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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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SALVE REGINA

6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 17:30
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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 11:30
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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 04:00

San Bruno

SAINT BRUNO, Dom Raffaele Baldegger

 

Mémoire de saint Bruno, prêtre. Né à Cologne, il enseigna la théologie en France, mais désireux d’une vie solitaire, il fonda, avec quelques disciples, dans la vallée déserte de la Chartreuse, dans les Alpes, un Ordre où la solitude des ermites serait tempérée par une certaine forme de cénobitisme. Appelé à Rome par le bienheureux pape Urbain II, pour qu’il lui vienne en aide dans les besoins que connaissait l’Église, il passa cependant les dernières années de sa vie dans un ermitage, près du monastère de La Torre en Calabre, où il mourut en 1101.

Martyrologe romain        

 

Apoteosi di San Bruno

Apoteosi di San Bruno, Carmelo Zimatore e Diego Grillo

 

Saint Bruno

San Bruno

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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 17:30

À M. A. de V.***

 

Arrêtons-nous sur la colline
A l’heure où, partageant les jours,
L’astre du matin qui décline
Semble précipiter son cours.
En avançant dans sa carrière,
Plus faible il rejette en arrière
L’ombre terrestre qui le suit ;
Et de l’horizon qu’il colore,
Une moitié le voit encore,
L’autre se plonge dans la nuit.

 

C’est l’heure où, sous l’ombre inclinée,
Le laboureur dans le vallon
Suspend un moment sa journée,
Et s’assied au bord du sillon.
C’est l’heure où, près de la fontaine,
Le voyageur reprend haleine
Après sa course du matin ;
Et c’est l’heure où l’âme qui pense
Se retourne et voit l’espérance
Qui l’abandonne en son chemin.

 

Ainsi notre étoile pâlie,
Jetant de mourantes lueurs
Sur le midi de notre vie,
Brille à peine à travers nos pleurs.
De notre rapide existence
L’ombre de la mort qui s’avance
Obscurcit déjà la moitié ;
Et, près de ce terme funeste,
Comme à l’aurore, il ne nous reste
Que l’espérance et l’amitié.

 

Ami qu’un même jour vit naître,
Compagnon depuis le berceau,
Et qu’un même jour doit peut-être
Endormir au même tombeau,
Voici la borne qui partage
Ce douloureux pèlerinage
Qu’un même sort nous a tracé :
De ce sommet qui nous rassemble,
Viens, jetons un regard ensemble
Sur l’avenir et le passé.

 

Repassons nos jours, si tu l’oses !
Jamais l’espoir des matelots
Couronna-t-il d’autant de roses
Le navire qu’on lance aux flots ?
Jamais d’une teinte plus belle
L’aube en riant colora-t-elle
Le front rayonnant du matin ?
Jamais, d’un oeil perçant d’audace,
L’aigle embrassa-t-il plus d’espace
Que nous en ouvrait le destin ?

 

En vain sur la route fatale,
Dont les cyprès tracent le bord,
Quelques tombeaux par intervalle
Nous avertissaient de la mort ;
Ces monuments mélancoliques
Nous semblaient, comme aux jours antiques,
Un vain ornement du chemin ;
Nous nous asseyions sous leur ombre,
Et nous rêvions des jours sans nombre,
Hélas ! entre hier et demain !

 

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l’onde transparente
Deux couples par l’Amour conduits,
Tandis qu’une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !

 

Combien de fois, dans le délire
Qui succédait à nos festins,
Aux sons antiques de la lyre,
J’évoquai des songes divins !
Aux parfums des roses mourantes,
Aux vapeurs des coupes fumantes,
Ils volaient à nous tour à tour,
Et sur leurs ailes nuancées,
Egaraient nos molles pensées
Dans les dédales de l’Amour !

 

Mais dans leur insensible pente,
Les jours qui succédaient aux jours
Entraînaient comme une eau courante
Et nos songes et nos amours ;
Pareil à la fleur fugitive
Qui du front joyeux d’un convive
Tombe avant l’heure du festin,
Ce bonheur que l’ivresse cueille,
De nos fronts tombant feuille à feuille,
Jonchait le lugubre chemin.

 

Et maintenant, sur cet espace
Que nos pas ont déjà quitté,
Retourne-toi ! cherchons la trace
De l’amour, de la volupté.
En foulant leurs rives fanées,
Remontons le cours des années,
Tandis qu’un souvenir glacé,
Comme l’astre adouci des ombres,
Eclaire encor de teintes sombres
La scène vide du passé !

 

Ici, sur la scène du monde,
Se leva ton premier soleil.
Regarde ! quelle nuit profonde
A remplacé ce jour vermeil !
Tout sous les cieux semblait sourire :
La feuille, l’onde, le zéphire
Murmuraient des accords charmants.
Ecoute ! la feuille est flétrie ;
Et les vents sur l’onde tarie
Rendent de sourds gémissements.

 

Reconnais-tu ce beau rivage,
Cette mer aux flots argentés,
Qui ne fait que bercer l’image
Des bords dans son sein répétés ?
Un nom chéri vole sur l’onde !...
Mais pas une voix qui réponde,
Que le flot grondant sur l’écueil !
Malheureux ! quel nom tu prononces !
Ne vois-tu pas parmi ces ronces
Ce nom gravé sur un cercueil ?...

 

Plus loin sur la rive où s’épanche
Un fleuve épris de ces coteaux,
Vois-tu ce palais qui se penche
Et jette une ombre au sein des eaux ?
Là, sous une forme étrangère,
Un ange exilé de sa sphère
D’un céleste amour t’enflamma.
Pourquoi trembler ? quel bruit t’étonne ?
Ce n’est qu’une ombre qui frissonne
Aux pas du mortel qu’elle aima.

 

Hélas ! partout où tu repasses,
C’est le deuil, le vide ou la mort,
Et rien n’a germé sur nos traces
Que la douleur ou le remord.
Voilà ce coeur où ta tendresse
Sema des fruits que ta vieillesse,
Hélas ! ne recueillera pas :
Là, l’oubli perdit ta mémoire ;
Là, l’envie étouffa ta gloire ;
Là, ta vertu fit des ingrats.

 

Là, l’illusion éclipsée
S’enfuit sous un nuage obscur ;
Ici, l’espérance lassée
Replia ses ailes d’azur .
Là, sous la douleur qui le glace,
Ton sourire perdit sa grâce,
Ta voix oublia ses concerts :
Tes sens épuisés se plaignirent,
Et tes blonds cheveux se teignirent
Au souffle argenté des hivers.

 

Ainsi des rives étrangères,
Quand l’homme, à l’insu des tyrans,
Vers la demeure de ses pères
Porte en secret ses pas errants,
L’ivraie a couvert ses collines,
Son toit sacré pend en ruines,
Dans ses jardins l’onde a tari ;
Et sur le seuil qui fut sa joie,
Dans l’ombre un chien féroce aboie
Contre les mains qui l’ont nourri.

 

Mais ces sens qui s’appesantissent
Et du temps subissent la loi,
Ces yeux, ce coeur qui se ternissent,
Cette ombre enfin, ce n’est pas toi.
Sans regret, au flot des années,
Livre ces dépouilles fanées
Qu’enlève le souffle des jours,
Comme on jette au courant de l’onde
La feuille aride et vagabonde
Que l’onde entraîne dans son cours !

 

Ce n’est plus le temps de sourire
A ces roses de peu de jours,
De mêler aux sons de la lyre
Les tendres soupirs des amours !
De semer sur des fonds stériles
Ces voeux, ces projets inutiles,
Par les vents du ciel emportés,
A qui le temps qui nous dévore
Ne donne pas l’heure d’éclore
Pendant nos rapides étés !

 

Levons les yeux vers la colline
Où luit l’étoile du matin ;
Saluons la splendeur divine
Qui se lève dans le lointain.
Cette clarté pure et féconde
Aux yeux de l’âme éclaire un monde
Où la foi monte sans effort.
D’un saint espoir ton coeur palpite ;
Ami ! pour y voler plus vite,
Prenons les ailes de la mort.

 

En vain, dans ce désert aride,
Sous nos pas tout s’est effacé.
Viens ! où l’éternité réside,
On retrouve jusqu’au passé.
Là, sont nos rêves pleins de charmes,
Et nos adieux trempés de larmes,
Nos voeux et nos espoirs perdus.
Là, refleuriront nos jeunesses ;
Et les objets de nos tristesses
A nos regrets seront rendus.

 

Ainsi, quand les vents de l’automne
Ont balayé l’ombre des bois,
L’hirondelle agile abandonne
Le faîte du palais des rois.
Suivant le soleil dans sa course,
Elle remonte vers la source
D’où l’astre nous répand les jours ;
Et sur ses pas retrouve encore
Un autre ciel, une autre aurore,
Un autre nid pour ses amours.

 

Ce roi, dont la sainte tristesse
Immortalisa les douleurs,
Vit ainsi sa verte jeunesse
Se renouveler sous ses pleurs.
Sa harpe, à l’ombre de la tombe,
Soupirait comme la colombe
Sous les verts cyprès du Carmel ;
Et son coeur, qu’une lampe éclaire,
Résonnait comme un sanctuaire
Où retentit l’hymne éternel.

 

LAMARTINE, Le Passé

 

Velléda, Camille Corot, Musée du Louvre

 

Cette méditation était adressée au comte Aymon de Virieu, l'ami le plus cher de mes premières années. C'est de lui qu'il est fait mention dans Raphaël. C'est lui qui me donna asile à Paris pendant l'hiver de 1817.

Virieu m'aimait comme un frère, lui seul me comprenait bien ; il avait été le confident de toutes mes plus secrètes émotions d'esprit et de coeur. Il m'entendait à demi-mots ; sa pensée achevait la mienne.

Lamartine

 

 

Méditations poétiques

Méditations poétiques, Nouvelles méditations poétiques

 

" Plus je montais, plus je voyais Dieu. " (Nouvelles méditations poétiques)

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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 11:30

Ainsi les maux de Jérusalem empiraient de jour en jour, car les échecs redoublaient l'ardeur des factieux et la faim commençait à les consumer eux-mêmes, comme le peuple et après lui. Le nombre des cadavres amoncelés dans la ville était effroyable ; ils répandaient des exhalaisons pestilentielles, qui faisaient obstacle aux sorties des combattants : car ceux-ci devaient, comme s'ils s'avançaient sur un champ de bataille couvert de carnage, fouler aux pieds des corps. Pourtant, ceux qui marchaient sur les cadavres n'éprouvaient ni terreur ni pitié ; ils ne considéraient pas comme un présage sinistre pour eux-mêmes cet outrage fait aux morts ; ils couraient, les mains souillées du meurtre de leurs concitoyens, lutter contre les étrangers, reprochant à Dieu, à ce qu'il semble, la lenteur du châtiment qu'ils méritaient ; car ce n'était plus l'espérance de la victoire, mais le désespoir de leur salut qui les excitait à lutter encore.

 

Quant aux Romains, malgré les nombreuses difficultés qui s'opposaient au transport du bois de construction, ils achevèrent leurs terrassements en vingt et un jours, après avoir rasé, comme nous l'avons dit, la région entière qui entourait la ville jusqu'à une distance de quatre-vingt-dix stades. Le spectacle de cette terre inspirait la pitié ; les endroits jadis ornés d'arbres et de jardins étaient dévastés sur toute leur étendue et déboisés ; aucun étranger ayant vu autrefois la Judée et les superbes environs de la ville ne pouvait contempler cette dévastation récente sans gémir, sans pleurer sur ce complet changement. La guerre avait détruit toutes les traces de la beauté passée ; celui qui eût été soudain mis en présence de cette contrée, après l'avoir vue autrefois, ne l'aurait pas reconnue ; tout proche de la ville, il l'eût cherchée.

 

L'achèvement des terrasses inspira d'abord aux Romains et aux Juifs des craintes égales, car ceux-ci s'attendaient à la ruine de la ville, au cas où ils ne les incendieraient pas encore une fois, et ceux-là désespéraient de prendre désormais Jérusalem, si ces nouveaux retranchements étaient détruits. En effet, le bois manquait ; le corps des soldats n'était plus en état de supporter leurs fatigues, ni leur âme leurs échecs successifs. Même la détresse de la ville causait plus de découragement aux Romains qu'aux citoyens qui l'habitaient. Les Romains ne trouvaient pas plus de mollesse chez des hommes qui combattaient au milieu de si grandes souffrances : ils savaient à tout moment leurs espérances se briser, voyant leurs terrassements céder aux ruses de l'ennemi, les efforts de leurs machines à la solidité des murs, leurs engagements corps à corps à l'audace de leurs adversaires dans la mêlée. Surtout, ils observaient que les Juifs gardaient leur fermeté d'âme au milieu des factions, de la disette, de la guerre et de si grandes calamités. Ils pensaient que l'ardeur de pareils hommes était invincible, que leur assurance dans le malheur était indomptable. Quels efforts ne soutiendraient-ils pas, s'ils étaient favorisés de la Fortune, eux à qui les misères mêmes ajoutaient des forces ? C'est pour cela que les Romains fortifiaient encore plus les postes de gardes, établis sur les terrassements.

 

Cependant Jean et ses compagnons, du côté de la forteresse Antonia, veillaient à l'avenir et prenaient leurs sûretés contre la destruction du mur. Ils attaquèrent les travaux avant que les béliers fussent mis en batterie. Pourtant ils ne vinrent pas à bout de leur entreprise, car, s'étant élancés avec des torches, ils durent battre en retraite, sans avoir pu approcher des terrassements, leurs espérances refroidies. D'abord, leur plan ne semblait pas bien concerté ; ils s'élançaient par petits groupes, successivement, avec une hésitation née de la crainte, en un mot, pas à la manière des Juifs. Il leur manquait à la fois les traits propres de la nation : à savoir l'audace, l'ardeur, l'élan, la cohésion, l'habitude de ne point reculer même en cas d'insuccès. Ils s'avancèrent donc, moins ardents que de coutume, et trouvèrent dans les rangs des Romains plus de force qu'à l'ordinaire. Leurs corps et leurs armures formaient devant les terrassements une barricade si solide qu'ils ne laissaient nulle part un intervalle pour y introduire les brandons ; ils s'étaient d'ailleurs tous fortifiés dans la résolution de mourir plutôt que de lâcher leur poste. En effet, outre que toutes leurs espérances seraient détruites, si leurs travaux étaient de nouveau incendiés, les soldats éprouvaient un cruel sentiment de honte à la pensée d'une victoire complète remportée par la ruse sur le courage, par le désespoir sur la force des armes, par une multitude sur des soldats aguerris, par des Juifs sur des Romains. En même temps, leurs machines de traits entraient en jeu, atteignant ceux des Juifs qui bondissaient en avant ; l'homme qui tombait devenait un obstacle pour le suivant, et le péril de poursuivre leur course faisait faiblir les autres. De ceux qui parvinrent en courant à l'intérieur de la ligne des projectiles, les uns étaient effrayés, avant d'en venir aux mains, par le bel ordre et les rangs serrés des ennemis, les autres étaient piqués par le fer des lances. Tous faisaient prompte retraite, s'accusant mutuellement de couardise, sans avoir obtenu de résultats. Cette tentative eut lieu le premier jour du mois de Panemos (20 juillet 70).

 

Quand les Juifs se furent ainsi retirés, les Romains firent avancer les hélépoles ; du haut de la tour Antonia, les Juifs lançaient sur eux des pierres, du feu, du fer et tous les projectiles que le besoin leur faisait employer. Car, malgré la grande confiance qu'ils avaient dans le rempart et leur mépris des machines, ils empêchaient par tous les moyens les Romains de les mettre en batterie. Ceux-ci, de leur côté, croyaient que l'effort des Juifs pour repousser les coups loin de la tour Antonia n'avait d'autre cause que la faiblesse du rempart ils avaient l'espoir d'en trouver les fondations à demi ruinées, et redoublaient d'ardeur. Cependant les battements du bélier ne cessaient pas malgré la grêle incessante de traits, les Romains ne reculaient devant aucun des dangers qui les menaçaient du sommet de la tour, mais assuraient l'action des hélépoles. Quand ils virent qu'ils avaient pourtant le dessous et que les pierres les écrasaient, un groupe d'autres soldats, élevant leurs boucliers au-dessus de leurs corps, creusèrent les fondations de la tour avec leurs mains et à l'aide de leviers ; ils descellèrent ainsi, au prix de grands efforts, quatre blocs de pierre. La nuit interrompit les hostilités : mais pendant la nuit le mur, battu par les béliers, s'écroula soudain à l'endroit où Jean avait pratiqué une mine, dans l'adroite tentative qu'il avait dirigée contre les premiers terrassements : la mine avait cédé.

 

Cet accident produisit dans les deux partis des sentiments singuliers, car les Juifs, chez qui le découragement eût été naturel, prirent confiance parce qu'Antonia restait debout, parce que la chute du mur n'avait pas été inattendue pour eux, parce qu'ils s'étaient prémunis contre cet événement ;  en revanche, la joie des Romains devant cet écroulement fut bientôt atténuée, à la vue d'un second mur que les compagnons de Jean avaient élevé à l'intérieur, derrière le premier. Il est vrai qu'une nouvelle attaque contre ce mur paraissait plus aisée que la précédente, car l'escalade serait facilitée par les décombres, et l'on croyait ce mur moins solide que celui de la forteresse. Construction provisoire, il devait bientôt céder ; cependant nul n'osait y monter, car la mort était inévitable pour ceux qui s'y risqueraient les premiers.

 

Titus, pensant que l’espérance et les discours excitent le mieux l'ardeur des combattants, que les exhortations et les promesses font souvent oublier les dangers, parfois même font mépriser la mort, réunit les soldats les plus vaillants et fit ainsi l'épreuve de leur courage :

 

« Camarades, dit-il, exhorter à une action qui ne comporte pas de danger immédiat, est chose sans gloire pour ceux qu'on exhorte et peu honorable pour celui qui prend la parole. Seules les entreprises hasardeuses réclament une exhortation, car, pour les autres, il convient qu'on les accomplisse spontanément. Aussi vous avouerai-je d'abord que l'escalade du mur est difficile, mais qu'il appartient surtout à des hommes épris de vertu de combattre des difficultés ; qu'une mort glorieuse est belle, et que la noblesse de l'action ne doit pas rester sans récompense pour ceux qui s'y risquent les premiers ; voilà ce que je veux vous assurer.

 

« Ce qui doit être pour vous un stimulant, et ce qui peut-être en découragerait d'autres, c’est la patience éprouvée des Juifs et leur constance au milieu des revers ; car il serait honteux que des Romains, que mes soldats, qui, en paix, ont été instruits de l'art de la guerre et se sont fait, en guerre, une habitude de la victoire, fussent inférieurs aux Juifs pour la force des bras ou de l'âme, et cela quand la victoire s'achève, quand ils ont la Divinité avec eux. Car nos échecs sont dus seulement au désespoir des Juifs, et leurs malheurs s'accroissent par vos vertus et l'assistance divine. La sédition, la famine, le siège, ces murs qui tombent sans l'aide des machines, de quoi cela peut-il témoigner sinon de la colère divine contre les Juifs et de la protection que Dieu nous donne ? Ainsi, nous laisser vaincre par ceux qui ne nous valent pas, et surtout trahir l'alliance divine, voilà ce qui serait indigne de nous.

 

« Pour les Juifs, la défaite n'est pas une honte, car ils ont déjà connu la servitude ; et cependant, pour s'y soustraire, ils méprisent la mort, ils s'élancent contre nous, non qu'ils espèrent vaincre, mais pour faire montre de leur courage. Quelle disgrâce ce serait pour nous, maîtres de presque toute la terre et de la mer, pour vous à qui c'est déjà un opprobre de ne pas vaincre, si vous ne risquiez pas une seule attaque contre les ennemis, si vous restiez oisifs, avec des armes si puissantes, attendant l’œuvre de la famine et de la Fortune pour les abattre, alors qu'un coup d'audace, sans trop de péril, peut vous assurer un plein succès ! Si donc nous faisons l'escalade de la forteresse Antonia, la ville sera à nous ; car même à supposer, ce que je ne crois pas, qu'il faille encore livrer, à l'intérieur un combat contre les Juifs, l'occupation des hauteurs et le poids dont nous pèserons sur les poitrines ennemies nous promettent une complète et rapide victoire.


« Pour moi, je m'abstiens maintenant de célébrer la mort au champ d'honneur et l'immortalité de ceux qui succombent en proie à la fureur de la guerre ; je souhaite seulement à ceux qui pensent autrement de mourir de maladie pendant la paix, eux dont l'âme est condamnée à la tombe en même temps que le corps. Car quel homme brave ignore le sort des âmes que le fer sépare de la chair sur le champ de bataille ? L'éther, le plus pur des éléments, leur donne l'hospitalité, et une place parmi les astres ; elles se révèlent à leur postérité comme de bons génies et des héros bienveillants ; mais les âmes qui se sont consumées dans des corps malades et en même temps que ceux-ci, fussent-elles le plus exemptes possible de taches et de souillures, sont anéanties dans la nuit souterraine, plongées dans un profond oubli ; leur vie, leur corps et leur souvenir trouvent une fin commune. Si d'ailleurs la mort est inéluctable pour tous les hommes, le fer en est un ministre moins cruel que la maladie. Quelle lâcheté n'est-ce donc pas de refuser au bien public ce que nous devrons à la nécessité !


« Je viens de vous parler comme si les auteurs de cette tentative devaient inévitablement périr ; mais les hommes valeureux peuvent se tirer même des circonstances les plus critiques. Car, d'abord, la brèche se prête à l'escalade ; puis, toute la partie récemment construite est facile à détruire. Vous êtes plus nombreux ; agissez donc avec audace, vous prêtant les uns aux autres confiance et soutien, et bientôt votre fermeté brisera le courage des ennemis. Peut-être même obtiendrez-vous le succès sans répandre votre sang, dès les premières tentatives ; il est vraisemblable qu’en vous voyant monter, les Juifs s'efforceront de vous arrêter ; mais si vous échappez à leur surveillance et si vous vous frayez une fois un chemin, il se peut que leur résistance s'effondre, quand même vous n'auriez été que peu à l'éluder. Quant à celui qui montera le premier, j'aurais honte de ne pas faire de lui un homme enviable, chargé d'honneurs ; le survivant commandera désormais à ceux qui sont maintenant ses égaux, et ceux qui tomberont seront suivis dans la tombe du prix réservé à la valeur.»

 

Telles étaient les paroles de Titus. Tandis que la multitude hésitait devant la grandeur du péril, un certain Sabinus, soldat des cohortes, Syrien de naissance, montra l'excellence de son courage et de son bras. A le voir, à le juger d'après l'apparence, on ne l'eût pas même pris pour un soldat moyen. Il était noir de peau, maigre, émacié ; mais une âme héroïque habitait ce petit corps, d'une gracilité disproportionnée à sa vigueur. Il se leva donc le premier : "C'est avec empressement, César, dit-il, que je me donne à toi. Je serai le premier à gravir la muraille. Et je prie que ta fortune accompagne ma force et ma volonté ; si une Némésis me refuse le succès, sache que je n'en serai pas surpris, mais que j'ai choisi délibérément de mourir à ton service". Ayant ainsi parlé, il étendit de sa main gauche son bouclier au-dessus de sa tête, tira son glaive de la droite et marcha vers le mur, exactement à la sixième heure du jour, suivi de onze autres, les seuls qui voulussent rivaliser avec son courage. Il les guidait tous, comme animé d'une ardeur surhumaine. Cependant les gardes du mur lançaient contre eux des javelots, les accablaient de toutes parts d'innombrables traits, faisaient rouler d'énormes blocs de pierre qui entraînèrent quelques-uns des onze ; mais Sabinus, faisant face aux projectiles, et couvert de traits, n'arrêta pas son élan avant d'avoir atteint le sommet du mur et mis en fuite les ennemis. Les Juifs, frappés d'effroi devant sa vigueur et son intrépidité, croyant aussi que plusieurs autres étaient montés avec lui, prirent la fuite. C'est ici que l'on pourra blâmer la Fortune comme envieuse des vertus et toujours prête à arrêter le succès des entreprises extraordinaires. Au moment même où cet homme avait réalisé son dessein, il glissa, heurta une grosse pierre et, avec un grand fracas, tomba la tête en avant sur elle alors les Juifs se retournèrent, et le voyant seul, étendu sur le sol, ils le frappèrent de toutes parts. Il s'était redressé sur un genou, et, s'abritant sous son bouclier, se défendit d'abord et blessa beaucoup de ses adversaires qui l'approchaient  mais bientôt, accablé lui-même de blessures, il laissa tomber son bras et enfin, avant de rendre l'âme, fut enseveli sous une nuée de traits. La bravoure de ce soldat le rendait assurément digne d'un meilleur sort ; mais sa fin fut bien en rapport avec l'audace héroïque de son entreprise. Quant à ses compagnons, trois, qui approchaient déjà du sommet, furent écrasés et tués à coup de pierres ; huit furent rejetés en bas et blessés ; on les rapporta au camp. Ces événements se passèrent le 3 du mois du Panemos (22 juillet 70).

 

Deux jours après, vingt gardes, en sentinelle sur les terrassements, se réunirent, s'adjoignirent le porte-enseigne de la cinquième légion, deux cavaliers des cohortes et un trompette. A la neuvième heure de la nuit, ils s'avancent doucement à travers les ruines de la brèche vers la tour Antonia, massacrent les premiers gardes qu'ils trouvent endormis, occupent la muraille et ordonnent au trompette de sonner. A ce bruit, les autres gardes s'éveillent soudain et s'enfuient, avant que nul d'entre eux eût pu distinguer le nombre des assaillants : car leur effroi et le son de la trompette leur firent supposer qu'une multitude d'ennemis avait escaladé le mur.

 

César, entendant le signal, fait prendre rapidement les armes à ses troupes, et monte le premier avec ses officiers, entouré de ses soldats d'élite. Les Juifs s'étaient enfuis dans le Temple ; les Romains tentaient aussi d'y pénétrer par la mine que Jean avait fait creuser contre les premiers terrassements. Les factieux des deux troupes de Jean et de Simon, séparés en deux corps, s'efforcèrent de repousser les Romains, avec une force et une ardeur qui ne laissaient rien à désirer : car ils estimaient que l'entrée des Romains dans le sanctuaire marquerait la prise complète de la ville, tandis que les Romains y voyaient le prélude de la victoire. Un violent combat se déchaîna donc autour des portes, les uns s'efforçant de conquérir le sanctuaire même, les autres les refoulant du côté de la tour Antonia. Ni les uns ni les autres ne pouvaient se servir de traits ou de javelots ; tirant leurs épées, Romains et Juifs luttaient corps à corps. La mêlée fut telle qu'on ne pouvait absolument discerner dans quel parti chacun combattait : les hommes se heurtaient confusément, intervertissaient  leurs rangs dans un étroit espace et la clameur immense qui s'élevait était indistincte par sa violence même. Des deux parts, le massacre fut grand : les corps de ceux qui tombaient et leurs armures étaient foulés, écrasés aux pieds des combattants.

 

Continuellement, de quelque côté que le flot de la guerre se tournât, on entendait les cris de triomphe des vainqueurs, exhortant leurs camarades, et les gémissements des vaincus. On n'avait de place ni pour la fuite ni pour la poursuite : des flux et des reflux égaux passaient dans les lignes confuses de la mêlée. Ceux qui étaient en avant se trouvaient dans la nécessité de tuer ou d'être tués : il n'y avait pas moyen d'échapper, car les autres des deux partis, par derrière, poussaient devant eux leurs compagnons, ne leur laissant pas même l'espace nécessaire pour frapper. Cependant la fureur des Juifs l'emporta sur l'expérience des Romains, dont les lignes commençaient déjà à fléchir sur tous les points. Le combat avait duré depuis la neuvième heure de la nuit jusqu'à la septième du jour. Les Juifs, en masses épaisses, puisaient dans le péril de la ville un surcroît de courage ; les Romains ne disposaient que d'une partie de leurs forces, parce que les légions, espérance des combattants romains, n'avaient pas encore franchi l'enceinte. Il parut prudent, à ce moment, de s'en tenir à l'occupation d'Antonia.

 

Un certain Julien, centurion bithynien, homme assez distingué de naissance, le plus remarquable de tous ceux que j’aie connus, au cours de cette guerre, pour son expérience des armes, sa vigueur et son ferme courage, s’aperçut que les Romains commençaient à reculer et à se défendre mollement ; il se tenait alors près de Titus sur l'Antonia. Il s'élance et à lui seul repousse les Juifs déjà vainqueurs jusqu'à l'angle du Temple intérieur. La multitude fuyait en rangs pressés, croyant que tant de force et d'audace étaient surhumaines. Et lui, bondissant ça et là au milieu des ennemis qu'il dispersait, égorgeait ceux qu'il pouvait atteindre ; aucun spectacle ne parut plus étonnant à César, plus terrible aux autres. Mais Julien, lui aussi, fut poursuivi par la fatalité, à laquelle nul mortel n'échappe. Portant, comme tous les autres soldats, des sandales munies de nombreux clous pointus, il glissa en courant sur la mosaïque et tomba à la renverse en faisant résonner bruyamment ses armes. Les fuyards se retournèrent : les Romains de la tour Antonia, effrayés pour le centurion, poussèrent un cri d'angoisse, tandis que les Juifs, l'entourant en nombre, le frappaient de toutes parts à coups de piques et d'épées. Julien reçut souvent sur son bouclier les atteintes du fer ennemi : à plusieurs reprises, il essaya de se relever, mais fut rejeté par la foule des assaillants. Etendu comme il était, il n'en blessa pas moins un grand nombre de la pointe de son épée ; car il ne fut pas tué promptement, étant protégé par son casque et sa cuirasse qui abritaient les parties les plus vulnérables et rentrant le cou dans l'armure. Enfin, quand tous les membres furent hachés, comme personne n’osait lui porter secours, il s'effondra. César éprouva une cruelle douleur en voyant mourir un homme si distingué, sous les yeux d'un si grand nombre de soldats. La disposition des lieux empêchait l'empereur de venir à son aide, malgré son désir ; ceux qui le pouvaient furent retenus par la crainte. C'est ainsi que Julien, subissant une mort très lente, fut égorgé à grand'peine ; il laissait d'ailleurs peu d'adversaires qui ne fussent blessés. Il laissait aussi un souvenir très honorable, non seulement aux Romains et à César, mais à leurs ennemis.

 

Les Juifs enlevèrent son corps, repoussèrent de nouveau les Romains et les enfermèrent dans l'Antonia. Du côté des Juifs, ceux qui se distinguèrent surtout dans ce combat furent Alexas et Gypthéos, qui appartenaient à l'armée de Jean ; parmi les compagnons de Simon, Malachie, Judas, fils de Merton, Jacob fils de Josas, chef des Iduméens ; parmi les zélateurs, deux frères, fils d'An, Simon et Judas.

 

Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs contre les Romains, Livre VI, I Œuvres complètes de Flavius Josèphe, bnf.fr

 

Arch of Titus, Menorah

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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 17:30

Mon coeur, lassé de tout, même de l'espérance,
N'ira plus de ses voeux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d'un jour pour attendre la mort.

 

Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée :
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couvrent tout entier de silence et de paix.

 

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon ;
Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

 

La source de mes jours comme eux s'est écoulée,
Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour :
Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée
N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour.

 

La fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne,
M'enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux ;
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon âme s'assoupit au murmure des eaux.

 

Ah ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.

 

J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie,
Je viens chercher vivant le calme du Léthé ;
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie
L'oubli seul désormais est ma félicité.

 

Mon coeur est en repos, mon âme est en silence ;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
A l'oreille incertaine apporté par le vent.

 

D'ici je vois la vie, à travers un nuage,
S'évanouir pour moi dans l'ombre du passé ;
L'amour seul est resté : comme une grande image
Survit seule au réveil dans un songe effacé.

 

Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,
Ainsi qu'un voyageur, qui, le coeur plein d'espoir,
S'assied avant d'entrer aux portes de la ville,
Et respire un moment l'air embaumé du soir.

 

Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ;
L'homme par ce chemin ne repasse jamais :
Comme lui, respirons au bout de la carrière
Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix.

 

Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,
Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ;
L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.

 

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours ;
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

 

De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore ;
Détache ton amour des faux biens que tu perds;
Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore,
Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.

 

Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre,
Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon,
Avec le doux rayon de l'astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.

 

Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence ;
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l'esprit parle dans son silence,
Qui n'a pas entendu cette voix dans son coeur ?

 

LAMARTINE, Le Vallon (août 1819)

 

Jean-Baptiste-Camille Corot - The Solitude 

La Solitude, Corot

 

 

Méditations poétiques

Méditations poétiques, Nouvelles méditations poétiques

 

" Plus je montais, plus je voyais Dieu. " (Nouvelles méditations poétiques)

 

 

Ce vallon est situé dans les montagnes du Dauphiné, aux environs du grand Lemps ; il se creuse entre deux collines boisées, et son embouchure est fermée par les ruines d’un vieux manoir qui appartenait à mon ami Aymon de Virieu. Nous allions quelquefois y passer des heures de solitude, à l’ombre des pans de murs abandonnés que mon ami se proposait de relever et d’habiter un jour. Nous y tracions en idée des allées, des pelouses, des étangs, sous les antiques châtaigniers qui se tendaient leurs branches d’une colline à l’autre.

 

Un soir, en revenant au grand Lemps, demeure de sa famille, nous descendîmes de cheval, nous remîmes la bride à de petits bergers, nous ôtâmes nos habits, et nous nous jetâmes dans l’eau d’un petit lac qui borde la route. Je nageais très-bien, et je traversai facilement la nappe d’eau ; mais, en croyant prendre pied sur le bord opposé, je plongeai dans une forêt sous-marine d’herbes et de joncs si épaisse, qu’il me fut impossible, malgré les plus vigoureux efforts, de m’en dégager. Je commençais à boire et à perdre le sentiment, quand une main vigoureuse me prit par les cheveux et me ramena sur l’eau, à demi noyé. C’était Virieu, qui connaissait le fond du lac, et qui me traîna évanoui sur la plage. Je repris mes sens aux cris des bergers.
 
Depuis ce temps, Virieu a rebâti en effet le château de ses pères sur les fondements de l’ancienne masure. Il y a planté des jardins, creusé des réservoirs pour retenir le ruisseau du vallon ; il a inscrit une strophe de cette Méditation sur un mur, en souvenir de nos jeunesses et de nos amitiés ; puis il est mort, jeune encore, entre les berceaux de ses enfants.

 

Lamartine 

Commentaire de l'édition de 1860

 

Reserve-Grand-Lemps

Le Grand Lemps aujourd'hui

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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 11:30

Ce qui est sûr, c'est que Simon ne fit pas mourir Matthias, auquel il avait dû la possession de la ville, sans lui infliger des tourments. Ce Matthias était fils de Boethos, d'une famille de grands-prêtres : il était de ceux en qui le peuple avait le plus de confiance et qu'il estimait le plus. Lorsque la multitude fut maltraitée par les zélateurs auxquels Jean s'était déjà joint. Matthias avait persuadé au peuple d'introduire dans la ville Simon pour la protéger ; il n'exigea de celui-ci aucune convention, ne s'attendant à rien de mal de sa part. Mais quand Simon fut entré et devenu le maître de la ville, il vit en Matthias un ennemi comme les autres et attribua le conseil qu'il avait donné en sa faveur à la simplicité de son esprit. Il le fit alors arrêter, accuser de sympathie pour les Romains, condamner à mort, avec trois de ses fils, sans lui laisser le droit de se défendre. Le quatrième fils, qui devança les poursuites, s'enfuit auprès de Titus. Comme Matthias suppliait qu'on le fit mourir avant ses enfants et sollicitait cette faveur pour prix de ce qu'il lui avait ouvert les portes de la ville, Simon ordonna de le tuer le dernier. Matthias  fut donc égorgé après avoir vu massacrer ses fils ; on l'avait conduit en vue des Romains, suivant les instructions que Simon donna à Ananos, fils de Bagadata, le plus féroce de ses gardes ; il disait en plaisantant que peut-être Matthias recevrait ainsi des secours de ceux auprès desquels il avait le dessein de se rendre. Il défendit en outre d'ensevelir les cadavres. Après ces citoyens, on mit à mort le grand-prêtre Ananias, fils de Masbal, un des notables, Aristée, scribe du Conseil (Sanhédrin), natif d'Emmaüs, et en même temps quinze autres citoyens de distinction. On enferma et l'on garda en observation le père de Josèphe. Une proclamation défendit toute conversation, tout rassemblement, par peur de trahison ; ceux qui se lamentaient ensemble étaient mis à mort sans procès.

 

A la vue de ces exécutions, un certain Judas, fils de Judas, qui était un des lieutenants de Simon et avait été chargé par lui de garder une tour, cédant peut-être à un sentiment de pitié pour ces hommes si cruellement massacrés, mais pensant surtout à sa propre sûreté, réunit les plus fidèles de ses subordonnés, au nombre de dix : "Jusqu'à quand, dit-il, lutterons-nous contre ces maux ? Quelle espérance de salut nous reste, si nous sommes fidèles à un scélérat ? N'avons-nous pas déjà contre nous la faim ? Les Romains ne sont-ils pas, ou peu s'en faut, dans nos murs ? Simon est déjà infidèle même à ses bienfaiteurs : n'avons-nous pas à craindre d'être maltraités par lui, alors que la foi des Romains est chose sûre ? Eh bien, en livrant le rempart, nous nous sauverons, nous et la ville. Simon ne souffrira pas trop durement si, désespérant de lui-même, il porte un peu plus tôt la peine qui lui est due". Ces dix hommes furent gagnés par le discours de Judas, qui, à l'aurore, envoya le reste de ses compagnons de divers côtés, pour ne rien laisser découvrir de ses desseins ; lui-même, à la troisième heure, du haut de sa tour, appela les Romains. Quelques-uns de ceux-ci répondaient par le dédain, d'autres par la méfiance, et presque tous restaient inactifs, persuadés qu'ils allaient, dans peu de temps, prendre sans danger la ville. Sur ces entrefaites, comme Titus s'avançait vers la muraille avec de l'infanterie, Simon, prévenu à temps, le devance, se saisît rapidement de la tour, arrête et tue les hommes, sous les yeux des Romains et, après les avoir mutilés, jette les cadavres au pied de la muraille.

 

Cependant Josèphe, qui faisait le tour de la ville sans interrompre ses exhortations, fut frappé d'une pierre à la tête ; étourdi, il tomba sans connaissance. Aussitôt les Juifs s'élancent vers son corps, et il eût été promptement traîné dans la ville, si César n'avait vite envoyé des soldats à son secours. Pendant le combat on enleva Josèphe, à peine conscient de ce qui se passait, et les factieux, croyant avoir tué celui qu'ils souhaitaient le plus de mettre à mort, poussèrent des cris de joie. La nouvelle se répandit dans la ville, et la partie encore épargnée de la multitude fut saisie de découragement, car elle croyait véritablement mort l'homme grâce à qui elle espérait pouvoir passer au parti romain. La mère de Josèphe apprit dans la prison la mort de son fils et dit à ses gardes : "Depuis Iotapata, j'en était certaine ; il ne m'a pas donné de joie de son vivant". Mais, gémissant en secret, elle disait à ses servantes qu'elle avait recueilli ce triste fruit de sa fécondité, de ne pas pouvoir ensevelir ce fils dont elle avait espéré recevoir ce dernier office. Cette fausse nouvelle ne tourmenta pas longtemps la mère et ne réjouit pas longtemps les brigands, car Josèphe revint bientôt de ce coup. S'avançant pour crier aux factieux qu'ils ne tarderaient pas à être punis de l'avoir blessé, il encouragea de nouveau le peuple à mettre sa confiance en lui. A sa vue, la multitude sentit du réconfort, tandis que les factieux étaient décontenancés.

 

Cependant, parmi les transfuges, les uns, que pressait la nécessité, s'élançaient bien vite du haut de la muraille ; les autres, feignant d'aller combattre, tenant des pierres dans les mains, fuyaient aussitôt vers les Romains. Mais un sort, plus terrible que les souffrances endurées dans leurs murs, les attendait au camp ; car l'abondance qu'ils trouvaient chez les Romains causait leur mort plus efficacement que la famine chez eux. Ils arrivaient, par suite de l'inanition, le corps enflé, semblables à des hydropiques ; ensuite, comme ils surchargeaient d'une nourriture, gloutonnement absorbée, leur estomac vide, ils en crevaient, à l'exception de ceux à qui l'expérience avait appris à régler leur appétit, et qui introduisaient peu à peu les aliments dans un corps déshabitué de ses fonctions. Une autre infortune attendait ceux qui étaient ainsi sauvés : un de ces transfuges, réfugié chez les Syriens, fut surpris tandis qu'il recueillait des pièces d'or parmi ses déjections. Ces hommes, en effet, avalaient des pièces d'or dans leur boisson, comme nous l'avons dit, parce que les factieux perquisitionnaient partout et que la ville contenait tant d'or que l'on achetait au prix de douze drachmes attiques les statères qui en valaient auparavant vingt-cinq. Aussi, quand cet expédient eut été découvert chez un seul de ces fugitifs, le bruit se répandit dans les camps que tous étaient pleins d'or ; sur quoi la foule des Arabes et des Syriens se mirent à ouvrir, pour le fouiller, le ventre des suppliants. Je ne crois pas que les Juifs aient subi de malheurs plus cruels : en une seule nuit, plus de deux mille furent ainsi éventrés.

 

Quand Titus apprit cette horrible chose, peu s'en fallut qu'il ne fit cerner par la cavalerie et tuer à coups de javelots les coupables : mais il fut retenu par le grand nombre de ceux qu'il devait punir, et qui surpassait de beaucoup le nombre des morts. Il appela donc les chefs des troupes alliées et ceux des légions, car on accusait même du crime quelques légionnaires : il déclara qu'il était irrité contre les uns et les autres, voyant quelques-uns de ceux qui servaient sous lui commettre de pareils forfaits pour un profit incertain, sans respecter leurs propres armes, ornées d'argent et d'or. Il est indigné que les Arabes et les Syriens donnent ainsi libre cours à leurs basses convoitises dans une guerre étrangère, indigné aussi qu'ils fassent imputer aux Romains la cruauté dans le meurtre et la haine des Juifs ; car maintenant quelques-uns de ses soldats partagent avec lui-même cette triste réputation. Il les menaça donc de mort, s'il s'en trouvait encore pour oser un tel crime, et il ordonna aux officiers des légions de faire une enquête pour lui envoyer ceux qui seraient soupçonnés. Mais la cupidité, semble-t-il, ne s'effraye d'aucun châtiment, le terrible appétit du gain est inné à l'homme ; aucune passion n'égale en audace la soif d'acquérir. A la vérité, cette passion a par ailleurs des degrés et reste soumise à la crainte ; mais cette fois Dieu avait condamné tout le peuple et faisait tourner à la destruction des Juifs tout moyen de salut. Aussi le forfait que César avait défendu avec menaces était perpétré secrètement contre les transfuges ; avant même qu'ils eussent été vus de tous, les fugitifs étaient égorgés par les barbares qui couraient à leur rencontre : ceux-ci, prenant garde d'être aperçus de quelque Romain, leur fendaient le ventre et tiraient de leurs entrailles cet abominable gain. Ils ne le trouvaient que chez un petit nombre, et l'espérance seule faisait sacrifier la plupart en pure perte. Cette calamité ramena dans la ville beaucoup de transfuges.

 

Dès que les dépouilles du peuple manquèrent à Jean, il recourut au pillage sacrilège des objets sacrés, fit fondre un grand nombre d'offrandes du Temple et d'ustensiles nécessaires au culte, vases, plats, tables ; il n'épargna pas même les cratères envoyés par Auguste et son épouse. Car les souverains de Rome avaient les uns après les autres honoré et orné le Temple mais, à ce moment, c'était un Juif qui détruisait les offrandes des étrangers. Jean disait aussi à ses compagnons qu'on pouvait sans scrupule tirer parti des choses divines dans l'intérêt de Dieu, et que ceux qui défendaient le Temple pouvaient s'en nourrir. C'est ainsi qu'il épuisa le vin sacré et l'huile que les prêtres gardaient en réserve, dans le Temple intérieur, pour les holocaustes ; il les distribuait à la multitude qui le suivait, et ceux-ci se frottaient d'huile et buvaient le vin sans la moindre peur. Je veux dire tout de suite ce que la douleur m'inspire : je crois que, si les Romains avaient tardé à punir ces misérables, la ville eût été engloutie dans un abîme ou détruite par une inondation, ou qu'elle eût attiré sur elle la foudre de Sodome ; car elle a produit une race beaucoup plus impie que celle qui a subi ces châtiments, des hommes dont la fureur a entraîné avec elle la ruine de tout un peuple.

 

Mais à quoi bon raconter en détail ces malheurs ? En ces jours-là, Mannée, fils de Lazare, s'enfuit auprès de Titus et lui dit qu'on avait fait passer par une seule porte, dont la garde lui était confiée, 115.880 cadavres, et cela, depuis le jour où Titus avait établi son camp devant Jérusalem, c'est-à-dire depuis le quatorzième jour du mois de Xanthicos jusqu'au premier du mois de Panemos (20 juillet 70). Tous les morts appartenaient à la classe des gens sans ressources ; lui-même n'était pas affecté à cette surveillance, mais comme il distribuait, au nom de l'État, des secours d'argent, il devait nécessairement faire le compte des disparus. Les autres morts étaient ensevelis par leurs parents : la cérémonie consistait à transporter les cadavres hors de la ville et à les abandonner.

 

Après Mannée arrivèrent beaucoup de transfuges : c'étaient des personnages de condition, d'après lesquels la totalité des cadavres de pauvres, jetés hors des portes, s'élevait à 600.000 ; le nombre des autres ne pouvait être déterminé. Ils ajoutèrent que, comme on n'avait plus la force d'enlever les cadavres des pauvres, on les entassait dans les maisons les plus vastes, qui étaient ensuite fermées. On vendait, dirent-ils encore, la mesure de blé un talent ; quand il ne fut plus possible de cueillir de l'herbe, la ville étant entourée d'une enceinte fortifiée, plusieurs, pressés par le besoin, en vinrent à fouiller les ruisseaux et les excréments déjà anciens des bœufs, pour s'alimenter de ces déchets ; ce que leurs yeux n'eussent pu supporter autrefois devenait leur nourriture.

 

Les Romains, en apprenant ces horreurs, furent saisis de pitié, mais les factieux, qui les avaient sous les yeux, n'éprouvaient aucun regret ; ils acceptaient même pour eux de pareilles calamités, aveuglés par le Destin qui déjà s'appesantissait sur eux et sur la ville.

 

Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs contre les Romains, Livre V, XIII Œuvres complètes de Flavius Josèphe, bnf.fr

 

Arch of Titus, Menorah

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