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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

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SALVE REGINA

6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 11:30

Tels sont les événements qui se pressent en notre siècle ; passons maintenant en Angleterre : un spectacle non moins merveilleux nous y attend.

 

Tout le monde aujourd'hui est forcé de convenir que l'oracle du sublime Joseph de Maistre, sur la Grande-Bretagne, est au moment de s'accomplir. C'est ici le lieu de rappeler, avec Joseph de Maistre, les vers de Dryden, sur le caractère de l'Église anglicane : "Elle n'est pas l'épouse légitime, mais c'est la maîtresse d'un Roi ; et quoique fille évidente de Calvin, elle n'a point la mine effrontée de ses sœurs. Levant la tête d'un air majestueux, elle prononce assez distinctement les noms de Pères, de Conciles, de Chefs de l'Église : sa main porte la crosse avec aisance ; elle parle sérieusement de sa noblesse ; et sous le masque d'une mitre isolée et rebelle, elle a su conserver on ne sait quel reste de grâce antique, vénérable débris d'une dignité qui n'est plus." (Dryden. The hind and the Panther.)

 

Le règne de Dieu et de son Église approche pour l'Ile des Saints. Or, nous l'affirmons tout d'abord, la cause principale de ce retour à l'antique foi, de cette dissolution du protestantisme anglican, tandis que le presbytérianisme, le méthodisme tiennent encore, n'est pour ainsi dire que le développement de l'élément liturgique que la plus heureuse inconséquence avait conservé au sein de l’Église-établie. Son calendrier, où figurent encore les saints, ses livres d'offices presque toujours traduits littéralement sur ceux de l'Église romaine, ses habits sacerdotaux, ses ornements pontificaux retenus dans leur forme catholique, ses cathédrales et autres édifices religieux conservés, restaurés, entretenus avec un soin pour ainsi dire filial, etc. ; toutes ces choses n'étaient pas de simples anomalies ; il fallait y voir les indices d'une réaction future. Quand on pense que longtemps avant la fin du XVIIe siècle, deux anglicans, Dugdale et Dodsworth, publiaient le Monasticon Anglicanum, préludant ainsi, longtemps à l'avance, aux travaux que les catholiques eux-mêmes entreprendraient pour mettre en lumière les grandeurs et les bienfaits du monasticisme ; quand on se rappelle la faveur avec laquelle cette publication fut accueillie en Angleterre, et le zèle avec lequel tous les ordres de la société, même les acquéreurs des biens monastiques, s'offrirent à subvenir aux frais des nombreuses gravures qui enrichissent l'ouvrage, sans autre but que de conserver le souvenir des antiques merveilles de l'architecture papiste ; il est facile de comprendre que du moment où de mesquins et cruels préjugés viendront à disparaître, cette nation devra se précipiter avidement dans la vérité antique et grandiose du catholicisme.

 

C'est déjà ce qui arrive aujourd'hui ; d'abord, les conversions individuelles ont augmenté dans une proportion toujours croissante, au point d'arracher un cri d'alarme à l'anglicanisme ; mais bientôt la brèche s'est agrandie ; la profonde et large blessure faite à l'Église de Henri VIII et d'Elisabeth, a apparu plus désespérée encore qu'on ne l'aurait cru ; et qui la guérirait, cette blessure, maintenant que la défection est déclarée dans le camp même de ces docteurs d'Oxford, auxquels semblait être dévolue la défense de l’Église-établie ? Déjà le papisme triomphant les décime chaque jour, et ceux qui ne se rendent pas extérieurement à lui préparent, sans le vouloir, un retour plus universel encore, en publiant ces fameux Traités sur le temps présent qui, sous le prétexte d'arrêter le mouvement catholique par des concessions modérées, ne font autre chose que l'accélérer. Or, c'est principalement sur les choses de la Liturgie que les disciples du docteur Pusey conviennent qu'il est utile d'abonder dans le sens des usages catholiques ; le culte anglican, si pompeux déjà comparé à celui des calvinistes, leur semble encore trop nu et trop froid. Ils ont vu dans la tradition des Pères de l'Eglise, dont l'autorité est déjà réelle pour eux, ils y ont vu que plusieurs des cérémonies papistes remontent au berceau du christianisme ; ils songent à les rétablir. Un vague besoin de la présence réelle les travaille ; en attendant, il leur faut des images saintes, et les reliques ne tarderont pas à devenir l'objet de leur dévotion. Bien plus, ils en sont venus jusqu'à comprendre la nécessité de la prière canoniale ; ils parlent de rétablir la récitation de l'office divin ; plusieurs même l'ont déjà ostensiblement reprise, et voici les étonnantes paroles qui leur échappent sur le Bréviaire romain, si odieux pourtant aux hérétiques et si imprudemment repoussé par plusieurs catholiques : c'est un des Traités pour le temps présent que nous allons citer (Tome III, paragraphe 73. Du Bréviaire romain considéré comme renfermant l'essence du culte de prière de l'Église catholique. Cette dissertation n'a pas moins de 207 pages.).

 

" Le service de prières du bréviaire est d'une telle excellence et d'une telle beauté, que si les controversistes romains étaient assez avisés pour le présenter aux protestants comme le livre de prières de leur Église, ils produiraient infailliblement sur l'esprit de tout dissident non prévenu un préjugé en leur faveur. Nous essayerons donc d'arracher cette arme aux mains de nos adversaires ; nous la leur avons abandonnée autrefois, comme bien d'autres trésors qui nous appartiennent aussi bien qu'à eux, et nous n'avons garde de penser que, nos droits étant ce qu'ils sont, on puisse nous reprocher d'emprunter chez nos adversaires ce que nous n'avons perdu que par mégarde."

 

L'auteur de la dissertation que nous venons de citer, après plusieurs aveux dans lesquels la plus noble franchise se montre souvent en lutte avec un reste de morgue protestante, trace une courte histoire du Bréviaire romain, dans laquelle il dit expressément que, quant aux parties principales, ce bréviaire est aussi ancien que le christianisme lui-même. Parlant de la réforme liturgique de saint Grégoire VII, au XIe siècle, il dit : "Grégoire VII n'a fait que restaurer et adapter plus parfaitement aux églises le service de prières du bréviaire, en sorte que, dans sa forme actuelle, tant pour la distribution des heures que dans sa substance, il n'est autre chose que la continuation d'un système de prière qui date des temps apostoliques."

 

Le docteur anglican traite ensuite du fond et de la forme du bréviaire, et les détails qu'il donne font voir qu'il n'a pas craint d'approfondir la matière, et que c'est avec une entière connaissance de cause qu'il relève le mérite du livre des prières papistes. Il commence par une analyse du service hebdomadaire Psalterium per hebdomadam. Il passe ensuite au détail de l'office du dimanche, et donne en entier, pour exemple, l'office du IVe dimanche après la Pentecôte. De là, descendant à l'office férial, il produit celui du lundi de la première semaine de l'Avent. Le service de prières d'un jour de fête est représenté par l'office de la Transfiguration. Il n'est pas jusqu'à l'office d'un saint qui ne soit analysé en détail par l'auteur, et, à l'appui de son exposé, il donne l'office de saint Laurent.

 

Enfin, et ce n'est pas la partie la moins curieuse de cette dissertation, l'auteur, dans une sixième section, après avoir exprimé le vœu de voir l'Eglise anglicane adopter, pour célébrer la mémoire de ses saints, la forme du Bréviaire romain, rédige à l'avance l'office de Thomas Ken, évêque de Bath, mort en 1710, et place sa fête au 21 mars. Nous renvoyons cette pièce curieuse dans les notes du présent chapitre. Certes, on devra avouer, après cela, que le mouvement qui pousse l'Angleterre vers le catholicisme est surtout un mouvement liturgique. Terminons par un dernier passage de la même dissertation.

 

" Avant la Réforme, dit encore l'auteur, l'Église observait chaque jour les sept heures du service de la prière, et quelque négligemment, si l'on veut, que ce service fût pratiqué par plusieurs, on ne saurait manquer de reconnaître qu'il a exercé une grande influence sur les esprits, et que sa cessation a laissé des traces encore visibles aujourd'hui. En effet, partout où ce service de prières a été établi, un grand nombre de personnes remplies d'un esprit catholique, n'ont pas seulement écrit sur la prière, mais beaucoup aussi l'ont pratiquée dans leur vie. Au contraire, depuis que cette forme de prières est effacée de la mémoire du peuple, les livres sur la prière sont devenus chez nous une chose rare, et le peu que l'on en rencontrerait encore est dû à des personnes qui ont vivement senti l'obligation où nous sommes de nous donner davantage à la prière. De plus, il est très certain que toute religion, quelque forme qu'elle ait d'ailleurs, si elle n'est pas appuyée sur la dévotion extérieure et sur la prière réglée et commune, doit être nécessairement mauvaise dans son essence."

 

Encore une fois, le royaume de Dieu approche pour une nation au sein de laquelle se répandent de pareilles doctrines, et nous ne pouvons que souhaiter à tous nos frères de France une entière compréhension de ces dernières paroles de notre anglican.

 

Si le progrès des tendances liturgiques accélère la marche de l'Angleterre vers la vérité et l'unité catholiques, il est d'autres contrées où la compression de ces mêmes tendances amène les résultats contraires.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Salisbury Cathedral from the Bishop's Grounds 

Salisbury Cathedral from the Bishop's Grounds by John Constable, Victoria and Albert Museum, London

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 11:30

Mais nous sommes loin d'avoir épuisé tous les faits qui nous peuvent faire connaître la situation liturgique de l'Allemagne.

 

Tandis qu'une partie du clergé catholique travaille à détruire l'antique foi, avec ses manifestations les plus essentielles, le protestantisme semble s'ébranler et rendre hommage aux théories catholiques sur la forme religieuse. Déjà, rendant hommage aux avantages de l'unité de communion, les réformés d'Allemagne ont tenté et réalisé, dès l'année 1817, dans la Prusse et le duché de Nassau, une réunion pompeuse du luthéranisme et du calvinisme ; le complément de cette grande mesure devait être une modification liturgique dans un sens toujours moins éloigné des usages catholiques. Le même roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, qui avait préparé la dramatique réunion des luthériens et des calvinistes, s'est donc chargé de pourvoir désormais l'Église réformée d'une Liturgie qui soit à la hauteur de ses destinées futures. Il est vrai de dire que Sa Majesté, loin de pouvoir faire agréer son œuvre par l'universalité de ce qu'elle appelle l'Eglise évangélico-protestante, n'a pas été sans éprouver quelques résistances partielles dans son propre royaume ; mais toujours est-il que cette Liturgie a pour caractère particulier de se rapprocher en plusieurs points des formes catholiques. Non seulement le prince a pris des mesures pour replacer des images dans les temples protestants, mais dans le service divin de la Cène, on trouve déjà une grande partie de notre Messe des Catéchumènes, la Préface, le Sanctus, le Memento des vivants, etc.

 

Ce sont là, sans doute, des faits bien éloquents en faveur de l'importance de l'élément liturgique ; l'aveu qui échappe au royal liturgiste dans la préface de son missel de 1822, ne l'est pas moins. Il en vient jusqu'à faire valoir les avantages de l'uniformité dans le service divin, en la manière qu'avaient osé le faire nos évêques constitutionnels, dans leur conciliabule de 1797. "L'Église évangélique,dit Sa Majesté, doit assurer la stabilité de la société chrétienne, par sa doctrine et sa discipline. Bien que tels ou tels usages religieux ne constituent pas l'essence du culte divin, il faut cependant que l'uniformité dans le culte produise une sorte de conviction générale, et même une tranquille sérénité de conscience, appuyée sur cette douce et consolante pensée que nous adressons Dieu les mêmes louanges, les mêmes actions de grâces les mêmes demandes, les mêmes vœux et les mêmes prières que nos ancêtres dans la foi lui ont adressés depuis plusieurs siècles" (Histoire générale de l’Église, par le Baron Henrion. Tome XIII. page 413.). Certes il faut que l'unité liturgique soit d'une nécessité bien évidente, pour que les schismatiques et les hérétiques eux-mêmes le proclament si haut, en dépit de leur état d’opposition à l’égard de la Mère Église. Nous avons constaté ailleurs le même fait chez les Grecs Melchites ; qui osera donc désormais parmi nous contester un principe auquel toute société religieuse semble se recommander, pour vivre et se perpétuer ?

 

Au milieu de ces phénomènes vraiment remarquables, la littérature protestante de l'Allemagne se montre gravement préoccupée de la science liturgique. Sans parler d'Augusti, auquel nous consacrons ci-après une notice, la matière des rites sacrés est exploitée avec plus ou moins d'érudition par Marheinike, Hildebrand, Schmid, Rechenberg, Rheinwald, Schone, Bohmer, etc., etc. Plût à Dieu que nous pussions compter en France un nombre pareil d'hommes sérieux, se livrant à ces belles études qui furent si florissantes chez nous avant l'innovation antiliturgiste ! Mais ce qui est plus admirable encore, c'est que l'Allemagne protestante ne renferme pas seulement des hommes auxquels la science liturgique est familière, sous le côté de l'archéologie ou de l'esthétique ; elle en possède aussi qui proclament la magnificence et l'onction de nos formules papistes, qui s'en vont recueillant avec amour nos vieilles hymnes, nos proses et nos antiennes séculaires, les publiant avec des commentaires dont, la plupart du temps, l'esprit et la forme sont entièrement catholiques ; bien différents assurément de nous autres Français, qui nous montrons si indifférents à toutes ces richesses de la piété de nos pères, engoués que nous sommes des pastiches de notre Santeul. Nous avons d'utiles leçons à prendre dans la lecture des précieux volumes publiés par Rambach, Daniel, et autres luthériens dont les travaux sont indiqués ci-après.

 

Mais si l'Allemagne protestante semble sous l'empire d'une réaction en faveur de la forme religieuse, il ne faut pas croire pourtant que tous les catholiques partagent les désastreuses théories que M. Keller et une partie notable du clergé cherchent à faire prévaloir. Grâce à Dieu, la plus belle et la plus solennelle protestation est. placée en face même de ces honteuses apostasies. Nulle contrée catholique aujourd'hui ne saurait montrer des hommes plus érudits et en même temps plus intelligents, que l'Allemagne elle-même. Nommer Mœhler, Klee, Gœrres, Windischman, etc. ; et spécialement pour la Liturgie, Binterim, F. X. Schmid, etc., c'est prédire le mouvement d'ascension que ne peuvent manquer de subir les doctrines catholiques dans le pays qui produit de tels hommes. Au.reste, nous ne tarderons pas à dérouler sous les yeux du lecteur la liste magnifique, quoique incomplète, des liturgistes allemands de ce siècle.

 

Disons maintenant un mot du triomphe de l'Eglise catholique dans la cause de Clément-Auguste Droste de Vischering, archevêque de Cologne. Quel cœur catholique n'est ému de reconnaissance et d'admiration pour ce nouvel Athanase, dont le courage indomptable sauve à jamais la foi et la discipline dans l'Église dAllemagne, contraint les puissances du siècle à reculer dans leurs perfides manœuvres, rend le sentiment de leur devoir à des prélats et à des prêtres dont la conscience pactisait avec la trahison, inonde le cœur des fidèles de cette joie et de cette espérance que le sentiment seul du catholicisme peut faire ressentir ? Or la source de cette victoire éclatante, dont les conséquences ne sauraient être comprimées, est la fidélité de Clément-Auguste aux principes de la Liturgie ; comme aussi l'espérance des ennemis de l'Église était dans le renversement de ces mêmes principes. Si donc les traîtreuses théories du congrès de Vienne sont refoulées, si la marche du système qui tendait à produire l'unité germanique au moyen du protestantisme est aujourd'hui en voie de rétrograder, c'est parce que Clément-Auguste, fidèle à la voix du Siège apostolique, ne veut pas qu'une formule de quelques lignes dans le Rituel romain, soit prononcée sur des époux indignes du nom de catholiques, tandis que le roi de Prusse voulait, au contraire, que cette formule sacrée fût prostituée jusqu'à servir d'égide à l'apostasie.

 

Donc, la doctrine, les mœurs, l'Église, tout s'est réfugié, concentré pour l'Allemagne, dans cette question liturgique ; c'est de là que l'hermésianisme est terrassé, parce que le glorieux confesseur dont il a éprouvé les indomptables poursuites est désormais proclamé le sauveur de la foi ; c'est de là que le fébronianisme est confondu, parce que la soumission au pontife romain ne saurait être prêchée plus éloquemment que par la captivité d'un archevêque, si docile au Siège apostolique ; c'est de là que le plus tonnant de tous les anathèmes éclate contre les mariages mixtes, dont la désastreuse multiplication allait à éteindre sous peu d'années la vraie foi dans de vastes provinces, et qui deviennent désormais odieux à tous ceux qui ont gardé dans leur cœur un reste de ce sentiment de nationalité catholique qui ne s'éteint que lentement dans le cœur des enfants de l'Église ; c'est de là enfin que sortira l'affranchissement religieux, non seulement de la Prusse et des provinces rhénanes, mais en général des diverses autres régions de l'Allemagne dans lesquelles les mariages mixtes allaient ruinant la foi de jour en jour, par l'indifférence et trop souvent la complicité des pasteurs.

 

Que maintenant donc les peuples catholiques environnent de leur amour ces livres de la Liturgie qui renferment ainsi le salut de la foi, et qu'on ne peut mépriser sans mettre en péril le dépôt tout entier de la révélation de Jésus-Christ. Dieu donne toujours en leur temps ces sortes de manifestations, et il se plaît souvent à confondre l'irréflexion des hommes de peu de foi, en montrant que, dans l'Eglise, ce qui paraît moindre importe néanmoins tellement à l'ensemble, que cet ensemble périt du moment qu'une main profane touche à ces parties qu'un œil superficiel a jugées secondaires. Ainsi, Martin Luther aura enlevé l'Allemagne au vrai christianisme, en prêchant contre les Indulgences ; Clément-Auguste la rattache à l'Église véritable, en maintenant, au prix de sa liberté et de son sang, s'il le faut, la sainte franchise du rituel aux mains de ses prêtres.

 

Tels sont les événements qui se pressent en notre siècle ; passons maintenant en Angleterre : un spectacle non moins merveilleux nous y attend.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Ville médievale près de l'eau

Ville médievale près de l'eau, Karl Friedrich Schinkel

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 11:30

Considérons maintenant l'état de la Liturgie dans les différentes parties du monde chrétien, au XIXe siècle.

 

L'unité romaine a régné sans partage, durant les quarante premières années de ce siècle, dans l'Italie, où les semences implantées par Ricci, sans être détruites, peut-être, n'ont plus rien produit à la surface ; dans l'Espagne et le Portugal, auxquels il faut joindre les nombreuses églises fondées autrefois dans les deux Indes par ces royaumes ; dans la Belgique, la Suisse, et on pourrait même ajouter l'Allemagne, s'il n'y avait de changements liturgiques que ceux dont les livres du chœur et de l'autel portent la trace. Mais ce dernier pays est aujourd'hui le théâtre des plus graves événements dans les choses du culte divin, nous devons les signaler au lecteur ; nous traiterons ensuite de la Liturgie en Angleterre, et dans les pays soumis à la Russie.

 

On se rappelle ce que nous avons raconté au chapitre précédent sur les tentatives antiliturgistes de Joseph II, si bien secondées par cette portion du clergé dont Jérôme de Collorédo, archevêque de Salzbourg, se montra l'organe dans la fameuse Instruction pastorale de 1782. Depuis lors, la plaie s'est étendue, et les sophismes impies du fébronianisme ayant miné la notion de l'Église, l'hermésianisme s'est présenté pour en finir avec le christianisme lui-même. Malheureusement, l'un et l'autre ont été favorablement accueillis par une portion notable du clergé catholique de l'Allemagne, dans la Prusse, la Bohême, le Wurtemberg, le duché de Bade, et jusque dans la Bavière et l'Autriche. Bientôt, les exigences du culte extérieur sont devenues de plus en plus à charge à ces hommes légers de croyance, qu'on voit tous les jours s'associer complaisamment aux projets des gouvernements, dans le but d'étouffer jusqu'aux dernières étincelles de la foi qui, par le plus étonnant prodige, survit encore dans le cœur des peuples, à la secrète apostasie des pasteurs.

 

Mais, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, l'esprit antiliturgiste a pris en Allemagne d'autres allures qu'en France, et il s'est bien gardé de perdre son temps à falsifier des bréviaires. Au siècle dernier, le pouvoir séculier, par l'autorité de Joseph II, avait pris l'initiative en procédant par voie d'ordonnances et d'édits ; maintenant, c'est le clergé qui se met à l'œuvre, et ses opérations ne sont ni moins habiles, ni moins efficaces.

 

Une comparaison entre nos jansénistes de France et les fébroniens et les hermésiens d'Allemagne, quant à la manière d'entendre la réforme liturgique, nous aidera à constater le chemin que ces derniers ont déjà fait vers le protestantisme.

 

Les nôtres, pour flatter la lâcheté et l'indévotion des clercs, osèrent composer des traités spéciaux où ils présentaient comme un appât la diminution de la somme des prières ecclésiastiques ; les antiliturgistes allemands ont franchi le pas, et la récitation des Heures canoniales est désormais regardée, par une portion considérable du clergé d'outre-Rhin, comme une pratique tombée en désuétude, et son obligation comme de nulle valeur pour la conscience.

 

Nos jansénistes ont déclamé en cent manières contre la, piété extérieure, contre le luxe des cérémonies qui, disaient-ils, ne servent qu'à soumettre la religion aux sens ; les antiliturgistes allemands en sont venus à supprimer la plupart des cérémonies, et déjà bon nombre d'entre eux, s'affranchissent du devoir de revêtir les habits sacerdotaux pour monter à l'autel, et célèbrent la messe avec les vêtements plus ou moins profanes dont ils se trouvent pour le moment revêtus.

 

Nos jansénistes, par tous les mouvements qu'ils se sont donnés pour répandre les traductions en langue vulgaire de la Bible, du missel et des formules liturgiques, trahissaient leurs penchants calvinistes ; aujourd'hui, les églises catholiques d'Allemagne retentissent de cantiques en langue vulgaire qui, la plupart du temps, n'offrent pas même la traduction des prières ou des chants d'Église.

 

Nos jansénistes mirent la main sur les livres liturgiques et trouvèrent moyen d'y faire pénétrer la quintessence de leurs idées, et, quand ils ne le purent faire aisément, ils surent du moins faire disparaître de ces livres, sous divers prétextes, ce qui leur était le plus odieux. Il est vrai qu'un reste de pudeur, ou, si l'on aime mieux, de prudence, les obligea de conserver le cadre primitif et de laisser subsister les principales parties des anciennes formes, surtout en ce qui concerne l'administration des sacrements. Le clergé allemand de nos jours a aussi ses faiseurs, et la presse est inondée de leurs utopies liturgiques pour la réforme des cérémonies de la messe, des sacrements, des sépultures, des bénédictions. En tête de cette cohorte d'antiliturgistes, il est juste de compter le fameux Wassemberg, vicaire capitulaire de Constance, qui a été refusé par Grégoire XVI pour l'évêché de cette ville, mais qui, en revanche, a donné d'énergiques preuves de son attachement à la doctrine du second de nos Quatre Articles de 1682, par la publication d'une trop fameuse Histoire des Conciles de Constance et de Bâle. Après lui, mais dignes de lui faire escorte, apparaissent Winter, Busch, Selmar, Grosbock, Brand, Schwarzel, Hirscher, etc., dont les œuvres sont jugées avec une grande modération par le docte et pieux F. X. Schmid, dans sa Liturgique, lorsqu'il se contente de dire que, d'une part, ils ont été trop loin, et que de l'autre ils ont complètement méconnu l'esprit du culte (Liturgik der christkatholisclien Religion. Éditionde 1840, tome I, page 82.).

 

Nos antiliturgistes français s'étaient appliqués à rendre plus rare la célébration de la messe, produisant pour motif la grande pureté qu'on doit apporter à l'autel. Ceux d'Allemagne entrent dans le même système ; mais les raisons ascétiques qui n'étaient qu'un prétexte dans les adeptes avancés de l'école de Port-Royal n'y sont pour rien ; c'est tout simplement pour fuir un assujettissement inutile, que ces prêtres dégénérés s'abstiennent de la célébration des saints Mystères, hors les jours de dimanches et de fêtes ; encore les voit-on disserter dans des écrits et des conférences, en présence du public, sur la quantité de nourriture qu'un prêtre catholique peut se permettre avant de monter à l'autel. Sans doute, ces choses font horreur : mais pour être ignorées de quelques-uns de nos lecteurs, elles n'en sont pas moins patentes sous le soleil.

 

Mais allons jusqu'au bout : durant la persécution française, quand les lois eurent cessé de prêter aux dispositions canoniques l'appui de la force matérielle, on vit un grand nombre de prêtres abjurer leur saint état et contracter des mariages sacrilèges : dans quels rangs se recrutèrent ces apostats ? Tout le monde sait que ceux dont la défection fit le plus grand scandale, étaient précisément des hommes liés au parti janséniste, membres des congrégations qui avaient le plus sacrifié aux nouveautés antiliturgistes, fauteurs et même auteurs de ces nouveautés. Or, voici que dans cette partie du clergé allemand dont nous venons de signaler les tendances, de nombreuses voix s'élèvent pour demander l'abolition du célibat ecclésiastique ; et d'où vient cela ? C'est qu'il n'y a point de dégradation dans laquelle ne puisse et ne doive tomber le prêtre isolé, par des doctrines perverses, de ce centre apostolique d'où viennent la lumière et la vie, sevré du devoir et de l'usage de la prière de chaque jour et de chaque heure, séparé de cet autel dont la sainte familiarité est le premier motif de la continence sacerdotale. Assurément, il ne faut pas être bien profond, ni bien clairvoyant, pour avoir compris que le mariage des prêtres est la cause unique pour laquelle la célébration journalière de la messe n'a pu s'établir dans l'Église d'Orient.

 

Afin de mettre dans tout son jour la situation de l’Eglise d'Allemagne, quant à la Liturgie, il est bon de produire quelques extraits d'un document récent et authentique; c'est la fameuse ordonnance qu'a publiée, il y a environ deux ans, l'évêque de Rottembourg ; on la trouve en entier au Catholique de Spire (1839. Mai et mois suivants.). Nous allons en faire connaître les principales dispositions.

 

M. Jean-Baptiste de Keller, évêque de Rottembourg, n'assume point, il est vrai, la responsabilité de tous les excès que nous venons de signaler ; sa marche est administrative, et partant aussi prudente et aussi réservée qu'il est possible ; mais on n'y reconnaît que mieux l'existence du dangereux système à l'aide duquel les antiliturgistes d'Allemagne ont résolu de protestantiser le catholicisme. M. de Keller a enchéri sur Ricci dans la même proportion que ce dernier sur nos antiliturgistes français.

 

Dans cette trop fameuse ordonnance, le prélat semble préoccupé, comme les novateurs de France et d'Italie, de la réforme du bréviaire. Sans oser proposer non plus la suppression des Heures canoniales, il établit des dispositions propres à détruire totalement l'ancienne Liturgie. Les psaumes des vêpres devront se chanter en allemand ; encore cette psalmodie pourra-t-elle être remplacée par tout autre exercice religieux, au jugement du curé. On découvre encore la prédilection de l'évêque pour la langue vulgaire, dans l'article où il annonce une revision du rituel, il déclare l'intention d'y introduire des formules en langue allemande, conformément au besoin des temps.

 

Pour réformer les tendances papistes vers la communion et la dévotion au saint Sacrement, le prélat décrète qu'on n'administrera plus l'eucharistie hors la messe ; que toutes les autres églises demeureront fermées durant la messe de paroisse ; que la première communion ne se fera point avant l'âge de quatorze ans ; qu'on ne célébrera plus de messe aux jours ouvrables, dans les autres églises, après celle qui se dira à la paroisse. Pour abolir, autant que possible, l'usage de la fréquente communion, les curés n'administreront point le sacrement de pénitence individuellement ; mais ils partageront leurs paroissiens en catégories qu'ils admettront successivement à des époques déterminées.

 

On n'exposera le saint Sacrement que six jours l'année, hors l'octave de la Fête-Dieu ; encore cette exposition ne pourra-t-elle avoir lieu que l'après-midi.

 

Sur les fêtes, le prélat décrète les dispositions suivantes : la messe de Minuit est abolie ; on ne pourra commencer à célébrer la messe, le jour de Noël, avant cinq heures du matin. Aux jours de fêtes supprimées, on ne tolérera aucun service divin dans les églises ; les curés ne pourront même pas transporter à ces jours des dévotions particulières qui seraient capables de fournir au peuple le prétexte de se dispenser de ses travaux. On ne pourra ni annoncer ces fêtes, ni les sonner, ni allumer un plus grand nombre de cierges aux messes basses que l'évêque veut bien encore tolérer. En revanche, la fête du roi est déclarée fête de l'Eglise.

 

Les processions ne sont pas plus ménagées par le prélat. Celles de saint Marc et des Rogations devront sortir à cinq heures du matin et être rentrées à huit, soi-disant pour éviter la dissipation, mais en réalité pour les rendre inaccessibles au grand nombre des fidèles ; encore M. de Keller a-t-il bien soin d'ajouter qu'on pourra commuer ces processions en une prière faite dans l'intérieur de l'église, avec l'agrément de l'évêque. La procession de la Fête-Dieu est maintenue aux conditions suivantes : On évitera la pompe ; on ne fera entendre que des chants en langue allemande, et il devra y avoir une prédication à chaque station. La procession du jour de l'octave ne sortira pas de l'église.

 

Les bénédictions, cette partie si essentielle du catholicisme, sont réduites à sept, parmi lesquelles on veut bien conserver celle de l'eau. Les autres, bien qu'elles soient dans le rituel, sont abolies. Il est recommandé aux pasteurs de veiller à ce que le peuple n'attribue pas, aux bénédictions même conservées, une vertu qu'elles n'ont pas.

 

Les saintes images sont poursuivies avec une rigueur pareille. La coutume populaire de les habiller est supprimée, comme un scandale : le clergé devra combattre de toutes ses forces le préjugé qui attribuerait une vertu spéciale à quelques-unes d'entre elles. On n'exposera plus les saintes reliques désormais, ni on ne les portera en procession: mais on les tiendra renfermées. On fera disparaître des églises les ex-voto, et on ne souffrira pas qu'on en replace de nouveaux. Les représentations de la crèche et du tombeau, qui sont en usage en Allemagne, à Noël et dans la Semaine sainte, sont abolies, ainsi que celle du mystère de l'Ascension, non moins chère au peuple.

 

On ne distinguera plus dans les cimetières la place des enfants morts sans baptême, ou autres non baptisés, de celle des chrétiens. Les chants des funérailles seront en langue vulgaire, et au décès de chaque catholique, les parents ne pourront obtenir que trois messes au plus, et un anniversaire. Les enfants morts avant la première communion n'auront point droit à ces prières. Oh a vu plus haut que la première communion était différée jusqu'à l'âge de quatorze ans.

 

Les confréries excitent aussi la sollicitude du prélat. Toutes sont supprimées, à l'exception d'une seule par paroisse, et pour empêcher les fidèles d'en fréquenter plusieurs, la fête patronale de toutes est fixée au même jour.

 

Les curés devront s'opposer de toutes leurs forces au concours des pèlerinages ; il n'y aura pas de messes dans les chapelles qui sont le but de ces pieux voyages, hors celle du chapelain qui s'y trouverait par hasard attaché. Il y aura défense d'y entendre les confessions, dans la crainte que les fidèles n'y veuillent communier, et la chapelle devra être fermée continuellement, hors le temps de la messe. S'il se trouve d'autres chapelles sur les paroisses, on les détruira, et les fondations qui y sont attachées seront transportées dans les églises paroissiales.

 

Telles sont les principales dispositions de l'ordonnance de l'évêque de Rottembourg, qui entend bien ne procéder dans tout ceci que d'après les principes les plus sains du christianisme le mieux compris et le plus dégagé des superfétations romaines. Il va sans dire que la morale prêchée à propos de ces innovations, est la plus rigoriste et la plus sèche, ainsi qu'il arrive toujours chez ceux qui ont à se faire pardonner leur relâchement sur les choses de la foi et de la piété. Néanmoins, il ne suffit pas, pour rendre religieuse et morale une population catholique, de supprimer les fêtes et les dévotions, sous prétexte qu'on interdira en même temps les danses aux jours de dimanches ; les yeux et l'imagination des peuples demanderont d'autres spectacles, et l'oisiveté engendrera bientôt tous les désordres.

 

Mais nous sommes loin d'avoir épuisé tous les faits qui nous peuvent faire connaître la situation liturgique de l'Allemagne.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Cathédrale en hiver, Ernst Ferdinand Oehme, Gemäldegalerie Dresden

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 11:30

Mais d'ici là de grands obstacles restent encore à vaincre, de ces obstacles qui céderont d'autant moins aisément qu'ils sont d'une nature plus matérielle.

 

Si, d'un côté, une révolution favorable aux anciens chants, aux anciennes prières se prépare ; d'un autre côté, nos églises ont été pourvues et à grands frais de missels, de graduels, d'antiphonaires, de processionnaux, qu'on ne pourra remplacer qu'avec une dépense considérable. La question du bréviaire en lui-même est peu grave sous ce rapport ; l'impression de ce livre étant moins dispendieuse et son écoulement toujours facile ; mais le bréviaire ne peut être réformé sans le missel, et l'un et l'autre appellent, comme complément indispensable, la publication des livres du Chœur. Il est vrai, d'autre part, que l'énorme dépense qu'entraîne toujours après elle chaque nouvelle édition des livres liturgiques, serait grandement allégée, si un nombre considérable de diocèses s'unissaient pour opérer ces éditions à frais communs, et c'est ce qui arriverait infailliblement, du moment que nous aurions le bonheur de voir renaître l'unité liturgique.

 

Maintenant, cette unité elle-même quelle forme revêtirait-elle ? Nous avons déjà maintes fois protesté que notre but n'était point d'approfondir présentement la question du Droit de la Liturgie ; mais nous ne pouvons pas moins faire que d'énoncer ici tout franchement que les églises qui sont tenues strictement à garder la Liturgie romaine proprement dite, la doivent retenir, et que celles mêmes qui, contrairement aux principes sur cette matière, s'en seraient écartées, y doivent retourner ; rien n'est plus évident, et par ce moyen déjà l'unité serait garantie dans une portion notable de l'Église de France.

 

Quant aux diocèses qu'une possession légitime, ou une prescription conforme au droit, aurait investis du privilège de conserver leurs anciens usages, et ces diocèses sont nombreux, rien ne les contraindrait d'adopter exclusivement les livres romains. Sans doute, après s'être préalablement débarrassés de l'amas de nouveautés dont le XVIIIe siècle avait encombré la Liturgie, ils devraient rentrer dans la forme romaine de l’antiphonaire, du responsorial, du sacramentaire et du lectionnaire de saint Grégoire, puisque la Liturgie de l'Occident (sauf le droit de Milan et des Mozarabes) doit être et a toujours été romaine. Ces Églises devraient donc reprendre les prières qu'elles avaient reçues au temps de Charlemagne, qu'elles gardaient encore avant la réforme de saint Pie V, qu'elles conservèrent depuis cette réforme, qui régnait seule encore chez elles jusqu'à la fin du XVIIe siècle : car, c'est là la forme, hors de laquelle il n'a plus été possible pour elles de garder dans les prières publiques, ni la tradition, ni l'unité, et partant, ni l'autorité.

 

Mais ce fonds inviolable des prières de la Chrétienté une fois rétabli, avec les chants sublimes qui l'accompagnent, et tous les mystères qui y sont renfermés, rien n'empêcherait, ou plutôt il serait tout à fait convenable que ces Églises rentrassent en même temps en possession de cette partie nationale de la Liturgie qui a ses racines dans l'ancien rite gallican, et que les siècles du moyen âge ont ornée de tant de fleurs, complétée par de si suaves mélodies. En un mot, c'est la Liturgie romaine-française que nous aimerions à voir ressusciter dans celles de nos Églises qui prétendent à des privilèges spéciaux. C'est alors que toutes nos traditions nationales se relèveraient, que la foi qui ne vieillit pas se retrouverait à l'aise dans ces antiques confessions, que la piété à la sainte Vierge et aux saints protecteurs se raviverait de toutes parts, que le langage de la chaire et des livres pieux s'empreindrait de couleurs moins ternes, que l'antique Catholicité, avec ses moeurs et ses usages, nous serait enfin révélée.

 

Oh ! qui nous donnera de voir cette ère de régénération où les catholiques de France se verront ainsi ramenés vers ce passé de la foi, de la prière et de l'amour ! Quand seront levés les obstacles qui retardent le jour où nos prélats devront s'unir pour promouvoir ce grand oeuvre ! Mais avec quel zèle, avec quelle intelligence, avec quelle piété à la fois érudite et scrupuleuse, une pareille oeuvre devrait-elle être élaborée ! Quelle sage lenteur, quelle discrétion, quel goût des choses de la prière, quel désintéressement de tout système, de toute vue personnelle, devraient présider à une si magnifique restauration ! L'attention, l'inviolable fidélité, le soin religieux, l'invincible patience qu'emploie de nos jours l'artiste que son amour, bien plus que le salaire, enchaîne à la restauration d'un monument qui périrait sans son secours, et qui va revivre grâce à son dévouement, ne suffisent pas pour rendre l'idée des qualités qu'on devrait exiger de ceux qui prendraient la sainte et glorieuse mission de restituer à tant d'églises les anciennes traditions de la prière. Il leur faudrait s'y préparer de longue main, se rendre familiers les monuments de la Liturgie, tant manuscrits qu'imprimés, non seulement ceux de la France, mais encore ceux des diverses églises de l'Europe, de l'Allemagne et de l'Angleterre surtout, qui firent tant d'emprunts à nos livres et les enrichirent encore par des suppléments où respire la plus ineffable poésie.

 

Enfin, ce merveilleux ensemble pourrait se compléter par quelques emprunts faits avec goût et modération aux derniers monuments de la Liturgie française; afin que certains traits heureux, quoique rares, empruntés à l'œuvre moderne, dans la partie que n'a point souillée la main des sectaires, ne périssent pas tout à fait, et aussi afin que les deux derniers siècles, auxquels il ne serait pas juste de sacrifier toute la tradition, ne fussent pas non plus déshérités totalement de l'honneur d'avoir apporté leur tribut au monument éternel et toujours croissant de la prière ecclésiastique.

 

Ainsi régénérée, la Liturgie de nos Églises serait les délices du clergé et la joie du peuple fidèle. La question d'un léger surcroît dans la somme des offices divins n'en est pas une pour les hommes de prières, et tout prêtre, tout ministre de l'autel doit être homme de prières. Le grand malheur des temps actuels, c'est qu'on ne prie pas assez ; le réveil de la piété liturgique serait donc un signal de salut pour nos Églises, le gage d'une victoire prochaine sur les vices et les erreurs. Et quelle précieuse récompense de ce pieux labeur, dont la fatigue est d'ailleurs si fort exagérée par l'imagination de ceux qui ignorent les choses de la Liturgie, que ce retour si consolant à l'unité de la prière, à la communion romaine, à l'antique forme des âges de foi ! Encore est-il vrai de dire que l'office divin, dans nos anciens livres français, s'il est plus considérable que dans les bréviaires actuels, est cependant plus abrégé qu'au Bréviaire romain proprement dit. L'usage, entre autres, d'accomplir matines, au temps pascal, par un seul nocturne, n'est point une innovation des Foinard et des Grancolas ; il appartient aux Églises de France depuis bien des siècles ; mais nous rougirions de pousser plus loin cette justification de la prière ecclésiastique.

 

Enfin, pour donner à ce grand œuvre de la régénération liturgique de la France, la solidité et la durée qui lui conviennent, et pour assurer cette immutabilité qui garantirait désormais, avec l'unité, l'autorité et la parfaite orthodoxie de cette Liturgie romaine-française, et la sauverait à l'avenir des atteintes de la nouveauté et de l'arbitraire, il serait nécessaire que la sanction inviolable du Siège apostolique intervînt pour sceller et consommer toutes choses. Il faudrait aussi que les décrets de la sacrée Congrégation des Rites fussent désormais publiés et observés dans tout ce qui ne serait pas contraire à la forme des livres français ; et que les nouvelles fêtes établies par le Siège apostolique obtinssent au moins l'honneur d'une mémoire au calendrier, dans le bréviaire d'une Église qui, si elle tenait à rester française dans des usages d'une importance secondaire, voudrait avant tout se montrer romaine, autant que ses sœurs de l'Occident.

 

Tel est le vœu que nous formons pour l'Église de France, en terminant la partie de notre récit qui regarde cette belle province de la Catholicité. Nous serons heureux si on veut bien reconnaître dans ce que nous venons de dire un témoignage de cette modération et de cette prudence qui doivent toujours accompagner l'application des théories les plus légitimes et les plus absolues.

 

Considérons maintenant l'état de la Liturgie dans les différentes parties du monde chrétien, au XIXe siècle.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Cathédrale gothique avec palais impérial

Cathédrale Gothique avec Palais Impérial, Karl Friedrich Schinkel

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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 11:30

C'est cette réaction historique et artistique qui nous restitue déjà nos traditions sur l'architecture sacrée, sur l'ameublement du sanctuaire, sur les types hiératiques de la statuaire et de la peinture catholiques ; or de là il n'y a plus qu'un pas à faire pour rentrer dans nos antiques cérémonies, dans nos chants séculaires, dans nos formules grégoriennes.

 

Plusieurs personnes ont observé avec raison que le progrès du catholicisme en France n'était pas évidemment constaté, par cela seul que nos artistes exploitaient le moyen âge, et s'employaient avec zèle à la restauration intelligente des sanctuaires matériels de notre foi. La question n'est pas là. Il est vrai qu'on devrait savoir quelque gré à des hommes distingués, de retirer l'appui de leurs talents aux arts sensualistes et païens, pour l'offrir aux autels du Dieu que nous servons; mais déjà il ne s'agit plus de contester la portée de cette révolution favorable à l'art catholique, en la considérant simplement dans ses rapports avec le monde profane ; désormais elle est un fait, et un fait à jamais accompli dans l'intérieur de l'Église elle-même. Non seulement le clergé souffre volontiers que les églises qu'il dessert soient restaurées d'après les mystiques théories de l'art de nos aïeux, que des conseils, une direction lui soient donnés du dehors pour accomplir les devoirs que lui impose sa charge de gardien des traditions de l'esthétique sacrée ; mais nos archevêques et évêques rendent des ordonnances, publient des lettres pastorales, établissent des cours spéciaux dans leurs séminaires, pour ranimer de toutes parts et par tous les moyens possibles la connaissance et l'amour de ces anciennes règles de la forme catholique dont l'oubli, depuis deux siècles, avait entraîné chez nous la destruction d'un si grand nombre de monuments de la foi de nos pères, et formé entre eux et nous, sous le rapport des usages extérieurs du culte, comme un abîme qui allait se creusant de plus en plus.

 

Oui, nous le répétons avec confiance, dans nos églises restaurées d'après les conditions de leur inspiration première, ou construites de nouveau suivant les règles statuées aux siècles de foi, mystiquement éclairées par des verrières sur lesquelles étincelleront les gestes et les symboles des saints protecteurs, assorties d'un ameublement plein d'harmonie avec l'ensemble, il faudra bien que nos costumes sacrés participent à cette régénération, et perdent enfin les formes déplaisantes et grotesques que le XIXe siècle, enchérissant encore sur les coupes étriquées et rabougries du XVIIIe, a trouvé moyen de faire prévaloir. Nous verrons infailliblement disparaître, par degrés, ces chasubles qu'un inflexible bougran a rendues, dans leur partie antérieure, semblables à des étuis de violon, pour nous servir de l'expression trop vraie de l'illustre artiste anglais, Welby Pugin ; ces chapes non moins étranges qui, garanties contre toute prétention aux effets de draperies par les enduits gommés qui leur servent de charpente, s'arrondissent en cône autour du clerc condamné à habiter momentanément dans leur enceinte ; ces surplis, aux épaules desquels on a suspendu deux plaques de batiste décorées du nom d'ailes, en dépit de leur terminaison horizontale à l'endroit où elles s'évasent le plus ; ce qui leur ôte toute ombre de ressemblance avec l'objet qu'elles prétendent imiter.

 

Ce serait ici le lieu de réclamer encore contre le bonnet pointu qui a remplacé la barrette de nos pères ; mais sa suppression récente dans plusieurs diocèses vient par avance confirmer nos prévisions. Le zèle des prélats pour la dignité du service divin l'a déjà fait disparaître dans les diocèses de Marseille, du Puy, d'Orléans, de Séez, etc. L'Église de Paris elle-même a récemment repris la barrette par l'ordre de son premier pasteur ; et il est permis de prévoir que d'ici peu d'années le bonnet pointu n'existera plus que dans l'histoire des costumes nationaux de la France, où il excitera peut-être un jour le sourire de nos neveux, en la manière que nous nous sentons égayés nous-mêmes, lorsque quelque description ou quelque dessin nous met sous les yeux la bizarre chaussure qui fit fureur il y a cinq siècles, sous le nom de souliers à la poulaine.

 

Mais la révolution liturgique ne s'arrêtera pas aux costumes. Une autre nécessité la précipitera plus rapidement encore. Quand on aura rétabli nos édifices sacrés dans leurs convenances architectoniques, rendu nos costumes à la dignité et à la gravité qu'ils n'auraient jamais dû perdre, on n'aura rien fait encore, si le chant qui est l'âme d'une église catholique n'est aussi restitué à ses traditions antiques. Franchement, des mélodies, si on peut sérieusement leur donner ce nom, des mélodies fabriquées en plein XVIIIe siècle, fût-ce par l'abbé Lebeuf, ne sauraient plus retentir dans un chœur auquel sera rendue la sainte et légendaire obscurité de ces vitraux qu'on défonçait avec tant de zèle pour inaugurer, au grand jour, les livres de Vigier et Mésenguy. De l'archéologie qui s'exerce sur les pierres et sur la coupe des vêtements sacrés, il faudra, bon gré, mal gré, en venir à celle qui recueille les mélodies séculaires, les airs historiques, les motifs antiques de ce chant romain, dans lequel saint Grégoire a initié les nations modernes aux secrets de la musique des Grecs.

 

Mais sur ce point encore nous n'en sommes plus déjà aux conjectures et aux prévisions : la révolution n'y est pas moins sensible que sur tous les autres. Quand nous n'en aurions d'autre preuve que la publication de ces nouveaux Livres chorals, donnés par Choron et autres musiciens récents, dans le but avoué de dégrossir la note de l'abbé Lebeuf, moins d'un siècle après l'inauguration de ses lourds graduel et antiphonaire, ceci suffirait déjà pour constater l'extrême lassitude du public. Ces Livres chorals, en effet, se débitent et sont même déjà en usage, non simplement en quelques paroisses, mais jusque dans des cathédrales. Nous nous garderons bien, assurément, de témoigner la plus légère admiration pour ce remaniement d'un fonds déjà jugé ; nous dirons même que dans ces nouveaux livres on a altéré souvent le caractère du chant ecclésiastique, surtout dans les traits ; aussi ne relevons-nous cette particularité que comme un fait à l'appui de nos prévisions.

 

Déjà même on ne se borne plus à remanier l'œuvre de l'abbé Lebeuf ; on a commencé à substituer dans de nouvelles éditions des livres liturgiques, plusieurs mélodies romaines à celles que renfermaient les éditions précédentes. C'est ainsi que le Missel de Paris, donné par l'archevêque de Quélen, en 1830, présente, à l'office du Samedi saint le chant de l’Exultet conforme à celui du Missel romain, en place du chant, beaucoup moins mélodieux, qu'on remarquait dans tous les Missels de Paris, antérieurs même à l'édition de Vintimille. C'est ainsi qu'au Mans, tout en laissant encore subsister dans l'antiphonaire, l'office des Morts composé en 1750 par Lebeuf, on a déjà rétabli, pour l'absoute, le Libera de l’antiphonaire romain. Nous ne citons ces faits que comme échantillons de ce qui s'est déjà opéré et de ce qui se prépare ; mais en voici un autre dans lequel la progression que nous croyons pouvoir prédire se montre plus visible encore.

 

Tout le monde sait que le gouvernement a établi, il y a quelques années, sous le nom de Comités historiques, plusieurs commissions dans lesquelles ont pris place les hommes les plus versés dans nos origines nationales et dans la science archéologique. L'un de ces comités a reçu le département des arts et monuments. Or, tandis que la commission préposée à la recherche des chartes et des chroniques est conduite à désirer le rétablissement des anciennes appellations dominicales tirées des introït du Missel romain et qui sont la clef de l'histoire, le comité des arts et monuments arrive par un autre chemin à la même conclusion. Le désir de voir restituer l'antique musique religieuse dans les églises de Paris, comme un complément de leur restauration, l'a porté à émettre le vœu du rétablissement du graduel et de l’antiphonaire de saint Grégoire, au préjudice de ceux de l'abbé Lebeuf. 

 

Des démarches officielles ont été faites à ce sujet auprès de monseigneur l'archevêque de Paris, qui les a accueillies avec bienveillance ; mais on sent que les conclusions définitives d'une semblable motion sont de nature à se faire longtemps attendre. L'esprit de l'homme peut prévoir les révolutions, les indiquer, en assigner la durée ; le temps seul, aidé des circonstances, les réalise. Pour faire droit aux comités historiques, ou si l'on veut aux réclamations de plus en plus nombreuses qui s'élèvent et s'élèveront à l'avenir de la part de toutes les personnes ecclésiastiques et séculières, en faveur d'un retour aux mélodies grégoriennes, il ne faudra rien moins que revoir les actes du grand procès que le XVIIIe siècle intenta à la Liturgie romaine, casser l'arrêt déjà centenaire qui fut porté contre elle, détrôner l'œuvre favorite du XVIIIe siècle, et pour cela enlever de redoutables obstacles d'autant plus embarrassants qu'ils sont plus matériels. Nous avons néanmoins la confiance que tôt ou tard cette grande justice se fera ; mais le Comité des arts et monuments a eu raison de compter sur d'extrêmes difficultés liturgiques contre lesquelles les laïques seuls viendraient inévitablement se heurter.

 

En attendant, les vrais amis de la science des rites sacrés se réjouiront en lisant ces belles paroles, dans lesquelles monseigneur l'archevêque de Paris, dans sa lettre pastorale sur les Études ecclésiastiques, énonce en particulier la nécessité de raviver une science, dont trop longtemps on sembla, parmi nous, avoir anéanti jusqu'au nom.

 

Quelle si magnifique notion en pourrait-on donner qui ne soit renfermée dans cette imposante définition fournie par le prélat :

" La Liturgie, dit-il, contient des symboles, merveilleux abrégés de notre croyance, double objet de foi et d'amour, qui, à l'aide d'un chant à la fois pieux et harmonieux, se gravent dans la mémoire et dans le cœur. Leur antiquité, si bien démontrée, leur universalité, les rendent d'irrécusables témoins de l'apostolicité et de la catholicité de notre foi.

" La Liturgie renferme des prières qui supposent ou expriment en détail chacun de nos dogmes, de nos mystères, de nos sacrements. Elles n'ont pas, comme les symboles, l'unité d'expression ; mais la variété même de leurs formes, jointe à l'unité de doctrine, fournissent une nouvelle démonstration de l'immutabilité de l'enseignement catholique. Elles justifient cet axiome : La loi de la prière est la loi de la croyance.

" La Liturgie se compose de rites, nouvelle expression du dogme et de la morale. Ils forment, avec les symboles et les prières, le culte extérieur : culte nécessaire à un être qui, bien que créé à l'image de Dieu, est soumis à l'empire des sens. Sans eux périrait infailliblement le culte intérieur. Nos sentiments ne sont excités et ne persévèrent, qu'autant qu'ils sont soutenus par des actes et des images sensibles. Dieu lui-même, source essentielle et éternelle d'intelligence et d'amour, est compris (c'est saint Paul qui nous l'assure) à l'aide des choses visibles : Invisibilia ipsius,per ea quœfacta sunt, intellecta conspiciuntur, sempiterna quoque ejus virtus et divinitas. La Liturgie nous donne donc la science pratique de la partie la plus élevée de la morale chrétienne; c'est par elle que nous accomplissons nos devoirs envers Dieu. Nos devoirs envers nos semblables a et envers nous-mêmes, qui n'y sont pas directement retracés, y sont rappelés toutes les fois que nous demandons la grâce d'y être fidèles, ou que, gémissant de les avoir violés, nous implorons une miséricorde infinie : double lumière qui fait briller la loi du Seigneur aux yeux de notre âme. Posséder cet ineffable trésor de sentiments pieux, qui nous font descendre dans les profondeurs de notre misère, pour nous élever ensuite jusqu'à la miséricorde infinie qui doit la guérir, est bien préférable, sans doute, à la science la plus étendue de notre Liturgie ; mais cependant, combien cette science elle-même est propre à éclairer et à ranimer notre foi !

" Nous ne parlerons point ici de l'influence exercée sur les arts par la Liturgie catholique, des sublimes inspirations qu'elle a prêtées à la musique, à la peinture, à la poésie, ni des immortels monuments que lui doivent la sculpture et l'architecture. L'histoire de chacun de ces arts, considérés dans leurs seuls rapports avec nos rites, fournirait une ample matière à la plus vaste érudition."

Lettre Pastorale de Monseigneur l'Archevêque de Paris sur les études ecclésiastiques, à l'occasion du rétablissement des Conférences et de la Faculté de Théologie , par Denis Auguste Affre, Paris, 1841)

 

Saluons donc avec effusion l'aurore des jours meilleurs qui sont promis à l'Église de France, et ne doutons pas que, dans un temps plus ou moins rapproché, la Liturgie de saint Grégoire, de Charlemagne, de saint Grégoire VII, de saint Pie V, la Liturgie de nos conciles du XVIe siècle, et de nos Assemblées du Clergé de 1605 et de 1612, en un mot la Liturgie des âges de foi ne triomphe encore dans nos églises.

 

Mais d'ici là de grands obstacles restent encore à vaincre, de ces obstacles qui céderont d'autant moins aisément qu'ils sont d'une nature plus matérielle.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Denis Auguste Affre Archevêque de Paris

Denis Auguste Affre, Archevêque de Paris, 28 septembre 1793 - 27 juin 1848 "Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis"

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 15:00

Mais reprenons notre récit.

 

L'exemple donné par l'église de Paris, en 1822, étendit son influence au dehors. La fête du Sacré-Cœur de Jésus s'établit enfin dans les diocèses qui jusqu'alors avaient tardé à fournir ce témoignage de leur éloignement pour les tendances jansénistes. On a même vu dans ces dernières années plusieurs églises, Rennes et Nantes, par exemple, reprendre l'office du saint Rosaire ; ce que l'archevêque de Quélen lui-même n'avait pas fait. Certains diocèses, Versailles, Nantes, etc., ont établi une fête collective en l'honneur de tous les saints papes. Il serait mieux sans doute de les fêter en particulier avec l'Église romaine ; mais c'est déjà une démarche significative que de consacrer d'une manière quelconque la mémoire de ces saints pontifes qu'on expulsait du calendrier, en si grand nombre, au XVIIIe siècle.

 

Déjà, dans plusieurs diocèses, les évêques ont manifesté hautement le désir de rétablir les usages romains, autant que les difficultés matérielles pourraient le permettre. Nous avons entendu de nos oreilles, nous avons lu de nos yeux cette assurance ferme et positive. En attendant, plusieurs évêques ont donné ordre d'emprunter à la Liturgie romaine toutes les parties qui manquent dans les livres diocésains. Au Puy, l'illustre évêque, depuis cardinal de Bonald, après avoir exprimé le regret de ne pouvoir changer le bréviaire et le missel que le XVIIIe siècle imposa à ce diocèse, a donné en 1830 un excellent cérémonial puisé en grande partie aux sources romaines les plus pures et les plus autorisées, et remarquable par la précision, la clarté et l'abondance des règles qu'il renferme.

 

Nous devons sans doute compter parmi les indices les plus significatifs d'un retour vers les usages romains, le Monitum placé à la fin du Missel de Lyon de 1825, page CXCIV. Dans les réimpressions du Missel de l'archevêque Montazet, on était déjà parvenu à la page 330, lorsqu'il vint en idée à l'administrateur apostolique de l'église de Lyon, qu'il serait plus conforme à l'ancien usage lyonnais, à l'usage romain et même à celui de tous les lieux, de rétablir, en tête des évangiles de la messe, la préface In illo tempore, et en tête des épîtres, les mots Fratres, ou Carissimi, ou In diebus illis, ou Hœc dicit Dominus, que les jansénistes avaient fait disparaître comme l'impur alliage de la parole de l'Eglise avec la parole de la Bible. En conséquence, il fut ordonné qu'à partir de ladite page 330, on imprimerait désormais le mot d'introduction convenable et usité autrefois, en tête des épîtres et des évangiles, et une rubrique fut créée au moyen de laquelle les prêtres pourraient, tant bien que mal, intercaler ce mot dans les endroits où il manquerait. On ne jugea pas à propos de réimprimer les 330 pages, pour ne pas rendre inutiles le temps, la dépense et le travail. Certes, de pareilles humiliations, subies devant tout un public, sont un bien rigoureux châtiment de la prétention de se donner un nouveau missel. Espérons qu'une autre édition du Missel lyonnais avancera plus encore l'oeuvre du rétablissement des traditions antiques dans l'auguste primatiale des Gaules, et que ce livre se verra purgé un jour des innombrables nouveautés qui l'encombrent et l'ont réduit à n'être, pour ainsi dire, qu'un livre du XVIIIe siècle.

 

Mais il est un fait plus éclatant encore et qui vient de s'accomplir sous nos yeux. N'avons-nous pas vu l'archevêque de Quélen (et son exemple a été suivi par un nombre déjà considérable de ses collègues dans l'épiscopat), n'avons-nous pas vu ce prélat demander au Saint-Siège la permission d'ajouter à la préface de Beata, dans la fête de la Conception de la sainte Vierge, le mot immaculata, et aux litanies de Lorette, ceux-ci : Regina sine labe concepta ? Dix-huit ans auparavant, le même prélat avait cru pouvoir de son autorité, insérer la doctrine expresse de l'Immaculée Conception dans l'oraison de cette fête ; il avait donné une préface nouvelle tout entière dans son missel, pour la messe du Sacré-Cœur ; il avait inséré dans son bréviaire, non une simple invocation, mais des litanies entières, improuvées par le Saint-Siège, savoir celles du saint Nom de Jésus ; et voilà qu'en 1830, sa piété l'engage à se poser en instances auprès du pontife romain, pour obtenir la liberté de disposer de deux ou trois mots dans la Liturgie, lui dont les prédécesseurs ont pu remanier et renouveler presque en totalité l'œuvre de saint Grégoire, la Liturgie de l'Église universelle. C'est là, il faut en convenir, une des meilleures preuves du retour à l'antique dépendance que professait l'Église de France à l'égard de Rome, dans les choses de la Liturgie ; de même qu'il faut voir une nouvelle abjuration du fameux principe de l'inviolabilité du dimanche, dans la demande faite à Rome par le même prélat, de pouvoir célébrer la solennité de la fête de la Conception au second dimanche de l'Avent. Rome même, dans ses rubriques actuelles, ne va pas si loin ; et cette fête, toute grande qu'elle est, le cède toujours au second dimanche de l'Avent, quand elle vient à tomber en ce jour, bien que les derniers dimanches de l'Avent soient seulement privilégiés de seconde classe.

 

On peut assigner encore comme une des causes de la résurrection des traditions romaines de la Liturgie en France, les légitimes exigences de la piété des peuples qui, ne pouvant participer aux indulgences attachées à certaines fêtes, offices et prières, qu'autant que l'on s'y conforme aux calendrier, bréviaire, missel et rituel romains, finiront par obtenir qu'il soit fait sur ces articles les concessions nécessaires. Or chacun sait que, dans les nouveaux bréviaires français, le petit office de la sainte Vierge, celui du saint Sacrement, celui des Morts, diffèrent sur une immense quantité de points avec les mêmes offices dans le Bréviaire romain ; que la prière Regina cœli, qu'on croit réciter au temps pascal en place de l’Angélus, a été gratifiée d'un nouveau verset tout différent de celui qui est indiqué dans les bulles des papes ; qu'un nombre considérable de fêtes a été transféré à des jours souvent éloignés de ceux auxquels Rome les célèbre ; que les jours où la Liturgie romaine fait un office double, étant souvent occupés par un simple, ou même laissés à la férié, dans les nouveaux livres, et réciproquement, il en résulte l'impossibilité absolue de faire cadrer les modernes calendriers et les ordo dressés d'après eux, avec les règles statuées par les souverains pontifes, dans les concessions d'autel privilégié, etc., etc. Il serait inutile de presser cette énumération qui nous mènerait trop loin, mais outre qu'il est indubitable, en droit, que le Siège apostolique, accordant des indulgences pour l'usage de telle ou telle,formule liturgique, n'a et ne peut avoir en vue que la teneur de cette formule telle qu'elle est dans les livres romains et approuvés ; des décisions récentes ont montré, en fait, quelle était expressément l'intention des souverains Pontifes.

 

Mais un grand et solennel exemple est celui que vient de donner Monseigneur Pierre-Louis Parisis, évêque de Langres, en rétablissant purement et simplement la Liturgie romaine dans son diocèse ; mesure courageuse que l'histoire enregistrera, et que le prélat motive dans une lettre pastorale à son clergé, d'une façon trop remarquable pour que nous puissions résister au désir de rapporter ici ses propres paroles :

" Vous n'ignorez pas, nos très chers frères, dit le prélat, de quelles divergences liturgiques la célébration des offices divins est l'objet dans ce diocèse ; souvent, vous avez gémi de cette contradiction et opposition de rites entre des paroisses voisines les unes des autres ; d'où il résulte que les fidèles, à force de voir ces variations de chants et de cérémonies dans chaque église, sont pour ainsi dire réduits à se demander si c'est à un même culte que sont consacrés des temples où l'on célèbre les cérémonies de la Religion avec des solennités si diverses.

" Le zèle des curés, loin de remédier à cette perte de l'unité extérieure, la complique chaque jour par de nouveaux abus ; chacun d'eux se trouvant livré à son caprice, dès l'instant qu'il entre en fonctions, et manquant d'une règle générale, tant pour sa propre conduite au chœur, que pour celle de ses clercs. Vous comprenez facilement, nos très chers frères, le détriment que souffre de tout ceci la sainte Église, l'épouse de Jésus-Christ, celle qui ne doit avoir ni taches, ni rides, et particulièrement à cette époque agitée de tant de tempêtes par l'effet des doctrines impies, et surtout affligée et déshonorée par la maladie de l'indifférence religieuse. Comme, en effet, parmi les notes de la véritable Eglise, et même avant toutes autres, la note d'Unité doit briller et la faire distinguer des sectes dissidentes, les peuples qui ne jugent de l'essence même des choses que par les apparences, témoins de ces contrariétés, en sont à se demander si elle est véritablement une par toute la terre, cette Eglise catholique qui paraît si contraire à elle-même dans les limites d'un seul diocèse ; en sorte que, par suite de l'état auquel le service divin se trouve réduit chez nous, Jésus-Christ est divisé, d'après l'idée des profanes, et la lumière de son Église obscurcie et couverte de nuages.

" Frappé depuis longtemps des inconvénients d'une situation aussi fâcheuse et sujette à tant de périls, après en avoir fait l'objet de nos réflexions le jour et la nuit, et imploré le secours du Père des lumières, nous cherchions en quelle manière il nous serait possible de réunir toutes les paroisses de notre diocèse dans cette unité de cérémonies et d'offices, si sainte, si désirée, si conforme à l'unité et à l'édification des fidèles. Enfin, après de longues incertitudes, toutes choses examinées et pesées avec le plus grand soin, il nous a semblé que nous devions en revenir à la Liturgie de l'Eglise romaine, notre mère, qui, étant le centre de l'unité et la très ferme colonne de la vérité, nous garantira et nous défendra, nous et notre peuple, contre le tourbillon des variations, et contre la tentation des changements. Nous avons dû nous arrêter à ce parti avec d'autant plus de fermeté, que tous les autres moyens que nous aurions pu prendre seraient devenus l'occasion d'un grand trouble dans les choses mêmes de la religion, pour le peuple qui nous a été confié par la divine volonté.

" Mais, afin d'éviter le mal qui pourrait s'ensuivre de l'usage même du remède que nous appliquons, et aussi afin que tous se soumettent peu à peu à la même règle, non par violence, mais spontanément, il est nécessaire de considérer que la plus grande partie de notre diocèse a été précédemment soumise au rite romain, tandis que les autres parties détachées de divers diocèses, sont demeurées étrangères aux susdits usages romains. Il faut aussi distinguer, entre l'office que chaque prêtre est tenu de réciter par l'obligation de son ordre, et l'office que nous appellerons liturgique, et qui doit être chanté et récité en présence du peuple.

" Ces distinctions faites, nous déclarons et ordonnons ce qui suit :

" 1° A partir du premier jour de l'année 1840, la Liturgie romaine sera la Liturgie propre du diocèse de Langres.

" 2° A partir du même jour, dans les paroisses qui appartenaient à l'ancien diocèse de Langres, l'office, le rite, le chant, les cérémonies, et tout ce qui tient au culte, auront lieu suivant les règles de la Liturgie romaine.

" 3° Nous permettons aux paroisses qui n'ont pas encore quitté les rites des diocèses voisins, de se servir, pour un temps, de leurs livres ; mais nous les obligeons à observer tous les détails énoncés et prescrits dans l’Ordo pour l'année 1840.

" 4° Les prêtres qui ont jusqu'ici récité le Bréviaire de Monseigneur d'Orcet, pourront satisfaire à l'obligation de l'office en continuant de le réciter ; cependant, il serait mieux que tous usassent du Bréviaire romain, et nous les exhortons à le faire.

" Quoique, en publiant cette ordonnance, nous n'ayons en vue que le bien de notre sainte religion et la cessation d'un désordre public, nous n'ignorons pas cependant qu'il en pourrait résulter pour plusieurs quelque ennui, ou quelque inquiétude. Nous les prions de recourir à nous avec une confiance filiale, non pour obtenir une dispense, mais afin que nous puissions résoudre leurs difficultés, s'ils en ont, et aussi afin de leur faire mieux comprendre que si nous avons été amené à prendre ce parti, ce n'a point été par l'effet de quelque considération qui nous fût personnelle, mais que nous y avons été contraint par une nécessité urgente, et pour faire droit aux réclamations de notre conscience.

" Nous vous supplions donc tous, vous qui êtes nos coopérateurs dans le Seigneur, d'apporter à l'exécution de ce grand œuvre tout le zèle dont vous êtes capables, afin que, de même qu'entre nous il n'y a qu'un Seigneur, une foi, un baptême, il n'y ait aussi dans notre peuple qu'un seul langage.

" Donné à Langres, en la Fête de sainte Thérèse, le 15 octobre de l'an de notre Salut 1839. "

 

Qui n'admirerait dans cette lettre vraiment pastorale le zèle de la maison de Dieu, tempéré par cette discrétion si recommandée par l'Apôtre, et dont saint Pie V, au XVIe siècle, donna un si éclatant exemple, lors même qu'il promulguait plus haut le grand principe de l'unité liturgique. Tous les actes du même genre que notre siècle pourra voir s'accomplir dans l'Église de France, seront d'autant plus efficaces dans leurs résultats, qu'ils seront à la fois empreints de vigueur et de modération ; car, nous n'avons garde de penser qu'on puisse guérir la partie malade en la froissant durement et sans pitié.

 

Mais il faut en convenir, le retour aux traditions liturgiques des âges de foi se prépare et devient de jour en jour plus visible ; on peut même déjà prévoir qu'il demeurera comme un des caractères de l'époque actuelle.

 

Le réveil de la science historique, qui nous a permis de jeter un regard désintéressé sur les mœurs et les usages des siècles de foi ; la justice rendue enfin aux monuments de l'art catholique du moyen âge ; toutes ces choses ont contribué aussi à la réaction, ou plutôt l'ont déjà fort avancée. C'est cette réaction historique et artistique qui nous restitue déjà nos traditions sur l'architecture sacrée, sur l'ameublement du sanctuaire, sur les types hiératiques de la statuaire et de la peinture catholiques ; or de là il n'y a plus qu'un pas à faire pour rentrer dans nos antiques cérémonies, dans nos chants séculaires, dans nos formules grégoriennes.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Mgr Pierre Louis Parisis

Monseigneur Pierre-Louis Parisis

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 11:30

Mais produisons en détail quelques-uns des faits à l'aide desquels on est à même de constater la révolution liturgique qui s'opère.

 

Nous trouvons d'abord, dès 1822, l'éclatante rétractation de plusieurs des principes des antiliturgistes, par la nouvelle édition du Bréviaire et du Missel de Paris. Qu'on lise la lettre pastorale de l'archevêque Hyacinthe-Louis de Quélen, en tête dudit bréviaire, on y trouvera la preuve de ce que nous avançons.

1° La fête du Sacré-Cœur de Jésus, que Christophe de Beaumont avait plutôt montrée à son diocèse qu'instituée véritablement, s'y trouve établie de précepte, et placée au rang des solennités.

2° La fête de saint Pierre et de saint Paul, si elle ne recouvre pas encore le rang que lui assigne l'Église universelle, est rehaussée d'un degré, et cela dans le but expressément déclaré de donner un témoignage de dévouement au Siège apostolique. Une prose nouvelle est substituée, dans le missel, à l'ancienne, dont l'unique intention semblait être d'égaler en toutes choses saint Paul à saint Pierre. La nouvelle qui a pour auteur un prêtre moins distingué encore par la pureté de son talent que par son obéissance filiale au Pontife romain, M. l'abbé de Salinis, exprime avec élégance les prérogatives du Siège apostolique, et en particulier l'inerrance que la prière du Christ a obtenue à saint Pierre. Au calendrier, la fête de saint Léon le Grand a été élevée du degré semi-double au rang des doubles mineurs, et la fête de saint Pie V apparaît pour la première fois dans un bréviaire français.

 

Les deux grands moyens dont les antiliturgistes s'étaient servis pour déprimer le culte des saints, savoir la suppression de toutes leurs fêtes dans le Carême, et le privilège assuré au dimanche dans toute l'année contre ces mêmes fêtes ; ces deux stratagèmes de la secte sont jugés et désavoués : la Saint Joseph est replacée au 19 mars, et désormais le dimanche cédera, comme autrefois, UT OLIM, aux fêtes des apôtres et aux autres doubles majeurs.

 

Outre cette mesure toute favorable au culte des saints on remarquait dans le bréviaire de 1822 un zèle véritable pour cette partie de la religion catholique. Ainsi, la fête de la Toussaint y a été relevée d'un degré ; plusieurs saints ont été l'objet d'une mesure semblable, et quelques-uns même ont obtenu l'entrée du calendrier qui leur avait été fermée jusqu'alors.

 

Les témoignages de la dévotion envers la sainte Vierge se montraient aussi plus fréquents dans certaines additions au propre de ses offices. On avait même, par un zèle qui n'était peut-être pas trop selon la science, inséré dans l'oraison de la fête de la Conception, l'énoncé précis de la pieuse et universelle croyance au privilège insigne dont la Conception de Marie a été honorée. Mieux eût valu, sans doute, rétablir l'octave de cette grande fête, ou rendre à la sainte Vierge le titre des fêtes du 2 février et du 25 mars. Dans tous les cas, c'est au Siège apostolique tout seul qu'appartenait de décider s'il était à propos de concéder à l'Église de Paris un privilège accordé jusqu'ici seulement à l'ordre de Saint-François et au royaume d'Espagne, et que l'Église de Rome n'a pas encore jugé à propos de se conférer à elle-même.

 

C'est ainsi que les maximes qui avaient présidé à la rédaction du Bréviaire de Paris, sous les archevêques de Harlay et de Vintimille, étaient reniées en 1822, par le successeur de ces deux prélats. La Compagnie de Saint-Sulpice eut la principale part à cette réforme telle quelle du Bréviaire de Paris, et on aime à la voir signaler dans cette occasion le zèle de religion que son pieux instituteur avait déposé dans son sein. Fidèle à sa mission, elle avait résisté à l'archevêque de Harlay en 1680, et n'avait admis le trop fameux bréviaire qu'après avoir épuisé tous les moyens de résistance que la nature de sa constitution lui pouvait permettre. Plus tard, en 1736, le Bréviaire de l'archevêque Vintimille fut l'objet de ses répugnances, et elle ne dissimula pas l’éloignement qu'elle éprouvait pour une œuvre qui portait les traces trop visibles des doctrines et intentions de la secte. Elle mettait alors en pratique le précieux conseil de Fénelon, dans une de ses lettres à M. Leschassier : "La solide piété pour le saint Sacrement et pour la sainte Vierge, qui s'affaiblissent et qui se dessèchent tous les jours par la critique des novateurs, doivent être le véritable héritage de votre maison". (19 novembre 1703.) Elle ne pouvait donc voir sans douleur, dans le nouveau bréviaire, la fête du Saint Sacrement abaissée à un degré inférieur à celui qu'elle occupait auparavant, et l'office dans lequel saint Thomas traite du mystère eucharistique avec une onction et une doctrine dignes des anges, supprimé, sauf les hymnes, et remplacé par un autre élaboré par des mains jansénistes. Elle ne pouvait considérer de sang-froid les perfides stratagèmes employés par Vigier et Mésenguy pour affaiblir et dessécher la piété envers Marie ; entre autres, cette falsification honteuse de l’Ave maris Stella, à laquelle on porta remède, il est vrai, mais sans rendre à cette hymne incomparable la place qui lui convient aux fêtes de la sainte Vierge.

 

Plus tard, les choses changèrent ; Symon de Doncourt et Joubert s'apprivoisèrent au point de prêter leurs soins au perfectionnement de l'œuvre de Vigier et Mésenguy ; ils trouvèrent que tout était bien au bréviaire pour le culte du saint Sacrement et de la sainte Vierge : nous avons vu comment, pour la plus grande gloire de saint Pierre, ils améliorèrent une oraison du sacramentaire de saint Grégoire, et comment leur mémoire obtint, comme il était juste, l'honneur de figurer avec éloges dans les Nouvelles Ecclésiastiques. Ces aberrations, dont l'histoire de plusieurs congrégations ne présente que trop de preuves, à l'époque où la secte antiliturgiste avait prévalu, ne seraient plus possibles aujourd'hui, et nous ne les rappelons que pour faire ressortir davantage la portée de cette réaction romaine que notre but est de constater dans le présent chapitre.

 

Le parti janséniste s'en émut, et, quoique l'œuvre de Vigier et Mésenguy demeurât encore malheureusement en son entier, à part ces corrections suggérées par un esprit bien différent, et qui s'y trouvaient implantées désormais comme une réclamation solennelle, on vit néanmoins paraître une brochure de l'abbé Tabaraud (Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, précédés de quelques observations sur la nouvelle édition du Bréviaire de Paris, par un vétéran du Sacerdoce. Paris, 1823, in-8°.), dans laquelle ce Vétéran du Sacerdoce protestait avec violence contre la plupart des améliorations que nous venons de signaler. Un journal ecclésiastique du temps (Tablettes du Clergé. N° de juin 1822. ) présenta aussi ses réclamations, et la nouvelle prose de saint Pierre fut plusieurs fois rappelée dans les feuilles libérales, comme un document irrécusable des progrès scandaleux de l’ultramontanisme au XIXe siècle.

 

Peu de temps avant sa mort, l'archevêque de Quélen prépara une édition du Rituel de Paris. Cette publication fut encore l'occasion d'une nouvelle manifestation de la tendance générale vers un retour aux anciennes formes liturgiques. Dans ce nouveau rituel, en effet, qui a paru depuis la mort du prélat, on a rétabli les prières pour l'administration des sacrements, dans la forme du Rituel romain, et fait disparaître les périodes plus ou moins sonores qui avaient été fabriquées au temps de l'archevêque de Juigné. Nous n'entendons, au reste, aucunement approuver plusieurs choses qui se remarquent dans ce rituel, et sur lesquelles nous aurons occasion de nous expliquer dans la suite de cet ouvrage. Nous disons la même chose du Bréviaire parisien de 1822 : certainement les tendances romaines que nous avons relevées, font de cette édition le monument précieux d'une réaction salutaire ; mais il est dans l'ensemble de cette réforme beaucoup de choses qui nous paraissent répréhensibles, tant du côté du goût que sous le point de vue des convenances liturgiques. En attendant l'examen que nous aurons lieu d'en faire, nous félicitons du moins ici les auteurs de cette correction parisienne d'avoir, entre autres services rendus à la piété des fidèles, débarrassé les complies du temps de Noël de cette antienne désolante, au moyen de laquelle Vigier et Mésenguy cherchèrent à arrêter l'élan des cœurs chrétiens vers l'amour du divin Enfant, à l'heure même où le fidèle, prêt à se livrer au sommeil, a plus besoin de nourrir sa confiance. Depuis 1822, l'église de Paris ne chante plus à l'office du soir ces terribles paroles : In judicium in hunc mundum veni ; ut qui non vident videant, et qui vident cœci fiant.

 

L'exemple donné par l'Église de Paris devait naturellement avoir dé l'influence au loin ; mais avant de poursuivre ce récit, faisons une remarque importante sur la situation actuelle de la Liturgie en France.

 

On se rappelle ce que nous avons dit au sujet de l'introduction du Bréviaire et du Missel de Vintimille dans plusieurs diocèses, aussitôt après leur apparition. Ces nouveaux livres y furent reçus avec enthousiasme, et tout d'abord on travailla à les réimprimer avec le propre du diocèse. Dès l'année 1745, l'archevêque Vintimille donna une nouvelle édition de son bréviaire, dans laquelle il fit plusieurs changements qui, sans être très notables, exigèrent le remaniement d'une centaine de pages et plus. Il eût été incommode aux diocèses qui, les premiers, avaient adopté le nouveau parisien, de se soumettre à cette réforme qui, en droit, ne les obligeait à rien. Ce fut donc déjà le principe d'une divergence, non seulement avec l'Église de Paris dont on avait voulu se rapprocher, en adoptant son bréviaire, mais aussi avec les autres diocèses qui se vouèrent au parisien postérieurement à 1745. Ces derniers, à leur tour, s'ils s'étaient rangés sous la Liturgie de Vigier et de Mésenguy antérieurement à 1778, se trouvèrent bientôt en' désaccord, sur des points assez légers, il est vrai, avec l'Église de Paris, qui, en cette année, sous Christophe de Beaumont, fit encore quelques améliorations à sa Liturgie.

 

Enfin, les diocèses qui adoptèrent le parisien, de 1778 à 1790, et de 1801 à 1822, sont par là même en contradiction plus ou moins notable avec les Églises qui suivent la première édition de 1736, et avec celles qui se servent des livres de 1745, mais bien davantage encore avec l'Église de Paris depuis la correction de 1822. Cette dernière correction a été si considérable, qu'on formerait, en réunissant les diverses additions et changements, un volume fort raisonnable. C'est le parisien de cette dernière réforme qu'ont choisi les diocèses qui, postérieurement à 1822, ont jugé à propos de renoncer à leurs anciens usages, pour venir s'enrôler bénévolement sous les lois de Vigier et Mésenguy. Nous pourrions même citer un diocèse (Angers) qui, dans ces vingt dernières années, a adopté de si bon cœur le parisien de 1822, qu'il ne s'est pas fait grâce même du calendrier, jusque-là que, sans bulle ni bref, il a pris la fête de B. Marie de l'Incarnation. Douze ans après, on s'est aperçu de la grave irrégularité avec laquelle on s'était arrogé ainsi, sans aucune formalité, le droit de canoniser cette bienheureuse servante de Dieu, et dès lors, il est juste de le dire, on a cessé de marquer son office dans l’Ordo du diocèse, la laissant ainsi sans utilité dans le bréviaire. Tel est donc, dans les diocèses mêmes qui suivent le parisien, l'état dans lequel se trouve l'œuvre de 1736 ; encore faut-il tenir compte des changements, modifications, améliorations dont ce bréviaire a été l'objet de la part des correcteurs particuliers des diocèses où il s'est établi depuis cette époque.

 

On peut donc dire, et nous le montrerons en détail dans cet ouvrage, que le Bréviaire de Vintimille a plus subi de changements et de remaniements en un siècle, que le Bréviaire romain lui-même depuis saint Pie V : car les additions d'offices faites à ce bréviaire ne constituent pas de véritables changements ; et nous ne comptons pas non plus ces additions entre les variations du Bréviaire parisien.

 

Mais reprenons notre récit.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Missel parisien (Missale parisiense)

Missel Parisien, Allégorie de l'Eglise portant la croix sur le frontispice
date 1738 et armes de Charles Gaspard Guillaume de Vintimille du Luc, archevêque de Paris de 1729 à 1746
Missale Parisiense 

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