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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 20:00

Le mythe d'Orphée, type du Christ en tant qu'il est le principe et l'auteur de l'harmonie universelle, nous conduit à celui de Psyché, adopté par les chrétiens de Rome, à l'époque primitive. Sur les peintures des catacombes, il ne se rencontre qu'en un seul endroit, et c'est encore au cimetière de Domitille, dans la partie qui remonte évidemment au siècle des apôtres.

 

 Un cubiculum, qui ouvre sur le grand ambulacre, présente jusqu'à trois fois ce sujet caractéristique. On n'a pas droit de s'étonner de voir la fable antique préoccuper l'attention des chrétiens qui arrivaient à connaître l'amour du Fils de Dieu pour sa créature, qu'il a aimée jusqu'à la mort et à la mort de la croix. Un mythe qui plaçait en scène l'Amour et ses divines recherches à l'égard de l'âme, ne pouvait manquer d'intéresser, comme une sorte de prophétie, les néophytes d'un esprit cultivé, qui abordaient à la foi chrétienne. N'avaient-ils pas d'ailleurs, pour préparer leur pensée au divin mystère des noces de l'Epoux céleste avec l'Epouse terrestre, le cantique sacré qui en est l'épithalame, et qui fait partie des saintes Ecritures ? Le beau mythe que l'Orient avait transmis, et que la philosophie platonicienne avait complété, se présentait donc de lui-même, comme une expression toute choisie, à cette fraction élue de la société romaine qui avait donné au Christ Aurélia Petronilla et Flavia Domitilla. Quoi d'étonnant d'en rencontrer la trace, en cette région où furent leurs tombeaux ?

 

 La synthèse des peintures cémétériales, autant qu'on en peut juger par les débris à l'aide desquels nous essayons de la former, ne conserva pas ce délicat et mystérieux sujet. Probablement l'œuvre d'Apulée, qui dénatura et souilla ce chaste symbole dans un livre obscène, en rendit l'usage chrétien moins convenable et moins libre.

 

 C'est une raison de plus pour nous de le signaler ici dans sa simplicité primitive, où il n'offre que modeste familiarité et tendresse.

 

 Dans l'un des sujets que nous avons relevés, l'Amour et Psyché sont occupés à cueillir des fleurs qui doivent remplir une corbeille. Ces fleurs signifient le parfum et la pureté de leur union. Psyché porte ses ailes de papillon, auxquelles on la reconnaît toujours sur les monuments de l'art antique ; mais elle est modestement vêtue et la corbeille de fleurs qu'elle a préparée pour l'Amour est déjà remplie.

 

 Les deux autres fresques respirent la même simplicité et la même tranquillité. On sent que le peintre a voulu seulement rendre l'idée, laissant à compléter par l'âme, la vraie Psyché, ce qui manque à l'expression des sentiments qu'elle éprouve envers celui qui, étant le Roi éternel, a daigné "convoiter sa beauté". (Psalm. XLIV.) L'imperfection artistique de ces peintures saute aux yeux ; mais leur manière ne nous reporte pas moins à l'époque la plus classique.

 

 Avant de terminer cette investigation de Rome souterraine à l'époque des Antonins, il nous reste à mettre en lumière un sujet que nous n'avons pas introduit plus tôt afin de ne pas interrompre notre marche. Il s'agit du dogme chrétien de la résurrection des corps, qu'il ne faut pas confondre avec celui de l'immortalité de l'âme. La croyance à cette restitution que le tombeau doit faire un jour de notre dépouille mortelle, est un des points fondamentaux du christianisme. Le dernier effet de la rédemption ne sera obtenu, la mort ne sera complètement vaincue, que lorsque le tombeau aura rendu à notre âme ce corps, dont elle n'est désunie que pour un temps, en expiation du péché. Le paganisme, sensuel par dessus tout, avait en horreur, comme nous l'avons dit, cette croyance chrétienne, qui, pour les martyrs, était un motif de plus de dédaigner le corps, que rien ne peut soustraire à sa juste et inévitable dissolution. L'apôtre Paul leur avait enseigné que le Christ, dans sa résurrection, est "le premier-né d'entre les morts" (Col., I), et que la chair est confiée à la tombe, "pour en sortir un jour comme le plus noble froment". ( I Cor., XV.) De là il était aisé de conclure que, pour ce qui est du corps, la mort n'est qu'un sommeil ; et ce fut pour cette raison que les chrétiens, dans toute l'Eglise, s'accordèrent à donner le nom de cimetière, qui en grec signifie dortoir, aux divers lieux où se trouvaient réunies leurs sépultures.

 

Les signes de leur foi dans la résurrection des corps ne pouvaient donc être omis sur les peintures cémétériales, et l'on peut même dire que rien n'y est plus fréquent. Tout est mis à contribution pour rendre l'idée de cette palingénésie sur laquelle le chrétien compte fermement. Souvent,  comme au cimetière de Priscille, il y est fait appel par la représentation antique du paon, à la chair duquel les naturalistes de ces temps attribuaient l'incorruptibilité.

 

La succession des saisons fut employée aussi comme le symbole de cette reviviscence sur laquelle nous devons compter. "L'hiver et l'été, écrivait Tertullien à l'époque que nous racontons, le printemps et l'automne, se remplacent avec leurs énergies, leurs caractères et leurs produits. La règle assignée par le ciel est que les arbres dépouillés revêtent de nouveau leur feuillage, que les fleurs reprennent leurs riches couleurs, que les céréales reproduisent la semence absorbée par la terre. Cette succession des choses est une figure de la résurrection des morts". (De resurrect. carnis, cap. XII.) Origène s'exprime de la même manière dans  son  Commentaire sur l'Epître aux Romains. L'inépuisable cimetière de l'Ardéatine renferme une gracieuse peinture où les quatre saisons sont groupées autour du bon Pasteur.

 

Au cimetière de Prétextat, dans la crypte de saint Januarius, l'évolution des saisons est exprimée d'une autre manière.   Au-dessus  de  la niche, le pinceau a tracé un arc occupé par des moissonneurs   qui   accomplissent la récolte du père de famille. Quant à la voûte elle-même, elle est partagée entre quatre zones circulaires destinées à rappeler le mouvement des saisons, sans l'intervention d'aucun personnage, en employant seulement des enroulements de feuillages et quelques accessoires. Les roses du printemps, les épis de l'été, les grappes de l'automne, le laurier toujours vert, même sous la neige, s'enroulent dans les plus gracieux rinceaux, peuplés de nids et de colombes.

 

Enfin le dogme de la résurrection des corps s'affirme dans les catacombes, par la reproduction incessante, jusque sur le marbre des sarcophages, de l'histoire de JONAS, que le Christ lui-même a donné comme le type de sa propre résurrection, prélude de la nôtre. (MATTH., XII.)

 

Ainsi s'affirme, par les signes les plus expressifs, le grand dogme que le christianisme devait faire prévaloir au milieu du monde païen,  en renouvelant   le   sentiment   de   la   dignité   de l'homme jusque dans son corps. Ainsi s'explique le zèle pieux qui porta dès l'origine les chrétiens à attacher une si haute importance aux sépulcres, à conserver avec tant de respect les débris de ces corps qui avaient été les temples du Saint-Esprit,  et devaient ressusciter glorieux.   Rome souterraine, l'une des merveilles de ce monde, et peut-être la plus grande, dut son existence au dogme de la résurrection des corps. Sous l'inspiration de cette vérité primordiale, elle devint la cité mystérieuse et sacrée, la nécropole des martyrs, le lieu de réunion des fidèles, l'école où l'on apprenait à vivre et à mourir pour le Christ.

 

Après cette longue excursion à travers les monuments primitifs   du   christianisme,   dans   laquelle nous avons touché successivement les éléments de cette vitalité qui animait nos martyrs, nous revenons au saint pontife qui présidait au gouvernement général de l'Eglise.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 67 à 73)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 20:00

Un autre type du martyre, non moins expressif et non moins fréquent sur nos fresques, est Daniel dans la fosse aux lions.

  

 Le courage tranquille avec lequel le prophète affronta ces bêtes féroces devait accompagner le chrétien, lorsqu'il aurait à descendre dans l'amphithéâtre pour y être à son tour dévoré par les lions ; et si quelquefois par exception, il plaisait à Dieu de donner la leçon aux païens, en contraignant ces animaux féroces à demeurer immobiles et respectueux aux pieds des athlètes de la foi, le chrétien ne devait pas compter sur le prodige, mais se tenir toujours prêt à sentir la dent de ces animaux affamés s'enfoncer dans sa chair et dévorer ses membres. Le nombre des martyrs de l'amphithéâtre dépasse de beaucoup, on le sait, celui des martyrs du bûcher. Les jeux publics étaient fréquents et ils avaient besoin d'être alimentés. Dans une peinture des cryptes Ardéatines, saint Pierre et saint Paul, fondateurs de l'église romaine, ayant près d'eux les saintes Ecritures, sont assis de chaque côté du martyr, pour soutenir sa foi, et lui rappeler la constance dont ils lui ont donné la leçon par leurs écrits et par leurs exemples.

  

 Qu'ils fussent appelés ou non à sortir de cette vie d'une manière précipitée et violente, les chrétiens devaient toujours se tenir prêts, gardant dans leurs âmes l'alliance qu'ils avaient scellée avec Dieu par le baptême, et pratiquant jusqu'à la fin les œuvres qu'inspire une foi vivante. La parabole de l'Evangile leur était connue. (MATTH., XXV.) C'est au milieu de la nuit, au sein même de leur sommeil, que devait retentir le cri qui les appellerait devant le juge. A ce moment, leurs lampes devaient être non seulement allumées, mais garnies de cette huile, sans laquelle la lumière ne saurait briller. Le Christ donne à entendre que, parmi les hommes, les uns se trouvent prêts pour ce moment solennel, et les autres en retard. Il met en scène dix vierges, dont cinq sont pourvues de l'huile nécessaire qui manque aux cinq autres. Dans les riches galeries de la voie Nomentane, on voit les cinq vierges sages qui viennent d'entendre le cri. Elles se sont levées, leur provision d'huile est faite, et, le flambeau à la main, elles s'avancent vers la lumière éternelle qui va les recevoir pour toujours.

  

Le Sauveur avait établi sa loi sur le double fondement de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain ; les peintures cémétériales ne pouvaient donc manquer d'offrir leurs enseignements sur la pratique du second commandement, que le Christ déclare être exigible de nous aussi bien que celle du premier. (MATTH., XXII.) Le symbole de cette charité fraternelle était exprimé par les agapes, festins communs institués par les apôtres et continués après eux, pour unir ceux qui étaient frères par le baptême, dans une étroite familiarité. Les mêmes cryptes de la voie Nomentane nous donnent sur ce sujet une charmante fresque, où brille, avec la simplicité chrétienne, tout le charme de la peinture antique.

 

Mais l'union entre les frères ne suffirait pas à l'accomplissement du grand précepte de l'amour du prochain. Le chrétien doit subvenir par l'aumône aux besoins de ses frères. Cette charité, qui porte à s'imposer des privations pour soulager les autres hommes dans leurs nécessités, fut un des caractères du christianisme qui émurent davantage les païens, d'autant plus qu'ils voyaient les chrétiens non seulement se secourir entre eux, mais encore prendre à leur charge ceux qui n'avaient pas le bonheur de partager leurs croyances. Nous trouvons au cimetière de la voie Lavicane une charmante expression de la charité chrétienne. Trois chrétiens sont à une table : l'un enlève un mets, et s'empresse de le donner à un pauvre ; l'autre, voyant arriver un serviteur chargé d'un autre mets, lui fait signe de l'aller porter à quelque indigent ; en sorte que la table restera à peine servie. Une chrétienne préside à cette table et approuve par sa présence et par son geste les largesses que font ses deux convives.

 

Nous avons parcouru dans cette revue des peintures souterraines un nombre considérable de sujets exprimant, tantôt dans leur réalité, tantôt sous des symboles, les principaux points du dogme et de la morale du christianisme. Notre investigation, nous l'avons dit, ne devait avoir pour objet que les fresques dont le style nous reporte généralement à la période qui a précédé le troisième siècle. Sans les pertes à jamais regrettables éprouvées, il est à croire que notre synthèse eût été beaucoup plus complète. Nous pouvons cependant l'enrichir encore de quelques sujets que nous avons réservés pour la fin, parce qu'ils sont le complément de l'instruction catholique, et ouvrent la voie à la théologie mystique qui, recherchant l'union toujours plus intime avec Dieu, est le sommet de la perfection chrétienne. Cette tendance supérieure, qui ne s'écarte jamais de la stricte orthodoxie dogmatique, a son point de départ dans les écrits de saint Denys et de Clément d'Alexandrie, et elle continue de se manifester dans les livres des auteurs mystiques canonisés par l'Eglise.

 

Au cimetière de Domitille, le Christ est représenté assis au milieu de ses disciples. La peinture de l'arcosolium a été gâtée malheureusement par l'indiscrète dévotion d'un chrétien, qui, pour être plus près du martyr enseveli dans le tombeau servant d'autel, a fait creuser son loculus de manière à tronquer toutes les figures. La voûte de cet arcosolium est tapissée d'une vigne, sur laquelle le peintre a fait figurer avec beaucoup de grâce les génies de la vendange que reproduisait le pinceau antique. Le but de l'artiste sera demeuré secret à plus d'un spectateur ; mais un sentiment plus intime du christianisme en donne la clef. Sur les rameaux de la vigne sont multipliées les  colombes,  qui,  ainsi que nous l'avons vu, figurent les âmes. La pensée chrétienne est donc tout entière ici, seulement elle est plus mystérieuse.  Quelle est la vigne, quelle est la grappe que nous avons sous les yeux ? C'est le Christ lui-même, connu et goûté par l'âme, qu'un amour profond et encouragé attire à une union plus étroite. L'Epouse du Cantique des cantiques, chargée par l'Esprit-Saint d'exprimer cette union, le fait en ces paroles : "Mon bien-aimé est une grappe dans les vignes d'Engaddi". (Cap. I.) Ainsi la décoration de cet arcosolium n'est pas seulement un ornement capricieux entourant la scène du centre; elle a pour objet de rendre une des principales figures de l'épithalame sacré.

 

Après avoir parlé de ce gracieux rinceau sur lequel se déploient si richement l'aisance et la richesse du pinceau antique, mises au service du plus intime sentiment chrétien, nous citerons cet autre plafond symbolique emprunté au même cimetière, et sur lequel le spectateur non initié pourrait  croire,   au  premier abord,   que  l'idée chrétienne ne fait pas le centre de la composition. Orphée jouant de la lyre n'est évidemment pas un emprunt fait aux figures bibliques. Pourtant, il est là entouré des symboles habituels que les peintures cémétériales puisent dans les saintes Ecritures. On est donc obligé de recourir à l'idée, si l'on veut s'expliquer comment le mythe antique a pu s'unir ainsi au symbole chrétien, et il faut avant tout distinguer la forme païenne ou idolâtrique d'avec le sens nouveau que voient en lui les disciples du Christ.

 

Il s'agit ici d'un être supérieur, centre du concert de tous les êtres, et les attirant tous autour de lui par la mélodie de ses accords. Pour le chrétien qui a appris à le connaître et à le goûter comme principe de l'harmonie universelle, qu'est le Fils de Dieu incarné, sinon le véritable Orphée ? On comprend alors l'admirable langage de Clément d'Alexandrie, contemporain de notre peinture, faisant allusion à l'Orphée des païens :

" Combien, dit-il, est différent le chantre merveilleux dont j'ai à vous parler ! Il est venu, et à l'instant il a brisé nos chaînes, il a détruit la cruelle servitude sous laquelle nous tenaient les démons ; il nous a fait passer sous un autre joug, le plus doux, le plus facile à porter, celui de la piété. Nous rampions sur la terre, il nous rappelle au ciel. Lui seul a su attendrir la barbarie, apprivoiser l'homme, de tous les animaux le plus féroce. Déjà, comme créateur, le Verbe, ce chantre des cieux, avait mis ce bel ordre dans l'univers, enseignant aux éléments discordants à former un concert admirable, de même que le musicien sait tempérer le mode dorien par celui de la Lydie. Tels ne sont pas les accords du chantre de Thrace, semblables à ceux dont Tubal fut l'inventeur ; mais tels furent ceux de David, qui, dans l'harmonie de ses chants, fut en accord avec le Dieu créateur. Le Verbe de Dieu, né de David, bien qu'il fût avant lui, a rejeté la lyre et la harpe, instruments inanimés, et, saisissant ce monde avec l'homme qui est le microcosme, il a su accorder notre corps et notre âme au moyen de l'Esprit-Saint, et en faire un instrument à plusieurs voix pour célébrer Dieu. Il a dit à cet instrument : 'Tu es ma harpe, ma flûte, mon temple' ; harpe par l'harmonie des sons, flûte par le souffle qui t'inspire, temple pour le Verbe qui résidera en toi.

 

" Mais le Verbe qui a fait de l'homme un si bel instrument, n'est-il pas lui-même une lyre plus sainte, plus complète, plus dégagée de toute discordance, celui dont Dieu se sert, la Sagesse qui est au-dessus du monde ? Quel est ce nouveau cantique qui a retenti ? La vue rendue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, les boiteux redressés, les égarés remis dans la ligne de la justice, Dieu a montré à ceux qui étaient insensés, la corruption détruite, la mort vaincue, les fils rebelles réconciliés avec le Père. Car la lyre de Dieu aime le genre humain ; le Verbe est rempli de compassion ; il exhorte, il avertit, il châtie, il conserve, il protège, et promet pour récompense le royaume des cieux, lui qui n'a d'autre avantage à retirer de nous que notre salut.

 

" Ce cantique dont je parle, n'allez pas le croire nouveau, dans le sens d'un vase que l'on façonne ou d'un édifice qu'on élève. Il était avant l'aurore, ce cantique. Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. (JOHAN., I.) Mais il a voulu paraître sur la terre en ces derniers temps, et être appelé du nom sanctifié et auguste de Christ, et c'est en ce sens que je l'appelle Cantique nouveau. Dieu et homme tout ensemble, il a apparu récemment aux hommes, pour nous apporter la félicité complète. Formés par ses enseignements à bien vivre, nous passons à l'éternelle vie."

(Cohortatio ad Gentes.)

 

Le Christ est donc l'Orphée véritable, et les chrétiens craignaient d'autant moins d'invoquer en lui un personnage du paganisme, qu'il circulait des vers qu'on lui attribuait, et dans lesquels l'unité de Dieu était célébrée. Il n'était pas nécessaire que tous les chrétiens qui étaient appelés à contempler le centre de ce beau plafond, eussent conscience du Christ comme étant la lyre divine, le principe de l'harmonie de tous les êtres, qu'ils saisissent en propres termes la distinction du Cantique éternel au sein du Père et du Cantique nouveau au milieu des hommes ; une égale participation aux mystères divins les mettait suffisamment en rapport avec celui qui se donne aux grands et aux petits, aux parfaits et aux imparfaits.

 

Le mythe d'Orphée, type du Christ en tant qu'il est le principe et l'auteur de l'harmonie universelle, nous conduit à celui de Psyché, adopté par les chrétiens de Rome, à l'époque primitive. Sur les peintures des catacombes, il ne se rencontre qu'en un seul endroit, et c'est encore au cimetière de Domitille, dans la partie qui remonte évidemment au siècle des apôtres.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 58 à 66)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 20:00

Il s'agit maintenant de montrer ce que doit être cet homme  renouvelé,  et pour cela nous avons à chercher les traits de la vie morale du chrétien sur nos peintures.

 

 La première chose qui nous frappe, c'est cette sorte d'identité qui semble désormais établie entre le médiateur divin et ceux qu'il est venu rattacher à Dieu. Elle avait déjà apparu, lorsque l'appellation de Christianus fut décrétée à Antioche, pour désigner désormais les disciples du Christ. Dans les catacombes et sur les antiques représentations chrétiennes, le poisson apparaît fréquemment, mais il ne signifie pas toujours le Christ ; souvent c'est le fidèle même qu'il exprime. Qu'est le fidèle en effet, sinon un poisson ? Le Christ n'a-t-il pas dit à ses apôtres  : "Je vous ferai pêcheurs d'hommes ?" (MATTH., IV.) Aucune des peintures de l'époque à laquelle nous nous arrêtons ne représente cette pêche, si ce n'est peut-être celle par trop effacée de l'ambulacre du cimetière de Domitille ; mais le chrétien-poisson lui-même abonde déjà sur les fresques du second siècle.

 

 De même, le Verbe incarné étant dépeint sous les traits de l'agneau, son disciple devra revêtir aussi le caractère de l'agneau. "Je vous envoie, dit le Sauveur, comme des agneaux au milieu des loups". (Luc, X.) Dans la parabole où il se représente comme le pasteur, il parle sans cesse des fidèles comme de ses brebis "qu'il connaît et dont il est connu". (Johan., X.) Les peintres des cimetières n'ont eu garde d'oublier cette assimilation touchante. Il n'est pas jusqu'au pauvre pécheur réhabilité après le baptême dont il avait perdu la grâce, qui ne reparaisse plus d'une fois sous les traits de la chèvre, il est vrai, mais agile et régénéré.

 

 La manifestation de l'Esprit-Saint, sous la forme de la colombe, amenait un nouveau type pour désigner le chrétien par imitation. Au-dessus des eaux du Jourdain, c'est l'Esprit-Saint qui se manifeste sous un signe sensible : Spiritus Sanctus ; mais l'âme humaine est désignée aussi, dans les Ecritures, sous le nom de spiritus. Le Psautier se termine par ces paroles : Omnis spiritus laudet Dominum. (Psalm. CL.) L'antiquité païenne avait consacré la colombe à Cypris ; le christianisme s'en empare désormais et l'inscrit de toutes parts, dans son sens nouveau, sur ses monuments primitifs. Tantôt elle vole, tantôt elle repose, tantôt elle tient dans ses pattes le laurier de sa victoire, tantôt elle le porte à son bec ; rien de plus répété aux catacombes.

 

 Avant d'aller plus loin, il nous faut parler du symbolisme des fleurs sur les peintures cémétériales. Nous y rencontrons souvent la rose et le lis réunis ensemble comme sur une même tige : le lis, signe de la pureté de l'âme ; la rose consacrée par les païens à l'amour profane, et devenue pour les chrétiens l'expression de cet amour suprême qui les conduisait au martyre. Minucius Félix, dans son Octavius (cap. XXXVIII), répond aux païens qui accusaient les sectateurs du christianisme de dédaigner les fleurs, parce qu'ils ne s'en couronnaient pas :

" Bien que toute créature, étant un don inviolable de Dieu, ne puisse être souillée en elle-même par le mauvais usage, nous nous abstenons, il est vrai, de certain emploi de ces créatures, pour ne pas donner lieu de penser que nous accordons quelque chose aux démons dans ce qui leur est consacré, ou que nous rougissons de notre religion. Mais est-il permis d'ignorer le goût que nous professons pour les fleurs, nous qui faisons tant de cas de la rose du printemps et du lis, et généralement de ce que les fleurs offrent de charme, soit dans leurs couleurs, soit dans leur parfum ? Nous savons nous en servir, soit pour en joncher la terre, soit pour en former de fraîches guirlandes, dont nous entourons notre cou. Si nous n'en couronnons pas nos têtes, excusez-nous, c'est par l'odorat et non par les cheveux de l'occiput que nous aspirons le parfum des fleurs."

 

Ce goût des premiers chrétiens pour les plantes et les arbres odoriférants paraît sur les peintures cémétériales, dans les rinceaux dont elles sont décorées si souvent. Quant à la rose et au lis emmêlés, il ne se peut rien voir de plus gracieux que les échantillons qui nous sont fournis par les fresques du cimetière de l'Ardéatine.

 

 Le laurier, symbole de cette victoire qui ne s'acquiert que par une lutte au champ d'honneur, et qui est sans cesse célébré dans l'antiquité ecclésiastique comme l'emblème du martyre, ne pouvait manquer de figurer parmi les symboles en faveur dans Rome souterraine. La même catacombe qui vient de nous donner la rose et le lis, nous fournit aussi le laurier accompagnant le collier de perles qui sera le prix du vainqueur.

 

 Mais il faut entrer maintenant dans la série des actes de vertu que le chrétien devra pratiquer pour être digne de son divin caractère. Avant tout, il lui faut mettre en Dieu une confiance inaltérable. Son espérance dans le secours d'en haut doit être cette ancre que recommande l'Apôtre. (Hebr., VI.) Aussi voyons-nous fréquemment sur les pierres gravées pour l'usage des fidèles, et qui sont arrivées jusqu'à nous, le poisson, figure du chrétien, se serrant fortement contre cette ancre de salut, qui, terminée par la croix, montre que toute l'espérance de l'homme repose dans le Christ, qui a délivré le genre humain par l'effusion de son sang sur le bois de la rédemption.

 

 A côté de l'espérance apparaît l'humilité ; l'homme était d'autant moins disposé à mettre sa confiance en lui-même, qu'il sent tout ce que Dieu opère en sa faveur. De là cette simplicité héroïque, caractère d'une nouvelle génération que l'on aurait crue descendue du ciel et se révélant à la terre. Un jour le Christ avait béni un enfant, et il avait dit à ceux qui l'entouraient : "Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux". (MATTH., XVIII.) La simplicité devait donc faire le caractère de la nouvelle société appelée à triompher de l'ancienne, au sein de laquelle l'orgueil et toutes les convoitises étaient déchaînés. Cette vertu respire de toutes parts dans les nombreuses figures qu'a produites l'art des catacombes. On sent que tous ces personnages ont traité avec Dieu, et qu'il leur en reste l'impression douce et profonde du néant de l'homme.

 

Clément d'Alexandrie, dans son délicieux Carmen au Christ, Roi des enfants, épanche l'enthousiasme qu'inspirait à ses contemporains cette paix, fruit de l'humilité chrétienne. Nous citerons ici le Christ bénissant un enfant, d'après une fresque du cimetière de la voie Latine. Ceux qui voudraient y voir la guérison de l'aveugle-né n'ont évidemment pas considéré avec attention cette peinture qui retrace un enfant et non un homme, en même temps qu'elle est en parfait rapport avec le récit évangélique.

 

La confiance envers Dieu et l'humilité produisent la prière ; et l'on peut dire que le grand nombre des figures chrétiennes des catacombes représente le chrétien dans l'exercice de cet acte de piété envers Dieu. La révérence avec laquelle l'homme doit aborder ce souverain Seigneur est exprimée par le type de Moïse qui vient d'ôter sa chaussure par respect avant de s'approcher du buisson ardent, près duquel il doit s'entretenir avec Dieu. Les belles peintures du cimetière de Nérée et Achillée nous fournissent encore cet intéressant sujet.

 

Quant à la prière elle-même, ainsi que nous venons de le dire, elle est partout dans les catacombes. Ces hommes, ces femmes, recueillis et immobiles, qui ont reçu le nom d'orantes, se retrouvent à chaque pas. On sent que c'est avec Dieu qu'ils traitent. Leur attitude représente le Christ, les bras étendus sur la croix et offrant sa prière pour le salut du genre humain. Ils savent que c'est par lui que leur prière monte jusqu'au ciel et est agréée, et ils persévèrent dans l'application à Dieu avec lequel la contemplation les unit. Que leur importe le fracas qui accompagne les convulsions de l'Empire au-dessus de leur tête ! Leur âme repose en Dieu,  leur corps exprime la figure de la croix ; sous quelques jours peut-être ils seront immolés ; mais la Rome nouvelle, grâce à la prière silencieuse, s'établira par eux, et les temples des faux dieux, s'écroulant, verront s'élever du sol de la ville éternelle les basiliques qui porteront jusqu'aux cieux le nom et la gloire des martyrs. Soit que les orantes des catacombes  expriment   la  prière   éternelle  des bienheureux au sein de Dieu, soit qu'ils rendent la prière de ceux qui sont encore dans la voie de l'épreuve, il est à remarquer que le caractère et l'expression demeurent toujours les mêmes.

 

Le détachement des choses temporelles et la patience sous la main de Dieu dans les épreuves, entraient aussi dans le caractère du chrétien. Il lui fallait se défendre des charmes de la vie présente dont il avait reconnu la vanité et trop souvent le danger, depuis qu'il avait écouté les enseignements de l'Evangile. L'exemple de Job soumis à Dieu au sein même des plus grandes tribulations, était rappelé aux premiers fidèles par saint Jacques dans sa solennelle épître. (Cap. V.) L'effigie de ce héros de la patience ne pouvait donc être omise dans la série des peintures catéchétiques des cimetières.

 

Au reste, ils devaient être prêts à la tribulation, ces chrétiens des générations premières, obligés qu'ils étaient de compter sans cesse sur le martyre, comme sur le dénouement plus ou moins prochain de leur existence. Ils n'allaient pas au baptême sans avoir entendu lire, durant les heures solennelles qui précédaient, l'histoire des trois enfants jetés à Babylone dans une fournaise ardente, pour avoir refusé d'adorer la statue de Nabuchodonosor. Ces trois héros furent miraculeusement préservés ; mais les chrétiens n'ignoraient pas que Dieu ne s'était pas engagé à répéter le prodige, chaque fois que ses serviteurs de la loi nouvelle seraient appelés à confesser leur foi. Pierre avait dit aux chrétiens dans sa première épître : "Le Christ a souffert dans sa chair; armez-vous de cette pensée". (Cap. IV.)

 

Le martyre ou l'apostasie, telle était l'alternative qui pouvait s'offrir à eux d'un moment à l'autre. C'est pour cette raison que la représentation des trois enfants dans la fournaise est une des plus fréquentes sur les fresques des catacombes. Au cimetière de Priscille, la divine Colombe se fait remarquer planant au-dessus des trois martyrs, et portant dans son bec le rameau d'olivier, pour rappeler l'huile sacrée de la confirmation, qui donne au chrétien la force de confesser la foi du Christ, au milieu même des supplices.

 

Un autre type du martyre, non moins expressif et non moins fréquent sur nos fresques, est Daniel dans la fosse aux lions.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 51 à 57)

 

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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 20:00

Après les symboles dans lesquels se déclare cette identité, viennent les figures où l'on voit le Christ, sous la forme humaine, dispensant lui-même le pain vivant.

 

 Telle est une fresque du cimetière de l'Ardéatine, où il est représenté ayant les pains dans le pan de sa robe.

 

 La multiplication miraculeuse du pain eucharistique qui ne s'épuise jamais, quel que soit le nombre de ceux qui y participent, est marquée plus d'une fois dans les cimetières par les sept corbeilles qui demeurèrent pleines de pain, après que les cinq mille hommes eurent été rassasiés. Ces peintures sont à la fois historiques et symboliques.

 

 Nous retrouvons le pur symbole dans une autre série de peintures, où l'aliment divin est présenté sous la forme mystérieuse du lait, qui est la première nourriture de l'homme. L'emploi de cette figure de l'Eucharistie se trouve déjà dans les Actes de sainte Perpétue, écrits aux premières années du troisième siècle. La martyre raconte que le pasteur représenté, comme le personnage des sept corbeilles, sous les traits d'un homme en cheveux blancs, lui a mis dans la bouche un lait délicieux. Sur une peinture du cimetière de la voie Lavicane, le vase contenant ce lait divin est placé sur le dos de l'agneau lui-même, pour figurer son identité avec lui, comme la corbeille contenant le pain et le vin est incorporée au poisson sur les peintures de Lucine.

 

 Le même agneau reparaît sur une fresque du cimetière de l'Ardéatine, mais le vase ne pose pas immédiatement sur lui. Il en apparaît comme le dispensateur et le gardien, comme celui auquel il faut s'adresser pour obtenir cet aliment qui procède de lui ; c'est dans cette intention qu'il le tient suspendu à sa houlette. On voit combien ce symbolisme est à la fois plein de grâce et de doctrine.

 

 Outre une fresque du cimetière de Lucine où le pasteur lui-même tient le vase de Sait, nous en signalerons une autre encore au cimetière de la voie Nomentane, où ce même pasteur est représenté entre deux de ces vases, sur l'un desquels pose sa houlette.

 

 Nous terminerons la déclaration du symbole du lait eucharistique, en signalant une représentation tirée des peintures primitives du cimetière de Lucine. On y voit le vase de lait établi sur une sorte de monticule. A droite et à gauche, deux brebis le gardent respectueusement, comme un dépôt dont elles connaissent le prix, et qui semble avoir été placé là pour elles. (De Rossi, Roma sotterranea, I, tav. XII.)

 

 Nous avons dû nous étendre longuement sur les manifestations d'un point aussi capital de la doctrine catholique que l'est celui de l'Eucharistie. On a été à portée de constater la croyance primitive sur l'essence de cette nourriture divine, et, après avoir contemplé le chrétien régénéré dans l'eau et rendu parfait par l'huile sainte, nous le voyons maintenant mis en possession du Christ lui-même qui s'incorpore à lui. Mais il nous faut explorer encore la série des grâces dont le sacerdoce chrétien, que nous avons vu ci-dessus conféré par le pontife, est le moyen.

 

 L'homme régénéré dans le Christ n'est pas pour cela devenu impeccable. Si, après le baptême, après la réception de l'Esprit-Saint, et la participation au Poisson divin qui est le même que l'Agneau, il lui arrive de retomber dans le péché, sera-t-il perdu sans retour ? La miséricordieuse prévoyance du  Christ est venue  à son secours, en établissant un autre sacrement, dont l'effet est de remettre les fautes commises après le baptême.  L'église  romaine  n'eut pas seulement à consigner l'expression de ce dogme sur les représentations patentes dans les lieux de réunion des chrétiens. Elle dut protester avec une insistance  particulière  contre les  orgueilleuses tendances des sectes rigoristes qui prétendaient borner le pouvoir sacramentel à établir l'homme dans l'amitié de Dieu, sans plus aucun moyen de le restituer dans cet heureux état, s'il avait le malheur d'en déchoir.

 

Ces pharisiens de la loi nouvelle se scandalisaient des paroles que le Sauveur avait dites à ceux de la Synagogue : "Le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés". (MATTH., IX.) Semblables à d'autres hérétiques qui n'ont pas voulu prendre à la lettre les paroles du Christ, quand il dit : "Ceci est mon corps, ceci est mon sang", ils refusaient d'accepter la portée de son langage, lorsqu'il déclara qu'il remettait les péchés "en tant que Fils de l'homme". Ils entendaient par là borner la puissance du caractère sacerdotal conféré dans l'ordination, comprenant très bien que si le Christ, en tant que Fils de l'homme, a pu remettre les péchés, d'autres fils de l'homme peuvent recevoir de lui le même pouvoir. Pour protester contre cette odieuse hérésie, l'église romaine fit peindre fréquemment dans les catacombes l'image du paralytique emportant son lit, parce que ce fut dans la guérison de ce malade que le Christ prononça ces solennelles paroles, qu'il interpréta plus tard, en disant : "Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis."

 

Mais, transportons-nous au cimetière de Priscille, et contemplons-y ce gracieux plafond. Le pasteur en occupe le centre ; mais ce n'est plus une brebis qu'il porte sur ses épaules ; c'est la chèvre qui ne semblait pas appelée à un tel honneur. Aux pieds du pasteur, le troupeau est représenté par l'agneau et la chèvre, afin de donner à entendre que, dans sa miséricorde, le Sauveur, qui n'a parlé que d'agneaux, consent à recevoir près de lui cette espèce inférieure qui figure les pécheurs, ayant perdu la sainteté de leur baptême, et l'ayant recouvrée par le ministère des clefs. Ils sont rentrés au bercail, et il ne tient qu'à eux de n'en plus sortir. Avec quel amour cette humble chèvre, réhabilitée dans le troupeau, contemple le Fils de l'homme, auquel elle doit son heureuse rentrée sous les ombrages dans lesquels se jouent des colombes !

 

L'église romaine, lorsque le montanisme fit irruption dans son sein, ne se borna plus à faire peindre le bon Pasteur sur les murailles des cimetières ; Tertullien, dans son dépit, se plaint que le pape Zéphyrin fût allé jusqu'à faire graver ce signe d'espérance pour les pécheurs sur les calices, où, après avoir été réconciliés par le sacrement de la pénitence, ils venaient aspirer le sang du Christ.

 

Mais, pour revenir à nos fresques, l'Evangile y avait déjà été mis à contribution quant aux types de la réhabilitation, témoin la coupable mais humble Samaritaine, si gracieusement représentée sur une des fresques du cimetière de Domitille.

 

La scène de Lazare enseveli depuis quatre jours, et répandant déjà l'odeur de la corruption, est sans cesse représentée, non seulement comme un monument du pouvoir du Christ sur la vie et la mort, mais le plus ordinairement comme le symbole du pouvoir sacramentel qu'il a laissé à son Eglise, de rendre la vie de l'âme au pécheur le plus invétéré, par la rémission des péchés.

 

C'est ainsi que la mission du Fils de Dieu et de l'Esprit-Saint, de l'Agneau et de la Colombe, au moyen du baptême, de la chrismation, de l'eucharistie et de la pénitence, a restitué à l'homme, malgré sa chute, l'être surnaturel, et, selon l'expression hardie de saint Pierre, l'a fait "participant de la nature divine". (II PETR., I.)

 

Il s'agit maintenant de montrer ce que doit être cet homme  renouvelé,  et pour cela nous avons à chercher les traits de la vie morale du chrétien sur nos peintures.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 46 à 50)

 

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 20:00

Tous les bienfaits divins avaient émané de la croix par le sang rédempteur dont l'Agneau l'avait arrosée. Ce sang précieux était la source d'où découlaient les moyens mystérieux par lesquels Dieu s'unit à l'homme, c'est-à-dire les sacrements.

 

 Le premier de tous était le baptême, qui montrait l'eau devenue puissante pour laver, non plus seulement les corps, mais les âmes. Le sang du Christ lui a donné cette vertu, et elle s'est écoulée avec lui du flanc du Rédempteur ouvert par la lance.

 

Mais le prélude de l'emploi de l'eau pour purifier le monde a été le déluge, oeuvre de justice, en attendant l'oeuvre de la miséricorde qui ne devait paraître qu'après l'arrivée du Rédempteur. La représentation de Noé dans l'arche flottant sur les eaux est fréquente sur nos peintures ; mais elle s'y complète toujours par la présence de la colombe apportant le rameau d'olivier. Dans notre nouvelle naissance, la Colombe opère avec l'Agneau. L'eau régénère l'homme, et l'huile le fait parfait chrétien. C'est ce que chante l'Eglise, le jeudi saint, lorsqu'elle célèbre la dignité du chrême sacré. "Lorsque les crimes du monde, dit-elle, eurent été expiés par le déluge, la colombe vint présager la paix rendue à la terre, par le rameau d'olivier qu'elle portait, annonce des faveurs que nous réservait l'avenir. Cette figure se réalise aujourd'hui, lorsque, les eaux du baptême ayant effacé tous nos péchés, l'onction de l'huile vient donner beauté et sérénité à nos visages." (PONTIFICALE ROM.)

 

 On sent que c'est en face d'une de ces représentations du mystère que Tertullien a écrit ces lignes : "De même qu'après les eaux du déluge qui fut comme le baptême du monde, l'antique iniquité étant effacée, la colombe sortit de l'arche, et y rentrant avec la branche d'olivier, signe de paix chez les  gentils  eux-mêmes,  annonça l'apaisement  du  courroux  céleste ;   ainsi,   dans l'ordre   spirituel,   lorsque la terre,  c'est-à-dire notre  chair,  remonte du lavoir sacré,  laissant derrière elle ses anciens péchés, la Colombe de l'Esprit-Saint,  envoyée du ciel,  vole sur nous, apportant la paix de Dieu, en sorte qu'il nous est aisé   de   voir   que   l'arche   a   été   la   figure  de l'Eglise." (De Baptismo, cap. VII.)

 

 Sur les fresques de l'une des chambres primitives du cimetière de Lucine, les paroles de Tertullien sont appliquées à la lettre. Le ministre du baptême, après avoir plongé trois fois son néophyte dans l'eau purifiante, l'en retire régénéré, et du ciel, la Colombe divine descend, apportant l'olivier dont l'huile confirmera le nouveau chrétien. (De Rossi, Roma sotterranea, I, tav. XIV.)

 

 Quoi d'étonnant si le catéchumène, instruit des merveilles qu'il a plu à Dieu d'opérer par l'élément de l'eau, aspirait ardemment à la fontaine sacrée où il devait perdre toutes ses souillures, et si, pour peindre son ardent désir, il empruntait avec transport les paroles de David, au psaume XLI : "Comme le cerf altéré désire l'eau des fontaines, ainsi mon âme aspire vers son Dieu ?" De là, les représentations de l'âme haletante au baptême sous la forme d'un jeune cerf, ainsi que nous la rencontrons au cimetière des saints Marcellin et Pierre, inter duas lauros.

 

Le Christ ayant ainsi régénéré le néophyte, et l'Esprit-Saint l'ayant marqué de son sceau, il lui faut désormais une nourriture qui soit en rapport avec son origine. "Ce n'est pas de la chair et du sang, dit saint Jean, qu'il est né, mais de Dieu". (JOHAN., II.) Il faut que Dieu même devienne son aliment. Ce sera encore le fruit de l'arbre de la croix, sur lequel l'Agneau est immolé pour être ensuite mangé dans le festin pascal, et la Colombe divine aura encore son rôle. Mais, rien n’était plus merveilleux et plus surhumain que cette nutrition que le Christ avait annoncée, lorsqu'il disait : "Ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage" (Ibid., VI), la représentation d'un tel mystère sur les peintures chrétiennes devait être l'arcane par excellence. Dès l'origine, les fidèles, pour l'exprimer, eurent recours à une anagramme qui renfermait tout, et ne trahissait rien aux yeux des profanes. Cette anagramme, composée de chacune des premières lettres d'une formule exprimant le dogme de la foi, donnait un mot significatif en rapport avec le mystère et représentant les figures bibliques qui l'avaient annoncé. La formule était : ІΗΣΟΥС ΧΡΙΣΤΟС ΘΕΟΥ ΥΙΟС ΣΩΤΗΡ Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur. L’anagramme donnait ΙΧΘΥС ,  Poisson. Dès lors, le nom et l'image du poisson devinrent la tessère des chrétiens, et on le retrouve dès l'origine, sur leurs inscriptions, sur leurs pierres gravées et sur leurs peintures. L'inscription d'Autun, celle de saint Abercius, mille autres débris de l'antiquité chrétienne ont donné matière à écrire, avec autant de profondeur que d'intérêt, sur le symbole chrétien du poisson ; et des savants, comme S. Em. le cardinal Pitra et M. de Rossi, ont laissé peu à dire sur un point de si haute importance.

 

Pour rester dans notre sujet, nous nous bornons aux représentations du poisson dans les catacombes romaines. Nous citerons d'abord une pierre sépulcrale du cimetière de Priscille, reproduite par M. de Rossi en son Bulletin d'archéologie chrétienne (1864, février).

 

 Nous avons là un monument en parfait rapport avec celui que nous avons relevé ci-dessus, représentant les deux personnes divines envoyées pour le salut de l'homme, avec cette différence que le Fils de Dieu ne paraît pas sous la forme de l'agneau, mais sous celle du poisson. L'un et l'autre symbole a la même signification ; mais l'agneau est pour être immolé, et le poisson pour servir de nourriture. Cette tombe qui n'a pas d'autre inscription, et qu'un oeil distrait pourrait aisément négliger, n'a pas été relevée, et la réunion des deux symboles n'en est pas moins d'une haute importance, si on la rapproche de l'autre peinture du même cimetière, sur laquelle la colombe est unie à l'agneau.

 

 La peinture chrétienne des catacombes ne pouvait manquer de remonter jusqu'à l'Ancien Testament, pour y chercher la première manifestation du poisson mystérieux qui doit être à l'homme nourriture et remède. Or voici sur les fresques du cimetière de Nérée et Achillée le jeune voyageur Tobie rapportant triomphalement le poisson, qui doit opérer d'une manière si efficace en faveur de lui-même et des siens.

 

 Mais pour servir à la fin bienfaisante à laquelle il est destiné, il faut préalablement que le poisson meure comme l'agneau. Le fer l'a traversé, et il a été soumis à l'action du feu avant de devenir l'aliment mystique des âmes. De là, est-il représenté, au même cimetière de l'Ardéatine, dans l'état de souffrance et de mort qui a fait de lui la victime du sacrifice, à laquelle participe le chrétien comme à l'aliment de sa vie.

 

Ainsi  préparé  pour le  besoin  de l'homme,  l’ίχτυς  (Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur) apparaît maintes fois servi sur la table,  uni au pain et nourrissant ses convives.  La plus ancienne de ces peintures, malheureusement plus qu'à demi  ruinée,  se trouve dans l'ambulacre du cimetière de Domitille. Elle est dans le style des fresques contemporaines de Pompéi. On y voit servi sur une table élégante un poisson entouré de petits pains, et deux convives assis qui vont s'en nourrir.

 

Les fresques du troisième siècle, au cimetière de Calliste, sont plus expressives encore et plus détaillées ; mais étant postérieures à l'époque à laquelle nous nous arrêtons, nous avons dû les négliger, malgré leur importance dogmatique, dans ce travail auquel nous voulons laisser jusqu'à la fin sa couleur historique. Nous sommes plus que dédommagés par la précieuse peinture que nous offre le cimetière de Lucine dans un cubiculum que sa forme et son ornementation font aisément remonter au règne des Flaviens.

 

Sur la paroi de l'une des chambres primitives de cette catacombe, dans l'intervalle qui sépare l'un de l'autre deux loculi superposés, est peint le poisson portant sur son dos une corbeille identifiée avec lui dans un même symbole. Cette corbeille est remplie de petits pains qui s'accumulent jusqu'à son orifice ; au centre de la corbeille est une ouverture fermée par un léger treillis, à travers lequel on aperçoit un vase de cristal rempli d'un vin dont la transparence est encore sensible. Ce symbole eucharistique est répété deux fois, deux poissons ainsi chargés de la corbeille se correspondant l'un à l'autre. (De Rossi, Roma sotterranea, I, tav. VIII.)

 

Il est aisé de reconnaître que cette peinture n'a rien  d'historique,  et qu'elle est exclusivement dogmatique. Désormais le poisson eucharistique est expliqué.   L' ίχτυς, c'est-à-dire "Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur", est ici identifié avec le pain et le vin eucharistiques,  et la parole du Christ est prise à la lettre, lorsqu'il a dit : "Je suis le pain vivant descendu du ciel. Ma chair est véritablement nourriture et mon sang est véritablement breuvage". (JOHAN., VI.) Sur d'autres fresques,  le poisson apparaît mort et préparé comme pour un repas ; ici il est vivant et l'on  ne peut nier que,  dès la fin du premier siècle, la relation personnelle du Christ avec le pain et le vin consacrés n'ait été reconnue.  Il n'est pas jusqu'à la corbeille contenant les dons eucharistiques qui n'ait son fondement dans les usages primitifs, comme étant usitée pour renfermer le pain et le vin consacrés. (HIERONYM., ad Rusticum.) En présence de cette peinture de si grande importance, M. de Rossi relève la légèreté avec laquelle M.  Renan a osé dire que le poisson ne paraît dans les catacombes qu'à l'état de mets, servi sur une table où le Christ prend un repas avec ses disciples. D'abord, la peinture d'un tel repas n'existe pas dans les catacombes, et si plusieurs fois des convives y apparaissent se nourrissant de poisson, c'est une application de l'arcane, tandis qu'ici c'est l'arcane lui-même antérieur à toute représentation historique. La peinture du cimetière de Lucine constate irréfragablement ce fait, que la foi de l'Eglise catholique représentée sur ce monument de l'âge apostolique n'a pas varié, et que l'identité du pain et du vin eucharistiques avec la personne même du Christ fut reconnue dès l'origine du christianisme.

 

Après les symboles dans lesquels se déclare cette identité, viennent les figures où l'on voit le Christ, sous la forme humaine, dispensant lui-même le pain vivant.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 38 à 45)

 

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 20:00

La notion de l'Eglise étant ainsi établie, nous avons à suivre maintenant sur nos peintures les traces de son action.

 

 C'est elle qui met le chrétien en plein rapport avec le Christ dont elle est l'Epouse, et le chrétien, une fois initié, se trouve faire partie lui-même de l'Eglise. Nous avons montré la chaire de l'enseignement comme l'organe de la vérité révélée. Un dogme primordial en descend ; c'est que Dieu s'est manifesté à l'égard des hommes par deux missions divines qui ont eu lieu : mission du Fils par le Père, mission du Saint-Esprit par le Père et le Fils.

 

Dans la mission qu'il a reçue, le Fils est symbolisé par un agneau. Or l'agneau est destiné à l'immolation. On l'offre en sacrifice par l'effusion du sang, et ce sang est destiné à apaiser la colère du ciel. Mais l'Agneau divin triomphe de la mort, et saint Jean, dans sa prophétie, nous le montre royalement établi sur l'autel, portant la trace glorieuse de son immolation ; et les choeurs célestes chantent éternellement : "Il est digue, l'Agneau, qui a été immolé, de recevoir la gloire et les hommages dus à la divinité." (Apoc, V.)

 

Dans la mission qu'il est venu remplir, non temporaire ainsi que celle du Fils, mais permanente jusqu'à la fin des siècles, l'Esprit-Saint qui est comme l'âme de l'Eglise, ainsi que l'enseignent les Pères, de même que le Fils en est l'Epoux, opère en même temps sur chaque fidèle par la grâce dont il est le dispensateur et l'instrument. Le symbole sous lequel il s'est manifesté est la colombe. Son attribut visible est la branche d'olivier, autre signe d'amour et de paix. L'olive donne l'huile qui, avec le pain et le vin, est le troisième bienfait que Dieu a départi aux hommes dans l'ordre de nature et dans l'ordre de grâce. (Psalm., IV.) Sanctifié par les rites sacrés, l'huile devient le chrême, qui est le moyen de l'action sacramentelle de l'Esprit-Saint sur l'homme.

 

 De la diversité des missions et des opérations du Fils et du Saint-Esprit, nous apprenons à connaître la distinction des personnes en l'essence divine, sans qu'il soit porté atteinte à l'unité de cette essence. Le Fils, que représente l'agneau, nous a révélé le Père. L'Esprit, qui s'est manifesté sous l'image de la colombe, nous a donné par son action le troisième terme des relations divines. Les peintres des catacombes ne pouvaient avoir l'idée de représenter la personne du Père qui n'est pas envoyé ; mais ils ont exprimé la seconde et la troisième personne sous les traits à l'aide desquels les saintes Ecritures ont caractérisé leur mission. C'est ainsi que nous trouvons au cimetière de Priscille l'Agneau et la Colombe, posés hiératiquement sur le pied d'égalité, comme la base de toute la croyance chrétienne.

 

 Or c'est par son immolation sur la croix que l'Agneau a racheté les péchés du monde. C'est par la substitution de l'arbre du Calvaire qu'a été réparé le désastre dont l'arbre de la science du bien et du mal avait été l'occasion dans le paradis terrestre. La croix, "scandale pour les juifs, folie aux yeux des gentils" ( I Cor., I), est donc le point de départ du christianisme. Les peintures des catacombes ne pouvaient pas demeurer muettes sur ce signe sacré, et, s'il importait de ne pas l'exposer trop visiblement aux regards des païens qui pouvaient pénétrer tôt ou tard dans ces sanctuaires souterrains, il n'en avait pas moins le droit d'être exprimé aux yeux des fidèles, pour lesquels d'ailleurs il était l'objet de tant d'amour et de tant d'espérances.

 

 Aucun sujet en effet, si ce n'est le divin mystère de l'Eucharistie, ne s'offrait aussi fréquemment dans les catacombes aux regards des futurs martyrs, que le signe de la croix sur laquelle l'Agneau de Dieu a offert le sacrifice de la rédemption. Les plus anciennes peintures de Rome souterraine sont celles du cimetière de Lucine.

 

 Entrons dans l'une de ses chambres les plus primitives. Au centre du plafond, on aperçoit encore l'image demi-effacée du bon Pasteur, qui se retrouve sur les pendentifs de la voûte, croisant avec l'image de la femme qui prie, les bras étendus. Le reste appartient au pur agrément de la décoration. Des têtes selon le goût antique, des génies dessinés dans toute la pureté classique ; tous ces motifs secondaires sont de ceux que le sévère Tertullien permet aux chrétiens d'employer  "comme simple ornement", simplex ornamentum. (Adv. Marcionem, Mb. II, cap. XXII.) Le style est celui des peintures de Pompéi, et des connaisseurs d'un goût incontestable ne font aucune difficulté de rapporter cette fresque au temps des Flaviens. Pour un oeil tant soit peu attentif, le sujet n'est autre que le triomphe de la croix, et le jeu des compartiments n'a d'autre but que de la représenter tout en la dissimulant. Le centre du plafond l'exprime de la manière la plus sensible. Les pendentifs la présentent encore d'une façon plus développée, et pour la troisième fois, on la trouve projetant ses quatre lignes à la retombée de la voûte. On dirait un défi lancé par Lucine au paganisme de Rome. (De Rossi, Roma solteranea, I, tav. X.)

 

 Un autre plafond qui descend à l'âge des Antonins, au cimetière de Priscille, présente la croix d'une manière non moins expressive, ayant aussi le bon Pasteur au centre. L'ornementation simple et animée donne à cette charmante peinture le cachet de l'époque ; et, à son aspect, on éprouve quelque chose du bonheur que devaient ressentir les chrétiens, en voyant ainsi le signe du salut, qu'ils osaient très rarement risquer sur les pierres sépulcrales, arboré d'une façon si significative, et dominant la salle tout entière.

 

 Le plus souvent la croix n'est pas arborée avec cette pompe. Elle est simplement un arbre dont la vue doit rappeler celui qui fut l'instrument du salut du monde. Toute l'antiquité des Pères, et le concert de toutes les liturgies de l'Orient et de l'Occident, célèbrent le choix que le ciel a fait du bois pour réparer le dommage causé par le bois à l'humanité tout entière. Une jolie peinture du cimetière de la voie Ardéatine nous présente une âme symbolisée sous la forme d'une colombe, et aspirant avec tout son amour vers l'arbre qui lui redit le dévouement de son libérateur divin.

 

Une autre colombe, dans un des compartiments du même plafond, contemple le mystère du bois dans toute son étendue. Les deux arbres sont devant elle ; le premier n'est plus qu'un bois mort, auquel le second arbre, par la réparation du péché de l'homme, a ôté la vie.

 

Toujours au même cimetière, dont les fresques occupent par leur nombre et par leur importance la première place dans les merveilles de la Rome souterraine, nous devons signaler l'arbre mystérieux trahissant sa signification d'une façon plus sensible encore. Pour signe de la vie qui est en lui, il lance deux rameaux verdoyants, et son tronc est accompagné d'une traversée horizontale qui donne à cette peinture sa signification complète. A droite et à gauche, une colombe le contemple, et chacune d'elles a devant les yeux le tronc dénudé de l'arbre fatal.

 

D'autres fois, l'intention est plus cachée, et, sous l'apparence d'un paysage, la même région des catacombes nous offre l'arbre étendant deux rameaux, comme pour embrasser le monde. A son ombre bienfaisante, le troupeau, représenté tantôt par la brebis, tantôt par le boeuf, goûte le repos et la sécurité.

 

Ainsi la croix d'où est descendue la réconciliation du ciel avec la terre, et par laquelle a été renouée l'alliance entre Dieu et l'homme, planait sur toutes les pensées et sur tous les sentiments des fidèles qui se réunissaient dans ces lieux sacrés.

 

Tous les bienfaits divins avaient émané de la croix par le sang rédempteur dont l'Agneau l'avait arrosée. Ce sang précieux était la source d'où découlaient les moyens mystérieux par lesquels Dieu s'unit à l'homme, c'est-à-dire les sacrements.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 32 à 37)

 

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 20:00

Nous allons suivre maintenant l'enseignement dogmatique de la foi chrétienne; mais, auparavant, il est nécessaire d'établir l'Eglise par laquelle la foi et la grâce nous sont transmises.

 

La mission du Christ sur la terre ne devait être que temporaire, et l'application des moyens par lesquels l'homme s'unit à Dieu devait être confiée à d'autres hommes. Jésus en choisit douze, auxquels il dit : "Je vous envoie comme mon Père m'a envoyé. Allez, enseignez toutes les nations et les baptisez." (JOHAN., XX; MATTH., XXVIII.) La crypte Ardéatine nous offre, sur une de ses fresques, le Sauveur assis sur un trône, et entouré de ces douze hommes, entre les mains desquels il va laisser la race humaine. Il les enseigne, et il leur donne l'investiture de leur pouvoir. Deux d'entre eux sont assis sur un pliant, comme préférés aux autres : c'est Pierre, pasteur des agneaux et des brebis, qui doit entrer en fonctions lorsque son maître sera monté au ciel ; c'est Paul, docteur des gentils, exprimant par son office spécial la vocation de tous les peuples. Au centre sont placés les rouleaux des Ecritures sacrées, qui contiennent la parole de Dieu, et l'annonce prophétique de tout ce qu'il a daigné opérer par le genre humain.

 

Mais la notion ne serait pas complète, si l'on se bornait à nous montrer ces douze dépositaires de la parole et des mystères du Christ. Ces hommes passeront, comme ont passé les prophètes ; mais ils ont une oeuvre à établir avant de disparaître.  Ce sont eux que la sainte Liturgie célèbre, quand elle chante : "Les voici, ceux qui, vivant encore dans la chair, ont fondé l'Eglise par leur sang". Ils sont les ministres de l'alliance que le Fils de Dieu veut contracter avec le genre humain. Cet Homme-Dieu a résolu de se donner une épouse sur la terre, et cette épouse sera l'Eglise. En elle vivront jusqu'à la fin des siècles les prérogatives qu'il a départies à ces douze hommes. Elle sera bâtie sur le fondement des apôtres (EPHES., II), et en elle résideront les dogmes de la foi, les grâces qui opèrent le salut de l'homme ; hors de son sein il n'y aura pas de salut.

 

Une seconde fresque, empruntée à la catacombe de Sainte-Agnès, sur la voie Nomentane, exprime d'une manière saisissante ce passage des apôtres à l'Eglise. Là encore, le Christ est assis au milieu de ses disciples ; mais l'exiguïté du lieu n'a pas permis   à   l'artiste   de   représenter ceux-ci au delà du nombre de six.  Au-dessous apparaît une femme,  les bras étendus pour la prière ; les festons suspendus au-dessus de sa tête annoncent les noces que le Fils de Dieu a célébrées avec elle. La Colombe, portant dans son bec le rameau d'olivier, l'assiste ; c'est l'Esprit-Saint sous l'influence duquel elle est placée. Le parallélisme a obligé le peintre de répéter ce symbole à droite et à gauche.

 

Les apôtres avaient été institués pour l'enseignement ; l'Eglise est en même temps enseignante et enseignée. Les apôtres avaient tous reçu le don de sanctifier les hommes par les sacrements ; l'Eglise possède le même don de sanctification, mais seulement dans un certain nombre de ses membres qui ont reçu un caractère spécial. Le baptême, à cause de sa nécessité, est le seul qui puisse être conféré sans ce caractère. Cette division entre l'Eglise enseignante et enseignée, sanctifiante et sanctifiée, n'altère point son unité, mais elle la resserre. Le moyen dont le Christ s'est servi pour établir et conserver cette unité, est l'établissement d'un des membres de l'Eglise comme base essentielle de l'édifice tout entier. Pour entrer dans la construction de l'Eglise, tous les autres membres doivent poser sur cette base. C'est Pierre, auquel Jésus, qui est la pierre angulaire, a communiqué sa propre solidité, et qui doit vivre dans ses successeurs jusqu'à la fin des temps. Les peintures du troisième siècle expriment déjà la prérogative de ce chef des apôtres.

 

 Le Christ s'est présenté comme le pasteur universel. Les peintures cémétériales le retracent sans cesse avec ce caractère. L'homme qui doit tenir sa place a reçu de sa bouche, en la personne de Pierre, le pouvoir de paître brebis et agneaux. (JOHAN., XXI.)

 

 Les brebis reposent tranquilles à l'ombre de ce pasteur qui les protège, en maintenant l'unité du bercail. Une hiérarchie descend du pasteur suprême, source divine de l'unité pastorale, et place à portée de chaque fidèle, au moyen de l'épiscopat, un représentant de l'autorité même du Christ. Mais le lien des chrétiens entre eux étant d'abord l'unité d'une même foi, et la foi, comme l'enseigne l'apôtre, pénétrant par l'ouïe (ROM., X), le pouvoir pastoral est représenté par la Chaire, de laquelle descendent les enseignements. De là, dans l'antiquité, cette vénération pour la propre chaire sur laquelle s'était assis le fondateur d'une Eglise, et qu'occupaient ensuite ses successeurs. Tertullien et saint Cyprien sont d'une grande éloquence sur l'incommutabilité de cette chaire, et telle était l'idée qu'en avaient les premiers chrétiens, qu'on l'a trouvée, non seulement peinte, mais gravée sur le marbre, au cimetière de la voie Lavicane. Elle y apparaît avec pompe, dominée par la colombe divine qui dirige les enseignements qui en descendent. Son importance et sa dignité sont marquées par les draperies qui l'entourent.

 

 La hiérarchie de puissance figurée ainsi par un trône, et de laquelle descend l'enseignement de la foi, d'où les chrétiens sont appelés fidèles, n'est pas la seule dans l'Eglise. Elle est appelée à s'unir à une autre qui se transmet par voie sacramentelle, et est appelée hiérarchie d'Ordre. C'est par celle-ci que la sanctification découle sur les fidèles. On entre dans ces rangs par l'imposition des mains du pontife, lequel communique par degrés la vertu divine, qui chez lui a sa source dans le caractère suprême de l'épiscopat. Un plafond du cimetière de Domitille représente ce grand acte d'une façon expressive. Le pontife est assis ; deux ministres l'accompagnent, et il impose ses mains sur trois fidèles qui sont à ses pieds. Les rouleaux des saintes Ecritures sont là, et rendent témoignage de la réalité de ce qui s'opère dans cette auguste transmission du sacerdoce même du Christ.

 

 Régie par la hiérarchie de pouvoir, et sanctifiée par la hiérarchie d'Ordre, l'Eglise ne forme qu'une grande personnalité, une, sainte, catholique, apostolique. Elle est l'élite de l'humanité. Elle tend vers tous les hommes, et, tous les hommes ont un chemin pour arriver à elle. C'est pour s'unir à elle que le Fils de Dieu est descendu du ciel en terre. Une partie d'elle est déjà triomphante et glorifiée au ciel ; l'autre est encore ici-bas, et se nomme militante, parce qu'il lui faut lutter contre les obstacles qui l'entravent de toutes parts dans son oeuvre. Elle n'a rien à craindre cependant, car elle a été établie pour être la colonne inébranlable sur laquelle repose pour nous la vérité. (I Tim., III.) C'est cette expression de saint Paul qu'a voulu rendre le peintre du cimetière de la voie Lavicane lorsqu'il nous fait voir deux colombes posant avec tant de sécurité au pied d'une colonne mystérieuse.

 

 Dans son passage sur la terre, les épreuves ne manquent pas à l'Eglise. Elle a deux sortes d'ennemis. Les premiers sont les persécuteurs qui espèrent l'anéantir par la violence ; mais l'amour de son Epoux lui fait tout souffrir avec patience, et par sa douceur elle triomphe de la force brutale. Ainsi se montra-t-elle à l'époque où nos peintres chrétiens la représentaient sur les murs des catacombes. Quoi de plus touchant que cet arcosolium du cimetière de la voie Lavicane où l'artiste a réuni l'Epoux et l'Epouse ! Le Christ est sous les traits du bon Pasteur ; l'Eglise modeste et tranquille prie les bras étendus. Près d'elle, d'un côté, est le fouet garni de plomb dont la puissance des Césars l'a meurtrie ; de l'autre, le lis qui figure sa virginité. Sur un arbre, les colombes aspirent vers elle, tandis que les agneaux caressent le Pasteur ou se complaisent en lui.

 

Les hérétiques forment la seconde classe des ennemis de l'Eglise. Ils ont juré de la corrompre, comme les deux vieillards de Babylone le tentèrent vainement à l'égard de Suzanne ; mais elle garde avec une fidélité complète le dépôt de la vérité qu'elle a reçu de son Epoux. Elle a horreur de la moindre nouveauté en matière de doctrine, elle ne sait que mettre en pratique le commandement du Christ qui est la Vérité. Au cimetière de Prétextât, le peintre l'a représentée sous la forme d'une innocente brebis, au-dessus de laquelle est écrit : Susanna. Deux loups s'approchent d'elle, espérant en triompher. Sur la tête de l'un d'eux est écrit Senioris, pour Seniores. Par la pureté inviolable de sa foi, l'Eglise triomphe de toutes les séductions, et mérite le bel éloge que lui donne saint Paul, de n'avoir en elle "ni tache ni ride". (Ephes., v.) Cette peinture n'appartient qu'au troisième siècle ; mais elle nous était si utile pour achever de caractériser l'Eglise, que nous nous sommes permis de la citer ici.

 

Mais là ne se borne pas le rôle de l'Eglise en ce monde. Elle est la mère commune, et, sans cesse, elle intercède pour les enfants que son sein a portés.  Voyons-la suppliante au cimetière de Priscille. Le laticlave décore sa tunique ; on sent en elle l'Epouse du roi. Son attitude exprime l'ardeur de sa prière. Elle demande le retour des brebis perdues, la persévérance des brebis fidèles, l'éloignement des fléaux, les effusions nouvelles de la miséricorde. Vit-on jamais plus de grandeur unie à plus de majesté ?

 

Un plafond du cimetière de la voie Lavicane nous montre encore l'Eglise dans son rôle d'intercession. Elle n'a plus la même grandeur qu'au cimetière de Priscille ; sa tunique est néanmoins ornée du laticlave ; une sorte de diadème apparaît sous son voile. Inspiré par les visions d'Hermès que nous avons citées plus haut, le peintre a affecté de lui donner les traits de la jeunesse, afin d'exprimer qu'elle ne saurait vieillir.

 

La notion de l'Eglise étant ainsi établie, nous avons à suivre maintenant sur nos peintures les traces de son action.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 25 à 31)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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