte qu’une piastre le rolt ; le chevreau, une piastre et quelques paras.
 
Un très grand veau se vend trente ou trente-cinq piastres ; un grand mouton, dix ou quinze piastres ; une chèvre, six ou huit.
 
Le prix de la mesure de blé varie de huit à neuf piastres.
 
L’huile revient à trois piastres le rolt.
 
Les légumes sont fort chers : on les apporte à Jérusalem de Jaffa et des villages voisins.
 
Cette année, 1806, le raisin de vendange s’éleva jusqu’à vingt-sept piastres le quintal.
 
Passons à quelques autres détails.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Franciscan monks (Jerusalem between 1898 and 1914)

Franciscains de Jérusalem (photo prise entre 1898 et 1914) 

" Le logement, le lit, le linge, la lumière, le feu, sont toujours pour rien et à titre d’hospitalité. "

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 11:30

Mais j’ai peur d’avoir poussé trop loin cette digression, et il est plus que temps de passer aux monuments gothiques de Jérusalem.


Ceux-ci se réduisent à quelques tombeaux. Les monuments de Godefroy et Baudouin sont deux cercueils de pierre, portés sur quatre petits piliers. Les épitaphes qu’on a lues dans la description de Deshayes sont écrites sur ces cercueils en lettres gothiques. Tout cela en soi-même est fort peu de chose ; cependant, je fus très frappé par l’aspect de ces tombeaux, en entrant au Saint-Sépulcre ; leurs formes étrangères, sur un sol étranger, m’annoncèrent d’autres hommes, d’autres mœurs, d’autres pays ; je me crus transporté dans un de nos vieux monastères : j’étais comme l’Otaïtien quand il reconnut en France un arbre de sa patrie. Je contemplai avec vénération ces mausolées gothiques qui renfermaient des chevaliers français, des pèlerins devenus rois, des héros de La Jérusalem délivrée ; je me rappelai les paroles que le Tasse, met dans la bouche de Godefroy :


Chi sia di noi, ch’esser sepulto schivi,

Ove i membri di Dio fur già sepulti ?


Quant aux monuments turcs, derniers témoins qui attestent à Jérusalem les révolutions des empires, ils ne valent pas la peine qu’on s’y arrête : j’en ai parlé seulement pour avertir qu’il ne faut pas du tout confondre les ouvrages des Tartares avec les travaux des Maures. Au fond, il est plus vrai de dire que les Turcs ignorent absolument l’architecture ; ils n’ont fait qu’enlaidir les édifices grecs et les édifices arabes, en les couronnant de dômes massifs et de pavillons chinois. Quelques bazars et des oratoires de santons sont tout ce que les nouveaux tyrans de Jérusalem ont ajouté à cette ville infortunée.

Le lecteur connaît maintenant les divers monuments de la cité sainte.

 

En revenant de visiter les sépulcres des rois qui ont donné lieu aux descriptions précédentes, je passai par la vallée de Josaphat. Le soleil se couchait derrière Jérusalem ; il dorait de ses derniers rayons cet amas de ruines et les montagnes de la Judée. Je renvoyai mes compagnons par la porte Saint-Etienne, et je ne gardai avec moi que le janissaire. Je m’assis au pied du tombeau de Josaphat ; le visage tourné vers le temple : je tirai de ma poche un volume de Racine et je relus Athalie.
 
A ces premiers vers :


Oui, je viens dans son temple adorer l’Eternel, etc.


il m’est impossible de dire ce que j’éprouvai. Je crus entendre les cantiques de Salomon et la voix des prophètes ; l’antique Jérusalem se leva devant moi ; les ombres de Joad, d’Athalie, de Josabeth sortirent du tombeau ; il me sembla que je ne connaissais que depuis ce moment le génie de Racine. Quelle poésie, puisque je la trouvais digne du lieu où j’étais ! On ne saurait s’imaginer ce qu’est Athalie lue sur le tombeau du saint roi Josaphat, au bord du torrent de Cédron et devant les ruines du Temple. Mais qu’est-il devenu, ce temple orné partout de festons magnifiques ?


Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ?

Quel est dans ce lieu saint ce pontife égorgé ?

Pleure, Jérusalem, pleure, cité perfide,

Des prophètes divins malheureuse homicide :

De son amour pour toi ton Dieu s’est dépouillé ;

Ton encens à ses yeux est un encens souillé.

Où menez-vous ces enfants et ces femmes ?

Le Seigneur a détruit la reine des cités :

Ses prêtres sont captifs, ses rois sont rejetés ;

Dieu ne veut plus qu’on vienne à ses solennités :

Temple, renverse-toi ; cèdres, jetez des flammes.

Jérusalem, objet de ma douleur,

Quelle main en un jour t’a ravi tous tes charmes ?

Qui changera mes yeux en deux sources de larmes

Pour pleurer ton malheur ?


Azarias.
Ô saint temple !


Josabeth.
Ô David !


Le chœur.
Dieu de Sion, rappelle,

Rappelle en sa faveur tes antiques bontés.


La plume tombe des mains : on est honteux de barbouiller encore du papier après qu’un homme a écrit de pareils vers.
 
Je passai une partie de la journée du 9 au couvent, pour m’occuper des détails de la vie privée à Jérusalem ; je n’avais plus rien d’essentiel à voir, soit au dedans, soit au dehors de la ville, si ce n’est le puits de Néhémie, où l’on cacha le feu sacré au temps de la captivité, les sépulcres des juges et quelques autres lieux ; je les visitai le soir du 9. Comme ils n’ont rien de remarquable, excepté les noms qu’ils portent, ce n’est pas la peine d’en entretenir le lecteur.
 
Je viens donc à ces petits détails qui piquent la curiosité, en raison de la grandeur des lieux dont on parle.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Valley of Jehoshaphat 

La vallée de Josaphat 

" Le soleil se couchait derrière Jérusalem ; il dorait de ses derniers rayons cet amas de ruines et les montagnes de la Judée. "

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 11:30

La critique de l’art ainsi que les faits historiques nous obligent à ranger les sépulcres des rois dans la classe des monuments grecs à Jérusalem.

Ces sépulcres étaient très nombreux, et la postérité d’Hérode finit assez vite ; de sorte que plusieurs cercueils auront attendu vainement leurs maîtres : il ne manquait plus, pour connaître toute la vanité de notre nature, que de voir les tombeaux d’hommes qui ne sont pas nés. Rien, au reste, ne forme un contraste plus singulier que la frise charmante sculptée par le ciseau de la Grèce sur la porte de ces chambres formidables où reposaient les cendres des Hérode. Les idées les plus tragiques s’attachent à la mémoire de ces princes ; ils ne nous sont bien connus que par le meurtre de Mariamne, le massacre des innocents, la mort de saint Jean-Baptiste et la condamnation de Jésus-Christ. On ne s’attend donc point à trouver leurs tombeaux embellis de guirlandes légères, au milieu du site effrayant de Jérusalem, non loin du temple où Jéhovah rendait ses terribles oracles, et près de la grotte où Jérémie composa ses Lamentations.

M. Casas a très bien représenté ces monuments dans son Voyage pittoresque de la Syrie : je ne connais point l’ouvrage, plus récent, de M. Mayer. La plupart des voyages en Terre Sainte sont accompagnés de gravures et de vignettes. Il faut distinguer celles de la relation du père Roger, qui pourraient bien être de Claude Mellan. Les autres édifices des temps romains à Jérusalem, tels que le théâtre et l’amphithéâtre, les tours Antonia, Hippicos, Phasaèle et Psephima, n’existent plus, ou du moins on n’en connaît que des ruines informes.

Nous passons maintenant à la troisième sorte des monuments de Jérusalem, aux monuments du christianisme avant l’invasion des Sarrasins. Je n’en ai plus rien à dire, puisque je les ai décrits en rendant compte des saints lieux. Je ferai seulement une remarque : comme ces monuments doivent leur origine à des chrétiens qui n’étaient pas Juifs, ils ne conservent rien du caractère demi-égyptien, demi-grec, que j’ai observé dans les ouvrages des princes asmonéens et des Hérode ; ce sont de simples églises grecques du temps de la décadence de l’art.

La quatrième espèce de monuments à Jérusalem est celle des monuments qui appartiennent au temps de la prise de cette ville par le calife Omar, successeur d’Abubeker et chef de la race des Ommiades. Les Arabes qui avaient suivi les étendards du califes s’emparèrent de l’Égypte ; de là, s’avançant le long des côtes de l’Afrique, ils passèrent en Espagne, et remplirent de palais enchantés Grenade et Cordoue. C’est donc au règne d’Omar qu’il faut faire remonter l’origine de cette architecture arabe dont l’Alhambra est le chef-d’œuvre, comme le Parthénon est le miracle du génie de la Grèce. La mosquée du temple, commencée à Jérusalem par Omar, agrandie par Abd-el-Maleck et rebâtie sur un nouveau plan par El-Oulid, est un monument très curieux pour l’histoire de l’art chez les Arabes. On ne sait point encore d’après quel modèle furent élevées ces demeures des fées dont l’Espagne nous offre les ruines. On me saura peut-être gré de dire quelques mots sur un sujet si neuf et jusqu’à présent si peu étudié.

Le premier temple de Salomon ayant été renversé six cents ans avant la naissance de Jésus-Christ, il fut relevé après les soixante-dix ans de la captivité, par Josué, fils de Josédé, et Zorobabel, fils de Salathiel. Hérode l’Ascalonite rebâtit en entier ce second temple. Il y employa onze mille ouvriers pendant neuf ans. Les travaux en furent prodigieux, et ils ne furent achevés que longtemps après la mort d’Hérode. Les Juifs, ayant comblé des précipices et coupé le sommet d’une montagne, firent enfin cette vaste esplanade où s’élevait le temple à l’orient de Jérusalem, sur les vallées de Siloé et de Josaphat.

Quarante jours après sa naissance, Jésus-Christ fut présenté dans ce second temple ; la Vierge y fut purifiée. A douze ans le Fils de l’Homme y enseigna les docteurs, il en chassa les marchands ; il y fut inutilement tenté par le démon ; il y remit les péchés à la femme adultère ; il y proposa la parabole du bon Pasteur, celle des deux Enfants, celle des Vignerons et celle du Banquet nuptial. Ce fut dans ce même temple qu’il entra au milieu des palmes et des branches d’olivier, le jour de la fête des Rameaux ; enfin, il y prononça le Reddite quae sunt Caesaris Caesari, et quae sunt Dei Deo ; il y fit l’éloge du denier de la veuve.

Titus ayant pris Jérusalem la deuxième année du règne de Vespasien, il ne resta pas pierre sur pierre du temple où Jésus-Christ avait fait tant de choses glorieuses et dont il avait prédit la ruine. Lorsque Omar s’empara de Jérusalem, il paraît que l’espace du temple, à l’exception d’une très petite partie, avait été abandonné par les chrétiens. Saïd-ebn-Batrik, historien arabe, raconte que le calife s’adressa au patriarche Sophronius, et lui demanda quel serait le lieu le plus propre de Jérusalem pour y bâtir une mosquée. Sophronius le conduisit sur les ruines du temple de Salomon.

Omar, satisfait d’établir sa mosquée dans une enceinte si fameuse, fit déblayer les terres et découvrir une grande roche où Dieu avait du parler à Jacob La mosquée nouvelle prit le nom de cette roche, Gâmeat-el-Sakhra, et devint pour les musulmans presque aussi sacrée que les mosquées de La Mecque et de Médine. Le calife Abd-el-Maleck en augmenta les bâtiments, et renferma la roche dans l’enceinte des murailles. Son successeur, le calife El-Louid, embellit encore El-Sakhra et la couvrit d’un dôme de cuivre doré, dépouille d’une église de Balbek. Dans la suite, les croisés convertirent le temple de Mahomet en un sanctuaire de Jésus-Christ ; et lorsque Saladin reprit Jérusalem, il rendit ce temple à sa destination primitive.

Mais quelle est l’architecture de cette mosquée, type ou modèle primitif de l’élégante architecture des Maures ? C’est ce qu’il est très difficile de dire. Les Arabes, par une suite de leurs mœurs despotiques et jalouses, ont réservé les décorations pour l’intérieur de leurs monuments, et il y a peine de mort contre tout chrétien qui, non seulement entrerait dans Gâmeat-el-Sakhra, mais qui mettrait seulement le pied dans le parvis qui l’environne. Quel dommage que l’ambassadeur Deshayes, par un vain scrupule diplomatique, ait refusé de voir cette mosquée, où les Turcs lui proposaient de l’introduire ! J’en vais décrire l’extérieur :

On voit la grande place de la Mosquée, autrefois la place du Temple, par une fenêtre de la maison de Pilate.

Cette place forme un parvis qui peut avoir cinq cents pas de longueur sur quatre cent soixante de largeur. Les murailles de la ville ferment ce parvis à l’orient et au midi. Il est borné à ! occident par des maisons turques, et au nord par les ruines du prétoire de Pilate et du palais d’Hérode.

Douze portiques, placés à des distances inégales les uns des autres et tout à fait irréguliers comme les cloîtres de l’Alhambra, donnent entrée sur ce parvis. Ils sont composés de trois ou quatre arcades, et quelquefois ces arcades en soutiennent un second rang ; ce qui imite assez bien l’effet d’un double aqueduc. Le plus considérable de tous ces portiques correspond à l’ancienne porta Speciosa, connue des chrétiens par un miracle de saint Pierre. Il y a des lampes sous ces portiques.

Au milieu de ce parvis on en trouve un plus petit, qui s’élève de six à sept pieds, comme une terrasse sans balustres, au-dessus du précédent. Ce second parvis a, selon l’opinion commune, deux cents pas de long sur cent cinquante de large ; on y monte de quatre côtés par un escalier de marbre, chaque escalier est composé de huit degrés.

Au centre de ce parvis supérieur s’élève la fameuse mosquée de la Roche. Tout auprès de la mosquée est une citerne, qui tire son eau de l’ancienne fontaine Scellée, Fons signatus, et où les Turcs font leurs ablutions avant la prière. Quelques vieux oliviers et des cyprès clairsemés sont répandus çà et là sur les deux parvis.

Le temple est octogone : une lanterne également à huit faces, et percée d’une fenêtre sur chaque face, couronne le monument. Cette lanterne est recouverte d’un dôme. Ce dôme était autrefois de cuivre doré, il est de plomb aujourd’hui ; une flèche d’un assez bon goût, terminée par un croissant, surmonte tout l’édifice, qui ressemble à une tente arabe élevée au milieu du désert. Le père Roger donne trente-deux pas à chaque côté de l’octogone, deux cent cinquante-deux pas de circuit à la mosquée en dehors, et dix-huit ou vingt toises d’élévation au monument entier.

Les murs sont revêtus extérieurement de petits carreaux ou de briques peintes de diverses couleurs ; ces briques sont chargées d’arabesques et de versets du Coran écrits en lettres d’or. Les huit fenêtres de la lanterne sont ornées de vitraux ronds et coloriés. Ici nous trouvons déjà quelques traits originaux des édifices moresques de l’Espagne : les légers portiques des parvis et les briques peintes de la mosquée rappellent diverses parties du Généralife, de l’Alhambra et de la cathédrale de Cordoue.

Quant à l’intérieur de cette mosquée, je ne l’ai point vu. Je fus bien tenté de risquer tout pour satisfaire mon amour des arts ; mais la crainte de causer la perte des chrétiens de Jérusalem m’arrêta. Guillaume de Tyr et Deshayes disent quelque chose de l’intérieur de la mosquée de la Roche ; le père Roger en fait une description fort détaillée et vraisemblablement très fidèle.

Cependant elle ne suffit pas pour prouver que l’intérieur de la mosquée de Jérusalem a des rapports avec l’intérieur des monuments moresques en Espagne. Cela dépend absolument de la manière dont les colonnes sont disposées dans le monument ; et c’est ce que le père Roger ne dit pas. Portent-elles de petites arcades ? sont-elles accouplées, groupées, isolées, comme à Cordoue et à Grenade ? Mais si les dehors de cette mosquée ont déjà tant de ressemblance avec quelques parties de l’Alhambra, n’est-il pas à présumer que les dedans conservent le même goût d’architecture ? Je le croirais d’autant plus facilement que les marbres et les colonnes de cet édifice ont été dérobés aux églises chrétiennes, et qu’ils doivent offrir ce mélange d’ordres et de proportions que l’on remarque dans la cathédrale de Cordoue.

Ajoutons une observation à ces conjectures. La mosquée abandonnée que l’on voit près du Caire paraît être du même style que la mosquée de Jérusalem : or, cette mosquée du Caire est évidemment l’original de la mosquée de Cordoue. Celle-ci fut bâtie par des princes derniers descendants de la dynastie des Ommiades ; et Omar, chef de leur famille, avait fondé la mosquée de Jérusalem.

Les monuments vraiment arabes appartiennent donc à la première dynastie des califes et au génie de la nation en général ; ils ne sont donc pas, comme on l’a cru jusque ici, le fruit du talent particulier des Maures de l’Andalousie, puisque j’ai trouvé les modèles de ces monuments dans l’Orient.

Cela prouvé, j’irai plus loin. Je crois apercevoir dans l’architecture égyptienne, si pesante, si majestueuse, si vaste, si durable, le germe de cette architecture sarrasine, si légère, si riante, si petite, si fragile : le minaret est l’imitation de l’obélisque ; les moresques sont des hiéroglyphes dessinés au lieu d’hiéroglyphes gravés. Quant à ces forêts de colonnes qui composent l’intérieur des mosquées arabes, et qui portent une voûte plate, les temples de Memphis, de Dendéra, de Thèbes, de Méroué offraient encore des exemples de ce genre de construction. Placés sur la frontière de Metzraïm, les descendants d’Ismael ont eu nécessairement l’imagination frappée des merveilles des Pharaons : ils n’ont rien emprunté des Grecs, qu’ils n’ont point connus, mais ils ont cherché à copier les arts d’une nation fameuse qu’ils avaient sans cesse sous les yeux. Peuples vagabonds, conquérants, voyageurs, ils ont imité en courant l’immuable Égypte ; ils se sont fait des obélisques de bois doré et des hiéroglyphes de plâtre, qu’ils pouvaient emporter avec leurs tentes sur le dos de leurs chameaux.

Je n’ignore pas que ce système, si c’en est un, est sujet à quelques objections, et même à des objections historiques. Je sais que le palais de Zehra, bâti par Abdoulraham auprès de Cordoue, fut élevé sur le plan d’un architecte de Constantinople, et que les colonnes de ce palais furent taillées en Grèce ; je sais qu’il existe une architecture née dans la corruption de l’art, qu’on peut appeler architecture justinienne, et que cette architecture a quelques rapports avec les ouvrages des Maures ; je sais enfin que des hommes d’un excellent goût et d’un grand savoir, tels que le respectable M. d’Agincourt et l’auteur du magnifique Voyage en Espagne, M. de La Borde, pensent que toute architecture est fille de la Grèce ; mais, quelles que soient ces difficultés et ces autorités puissantes, j’avoue qu’elles ne me font point changer d’opinion. Un plan envoyé par un architecte de Constantinople, des colonnes taillées sur les rives du Bosphore, des ouvriers grecs travaillant à une mosquée, ne prouvent rien : on ne peut tirer d’un fait particulier une conséquence générale. J’ai vu à Constantinople l’architecture justinienne. Elle a, j’en conviens, quelque ressemblance avec l’architecture des monuments sarrasins, comme le rétrécissement de la voûte dans les arcades, etc. Toutefois elle conserve une raison, une froideur, une solidité qu’on ne remarque point dans la fantaisie arabe. D’ailleurs cette architecture justinienne me semble être elle-même l’architecture égyptienne rentrée dans l’architecture grecque. Cette nouvelle invasion de l’art de Memphis fut produite par l’établissement du christianisme : les solitaires qui peuplèrent les déserts de la Thébaïde, et dont les opinions gouvernaient le monde, introduisirent dans les églises, dans les monastères, et jusque dans les palais ces portiques dégénérés appelés cloîtres, où respire le génie de l’Orient. Remarquons, à l’appui de ceci, que la véritable détérioration de l’art chez les Grecs commence précisément à l’époque de la translation du siège de l’empire romain à Constantinople : ce qui prouve que l’architecture grecque n’enfanta pas l’architecture orientale, mais que l’architecture orientale se glissa dans l’architecture grecque par le voisinage des lieux.

J’incline donc à croire que toute architecture est sortie de l’Égypte, même l’architecture gothique ; car rien n’est venu du Nord, hors le fer et la dévastation. Mais cette architecture égyptienne s’est modifiée selon le génie des peuples : elle ne changea guère chez les premiers Hébreux, où elle se débarrassa seulement des monstres et des dieux de l’idolâtrie. En Grèce, où elle fut introduite par Cécrops et Inachus ; elle s’épura, et devint le modèle de tous les genres de beautés. Elle parvint à Rome par les Toscans, colonie égyptienne ; elle y conserva sa grandeur, mais elle n’atteignit jamais sa perfection, comme à Athènes. Des apôtres accourus de l’Orient la portèrent aux barbares du Nord : sans perdre parmi ces peuples son caractère religieux et sombre, elle s’éleva avec les forêts des Gaules et de la Germanie ; elle présenta la singulière union de la force, de la majesté, de la tristesse dans l’ensemble et de la légèreté la plus extraordinaire dans les détails. Enfin, elle prit chez les Arabes les traits dont nous avons parlé ; architecture du désert, enchantée comme les oasis, magique comme les histoires contées sous la tente, mais que les vents peuvent emporter avec le sable qui lui servit de premier fondement.

Je pourrais appuyer mon opinion d’un million de faits historiques ; je pourrais montrer que les premiers temples de la Grèce, tels que celui de Jupiter à Onga, près d’Amyclée, étaient de véritables temples égyptiens ; que la sculpture elle-même était égyptienne à Argos, à Sparte, à Athènes, du temps de Dédale et dans les siècles héroïques.

 

Mais j’ai peur d’avoir poussé trop loin cette digression, et il est plus que temps de passer aux monuments gothiques de Jérusalem.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem 

 

Dome of the Rock from the northeast, 1898

Le Dôme du Rocher (photo des années 1890)  

" Au centre de ce parvis supérieur s’élève la fameuse mosquée de la Roche. "

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23 août 2012 4 23 /08 /août /2012 11:30

Les monuments de la Jérusalem grecque et romaine sont plus nombreux, et forment une classe nouvelle et fort singulière dans les arts.

 

Je commence par les tombeaux de la vallée de Josaphat et de la vallée de Siloé.

Quand on a passé le pont du torrent de Cédron, on trouve au pied du mons Offensionis le sépulcre d’Absalon. C’est une masse carrée, mesurant huit pas sur chaque face ; elle est formée d’une seule roche, laquelle roche a été taillée dans la montagne voisine, dont elle n’est séparée que de quinze pieds. L’ornement de ce sépulcre consiste en vingt-quatre colonnes d’ordre dorique sans cannelure, six sur chaque front du monument. Ces colonnes sont à demi engagées et forment partie intégrante du bloc, ayant été prises dans l’épaisseur de la masse. Sur les chapiteaux règne la frise avec le triglyphe. Au-dessus de cette frise s’élève un socle qui porte une pyramide triangulaire, trop élevée pour la hauteur totale du tombeau. Cette pyramide est d’un autre morceau que le corps du monument.

Le sépulcre de Zacharie ressemble beaucoup à celui-ci ; il est taillé dans le roc de la même manière, et se termine en une pointe un peu recourbée comme le bonnet phrygien ou comme un monument chinois. Le sépulcre de Josaphat est une grotte dont la porte, d’un assez bon goût, fait le principal ornement. Enfin le sépulcre où se cacha l’apôtre saint Jacques présente sur la vallée de Siloé un portique agréable. Les quatre colonnes qui composent ce portique ne posent point sur le col, mais elles sont placées à une certaine hauteur dans le rocher, ainsi que la colonnade du Louvre sur le premier étage du palais.

La tradition, comme on le voit, assigne des noms à ces tombeaux. Arculfe, dans Adamannus ( De Locis Sanctis, lib. I, cap. X), Vilalpandus ( Antiquae Jerusalem Descriptio), Adrichomius ( Sententia de loco sepulcri Absalon), Quaresmius (t. II, cap. IV et V), et plusieurs autres, ont ou parlé de ces noms, ou épuisé sur ce sujet la critique de l’histoire. Mais quand la tradition ne serait pas ici démentie par les faits, l’architecture de ces monuments prouverait que leur origine ne remonte pas à la première antiquité judaïque.

S’il fallait absolument fixer l’époque où ces mausolées ont été construits, je la placerais vers le temps de l’alliance des Juifs et des Lacédémoniens, sous les premiers Machabées. Le dorique dominait encore dans la Grèce : le corinthien n’envahit l’architecture qu’un demi-siècle après, lorsque les Romains commencèrent à s’étendre dans le Péloponèse et dans l’Asie.

Mais en naturalisant à Jérusalem l’architecture de Corinthe et d’Athènes, les Juifs y mêlèrent les formes de leur propre style. Les sépulcres de la vallée de Josaphat, et surtout les tombeaux dont je vais bientôt parler, offrent l’alliance visible du goût de l’Égypte et du goût de la Grèce. Il résulta de cette alliance une sorte de monuments indécis, qui forment pour ainsi dire le passage entre les Pyramides et le Parthénon ; monuments où l’on distingue un génie sombre, hardi, gigantesque, et une imagination riante, sage et modérée. On va voir un bel exemple de cette vérité dans les sépulcres des rois.

En sortant de Jérusalem par la porte d’Ephraïm, on marche pendant un demi-mille sur le plateau d’un rocher rougeâtre où croissent quelques oliviers. On rencontre ensuite au milieu d’un champ une excavation assez semblable aux travaux abandonnés d’une ancienne carrière. Un chemin large et en pente douce vous conduit au fond de cette excavation, où l’on entre par une arcade. On se trouve alors au milieu d’une salle découverte taillée dans le roc. Cette salle a trente pieds de long sur trente pieds de large, et les parois du rocher peuvent avoir douze à quinze pieds d’élévation.

Au centre de la muraille du midi vous apercevez une grande porte carrée, d’ordre dorique, creusée de plusieurs pieds de profondeur dans le roc. Une frise un peu capricieuse, mais d’une délicatesse exquise, est sculptée au-dessus de la porte : c’est d’abord un triglyphe suivi d’un métope orné d’un simple anneau ; ensuite vient une grappe de raisin entre deux couronnes et deux palmes. Le triglyphe se représente, et la ligne se reproduisait sans doute de la même manière le long du rocher, mais elle est actuellement effacée. A dix-huit pouces de cette frise règne un feuillage entremêlé de pommes de pin et d’un autre fruit que je n’ai pu reconnaître, mais qui ressemble à un petit citron d’Égypte. Cette dernière décoration suivait parallèlement la frise, et descendait ensuite perpendiculairement le long des deux côtés de la porte.

Dans l’enfoncement et dans l’angle à gauche de cette grande porte s’ouvre un canal où l’on marchait autrefois debout, mais où l’on se glisse aujourd’hui en rampant. Il aboutit par une pente assez raide, ainsi que dans la grande pyramide, à une chambre carrée, creusée dans le roc avec le marteau et le ciseau. Des trous de six pieds de long sur trois pieds de large sont pratiqués dans les murailles, ou plutôt dans les parois de cette chambre, pour y placer des cercueils. Trois portes voûtées conduisent de cette première chambre dans sept autres demeures sépulcrales d’inégale grandeur, toutes formées dans le roc vif, et dont il est difficile de comprendre le dessin, surtout à la lueur des flambeaux. Une de ces grottes, plus basse que les autres, et où l’on descend par six degrés, semble avoir renfermé les principaux cercueils Ceux-ci étaient généralement disposés de la manière suivante : le plus considérable était au fond de la grotte, en face de la porte d’entrée, dans la niche ou dans l’étui qu’on lui avait préparé ; des deux côtés de la porte deux petites voûtes étaient réservées pour les morts les moins illustres et comme pour les gardes de ces rois, qui n’avaient plus besoin de leur secours. Les cercueils, dont on ne voit que les fragments, étaient de pierre et ornés d’élégantes arabesques.

Ce qu’on admire le plus dans ces tombeaux, ce sont les portes des chambres sépulcrales ; elles sont de la même pierre que la grotte, ainsi que les gonds et les pivots sur lesquels elles tournent. Presque tous les voyageurs ont cru qu’elles avaient été taillées dans le roc même, mais cela est visiblement impossible, comme le prouve très bien le père Nau. Thévenot assure " qu’en grattant un peu la poussière on aperçoit la jointure des pierres, qui y ont été mises après que les portes ont été posées avec leurs pivots dans les trous. " J’ai cependant gratté la poussière, et je n’ai point vu ces marques au bas de la seule porte qui reste debout : toutes les autres sont brisées et jetées en dedans des grottes.

En entrant dans ces palais de la mort, je fus tenté de les prendre pour des bains d’architecture romaine, tels que ceux de l’antre de la Sibylle près du lac Averne. Je ne parle ici que de l’effet général, pour me faire comprendre, car je savais très bien que j’étais dans des tombeaux. Arculfe ( Apud Adamann.), qui les a décrits avec une grande exactitude ( Sepulcra sunt in naturali collis rupe, etc.), avait vu des ossements dans les cercueils. Plusieurs siècles après, Villamont y trouva pareillement des cendres, qu’on y cherche vainement aujourd’hui. Ce monument souterrain était annoncé au dehors par trois pyramides, dont une existait encore du temps de Vilalpandus. Je ne sais ce qu’il faut croire de Zuellard et d’Appart, qui décrivent des ouvrages extérieurs et des péristyles.

Une question s’élève sur ces sépulcres nommés Sépulcres des rois. De quels rois s’agit-il ? D’après un passage des Paralipomènes et d’après quelques autres endroits de l’Ecriture, on voit que les tombeaux des rois de Juda étaient dans la ville de Jérusalem : Dormiitque Achaz cum patribus suis, et sepelierunt eum in civitate Jerusalem. David avait son sépulcre sur la montagne de Sion ; d’ailleurs le ciseau grec se fait reconnaître dans les ornements des sépulcres des rois.

Josèphe, auquel il faut avoir recours, cite trois mausolées fameux.

Le premier était le tombeau des Machabées, élevé par Simon leur frère : " Il était, dit Josèphe, de marbre blanc et poli, si élevé qu’on le peut voir de fort loin. Il y a tout à l’entour des voûtes en forme de portique, dont chacune des colonnes qui le soutiennent est d’une seule pierre. Et pour marquer ces sept personnes, il y ajouta sept pyramides d’une très grande hauteur et d’une merveilleuse beauté."

Le premier livre des Machabées donne à peu près les mêmes détails sur ce tombeau. Il ajoute qu’on l’avait construit à Modin, et qu’on le voyait en naviguant sur la mer : Ab omnibus navigantibus mare. Modin était une ville bâtie près de Diospolis, sur une montagne de la tribu de Juda. Du temps d’Eusèbe, et même du temps de saint Jérôme, le monument des Machabées existait encore. Les sépulcres des rois, à la porte de Jérusalem, malgré leurs sept chambres funèbres et les pyramides qui les couronnaient, ne peuvent donc avoir appartenu aux princes asmonéens.

Josèphe nous apprend ensuite qu’Hélène, reine d’Adiabène, avait fait élever, à deux stades de Jérusalem, trois pyramides funèbres, et que ses os et ceux de son fils Izate y furent renfermés par les soins de Manabaze. Le même historien, dans un autre ouvrage, en traçant les limites de la cité sainte, dit que les murs passaient au septentrion vis-à-vis le sépulcre d’Hélène. Tout cela convient parfaitement aux sépulcres des rois, qui selon Vilalpandus étaient ornés de trois pyramides, et qui se trouvent encore au nord de Jérusalem, à la distance marquée par Josèphe. Saint Jérôme parle aussi de ce sépulcre. Les savants qui se sont occupés du monument que j’examine ont laissé échapper un passage curieux de Pausanias ; il est vrai qu’on ne pense guère à Pausanias à propos de Jérusalem. Quoi qu’il en soit, voici le passage ; la version latine et le texte de Gédoyn sont fidèles :
" Le second tombeau était à Jérusalem… C’était la sépulture d’une femme juive nommée Hélène. La porte du tombeau, qui était de marbre comme tout le reste, s’ouvrait d’elle-même à certain jour de l’année et à certaine heure, par le moyen d’une machine, et se refermait peu de temps après. En tout autre temps si vous aviez voulu l’ouvrir, vous l’auriez plutôt rompue."


Cette porte, qui s’ouvrait et se refermait d’elle-même par une machine, semblerait, à la merveille près, rappeler les portes extraordinaires des sépulcres des rois. Suidas et Etienne de Byzance parlent d’un Voyage de Phénicie et de Syrie publié par Pausanias. Si nous avions cet ouvrage, nous y aurions sans doute trouvé de grands éclaircissements sur le sujet que nous traitons.

Les passages réunis de l’historien juif et du voyageur grec sembleraient donc prouver assez bien que les sépulcres des rois ne sont que le tombeau d’Hélène ; mais on est arrêté dans cette conjecture par la connaissance d’un troisième monument.

Josèphe parle de certaines grottes qu’il nomme les Cavernes royales, selon la traduction littérale d’Arnaud d’Andilly ; malheureusement il n’en fait point la description : il les place au septentrion de la ville sainte, tout auprès du tombeau d’Hélène.

Reste donc à savoir quel fut le prince qui fit creuser ces cavernes de la mort, comment elles étaient ornées, et de quels rois elles gardaient les cendres. Josèphe, qui compte avec tant de soin les ouvrages entrepris ou achevés par Hérode le Grand, ne met point les sépulcres des rois au nombre de ces ouvrages ; il nous apprend même qu’Hérode, étant mort à Jéricho, fut enterré avec une grande magnificence à Hérodium. Ainsi, les cavernes royales ne sont point le lieu de la sépulture de ce prince ; mais un mot échappé ailleurs à l’historien pourrait répandre quelque lumière sur cette discussion.

En parlant du mur que Titus fit élever pour serrer de plus près Jérusalem, Josèphe dit que ce mur, revenant vers la région boréale, renfermait le sépulcre d’Hérode. C’est la position des cavernes royales.

Celles-ci auraient donc porté également le nom de Cavernes royales et de Sépulcre d’Hérode. Dans ce cas cet Hérode ne serait point Hérode l’Ascalonite, mais Hérode le Tétrarque. Ce dernier prince était presque aussi magnifique que son père : il avait fait bâtir deux villes, Séphoris et Tibériade ; et quoiqu’il fût exilé à Lyon par Caligula, il pouvait très bien s’être préparé un cercueil dans sa patrie : Philippe son frère lui avait donné le modèle de ces édifices funèbres.

Nous ne savons rien des monuments dont Agrippa embellit Jérusalem.

Voilà ce que j’ai pu trouver de plus satisfaisant sur cette question ; j’ai cru devoir la traiter à fond, parce qu’elle a jusque ici été plutôt embrouillée qu’éclaircie par les critiques Les anciens pèlerins qui avaient vu le sépulcre d’Hélène l’ont confondu avec les cavernes royales. Les voyageurs modernes, qui n’ont point retrouvé le tombeau de la reine d’Adiabène, ont donné le nom de ce tombeau aux sépultures des princes de la maison d’Hérode. Il est résulté de tous ces rapports une étrange confusion : confusion augmentée par l’érudition des écrivains pieux qui ont voulu ensevelir les rois de Juda dans les grottes royales, et qui n’ont pas manqué d’autorités.

La critique de l’art ainsi que les faits historiques nous obligent à ranger les sépulcres des rois dans la classe des monuments grecs à Jérusalem.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem 

 

Absalom's Pillar and the city wall 

Le Tombeau d’Absalon, en hébreu : Yad Avshalom  

" Quand on a passé le pont du torrent de Cédron, on trouve au pied du mons Offensionis le sépulcre d’Absalon. "

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22 août 2012 3 22 /08 /août /2012 11:30

Je dînai à deux heures, et je sortis à trois avec ma petite troupe accoutumée.

 

Je visitai les sépulcres des rois ; de là, faisant à pied le tour de la ville, je m’arrêtai aux tombeaux d’Absalon, de Josaphat et de Zacharie dans la vallée de Josaphat. J’ai dit que les sépulcres des rois étaient en dehors de la porte d’Ephraïm, vers le nord, à trois ou quatre portées de fusil de la grotte de Jérémie. Parlons des monuments de Jérusalem.
 
J’en distingue de six espèces :
 
1° Les monuments purement hébreux, 2° les monuments grecs et romains du temps des païens, 3° les monuments grecs et romains sous le christianisme, 4° les monuments arabes ou moresques, 5° les monuments gothiques sous les rois français, 6° les monuments turcs.
 
Venons aux premiers.
 
On ne voit plus aucune trace de ceux-ci à Jérusalem, si ce n’est à la piscine Probatique : car je mets les sépulcres des rois et les tombeaux d’Absalon, de Josaphat et de Zacharie au nombre des monuments grecs et romains exécutés par les Juifs.
 
Il est difficile de se faire une idée nette du premier et même du second temple d’après ce qu’en dit l’écriture et d’après la description de Josèphe ; mais on entrevoit deux choses : les Juifs avaient le goût du sombre et du grand dans leurs édifices, comme les Egyptiens ; ils aimaient les petits détails et les ornements recherchés, soit dans les gravures des pierres, soit dans les ornements en bois, en bronze ou en or.
 
Le temple de Salomon ayant été détruit par les Syriens, le second temple, rebâti par Hérode l’Ascalonite, rentra dans l’ordre de ces ouvrages moitié juifs moitié grecs dont je vais bientôt parler.
 
Il ne nous reste donc rien de l’architecture primitive des Juifs à Jérusalem, hors la piscine Probatique. On la voit encore près de la porte Saint-Etienne, et elle bornait le temple au septentrion. C’est un réservoir long de cent cinquante pieds et large de quarante. L’excavation de ce réservoir est soutenue par des murs, et ces murs sont ainsi composés : un lit de grosses pierres jointes ensemble par des crampons de fer ; une maçonnerie mêlée appliquée sur ces grosses pierres ; une couche de cailloutage collée sur cette maçonnerie ; un enduit répandu sur ce cailloutage. Les quatre lits sont perpendiculaires au sol, et non pas horizontaux : l’enduit était du côté de l’eau, et les grosses pierres s’appuyaient et s’appuient encore contre la terre.
 
Cette piscine est maintenant desséchée et à demi comblée ; il y croît quelques grenadiers et une espèce de tamarin sauvage, dont la verdure est bleuâtre ; l’angle de l’ouest est tout rempli de nopals (figuiers de Barbarie) . On remarque aussi dans le côté occidental deux arcades qui donnent naissance à deux voûtes : c’était peut-être un aqueduc qui conduisait l’eau dans l’intérieur du temple.
 
Josèphe appelle cette piscine stagnum Salomonis, l’Evangile la nomme Probatique, parce qu’on y purifiait les brebis destinées aux sacrifices. Ce fut au bord de cette piscine que Jésus-Christ dit au paralytique : Levez-vous, et emportez votre lit.


Voilà tout ce qui reste aujourd’hui de la Jérusalem de David et de Salomon.
 
Les monuments de la Jérusalem grecque et romaine sont plus nombreux, et forment une classe nouvelle et fort singulière dans les arts.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem 

 

Pool of Bethesda

La Piscine Probatique (photo du XIXe siècle) ou Piscine de Bethesda,  en araméen Beth Hesda : Maison de la Grâce  

" On la voit encore près de la porte Saint-Etienne, et elle bornait le temple au septentrion. "

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 11:30

De là j’entrai dans l’église du Saint-Sépulcre.

 

Le Turc qui en ouvre les portes avait été prévenu de se tenir prêt à me recevoir : je payai de nouveau à Mahomet le droit d’adorer Jésus-Christ. J’étudiai une seconde fois, et plus à loisir, les monuments de cette vénérable église.

 

Je montai dans la galerie, où je rencontrai le moine cophte et l’évêque abyssin : ils sont très pauvres, et leur simplicité rappelle les beaux temps de l’Evangile. Ces prêtres, demi-sauvages, le teint brûlé par les feux du tropique, portant pour seule marque de leur dignité une robe de toile bleue, et n’ayant point d’autre abri que le Saint-Sépulcre, me touchèrent bien plus que le chef des papas grecs et le patriarche arménien. Je défierais l’imagination la moins religieuse de n’être pas émue à cette rencontre de tant de peuples au tombeau de Jésus-Christ, à ces prières prononcées dans cent langages divers, au lieu même où les apôtres reçurent du Saint-Esprit le don de parler toutes les langues de la terre.
 
Je sortis à une heure du Saint-Sépulcre, et nous rentrâmes au couvent. Les soldats du pacha avaient envahi l’hospice, ainsi que je l’ai déjà raconté, et ils y vivaient à discrétion. En retournant à ma cellule et traversant le corridor avec le drogman Michel, je rencontrai deux jeunes spahis armés de pied en cap et faisant un bruit étrange : il est vrai qu’ils n’étaient pas bien redoutables, car, à la honte de Mahomet, ils étaient ivres à tomber. Aussitôt qu’ils m’aperçurent, ils me fermèrent le passage en jetant de grands éclats de rire. Je m’arrêtai pour attendre la fin de ces jeux. Jusque là il n’y avait point de mal ; mais bientôt un de ces Tartares, passant derrière moi, me prit la tête, me la courba de force, tandis que son camarade, baissant le collet de mon habit, me frappait le cou avec le dos de son sabre nu. Le drogman se mit à beugler. Je me débarrassai des mains des spahis ; je sautai à la gorge de celui qui m’avait saisi par la tête : d’une main lui arrachant la barbe, et de l’autre l’étranglant contre le mur, je le fis devenir noir comme mon chapeau ; après quoi je le lâchai, lui ayant rendu jeu pour jeu et insulte pour insulte. L’autre spahi, chargé de vin et étourdi de mon action, ne songea point à venger la plus grande avanie que l’on puisse faire à un Turc, celle de le prendre par la barbe. Je me retirai dans ma chambre, et je me préparai à tout événement.

 

Le père gardien n’était pas trop fâché que j’eusse un peu corrigé ses persécuteurs ; mais il craignait quelque catastrophe : un Turc humilié n’est jamais dangereux, et nous n’entendîmes parler de rien. Je dînai à deux heures, et je sortis à trois avec ma petite troupe accoutumée.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Coptic monks

 Moines Coptes à Jérusalem, 1898  

" Je montai dans la galerie, où je rencontrai le moine cophte et l’évêque abyssin : ils sont très pauvres, et leur simplicité rappelle les beaux temps de l’Evangile."

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20 août 2012 1 20 /08 /août /2012 11:30

Que diraient Saladin et Richard si, revenant tout à coup au monde, ils trouvaient les chevaliers maures transformés en concierges au Saint-Sépulcre, et les chevaliers chrétiens représentés par des frères quêteurs ?

 

A l’époque du voyage de Benjamin de Tudèle, c’est-à-dire sous les rois français de Jérusalem, la ville avait trois enceintes de murailles, et quatre portes, que Benjamin appelle porta Somnus Abrahae, porta David, porta Sion, porta Jehosaphat. Quant aux trois enceintes, elles ne s’accordent guère avec ce que nous savons du local de Jérusalem lors de la prise de cette ville par Saladin. Benjamin trouva plusieurs Juifs établis dans le quartier de la Tour de David : ils y avaient le privilège exclusif de la teinture des draps et des laines, moyennant une somme qu’ils payaient tous les ans au roi.
 
Les lecteurs qui voudront comparer la Jérusalem moderne avec la Jérusalem antique peuvent avoir recours à d’Anville, dans sa Dissertation sur l’ancienne Jérusalem, à Reland, et au père Lami, De sancta Civitate et Templo.
 
Nous rentrâmes au couvent vers neuf heures. Après avoir déjeuné j’allai faire une visite au patriarche grec et au patriarche arménien, qui m’avaient envoyé saluer par leurs drogmans.
 
Le couvent grec touche à l’église du Saint-Sépulcre. De la terrasse de ce couvent on découvre un assez vaste enclos, où croissent deux ou trois oliviers, un palmier et quelques cyprès : la maison des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem occupait autrefois ce terrain abandonné. Le patriarche grec me parut un très bon homme. Il était dans ce moment aussi tourmenté par le pacha que le gardien de Saint-Sauveur. Nous parlâmes de la Grèce : je lui demandai s’il possédait quelques manuscrits ; on me fit voir des Rituels et des Traités des Pères. Après avoir bu le café et reçu trois ou quatre chapelets, je passai chez le patriarche arménien.
 
Celui-ci s’appelait Arsenios, de la ville de Césarée en Cappadoce ; il était métropolitain de Scythopoli et procureur patriarcal de Jérusalem ; il m’écrivit lui-même son nom et ses titres en caractères syriaques sur un petit billet, que j’ai encore. Je ne trouvai point chez lui l’air de souffrance et d’oppression que j’avais remarqué chez les malheureux Grecs, esclaves partout. Le couvent arménien est agréable, l’église charmante et d’une propreté rare. Le patriarche, qui ressemblait à un riche Turc, était enveloppé dans des robes de soie et assis sur des coussins. Je bus d’excellent café de Moka. On m’apporta des confitures, de l’eau fraîche, des serviettes blanches ; on brûla du bois d’aloès, et je fus parfumé d’essence de rose au point de m’en trouver incommodé.

 

Arsenios me parla des Turcs avec mépris. Il m’assura que l’Asie entière attendait l’arrivée des Français ; que s’il paraissait un seul soldat de ma nation dans son pays, le soulèvement serait général. On ne saurait croire à quel point les esprits fermentent dans l’Orient. J’ai vu Ali-Aga se fâcher à Jéricho contre un Arabe qui se moquait de lui et qui lui disait que si l’empereur avait voulu prendre Jérusalem, il y serait entré aussi aisément qu’un chameau dans un champ de doura. Les peuples de l’Orient sont beaucoup plus familiarisés que nous avec les idées d’invasion. Ils ont vu passer tous les hommes qui ont changé la face de la terre : Sésostris, Cyrus, Alexandre, Mahomet et le dernier conquérant de l’Europe. Accoutumés à suivre les destinées d’un maître, ils n’ont point de loi qui les attache à des idées d’ordre et de modération politique : tuer quand on est le plus fort leur semble un droit légitime ; ils s’y soumettent ou l’exercent avec la même indifférence. Ils appartiennent essentiellement à l’épée ; ils aiment tous les prodiges qu’elle opère : le glaive est pour eux la baguette d’un génie qui élève et détruit les empires. La liberté, ils l’ignorent ; les propriétés, ils n’en ont point : la force est leur dieu. Quand ils sont longtemps sans voir paraître ces conquérants exécuteurs des hautes justices du ciel, ils ont l’air de soldats sans chef, de citoyens sans législateur et d’une famille sans père.
 
Mes deux visites durèrent à peu près une heure. De là j’entrai dans l’église du Saint-Sépulcre.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Jerusalem, Armenian Patriarch

Harootiun Vehabedian, Patriarche Arménien de Jérusalem de 1885 à 1910  

" Le couvent arménien est agréable, l’église charmante et d’une propreté rare. " 

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