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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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SALVE REGINA

18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 14:00




Sainte Hélène découvre la Croix - par Agnolo Gaddi

Pour relever le sceptre du grand Roi, il fallait une main royale. La pieuse impératrice Hélène, mère du libérateur de l'Eglise, fut désignée par le ciel pour rendre au Christ, sur le théâtre même de ses humiliations, les honneurs qui lui sont dus comme Roi du monde.

Avant de jeter les fondements de la basilique de la Résurrection, cette digne émule de Madeleine et des autres saintes femmes du sépulcre désira avec ardeur retrouver l'instrument du salut. Une tradition conservée chez les Juifs fut interrogée et l'impératrice connut vers quel endroit il était à propos de diriger les fouilles. Avec
quelle sainte anxiété elle suivit les travaux ! avec quel transport de joie elle aperçut le bois de la rédemption, que l'on ne discernait pas encore, il est vrai, mais qui devait être présent dans l'une des trois croix mises à découvert ! Son ardente prière s'élevait vers le Sauveur, qui seul pouvait révéler le divin trophée de sa victoire ; l'évêque Macaire unissait ses vœux à ceux de la pieuse princesse ; et les prodiges à l'aide desquels le discernement se fit avec certitude récompensèrent la foi qui n'aspirait au miracle que pour la plus grande gloire du Rédempteur.


C'en était fait, et l'Eglise entrait en possession de l'instrument du salut des hommes. L'Orient et l'Occident tressaillirent à la nouvelle de cette sublime découverte que le ciel avait conduite, et qui venait mettre le dernier sceau au triomphe du christianisme. Le Christ scellait sa victoire sur le monde païen, en élevant ainsi son étendard, non plus figuré, mais réel, ce bois miraculeux, scandale autrefois pour les Juifs, folie aux yeux des gentils, et devant lequel tout chrétien fléchira désormais le genou.


Que n'avons-nous la piété d'Hélène, ô Sauveur, pour savoir connaître comme elle "la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur du mystère caché dans votre Croix" !

C'est parce qu'elle a aimé ce divin mystère, qu'elle a recherché 
la Croix avec tant d'ardeur ; mais quel sublime spectacle cette pieuse princesse nous offre en ces jours de votre triomphe ! D'une main elle orne votre glorieux sépulcre ; de l'autre elle arrache votre Croix aux ombres qui la couvraient ; qui jamais proclama, avec cette majesté, le mystère pascal ? Le sépulcre nous crie : "Il est ressuscité, il n'est plus ici" ; la Croix nous dit : "Je ne l'ai retenu qu'un moment, et il s'est élancé dans sa gloire." O Croix ! ô sépulcre ! que son humiliation a été rapide, et que le règne qu'il a conquis par vous est assuré ! Nous adorons en vous les vestiges de son passage, et vous demeurez sacrés à jamais, parce qu'il s'est servi de vous pour notre salut.

Gloire soit donc à vous, ô Croix, objet de notre amour et de notre admiration en ce jour ! Continuez de protéger ce monde qui vous possède ; soyez-lui le bouclier qui le défende contre l'ennemi, le secours présent partout qui conserve le souvenir du sacrifice mêlé à celui du triomphe ; car c'est par vous, ô Croix, que le Christ a vaincu, qu'il règne et qu'il commande.
CHRISTUS VINCIT, CHRISTUS REGNAT, CHRISTUS IMPERAT.



DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique




Sainte Hélène par  Cima da Conegliano
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15 août 2009 6 15 /08 /août /2009 06:45


Dormition de la Vierge par un maître français inconnu à l'abbaye de Solesmes - 1540


LE  XV  AOUT L'ASSOMPTION DE LA TRÈS SAINTE VIERGE
par Dom Guéranger


" Aujourd'hui la vierge Marie est montée aux cieux ; réjouissez-vous, car elle règne  avec le  Christ  à  jamais."


Ainsi l'Eglise conclura les chants de cette journée glorieuse ; suave antienne, où se résument l'objet de la fête et l'esprit dans lequel elle doit être célébrée.


Il n'est point de solennité qui respire à la fois comme celle-ci le triomphe et la paix, qui réponde mieux à l'enthousiasme des peuples et à la sérénité des âmes consommées dans l'amour. Certes le triomphe ne fut pas moindre au jour où le Seigneur, sortant du tombeau par sa propre vertu, terrassait l'enfer ; mais dans nos âmes, si subitement tirées de l'abîme des douleurs au surlendemain du Golgotha, la soudaineté de la victoire mêlait comme une sorte de stupeur à l'allégresse de ce plus grand des jours. En présence des Anges prosternés, des disciples hésitants, des saintes femmes saisies de tremblement et de crainte, on eût dit que l'isolement divin du vainqueur de la mort s'imposait à ses plus intimes et les tenait comme Madeleine à distance.
 

Dans la mort de Marie, nulle impression qui ne soit toute de paix ; nulle cause de cette mort que l'amour. Simple créature, elle ne s'arrache point par elle-même aux liens de l'antique ennemie ; mais, de cette tombe où il ne reste que des fleurs, voyons-la s'élever inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé.

Aux acclamations des filles de Sion qui ne cesseront plus de la dire bienheureuse, elle monte entourée des esprits célestes formant des chœurs, louant à l'envi le Fils de Dieu.

Plus rien qui, comme au pays des ombres, vienne tempérer l'ineffable éclat de la plus belle des filles d'Eve ; et c'est sans conteste que par delà les inflexibles Trônes, les Chérubins éblouissants, les Séraphins tout de flammes, elle passe enivrant de parfums la cité bienheureuse. Elle ne s'arrête qu'aux confins même de la Divinité, près du siège d'honneur où le Roi des siècles, son Fils, règne dans la justice et la toute-puissance : c'est là qu'elle aussi est proclamée Reine ; c'est de là qu'elle exercera jusqu'aux siècles sans fin l'universel empire de la clémence et de la bonté.


Cependant, ici-bas, le Liban, Amana, Sanir et Hermon, toutes les montagnes du Cantique sacré, semblent se disputer l'honneur de l'avoir vue s'élever de leurs sommets vers les cieux ; et véritablement la terre entière n'est plus que le piédestal de sa gloire, comme la lune est son marchepied, le soleil son vêtement, comme les astres des cieux forment sa couronne brillante. "Fille de Sion, vous êtes toute belle et suave",
s'écrie l'Eglise, et son ravissement mêle aux chants du triomphe des accents d'une exquise fraîcheur : "Je l'ai vue belle comme la colombe qui s'élève au-dessus des ruisseaux ; ses vêtements exhalaient d'inestimables senteurs, et comme le printemps l'entouraient les roses en fleurs et les lis des vallées."


Même douce limpidité dans les faits de l'histoire biblique où les interprètes des saints Livres ont vu la figure du triomphe de Marie. Tant que dure ce monde, une loi imposante garde l'entrée du palais éternel : nul n'est admis à contempler, sans déposer son manteau de chair, le Roi des cieux. Il est pourtant quelqu'un de notre race humiliée, que n'atteint pas le décret terrible : la vraie Esther s'avance par delà toutes barrières en sa beauté dépassant toute croyance. Pleine de grâces, elle justifie l'amour dont l'a aimée le véritable Assuérus ; mais dans le trajet qui la conduit au redoutable trône du Roi des rois, elle n'entend point rester solitaire : soutenant ses pas, soulevant les plis de son royal vêtement, deux suivantes l'accompagnent, qui sont l'angélique et l'humaine natures, également fières de la saluer pour maîtresse et pour dame, toutes deux aussi participantes de sa gloire.


Si de l'époque de la captivité, où Esther sauva son peuple, nous remontons au temps des grandeurs d'Israël, l'entrée de Notre-Dame en la cité de la paix sans fin nous est représentée par celle de la reine de Saba dans la terrestre Jérusalem. Tandis qu'elle contemple ravie la magnificence du 
très haut prince qui gouverne en Sion : la pompe de son propre cortège, les incalculables richesses du trésor qui la suit, ses pierres précieuses, ses aromates, plongent dans l'admiration la Ville sainte. Jamais, dit l'Ecriture, on ne vit tant et de si excellents, parfums que ceux que la reine de Saba offrit au roi Salomon.


La réception faite par le fils de David à Bethsabée sa mère, au troisième livre des Rois, vient achever non moins heureusement d'exprimer le mystère où la piété filiale du vrai Salomon a si grande part en ce jour. Bethsabée venant vers le roi, celui-ci se leva pour aller à sa rencontre, et il lui rendit honneur, et il s'assit sur son trône ; et un trône fut disposé pour la mère du roi, laquelle s'assit à sa droite. O Notre-Dame, combien en effet vous dépassez tous les serviteurs, ministres ou amis de Dieu ! "Le jour où Gabriel vint à ma bassesse, vous fait dire saint Ephrem, de servante je fus reine ; et moi, l'esclave de ta divinité, soudain je devins mère de ton humanité, mon Seigneur et mon fils ! O fils du Roi, qui m'as faite moi aussi sa fille, ô tout céleste qui introduis aux cieux cette fille de la terre, de quel nom te nommer ?"


Lui-même le Seigneur Christ a répondu ; le Dieu fait homme nous révèle le seul nom qui, en effet, l'exprime pleinement dans sa double nature : il s'appelle le Fils. Fils de l'homme comme il est Fils de Dieu, il n'a qu'une mère ici-bas, comme il n'a qu'un Père au ciel. Dans l'auguste Trinité il procède du Père en lui restant consubstantiel, ne se distinguant de lui  que parce  qu'il est Fils, 
produisant avec lui l'Esprit-Saint comme un seul principe ; dans la mission extérieure qu'il remplit à la gloire de la Trinité sainte, communiquant pour ainsi dire à son humanité les moeurs de sa divinité autant que le comporte la diversité des natures, il ne se sépare en rien de sa mère, et veut l'avoir participante jusque dans l'effusionde l'Esprit-Saint sur toute âme. Ineffable union, fondement des grandeurs dont le triomphe de ce jour est le couronnement pour Marie. Les jours de l'Octave nous permettront de revenir sur quelques-unes des conséquences d'un tel principe ; qu'il nous suffise aujourd'hui de l'avoir posé.


" Comme donc le Christ est Seigneur, dit l'ami de saint Bernard, Arnauld de Bonneval, Marie aussi est Dame et souveraine. Quiconque fléchit le genou devant le fils, se prosterne devant la mère. A son seul nom les démons tremblent, les hommes tressaillent, les anges glorifient Dieu. Une est la chair de Marie et du Christ, un leur esprit, un leur amour. Du jour où il lui fut dit, Le Seigneur est avec vous, irrévocable en fut la grâce, inséparable l'unité ; et pour parler de la gloire du fils et de la mère, ce n'est pas tant une gloire commune que la même gloire qu'il faut dire." — "O toi la beauté et l'honneur de ta mère, reprend le grand diacre d'Edesse, ainsi l'as-tu parée en toutes manières, celle qui avec d'autres est ta sœur et ton épouse, mais qui seule t'a conçu."


« Venez donc, ô toute belle, dit Rupert à son tour, vous serez couronnée, au ciel reine  des
Saints, ici-bas reine de tout royaume. Partout où l'on dira du bien-aimé qu’il a été couronné de gloire et d'honneur, établi prince sur toutes les œuvres du Père, partout aussi on publiera de vous, ô bien-aimée, que vous êtes sa mère, et partant reine de tout domaine où s'étend sa puissance ; et, à cause de cela, les empereurs et les rois vous couronneront de leurs couronnes et vous consacreront leurs palais."

 

Entre les fêtes des Saints, c'est ici la solennité des solennités. "Que le génie de l'homme s'emploie à relever sa magnificence ; que le discours reflète sa majesté. Daigne la souveraine du monde agréer le bon vouloir de nos lèvres, aider notre insuffisance, illuminer de ses propres feux la sublimité de ce jour."
 

Ce n'est point d'aujourd'hui seulement que le triomphe de Marie ramène l'enthousiasme au cœur du chrétien. Aux temps qui précédèrent le nôtre, l'Eglise montrait, par des prescriptions conservées au Corps du Droit, la prééminence qu'occupait dans sa pensée le glorieux anniversaire. C'est ainsi que, sous Boniface VIII, elle lui réservait, comme aux seules fêtes de Noël, de Pâques et de Pentecôte, le privilège d'être célébré, dans les pays mêmes soumis à l'interdit, au son des cloches et avec la splendeur accoutumée.

Dans ses instructions aux Bulgares nouvellement convertis, saint Nicolas Ier, qui occupa le Siège apostolique de 858 à 867, rapprochait de même déjà les quatre solennités sous une seule recommandation, quant aux jeûnes de Carême, de Quatre-Temps ou de Vigiles qui s'y rattachent : jeûnes, disait-il, que dès longtemps la sainte Eglise Romaine a reçus et observe.


Il convient de rapporter au siècle précédent la composition du célèbre discours qui fournit jusqu'à saint Pie V les Leçons des Matines de la fête, et dont l'inspiration, le texte lui-même, se retrouve encore en plus d'un endroit de l'Office actuel. L'auteur, digne des grands âges par le style et la science, mais se couvrant d'un faux personnage, débutait ainsi : "Vous voulez, ô Paula et Eustochium, que laissant de côté la forme de traités qui m'est habituelle, je m'essaie, genre nouveau pour moi, à célébrer selon le mode oratoire l'Assomption de la bienheureuse Marie toujours vierge." Et le saint Jérôme supposé disait éloquemment la grandeur de cette fête "incomparable comme celle qui s'y éleva glorieuse et fortunée au sanctuaire du ciel : solennité, admiration des armées angéliques, bonheur des citoyens de la vraie patrie, qui ne se contentent pas de lui donner comme nous un jour, mais la célèbrent sans fin dans l'éternelle continuité de leur vénération, de leur amour et de leur triomphante allégresse."

Pourquoi  faut-il qu'une répulsion légitime pour
les excès de quelques apocryphes ait amené l'auteur de ce bel exposé des grandeurs de Marie à hésiter sur la croyance au privilège glorieux de son Assomption corporelle ? Prudence trop discrète, qu'allaient exagérer bientôt les martyrologes d'Usuard et d'Adon de Vienne.

Ce n'était pas pourtant sur les rives de la Seine ou celles du Rhône qu'il eût convenu de méconnaître une tradition s'affirmant toujours plus chaque jour, et dont, avant toutes autres, nos Eglises des Gaules avaient eu la gloire dé consacrer en Occident la formule explicite. Qui, mieux que ne le faisait l'antique Liturgie gallicane, a su depuis chanter cette Assomption plénière, conséquence de la divine et virginale maternité, et comme elle apportant joie au monde ? "Ni douleur dans l'enfantement, ni labeur en la mort, ni dissolution au tombeau, nulle tombe ne pouvant retenir celle que la terre n'a point souillée" : ainsi nos pères exprimaient le mystère, et ils s'excitaient à gagner la patrie où nous précède corporellement la Vierge bienheureuse.
 

Au grand chagrin de plus d'une âme sainte, l'autorité du faux saint Jérôme, survenant à l'heure où se consommait l'abandon de la Liturgie gallicane par les premiers Carlovingiens, déconcerta quelque peu la piété de nos contrées. Mais on n'arrête pas le mouvement qu'il plaît au Saint-Esprit d'imprimer à la foi des peuples. Au XIIIe siècle, les deux princes de la théologie, saint Thomas et saint Bonaventure, s'accordaient  pour Souscrire au sentiment redevenu général de leur temps,  touchant la croyance  à la résurrection anticipée de Notre-Dame. Bientôt cette croyance s'imposait, par le fait de son universalité, comme la doctrine même de l'Eglise ; dès l'année 1497, la Sorbonne déniait la liberté de se produire aux propositions qui  s'élevaient à l'encontre, et les frappait de ses plus dures censures.

En 1870, le concile  du Vatican, trop tôt suspendu,  ne put donner suite au vœu instamment exprimé alors d'une définition qui eût achevé la glorieuse couronne de lumière, oeuvre des siècles, hommage de l'Eglise militante à la Reine des cieux. Mais la proclamation de  la Conception immaculée, qui reste acquise à notre temps, encourage nos espérances pour l'avenir. L'Assomption corporelle de la divine Mère se présente désormais comme le corollaire dogmatique, immédiat, d'un dogme révélé  : Marie,  n'ayant rien  connu  du  péché d'origine, n'a contracté nulle dette avec la mort son châtiment ; c'est librement que, pour se conformer à son  Fils,  elle a voulu mourir ; et, de même que le saint de Dieu, la sainte de son Christ n'a pu connaître la corruption du tombeau.


Si d'anciens calendriers donnent à la fête de ce jour le titre de Sommeil ou Repos, dormitio, pausatio, de la Bienheureuse Vierge, on ne saurait
en conclure qu'au temps où ils furent rédigés, cette fête n'avait pas d'autre objet que la très sainte mort de Marie ; les Grecs, de qui cette expression nous est parvenue, ont toujours compris dans la solennité le glorieux triomphe qui suivit cette mort. Il en est de même des Syriens, des Chaldéens, des Coptes, des Arméniens. Chez ces derniers, conformément à l'usage qu'ils ont de rattacher leurs fêtes à un jour précis de la semaine, et non au quantième du mois, l'Assomption est fixée au Dimanche qui se rencontre entre le 12 et le 18 août. Précédée d'une semaine de jeûnes, elle donne son nom à la série des autres Dimanches qui la suivent, jusqu'à l'Exaltation de la sainte Croix en septembre.


A Rome, l'Assomption ou Dormitio de la sainte Mère de Dieu apparaît comme célébrée depuis un temps qu'on ne saurait définir ; on ne voit pas qu'elle y ait eu jamais d'autre jour propre que le quinzième du mois d'août. Au rapport de Nicéphore Calliste, c'est la même date que lui assignait pour Constantinople, à la fin du VIee siècle, l'empereur Maurice ; or, comme entre plusieurs autres solennités dont l'historien rappelle au même lieu l'origine, celle de la Dormitio est la seule dont il dise qu'elle ait été, non pas établie, mais fixée par Maurice à tel jour, de savants auteurs en ont tiré la conclusion de la préexistence de la fête elle-même à l'édit impérial : celui-ci n'aurait eu pour but que de mettre un terme à certaine diversité d'usage quant au jour où elle était célébrée.


C'était le temps où, bien loin de Byzance, nos pères, les Francs Mérovingiens, célébraient au 18 janvier la glorification de Notre-Dame avec cette plénitude de doctrine que nous avons rapportée. Quelle que puisse être l'explication du choix de ce jour, il est à noter qu'aujourd'hui encore les Coptes des bords du Nil annoncent dans leur synaxaire, au 21 du mois de Tobi, qui répond à notre 28 janvier, le Repos de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et l’Assomption de son corps au ciel; ils reprennent du reste cette annonce au 16 de Mesori, 21 août, et c'est également au premier de ce mois de Mesori qu'ils commencent leur carême de la Mère de Dieu, comprenant quinze jours comme celui des Grecs.
 

Il est des auteurs qui ont fait remonter la fête de  l'Assomption  de  Notre-Dame  aux Apôtres eux-mêmes. Le silence des monuments primitifs de la Liturgie favorise peu leur sentiment. L'hésitation sur la date qu'il convenait d'attribuer à cette fête, la liberté laissée longtemps à son sujet, paraissent manifester plutôt dans sa première institution l'initiative spontanée des Eglises diverses, à l'occasion de quelque fait attirant  l'attention sur le mystère ou l'ayant mis en plus grand jour. De cette sorte a pu être, vers l'an 451, la relation partout répandue dans  laquelle Juvénal de Jérusalem exposait à l'impératrice sainte  Pulchérie et  à son  époux Marcien l'histoire du tombeau, vide de son précieux dépôt, que les Apôtres préparèrent pour  Notre-Dame au pied du mont des Oliviers.

Les paroles suivantes de saint  André
de Crète, au VIIe siècle, font bien voir la marche un peu indécise à l'origine qui résulta de telles circonstances pour la nouvelle solennité ; né à Damas, moine à Jérusalem, puis diacre de Constantinople, avant de ceindre enfin la couronne des pontifes dans l'île célèbre d'où lui resta son nom, il n'est personne qui soit mieux en mesure que notre Saint de parler en connaissance de cause pour l'Orient :

" La solennité présente, dit-il, est pleine de mystère, ayant pour objet de célébrer le jour où s'endormit la Mère de Dieu ; elle s'élève plus haut, cette solennité, que le discours ne peut atteindre ; il n'a pas été tout d'abord, ce mystère, célébré par plusieurs, mais tous maintenant l'aiment et l'honorent. A son sujet, le silence précéda longtemps le discours, l'amour maintenant divulgue l'arcane. On doit manifester le don de Dieu, non l'enfouir ; on doit le présenter, non comme récemment découvert, mais comme ayant recouvré sa splendeur. Quelques-uns de ceux qui furent avant nous ne le connurent qu'imparfaitement : ce n'est pas une raison de se taire toujours ; il ne s'est pas totalement obscurci : proclamons-le, et faisons fête. Qu'aujourd'hui s'unissent les habitants des cieux et ceux de la terre, qu'une soit la joie de l'ange et de l'homme, que toute langue tressaille et chante Je vous salue à la Mère de Dieu."
 

Nous aussi, faisons honneur au don de Dieu ; soyons reconnaissants à l'Eglise de ce que la glorieuse Assomption n'a pas subi chez nous le sort de tant d'autres fêtes, au commencement de ce siècle, et nous trouve toujours  unis à  nos frères de la terre comme à ceux du ciel pour chanter Marie.



DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique




Dormition et Assomption de la Vierge par Orcagna (Florence, 1359)
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13 août 2009 4 13 /08 /août /2009 04:30

Jamais butin n'égala celui que l'expédition de Thuringe valut, vers l'an 530, aux fils de Clovis. "Recevez cette bénédiction des  dépouilles  de  l'ennemi", pouvaient-ils dire en présentant aux Francs l'orpheline recueillie à la cour du prince fratricide qu'ils venaient de châtier. Radegonde voyait Dieu se hâter de mûrir son âme.

Après la mort tragique des siens, était venue pour son pays l'heure de la ruine ; longtemps après, la mémoire en restait toute vive au cœur de l'enfant d'alors, suscitant chez la reine et la sainte des retours d'exilée que l'amour seul du Christ-roi pouvait dompter : "J'ai vu les morts couvrir la plaine, et l'incendie ravager les palais ; j'ai vu les femmes, l'œil sec d'effroi, mener le deuil de la Thuringe tombée ; moi seule ai survécu pour pleurer pour tous." (De excidio Thuringiae, I, V. 5-36, Fortunatus ex persona Radegundis)

Près des rois francs, dont la licence sauvage rappelait trop celle de ses pères, la captive rencontra cependant le christianisme qu'elle ne connaissait point encore. La foi eut pour cette âme que la souffrance avait creusée de quoi remplir ses  abîmes. En la  donnant à Dieu, le baptême consacra sans les briser les élans de sa fière nature. Affamée du Christ, elle eût voulu aller à lui par le martyre, elle le cherchait sur la croix de tous les renoncements, elle le trouvait dans ses membres souffrants et pauvres ; du visage des lépreux, qui était pour elle la face défigurée de son Sauveur, elle s'élevait à l'ardente contemplation de l'Epoux triomphant dont la face glorieuse illumine l'assemblée des Saints.


Quelle répulsion quand, lui offrant les honneurs de reine, le destructeur de sa patrie prétendit partager avec Dieu la possession d'un cœur que le ciel seul avait pu consoler et combler ! La fuite d'abord, le refus de plier ses mœurs aux convenances d'une cour où tout heurtait pour elle aspirations et souvenirs, l'empressement à briser au premier jour des liens que la violence avait seule noués, montrèrent bien si l'épreuve avait eu d'autre effet, comme dit sa Vie, que de tendre son âme toujours plus à l'objet de son unique amour.


Cependant, près du tombeau de Martin, une autre reine, la mère du royaume très chrétien, Clotilde allait mourir. Malheur aux temps où les personnages de la droite du Très-Haut, disparaissant, ne sont pas remplacés sur la terre, où le Psalmiste s'écrie dans son juste effroi : Sauvez-moi, à Dieu, parce qu'il n'y a plus de Saint ! Car si au ciel les élus prient toujours, ils ne fournissent plus dans leur chair le supplément qui manque aux souffrances du Seigneur pour son corps qui est l'Eglise. La tâche commencée au baptistère de Reims n'était pas achevée ; l'Evangile, 
qui régnait par la foi sur notre nation, était loin  d'avoir encore assoupli ses mœurs.  A la prière suprême de celle qu'il nous avait  donnée pour mère, le Christ  qui aime les Francs  ne refusa  point  la consolation de savoir qu'elle allait se survivre ; Radegonde,  délivrée juste à temps pour ne point laisser vaquer l'œuvre laborieuse de former à l'Eglise sa fille aînée, reprenait avec Dieu dans la solitude la lutte de prière et d'expiation commencée par la veuve de Clovis.


La joie d'avoir rompu  un  joug odieux rendit le pardon facile à sa grande âme ; dans son monastère de  Poitiers, elle manifesta pour ces rois qu'elle tenait à distance un dévouement qui ne devait plus leur faire un seul jour défaut. C'est qu'à  leur sort était lié celui de la France, cette patrie de sa vie surnaturelle où l'Homme-Dieu s'était révélé à  son cœur, et qu'à  ce titre elle aimait d'une partie de l'amour qu'elle portait au ciel, l'éternelle  patrie. La paix, la prospérité de cette terre natale de son âme occupaient jour et nuit sa pensée.  Survenait-il quelque amertume entre les princes, disent les récits contemporains, on la voyait trembler de tous ses membres a la seule crainte des dangers du  pays. Elle écrivait selon leurs dispositions diverses à tous et chacun des rois,  les adjurant  de songer au salut de la nation ; à ses démarches pour écarter la guerre elle  intéressait les principaux leudes. Elle imposait  à sa communauté des  veilles  assidues, l'exhortant avec larmes à prier sans trêve ; quant à  elle-même, les tourments qu'elle  s'infligeait dans ce but sont inexprimables.


L'unique  victoire ambitionnée de  Radegonde
était donc la paix entre les rois de la terre ; quand elle l'avait remportée dans sa lutte avec le Roi du ciel, son allégresse redoublait au service du Seigneur, et la tendresse qu'elle ressentait pour ses auxiliaires dévouées, les moniales de Sainte-Croix, trouvait à peine d'expression suffisante : "Vous les filles de mon choix, répétait-elle, mes yeux, ma vie, mon doux repos, ma félicité, vivez avec moi de telle sorte en ce siècle, que nous nous retrouvions dans le bonheur de l'autre." Mais combien cet amour lui était rendu !


" Par le Dieu du ciel, c'est la vérité que tout en elle reflétait la splendeur de l'âme." Cri spontané et plein de grâce de sa fille Baudonivie, auquel fait écho la voix plus grave de l'évêque historien, Grégoire de Tours, attestant la permanence jusque dans le trépas de la surnaturelle beauté de la sainte  ; éclat d'en haut qui purifiait autant qu'il retenait les cœurs, qui fixait l'inconstance voyageuse de l'italien Venance Fortunat appelait sur son propre front l'auréole des Saints avec l'onction des Pontifes, et lui inspirait ses plus beaux chants.


Comment n'eût-elle pas réfléchi la lumière de Dieu, celle qui, tournée vers lui dans une contemplation ininterrompue, redoublait de désirs à mesure que la fin de l'exil approchait ? Ni les reliques des Saints, qu'elle avait tant recherchées parce qu'elles lui parlaient de la vraie patrie, ni son plus cher trésor, la Croix du Seigneur, ne lui suffisaient plus : c'était le Seigneur même qu'elle eût voulu ravir au trône de sa majesté, pour le faire habiter visiblement ici-bas. 

Faisait-elle diversion à ses soupirs sans fin, c'était pour exciter dans les autres les mêmes aspirations, le même besoin du rayon céleste. Elle exhortait ses filles à ne rien négliger des divines connaissances, leur expliquant avec sa science profonde et son amour de mère les difficultés des Ecritures. Comme elle multipliait dans le même but pour la communauté les lectures saintes : "Si vous ne comprenez pas, disait-elle, interrogez ; que craignez-vous de chercher la lumière de vos âmes ? Moissonnez, moissonnez le froment du Seigneur ; car , je vous le dis en vérité , vous n'aurez plus longtemps à le faire : moissonnez , car l'heure approche où vous voudrez rappeler à vous ces jours qui vous sont donnés présentement, et vos regrets ne les ramèneront pas."


Et la pieuse narratrice à qui nous devons ces détails d'une intimité si vivante et si suave, poursuit en effet : "Il est venu trop tôt ce temps dont notre indolence d'alors écoutait si tièdement l'annonce. L'oracle s'est réalisé pour nous, qui dit : Je vous enverrai la famine sur la terre, famine non du pain ni de l'eau, mais de la divine parole. Car bien qu'on nous lise encore ses conférences d'autrefois, elle s'est tue cette voix qui ne cessait pas, elles sont fermées ces lèvres toujours prêtes aux sages conseils, aux douces effusions. Quelle expression, quels traits, ô Dieu très bon, quelle attitude vous lui aviez donnés ! Non, personne ne pourra jamais le décrire. Vrai supplice, que ce souvenir ! Cet enseignement, cette grâce, ce visage, ce maintien, cette science, 
cette  piété, cette bonté, cette douceur,  où les chercher maintenant ?" (Baudonivia)


Douleur touchante, toute à l'honneur des enfants et de la mère, mais qui ne pouvait retarder pour celle-ci la récompense. Le matin des ides d'août de l'année 587, au milieu des lamentations qui s'élevaient de Sainte-Croix, un ange avait été entendu, disant à d'autres dans les hauteurs : "Laissez-la encore, car les pleurs de ses filles sont montés jusqu'à Dieu." Mais ceux qui portaient Radegonde avaient répondu : "Il est trop tard, elle est déjà en paradis."
 


DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique





Sainte Radegonde à Poitiers

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12 août 2009 3 12 /08 /août /2009 09:00

Sainte Jeanne de Chantal ou la puissance d'aimer



SAINTE JEANNE  FRANÇOISE FRÉMIOT DE CHANTAL (par Dom Guéranger)
 

Bien que la gloire de Marie soit d'au dedans, sa beauté paraît aussi dans le vêtement qui l'entoure : vêtement mystérieux, tissé des vertus des Saints qui lui doivent leur justice et leur récompense. De même que toute grâce nous vient par la divine Mère, toute gloire au ciel converge vers celle de la Reine des cieux.


Or, entre les âmes bienheureuses, il en est de plus immédiatement rapprochées de la Vierge bénie. Prévenues de la tendresse particulière de cette Mère de la grâce, elles laissèrent tout pour courir sur la terre à l'odeur des parfums de l'Epoux qu'elle a donné au monde ; elles gardent au ciel avec Marie l'intimité plus grande qui fut déjà leur part au temps de l'exil. De là vient qu'à cette heure de son exaltation près du Fils de Dieu, le Psalmiste chante aussi les vierges pénétrant avec elle en allégresse dans le temple du Roi ; le couronnement de Notre-Dame est véritablement la toute spéciale solennité de ces filles de Tyr, devenues elles mêmes princesses et 
reines afin de former son noble cortège et sa royale cour.


Si le diadème de la virginité n'orne pas le front de l'élue proposée aujourd'hui à notre vénération, elle est de celles pourtant qui méritèrent en leur humilité d'entendre un jour le céleste message : Ecoute, ma fille, et vois, et incline l'oreille de ton cœur, et oublie ton peuple et la maison de ton père. En réponse, tel fut son bienheureux élan dans les voies de l'amour, qu'on vit des vierges innombrables s'attacher à ses pas pour parvenir plus sûrement à l'Epoux. A elle aussi revient en conséquence une place glorieuse dans le vêtement d'or, aux reflets multiples, dont resplendit en son triomphe la Reine des Saints.


Car quelle est la variété signalée par le Psaume dans les broderies et les franges de cette robe de gloire, sinon la diversité des nuances que revêt l'or delà divine charité parmi les élus ? C'est afin d'accentuer l'heureux effet provenant de cette diversité dans la lumière des Saints, que l'éternelle Sagesse a multiplié les formes sous lesquelles se présente au monde la vie des conseils. Tel est bien l'enseignement voulu par la sainte Liturgie dans le rapprochement des deux fêtes d'aujourd'hui et d'hier au Cycle sacré. De l'austérité cistercienne au renoncement plus intérieur de la Visitation Sainte-Marie, la distance paraît grande ; l'Eglise néanmoins réunit la mémoire de sainte Jeanne de Chantai et de l'Abbé de Clairvaux, en hommage à la bienheureuse Vierge, dans l'Octave fortunée qui consomme sa gloire ; c'est qu'en effet toutes les Règles de perfection s'accordent pour 
n'être, à l'honneur de Marie, que des variantes de l'unique Règle, celle de l'amour, dont la divine Mère présente en sa vie l'exemplaire premier.


" Ne divisons pas la robe de l'Epouse, dit saint Bernard. L'unité, tant au ciel qu'ici-bas, consiste en la charité. Que celui qui se glorifie de la Règle n'agisse pas à l'encontre, en allant contre l'Evangile. Si le royaume de Dieu estait dedans de nous, c'est qu’il n'est point dans le manger ou le boire, mais dans la justice, la paix, la joie du Saint-Esprit. Critiquer autrui sur l'observance extérieure et négliger de la Règle le côté qui regarde l'âme, c'est écarter le moucheron de la coupe et avaler un chameau. Tu brises ton corps par des travaux sans fin, tu mortifies par les austérités tes membres qui sont sur la terre ; et tu fais bien. Mais lorsque tu te permets de juger celui qui ne peine pas autant, lui peut-être se conforme à l'avis de l'Apôtre : empressé davantage pour les dons les meilleurs, retenant moins de cet exercice corporel qui est de moindre utilité, il s'adonne plus à la piété qui est utile à tout. Qui donc de vous deux garde le mieux la Règle ? Celui sans doute qui s'en trouve meilleur. Or, le meilleur, quel est-il ? le plus humble ? ou le plus fatigué ? Apprenez de moi, dit Jésus, que je suis doux et humble de cœur."


Parlant de la diversité des familles religieuses, saint François de Sales dit excellemment à son tour : "Toutes les Religions ont un esprit qui leur est général, et chacune en a un qui lui est particulier. Le général est la prétention qu'elles ont
toutes d'aspirer à la perfection de la charité ; mais l'esprit particulier, c'est le moyen de parvenir à cette perfection de la charité, c'est-à-dire, à l'union de notre âme avec Dieu, et avec le prochain pour l'amour de Dieu."

Venant donc à l'esprit spécial de l'institut qu'il avait fondé de concert avec notre Sainte, l'évêque de Genève déclare que c'est "un esprit d'une profonde humilité envers Dieu, et d'une grande douceur envers le prochain ; d'autant qu'ayant moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y ait tant plus de douceur de cœur." Et parce que celte Congrégation a été érigée en sorte que nulle grande âpreté ne puisse divertir les faibles et infirmes de s'y ranger, pour y vaquer à la perfection du divin amour ; il ajoute gracieusement : Que s'il y avait une sœur qui fût si généreuse et courageuse que de vouloir parvenir à la perfection dans un quart d'heure, faisant plus que la Communauté, je lui conseillerais qu'elle s'humiliât et se soumît à ne vouloir être parfaite que dans trois jours, allant le train des autres. Car il faut observer toujours une grande simplicité en toutes choses : marcher simplement, c'est la vraie voie des filles de la Visitation, qui est grandement agréable à Dieu et très assurée."


Avec la douceur et l'humilité pour devise, le pieux évêque était bien inspiré de donner à ses filles, comme armoiries, le divin Cœur où ces suaves vertus ont leur source aimée. On sait combien magnifiquement le ciel justifia ce blason. Le siècle n'était pas encore écoulé, qu'une religieuse de la  Visitation, la Bienheureuse Marguerite-Marie,
pouvait dire : "Notre adorable Sauveur m'a fait voir la dévotion de son divin Cœur comme un bel arbre qu'il avait destiné de toute éternité pour prendre ses racines au milieu de notre institut. Il veut que les filles de la Visitation distribuent les fruits de cet arbre sacré avec abondance à tous ceux qui désireront d'en manger, sans crainte qu'il leur manque."


" Amour ! amour ! amour ! mes filles, je ne sais plus autre chose." Ainsi s'écriait, elle aussi, en ses derniers ans, la glorieuse coopératrice de François dans l'établissement de la Visitation Sainte-Marie, Jeanne de Chantal. "Ma Mère, lui dit une sœur, je vais écrire à nos maisons que Votre Charité est en sa vieillesse, et que comme votre parrain saint Jean, vous ne nous parlez plus que d'amour." A quoi la Sainte repartit : "Ma fille, ne faites point cette comparaison, car il ne faut pas profaner les Saints en les comparant aux chétifs pécheurs ; mais vous me ferez plaisir de mander à ces filles-là que si je croyais mon courage, si je suivais mon inclination, et si je ne craignais d'ennuyer nos sœurs, je ne parlerais jamais d'autre chose que de la charité ; et je vous assure que je n'ouvre presque jamais la bouche pour parler de choses bonnes, que je n'aie envie de dire : Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, et ton prochain comme toi-même".


Paroles bien dignes de celle qui valut à l'Eglise l'admirable Traité de l’Amour de Dieu, composé, dit l'évêque de Genève, à son occasion, prière et sollicitation, pour elle et ses semblables. Tout 
d'abord cependant, l'impétuosité de cette âme, exubérante de dévouement et d'énergie, parut peu faite pour être maîtresse en une école où l'héroïsme se traduit dans la suavité simple d'une vie toute cachée en Dieu. C'est à discipliner cette énergie de la femme forte, sans en éteindre l'ardeur, que s'appliqua persévéramment saint François de Sales durant les dix-huit années qu'il en eut la conduite. "Faites tout, lui répète-t-il en mille manières, sans empressement, suavement comme font les Anges ; suivez la conduite des mouvements divins, rendez-vous souple à la grâce ; Dieu veut que nous soyons comme des petits enfants."

Et ici trouve place une page délicieuse de l'aimable Saint, que nous voulons citer encore : 
"
Si l'on eût demandé au doux enfant Jésus, étant porté entre les bras de sa mère, où il allait ? n'eût-il pas eu raison de répondre : Je ne vais pas, c'est ma mère qui va pour moi. Et qui lui eût demandé : Mais au moins n'allez-vous pas avec votre mère ? n'eût-il pas eu raison de dire : Non, je ne vais nullement, ains seulement par les pas de ma mère, par elle et en elle. Et qui lui eût répliqué : Mais au moins, ô très cher divin enfant vous vous voulez bien laisser portera votre douce mère ? Non fais certes, eût-il pu dire, je ne veux rien de tout cela ; ains, comme ma toute bonne mère marche pour moi, aussi elle veut pour moi ; et, comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir ; et, dès que je me trouve entre ses bras, je n'ai aucune attention ni à vouloir, ni à ne vouloir pas, laissant tout autre soin à ma mère, hormis celui d'être sur son sein, et de me tenir bien attaché à son cou très aimable pour la baiser amoureusement des baisers de ma bouche ; et, afin que vous le sachiez, tandis que je suis parmi les délices de ces saintes caresses qui surpassent toute suavité, il m'est avis que ma mère est un arbre de vie, et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son âme au milieu de son cœur : c'est pourquoi, comme son marcher suffit pour elle et pour moi, sans que je me mêle de faire aucun pas : aussi ne prends-je point garde si elle va vite ou tout bellement, ni si elle va d'un côté ou d'un autre, ni je ne m'enquiers nullement où elle veut aller, me contentant que, comme que ce soit, je suis toujours entre ses bras, joignant ses amiables mamelles, où je me repais comme entre les lis. Théotime, nous devons être comme cela, pliables et maniables au bon plaisir divin."




DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique




Sainte Jeanne de Chantal
portrait original à la
Visitation de Turin
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11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 04:30

L'année même où, préalablement à tout projet de réunir des fils, saint Dominique fondait le premier établissement des Sœurs de son Ordre, le compagnon destiné du ciel au père des Prêcheurs recevait du Crucifix de Saint-Damien sa mission par ces mots : "Va, François, réparer ma maison qui tombe en ruines." Et le nouveau patriarche inaugurait son œuvre en préparant, comme Dominique, à ses futures filles l'asile sacré où leur immolation obtiendrait toute grâce à l'Ordre puissant qu'il devait fonder.

Sainte-Marie de la Portioncule, berceau des Mineurs, ne devait qu'après Saint-Damien, maison des Pauvres-Dames, occuper la pensée du séraphin d'Assise. Ainsi une deuxième fois dans ce mois, l'éternelle Sagesse veut-elle nous montrer que tout fruit de salut, qu'il semble provenir de la parole ou de l'action, procède premièrement de la contemplation silencieuse.


Claire fut pour François l'aide semblable à lui-même dont la maternité engendra au Seigneur cette multitude d'héroïques vierges, d'illustres pénitentes, que l'Ordre séraphique compta bientôt sous toutes les latitudes, venant à lui des plus humbles conditions comme des marches du trône.
Dans la nouvelle chevalerie du Christ, la Pauvreté, que le père des Mineurs avait choisie pour Dame, était aussi la souveraine de celle que Dieu lui avait donnée pour émule et pour fille. Suivant jusqu'aux dernières extrémités l'Homme-Dieu humilié et dénué pour nous, elle-même pourtant déjà se sentait reine avec ses sœurs au royaume des cieux. Dans le petit nid de son dénûment, répétait-elle avec amour, quel joyau d'épouse égalerait jamais la conformité avec le Dieu sans nul bien que la plus pauvre des mères enserra tout petit de vils langes en une crèche étroite ! Aussi la vit-on défendre intrépidement, contre les plus hautes interventions, ce privilège de la pauvreté absolue dont la demande avait fait tressaillir le grand Pape Innocent III, dont la confirmation définitive, obtenue l'avant-veille de la mort de la sainte, apparut comme la récompense ambitionnée de quarante années de prières et de souffrances pour l'Eglise de Dieu.


La noble fille d'Assise avait justifié la prophétie qui, soixante ans plus tôt, l'annonçait à sa pieuse mère Hortulana comme devant éclairer le monde ; bien inspiré avait été le choix du nom qu'on lui donnait à sa naissance. "Oh ! comme puissante fut cette clarté de la vierge, s'écrie dans la bulle de sa canonisation le Pontife suprême, comme pénétrants furent ses rayons ! Elle se cachait au plus profond du cloître, et son éclat, transperçant tout, remplissait la maison de Dieu."

De sa pauvre solitude qu'elle ne quitta jamais, le nom
seul de Claire semblait porter partout la grâce avec la lumière, et fécondait au loin pour Dieu et son père saint François les cités. Vaste comme le monde, où se multipliait l'admirable lignée de sa virginité, son cœur de mère débordait d'ineffable tendresse pour ces filles qu'elle n'avait jamais vues. A ceux qui croient que l'austérité embrassée pour Dieu dessèche l'âme, citons ces lignes de sa correspondance avec la Bienheureuse Agnès de Bohême. Fille d'Ottocare Ier, Agnès avait répudié pour la bure d'impériales fiançailles et renouvelait à Prague les merveilles de Saint-Damien :

O ma Mère et ma fille, si je ne vous ai pas écrit aussi souvent que l'eût désiré mon âme et la vôtre, n'en soyez point surprise : comme vous aimaient les entrailles de votre mère, ainsi je vous chéris ; mais rares sont les messagers, grands les périls des routes. Aujourd'hui que l'occasion m'en est présentée, mon allégresse est entière, et je me conjouis avec vous dans la joie du Saint-Esprit. Comme la première Agnès s'unit à l'Agneau immaculé, ainsi donc vous est-il donné, ô fortunée, de jouir de cette union, étonnement des cieux, avec Celui dont le désir ravit toute âme, dont la bonté est toute douceur, dont la vision fait les bienheureux, lui la lumière de l'éternelle lumière, le miroir sans nulle tache ! Regardez-vous dans ce miroir, ô Reine, ô Epouse ! Sans cesse, à son reflet, relevez vos charmes ; au dehors, au dedans, ornez-vous des vertus, parez comme il convient la fille et l'épouse du Roi suprême : ô bien-aimée, les yeux sur ce miroir, de quelles délices il vous sera donné de jouir en la divine grâce ! Souvenez-vous cependant de votre pauvre Mère, et sachez que pour moi j'ai gravé à jamais votre bienheureux souvenir en mon cœur.

La famille franciscaine n'était pas seule à bénéficier d'une charité qui s'étendait à tous les nobles intérêts de ce monde. Assise, délivrée des lieutenants de Frédéric II et de la horde sarrasine à la solde de l'excommunié, comprenait quel rempart est une sainte pour sa patrie de la terre. Mais c'étaient surtout les princes de la sainte Eglise, c'était le Vicaire du Christ, que le ciel aimait à voir éprouver la puissance toute d'humilité, l'ascendant mystérieux dont il plaisait au Seigneur de douer son élue. François, le premier, ne lui avait-il pas, dans un jour de crise comme en connaissent les saints, demandé direction et lumière pour son âme séraphique ? De la part des anciens d'Israël arrivaient à la vierge, qui n'avait pas trente ans alors, des messages de cette sorte :

A sa très chère sœur en Jésus-Christ, à sa mère, Dame Claire servante du Christ, Hugolin d'Ostie, évêque indigne et pécheur.

Depuis l'heure où il a fallu me priver de vos saints entretiens, m'arracher à cette joie du ciel, une telle amertume de cœur fait couler mes larmes que, si je ne trouvais aux pieds de Jésus la consolation que ne refuse jamais son amour, mon esprit en arriverait à défaillir et mon âme à se fondre. Où est la glorieuse allégresse de cette Pâque célébrée en votre compagnie et en celle des autres servantes du Christ ? Je me savais pécheur ; mais au souvenir de la suréminence de votre vertu, ma misère m'accable, et je me crois indigne de retrouver jamais cette conversation des saints, si vos larmes et vos prières n'obtiennent grâce pour mes péchés. Je vous remets donc mon âme ; à vous je confie
mon esprit, pour que vous m'en répondiez au jour du jugement. Le Seigneur Pape doit venir prochainement à Assise ; puissé-je l'accompagner et vous revoir ! Saluez ma sœur Agnès ; saluez toutes vos sœurs dans le Christ.


Le grand cardinal Hugolin, âgé de plus de quatre-vingts ans, devenait Pape peu après Grégoire IX. Durant son pontificat de quatorze années, qui fut l'un des plus glorieux et des plus laborieux du XIIIe siècle, il ne cessa point d'intéresser Claire aux périls de l'Eglise et aux immenses soucis dont la charge menaçait d'écraser sa faiblesse. Car, dit l'historien contemporain de notre sainte, "il savait pertinemment ce que peut l'amour, et que l'accès du palais sacré est toujours libre aux vierges : à qui le Roi des cieux se donne lui-même, quelle demande pourrait être refusée ?"


L'exil, qui après la mort de François s'était prolongé vingt-sept ans pour la sainte, devait pourtant finir enfin. Des ailes de feu, aperçues par ses filles au-dessus de sa tête et couvrant ses épaules, indiquaient qu'en elle aussi la formation séraphique était à son terme. A la nouvelle de l'imminence d'un tel départ intéressant toute l'Eglise, le Souverain Pontife d'alors, Innocent IV, était venu de Pérouse avec les cardinaux de sa suite. Il imposa une dernière épreuve à l'humilité de la sainte, en lui ordonnant de bénir devant lui les pains qu'on avait présentés à la bénédiction du Pontife suprême ; le ciel, ratifiant l'invitation du Pontife et l'obéissance de Claire au sujet de
ces pains, fit qu'à la bénédiction  de la vierge, ils parurent tous marqués d'une croix.


La prédiction que Claire ne devait pas mourir sans avoir reçu la visite du Seigneur entouré de ses disciples, était accomplie.

Le Vicaire de Jésus-Christ présida les solennelles funérailles qu'Assise voulut faire à celle qui était sa seconde gloire devant les hommes et devant Dieu. Déjà on commençait les chants ordinaires pour les morts, lorsqu'Innocent voulut prescrire qu'on substituât à l'Office des défunts celui des saintes vierges ; sur l'observation cependant qu'une canonisation semblable, avant que le corps n'eût même été confié à la terre, courrait risque de sembler prématurée, le Pontife laissa reprendre les chants accoutumés.

L'insertion de la vierge au catalogue des Saints ne fut au reste différée que de deux ans.



DOM GUÉRANGER
L'année Liturgique





Sainte Claire et huit scènes de sa vie par un maître italien inconnu
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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 04:30

« Autrefois la mère des faux dieux, du Christ aujourd'hui l'Epouse, à cette heure par Laurent la victoire s'attache, ô Rome, à ton nom. Triomphatrice des rois superbes, ton empire s'imposait aux nations ; mais à ta gloire manquait, ayant réduit la barbarie, d'avoir aussi dompté les impures idoles. Victoire de sang, mais non plus tumultueuse, comme celles d'un Camille, d'un César ; combat de la foi qui s'immole à elle-même, et par la mort détruit la mort. De quelle voix, par quelles louanges célébrer cette mort? Sur quel mode chanterons-nous dignement un pareil martyre ? » (Prudent. Peristephanon,  Hymn. II.)


Ainsi débute le poème sublime où Prudence a consacré les traditions qui de son temps, si rapproché encore de la grande lutte, entouraient d'une incomparable auréole le front du diacre romain. C'était l'heure où l'éloquence enchanteresse de saint Ambroise redisait elle-même la rencontre de Sixte et du lévite au chemin du martyre. Avant l'abeille de Milan, avant le chantre des Couronnes, Damase, Pontife suprême, consignait pour la postérité, dans ses monumentales
inscriptions dignes de la majesté des temps du triomphe, cette victoire de Laurent par la seule foi que le poète exaltait dans des strophes immortelles.


Rome multipliait les démonstrations en l'honneur de l'invincible athlète qui, sur le gril ardent, avait prié pour sa délivrance. Non contente d'insérer son nom au Canon sacré, elle entourait l'anniversaire de sa naissance au ciel des mêmes privilèges de solennité, de vigile et d'octave, que celui des glorieux Apôtres ses fondateurs. Sur son sol empourpré du sang de bien d'autres témoins du Christ, chaque pas du lévite autrefois, chaque souvenir de Laurent, voyait surgir une église attestant la gratitude spéciale de la cité reine. Parmi tant de sanctuaires rappelant à divers titres sa mémoire bénie, celui qui gardait le corps du martyr prenait place à la suite des églises du Latran, de Sainte-Marie de l'Esquilin, de Pierre au Vatican, de Paul sur la voie d'Ostie : Saint-Laurent-hors-les-murs complétait le nombre des Basiliques majeures qui sont l'apanage réservé du Pontife romain, comme étant l'expression de sa juridiction universelle et immédiate sur toutes les Eglises, comme représentant les patriarcats de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople, de Jérusalem, entre lesquels se divise l'univers. Ainsi, par Laurent, la Ville éternelle achevait de se montrer pour ce qu'elle est, le centre du monde et la source de toute grâce.


De même que Pierre et Paul sont la richesse, non de Rome seule, mais de la terre, Rome vit donc aussi Laurent acclamé comme l'honneur du monde ; ennoblie par son héroïsme, l'humanité
régénérée personnifia en lui le courage des autres martyrs. Au commencement de ce mois, Etienne même se levait du lieu où il s'était couché dans la mort, pour venir confondre ses honneurs de Protomartyr avec la gloire du diacre de Sixte II dans la communauté d'une seule tombe. Le triomphe, comme la lutte de tous, parut atteindre en lui au dernier sommet : bien que la persécution dût avoir encore de terribles retours et multiplier pendant un demi-siècle les hécatombes, la victoire de Laurent fut considérée comme le coup qui frappait le paganisme au cœur ; l'enfer s'était heurté, pour sa perte, à un amour plus inflexible que ses feux.


« Le démon, dit Prudence, avait pressé dans une lutte acharnée le témoin de Dieu ; il tombait lui-même percé de coups, et demeurait à jamais terrassé. Cette mort du saint athlète fut la vraie mort des temples ; alors Vesta vit déserter le palladium, sans pouvoir le venger. Tous ces Quintes, coutumiers des superstitions que Numa jadis avait instituées, se pressent, ô Christ, en tes parvis, et chantent des hymnes à ton martyr. Lumières du sénat, Luperques et Flamines baisent le seuil des Apôtres et des Saints. Nous y voyons d'illustres familles, patriciens et nobles matrones, offrir en vœu leur clarissime lignée, gage de chères espérances. Le pontife, au front naguère ceint de bandelettes, s'enrôle sous le signe de la Croix ; la vestale Claudia visite, ô Laurent, ton sanctuaire. »


Ne soyons pas étonnés si, du haut des sept collines, la solennité de ce jour remplit aussitôt l'univers des échos de sa triomphante allégresse. "Autant il serait  impossible à Rome de rester
cachée, proclame saint Augustin, autant il l'est que la couronne de Laurent se dérobe aux yeux ." En Orient comme en Occident, à Byzance comme à Rome, peuples et princes fondaient des temples à son honneur. En retour, au témoignage de l'évêque d'Hippone, "ses bienfaits ne pouvaient se compter, montrant quel était son mérite : qui l’a prié, sans être exaucé ?"


Nous donc aussi, conclurons-nous avec Maxime de Turin, "dans cette dévotion concordante du monde célébrant partout le triomphe du bienheureux Laurent, comprenons que c'est une chose sainte et qu'il plaît à Dieu que nous honorions, dans la ferveur de nos âmes, la naissance au ciel de celui dont les flammes radieuses répandent aujourd'hui sur l'Eglise universelle du Christ un éclat de victoire. Pour son insigne pureté d'âme qui le fit lévite, pour la plénitude de sa foi qui lui valut la dignité du martyre, c'est justement que nous l'exaltons comme presque l'égal des Apôtres."



DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique



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8 août 2009 6 08 /08 /août /2009 04:30

Aux lieux où protégée par le Lion de Castille est assise l'heureuse Callaroga,  naquit l'amant passionné de la foi chrétienne, le  saint athlète, doux aux siens et dur aux ennemis. A peine créée, son  âme  fut remplie d'une  vertu si vive que, dans sa mère encore,  il prophétisa. Quand sur les fonts sacrés furent conclues entre lui et la foi les fiançailles, la répondante qui pour lui donna consentement vit en songe le  fruit merveilleux qui devait sortir de lui et de sa race. Dominique il fut appelé, étant tout  au Seigneur ; ô  bien nommé aussi son  père Félix, ô bien nommée Jeanne sa mère, si ces noms  signifient ce qu'on dit ! Plein de doctrine et aussi d'énergie, sous l'impulsion apostolique, il fut le torrent qui s'échappe d'une veine profonde ; plus impétueux là où plus forte était la résistance, il s'élançait déracinant les hérésies ; puis il se partagea en plusieurs ruisseaux qui arrosent le jardin  catholique et ravivent ses plantes.


Eloge vraiment digne des cieux, placé par Dante, au paradis, sur les lèvres du plus illustre fils du pauvre d'Assise. Dans le voyage du grand 
poète à travers l'empyrée, il convenait que Bonaventure exaltât le patriarche des Prêcheurs,comme, au chant précédent, Thomas d'Aquin, fils de Dominique,  avait célébré  le père de  la famille à l'humble cordon. François et Dominique donnés pour guides au monde "afin que s'approchât du Bien-Aimé, plus confiante et plus fidèle, l'Epouse de celui qui, jetant un grand cri vers son Père, s'unit à elle dans son sang béni ! parler de l'un, c'est célébrer les deux, tant leurs œuvres allèrent à même fin ; l'un fut tout séraphique en son ardeur, l'autre parut un rayonnement de la lumière des chérubins."

Sagesse du Père, vous fûtes à tous deux leur amour ; pauvreté de François, vrai trésor de l'âme, foi de Dominique,  incomparable splendeur  de l'exil : deux aspects d'ici-bas traduisant, pour le temps de l'épreuve et de l'ombre, votre adorable unité.
En effet, dit avec non moins de profondeur et une autorité plus grande l'immortel Pontife Grégoire IX, "la source de la Sagesse, le Verbe du Père, notre Seigneur Jésus-Christ,  dont la nature est bonté, dont  l'œuvre est miséricorde, n'abandonne point dans la traversée des siècles la vigne qu'il a tirée de l'Egypte ; il subvient par des signes nouveaux à l'instabilité des âmes, il adapte ses merveilles aux défaillances de l'incrédulité.

Lors donc que le jour penchait déjà vers le soir et que, l'abondance du mal glaçant la charité, le rayon de la justice inclinait au couchant, le Père de famille voulut rassembler les ouvriers propres aux travaux de la onzième heure ; pour dégager sa vigne des ronces qui l'avaient envahie et en chasser  la multitude  funeste des petits renards 
qui travaillaient à la détruire, il suscita les bataillons des Frères Prêcheurs et Mineurs avec leurs chefs armés pour le combat." Or, dans cette expédition du Dieu des armées, Dominique fut "le coursier de sa gloire, poussant intrépide, dans le feu de la foi, le hennissement de la divine prédication." Octobre dira la très large part qu'eut au combat le compagnon que lui donna le ciel, apparaissant comme l'étendard vivant du Christ en croix, au milieu d'une société où la triple concupiscence prêtait la main à toute erreur pour battre en brèche sur tous les points le christianisme même.


Comme  François,  Dominique,  rencontrant partout cette complicité de la cupidité avec l'hérésie qui sera désormais la principale  force  des faux prédicants, prescrivit aux siens la plus absolue désappropriation des biens de ce monde et se fit lui aussi mendiant pour le Christ. Le temps n'était plus où les peuples, acclamant toutes les conséquences de la divine Incarnation, constituaient à l'Homme-Dieu le plus immense domaine territorial qui fut jamais, en même temps qu'ils plaçaient son vicaire à la tête des rois. Après avoir tenté vainement d'humilier l'Epouse en soumettant le sacerdoce à l'empire, les descendants indignes des fiers chrétiens d'autrefois reprochaient à  l'Eglise la possession de ces biens dont elle n'était que la dépositaire au nom du Seigneur ; pour la Colombe du saint Cantique, l'heure avait sonné de  commencer par  l'abandon du sol son mouvement de retraite vers les cieux.


Mais si les deux princes de la lutte mémorable 
qui enraya un temps le progrès de l'ennemi se rencontrèrent dans l'accueil fait par eux à la sainte pauvreté, celle-ci pourtant resta plus spécialement la souveraine aimée du patriarche d'Assise, Dominique, qui comme lui n'avait en vue que l'honneur de Dieu et le salut des âmes, reçut à cette fin en partage plus direct la science ; partage excellent, plus fertile que celui de la fille de Caleb : moins de cinquante ans après que Dominique en eut transmis l'héritage à sa descendance, l'irrigation sagement combinée des eaux inférieures et supérieures de la raison et de la foi y amenait à plein développement l'arbre de la science théologique, aux racines puissantes, aux rameaux plus élevés que tout nuage montant de la terre, où les oiseaux de toutes les tribus qui sont sous le ciel aiment à venir se poser sans crainte et fixer le soleil.


Ce fut bien "sur la lumière", dit Dieu à sainte Catherine de Sienne, éque le père des Prêcheurs établit son principe, en en faisant son objet propre et son arme de combat ; il prit pour lui l'office du Verbe mon Fils, semant ma parole, dissipant les ténèbres, éclairant la terre ; Marie, par qui je le présentai au monde, en fit l'extirpateur des hérésies".

Ainsi, nous l'avons vu, disait de son côté un demi-siècle plus tôt le poète florentin ; l'Ordre appelé à devenir le principal appui du Pontife suprême dans la poursuite des doctrines subversives devait, s'il se peut, justifier l'expression mieux encore que son patriarche : le premier des tribunaux de la sainte Eglise, la sainte Inquisition romaine universelle, le Saint-Office, investi en
toute vérité de l'office du Verbe au glaive à deux tranchants pour convertir ou châtier, n'eut pas d'instrument plus fidèle et plus sûr.


Pas plus que la vierge de Sienne, l'illustre auteur de la Divine Comédie n'eût  soupçonné  qu'un temps dût venir, où le premier titre de la famille dominicaine à l'amour reconnaissant des peuples serait discuté en certaine école apologétique, et là écarté comme une insulte ou dissimulé comme une gêne. Le siècle présent met sa gloire dans un libéralisme qui a fait ses preuves en multipliant les ruines et, philosophiquement, ne repose que sur l'étrange confusion de la licence avec la liberté ; il ne fallait rien moins que cet affaissement intellectuel de nos tristes temps, pour  ne plus comprendre que, dans une société où la foi est la base des institutions comme elle est le principe du salut de tous, nul crime n'égale celui d'ébranler le fondement sur lequel repose ainsi avec l'intérêt social le bien le plus précieux des particuliers. Ni l'idéal de la justice, ni davantage  celui de la liberté, ne consiste à laisser à  la merci du mal ou du mauvais le faible qui ne peut  se  garder lui-même : la chevalerie fit  de  cette vérité son axiome, et ce fut sa gloire ; les frères de Pierre Martyr dévouèrent leur  vie  à protéger contre les  surprises du fort armé et la contagion qui se glisse dans la nuit la sécurité des enfants de Dieu : ce fut l'honneur "de la troupe sainte que Dominique conduit par un chemin où l'on profite, si l'on ne s'égare pas".
 

Et quels plus vrais chevaliers que ces athlètes de la foi, prenant leur engagement  sacré sous forme d'hommage lige, et choisissant pour Dame celle qui, puissante comme une armée, extermine seule les hérésies dans le monde entier ? Au bouclier de la vérité, au glaive de la parole, celle qui garde en Sion les armures des forts joignait pour ses dévoués féaux le Rosaire, signe plus spécial de sa propre milice ; elle leur assignait l'habit de son choix comme étant leur vrai chef de guerre, et les oignait de ses mains pour la lutte dans la personne du Bienheureux Réginald. Elle-même encore veillait au recrutement de la sainte phalange, prélevant pour elle dans la jeunesse d'élite des universités les âmes les plus pures, les plus généreux dévouements, les plus nobles intelligences ; Paris, la capitale de la théologie, Bologne, celle de la jurisprudence et du droit, voyaient maîtres, écoliers, disciples de toute science, poursuivis et atteints par la douce souveraine au milieu d'incidents plus du ciel que de la terre.


Que de grâce dans ces origines où la sérénité virginale de Dominique semblait entourer tous ses fils ! C'était bien dans cet Ordre de la lumière qu'apparaissait la vérité de la parole évangélique : Heureux les purs de cœur, car ils verront Dieu. Des yeux éclairés d'en haut apercevaient sous la figure de champs de lis les fondations des Prêcheurs ; aussi Marie, par qui nous est venue la splendeur de la lumière éternelle, se faisait leur céleste maîtresse et, de toute science, les conduisait à la Sagesse, amie des cœurs non souillés.
En la compagnie  de Cécile et  de Catherine, elle descendait pour bénir leur repos de la nuit, mais ne partageait avec aucune de ses nobles suivantes le soin de les couvrir de son royal manteau près du trône  du Seigneur.

Comment  dès lors s'étonner  de  la  limpidité  suave qui après  Dominique, et durant les généralats des Jourdain de Saxe, Raymond  de Pegnafort, Jean  le  Teutonique, Humbert de Romans, continue  de régner dans ces Vies des Frères et ces Vies des Sœurs dont des plumes heureuses ont transmis jusqu'à nous les récits d'une exquise fraîcheur ? Discrète leçon, en même temps que secours puissant pour les Frères : dans  la famille dominicaine vouée à l'apostolat par essence, les Sœurs furent de dix ans les aînées, comme pour marquer  que, dans l'Eglise de Dieu, l'action ne peut être féconde, si elle n'est précédée et ne demeure accompagnée de la contemplation qui lui vaut bénédiction et toute grâce.


Notre-Dame de Prouille, au pied des Pyrénées, ne fut pas seulement par ce droit de primogéniture le principe de tout l'Ordre ; c'est à son ombre protectrice que les premiers compagnons  de Dominique arrêtèrent avec lui le choix de leur Règle  et se partagèrent le monde, allant de là fonder Saint-Romain de  Toulouse, puis Saint-Jacques  de Paris,  Saint-Nicolas de Bologne, Saint-Sixte  et Sainte-Sabine dans la Ville éternelle. Vers la  même époque,  l'établissement de la Milice de Jésus-Christ plaçait sous la direction des  Prêcheurs les séculiers  qui, en face de l'hérésie militante, s'engageaient à défendre par tous les moyens en leur pouvoir les biens de l'Eglise et sa liberté; quand les sectaires eurent posé les armes, laissant la paix au monde pour un  temps,
l'association ne disparut pas : elle porta le combat sur le terrain de la lutte spirituelle, et changea son nom en celui de Tiers-Ordre des Frères et Sœurs de la Pénitence de saint Dominique.


DOM GUÉRANGER
L'année liturgique





Saint Dominique en prière, par Le Greco

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