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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

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SALVE REGINA

21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 20:00

Telle fut la branche aînée dans la descendance de Quintus Caecilius Metellus, le consul de 548. La seconde va nous apparaître plus illustre encore.

 

Son chef fut L. Caecilius Metellus Calvus, frère du Macédonique, et consul en 612. Il laissa deux fils, le Dalmatique et le Numidique, dont nous allons suivre la filiation.

 

 Le Dalmatique fut appelé Lucius comme son père, et le surnom dont il est décoré vient de son triomphe sur les Dalmates. L'année 635 le vit consul. Vengeur sévère des moeurs comme un Caecilius, il osa, étant censeur, expulser du sénat jusqu'à trente-deux sénateurs.

 

 Il eut pour fils L. Caecilius Metellus, consul en 686. Le frère de celui-ci fut Q. Caecilius Metellus le Crétique. Il dut ce glorieux agnomen à la conquête qu'il fit de la Crète. Les fastes consulaires le portent à l'année 685. Ce dernier fut le père de Caecilia Metella, femme du triumvir Crassus, sur laquelle nous aurons occasion de revenir. Un fils du Crétique, nommé comme lui Q. Caecilius Metellus, fut tribun du peuple, et plus tard l'un des généraux du parti d'Antoine à la bataille d'Actium. Il avait adopté un membre de l'antique gens Junia, qui prit le nom de O Caecilius Metellus Creticus Silanus, et fut consul en 760. Sa fille Junia fut fiancée à Nero Caesar, fils aine de Germanicus. Etant morte peu de temps après, ses cendres furent déposées dans le mausolée d'Auguste, en sa qualité de membre de la famille impériale.

 

 Mais aucun des Caecilii n'a atteint la gloire du NUMIDIQUE, frère du Dalmatique. Il portait le praenomen Quintus qui continua dans sa descendance. Envoyé, dans sa jeunesse, à Athènes, pour y recevoir les leçons du rhéteur Carnéade, il en revint orateur distingué ; mais ses principes de morale ne lui permirent jamais d'user de son éloquence qu'en faveur du bon droit, et on le vit refuser de plaider la cause de son beau-frère Lucullus, parce que celui-ci semblait avoir forfait à l'honneur. En 645, il était consul, et ne tarda pas à se rendre en Numidie, où la fortune de Rome cédait devant l'âpre résistance de Jugurtha. Il fallut peu de temps à Q. Metellus pour remonter le moral de l'armée et pour humilier un si redoutable adversaire. Heureux s'il n'eût pas choisi pour son lieutenant le plus ingrat et le plus perfide des hommes, C. Marius ! Celui-ci, laissant tout à coup l'armée, après avoir obtenu quelques succès militaires, osa se rendre à Rome dans le but de supplanter un si grand général, dont il accusait les sages et habiles lenteurs. Il parvint, par ses intrigues auprès du sénat et par ses flatteries envers la populace, à se faire attribuer,  avec  le  consulat, le commandement de l'expédition en Numidie, et se hâta de repartir pour l'Afrique. A peine avait-il disparu, que le sénat et le peuple se repentaient déjà de la légèreté avec laquelle ils avaient cédé à l'intrigue d'un ambitieux. Cependant Metellus revenait avec tristesse vers Rome si redevable déjà aux Caecilii, et si amère pour leur héritier. Contre son attente, il fut reçu avec les plus vives démonstrations d'enthousiasme et de reconnaissance. Des médailles furent frappées en son honneur, et, au grand dépit de Marius, le surnom de Numidique lui fut décerné d'un commun accord.

 

 En quittant Rome, Marius y avait laissé de dignes héritiers de sa haine, et bientôt Metellus se voyait citer en justice, et accuser de concussion par les jaloux de sa considération et de son opulence. Mais son jugement fut un nouveau triomphe, plus insigne encore que le premier. Le tribunal se hâta de déclarer qu'un homme tel que le Numidique devait être jugé, non sur telles ou telles écritures, mais sur sa vie tout entière qui proclamait assez haut l'intégrité de son caractère.

 

 En 652, Metellus était créé censeur avec son cousin Caprarius. Rome tout entière fut contrainte de s'incliner sous le joug austère de ces deux Caecilii, non sans des réactions violentes qui allèrent jusqu'à contraindre le Numidique de se réfugier au Capitole, où la multitude armée des citoyens vicieux le poursuivit et l'assiégea, jusqu'au moment où les chevaliers romains accoururent le délivrer. Ce fut dans l'exercice de cette vigoureuse censure qu'à l'exemple de son oncle le Macédonique, le Numidique sonda la plaie profonde des moeurs romaines et prononça à son tour une célèbre harangue pour réclamer la réhabilitation du mariage. Cette double protestation, demeurée célèbre dans la postérité, attesta qu'avant d'attacher son glorieux nom à la régénération de Rome par le christianisme, la race des Caecilii avait été, plus que tout autre, la gardienne de l'honnêteté dans cette ville qui n'eut pas de plus grand ennemi que sa propre corruption.

 

Mais les épreuves du Numidique n'étaient pas terminées. Une nouvelle intrigue de Marius suscita la discussion d'une loi agraire. Le projet de cette loi, présenté par le tribun Apuleius Saturninus, portait qu'après son acceptation par le peuple, tout sénateur qui ne consentirait pas à la jurer se verrait interdire l'eau et le feu. Marius proposa au sénat de jurer la loi, en sous-entendant une clause qui aurait annulé le serment, persuadé qu'il était que le Numidique ne se prêterait jamais à une telle feinte. Il ne s'était pas trompé. Les sénateurs juraient de toutes parts, et suppliaient le grand homme d'imiter leur exemple. Metellus fut inflexible, et accepta de subir la peine qu'avait méritée sa probité. En quittant le forum, il disait à ses amis dans ce style dont nous retrouverons encore la trace chez notre héroïne du deuxième siècle : "Faire ce qui est mal, c'est le propre des esprits mauvais ; faire sans courir de risques ce qui est bien, peut appartenir aux âmes vulgaires ; l'homme de coeur ne s'écarte jamais de ce qui est juste et honnête, qu'il ait à attendre la récompense ou les menaces." (PLUTARQUE, in C. Mario.) Les citoyens probes prenaient déjà les armes et se préparaient à livrer combat pour la défense de Metellus ; mais celui-ci se hâta de se dérober à ses amis comme à ses ennemis. Disant adieu à Rome et à sa brillante existence, il monta sur un navire et alla se retirer à Rhodes, où sa vie d'exilé s'écoula dans toute la grandeur et la dignité des moeurs antiques.

 

La réaction ne tarda pas à se faire sentir. Apuleius fut massacré, et le peuple réclama le retour d'un si grand citoyen, rappelant avec enthousiasme tous les services dont Rome était redevable à la gens Caecilia. Metellus était passé de Rhodes à Smyrne, lorsqu'il reçut la nouvelle de son rappel. Son arrivée fut signalée par les transports d'une joie inouïe; Rome tout entière sentait qu'il rentrait le même qu'il était sorti.

 

Son fils, Q. Caecilius Metellus, dont la piété filiale s'était signalée, avec la plus noble constance, dans les démarches qui amenèrent le retour d'un homme si honoré de la population romaine, reçut par acclamation le cognomen de Pius, qui demeura comme un héritage dans cette branche des Caecilii. A peine sorti de l'adolescence, il se vit élevé au suprême pontificat, et préféré pour cet honneur aux personnages même consulaires. A partir de ce moment, les monnaies des Caecilii offrirent souvent l'image d'Enée portant son père, ou la cigogne ayant devant elle la Piété. Pour exprimer la gloire militaire unie au pontificat, on y représenta aussi l'urceus et le lituus, au centre d'une couronne de laurier chargé de ses fruits.

 

Avant de nous séparer du Numidique, nous dirons que sa maison de ville était située sur le Palatin ; mais il avait sa villa sur la voie Tiburtine, à une faible distance de Rome. Son opulence lui avait permis d'en faire un des plus somptueux monuments de la campagne romaine, et il n'avait pas mis moins de quatre ans à la bâtir.

 

Nous notons ces points en passant, nous réservant d'y revenir.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 359 à 364) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 20:00

La vertu sera votre soie, la sainteté votre lin, la pudeur votre pourpre : ainsi parées, vous aurez Dieu lui-même pour amant.

 

 Les éloquentes paroles de Tertullien qui terminent le chapitre précédent serviront d'introduction à celui-ci, où nous allons parler enfin de l'héroïne dont le nom brille sur le titre de cet ouvrage, et dont la noble vie est comme le résumé de ce que nous avons exposé jusqu'ici de l'alliance de Rome antique avec le christianisme, du patriciat de la ville aux sept collines avec la race cosmopolite des chrétiens.

 

Le nom de Cécile, qui est une des gloires principales de l'Eglise, réveille en même temps les plus beaux souvenirs de l'histoire romaine, et nous sommes amenés naturellement à tracer ici la généalogie de la race héroïque dont l'illustre vierge est issue. Plus d'une fois déjà le nom des Caecilii s'est rencontré sous notre plume : nous ne pouvions parler des Cornelii, sans signaler leur alliance avec la famille qui fut leur émule dans les hauts faits et les nobles entreprises d'où sortit la grandeur de Rome. Nous ne pouvions non plus rappeler le rôle des Pomponii, sans mettre en relief les Caecilii, qui leur apportèrent l'illustration en s'unissant avec eux. Les Sergii, que nous avons rencontrés sur la route, nous ont pareillement révélé leur lien de parenté avec la gens Caecilia. Le moment est venu de faire appel aux traditions de la ville éternelle, et de montrer quels furent les ancêtres directs de cette jeune femme, dont le nom est l'objet d'un respect et d'une admiration qui surpassent tout ce que la postérité a pu accorder en ce genre aux grands hommes dont elle fut la fille.

 

 La gens Caecilia, qui semble avoir été originaire de l'Etrurie, a pour premier représentant, dans l'histoire romaine, la célèbre Caïa Caecilia Tanaquil, dont nous parlerons bientôt. La chute des rois entraîna l'expulsion de plusieurs familles patriciennes, et les Caecilii furent du nombre. Ils rentrèrent de bonne heure dans Rome; mais ce ne fut qu'au prix des plus signalés services qu'ils recouvrèrent avec le temps les honneurs du patriciat. Nous ne ferons que nommer Q. Caecilius, tribun du peuple en l'année de Rome 316 ; mais, dès l'an 470, les fastes consulaires s'ouvraient pour L. Caecilius Metellus. C'est la première fois que le cognomen Metellus apparaît uni au nom des Caecilii, dont il est désormais inséparable.

 

 En l'année 503, les faisceaux consulaires reposent aux mains de L. Caecilius Metellus, fils du précédent. On peut dire qu'en cet illustre personnage est le point de départ de la gloire des Caecilii. La victoire de Panorme qu'il remporta sur les Carthaginois répara les désastres de Scipion et de Regulus, et assura l'heureuse issue de la première guerre punique. Le triomphe fut digne de la victoire. On y mena treize généraux ennemis, et cent vingt éléphants furent offerts aux regards du peuple romain. De là, sur les monnaies des Caecilii, les éléphants qu'on y remarque si fréquemment.

 

 La haute estime que recueillait L. Caecilius, parut dans son élévation au suprême pontificat, où il acheva de conquérir l'estime du sénat et du peuple par un acte célèbre de dévouement. Un incendie dévorait le temple de Vesta, et allait faire périr le Palladium et les autres objets sacrés auxquels Rome croyait ses destins attachés. Les vestales elles-mêmes avaient fui. Metellus s'élance au milieu des flammes, et enfin il reparaît portant dans ses bras à demi consumés le signe tutélaire de la première Rome. Ses yeux avaient cruellement souffert de l'action du feu, et ils demeurèrent frappés de cécité. En retour d'un tel acte de courage, le sénat décréta que Metellus aurait désormais le privilège de se rendre à la curie sur un char ; ce qui jusqu'alors n'avait été accordé à aucun sénateur. Les Caecilii voulurent conserver la mémoire du haut fait de leur aïeul, en représentant l'image de Pallas sur leurs monnaies consulaires.

 

 Le fils de ce grand homme fut Quintus Caecilius Metellus, consul en 548 et dictateur en 549. C'est à lui que Rome fut redevable de l'envoi en Afrique de celui des Scipions qui devait mériter si glorieusement le nom d'Africain, et ruiner pour jamais la fortune de Carthage. Il fallut, pour faire prévaloir ce choix d'un général capable d'anéantir enfin la rivale de Rome, que Quintus Caecilius luttât en plein sénat avec des hommes tels que Caton et Fabius. Il l'emporta par l'ascendant de son nom et par son mérite personnel, et les destinées de la ville éternelle reprirent leur cours.

 

 À partir de ce Quintus, la gens Caecilia se divise en deux branches de la plus haute illustration.

 

La première a pour chef Q. Caecilius Metellus le Macédonique. Simple préteur, il gagna ce titre en soumettant la Macédoine révoltée. C'est de ce fait (607) que date l'introduction du clypeus Macedonicus sur les monnaies céciliennes. De retour à Rome, Q. Caecilius, après le triomphe, commença l'embellissement de la ville, en faisant construire sur la partie du champ de Mars où s'éleva plus tard le portique d'Octavie, les deux premiers temples de marbre que Rome eût vus dans son enceinte, dédiés l'un à Jupiter et l'autre à Junon. On remarqua qu'il n'inscrivit point son nom sur ces monuments. La modestie et la modération furent constamment, avec le courage et l'honnêteté des moeurs, le caractère des Caecilii. Le Macédonique aimait cette magnificence qui élève les idées d'un peuple. Il encadra d'un portique les deux temples qu'il avait bâtis et réunit alentour une suite de statues équestres rapportées de sa conquête. Elles étaient, disait-on, l'oeuvre de Lysippe qui, sur l'ordre d'Alexandre, l'avait représenté lui-même, ainsi que les chevaliers de son armée tombés au passage du Granique.

 

Consul en 611, le Macédonique passa en Espagne. La Celtibérie, soulevée et défendue par Viriathe, allait échapper à Rome. En deux années, on la vit pacifiée et soumise presque tout entière par la valeur et l'habileté de Metellus. Rentré dans Rome, où il sut conquérir au plus haut degré l'estime de ses concitoyens, il fut créé censeur (623). Un de ses premiers soins fut de travailler à l'épuration des moeurs publiques. Dans un discours qu'il prononça en vertu de sa charge, on l'entendit insister sur le devoir qu'il aurait voulu imposer à tous les Romains de contracter mariage, afin d'anéantir l'odieuse indépendance du libertinage. Un siècle après, Auguste, poursuivant le même but, fit rechercher ce discours d'un Caecilius, le fit lire dans le sénat, et un édit en notifia le texte au peuple romain. Inexorable contre les désordres qui tendaient à corrompre la république, l'intègre censeur usa de son autorité sans se mettre en peine de la fureur des gens vicieux qu'il ameutait contre lui. Atinius Labéon, tribun du peuple, avait été rayé du sénat par Metellus. Ayant rencontré celui-ci près du Capitole, à une heure où l'extrême chaleur du jour avait rendu ce lieu comme désert, il se jeta sur lui, et déjà il l'entraînait vers la roche tarpéienne, lorsque les autres tribuns, arrivant au secours, arrachèrent enfin de ses mains l'intègre et courageux censeur. Labéon, déçu de son projet homicide, s'en vengea audacieusement, en confisquant solennellement ses biens, sur les rostres, au profit des temples. De tels outrages ne faisaient qu'élever plus haut Metellus dans l'estime des gens de bien. Des dissensions avaient existé entre lui et Scipion Emilien ; jamais elles ne lui firent perdre de vue le mérite de ce grand homme. Il pleura sa mort, et commanda à ses propres fils de porter eux-mêmes son corps au bûcher.

 

L'an de Rome 639 vit terminer la vie de ce vertueux citoyen, qui porta si haut le nom des Caecilii. Il mourait prince du sénat, et l'on remarqua à ses funérailles que de ses quatre fils qui déposèrent son corps sur le bûcher, l'un était consul de l'année, deux l'avaient été déjà, et un quatrième allait le devenir à son tour. Ses deux gendres eux-mêmes, qui étaient présents à la pompe funèbre, obtinrent aussi dans la suite cet honneur.

 

Les quatre fils du Macédonique, auxquels leur père avait laissé de si nobles exemples, étaient Q. Caecilius Metellus, dit le Baléarique, triomphateur des Baléares, consul en 631 ; Lucius Caecilius Metellus, consul en 637 ; Marcus Caecilius Metellus, consul en 639, et Caïus Caecilius Metellus Caprarius, consul en 641 ; ces deux derniers, triomphateurs en un même jour de deux peuples différents. Nous n'enregistrons pas ici les autres descendants du Macédonique, qui furent honorés des faisceaux jusque dans les dernières années du septième siècle de Rome ; mais il nous est impossible d'omettre le type de la magnanimité et de l'indomptable fidélité au devoir, Q. Caecilius Metellus Celer, l'adversaire de Catilina, vengeur aussi de la morale, dont les fastes consulaires portent le nom inscrit à l'année 694.

 

Ce fut sous ce consulat que se forma, pour la perte de la république, le triumvirat de Pompée, César et Crassus. Celer en prévit les suites et en mourut de douleur.

 

Telle fut la branche aînée dans la descendance de Quintus Caecilius Metellus, le consul de 548. La seconde va nous apparaître plus illustre encore.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 352 à 358) 

 

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 20:00

Dans un autre de ses traités, Tertullien argumente contre les spectacles, et passe en revue les excuses que plusieurs chrétiens appartenant à la société polie mettaient en avant pour continuer, après le baptême, de fréquenter le cirque et l'amphithéâtre.

 

 L'entraînement vers ces jeux était si vif, nous dit-il, qu'il n'était pas rare de rencontrer des hommes qui hésitaient à embrasser le christianisme, plutôt par la nécessité où ils seraient dès lors de renoncer à ce genre de plaisir, que par la crainte même du supplice qui menaçait les fidèles. Mais l'auteur convient en même temps que la généralité des chrétiens savait s'abstenir de ces scènes dont le carnage et la lubricité faisaient tout le fond, et il atteste que les païens eux-mêmes reconnaissaient qu'un homme avait embrassé le christianisme, lorsqu'ils le voyaient cesser de paraître aux spectacles.

 

 Personne n'a droit de s'étonner que la fragilité humaine se retrouvât parfois chez des hommes qui s'étaient arrachés au paganisme pour donner leur nom à une religion austère. Le fait est que, lorsque la persécution s'élevait, et elle revenait souvent, les apostats étaient rares, et que ces mêmes hommes qui s'étaient un peu amollis redevenaient des héros. Mais c'est dans ses conseils aux dames chrétiennes, dans son opuscule De cultu faeminarum, que Tertullien est plus instructif encore sur les habitudes de la haute société romaine, à laquelle appartenaient les matrones qu'il entreprend de ramener aux lois d'une tenue plus sévère. "Beaucoup d'entre vous, leur dit-il, entraînées par l'irréflexion, ou cédant à une tendance qu'elles ne s'avouent pas, affichent dans leur extérieur aussi peu de retenue que si la pudeur, chez une femme, consistait uniquement dans la garde stricte de l'honneur et dans l'aversion pour le crime. Il semble que, pour elles, il n'y ait rien au delà, et que le luxe exagéré soit chose indifférente. On les voit persévérer dans les mêmes recherches qu'auparavant pour relever l'éclat de leurs charmes, et promener en public la même pompe que les femmes païennes, auxquelles manque le sentiment de la véritable pudeur."

 

 Tertullien poursuit d'abord la richesse excessive des bijoux dont ces chrétiennes ne craignent pas de se charger. "On tire d'un petit écrin, dit-il, la valeur de tout un patrimoine considérable. On enfile à un même cordon des diamants qui représentent un million de sesterces. Une tête délicate porte sur elle des forêts entières et jusqu'à des îles ; le revenu d'une année pend à l'oreille de celle-ci, et chacun des doigts de la gauche de celle-là se joue en agitant ce qui a coûté des sacs gonflés d'or. Admirez la force que donne la coquetterie, en voyant un faible corps s'assujettir à de tels fardeaux."

 

 Le rude et éloquent Africain passe ensuite aux soins excessifs employés à la chevelure. Il se plaint de ces mêmes chrétiennes qui "s'ingénient, dit-il, à donner à leurs cheveux une teinte blonde, comme si elles regrettaient de n'être pas nées filles de la Germanie ou de la Gaule. Le jour viendra sans doute, ajoute-t-il, où elles essayeront de teindre en noir leurs cheveux devenus blancs, si elles ont le chagrin de voir approcher la vieillesse. Que sert à votre salut, dit-il encore, tout ce labeur employé à l'ornement de la tête ? Quoi ! pas une heure de repos à cette chevelure : aujourd'hui retenue par un noeud, demain affranchie du réseau, tantôt dressée en l'air, tantôt abaissée ; ici, captive dans ses tresses ; là, éparse et flottante avec une négligence affectée ! Que sera-ce quand vous ajoutez à votre chevelure de nouveaux cheveux qui viennent s'arrondir sur votre tête comme un bouclier ? Si vous ne rougissez pas du fardeau, ayez du moins honte de son indignité. Ces dépouilles d'une tête étrangère, que vous arborez sur votre tête sanctifiée et chrétienne, proviennent peut-être, qui sait ? de quelque créature immonde qui aura mérité la vindicte des lois.

 

 La coiffure de plusieurs femmes chrétiennes ne paraît pas moins répréhensible à Tertullien. Il leur reproche d'avoir abandonné le voile pour des parures de tête qui ne s'accordent pas avec la modestie. "Il en est, dit-il, qui lient leur tête de bandelettes, dont leur front, il est vrai, est traversé, mais en laissant à découvert le reste de la tête. D'autres, de peur sans doute de la trop charger, posent dessus un tissu léger qui ne descend pas même aux oreilles, et ne cache que le sommet de la tête. Vraiment, j'ai pitié d'elles, d'avoir l'ouïe assez dure pour ne pas entendre à travers un voile". L'impitoyable moraliste ne fait grâce à aucune faiblesse. Il poursuit avec une rigueur soutenue les femmes chrétiennes qui soignent leur peau au moyen de pâtes préparées par l'art des médecins, qui colorent leurs joues d'un incarnat artificiel, et prolongent le contour de leurs sourcils au moyen d'une poudre appliquée au pinceau.

 

Ce n'est pas qu'il ne rende justice aux vertus réelles de ces chrétiennes imprudentes ; mais il leur reproche la présomption, et les déclare responsables des périls que leur vanité pourrait faire courir à autrui. "Vous devriez bien plutôt, leur dit-il, dissimuler, sous la simplicité de votre extérieur, des charmes qui peuvent être funestes à ceux aux yeux desquels vous les produisez sans précaution. Ce n'est pas la beauté que j'accuse ; elle est une perfection pour le corps, un ornement de plus à l'oeuvre de Dieu, un vêtement de dignité pour l'âme ; mais les désordres qu'elle peut attirer de la part de ceux dont elle frappe imprudemment les regards sont à redouter. Je ne prétends certes pas vous imposer une tenue grossière, un extérieur sauvage, ni préconiser la malpropreté comme une vertu ; je me borne à vous conseiller la mesure équitable selon laquelle vous devez avoir soin de votre corps. Ne dépassez donc jamais ce qu'exige une modeste et décente simplicité ; en un mot, n'allez pas au delà de ce qui plaît au Seigneur. Admettons que l'opulence de votre maison, la naissance, le rang, vous condamnent à paraître avec une magnificence extérieure : c'est alors qu'il faut vous souvenir que vous avez reçu la sagesse. Apportez à ce luxe tous les tempéraments possibles, et ne lui lâchez pas la bride sous prétexte qu'il est pour vous une nécessité.  Comment pratiquerez-vous l'humilité que nous devons professer comme chrétiens, si vous ne savez pas restreindre cette richesse et cette élégance d'ajustements qui poussent à la vaine gloire ?

 

" Mais vous qui êtes exemptes de ces nécessités qu'il faut bien admettre pour d'autres, où sont vos motifs, lorsque vous vous montrez avec cette pompe ? Vous ne fréquentez pas les temples, on ne vous voit pas aux spectacles, les fêtes des gentils vous sont étrangères. C'est dans de telles occasions que la femme païenne, voulant voir et être vue, affiche sa tenue insolente, pour mettre à l'encan sa pudeur, ou pour recueillir les succès dont elle est fière.  Mais vous, vous n'avez occasion de sortir que pour des motifs graves et sérieux : c'est un frère malade à visiter, c'est le sacrifice qui va être offert, c'est la parole de Dieu qu'il s'agit d'aller entendre. Tout ceci est oeuvre de gravité et de sainteté ; pour y vaquer, il ne faut ni vêtements extraordinaires, ni longs apprêts, ni robe flottante. Si des devoirs d'amitié ou des relations de famille vous réclament, pourquoi ne pas vous montrer sous l'armure qui vous distingue, et d'autant plus que vous paraissez devant des  personnes étrangères  à la foi ? N'avez-vous pas alors à manifester la différence qui existe entre les servantes de Dieu et celles du démon ? N'êtes-vous pas appelées, dans ces occasions, à servir d'exemple à celles-ci ? Ne devez-vous pas les édifier en vos personnes, afin que, comme dit l'apôtre, Dieu soit glorifié dans votre corps ? Oui, il est glorifié par la chasteté de ce corps ; mais n'est-il pas juste que votre mise extérieure soit en rapport avec cette chasteté même ?"

 

Nous nous laissons entraîner par le charme de cette parole éloquente ; mais où trouverait-on des renseignements plus précis sur la vie intime des chrétiens à Rome et dans l'Empire ? Quel homme de bonne foi pourrait contester l'existence du christianisme à l'état de société complète sous les Antonins ? Laissons donc les païens reprocher à la nouvelle religion la qualité infime de ses membres, parce qu'elle appelait tous les hommes à l'égalité devant Dieu, et accueillait les pauvres avec une faveur spéciale ; laissons la fantaisie germanique rêver un temps où l'Eglise n'avait pas conscience d'elle-même, parce que, prétendent-ils, elle ne possédait dans son sein ni les supériorités sociales, ni les lumières de la civilisation, livrée qu'elle était à une ignorance grossière et à l'indécision des doctrines. Les faits les plus positifs révèlent, on l'a vu, une tout autre situation dès le commencement. Pour le deuxième siècle, Tertullien nous renseigne à souhait, et l'on est désormais à même de reconnaître qu'à cette époque la qualité, pas plus que le nombre, ne manquait aux chrétiens. Nous sommes loin d'avoir épuisé les traits que nous fournirait l'incisif écrivain ; mais ce que nous en avons choisi en dit assez sur la liberté et la publicité des relations qu'avaient ensemble à cette époque les deux sociétés.

 

Remarquons cependant que ces chrétiennes élégantes auxquelles Tertullien rappelle le devoir de la simplicité et de la modestie pouvaient, d'un moment à l'autre, être réclamées pour le martyre. Un édit, moins qu'un édit, une simple dénonciation, les amenait parfois au prétoire. Pas une qui n'eût à compter sur l'heure solennelle où elle devrait honorer son baptême, en livrant son corps aux tortures et sa tête au licteur. Tertullien les laisse en face de cette épreuve qui les attend et sur laquelle elles ont dû compter.

 

" Hâtez-vous donc, leur dit-il, de renoncer à ces délicatesses amollissantes qui ne peuvent qu'énerver la mâle vigueur de la foi. Franchement, je ne sais si des poignets accoutumés à de si riches bracelets ne seront pas un peu étonnés du poids et de la rudesse des chaînes. Je m'inquiète de savoir si des pieds habitués à des cercles d'or se trouveront à l'aise quand ils seront serrés dans les entraves. J'en viens à craindre que cette tête, autour de laquelle s'entrelacent tant de cercles de perles et d'émeraudes, n'ait quelque peine à livrer passage au tranchant du glaive. En tout temps, mais en celui-ci surtout, c'est sur le fer et non sur l'or que doivent compter les chrétiens. Voici qu'on prépare déjà les robes pour les martyrs ; déjà les anges les tiennent dans leurs mains. Oui, montrez-vous parées, mais avec les ornements que vous prêteront les prophètes et les apôtres. Le blanc, demandez-le à la simplicité, l'incarnat à la pudeur, la beauté du regard à la modestie, l'agrément de la bouche à la retenue des discours. Suspendez à vos oreilles la parole de Dieu, et sur votre cou placez le joug du Christ. Vivez soumises à vos maris, et rien ne manquera à votre parure. Occupez vos mains à filer la laine, enchaînez vos pieds à la maison ; ils seront mieux ainsi que si vous les couvriez d'or. La vertu sera votre soie, la sainteté votre lin, la pudeur votre pourpre : ainsi parées, vous aurez Dieu lui-même pour amant."

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 344 à 351) 

 

Cecilia

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15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 20:00

Cette charité de l'église de Rome que l'évêque de Corinthe célèbre avec tant d'effusion, continua de se manifester sous l'effort même des affreuses persécutions du troisième siècle.

 

 Ainsi nous apprenons de saint Basile, dans une lettre à saint Damase, que le pape saint Denys, qui siégeait en 261, avait envoyé racheter des captifs jusqu'en Cappadoce ; et l'historien Eusèbe donne une lettre de saint Denys d'Alexandrie, où nous lisons que saint Etienne, qui fut pape en 255, trouvait moyen de faire parvenir ses largesses jusqu'en Syrie et en Arabie.

 

 Plus d'un lecteur s'étonnera de voir, dès le pontificat de Soter qui s'étend de 161 à 171, l'église romaine arrivée à un état de prospérité qui lui permet de diriger des chargements de blé vers les provinces étrangères ; la construction des catacombes donne cependant une idée encore supérieure de la puissance des chrétiens durant les siècles de la lutte avec le paganisme. Il vaut mieux convenir que l'on n'avait jamais réfléchi sérieusement sur les faits les plus patents, empressé que l'on était de produire l'antithèse de la faiblesse matérielle du christianisme, en face du paganisme armé de tous les genres de force. Assurément l'immense majorité des fidèles, ainsi que nous en sommes toujours convenu, devait appartenir et appartenait en effet à la classe indigente, puisque l'Evangile s'adressait à tous les membres de la société humaine telle qu'elle existe ; mais on aurait dû se demander si, en même temps, la haute civilisation et les lumières n'étaient pas représentées aussi dans les rangs toujours plus serrés de l'Eglise chrétienne. C'est ce que notre récit a prouvé jusqu'ici par les faits ; et maintenant que nous touchons à l'important épisode dont tout ce qui précède est en quelque sorte la préparation, il nous semble à propos de réunir ici certains traits généraux, qui aideront le lecteur à mieux apprécier encore le milieu social dans lequel a vécu le personnage principal auquel les pages qui vont suivre sont consacrées. Ces traits, nous les emprunterons à Tertullien dont la naissance, comme celle de Cécile, date des premières années du règne de Marc-Aurèle.

 

 Ce moraliste chrétien, qui fut à même plus que tout autre de connaître à fond la société de son temps, ayant partagé sa vie entre le séjour de Carthage et celui de Rome, donne une peinture fidèle des habitudes de la société chrétienne à l'époque des Antonins, les écrits que nous allons citer se rapportant aux dernières années du deuxième siècle et au commencement du troisième.

 

 Commençons par la question du nombre et de la qualité des chrétiens dans l'Empire. Les premières années de Sévère, qui succéda au dernier des Antonins, avaient été marquées par une certaine bienveillance à leur égard. "Ce prince n'ignorait pas, dit Tertullien à Scapula, proconsul d'Afrique, qu'au nombre des sectateurs de notre religion, on comptait des clarissimes, tant parmi les femmes que parmi les hommes ; non seulement il ne les a pas maltraités, mais il leur a rendu un témoignage honorable et il a su contenir en face la fureur du peuple qui menaçait de se porter contre eux aux dernières violences" (Ad Scapulam, cap. IV.) Cette fureur du peuple, il est vrai, entraîna plus tard Sévère dans la persécution à l'égard du christianisme, et l'an 202 vit émaner de cet empereur un édit sanguinaire contre l'Eglise.

 

Tertullien nous donne une idées des clameurs païennes qui avaient amené cette mesure violente. "La capitale est assiégée, dit-on ; les chrétiens sont partout, jusque dans les campagnes, dans les villages, dans les îles. Tout sexe, tout âge, toute condition, même toute dignité, nous quittent pour passer dans leurs rangs, et prendre ce nom funeste". Ainsi, ce n'est pas seulement le nombre des sectateurs du Christ qui inquiète le paganisme ; c'est aussi la situation supérieure qu'occupent dans le monde ces déserteurs des dieux de l'Empire. Tertullien ne conteste ni l'un ni l'autre. Après avoir raconté les indignes traitements que les chrétiens ont eu à souffrir dans un grand nombre de lieux, il ajoute : "Pouvez-vous dire que nous ayons jamais cherché les représailles ? Pourtant, il ne nous faudrait qu'une nuit et quelques torches pour nous venger largement, s'il nous était permis de rendre le mal pour le mal. Qu'est-ce donc après tout que les Maures, les Marcomans,  les Parthes eux-mêmes, nations isolées, si on les compare au monde entier ? Nous sommes d'hier, et déjà nous remplissons tout ce que vous avez d'espace. On  nous trouve partout : dans les cités, dans les îles, dans les villages, dans les municipes, dans les conseils, dans les camps, dans les tribus, dans les décuries, au palais, dans le sénat, au forum ; nous ne vous laissons que vos temples. Que l'on fasse le compte de vos armées ; le nombre des chrétiens d'une seule province est au-dessus."

 

C'est aux magistrats de l'Empire que Tertullien adresse le mémoire où se lisent de telles paroles ; c'est eux qu'il prend à témoin de cette présence des chrétiens en tous lieux. Ce peuple. qui a surgi depuis hier dans toutes les provinces de l'Empire, et qui supporte patiemment le joug dont on l'accable, ce n'est pas une tourbe aveugle et illettrée ; le palais des Césars, le sénat, les conseils, l'armée, se recrutent de ses membres. On est chrétien comme on est Romain.

 

Tertullien vient d'appeler l'armée en témoignage. Sous le règne de Marc-Aurèle lui-même, nous allons rencontrer une légion, la Fulminante, composée tout entière de chrétiens ; on ne dira pas, sans doute, que ses chefs et ses officiers étaient païens. L'Empire comptait donc sur ces hommes, malgré l'inflexibilité de leurs principes, puisqu'il s'en servait. Malgré le mauvais vouloir de César, les marques d'estime, les récompenses devaient bien arriver quelquefois jusqu'à eux. On n'a pas assez pesé jusqu'ici ce fait capital de l'histoire du christianisme au deuxième siècle : l'acceptation par l'Etat d'une classe de soldats dans l'armée, en dehors des autres légions, pour lesquelles les pratiques idolâtriques étaient de rigueur. Il est évident que la légion Fulminante devait marcher sous des étendards un peu différents de ceux que l'on portait en tête des autres légions. Une fresque d'un cimetière de la voie Salaria représente un personnage militaire entouré de tous les attributs que l'on peut réunir autour d'un officier principal des armées romaines. On s'est demandé si cette tombe était chrétienne. Nous répondrons : Pourquoi ne le serait-elle pas ? Les victoires, les aigles et les autres attributs belliqueux réunis autour du personnage n'ont rien que de civique, et n'impliquent en quoi que ce soit la négation du christianisme. Peut-être a-t-on dû supporter cette ornementation un peu profane, pour ne pas offusquer les membres païens d'une famille. Si l'on y regarde avec attention, on aperçoit, près de la couronne que tient à la main la Victoire volante placée à droite, cinq perles disposées dans l'intention évidente de figurer la croix. À notre avis, il n'en faudrait pas davantage, dans un tel lieu, pour déterminer une sépulture chrétienne.

 

Le grand nombre des chrétiens admis aux magistratures de l'Empire, au moins sous Commode, le dernier des Antonins, est constaté dans les opuscules de Tertullien, où le sévère Africain s'attache à donner des règles de conduite à ceux de ses frères qu'il préférerait voir plus détachés des honneurs du monde et moins exposés au péril. "Un chrétien, leur dit-il, peut accepter les honneurs, mais à titre d'honneurs seulement. Il ne peut sacrifier, il ne peut prêter son autorité aux sacrifices, il ne peut fournir les victimes, il ne peut se charger de distribuer à d'autres le soin des temples, il ne peut contribuer à leur assurer des revenus, il ne peut donner de spectacles à ses frais ni à ceux de l'Etat, il ne peut présider à leur célébration". Ce cas de conscience à l'usage du magistrat chrétien atteste du moins que ce magistrat existait, que les fidèles pouvaient être en mesure de se présenter et d'être acceptés pour les postes d'honneur.

 

Dans un autre de ses traités, Tertullien argumente contre les spectacles, et passe en revue les excuses que plusieurs chrétiens appartenant à la société polie mettaient en avant pour continuer, après le baptême, de fréquenter le cirque et l'amphithéâtre.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 339 à 343) 

 

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 20:00

... mais il nous faut revenir au deuxième siècle, et reprendre le cours de notre récit.

 

 L'immolation de Félicité et de ses fils avait eu lieu, ainsi que nous l'avons dit, sous la préfecture de Publius Salvius Julianus, qui géra cette charge dans les années 161 et 162. Elle atteste les violences auxquelles étaient soumis les chrétiens jusque dans Rome, au moment où expirait le règne d'Antonin, et où Marc-Aurèle et son entourage allaient pouvoir faire sentir à l'Eglise la dureté du joug païen.

 

L'Apologie de Justin ne pouvait produire aucun effet, si ce n'est d'irriter plus encore les ennemis du christianisme et d'attirer sur celui qui l'avait écrite les vengeances du pouvoir. En l'année 163, la préfecture de Rome passa aux mains de Junius Rusticus, qui avait été l'un des précepteurs de Marc-Aurèle. Justin ne tarda pas à être cité devant ce magistrat. Il nous faut malheureusement abréger les détails rapportés dans les Actes du martyr, qui sont d'une très haute autorité, sauf quelques erreurs insignifiantes de copiste. Mais il est un trait que nous relèverons ici. Rusticus adresse cette question à Justin  : "Dis-moi du moins en quel lieu vous vous réunissez, toi et tes disciples". Voici la réponse du martyr : "Jusqu'ici j'ai habité dans le voisinage d'un certain Martin, aux Thermes de Timothée. C'est le second séjour que je fais à Rome, et je n'ai pas connu d'autre domicile. S'il a plu à quelqu'un de venir vers moi, c'est là que je lui ai communiqué la doctrine de vérité."

 

 Il est aisé de reconnaître dans la désignation donnée ici par saint Justin les Thermes de Novat, cédés par celui-ci à son frère, le prêtre Timothée, et consacrés en église chrétienne par le pape saint Pie, sur la demande de la vierge Praxède. Justin ne fit pas difficulté de désigner ce lieu, parce que déjà la police romaine, éclairée par les dénonciations de Crescens le Cynique, ne pouvait manquer d'en avoir connaissance. Nous constatons en même temps que Justin avait, dans ce titre, ses attributions comme prêtre de l'église romaine, puisque c'est là que venaient le trouver ceux qui voulaient se faire instruire du christianisme.

 

 Le jugement du martyr et de plusieurs chrétiens qui avaient été arrêtés avec lui se termina par la peine capitale. C'est ainsi que Rusticus était chargé de répondre à la seconde remontrance de Justin ; la force devait tenir lieu de raison. Un mot dans les réponses de Justin à Rusticus nous a ramené vers le sanctuaire que Praxède et Timothée ont consacré à Dieu dans les Thermes de Novat sur l'Esquilin. Le prétoire connaît ce lieu de réunion des chrétiens ; il n'ignore pas que la fille d'un Cornélius Pudens couvre de son nom respecté cet asile d'une religion proscrite ; mais, à ce début, les poursuites judiciaires ménageront les familles de l'aristocratie romaine. La persécution est inaugurée, mais c'est à peine si elle est avouée. Elle contredit manifestement la tolérance d'Antonin, et au sénat, qui contient dans son sein plus d'un chrétien, quelqu'un pourrait demander peut-être comment il se fait que l'on frappe aujourd'hui de la peine capitale ceux dont les dénonciateurs étaient punis hier. D'ailleurs, les Annii eux-mêmes ne sont pas sans reproche ; plus d'un membre de cette famille devenue impériale semble pencher vers le christianisme ; des ménagements sont donc nécessaires. Il suffit pour le moment que le sang chrétien soit versé, quand bien même il ne serait pas illustre.

 

 Les Actes de sainte Praxède racontent qu'elle fit enlever de nuit le corps du prêtre Symmetrius, sous le nom duquel il est impossible de méconnaître saint Justin, et lui donna la sépulture au cimetière de Priscille. Les itinéraires des catacombes (IVe et Ve) signalent sa sépulture dans ce même cimetière, près de Pudentienne et de Praxède. D'autre part aucun de ces monuments ne mentionne le tombeau de saint Justin qui, d'après ses Actes, fut enseveli au cimetière de Priscille; nous sommes donc en droit de maintenir ce que nous avons dit de l'identité de Symmetrius et de Justin.

 

Quant à Praxède elle-même, une tristesse profonde s'était emparée de son âme. L'Eglise, après une longue tranquillité, retombée sous le joug de ses ennemis, l'éloquent apologiste des chrétiens succombant sous les coups d'une perfide vengeance, la demeure de la fille de Cornélius Pudens ne pouvant plus abriter avec sûreté les fidèles qui venaient y louer Dieu, et recevoir les secours de l'âme et du corps : tant de douleurs accablèrent Praxède. Elle demanda à Dieu avec larmes de la retirer d'un monde où tout l'affligeait, et de la réunir bientôt à sa soeur, la douce vierge Pudentienne. Elle fut exaucée, et moins de deux mois après le martyre de son hôte, son âme s'envola de la terre au ciel. Le prêtre Pastor déposa le corps de Praxède près du tombeau de sa soeur, dans la crypte où reposaient déjà deux générations de cette famille bénie par le prince des apôtres.

 

Au milieu des épreuves de l'église de Rome, que nous suivons à l'aide des rares fragments historiques et des débris de monuments que le temps et le ravage des persécutions n'ont pas dévorés, Soter conduisait avec zèle et prudence le troupeau du Seigneur. Sa sollicitude, qui s'étendait à toutes les églises, ne se bornait pas au maintien de l’orthodoxie, à l’apostolat et à la conversion  des  infidèles ;  pasteur universel,  il subvenait encore aux nécessités temporelles des chrétientés lointaines par des largesses qui nous révèlent l'opulence dont commençait à  jouir l'église romaine.

 

Eusèbe nous a conservé le précieux fragment d'une  lettre  que  saint Denys, évêque de Corinthe, envoyait en action de grâces à Soter pour un bienfait de cette nature. Cette lettre, selon l'usage fréquemment observé à l'époque primitive,  est adressée à l'église romaine. L'exemple de saint Paul, qui écrivait collectivement  aux  diverses  chrétientés, avait  introduit cette coutume ; ainsi avons-nous vu saint Ignace d'Antioche écrire, non seulement aux Romains, mais aux Magnésiens, aux Tralliens, aux Ephésiens. Dans cette lettre, l'évêque de Corinthe disait aux Romains : "Dès le commencement vous avez eu l'habitude de combler vos frères de toutes sortes de bienfaits, et l'on vous a vus envoyer des subsides pour les choses nécessaires à la vie aux diverses églises établies dans un grand nombre de villes. Vous pourvoyez ainsi aux besoins des indigents dans nos cités, même aux nécessités des frères qui sont contraints aux travaux des mines ; et, en distribuant ces largesses, vous ne faites qu'imiter,  vous Romains,  l'exemple que vous ont donné, dès l'origine, les chrétiens de Rome, vos pères. Mais Soter, votre évêque, n'a pas seulement suivi cette munificence traditionnelle,  il l'a encore accrue par l'abondance des subsides qu'il a envoyés aux saints, ainsi que par la manière affable dont il prodigue les consolations aux frères voyageurs, comme un père plein de tendresse agit avec ses fils."

 

Eusèbe, à qui nous devons ce passage de la lettre de saint Denys, en extrait encore quelques lignes auxquelles nous avons plus haut fait allusion, au sujet de l'épître de saint Clément aux Corinthiens. "Aujourd'hui même, dit le pieux évêque, c'était le saint jour du Seigneur. Nous avons lu votre lettre, et nous continuerons de la lire à l'avenir, ainsi que nous le faisons pour celle que Clément nous écrivit autrefois, et nous puiserons de précieux enseignements dans l'une et dans l'autre."

 

Cette charité de l'église de Rome que l'évêque de Corinthe célèbre avec tant d'effusion, continua de se manifester sous l'effort même des affreuses persécutions du troisième siècle.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 333 à 338) 

 

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 20:00

Quoi d'étonnant qu'il ait plu à Dieu que Tibur ne fût pas seul témoin de cette sublime reproduction de la mère des sept frères Machabées, et qu'il ait voulu laisser dans Rome même comme un second renouvellement de ce fait qui est la gloire des annales juives ?

 

Félicité menait dans Rome une vie obscure malgré son rang. Tout entière aux bonnes oeuvres et au soin de ses fils, elle semblait devoir échapper à ces infâmes dénonciateurs qui pouvaient toujours, quand bon leur semblait, traîner un chrétien au prétoire. Elle ne put éviter cependant les regards des prêtres païens, auxquels l'instinct avait révélé en elle une ennemie des dieux. Félicité étant veuve, et n'ayant pas conservé de relations avec le monde, se trouvait sans défense,  et pouvait être impunément attaquée. Elle fut donc traduite devant le préfet de Rome que les Actes désignent seulement par son praenomen Publius.  C'est au savant Borghesi que nous devons de pouvoir décliner la nomenclature entière de ce personnage. (Lettres, tome II.) Publius l'invita d'abord à rendre raison de l'accusation portée contre elle, et il essaya de gagner la courageuse femme par des paroles flatteuses qui témoignaient de sa considération pour une personne de haut rang.  Il  insistait en même temps sur le danger de la résistance. "Ni tes caresses, ni tes menaces n'ont prise sur moi, répondit Félicité. J'ai en moi l'Esprit-Saint, qui ne permettra pas  que je  sois  vaincue par le diable. Je suis donc en assurance ; car, si je survis, c'est que tu ne m'auras pas abattue, et, si tu me fais mourir, je n'aurai que mieux triomphé de toi". Déconcerté de cette réponse inattendue, Publius éclata par cette invective : "Misérable femme ! s'il t'est si agréable de mourir, laisse du moins vivre tes enfants. — Si mes enfants ne sacrifient pas aux idoles, reprit Félicité, c'est alors qu'ils vivront véritablement ; mais s'ils commettaient un tel crime, la mort éternelle serait leur partage."

 

 Le lendemain, Publius s'assit sur son tribunal au forum de Mars, et il fit amener devant lui Félicité et ses sept fils. "Aie pitié de tes enfants, dit-il à la mère ; ils sont dans la fleur de la plus brillante jeunesse". Félicité répondit : "La compassion que tu témoignes à leur égard n'est qu'impiété, et rien n'est plus cruel que tes conseils". Puis, s'adressant à ses fils : "Regardez le ciel, mes enfants, leur dit-elle ; tenez vos yeux en haut ; c'est là que le Christ vous attend avec ses saints. Combattez pour vos âmes, et montrez-vous fidèles dans l'amour du Christ". Publius s'écria : "C'est jusqu'en ma présence que tu oses les exhorter à mépriser les ordonnances de nos maîtres !" et il fit donner des soufflets à l'héroïque femme.

 

 Il appela ensuite successivement les sept frères, et employa tour à tour les promesses et les menaces pour les entraîner. Leurs réponses furent dignes de leur mère, et Publius, déconcerté par cette constance unanime, adressa un rapport aux empereurs sur l'audience. Marc-Aurèle, désirant éviter un trop grand éclat, et ne pas laisser peser sur le préfet toute la responsabilité de cette sanglante tragédie, fit renvoyer les accusés devant plusieurs juges subalternes qui seraient chargés d'appliquer la peine.  Le premier de ces juges condamna Januarius, l'aîné des sept, à être assommé  avec  des  fouets  garnis  de  plomb ; le second fit périr sous le bâton Félix et Philippe ; le troisième ordonna de précipiter Silvanus d'un lieu élevé ;  le  quatrième fit trancher la tête à Alexandre,  à Vital et à Martial ;  le cinquième enfin condamna Félicité à périr par le glaive. Ses enfants furent immolés le 10 juillet, et quant à elle-même elle attendit la couronne jusqu'au 23 novembre.

 

L'église romaine a inséré son nom au Canon de la messe, récompense digne de la foi et du courage d'une si grande martyre.

 

Son corps fut enseveli sur la voie Salaria, au cimetière appelé de Maxime. Cette particularité apporte  peut-être  quelque jour sur l'origine  de sainte Félicité. On constate que, sous les Antonins, les Claudii, et particulièrement les Claudii Maximi, florissaient encore dans l'aristocratie romaine. Un Claudius Maximus paraît sur les fastes consulaires en 172. C'est à un Claudius que Marc-Aurèle marie celle de ses filles qui sera la mère d'Annia Faustina,  femme du chrétien Pomponius Bassus du cimetière de Calliste, et chrétienne elle-même.  Il n'est pas sans quelque vraisemblance de voir dans l'hypogée de la voie Salaria une propriété de la gens Claudia, affectée comme naturellement à la sépulture de notre martyre, qui, ainsi que nous allons le voir, a pu appartenir à cette famille.

 

 Il était réservé à M. de Rossi de résoudre plusieurs problèmes quant à l'emplacement du tombeau de sainte Félicité et du cimetière de Maxime. On savait par le calendrier romain du quatrième siècle publié par Boucher, et par le martyrologe de Fiorentini, que non seulement le tombeau de la sainte martyre était un centre historique au cimetière de Maxime, sur la voie Salaria, mais que Silvanus, l'un de ses fils, avait sa sépulture au lieu appelé Ad sanctam Felicitatem. Au mois d'avril 1856, le savant archéologue découvrit dans les ruines d'un oratoire de la voie Salaria correspondant avec la première catacombe de cette région, presque sous les murs de Rome, un marbre sur lequel deux chrétiens exprimaient qu'ils s'étaient procuré un bisomus dont ils désignaient l'emplacement par ces mots : Ad sanctam Felicitatem, confirmant ainsi l'appellation antique. Cette première découverte en entraînait d'autres, et peu à peu les sépultures de cinq autres des fils de sainte Félicité ont pu être déterminées, en même temps que la série des cimetières qui précèdent celui de Priscille sur la voie Salaria. A la suite du premier qui porte le nom de Maxime, et qui a été choisi de préférence pour y déposer le corps de la noble matrone, on trouve le cimetière de Thrason, lequel étant dépassé, on rencontre celui qui est désigné sous le nom des Jordani; c'est là que furent ensevelis trois des frères : Martial, Vital et Alexandre. Le cimetière de Priscille ne vient qu'après : c'est celui où furent déposés les corps de Félix et de Philippe. Une peinture de ce dernier cimetière nous retrace le glorieux septénaire. Les martyrs sont à genoux en groupe. Près d'eux on voit les poissons, les pains et les sept corbeilles, dont nous donnerons bientôt la signification.

 

Le précieux renseignement que le calendrier romain de 354 nous donne sur la sépulture des sept fils de sainte Félicité se complète par l'indication du tombeau de Januarius, qui fut l'aîné. Seul, il n'est pas sur la voie Salaria ; c'est sur la voie Appienne, au cimetière de Prétextât, qu'il a été enseveli. Quelle raison pourrait-on en assigner ? Le jeune martyr aurait-il été exécuté au pagus de la voie Appienne dont nous parlerons bientôt, et qui avoisinait le cimetière de Prétextât ? Il est bon d'observer, à l'appui de nos conjectures sur l'origine de sainte Félicité, que le nom de Januarius se trouve au moins vingt fois dans Gruter, comme ayant été porté par des membres de la gens Claudia. Les noms des autres frères se rencontrent aussi, quoique moins fréquemment, sur les inscriptions de cette même famille ; il était naturel que l'on donnât à l'aîné le nom le plus usité. Nous avons dit plus haut que le surnom féminin de Félicitas se reproduit plus d'une fois dans les fastes de la gens Claudia.

 

Ces divers rapprochements, qui se confirment les uns les autres, ne sont pas sans apporter quelque lumière sur l'origine de sainte Félicité.

 

L'un des événements de notre temps qui ont le plus servi à encourager les investigations dans les labyrinthes de Rome souterraine a été l'insigne découverte du tombeau de saint Januarius au cimetière de Prétextât. On fut alors à même de reconnaître avec quelle distinction la précieuse dépouille du martyr avait été accueillie dans cette importante catacombe. En 1857, M. de Rossi pénétra dans une crypte assez voisine de l'église Saint-Urbain alla Caffarella. Il n'y avait pas d'arcosolium dans cette crypte. Elle n'était pas creusée dans le tuf, mais bâtie sous le sol, en maçonnerie solide, comme l'église souterraine de Saint-Hermès. Sur trois côtés s'ouvraient des niches destinées à recevoir des sarcophages. On aperçoit encore la trace du revêtement en marbre qui avait décoré la crypte. Ce petit édifice souterrain avait une façade construite en briques jaunes, et accompagnée de pilastres en briques rouges, avec des corniches en terre cuite. Le style, confronté avec celui d'autres monuments du deuxième siècle, atteste avec la dernière évidence l'époque des Antonins.

 

La voûte est décorée d'une fresque dont l'exécution se rapporte au même temps : nous en citerons plus loin quelques détails. La figure du bon Pasteur occupait le centre de l'arc faisant face à la porte d'entrée ; mais elle est coupée en deux par un loculus pratiqué plus tard pour recevoir un corps. M. de Rossi découvrit sur l'enduit qui avait servi à cimenter la fermeture de ce loculus une inscription dont les lettres suivantes sont encore lisibles  : ... Mi refrigeri Januarius, Agatopus, Felicissim... martyres... On était donc averti que le chrétien dont la sépulture indiscrète  avait été placée dans  un  tel  lieu y était venu chercher la protection du martyr Januarius dont il implorait le secours, avec celui d'Agatopus et de Félicissirne. Cet Agatopus invoqué ici, en même temps que Januarius, est le diacre Agapitus qui, ainsi que son collègue Felicissimus, fut martyrisé, dans ce cimetière même, avec le pape  saint  Sixte  II, en 257. Or  nous savons par des monuments incontestables que les martyrs désignés ici avaient reposé au cimetière de Prétextât. Januarius étant nommé le premier, on était en droit de penser que cet important monument était sa propre tombe. Il ne fut plus possible d'en douter, lorsque M. de Rossi, ayant recueilli les  fragments de marbre épars sur le sol, put, en les réunissant, former cette inscription :

 

BEATISSIMO MARTYRI

IANVARIO

DAMASVS EPISCOPVS
FECIT

 

L'apparition de cette tombe triomphale était à la fois une joie pour les coeurs chrétiens, auxquels elle rappelait si éloquemment le fils aîné de la matrone Félicité, et le plus puissant encouragement à l'étude de Rome souterraine, qui révélait ainsi l'un de ses principaux centres ; mais il nous faut revenir au deuxième siècle, et reprendre le cours de notre récit.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 326 à 332) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 20:00

On sut donc de bonne heure, dans tout l'Empire, qu'on ne lui déplairait pas en poursuivant les chrétiens à outrance.

 

 Antonin vivait encore, et déjà l'audace païenne se montrait à découvert, grâce à la vieillesse de l'empereur et aux sentiments bien connus de son associé. En 160, la préfecture de la ville était aux mains de Q. Lollius Urbicus. Un fait en particulier annonça aux chrétiens de la ville que le règne d'Antonin n'existait plus que de nom.

 

Deux époux avaient vécu dans le désordre durant plusieurs années. La femme rentra en elle-même, et, ayant ouvert les yeux à la lumière, elle embrassa généreusement le christianisme. Dès lors elle dirigea tous ses efforts pour amener son mari à une vie meilleure ; mais cet homme s'étant jeté dans des désordres qui surpassaient encore ceux de sa vie antérieure, sa femme, après avoir pris conseil et à la suite d'une longue épreuve, sollicita la séparation que lui permettait la loi civile. Le mari alla aussitôt déposer une dénonciation contre elle, l'accusant de christianisme, auprès du préfet de Rome, Lollius Urbicus. Elle s'adressa à l'empereur,  pour obtenir un sursis qui devait lui donner le temps de régler ses affaires domestiques, avant de répondre à l'accusation. Irrité de ce délai, le mari tourna sa fureur contre un chrétien, nommé Ptolémée, qui avait initié sa femme au christianisme. Une dénonciation s'ensuivit, et Ptolémée comparut devant Urbicus.  Interrogé sur le seul  fait de savoir s'il était chrétien,  il s'avoua tel, et le préfet l'envoya au supplice. Un autre chrétien, présent au jugement et nommé Lucius, osa interpeller Urbicus, sur une conduite si opposée aux maximes qu'Antonin avait fait prévaloir dans les causes des chrétiens. "Es-tu donc aussi de ces gens-là ? lui demanda le préfet. — Oui", répondit Lucius. Sans  autre  information, Urbicus  prononça  la peine de mort contre ce second chrétien.  "Je te rends grâces,  Urbicus, s'écria le martyr, de me délivrer du joug de tels maîtres, et de m'envoyer vers celui qui est le père et le roi plein de bonté". Un troisième des auditeurs,  ayant déclaré de lui-même qu'il n'avait pas d'autres sentiments que les deux premiers, fut pareillement conduit au supplice. C'est ainsi que la persécution sournoise et sanguinaire débutait dans Rome.

 

 Le prêtre Justin s'indigna de cette recrudescence d'une guerre que sa première Apologie semblait avoir conjurée pour longtemps. Il entreprit une nouvelle défense des chrétiens, qui devait être présentée à Antonin lui-même, ainsi qu'à Marc-Aurèle et à son frère adoptif Lucius Verus. Il y débute en racontant les faits que nous venons de relater, et qui venaient de se passer dans Rome même sous les yeux des Césars, et il se plaint que des attentats semblables aient lieu à la même heure dans toutes les provinces de l'Empire, avec le concours des magistrats. Les chrétiens cependant ont été justifiés ; la précédente Apologie a exposé ce qu'ils croient, ce qu'ils font, ce qu'ils désirent. Si, nonobstant, on veut de nouveau les soumettre à la persécution, que l'on sache qu'ils sont prêts à tout souffrir pour la vérité, et qu'ils ne renieront pas leur foi. Quant à lui Justin, il compte personnellement sur les embûches perfides de Crescens le Cynique, qui ne lui pardonne pas d'avoir confondu ses calomnies, en dévoilant aux yeux de tous sa profonde ignorance. En attendant, Justin réclame une dernière fois de la justice des Césars, non plus seulement la tolérance, mais même la protection ; car c'est l'équité qui l'exige en ce moment, de la part d'un prince disciple de la philosophie. Justin réclamait en vain, ainsi qu'un peu plus tard Méliton, évoque de Sardes, qui envoyait de l'Asie Mineure à Marc-Aurèle les éloquentes réclamations des chrétiens. (PITRA, Spicileg. Solesm., tom. II.)

 

 En l'année 162, un coup d'autorité judiciaire vint révéler aux chrétiens de Rome l'inanité de leurs requêtes.  La préfecture de  la ville avait passé aux mains de Publius Salvius Julianus, qui l'occupa deux ans. Les populations étaient surexcitées dès l'année précédente par les inondations et par la famine,  et l'orage grondait d'autant plus contre les chrétiens. Une matrone illustre, désignée sous le nom de Felicitas par les Actes de son martyre, vivait à Rome dans la retraite et la prière,  entourée  de  sept fils  qu'elle élevait dans  la foi  chrétienne.  Le  cognomen  féminin Félicitas ne saurait nous renseigner sur la famille à laquelle elle appartenait. On le trouve porté par de nombreux membres des familles Cornelia, Caecilia, Valeria, Claudia, Julia, Bruttia, etc. ; ce qui donnerait à entendre qu'il annonçait une certaine distinction dans la personne. Il est hors de doute qu'une chrétienne devait y attacher un sens plus élevé que le vulgaire. Saint Augustin en relève avec éloquence la gracieuse convenance chez une martyre, à propos de l'esclave Félicitas, compagne de Perpétue dans l'amphithéâtre de Cartilage.

 

Les Actes de sainte Félicité sont historiques, au jugement des critiques les plus exigeants, et l'on ne doit pas s'inquiéter des légers défauts qu'un rédacteur inhabile leur a imposés, comme il arrive si souvent, en employant des termes qui le montrent déjà quelque peu éloigné du temps où les choses s'étaient passées. Il ne serait pas plus raisonnable de voir un indice de supposition dans le rapport qui unit les deux martyres Symphorose et Félicité, ayant chacune sept fils. L'une a souffert à Tibur sous Hadrien, l'autre à Rome sous Marc-Aurèle. Leurs sépultures, distantes l'une de l'autre et parfaitement connues, ainsi que celles de leurs enfants, empêchent toute confusion. S'il prenait fantaisie à quelqu'un de susciter ici une controverse du genre de celle qui s'est élevée au sujet des deux Urbain, le moyen de solution serait le même ; il consisterait à produire et à peser les faits. Une plus grande habitude des monuments de l'archéologie chrétienne de Rome épargnerait beaucoup de surprises, et préviendrait à propos les confusions topographiques et chronologiques chez ceux qui se croient trop aisément maîtres dans une matière qui jusqu'ici n'avait pas fait l'objet de leurs études.

 

Quoi d'étonnant qu'il ait plu à Dieu que Tibur ne fût pas seul témoin de cette sublime reproduction de la mère des sept frères Machabées, et qu'il ait voulu laisser dans Rome même comme un second renouvellement de ce fait qui est la gloire des annales juives ?

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 322 à 325) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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