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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SALVE REGINA

11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 19:00

Ce témoignage vient confirmer encore la distinction des deux Urbain, le premier celui des Actes de sainte Cécile, enseveli au cimetière de Prétextat, ce qui ne s'expliquerait pas s'il avait été souverain pontife ; le second, reposant près de Sixte dans la crypte papale, où son inscription tumulaire a été retrouvée de nos jours, et où le solennel Titulus de Sixte III indiquait expressément sa place.

 

 Les Itinéraires des pèlerins des septième et huitième siècles, que nous venons de citer, attestent qu'à l'époque où ils furent dressés, les catacombes gardaient encore les tombeaux des martyrs, et présentaient le même aspect qu'elles offraient lorsque saint Grégoire, à la fin du sixième siècle, y faisait prendre les huiles qu'il destinait à Théodelinde ; mais, dans la seconde partie du huitième siècle, on vit appliquer aux cimetières sacrés une mesure qui devait bientôt réduire Rome souterraine à ses souvenirs, en la dépouillant des trésors qui, dès le premier âge du christianisme, s'étaient accumulés dans son sein. Les corps des martyrs allaient quitter leurs sombres retraites, et venir chercher un asile dans la ville sainte.

 

 En l'année 761, le saint pape Paul Ier ouvrit un nombre considérable de tombeaux dans les cryptes et il distribua les ossements des martyrs entre les titres, les diaconies, les monastères et les autres églises. Le Liber pontificalis désigne en particulier l'église du monastère de Saint-Sylvestre, au champ de Mars, fondée par le pontife lui-même, comme ayant été plus favorisée que toutes les autres. Dans un diplôme relatif à ce monastère, et cité par Boldetti, Paul rend compte des motifs qui l'avaient porté à troubler ainsi ces cendres vénérées :

" Par le laps des siècles, dit-il, divers cimetières des saints martyrs et confesseurs du Christ avaient été négligés et dépérissaient. Vint ensuite l'invasion impie des Lombards qui les ruinèrent de fond en comble. Ces barbares étaient allés jusqu'à fouiller les sépultures des martyrs, et, au milieu de ces dévastations, ils avaient osé dérober plusieurs corps saints. A partir de cette époque désastreuse, ces lieux n'avaient pas été traités avec le même honneur, et la négligence des fidèles à leur endroit avait remplacé la piété antique. On était allé, faut-il le dire, jusqu'à en laisser l'entrée libre aux animaux, jusqu'à y parquer des troupeaux." (BOLDETTI, Osservazioni, lib. I, cap. XXII.)

 

 Une inscription placée sous le portique de l'église de Saint-Sylvestre in capite relate encore aujourd'hui les noms des martyrs dont les dépouilles sacrées furent placées, tant par les soins de Paul Ier que par ceux de Paschal Ier, l'un de ses successeurs, dans cette basilique. Ils sont établis sur une liste monumentale, dressée selon l'ordre du calendrier. Ce sont, pour les papes, Anteros, Melchiade, Lucius, Caïus, Zéphyrin et Denys. Le détail des autres nous entraînerait trop loin ; mais on voit déjà que la crypte papale avait cédé à la ville plusieurs de ses pontifes. Léon III, qui termina le huitième siècle, fit encore diverses constructions aux catacombes, principalement au cimetière de Calliste, dans le but de conserver des lieux si sacrés, et de maintenir un reste de la dévotion des Romains envers des sanctuaires que leurs pères avaient tant aimés.

 

 Paschal Ier qui monta sur le siège apostolique en 817, reconnut bientôt que le moment était venu de transférer d'une manière définitive la généralité des corps des martyrs dans la ville. L'état de délabrement des cryptes excusait jusqu'à un certain point l'indifférence des fidèles, et bientôt les saintes reliques n'auraient plus été en sûreté dans leurs corridors abandonnés. Dès la seconde année de son pontificat, il se mit en devoir de préparer des sépultures plus convenables dans les églises, et commença le cours de solennelles translations qui ont marqué son règne d'un caractère particulier.

 

Nous pouvons nous faire une idée de l'importance des levées qui eurent lieu à cette époque dans les cimetières par Paschal, en lisant la vaste inscription contemporaine exposée dans la basilique de Sainte-Praxède. On y mentionne deux mille trois cents corps de martyrs, déposés par le pontife tant sous l'autel principal que dans un autre lieu de la basilique situé à droite en entrant, dans l'oratoire de Saint-Jean-Baptiste, et enfin dans une chapelle de sainte Agnès qui faisait partie des bâtiments du monastère.

 

 Paschal énumère parmi les pontifes : Urbain, Etienne, Anteros, Melchiade, Fabien, Jules, Pontien, Sirice, Lucius, Sixte, Félix, Anastase et Célestin. On voit par cette liste qu'il reprit plusieurs corps des pontifes à Saint-Sylvestre in capite, et qu'il recueillit les autres dans divers cimetières où ils étaient ensevelis ; en sorte que la mesure qu'il avait prise s'étendit à Rome souterraine tout entière. Parmi les vierges qu'il énumère, il nomme Praxède et Pudentienne ; parmi les veuves, il cite Symphorose ; le nom de sainte Agnès ne se trouve pas ici, parce que cette illustre martyre resta dans sa basilique de la voie Nomentane construite sur son tombeau.

 

 Un jour de l'année 821, Paschal était allé faire ses prières dans la basilique de Sainte-Cécile. Il  fut frappé de l'état de délabrement dans lequel était tombé cet illustre sanctuaire. Ces murs vénérables, restaurés par saint Grégoire plus de deux siècles auparavant, avaient grandement souffert, et il était à craindre que, si l'on n'apportait un secours prompt et efficace, l'antique église avec ses grands souvenirs ne fût bientôt plus qu'un monceau de ruines. Paschal forma sur-le-champ la résolution de relever, depuis les fondements, une basilique si chère à la piété romaine, et de la rebâtir avec une magnificence plus grande encore que celle qui avait paru dans sa première construction.

 

Dès avant le pontificat de Paschal, on avait cherché le corps de sainte Cécile dans toutes les cryptes de la voie Appienne, et toujours inutilement. Les corps des papes avaient été levés de leur crypte solennelle ; comment expliquer qu'on eût laissé, sans l'apercevoir, la tombe de Cécile dans le cubiculum attenant à l'hypogée pontifical ? Il faut reconnaître ici que, depuis les dévastations des Lombards, on perdait de plus en plus la trace de ces lieux autrefois si vénérés. Le dernier des Itinéraires, qui est de la fin du huitième siècle, ne parle déjà plus du tombeau de sainte Cécile, à propos de la crypte des papes, comme l'avaient fait les trois autres ; preuve évidente que le sarcophage de la martyre ne frappait plus les regards. Comment donc Paschal a-t-il pu le découvrir dans la même salle, où les pèlerins antérieurs l'avaient vénéré ?

 

Tout s'expliquera aisément, quand on se souviendra qu'au milieu de leurs déprédations dans les cimetières, les Lombards avaient enlevé les reliques de plusieurs martyrs. Leur désir était surtout de ravir le corps de sainte Cécile, et ils le cherchèrent avec persévérance. Un tel zèle dans ces barbares devenus chrétiens rappelle celui dont fit preuve leur roi Luitprand, lorsqu'il eut la dévotion de racheter à prix d'or, des mains des Sarrasins, le corps de saint Augustin, qu'il fit transporter de Sardaigne à Pavie. Dans la prévision d'un enlèvement, il suffisait aux gardiens des catacombes d'établir une cloison qui fermât l'arc à fleur de terre sous lequel reposait le sarcophage. Dès lors, on pouvait entrer dans le cubiculum, le parcourir, et ne plus rien apercevoir que les tombes horizontales creusées et superposées aux parois de la salle. Un coup d'oeil sur le plan de cette salle (Roma sotterr., t. II, tav. V), fera comprendre comment cette précaution avait dû réussir.

 

Cette manière de sauver les tombeaux des martyrs dans les catacombes, a d'ailleurs été employée plus d'une fois. Nous citerons en particulier au cimetière de Prétextat, dans une vaste salle, un arcosolium entièrement dissimulé par une cloison. C'était le tombeau principal de ce cubiculum, et personne ne l'apercevait. Les ouvriers n'eurent pas plus tôt démoli, par les soins de M. de Rossi, ce mur dont on avait fini par soupçonner l'existence, que l'on vit apparaître un arcosolium biscôme, revêtu de plaques de marbre. La table qui le fermait était munie de deux anneaux de bronze, pour la faire glisser en avant ou la soulever. Deux corps étaient couchés dans le sépulcre, l'un vêtu d'un tissu d'or et l'autre de pourpre. Une découverte du même genre a eu lieu dans l'ambulacre du cimetière de Domitille. De telles précautions, prises à temps, ont dû être employées pour sauver de la rapacité ou des profanations des Lombards d'autres sépultures de martyrs ; il n'en faut pas davantage pour expliquer comment le tombeau de Cécile avait disparu aux regards,  sans cependant avoir étéviolé. La rareté toujours plus grande des visites en ces lieux dont l'abandon avait déjà commencé, aidait encore à accréditer la fausse tradition de l'enlèvement du sacré dépôt.

 

Paschal ne se découragea pas cependant, et, jaloux d'inaugurer la basilique restaurée, en plaçant l'illustre patronne sous son autel, il ordonna de recommencer les fouilles. Il descendit en personne dans les cryptes, mais aucune des tombes qu'il fit ouvrir ne rendit le corps de la vierge. Trop crédule envers la rumeur populaire, il renonça à pousser plus avant ses recherches.

 

L'heure cependant était arrivée où Cécile allait reparaître et rentrer dans Rome.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 279 à 286)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 19:00

Depuis, la crypte papale et celle de Cécile ont été dévastées ; les marbres et les lampes ont disparu ; Cécile est remontée en triomphe dans Rome ; la solitude et la désolation ont pesé de tout leur poids, durant de longs siècles, sur ces souterrains autrefois l'objet d'une si ardente vénération ; mais ce vase rempli par une main pieuse à la lampe qui veillait près d'un tombeau, existe encore aujourd'hui, attestant la religion des Romains du sixième siècle envers l'Epouse du Christ.

 

 Ce n'est pas tout encore. Une autre fiole du trésor de Monza conserve l'huile des lampes qui brûlaient près des tombeaux de l'époux et du frère de Cécile. Voici l'inscription :

 

SCI   SEVASTIAM.   SCS   EVTYCIVS.   SCS   QVIRINVS

SCS   VALERIANVS.   SCS   TIBVHTIVS.   S.   MAXI

MVS.   SCS   ORBANUS.   SCS   IANVARIVS.

 

On voit que celui qui a recueilli les huiles de cette fiole est parti de la basilique de Saint-Sébastien, où près de cet illustre martyr, reposait saint Eutychius,  dont le marbre damasien est encore en place. Revenant vers Rome, il est descendu au cimetière de Prétextat, et s'est arrêté au tombeau de saint Quirinus, que nous savons avoir été enseveli dans cette catacombe, sous le règne d'Hadrien. De là, il a continué de remplir sa fiole avec l'huile de la lampe qui brûlait devant les tombeaux des saints Valérien, Tiburce et Maxime. Le sépulcre de saint Urbain établi dans le voisinage a arrêté ses pas, et il a achevé de remplir sa fiole avec l'huile du tombeau de saint Januarius. Nous sommes donc encore au cimetière de Prétextat,  puisque  les  Actes  de  saint Urbain nous apprennent qu'il fut enseveli dans ce cimetière et non dans la crypte papale, comme il eût convenu s'il  eût été  souverain  pontife. Quant à saint Januarius, son tombeau récemment retrouvé atteste assez que le lieu de son repos fut en effet au cimetière de Prétextat. C'est ainsi que cette humble liste de l'abbé Jean se trouve devenir un véritable itinéraire des catacombes, et vient jeter une lumière inattendue sur des questions qui intéressent à la fois l'histoire et la topographie. C'est à ce document incontestable que nous sommes redevables, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, d'un solide argument en faveur de la première Chaire de saint Pierre, au cimetière Ostrianum.

 

 On peut dire que le flambeau de Rome souterraine, qui a brillé tout à coup dans ces derniers temps, et à l'aide duquel on a pu dès lors discerner et classer chaque région, était providentiellement conservé dans les Itinéraires,  où les pèlerins consignaient à la hâte ce qui les avait frappés dans chaque cimetière. Nous venons d'interroger le plus ancien de tous, la liste des huiles de   Monza,   rédigée   sans   autre   intention   que d'énumérer les pieuses Mémoires près desquelles avaient été cueillis des souvenirs destinés à être transmis à une reine par un pape. Dès le siècle suivant, nous nous trouvons en face de véritables Guides des Catacombes, dont la science jusqu'ici n'avait non plus fait aucun usage. Les bons pèlerins  qui  les ont tracés  ne  sont pas  toujours doctes, ils se méprennent quelquefois sur les détails secondaires. Ajoutons qu'ils ont passé par de très mauvais copistes ; mais leurs notes, dans l'état où nous les trouvons, n'en sont pas moins du plus haut prix.

 

Les deux plus anciens proviennent d'un manuscrit de la bibliothèque de Salzbourg, publié par Froben en 1777, dans son édition d'Alcuin. Ils se rapportent à la première moitié du septième siècle. Voici ce que nous rencontrons dans le premier. Le pèlerin, étant sorti de la basilique de Saint-Sébastien, reprend la voie Appienne, et se retourne vers Rome :

" Sur cette voie, dit-il, en te dirigeant vers le nord, tu descendras aux saints martyrs Tiburce, Valérien et Maxime. En ce même lieu, tu rencontreras une vaste grotte, et là tu trouveras saint Urbain évêque et confesseur, et dans un autre endroit Félicissime et Agapit, martyrs et diacres de Sixte, et dans un troisième endroit le martyr Cyriuus; enfin, dans un quatrième, le martyr Januarius."

 

Il était impossible de mieux décrire le cimetière de Prétextat, tel que la découverte du tombeau de saint Januarius nous l'a révélé. Les Actes de saint Urbain et ceux de saint Quirinus sont aussi parfaitement d'accord avec les données du pèlerin.

 

 Il continue : " Sur la même voie, tu iras à Sainte-Cécile, où est une multitude innombrable de martyrs. Le premier est Sixte, pape et martyr ; Denys, pape et martyr ; Julien, pape et martyr ; Flavien, martyr ; sainte Cécile, vierge et martyre ; quatre-vingts martyrs reposent au-dessous. A l'étage supérieur repose Geferinus (Zéphyrin), pape et confesseur. Eusèbe, pape et martyr, repose plus loin dans une grotte. Cornélius, pape et martyr, repose dans une autre grotte beaucoup plus éloignée. Puis tu arriveras à sainte Soteris, vierge et martyre."

Une addition marginale porte ces mots : " Sur la même voie, tu arriveras à la petite église, où saint Sixte a été décollé avec ses diacres ; son corps repose plus au nord."

 

 Sorti du cimetière de Prétextat, le pèlerin a donc pris la gauche de la voie Appienne, et s'est dirigé vers le cimetière de Calliste qu'il appelle Ad sanctam Caeciliam. Il est entré dans la crypte papale où Sixte II a les plus grands honneurs. L'énumération qu'il fait des pontifes est aussi courte qu'elle est inexacte. Il a lu l'épitaphe de saint Denys ; il s'est trompé à l'égard d'un martyr Julianus, dont il a fait mal à propos un pape ; au lieu de Fabianus, il a lu Flavianus. Le cubiculum de sainte Cécile a reçu sa visite. Il est allé de là à la crypte de saint Eusèbe qui, dit-il, est plus  éloignée,  ainsi  que  nous pouvons le constater depuis son heureuse découverte. Passant sous la voie Appio-Ardéatine, il a pénétré jusqu'au cimetière de Lucine, comme on peut encore le faire maintenant, et il a rencontré le tombeau de saint Cornélius. L'addition relative au lieu de la décollation de saint Sixte au cimetière de Prétextat n'est pas moins précieuse, ainsi que la remarque du pèlerin sur la translation du corps du saint martyr au cimetière de Calliste, dont l'entrée est en effet plus au nord que celle par où il avait pénétré au cimetière de Prétextat. Qui ne reconnaîtrait ici avec admiration la contre-épreuve des découvertes que nous avons vues s'opérer d'une façon si merveilleuse depuis vingt-cinq ans ?

 

 Un autre Itinéraire que Guillaume de Malmesbury a inséré dans son histoire d'Angleterre, sans y rien comprendre, se rapporte également au septième siècle. Le pèlerin s'exprime ainsi : 

" La onzième porte et la onzième voie sont appelées Appiennes. Là reposent saint Sébastien et saint Quirinus, et ont reposé les corps des apôtres. Plus près de Rome (à Prétextat), sont les martyrs Januarius, Urbain, Xénon (Zénon), Quirinus, Agapit, Félicissime. Dans une autre église, Tiburce, Valérien, Maxime. Non loin de là (à Calliste) est l'église de Sainte-Cécile, martyre. Là sont ensevelis Etienne, Sixte, Zefferinus, Eusèbe, Melchiade, Marcel, Eutychien, Denys, Anteros, Pontien, Lucius, pape ; Optatus, Julianus, Calocerus, Parthenius, Tharsitius, Policamus, martyrs. Là aussi est l'église de Saint-Cornelius et son corps. Dans une autre église, sainte Soteris."

 

 On voit que ce nouveau pèlerin, ainsi que le précédent, a débuté sur la voie Appienne par Saint-Sébastien, et il atteste aussi le séjour qu'y ont fait les corps des saints apôtres. Il est ensuite revenu sur Rome, passant par le cimetière de Prétextat, et il a trouvé là les mêmes martyrs qu'a énumérés son prédécesseur. Au cimetière de Calliste, outre sainte Cécile, il a reconnu les tombes d'un certain nombre de papes, mêlant mal à propos ceux qui reposaient dans la crypte cécilienne avec ceux qui avaient leur sépulture à part, tel que saint Eusèbe et saint Melchiade. Ces confusions sont pardonnables à un voyageur, qui les avait tous vus à peu de distance les uns des autres.

 

Le second manuscrit de Salzbourg, pareillement du septième siècle, commence par le cimetière de Calliste :

" Sur la voie Appienne, à l'orient de la ville, est l'église de Sainte-Suteris (Soteris), martyre, où elle repose avec un grand nombre de martyrs. Près d'elle, sur la même voie, est l'église de Saint-Sixte, pape, où il dort. Là dort aussi la vierge Cécile. Là saint Tarsicius et saint Geferinus reposent dans un même tombeau. Là saint Eusèbe et saint Colocerus (Calocerus), avec saint Parthenius, tous trois ensevelis à part ; huit cents martyrs reposent là. Non loin, au cimetière de Calliste, Cornélius et Cyprien dorment dans une église."

 

Le naïf pèlerin ayant vu la peinture de saint Cyprien qui accompagnait celle de saint Cornélius, en souvenir de l'amitié qui unit ces deux grands évêques, a cru que le corps de l'évêque de Carthage reposait près de celui du pontife de Rome. Sur le cimetière de Prétextat il continue ainsi :

" On trouve aussi sur la même voie l'église de plusieurs saints, savoir Januarius, qui fut l'aîné des sept fils de Félicité, Urbain, Agapit, Félicissisme, Cyrinus (Quirinus), Zenon, frère de Valentin ; Tiburce, Valérien et Maxime, ainsi que beaucoup de martyrs, reposent là. Et près de la même voie est l'église de Saint-Sébastien, martyr, où il dort, et où sont les sépultures des apôtres qui y ont reposé quarante ans."

 

Un autre Itinéraire publié par Mabillon dans ses Veterum analecta, tome IV, sur un manuscrit d'Einsiedeln, est du huitième siècle. Dans l'émunération des sépultures du cimetière de Calliste, il place formellement le pape Urbain près de Sixte, dans le voisinage du tombeau de sainte Soteris, dont on sait que la crypte était voisine de l'hypogée des papes.

 

Ce témoignage vient confirmer encore la distinction des deux Urbain, le premier celui des Actes de sainte Cécile, enseveli au cimetière de Prétextat, ce qui ne s'expliquerait pas s'il avait été souverain pontife ; le second, reposant près de Sixte dans la crypte papale, où son inscription tumulaire a été retrouvée de nos jours, et où le solennel Titulus de Sixte III indiquait expressément sa place.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 272 à 278)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 19:00

Le vénérable rédacteur des Actes de la vierge romaine ne perdra donc rien de l'estime et de la reconnaissance qu'il mérite aux yeux de la postérité, pour les quelques taches qui se rencontrent dans son précieux récit. Il a eu le sort de beaucoup d'autres auteurs, qui, pour s'être mépris en quelque chose en se laissant aller à leur idée personnelle, n'ont en rien diminué l'étendue du service qu'ils rendaient : non ego paucis offendar maculis.

 

 Tandis que le préjugé relatif à la date du martyre de Cécile s'implantait, la beauté des Actes, désormais complétés de tous les détails qui montrent dans sa splendeur le plus brillant épisode de l'âge des persécutions, était reconnue de toutes parts. L'église romaine elle-même, si grave dans ses démonstrations, relevait le caractère de Cécile par de poétiques et touchants éloges, dans les mélodieuses Préfaces que contenaient à son honneur les Sacramentaires de saint Léon et de saint Gélase.

 

Le célèbre concile tenu à Rome en 404 et présidé par Gélase lui-même, nous apprend avec quelle réserve l'église mère et maîtresse procédait dans l'admission des Actes des Martyrs ; à peine en reconnaissait-elle quelques-uns ; mais en même temps, on est en droit de conclure que ceux de Cécile étaient de sa part l'objet de la plus haute estime, quand on la voit s'en inspirer jusque dans la composition des formules les plus solennelles du Sacrifice. Il n'est pas jusqu'à la fête des saints Tiburce, Valérien et Maxime, qui n'eût aussi son élégante Préface suggérée par la lecture des Actes. Cette impulsion, donnée de si haut, s'étendit aux autres églises de l'Occident, et nous voyons les Missels gallican et mozarabe s'enrichir tour à tour de nouvelles et pompeuses formules également inspirées par les nobles souvenirs que l'église romaine avait jugés dignes d'être rappelés jusqu'à l'autel.

 

Cécile n'était plus seulement la martyre dont on venait autrefois, à travers les périls, visiter le silencieux sarcophage dans les cryptes de la voie Appienne ; sa gloire et son culte étaient partout, et tout chrétien, dans la Gaule et dans la péninsule ibérique, rivalisait d'enthousiasme avec le romain envers la fille des Caecilii.

 

 La plus ancienne des oeuvres que l'on connaisse en l'honneur de Cécile se rapporte au sixième siècle. Elle existe encore aujourd'hui, sur les mosaïques de la basilique de Saint-Apollinaire à Ravenne, terminée vers 570 par les soins de l'archevêque Agnellus. Une suite de vingt-cinq martyrs s'avance vers le Christ pour lui faire hommage des couronnes qu'ils tiennent à la main, et parallèlement vingt-deux saintes se dirigent vers la Mère du Sauveur qui tient son divin Fils sur ses genoux. Le nom de chacune de ces vierges est écrit au-dessus de sa tête, et Cécile a sa place entre Lucie et Eulalie. Toutes ces figures sont en pied, et parées d'un costume riche et élégant. Selon le style des mosaïques byzantines, un arbre est placé entre chaque personnage, pour marquer que celles qu'on a voulu représenter habitent les jardins célestes, et toutes ces saintes tiennent une couronne à la main dans les plis de leur voile. Ciampini a donné le dessin, malheureusement trop  restreint,   de  cette  mosaïque. (Vetera monimenta, t. II.)

 

 Au cinquième siècle, la voie Appienne avait vu s'élever un nouveau sanctuaire au-dessus du cimetière de Prétextat. Il répondait à celui qui s'élevait sur la droite en l'honneur de Sixte et de Cécile, et il fut destiné à recevoir les sarcophages de Tiburce, de Valérien et de Maxime. L'inscription votive aux trois martyrs sur un marbre de vaste dimension, s'est conservée jusqu'aujourd'hui. Elle fut transportée au neuvième siècle à Rome, dans la basilique de Sainte-Cécile. Nous la donnons ici avec les incorrections qu'elle présente :

 

SANCTIS   MARTYRIBVS   TIBVRTIO

BALERIANO   ET   MAXIMO   QVORVM

NATALES   EST   XVIII   KALEDAS   MAIAS

 

Ce fut dès le sixième siècle que commença la série des épreuves lamentables dont les catacombes romaines n'ont pour ainsi dire cessé d'être l'objet après les deux siècles de gloire qui suivirent pour elles l'avènement de Constantin. La paix des martyrs fut tout à coup troublée par les barbares, et le bruit des armes retentit jusque sous les voûtes sacrées où reposaient les vainqueurs de Rome païenne. En 536, sous le pontificat de saint Silvère, Rome se vit assiégée un an entier par l'armée des Goths, sous la conduite de Vitigès. Non contents de ruiner les magnifiques aqueducs qui, se déroulant sur les voies Appienne, Latine et Tiburtine, portaient dans Rome, depuis tant de siècles, le tribut inépuisable de leurs eaux, ces barbares étaient descendus dans les cimetières, et leur main sacrilège s'était plu à renverser les décorations dont la piété des pontifes et des fidèles avait embelli les cryptes sacrées. Les inscriptions en l'honneur des martyrs, placées près de leurs tombeaux, éprouvèrent surtout les effets de cette rage aussi aveugle qu'impie.

 

 Le pape Jean III, qui gouverna l'Eglise jusqu'en 572, entreprit de restaurer ces dévastations, et de nos jours nous avons pu revoir, au tombeau du pape saint Eusèbe, l'inscription damasienne qui fut refaite alors pour remplacer l'ancienne, brisée par les Goths ; mais, hélas ! cette seconde inscription était dans le même état où Jean III avait trouvé la peinture. Les Lombards ne furent pas moins les dévastateurs de Rome souterraine que ne l'avaient été les Goths. Dans l'intervalle, grâce aux restaurations des pontifes, Rome souterraine retrouva quelque chose de son ancienne gloire ; la piété des fidèles n'était pas refroidie, et les pèlerins de la chrétienté tout entière n'auraient pas regardé comme complet leur voyage aux tombeaux des saints apôtres, s'ils n'eussent pieusement parcouru, comme ceux du quatrième et du cinquième siècle, l'immense série des cimetières, et vénéré les tombeaux des principaux martyrs qui reposaient encore pour quoique temps dans les cryptes. Les stations aux anniversaires avaient repris leur cours et certaines basiliques de la ville étaient chargées de pourvoir à l'entretien des cimetières qui leur étaient attribués. L'ornementation des sanctuaires, qui avait tant souffert, fut même restaurée, mais avec les ressources d'un art qui contrastait par trop cruellement avec les belles et classiques peintures heureusement restées intactes dans un grand nombre de salles.

 

 La fureur des barbares semble  s'être portée principalement sur les centres historiques, où ils reconnaissent les traces d'un culte plus solennel. C'est ainsi que la crypte de sainte Cécile, ayant souffert plus qu'une autre, parut avoir besoin que les artistes du temps fussent mis a contribution pour la décorer. Les fresques grossières que l'on y exécuta du sixième au neuvième siècle, ont reparu en  1854. La divine Providence avait conservé  cette oeuvre  d'un  pinceau trop inexpérimenté,  afin de désigner d'une manière irréfragable la tombe où avait reposé le corps de Cécile, depuis le jour où Calliste le transféra dans cette salle contiguë à la crypte papale. On y voit l'image d'une jeune femme parée à la mode byzantine, et tenant les bras étendus en orante ; ses pieds se perdent dans un parterre de roses. Une autre peinture placée au-dessous, et que nous rapportons au neuvième siècle, offre, à côté d'une tête de Christ, l'image d'un personnage revêtu de l'antique casula, et son nom est inscrit près de lui. Les lettres superposées, se lisant de haut en bas, forment cette inscription en capitales : S. VRBANUS.

 

On trouvera reproduite dans toute sa naïveté au tome II du grand ouvrage de M. de Rossi, cette fresque dont la découverte est venue tout d'un coup résoudre l'un des plus importants problèmes de Rome souterraine.

 

Au premier rang des soins pieux que l'on prodiguait encore aux tombeaux des martyrs sous le pontificat de saint Grégoire le Grand, et même après lui, était le maintien du luminaire. Des lampes innombrables étaient entretenues dans les centres historiques, ainsi que cela avait eu lieu dans des temps meilleurs. Les fidèles avaient grande dévotion à l'huile qui remplissait ces lampes, Dieu ayant souvent récompensé leur foi par des faveurs miraculeuses. Saint Grégoire le Grand, qui professait un intérêt paternel pour la reine des Lombards Théodelinde, voulut satisfaire sa piété par l'envoi de plusieurs fioles remplies de l'huile des lampes qui brûlaient ainsi dans les cimetières des martyrs. Afin que la piété de Théodelinde se représentât plus vivement les voies sacrées de Rome souterraine, toutes remplies des trophées de la victoire des soldats du Christ, il joignit à l'envoi des huiles saintes une indication topographique des divers tombeaux auprès desquels elles avaient été prises.

 

Cette liste précieuse, écrite sur un papyrus, et signée par un personnage nommé Jean, qui n'y prend pas d'autres qualifications que celles de pécheur et indigne, se conserve encore dans le trésor de l'église de Saint-Jean-Baptiste à Monza. On y  suit avec  un vif intérêt l'itinéraire des catacombes à la fin du sixième siècle. Une voie succède à l'autre et les noms des saints sont groupés selon la place qu'occupaient leurs tombeaux dans les diverses cryptes.  Outre la liste tracée sur le papyrus, le même ordre se retrouve sur les étiquettes spéciales attachées à chaque fiole, et qui  sont encore  aujourd'hui  conservées en grande partie,  soit adhérentes  aux vases,  soit détachées. L'huile qui remplissait la plupart de ces fioles était, pour l'ordinaire, empruntée aux lampes de plusieurs tombeaux.  Celle qui contient un souvenir de celui de sainte Cécile porte cette inscription :

 

SCA   SAPIENTIA.   SCA   SPES.   SCA   FIDES.   SCA
CARITAS.   SCA   CAECILIA.   SCS   TARSICIVS.
SCS   CORNILIVS.   ET  MULTA   MILLIA   SCORVM.

 

Voici d'abord les noms de quatre saintes martyres : sainte Sagesse, sainte Espérance, sainte Foi et sainte Charité ; la mère et les trois filles, qu'il ne faut pas confondre avec les quatre martyres qui portent les noms grecs de même signification. Celles-ci, ayant souffert sous Hadrien, reposèrent sur la voie Aurélia ; celles-là eurent leur sépulture sur la voie Appienne, entre les cryptes de sainte Soteris et de sainte Cécile. Après leurs noms paraît le nom de Cécile elle-même, suivi de celui de Tarsicius, que l'on sait avoir reposé non loin d'elle au cimetière de Calliste. Saint Cornélius est nommé ensuite, et l'on sait que son tombeau est à peu de distance, au cimetière de Lucine. Quant au grand nombre de martyrs indiqués ici collectivement, nous le retrouverons bientôt signalé sur d'autres documents.

 

Nous avons donc ici un monument de l'époque grégorienne relatif à Cécile. Cette humble fiole a traversé les siècles, et une partie de l'huile qu'elle contient fut extraite, au temps de saint Grégoire, d'une lampe qui brûlait près du tombeau de la vierge. Depuis, la crypte papale et celle de Cécile ont été dévastées ; les marbres et les lampes ont disparu ; Cécile est remontée en triomphe dans Rome ; la solitude et la désolation ont pesé de tout leur poids, durant de longs siècles, sur ces souterrains autrefois l'objet d'une si ardente vénération ; mais ce vase rempli par une main pieuse à la lampe qui veillait près d'un tombeau, existe encore aujourd'hui, attestant la religion des Romains du sixième siècle envers l'Epouse du Christ.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 264 à 271)

 

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 19:00

Les nombreux pèlerins que la piété attirait à Rome pour y visiter les tombeaux des saints apôtres, durant les siècles qui suivirent la paix de l'Eglise, auraient regardé leur pieux voyage comme incomplet, s'ils s'étaient bornés à vénérer les sanctuaires de la ville. Un attrait particulier les portait à se répandre dans les cimetières, afin d'y prier aux Mémoires des saints martyrs, qui par  leur  sang  avaient  obtenu  la  victoire   de l'Eglise.

 

 Mais aucun lieu de Rome souterraine n'attirait  autant  leur  dévotion  que  la  célèbre crypte papale où reposaient autour de Sixte II ses vaillants prédécesseurs et successeurs. Leur enthousiasme pour cet auguste sanctuaire les portait à inscrire leurs noms au poinçon sur l'enduit des murailles qui avoisinent son entrée.

 

M. de Rossi a pu nous donner une idée de ces innombrables graphites,  qui respirent une foi si ardente envers les  saints martyrs,  mais on voit que leur principale vénération était pour saint Sixte. Un pontife du cinquième siècle qui portait le même nom,  Sixte III, voulant instruire les pieux voyageurs sur les grands martyrs dont les dépouilles faisaient l'illustration de cette salle, eut la pensée d'en inscrire au-dessus de la porte d'entrée la liste glorieuse. Ce détail transmis par le Liber pontificalis, et confirmé par l'emplacement encore visible du marbre sur lequel  on lisait cette  solennelle inscription,   inspirait des regrets aux amis de Rome souterraine. La divine Providence a daigné les consoler, lorsque l'infatigable   archéologue   romain,   recherchant  jusqu'aux derniers vestiges des martyrs dans les catacombes, s'est trouvé en mesure de restituer la teneur tout entière de cette précieuse inscription. Sur deux manuscrits, l'un de Closter-Newbourg, l'autre de Gotwich, à la suite de la grande inscription de saint Damase, on lit une suite de noms qui se trouvent être précisément ceux des pontifes du troisième siècle qui reposaient dans la crypte papale. Plusieurs noms qui ne désignent pas des papes y sont ajoutés. La découverte de l'inscription damasienne a démontré que le pèlerin avait pris ailleurs cette nomenclature, car elle n'est pas gravée sur ce marbre. Il faut donc reconnaître dans celte addition une copie de l'épigraphe tant désirée de Sixte III.

 

Plusieurs autres manuscrits   des   martyrologes,   compulsés   par M. de Rossi, sont venus confirmer cette précieuse liste, que nous transcrivons ici comme le complément de l'histoire de la crypte cécilienne : 

XYSTVS

CORNELIVS

FELIX

EVTYCHIANVS

GAIVS

MILTIADES

STEPHANUS
 PONTIANVS

FABIANVS

LVCIVS

ANTEROS

LAVDICEVS

POLYCARPVS

VRBANVS
 EVSEBIVS

DIONYSIVS

MANNO

NVMIDIANVS

IVLIANVS

OPTATVS

  

On voit que, parmi les pontifes énumérés par Sixte III, Urbain a sa place marquée avec les autres. Nous en prenons note en ce moment sur ce document solennel du cinquième siècle, et nous prions le lecteur de se rappeler que les Actes mêmes du martyre de l'évêque Urbain qui figure dans l'épisode de sainte Cécile, racontent expressément qu'il fut enseveli au cimetière de Prétextat, où d'autres documents nous ramèneront tout à l'heure pour y constater la présence de son tombeau.

 

 Le culte si fervent des saints martyrs,  ainsi ravivé, devait faire désirer aux fidèles d'entendre la lecture de leurs Actes aux jours qui leur étaient consacrés.  Des écrivains spéciaux s'adonnèrent à ce travail, et ce fut à l'église romaine de juger si leur oeuvre était digne d'un usage officiel et public. De ces Actes, rédigés au quatrième siècle avec sérieux et gravité, il nous reste ceux de sainte Symphorose et de saint Justin, avec ceux de   sainte   Félicité,   auxquels   saint   Grégoire  le Grand reconnaît expressément le caractère d'un document authentique. (Homil. III, In Evang.)

 

Les actes de sainte Cécile, tels que nous les avons, attendirent leur rédaction jusqu'au commencement du cinquième siècle. On sent que l'auteur, peu fait à l'élégance du style,  a eu entre les mains des documents antérieurs qu'il a fondus dans son récit. Il se plaint dans son prologue de ce que l'on a tant fait pour conserver la mémoire des grandes actions des héros profanes et si peu pour relever la gloire des héros du christianisme. Sa narration commence aux préparatifs du mariage de Cécile avec Valérien, et s'étend jusqu'à son martyre et sa sépulture. Ces Actes étant destinés à être lus le jour de la fête avec une certaine solennité, le rédacteur a cherché à donner, autant que possible, une marche uniforme à son récit ; mais il est aisé de discerner ce qui lui appartient de ce qu'il a trouvé déjà rédigé sur des mémoires. Ce qui lui appartient, ce sont surtout les liaisons, dont le style un peu vulgaire contraste vivement avec celui dans lequel sont exprimées tant de scènes et de paroles délicates, qui lui ont été évidemment transmises sur des fragments qu'il a eu l'heureuse pensée de rassembler et de fondre ensemble. Le ton de candeur qui règne dans toute son oeuvre est déjà une garantie de sa probité et de l'entière bonne foi de sa narration.

 

La partie principale des Actes de sainte Cécile est celle qui contient son interrogatoire par Almachius. Là, le style a tous les caractères d'un document original et n'offre rien de commun avec la latinité personnelle du compilateur. La harangue de Cécile à Tiburce, si remplie de verve, et conduite avec une logique inflexible qui obtient son effet sur le lecteur, comme elle l'obtint sur Tiburce lui-même, ne saurait appartenir non plus au rédacteur, qui, lorsqu'il est livré à ses seules forces, retombe dans sa prose incolore et sans élévation. Il suffit de lire son prologue pour sentir qu'il lui eût été impossible de conduire à lui seul cette superbe argumentation, si colorée et si vive, et parfois interrompue par les réclamations de Tiburce. On ne rencontre rien de pareil dans les faux Actes, assez nombreux pour que l'on puisse déduire la théorie de leur rédaction. En quelques rares endroits, on sent que le rédacteur s'est permis d'entrer tant soit peu dans les discours de ses héros au moyen de verbes accumulés et d'épithètes naïves ; mais la trame originale du texte primitif demeure toujours reconnaissable. Mazochi avait déjà deviné la présence des originaux sous cette forme un peu inculte du rédacteur. (In Vetus Neapolitanae Eccl. Kalendar.) Nous devons du moins à celui-ci l'immense service de nous avoir conservé aussi peu altéré que possible, avec de précieux documents originaux, un ensemble de faits qui, soumis à l'épreuve, ont triomphé, et sont une solide garantie pour les autres.

 

On conçoit que la harangue de Cécile, qui amena la conversion de Tiburce, ait été recueillie par celui-ci ou par son frère, et qu'elle ait été conservée chèrement dans la famille Caecilia. L'interrogatoire de la martyre a été levé au greffe comme une foule d'autres, dont quelques-uns se sont conservés, et dont le plus grand nombre a péri sous Dioclétien. Quant au reste, il est évident que le rédacteur n'a pu ni voulu inventer, et sa probité mise à l'épreuve sur un grand nombre de détails encore accessibles à l'examen sévère de la science en est sortie victorieuse, ainsi que nous venons de le dire. La bonne foi oblige de reconnaître qu'il a eu entre les mains des récits antérieurs sur le sujet qu'il avait à traiter. Maintenant, en quel degré l'histoire et la chronologie lui étaient-elles familières ? Le récit des Actes ne nous le révèle pas par lui-même. Autre chose est une narration, autre chose l'encadrement historique et chronologique de cette narration, et, sur ce dernier point, quelques assertions du rédacteur ont eu besoin d'être discutées, ainsi qu'il y a lieu pour un grand nombre d'Actes sincères d'autres martyrs.

 

Ayant rencontré sur ses documents un personnage nommé Urbain, et n'ignorant pas qu'un des anciens pontifes de l'église romaine avait porté ce nom, il est arrivé à notre pieux compilateur de confondre l'un avec l'autre. Ayant besoin d'une date pour clore son récit, selon l'usage d'un grand nombre d'Actes des martyrs, il est allé prendre innocemment celle qu'il trouvait sur l'interrogatoire officiel de Cécile, sans se douter qu'à ce compte il faisait vivre Cécile cinquante ans avant le pontificat d'Urbain. Plusieurs copistes des Actes ont senti l'anachronisme, et ont fait disparaître d'un trait de plume celte phrase de la fin des Actes : Passa est Marco Aurelio et Commodo imperatoribus ; mais il était trop tard. Adon et Usuard, auxquels personne ne peut refuser d'avoir compulsé avec le plus grand soin les Actes des martyrs à l'époque où ils rédigèrent leurs célèbres martyrologes, ont lu et transcrit fidèlement cette date avec la contradiction qu'elle exprime. Deux manuscrits de la bibliothèque de la Vallicella à Rome, vus par Baronius, la portent encore, et nous-même, dans la bibliothèque du Mont-Cassin, nous avons retrouvé Marc-Aurèle et Commode sur deux beaux manuscrits en lettres lombardes. Tout cet ensemble oblige de conclure que si l'auteur des Actes est entraîné vers le troisième siècle par son préjugé, la réalité le ramène forcément au deuxième.

 

Une autre considération l'eût retenu, s'il eût été plus familier avec l'histoire du passé.  Son récit nous montre le feu de la persécution sévissant avec violence dans Rome. Or le pape saint Urbain siégeait sous Alexandre Sévère, que tout le monde sait avoir été favorable aux chrétiens. En   outre,    les   poursuites   judiciaires   dirigées d'abord contre le mari et le beau-frère de Cécile, et plus tard contre Cécile elle-même, seraient de toute invraisemblance sous un prince qui avait la prétention de descendre des Metelli, cherchant ainsi à se rattacher à la haute aristocratie romaine. (LAMPRIDIUS, In Alex., cap. XLIV.) Nous avons relevé ci-dessus la méprise dans laquelle est encore tombé le rédacteur des Actes, en attribuant à Turcius Almachius la charge de Praefectus Urbi.  Son peu de connaissances en fait d'histoire paraît encore lorsque, dans les interrogatoires qu'il transcrit, il nous montre l'Empire gouverné par plusieurs,  et en effet Marc-Aurèle  et  Commode  régnaient  ensemble  à  ce moment; mais il devient d'autant plus évident que le compilateur ne s'est pas rendu compte que le pape saint Urbain a siégé sous Alexandre Sévère qui régna seul.

 

 Ces défectuosités ne sauraient étonner que les personnes peu accoutumées  à traiter avec les originaux, et formant d'ordinaire leurs convictions d'après des livres de seconde ou de troisième main. L'auteur des Actes de sainte Cécile n'y perd rien en autorité quant à ses récits eux-mêmes, en ce qui concerne la personne de notre héroïne.   S'il est tombé dans  quelques erreurs innocentes,  sur des points très secondaires,  la même chose est arrivée souvent aux rédacteurs d'autres Actes des plus authentiques, ainsi qu'on peut le voir en étudiant la collection de Ruinart.

 

La vraie science n'a pas l'habitude de repousser un historien pour quelques méprises dans lesquelles il est tombé, et les historiens de l'antiquité profane les plus autorisés ne sont pas plus à couvert du contrôle de la critique que les pieux rédacteurs des Actes des saints.  Quelques personnes, à ce qu'il paraît, ont été choquées d'entendre dire que l'évêque Urbain qui figure dans les Actes de sainte Cécile ne serait pas le même que le pape saint Urbain. Le doute sur ce point ayant été d'abord mis en avant par Tillemont, il leur a semblé  qu'il  ne pouvait y  avoir là qu'une erreur. Sans doute, cet auteur a combattu les Actes de sainte Cécile en eux-mêmes, par des arguments empruntés au génie de la secte à laquelle il appartenait, et auxquels nous croyons avoir répondu dans notre première et dans notre deuxième édition de l'Histoire de sainte Cécile, mais la question chronologique sur le temps où Cécile a vécu est d'une nature fort différente. Personne n'a été plus éloigné des faux systèmes de Tillemont, que le savant jésuite Du Sollier, que Mazochi, le docte chanoine de Naples, que l'érudit P. Lesley, de la Compagnie de Jésus. Tous trois, ainsi que nous l'avons déjà dit, ont senti l'embarras chronologique. Mazochi a supposé qu'à l'époque de ses relations avec nos martyrs, Urbain était jeune encore, et qu'après la mort de Calliste il aurait été élevé sur le siège apostolique. Cette hypothèse concilierait tout ; mais les monuments, comme on va le voir, sont venus confirmer celle du P. Lesley, qui le premier a indiqué la solution du problème, en déclarant l'existence de deux Urbains, l'un sous Marc-Aurèle et l'autre sous Alexandre Sévère ; l'un simple évêque dans un pagus près de Rome, et l'autre pape.

 

Le vénérable rédacteur des Actes de la vierge romaine ne perdra donc rien de l'estime et de la reconnaissance qu'il mérite aux yeux de la postérité, pour les quelques taches qui se rencontrent dans son précieux récit. Il a eu le sort de beaucoup d'autres auteurs, qui, pour s'être mépris en quelque chose en se laissant aller à leur idée personnelle, n'ont en rien diminué l'étendue du service qu'ils rendaient : non ego paucis offendar maculis.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 255 à 263)

 

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 19:00

L'histoire de Rome souterraine se continuait, tandis que la ville éternelle, retenant encore debout les monuments du passé qui devaient succomber sous les coups des barbares, se purifiait et s'embellissait sous une parure chrétienne.

 

 La délivrance de l'Eglise par Constantin enleva tout à coup les ombres sous lesquelles la Rome nouvelle s'était construite, et ses fastes qu'elle avait tenus cachés aux regards profanes parurent au grand jour. Le plus ancien document qui nous reste du calendrier chrétien de Rome est celui de l'année 364 dont nous avons eu déjà l'occasion de parler plusieurs fois. Tout incomplet qu'il est, il nous renseigne très utilement sur la manière dont étaient disposées, quant aux lieux et quant aux jours, les stations aux tombeaux des martyrs ; mais ce précieux monument est loin de retracer tous les anniversaires que célébraient en l'honneur des martyrs les chrétiens de Rome à cette époque. Non seulement sainte Cécile manque sur ce calendrier, mais on n'y trouve pas davantage les noms de la plupart des plus illustres martyrs de Rome, dont la mémoire cependant ne pouvait manquer d'être célébrée à jour fixe dans les cimetières. Ainsi on y cherche en vain les noms de saint Linus et de saint Cletus, ceux de pontifes aussi célèbres qu'Alexandre, Télesphore, Eleuthère, etc., ceux des saints Processus et Martinien, Nérée et Achillée, et de tant d'autres non moins illustres dans l'église romaine ; ceux enfin des vierges Flavia Domitilla, Praxède, Pudentienne, etc., et des saintes femmes Symphorose et Félicité.

 

 Pour avoir des détails complets sur les fêtes que les fidèles célébraient annuellement dans les cimetières, il faut recourir à l'ancien Martyrologe appelé Hieronymianum, parce que sa rédaction fut attribuée à saint Jérôme. Il n'existe plus nulle part dans sa teneur originale, ayant dû subir des additions journalières, selon les divers lieux où on le transcrivit ; mais les traces de la rédaction primitive peuvent encore être suivies sur un grand nombre de martyrologes anciens, en tête desquels il faut distinguer, parmi les imprimés, celui qu'a publié Fiorentini, et parmi les manuscrits, celui que M. de Rossi a découvert à la bibliothèque de Berne. D'après ces sources, la station en l'honneur de sainte Cécile avait lieu le 16 des calendes d'octobre, qui correspond au 16 septembre, et elle est indiquée par ces mots : Via Appia, Passio sanctae Caeciliae.

 

 On cessera d'être étonné que l'église romaine célèbre aujourd'hui la fête de l'illustre martyre au 22 novembre, qui est le 10 des calendes de décembre, si l'on consulte les manuscrits plus ou moins hiéronymiens des anciens martyrologes ; il suffit de remarquer les termes dans lesquels cette fête y est indiquée. On y lit simplement, ainsi que sur le martyrologe actuel : Romae, sanctae Caeciliae, virginis. Dans cette formule, rien n'annonce le jour de la mort de sainte Cécile. Selon le style des martyrologes, si ce jour était l'anniversaire du martyre, on lirait : Natalis, ou Passio, ou Depositio, qui sont les termes usités. Dès le lendemain, 23 novembre, la fête de saint Clément est ainsi formulée : Natalis sancti clementis, Papae. Au 14 avril, les saints Tiburce, Valérien et Maxime ont aussi le Natalis. Il faut donc qu'une raison particulière ait fait assigner dans Rome la fête de sainte Cécile au 22 novembre, au temps même où l'on célébrait encore sa passion sur la voie Appienne le 16 septembre. On sait que la maison de Cécile, consacrée par son sang et par la destination qu'elle lui avait donnée en mourant, comptait parmi les églises de Rome ; sa dédicace, accomplie un 22 novembre, aura motivé ce second anniversaire, qui a fini par demeurer le seul, lorsque la dévastation des cimetières contraignit de transférer le corps de la martyre dans la basilique construite sur le palais des Valerii. On voit, par les Sacramentaires Léonien et Gélasien, que la fête du 22 novembre était précédée d'une Vigile, qui avait à la Messe sa Préface et ses Oraisons propres ; distinction que l'église de Rome, dans la célébration de ses martyrs, n'a accordée qu'à saint Laurent. Ni saint Sébastien ni sainte Agnès n'en ont joui, et Dom Martène, dans son grand ouvrage, De antiquis Ecclesiae ritibus, montre que cette prérogative accordée à la fête de sainte Cécile a laissé sa trace jusqu'au neuvième siècle.

 

 Afin de témoigner sa vénération pour la basilique qui fut d'abord la demeure de Cécile et, qui était déjà Titre cardinalice au cinquième siècle, l'église de Rome choisit pour lecture de l'Ancien Testament, à la Messe du 22 novembre, un texte du livre de l’Ecclésiastique qui renfermait une allusion touchante à la destinée de ce sanctuaire. On lisait dès les premiers siècles, et on lit encore au Missel romain, ces touchantes paroles : "Seigneur mon Dieu, vous avez glorifié ma maison sur la terre ; c'est là que je vous ai adressé ma prière, au moment où la mort arrivait sur moi". Il est regrettable qu'à l'époque très tardive où l'on introduisit dans le Missel des Messes pour les Communs, cette lecture, qui ne se rapportait qu'à la fête du 22 novembre et à sainte Cécile, ait été rendue banale par son insertion dans ces mêmes Communs qui ne sont devenus nécessaires que par suite de l'accession continuelle de nouveaux saints au calendrier.

 

 Saint Jérôme atteste, au quatrième siècle, que nulle église n'était aussi démonstrative que celle de Rome dans le culte de ses martyrs (In Epist. ad Gal., lib.  Il),  et Prudence, dans un de ses poèmes, nous a donné une idée de l'enthousiasme du peuple fidèle en ces rencontres. A propos de la fête de saint Hippolyte, prêtre romain, il décrit le pieux concours des chrétiens aux cryptes des martyrs :

" Lorsque, dit-il, après avoir parcouru le cercle de ses mois, l'année se renouvelle, et ramène avec la fête du martyr le jour de son Natalis, quelles troupes innombrables de fidèles se pressent à l'envi ! Quels concerts immenses de voeux et de prières à la gloire de Dieu ! L'auguste cité envoie là ses enfants, quirites et patriciens, tous ensemble, poussés par un saint désir : tous, et les grands et la phalange plébéienne, confondus sous le bouclier de la foi qui précipite leurs pas.   Avec  non moins d'ardeur,  des bataillons d'Albains sortent des murs de leur ville, et déploient en longues lignes la blancheur de leurs toges. De tous côtés, sur toutes les routes, on entend les frémissements d'une joie bruyante ; c'est le Picenum et l'Etrurie qui arrivent. Avec eux accourt le Samnite sauvage et le Campanien de la superbe Capoue, et l'habitant de Nole ; tous, avec leurs épouses et leurs tendres enfants, sont heureux et s'empressent. A peine les vastes campagnes suffisent à l'ardeur joyeuse de la foule qui se multiplie ; même au milieu de la plaine, on voit des bandes trop compactes réduites à s'arrêter. La sainte caverne sans doute sera trop étroite pour ces troupes sans nombre, quelque large que soit son accès." (Peristephanon. Carmen S. Hippolyti.)

 

Pour ce qui est de la chambre sépulcrale de Cécile, il fallut en effet agrandir de bonne heure, en faveur des pieux visiteurs, le cubiculum que Calliste avait fait construire,  et cette nouvelle disposition entraîna la nécessité d'ouvrir un lucernaire pour donner un jour plus abondant à cette crypte devenue l'une des plus vastes que l'on rencontre dans les catacombes. La divine Providence avait donné de bonne heure à Rome, au quatrième siècle, un pontife qui avait hérité de l'amour des anciens papes martyrs pour les sacrés cimetières. Ce fut Damase, homme pieux et cultivé, qui voulut avoir saint Jérôme pour secrétaire. Sa mission sembla avoir été de reconnaître dans toute l'étendue des catacombes les principales Mémoires des martyrs, et de les constater par l'autorité apostolique aux yeux de la postérité. Mais il ne se borna pas à ces soins juridiques ; il voulut que chaque sépulture notable fût ornée d'un marbre, témoignage de vénération, ainsi que nous l'avons vu au tombeau de saint Januarius.

 

Pour d'autres tombeaux, sa piété ne se contenta pas de cette simple forme d'hommage. Il composa lui-même en vers hexamètres de longues épitaphes qui, en même temps qu'elles témoignent de son culte pour le martyr, ont plus d'une fois servi de documents pour l'histoire ; Naturellement il dut payer le tribut de sa veine poétique à la crypte papale.  Il l'orna de deux grandes inscriptions : l'une, en souvenir du martyre de Sixte II, et destinée à accompagner sa chaire  ensanglantée ;  l'autre  à  la  louange  des nombreux martyrs qui reposaient près de ce pontife sur la droite de la voie Appienne.  On ne saurait douter que la crypte voisine où dormait Cécile n'ait possédé aussi son marbre de Damase ; mais les dévastations dont cette salle fut l'objet lors des invasions barbares ne l'ont pas laissé arriver jusqu'à nous. A peine a-t-on pu trouver dans les décombres qui jonchaient la salle quelques fragments portant une ou deux lettres, que l'on pourrait peut-être rapporter à l'inscription damasienne de Cécile. On ne s'en étonnera pas, lorsqu'on saura que, pour rétablir la grande inscription de la crypte papale, il a fallu réunir au delà de cent fragments ; tant avait été féroce la barbarie qui sévit dès le sixième siècle contre les monuments aussi sacrés qu'inoffensifs de nos martyrs !

 

Nous regrettons d'être contraints à nous borner sur un sujet aussi intéressant que les travaux de Damase dans les cimetières ; il y a là tout un épisode de l'histoire de Rome souterraine, une transition de leur gloire ancienne à leur gloire nouvelle. Il était beau qu'un pape eût été chargé d'en haut d'initier les générations de la paix aux sublimes exemples qui avaient signalé la brillante et terrible époque de la lutte. Damase laissa un solennel monument de sa mission par l'inauguration d'un nouveau caractère épigraphique plein de grandeur et d'élégance, pour lequel il employa le calligraphe Furius Dionysius Philocalus, soupçonné d'abord par M. de Rossi d'avoir été l'exécuteur de cette splendide épigraphe, et désigné plus tard comme son auteur direct, dans la découverte de l'inscription de saint Eusèbe.

 

Les nombreux pèlerins que la piété attirait à Rome pour y visiter les tombeaux des saints apôtres, durant les siècles qui suivirent la paix de l'Eglise, auraient regardé leur pieux voyage comme incomplet, s'ils s'étaient bornés à vénérer les sanctuaires de la ville. Un attrait particulier les portait à se répandre dans les cimetières, afin d'y prier aux Mémoires des saints martyrs, qui par  leur  sang  avaient  obtenu  la  victoire   de l'Eglise.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 247 à 254)

 

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 19:00

Jusqu'ici Rome souterraine ne nous a plus rien transmis en fait de monuments funéraires des Caecilii.

 

 Les Pomponii chrétiens, si intimement liés aux cryptes de Lucine, ne pensèrent pas leur être infidèles en choisissant parfois leur sépulture hors de ce cimetière pour se rapprocher davantage de Cécile. Ainsi M. de Rossi a découvert parmi les inscriptions du cimetière de Calliste, se rapportant à la première partie du troisième siècle, celle d'un Pomponius Bassus, le mari sans doute d'Annia Faustina, et, ce qui est encore d'un plus grand prix, celle tant désirée d'un : 

ΠΟΜΠΩΝΙΟС

ΓPHKEINOC

 

Nous ne quittons qu'à regret ces augustes souterrains, où tant de noms historiques, et noms chrétiens en même temps, voudraient nous retenir encore. Au cimetière de Lucine, un Aemilius in pace ; un Saloninus, surnom d'une branche des Cornelii célèbre au troisième siècle ; une nouvelle Φαυστείνα,  et surtout une Iallia Clementina, fille de Iallius Bassus, dont la science archéologique vient de recouvrer la généalogie et qui nous reporte au deuxième siècle, auraient droit de nous arrêter. Au cimetière de Calliste, nous prenons congé avec un regret non moins vif des nombreux Aemilii et Aemiliae, des Aurelii, des Maximi, des Attici, des Valeriani, des Claudiani. Nous eussions aimé à approfondir ces épitaphes d'une Φελίκτας  Φαυστείνα, d'un Bufus, époux d'une Valeria, d'un Aelius Saturninus, et de tant d'autres qui montrent si éloquemment les riches conquêtes de l'Eglise dans l'aristocratie romaine, ainsi que la permanence au sein du christianisme, des alliances constatées par les monuments de l'ancienne Rome, entre les plus illustres familles de la république. Mais il nous faut bien plutôt demander pardon au lecteur de cette digression à laquelle la sépulture insolite du pape Cornélius a donné occasion, et reprendre le fil de notre narration malheureusement trop rapide.

 

 Lucius succéda à Cornélius sur la chaire de saint Pierre (253). Il fut moissonné par le glaive du martyre, et s'en vint reposer en la compagnie de ses prédécesseurs dans la crypte papale. Son marbre est aussi du nombre de ceux qu'a retrouvés M. de Rossi.

 

 Nous n'avons point conservé l'épitaphe d'Etienne qui succéda à Lucius (254), et fut comme lui déposé, après son martyre, dans l'hypogée des papes. Sixte II, successeur d'Etienne (257), a laissé une mémoire plus imposante que les autres pontifes qui sont venus, depuis Zéphyrin, reposer dans ce cimetière. Il eut la gloire de lui donner son nom, et c'est ainsi que cette région est si souvent appelée Ad sanctum Xystum, Ad sanctum Systam ou Sustum. La grandeur du martyre de Sixte avait ému les peuples, et un témoignage unique aux catacombes, celui d'une chaire de marbre teinte du sang pontifical, contribuait à maintenir ce sentiment d'admiration qu'attestent les nombreux graphites, tracés à l'entrée de la salle funéraire, et sur lesquels le nom de Sixte est si souvent répété avec l'accent de l'admiration et de la confiance.

 

 L'empereur Valérien avait compris que le centre de vie pour le christianisme, à Rome, était dans les cimetières, et, le premier des princes persécuteurs de l'Eglise, il avait fini par publier un édit qui en interdisait l'accès aux fidèles. Les catacombes, n'étant plus désormais inviolables, allaient courir les plus grands dangers de la part des païens, si une active prévoyance ne faisait prendre des mesures pour en rendre impossible l'envahissement. On trouva moyen de couper les escaliers, d'obstruer les voies dans tous les quartiers importants, et de mettre par là en sûreté les trésors sacrés qui s'étaient accumulés durant deux siècles entiers dans les sanctuaires de Rome souterraine. Pour pénétrer désormais dans les cimetières, il fallut d'autres itinéraires, et des guides auraient été nécessaires aux païens s'ils avaient tenté sérieusement d'y pénétrer. Cet état de choses dura, sauf de courts intervalles, jusqu'à la paix de l'Eglise, qui restitua à la fois aux chrétiens et les cimetières qu'ils avaient creusés sous le sol et les églises que, depuis la première moitié du troisième siècle, ils bâtissaient déjà au grand jour, particulièrement en Orient. Les édits qui interdisaient les réunions dans les cimetières ne portaient rien moins que la peine de mort contre les infracteurs ; mais certaines fonctions qu'avait à remplir le pontife l'obligeaient souvent d'enfreindre de telles prohibitions. La prudence exigeait par-dessus tout que la crypte papale fût mise hors d'atteinte ; elle fut donc interdite, au moins momentanément, par une soigneuse interception de l'entrée et des voies.

 

 Le cimetière de Prétextat n'était pas, comme celui de Calliste, désigné aux recherches des persécuteurs par un caractère officiel. Un jour du mois d'août 258, Sixte y présida une réunion qui devait laisser un souvenir ineffaçable dans la mémoire des fidèles. Il était assisté des diacres Félicissime et Agapit, et vaquait à une fonction sacrée dans une des salles principales de cet important cimetière. Tout à coup, le lieu de réunion est envahi par des soldats envoyés par le préfet de Rome. Sixte occupait la chaire de marbre, du haut de laquelle il adressait une allocution aux fidèles. Le spectacle si nouveau de ces hommes armés qui venaient mettre la main sur le pontife, saisit de terreur toute l'assemblée, mais sans arrêter l'élan de la foi de ces généreux fidèles. Ils offraient tous leur tête pour sauver celle de leur père. Sixte fut entraîné dans Rome, il comparut et fut condamné à recevoir la mort au lieu même où il avait bravé les édits de César. Comme on l'entraînait par la voie Appienne, son archidiacre Laurent lui reprocha de se rendre sans lui au lieu du sacrifice. — "Dans trois jours tu me suivras", lui répondit le saint pontife. L’escorte qui conduisait Sixte au supplice envahit le cimetière où on l'avait surpris, et ce fut sur la chaire même d'où il avait présidé la sainte assemblée qu'on lui trancha la tête. Cette chaire toute teinte du sang du martyr fut plus tard apportée dans la crypte papale ; elle était adossée, ainsi que nous l'avons dit, au premier tombeau de Cécile. Dès qu'il fut possible, on transféra le corps de Sixte auprès de ses prédécesseurs du troisième siècle ; mais les circonstances si glorieuses de son immolation le firent considérer comme le plus illustre de tous par le peuple fidèle.

 

Denys succéda à Sixte (259), et il vit l'Eglise jouir quelque temps d'une heureuse trêve par l'influence de Cornelia Salonina, femme de l'empereur Gallien, qui était chrétienne et parvint à arrêter la persécution. Nous avons signalé tout à l'heure la tombe d'un Saloninus, visible encore près du tombeau de saint Cornélius, au cimetière de Lucine. La sépulture de Denys eut lieu dans la crypte papale, ainsi que celle de son successeur Félix (269), comme en fait preuve l'inscription de Sixte III. Eutychien, qui succéda à Félix (275), vint reposer auprès d'eux, et son épitaphe est une de celles qu'a retrouvées M. de Rossi. Caïus, qui siégea ensuite (283), fut inhumé pareillement dans la crypte cécilienne ; mais ses deux successeurs Marcellin et Marcel furent ensevelis au cimetière de Priscille.

 

A cette époque figure une troisième Lucine, non moins zélée pour l'Eglise que les deux premières ; mais on ne voit pas que son nom soit lié avec le cimetière primitif de la voie Appienne. Un trait qui se rapporte à la persécution de Dioclétien, et que nous ne devons pas omettre dans la recherche que nous faisons des monuments chrétiens de cette voie, est la sépulture du grand martyr Sébastien près du puits au fond duquel avaient été cachés les corps des saints apôtres. C'est là aussi que la troisième Lucine fut inhumée, à la suite d'une vie toute consacrée au service de l'Eglise.

 

Au commencement du quatrième siècle, nous trouvons encore deux papes, saint Eusèbe et saint Melchiade, ensevelis au cimetière de Calliste ; mais leurs corps ne furent pas déposés dans la crypte papale, sans doute encore inaccessible par suite des mesures qu'on avait dû prendre pour en interdire l'entrée aux païens, durant les années orageuses de la persécution. Ils eurent chacun leur cubiculum particulier, et celui de saint Eusèbe, heureusement retrouvé, garde encore les traces de son élégante ornementation.

 

A la suite de ces vicissitudes, Rome souterraine et les cryptes de la voie Appienne en particulier entendirent proclamer la paix de l'Eglise. L'édit de Milan rendait la liberté à leurs sentiers et la sécurité à leurs sanctuaires. Par les ordres de Constantin, la croix paraissait au grand jour ; mais nul n'ignorait dans tout l'Empire, nul homme de bonne foi  ne pouvait disconvenir, qu'une telle victoire était due au courage et au sang des martyrs.

 

Le sol de la ville éternelle vit s'élever de splendides basiliques comme autant de trophées de la religion du Christ ; mais, durant de longs siècles encore, les catacombes demeurèrent en honneur. Les anniversaires des martyrs y ramenèrent constamment la population romaine ; et de nouveaux travaux, galeries, peintures, constructions, annoncèrent que l'histoire de Rome souterraine se continuait, tandis que la ville éternelle, retenant encore debout les monuments du passé qui devaient succomber sous les coups des barbares, se purifiait et s'embellissait sous une parure chrétienne.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 240 à 246)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 19:00

L'église romaine, après la mort de Zéphyrin, appela  Calliste  sur le  siège apostolique (215).

 

 Nous ne pouvons nous étendre sur les événements si pleins d'intérêt de son pontificat, ni sur les luttes qu'il eut à subir ; mais, dans cet ouvrage consacré en grande partie aux traditions de Rome souterraine, nous devons rappeler que c'est lui-même qui, dans un moment de péril, leva de leurs tombeaux les corps de saint Pierre et de saint Paul, et les transporta sur la voie Appienne, au lieu même où les avaient cachés les Orientaux, lorsqu'ils  voulurent  les  enlever  à   la   ville  de Rome.

 

Comme il s'agissait de prendre toutes les précautions pour soustraire ce trésor aux profanes, Calliste ne plaça point les dépouilles des saints apôtres dans quelque cubiculum apparent ; il fit fabriquer un puits, au fond duquel se trouve une chambre sépulcrale, où l'emplacement des deux sarcophages est encore visible aujourd'hui, par la disposition des dalles employées dans le carrelage de ce mystérieux réduit. Autour de ce monument s'ouvrirent bientôt des galeries et des cubicula, et cette région de Rome souterraine, située autour de l'espace qu'occupe la basilique de Saint-Sébastien,  fut enviée,  comme lieu de sépulture, par un grand nombre de fidèles qui désiraient reposer près  des  tombes  des  saints apôtres. Cette dévotion persista même après que leurs dépouilles sacrées eurent été rapportées dans les cryptes d'où elles avaient été tirées. Ce lieu fut appelé dans la plus haute antiquité Ad Catacumbas (Kata tumbas), c'est-à-dire près des tombes des Apôtres, et ce n'est qu'improprement que l'on a étendu beaucoup plus récemment l'appellation générale de catacombes aux cimetières de Rome.

 

 Tant de travaux sur la voie Appienne semblaient donner à Calliste un droit spécial de reposer dans le noble hypogée où l'attendait Zéphyrin.

 

 La divine Providence en avait autrement disposé. Sous le règne bienveillant d'Alexandre Sévère, il perdit la vie au quartier du Transtévère, dans une sédition des païens contre lui. La cause de cet attentat fut sans doute l'acquisition qu'il avait faite d'une ancienne taberna meritoria, située dans cette région, et qu'il consacra en église. C'est l'auguste basilique de Sainte-Marie trans Tiberim. La propriété en fut disputée à Calliste, et la cause référée à l'empereur, qui décida pour les chrétiens. (LAMPRIDIUS, in Alexandre Severo, cap. XIX.) La mort violente de Calliste semble une vengeance de ses adversaires, et elle eut lieu tout près de l'édifice que sa fermeté avait conservé à l'Eglise. Les séditieux précipitèrent le pontife dans un puits, que l'on voit encore dans l'église de Saint-Calliste, à quelques pas seulement de la basilique Transtibérine. La sédition ne permit pas, à ce qu'il paraît, de transporter le corps du martyr sur la voie Appienne, et on alla le déposer dans un cimetière déjà ouvert sur la voie Aurélia, où sa sépulture donna origine à un nouveau centre historique dans cette partie de Rome souterraine.

 

 Le successeur de Calliste fut Urbain (222), dont le pontificat s'écoula tout entier sous Alexandre Sévère. La ressemblance des noms l'a fait prendre pour l'évêque Urbain, qui figure dans la vie de Cécile ; nous expliquerons bientôt comment et à quelle époque la confusion eut lieu. L'Urbain dont il est question dans les Actes de la martyre reposait depuis cinquante ans déjà au cimetière de Prétextat, et l'on ne saurait assigner la raison pour laquelle on n'eût pas enseveli un pape dans la crypte des pontifes qui est en face de ce cimetière. Un monument précis vient confirmer cette conclusion. Dans l'hypogée papal, M. de Rossi a trouvé le fragment d'un bord de sarcophage, sur lequel on lit : ΟΥΡΒΑΝΟС (Roma sotterr., t. II, tav. II, 3.) Tout porte à croire que le trait arqué qui vient après le nom est le commencement de la première lettre du mot ΕΠΙ СΚΟΠOC. La forme même du fragment montre avec évidence qu'il a été détaché du couvercle d'un sarcophage. Les autres inscriptions de la crypte papale que l'on a retrouvées, ont servi à fermer les simples loculi qui sont en bien plus grand nombre dans la salle, ainsi qu'on peut le voir sur le plan général. Celui-ci, étant détaché d'un sarcophage, annonce une des premières sépultures faites dans l'hypogée, et pour lesquelles on aura employé les alvéoles ouvertes près du sol, dans lesquelles seules il était possible d'établir les sarcophages. Pour peu que l'on se rappelle qu'à la mort d'Urbain, Zéphyrin reposait encore seul dans la crypte papale, il est aisé de comprendre que le corps du successeur immédiat de Calliste ait été placé dans un sarcophage de préférence à un loculus. D'autres arguments viendront confirmer l'existence du tombeau du saint pontife en ce lieu, et non sur la gauche de la voie Appienne, où la présence d'un autre Urbain est aussi formellement constatée.

 

 Pontien succéda à Urbain (230). L'Empire changea de mains, et passa au pouvoir de Maximin dès le 18 mars 235. Une sentence impériale déporta le pontife des chrétiens, avec le prêtre Hippolyte, dans l'île de Bucina, où il souffrit d'indignes traitements qui lui valurent la couronne du martyre. De bonne heure il avait voulu pourvoir au gouvernement de l'église romaine, en abdiquant la papauté. Son corps demeura dans cette île de la Méditerranée jusqu'au pontificat de saint Fabien qui l'alla chercher, accompagné de ses prêtres, et le réunit aux autres papes qui dormaient déjà sous les voûtes de l'hypogée cécilien.

 

 Anteros (235), qui ne fit que passer sur le siège de Rome, eut la même sépulture. On a pu réunir les fragments de l'inscription de son loculus, et son nom Anteros s'y lit aisément. Il eut pour successeur Fabien (236), duquel le Liber pontificalis raconte qu'il fit faire de nombreuses constructions dans les cimetières. La crypte des pontifes dans laquelle il fut enseveli nous a rendu son inscription tumulaire, fracturée comme celles que nous avons citées jusqu'ici, mais non moins importante. Parmi ses constructions, il est permis de compter le petit édifice à trois absides qui s'élève au-dessus de la seconde area callistienne, et qui, par les pèlerins du quatrième siècle et des suivants, fut appelé la basilique de Sainte-Cécile et de Saint-Sixte, à cause du voisinage de leurs tombeaux, les plus célèbres de tous.

 

Le successeur de Fabien fut un Cornélius (251). Dans ce rapide parcours de l'histoire pontificale du troisième siècle, il nous est agréable de rencontrer ce grand nom. Une seconde Lucine apparaît aussi auprès de ce nouveau pontife, zélée comme la première pour la sépulture des martyrs, et exerçant des droits sur le cimetière qu'avait creusé la première Lucine. Nous ne faisons aucun doute qu'elle n'appartînt également aux Pomponii qui, comme nous l'avons dit plus haut, avaient des liens avec les Cornelii. Dans ce récit abrégé, où nous ne parlons des pontifes que dans leurs rapports avec les cimetières de la voie Appienne, nous ne devons pas cependant omettre l'acte important que Cornelius accomplit, à l'instigation de Lucine : ce fut de retirer du puits où les avait placés Calliste les corps des deux grands apôtres de Rome, qui avaient reposé plus de trente ans dans ce sombre asile. Cette translation s'opéra secrètement et à la faveur des ombres de la nuit. Lucine se chargea de faire replacer le corps de saint Paul dans son ancienne Confession, située près de la voie d'Ostie, sur le praedium de la première Lucine. Quant au corps de saint Pierre, Cornélius prit soin de le faire replacer dans l'antique crypte des Cornelii au Vatican, où l'attendaient ses successeurs du premier et du second siècle, et où, depuis lors, il est demeuré immobile dans toute la majesté apostolique : "près du lieu où il avait été crucifié", ainsi que le répète pour la seconde fois, à cette nouvelle occasion, le Liber pontificalis.

 

Saint Cyprien a célébré l'intrépidité avec laquelle Cornélius accepta et occupa la chaire pontificale, dans un moment où Decius était possédé d'une telle fureur contre l'Eglise, "qu'il eût préféré voir s'élever dans l'Empire un compétiteur, que de laisser remplacer dans Rome le pontife des chrétiens". (Epist. ad Antonian.) La carrière du saint pape ne pouvait se terminer que par le martyre, mais le crédit de Lucine était tel en ces lieux, qu'elle obtint que ce membre de la race des Cornelii ne serait pas enseveli dans la crypte ordinaire des pontifes : elle lui donna donc la sépulture au cimetière voisin, décoré d'un nom qui rappelait de si grands souvenirs.

 

Le seul fait de cette sépulture insolite pour un pape au troisième siècle, suffirait à attester le lien de parenté qui devait exister entre Cornélius et la noble héritière de Pomponia Graecina, et il confirme pleinement ce que nous avançons ici sans aucun doute sur l'origine du saint pontife. L'épitaphe tumulaire placée sur son monument particulier au cimetière de Lucine, était en langue latine. Il est permis de penser que, de même que Lucine avait voulu que Cornélius fût enseveli au milieu des siens, elle aura repoussé la langue grecque, lorsqu'il se sera agi de tracer l'épitaphe d'un pontife dont le nom seul rappelait ce que le Latium avait produit de plus illustre.

 

Le retour que nous venons de faire au cimetière de Lucine nous donne lieu de jeter un regard sur les marbres céciliens du troisième siècle qu'on y a retrouvés. La sépulture de Cécile dans une crypte nouvelle n'entraîna pas l'abandon de la catacombe de Lucine par les familles qui déjà y étaient représentées dans leurs membres chrétiens. Ainsi, vers la fin du deuxième siècle, on y ensevelit une Caeciliana Paulina, dont le marbre s'est retrouvé récemment. Au troisième siècle, c'est le tombeau d'un enfant qualifié de puer clarissimus, et nommé Q. Caecilius Maximus. La gens Valeria est une des rares familles, et la première, qui furent honorées par le peuple romain du surnom de Maximus. Il est peut-être permis de reconnaître ici une suite de l'alliance des Valcrii Maximi et des Caecilii dans la personne de Cécile et de Valérien. Avant cette époque, on ne rencontre pas sur les inscriptions le cognomen Maximus donné aux Crecilii. Au quatrième siècle, les Caecilii font défaut dans les cryptes de Lucine ; mais les premières années du cinquième nous donnent l'inscription d'une enfant qui ne vécut que quelques mois. Elle est appelée Pompeïa Octavia Attica Ceciliana, c. p. (clarissima puella). Les épitaphes du père et de la mère ont été presque en même temps découvertes par M. de Rossi, au cimetière de Calliste, l'un et l'autre ayant voulu reposer près de la grande martyre. Le père est appelé Octavius Caecilianus, v. c. et la mère Pompeïa Attica, c. f. (clarissima faemina) : l'enfant avait réuni les noms de l'un et de l'autre. On voit par d'autres monuments encore que les Caecilii se partagèrent entre les deux cimetières jusqu'à la fin. Les uns étaient attirés par les sépultures antérieures de la famille dans les cryptes de Lucine, les autres optaient pour le voisinage de Cécile. Parmi ces derniers, il faut compter une Caecilia Fausta du troisième siècle, dont l'inscription est encore entière à sa place.

 

Elle est ainsi conçue : 

SERGIVS   ALEXANDER

CAECILIE   FAVSTAE

CONIVGI   SVE   BENE

MERIENTI   FECIT.

 

Cette épitaphe, dont nous avons conservé l'orthographe fautive, montre la continuité de l'alliance entre les Sergii et les Caecilii. Nous avons déjà mentionné comme ayant eu sa sépulture, au même siècle, près du tombeau de Cécile, un Septimius Praetextatus Caecilianus. Le quatrième siècle nous donne, dans la même région, les inscriptions d'une Caeciliana, C. F., et d'une Caecilia, H. F. (honesta faemina).

 

Nous terminerons cette énumération des Caecilii chrétiens ensevelis dans ces cryptes, par un Caecilius Cornelianus retrouvé dans la seconde area callistienne, et qui se trouve réunir en sa personne les deux plus grands noms de notre histoire.

 

Jusqu'ici Rome souterraine ne nous a plus rien transmis en fait de monuments funéraires des Caecilii.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 232 à 239)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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