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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

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SALVE REGINA

25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 19:00

Enfin, le mercredi 20 octobre 1699, le cardinal commanda d'enlever le pavé aux abords de l'autel.

 

 On déblaya ensuite la terre qui se trouvait sous les dalles, et on dégarnit les fondations du mur qui fermait l'enceinte souterraine. Ce mur ayant été attaqué lui-même, et une ouverture pratiquée avec beaucoup d'efforts dans son épaisseur, les regards pénétrèrent enfin dans l'espace vide qui s'étendait sous l'autel. Deux sarcophages de marbre blanc, placés côte à côte, à 3 pieds au-dessous du sol, apparurent aux yeux de Sfondrate. Ces deux tombeaux étaient directement sous l'autel qui leur correspondait par le conduit dont nous avons parlé.

 

Transporté d'une sainte joie, le cardinal songe à s'entourer de témoins respectables avant de procéder à l'ouverture des tombeaux. Il mande aussitôt l'évêque d'Isernia, vice-gérant du cardinal-vicaire, Jacques Buzzi, chanoine de la congrégation de Latran, et les Pères Pierre Alagona et Pierre Morra, de la Compagnie de Jésus. Ils arrivèrent bientôt accompagnés de plusieurs personnes de la maison du cardinal.

 

Après une nouvelle reconnaissance des lieux, on s'empressa d'ouvrir le premier tombeau, celui qui se trouvait le plus près de l'entrée du souterrain. Les ouvriers ayant enlevé la table de marbre qui le recouvrait, on aperçut dans l'intérieur un coffre en bois de cyprès. Ce cercueil ne présentait aucune trace de serrure, et la planche du dessus n'était point fixée avec des clous. Elle était fort mince et retenue au moyen d'une coulisse, en dedans de laquelle on pouvait la faire aller et venir. Sfondrate et les assistants furent quelque temps incertains sur les moyens qu'il leur fallait prendre pour ouvrir cette arche sacrée, que déjà tant d'indices leur désignaient comme celle-là même où reposait Cécile. Enfin le cardinal découvrit lui-même le moyen à employer, et de ses mains, tremblantes d'émotion, il enleva respectueusement le frêle obstacle qui dérobait la vue du corps de la vierge.

 

Le moment fut solennel. Après huit siècles d'obscurité et de silence, Cécile apparaissait encore une fois aux yeux des fidèles du Christ, dans l'ineffable majesté de son martyre. C'était bien encore dans l'intérieur du cercueil l'étoffe précieuse, quoique un peu fanée par le temps, dont Paschal avait fait garnir les parois. Les siècles avaient respecté jusqu'à la gaze de soie que le pontife avait étendue sur les restes glorieux de Cécile, et à travers ce voile transparent, l'or dont étaient ornés les vêtements de la vierge scintillait aux yeux des spectateurs.

 

Qui pourrait décrire le tressaillement de ces coeurs catholiques auxquels le ciel accordait la faveur de saluer les premiers, sur la couche de son repos triomphal, la martyre de l'âge héroïque qui se révélait ainsi à l'Eglise romaine, en ces jours de tempêtes, comme pour encourager par sa présence les nouveaux combats, et pour en certifier la récompense ? Ces héros de la foi catholique que l'on avait vus naguère verser leur sang, en Angleterre, en Hollande, et jusque sur les   mers,   dormaient   aussi   d'un   sommeil   de gloire, et Cécile se levant du tombeau leur souhaitait la paix, et proclamait par son exemple la vérité de cet oracle du Psalmiste : "Le Seigneur garde les ossements de ses serviteurs ; il ne s'en perdra pas un seul." (Psalm. XXXIII.)

 

Mais qui n'eût aspiré à contempler de plus près la dépouille mortelle de l'épouse du Christ ? Sfondrate leva enfin avec un profond respect le voile qui recouvrait le trésor que les mains d'Urbain et de Paschal avaient successivement confié à la terre, et les assistants eurent sous les yeux Cécile elle-même, dans toute la vérité de son sacrifice.

 

Elle était revêtue de sa robe brochée d'or, sur laquelle on distinguait encore les taches glorieuses de son sang virginal ; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Etendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l'avait sillonné ; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans toute sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle du bain. On se croyait reporté au jour où le saint évêque Urbain avait renfermé dans l'arche de cyprès le corps de Cécile, sans altérer en rien l'attitude que l'épouse du Christ avait choisie pour exhaler son âme dans le sein de son Epoux. On admirait aussi la discrétion de Paschal qui n'avait point troublé le repos de la vierge, et avait su conserver à la postérité un si grand spectacle.

 

L'arche  de  cyprès  devait  nécessairement  remonter jusqu'à la sépulture de Cécile par saint Urbain. On sent aisément qu'il eût été impossible, au neuvième siècle, de transférer le corps de la martyre dans un cercueil si étroit, sans déranger l'attitude et peut-être même sans disjoindre les membres.  On a dû remarquer que le Liber pontificalis, racontant les actes de religion du pontife Paschal envers la sainte, ne parle que de l'étoffe dont il fit garnir le cercueil, donnant assez clairement à entendre que ce cercueil existait antérieurement, et n'avait besoin que d'être décoré. La dimension assez faible du coffre de cyprès s'explique  aisément par la nécessité de l'insérer  dans   un   sarcophage.   Les   corps   des saints Valérien, Tiburce et Maxime étaient dans un sarcophage semblable,  mais étendus sur le dos, et simplement enveloppés de linceuls. Des savants protestants, Platner, Bunsen, etc., dans leur grand ouvrage sur Rome (Beschreibung der Stadt Rom., t. III, part, m), ne voient aucune difficulté à faire remonter l'attitude du corps de la sainte à sa première sépulture ; nous croyons avoir montré jusqu'à l'évidence qu'il faut rapporter au même temps le coffre de cyprès qui le contenait.

 

On dut procéder ensuite à la reconnaissance du second sarcophage ; il était contigu à celui de Cécile, mais il s'enfonçait plus avant sous l'autel, vers l'abside. L'ouverture en ayant été faite, on y trouva trois corps étendus séparément, côte à côte, et enveloppés d'un linceul. Le premier avait les pieds dans la direction du côté droit de l'autel ; la tête avait été enlevée. Le second corps était posé en sens contraire ; la tête s'y trouvait, mais détachée du tronc, et les pieds étaient tournés vers la gauche de l'autel. Le troisième était couché dans le même sens que le premier, mais la tête était encore adhérente au corps.

 

Il fut facile de reconnaître et de discerner, dans cet imposant triumvirat de martyrs, Tiburce, Valérien et Maxime. D'abord, l'inscription de Paschal, qu'on avait sous les yeux, énumérait dans ce même ordre les trois corps qu'il avait ensevelis auprès de Cécile. L'absence de la tête de celui qui occupait la première place ne permettait pas de douter que le corps appartînt à Tiburce, dont le chef, et non celui de Valérien, était conservé dans l'une des châsses du trésor de la basilique. Le second ne pouvait être que l'époux de Cécile, décapité comme son frère, et l'on remarqua que les ossements des deux martyrs témoignaient d'une ressemblance étonnante, en sorte que l'on était à même de conclure que les deux frères avaient souffert la mort dans un âge à peu près semblable.

 

Quant au troisième corps, on ne pouvait douter qu'il  ne fût  celui de Maxime.  Ce greffier d'Almachius n'avait pas eu la tête tranchée ; il avait été assommé avec un fouet armé de balles de plomb.  Le crâne offrait les traces les plus énergiques de ce supplice. On le trouva fracturé en plusieurs endroits, et, chose merveilleuse ! la chevelure brune du martyre, collée de sang, était conservée tout entière, comme si le Seigneur eût voulu montrer en lui l'accomplissement littéral de cette promesse qu'il avait faite à ses athlètes : "Pas un de vos cheveux ne se perdra." (Luc, XXI.) Les ossements de Maxime attestaient une taille beaucoup plus élevée que celle des deux frères,  et la tête était encore si adhérente au corps qu'il fallut beaucoup d'efforts à Sfondrate lorsqu'il voulut, comme nous le dirons bientôt, la séparer du tronc.

 

Le sépulcre où reposaient Urbain et Lucius ne fut point découvert en ce jour. On savait par le diplôme de Paschal et par son inscription qu'il devait exister près des deux autres; mais Sfondrate était empressé de revenir au tombeau de Cécile, à laquelle appartenait la principale part de gloire dans cette seconde invention comme dans la première.

 

Il fit enlever le cercueil de cyprès du sarcophage de marbre qui le contenait, et on le transporta aux flambeaux dans une pièce attenante à l'église et au monastère, qui servait pour entendre les confessions des religieuses.

 

On avait préparé à la hâte un autre coffre en bois, garni d'une étoffe de soie et fermant à clef. Sfondrate y déposa l'arche de cyprès qui contenait le précieux trésor auquel sa foi attachait tant de prix ; il ferma ensuite la serrure du coffre extérieur, et le scella de son sceau. On dressa une estrade dans la pièce où était déposé le corps de Cécile, afin d'élever la châsse à la hauteur d'une fenêtre grillée qui donnait sur l'église, à l'extrémité de la nef latérale qui s'étend à gauche en entrant dans la basilique. On avait cependant laissé approcher plusieurs peintres, auxquels il fut permis de dessiner le corps de la martyre.

 

Le bruit d'une si importante découverte se répandit promptement dans Rome, et prépara l'explosion de l'enthousiasme qui éclata les jours suivants.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 339 à 345)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 15:00

Cette journée est marquée par le triomphe de deux saints papes, et le septième Grégoire, en quittant la terre, est introduit dans le séjour céleste par un de ses prédécesseurs : Urbain, martyr par l'effusion de son sang ; Grégoire, martyr par les douleurs qu'éprouva sa grande âme. La cause était la même. Urbain donnait sa vie plutôt que de céder à la puissance terrestre qui eût voulu courber toute âme généreuse devant les idoles des faux dieux ; Grégoire préféra encourir toutes les disgrâces de cette vie plutôt que de laisser la sainte Eglise sous le joug de César. Tous deux embellissent le cycle pascal de leurs palmes et de leurs couronnes. Jésus ressuscité avait dit à Pierre : Suis-moi (JOHAN. XXI, 19). Pierre suivit son Maître jusqu'à la croix.

 

Héritiers de Pierre, Urbain et Grégoire se sont attachés à la suite du même chef, et nous saluons leur commun triomphe, en lequel brille la force invincible que le triomphateur de la mort a communiquée dans tous les siècles à ceux qu'il a choisis pour rendre témoignage ici-bas à la vérité de sa résurrection.

 

Voici maintenant le récit que la Liturgie romaine nous donne sur les œuvres et les mérites du saint pape Urbain : 

Urbain, né à Rome, gouverna l'Eglise au temps de l'empereur Alexandre Sévère. Par son enseignement et la sainteté de sa vie il convertit un grand nombre de personnes à la foi du Christ, entre autres Valérien, époux de la bienheureuse Cécile, et Tiburce, frère de Valérien, lesquels endurèrent plus tard le martyre avec un grand courage.

 

Il a écrit ces paroles au sujet des biens qui sont donnes à l'Eglise : " Les choses que les fidèles offrent au Seigneur ne doivent être employées que pour la subsistance des ministres de l'Eglise, des chrétiens nos frères et de ceux qui sont dans le besoin, parce  que ce sont les oblations des fidèles, le prix de la rémission de leurs péchés, et le patrimoine des pauvres."

 

Il siégea six ans, sept mois et quatre jours ; il reçut la couronne du martyre, et fut enseveli dans le cimetière de Prétextât, le huit des calendes de juin. En cinq ordinations qu'il tint au mois de décembre, il créa neuf prêtres, cinq diacres et huit évêques pour divers lieux.

 

Saint Pontife, nous célébrons votre triomphe avec une joie augmentée encore par l'anniversaire du départ de votre illustre successeur pour le séjour où vous l'attendiez dans la gloire. Du haut du ciel vous aviez suivi ses combats, et vous aviez reconnu que son courage n'était pas au-dessous de celui des martyrs. Lui, sur sa couche funèbre à Salerne, s'animait à la dernière lutte par la pensée de votre dernier combat en ce même jour. Ô lien merveilleux de l'Eglise triomphante et de l'Eglise militante ! ô sublime fraternité des saints ! ô espérance immortelle pour nos cœurs !

 

Jésus ressuscité nous convie à nous réunir à lui pour l'éternité. Chaque génération lui envoie ses élus, et ils viennent tour à tour se grouper au-dessous de ce divin Chef, comme autant de membres qui forment la plénitude de son corps. Il est le premier-né entre les morts, et il nous fera participer à sa vie, selon que nous aurons participé à ses souffrances et à sa mort. Priez, ô Urbain, afin que le désir de nous réunir à Jésus qui est la voie, la vérité et la vie, s'enflamme en nous toujours plus.

 

Rendez-nous supérieurs aux calculs terrestres, et donnez-nous de sentir toujours que tant que nous restons en ce monde, nous sommes exilés du Seigneur.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Le Pape Urbain Présidant la Conversion de Valérien, Fresque de l'Oratoire de Sainte Cécile

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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 04:00

Après avoir salué sur le cycle du Temps Pascal les deux noms illustres de Léon le Grand et de Pie V, nous nous inclinons aujourd'hui devant celui de Grégoire VII. Ces trois noms résument l'action de la Papauté dans la suite des siècles, après l'âge des persécutions. Le maintien de la doctrine révélée, et la défense de la liberté de l'Eglise : telle est la mission divinement imposée aux successeurs de Pierre sur le Siège Apostolique. Saint Léon a soutenu avec courage et éloquence la foi antique contre les novateurs ; saint Pie V a fait reculer l'invasion de la prétendue réforme, et arraché la chrétienté au joug de l'islamisme ; placé entre ces deux pontifes dans l'ordre des temps, saint Grégoire VII a sauvé la société du plus grand péril qu'elle eût encore éprouvé, et fait refleurir dans son sein les mœurs chrétiennes par la restauration de la liberté de l'Eglise.

 

Au moment où finissait le Xe siècle et commençait le XIe, l'Eglise de Jésus-Christ était en proie à l'une des plus terribles épreuves qu'elle ait rencontrées sur son passage en ce monde. Après le fléau des persécutions, après le fléau des hérésies, était arrivé le fléau de la barbarie. L'impulsion civilisatrice donnée par Charlemagne s'était arrêtée de bonne heure au IXe siècle, et l'élément barbare, plutôt comprimé que dompté, avait forcé ses digues. La foi demeurait encore vive dans les masses ; mais elle ne pouvait à elle seule triompher de la grossièreté des mœurs. Le désordre social provenant de l'anarchie que le système féodal avait déchaînée dans toute l'Europe, enfantait mille violences, et le droit succombait partout sous la force et la licence. Les princes ne rencontraient plus un frein dans la puissance de l'Eglise; car Rome elle-même asservie aux factions voyait trop souvent s'asseoir sur la chaire apostolique des hommes indignes ou incapables.

 

Cependant le XIe siècle avançait dans son cours, et le désordre semblait incurable. Les évêchés étaient devenus la proie de la puissance séculière qui les vendait, et les princes se préoccupaient surtout de rencontrer dans les prélats des vassaux disposés à les soutenir par les armes dans leurs querelles et leurs entreprises violentes. Sous un épiscopat en majeure partie simoniaque, comme l'atteste saint Pierre Damien, les mœurs du clergé du second ordre étaient tombées dans un affaissement lamentable ; et pour comble de malheur, l'ignorance, comme un nuage toujours plus sombre, s'en allait anéantissant de plus en plus la notion même du devoir. C'en était fait de l'Eglise et de la société, si la promesse du Christ de ne jamais abandonner son œuvre n'eût été inviolable.

 

Pour guérir tant de maux, pour faire pénétrer la lumière dans un tel chaos, il fallait que Rome se relevât de son abaissement, et qu'elle sauvât encore une fois la chrétienté. Elle avait besoin d'un Pontife saint et énergique qui sentît en lui-même cette force divine que les obstacles n'arrêtent jamais ; d'un Pontife dont l'action pût être longue et non passagère, et dont l'impulsion fût assez énergique pour entraîner ses successeurs dans la voie qu'il aurait ouverte. Telle fut la mission de saint Grégoire VII.

 

Cette mission, comme chez tous les hommes de la droite de Dieu, fut préparée dans la sainteté. Grégoire se nommait encore Hildebrand, lorsqu'il alla cacher sa vie dans le cloître de Cluny. Là seulement, et dans les deux mille abbayes confédérées sous la crosse de cet insigne monastère de France, on rencontrait le sentiment de la liberté de l'Eglise et la pure tradition monastique ; là était préparée depuis plus d'un siècle la régénération des mœurs chrétiennes, sous la succession des quatre grands abbés, Odon, Maïeul, Odilon et Hugues. Mais Dieu gardait encore son secret ; et nul n'eût découvert les auxiliaires de la plus sainte des réformes dans ces monastères qu'un zèle fervent avait attirés d'un bout de l'Europe à l'autre à cette alliance avec Cluny, par ce seul motif que Cluny était le sanctuaire des vertus du cloître.

 

Hildebrand chercha pour sa personne ce pieux asile, au sein duquel il espérait du moins fuir le scandale. L'illustre saint Hugues ne tarda pas à démêler le mérite du jeune Italien qui fut admis dans la grande abbaye française. Un évêque étranger se rencontra un jour avec le maître et le disciple. C'était Brunon de Toul, désigné par l'empereur Henri III pour être le Pontife de l'Eglise Romaine. Hildebrand s'émeut à la vue de ce nouveau candidat à la chaire apostolique, de ce pape que l'Eglise Romaine, qui seule a le droit d'élire son évêque, n'a pas élu, qu'elle ne connaît pas. Il ose dire à Brunon qu'il ne doit pas accepter les clefs du ciel de la main de César, que la conscience l'oblige à se soumettre humblement à l'élection canonique de la ville sainte. Brunon, qui fut saint Léon IX, accepte avec soumission l'avis du jeune moine, et tous deux ayant franchi les Alpes s'acheminent vers Rome. L'élu de César devint l'élu de l'Eglise Romaine ; mais Hildebrand n'eut plus la liberté de se séparer du nouveau Pontife. Il dut bientôt accepter le titre et les fonctions d'Archidiacre de l'Eglise Romaine.

 

Ce poste éminent l'eût élevé promptement sur la chaire apostolique, si Hildebrand eût eu une autre ambition que celle de briser les fers sous lesquels gémissait l'Eglise, et de préparer la reforme de la chrétienté. Mais cet homme de Dieu préféra user de son influence pour faire asseoir sur le siège de Pierre par la voie canonique et en dehors de la faveur impériale, une suite de Pontifes intègres et disposés à user de leur autorité pour l'extirpation des scandales. Après saint Léon IX, on vit passer successivement Victor II, Etienne IX, Nicolas II, et Alexandre II, tous dignes du suprême honneur. Mais il fallut enfin que celui qui avait été l'âme du pontificat sous cinq papes consentît à ceindre lui-même la tiare. Son grand cœur s'émut au pressentiment des luttes terribles qui l'attendaient ; mais ses résistances, ses tentatives pour se soustraire au lourd fardeau de la sollicitude de toutes les Eglises, demeurèrent infructueuses ; et sous le nom de Grégoire VII, le nouveau Vicaire du Christ fut révélé au monde. Il devait remplir toute l'étendue de ce nom qui signifie la Vigilance.

 

La force brute se dressait devant lui incarnée dans un prince audacieux et rusé, souillé de tous les crimes, et, comme un aigle ravisseur, tenant dans ses serres l'Eglise devenue sa proie. Dans les Etats de l'empire, nul évêque n'eût été souffert sur son siège, s'il n'eût reçu, par l'anneau et la crosse, l'investiture de César. Tel était Henri de Germanie, et à son exemple les autres princes anéantissaient par le même procédé toute liberté dans les élections canoniques. La double plaie de la simonie et de l'incontinence continuait à sévir sur le corps ecclésiastique. Les pieux prédécesseurs de Grégoire avaient fait reculer le mal par de généreux efforts ; mais aucun d'eux ne s'était senti la force de se mesurer corps à corps avec César, dont l'action désastreuse fomentait toutes ces corruptions. Un tel rôle, avec ses périls et ses angoisses, était réservé à Grégoire, et il n'y faillit pas.

 

Les trois premières années de son pontificat furent cependant assez pacifiques. Grégoire fit des avances paternelles à Henri. Il chercha, dans sa correspondance avec ce jeune prince, à le fortifier contre lui-même, en témoignant des espérances que les faits vinrent trop tôt démentir, en comblant des marques de sa confiance et de sa tendresse le fils d'un empereur qui avait bien mérité de l'Eglise. Henri crut devoir se contenir quelque temps, en face d'un pape dont il connaissait la droiture ; mais la digue céda enfin sous l'impétuosité du torrent, et l'adversaire du pouvoir spirituel se révéla tout entier. La vente des évêchés et des abbayes recommença au profit de César. Grégoire frappa d'excommunication les simoniaques, et Henri, bravant avec audace les censures de l'Eglise, persista à maintenir sur leurs sièges des hommes résolus à le suivre dans tous ses excès. Grégoire adressa au prince un solennel avertissement, lui enjoignant de rompre avec ces excommuniés, sous peine de voir arriver sur lui-même les foudres de l'Eglise. Henri, qui avait jeté le masque, se promettait de ne tenir aucun compte des menaces du Pontife, lorsque tout à coup la révolte de la Saxe, dont plusieurs des électeurs de l'Empire embrassaient la cause, vient l'inquiéter pour sa couronne. Il sent qu'une rupture avec l'Eglise peut, dans un tel moment, lui devenir fatale. On le voit alors s'adresser à Grégoire en le suppliant, solliciter de lui la sainte absolution, et abjurer sa conduite passée entre les mains de deux légats envoyés en Allemagne par le Pontife. Mais à peine ce monarque félon a-t-il triomphé pour un moment de la révolte saxonne, qu'il recommence la guerre contre l'Eglise. Il ose dans une assemblée d'évêques, dignes de lui, proclamer la déposition de Grégoire. Bientôt l'Italie le voit arriver à la tête de ses troupes, et sa venue donne à une foule de prélats le signal de la révolte contre un pape disposé à ne pas souffrir l'ignominie de leur vie.

 

C'est alors que Grégoire, dépositaire de ces clefs puissantes qui signifient le pouvoir de lier et de délier au ciel et sur la terre, prononce la terrible sentence qui déclare Henri privé de la couronne et ses sujets dégagés du serment de fidélité à sa personne. Le Pontife ajoute un anathème plus redoutable encore aux princes infidèles : il le déclare exclu de la communion de l'Eglise.

 

En s'opposant ainsi comme un rempart pour la défense de la société chrétienne menacée de toutes parts, Grégoire attirait sur lui l'effort de toutes les mauvaises passions ; et l'Italie était loin de lui offrir les garanties de fidélité sur lesquelles il eût eu droit de compter. César avait pour lui plus d'un prince dans la Péninsule, et les prélats simoniaques le regardaient comme leur défenseur contre le glaive de Pierre. Il était donc à prévoir que bientôt Grégoire n'aurait plus où mettre le pied dans toute l'Italie ; mais Dieu qui n'abandonne point son Eglise avait suscité un vengeur pour sa cause. A ce moment la Toscane et une partie de la Lombardie reconnaissaient pour souveraine la jeune et vaillante comtesse Mathilde. Cette noble femme se leva pour la défense du Vicaire de Dieu ; ses trésors, ses armées, elle les tint à la disposition du Siège Apostolique tant qu'elle vécut ; et ses domaines, elle les légua avant sa mort au Prince des Apôtres et à ses successeurs.

 

Au fort de ses succès, Henri eut donc à compter avec Mathilde. Cette princesse, qui balançait son influence en Italie, put soustraire à sa fureur le généreux Pontife. Par ses soins, Grégoire arriva sain et sauf à Canossa, forteresse inexpugnable près de Reggio. A ce moment même la fortune de Henri sembla vaciller. La Saxe relevait l'étendard de la révolte, et plus d'un feudataire de l'Empire se liguait avec les rebelles pour anéantir le tyran que l'Eglise venait de mettre au ban de la chrétienté. Henri eut peur pour la seconde fois, et son âme aussi perfide que lâche ne recula pas devant le parjure. Le pouvoir spirituel entravait ses plans sacrilèges : il osa penser qu'en lui offrant une satisfaction passagère, il pourrait le lendemain relever la tête. On le vit se présenter nu-pieds et sans escorte à Canossa, vêtu en pénitent et sollicitant avec de feintes larmes le pardon de ses crimes. Grégoire eut compassion de son ennemi, pour lequel Hugues de Cluny et Mathilde intercédaient à ses pieds. Il leva l'excommunication, et réintégra Henri au sein de l'Eglise ; mais il ne jugea pas à propos de révoquer encore la sentence par laquelle il l'avait privé des droits de souverain. Le Pontife annonça seulement l'intention de se rendre à la diète qui devait se tenir en Allemagne, de prendre connaissance des griefs que les princes de l'Empire avançaient contre Henri, et de décider alors selon la justice.

 

Henri accepta tout, prêta serment sur l'Evangile, et rejoignit son armée. L'espérance renaissait dans son cœur, à mesure qu'il s'éloignait de la redoutable forteresse dans les murs de laquelle il avait du sacrifier un instant son orgueil à son ambition. Il comptait sur l'appui des mauvaises passions, et son calcul jusqu'à un certain point ne fut pas trompé. Un tel homme devait finir misérablement ; mais Satan était trop intéressé à son succès pour ne pas lui venir en aide.

 

Cependant un rival s'élevait en Allemagne contre Henri : Rodolphe, duc de Souabe, appelé à la couronne dans une diète des électeurs de l'Empire. Grégoire, fidèle à ses principes de droiture, refusa d'abord de reconnaître cet élu, bien que son attachement à l'Eglise et ses nobles qualités le rendissent particulièrement recommandable. Le Pontife persistait dans son projet d'entendre dans l'assemblée des princes et des villes de l'Allemagne les griefs reprochés à Henri, de l'écouter lui-même, et de mettre fin aux troubles en prononçant un jugement équitable. Rodolphe insistait auprès du Pontife pour en obtenir la reconnaissance de ses droits ; Grégoire qui l'aimait eut le courage de résister à ses instances, et de remettre l'examen de sa cause à cette diète que Henri avait acceptée avec serment à Canossa, mais dont il craignait tant les résultats. Trois années se passèrent durant lesquelles la patience et la modération du Pontife furent constamment mises à l'épreuve par les délais de Henri, et par son refus d'assurer la sécurité de l'Eglise. Enfin le Pontife, dans l'impuissance de mettre un terme aux discussions armées qui ensanglantaient l'Allemagne et l'Italie, ayant constaté le mauvais vouloir de Henri et son parjure, lança de nouveau contre lui l'excommunication, et renouvela dans un concile tenu à Rome la sentence par laquelle il l'avait déclaré privé de la couronne. En même temps Grégoire reconnaissait l'élection de Rodolphe et accordait la bénédiction apostolique à ses adhérents.

 

La colère de Henri monta au comble, et sa vengeance ne garda plus de mesure. Parmi les prélats italiens les plus dévoués à sa cause, Guibert, archevêque de Ravenne, était le plus ambitieux et le plus compromis à l'égard du Siège Apostolique. Henri fit de ce traître un anti-pape, sous le nom de Clément III. Ce faux pontife ne manqua pas de partisans, et le schisme vint se joindre aux autres calamités qui pesaient déjà sur l'Eglise. C'était un de ces moments terribles où, selon l'expression de saint Jean, "il est donné à la bête de faire la guerre aux saints et de les  vaincre" (Apoc. XI, 7. ). Tout à coup la victoire se déclare en faveur de César. Rodolphe est tué dans une bataille en Allemagne, et les troupes de Mathilde sont défaites en Italie. Henri n'a plus qu'un vœu, celui d'entrer dans Rome, d'en chasser Grégoire et d'introniser son anti-pape sur la chaire de saint Pierre.

 

Au milieu de ce cataclysme effrayant d'où l'Eglise cependant devait sortir épurée et affranchie, quels étaient les sentiments de notre saint Pontife ? Il les décrit lui-même dans une lettre adressée à saint Hugues de Cluny : 

" Telles sont, lui dit-il, les angoisses auxquelles nous sommes en proie, que ceux-là même qui vivent avec nous, non seulement ne les peuvent plus souffrir, mais n'en supportent pas même la vue. Le saint roi David disait : En proportion de la douleur immense qui oppressait mon cœur, vos consolations, Seigneur, sont venues réjouir mon âme ; mais pour nous, bien souvent la vie est un ennui et la mort un vœu ardent. S'il arrive que Jésus, le tendre consolateur, vrai Dieu et vrai homme, daigne me tendre la main, sa bonté rend la joie à mon cœur affligé; mais pour peu qu'il se retire, mon trouble arrive à l'excès. En ce qui est de moi je meurs sans cesse ; en ce qui est de lui je vis par moments. Si mes forces défaillent tout à fait, je crie vers lui, je lui dis d'une voix gémissante : Si vous imposiez un fardeau aussi pesant à Moïse et à Pierre, ils en seraient, ce me semble, accablés. Que peut-il advenir de moi qui ne suis rien en comparaison d'eux ? Vous n'avez donc, Seigneur, qu'une chose à faire: c'est de  gouverner vous-même, avec votre Pierre, le pontificat qui m'est imposé ; autrement vous me verrez succomber, et le pontificat sera couvert de confusion en ma personne."

 

Ce cri de détresse qui s'échappe de l'âme du saint Pontife révèle son caractère tout entier. Le zèle pour les mœurs chrétiennes qui ne peuvent se conserver que par la liberté de l'Eglise, était le mobile de sa vie entière. Un tel zèle avait pu seul lui faire affronter cette situation terrible, dans laquelle il n'avait à recueillir en ce monde que les chagrins les plus cuisants. Et pourtant, Grégoire était ce père de la chrétienté qui, devançant ses successeurs, avait conçu dès les premières années de son pontificat la grande et courageuse pensée d'aller refouler l'islamisme jusqu'en Orient, et de briser par une descente chez le Sarrasin le joug des chrétiens opprimés. Il avait débuté dans ce projet par une lettre adressée à tous les fidèles. Il y montre l'ennemi du nom chrétien déjà sous les murs de Constantinople, et signalant sa férocité par d'horribles carnages :

" Si nous aimons Dieu, dit-il dans cette épître, si nous nous reconnaissons chrétiens, il nous faut gémir sur de tels désastres ; mais gémir ne suffit pas. L'exemple de notre Rédempteur et le devoir de la charité fraternelle nous imposent l'obligation de donner notre vie pour la délivrance de nos frères. Sachez donc que, rempli de confiance dans la miséricorde de Dieu et dans la puissance de son bras, nous faisons tout et nous préparons tout, afin de porter un prompt secours à l'empire chrétien."

 

Peu de temps après, il écrivait à Henri qui n'avait pas encore démasqué ses projets hostiles à l'Eglise :

" Mon avertissement aux chrétiens d'Italie et d'au delà des monts a été reçu avec faveur. Déjà plus de cinquante mille hommes se préparent, et s'ils peuvent compter sur moi comme chef de l'expédition et comme Pontife, ils marcheront à main armée contre les ennemis de Dieu, et avec le secours divin, ils iront jusqu'au sépulcre du Seigneur."

 

Ainsi le sublime vieillard ne reculait pas devant la pensée de se mettre lui-même à la tête de l'armée chrétienne :

" Une chose, dit-il, m'engage à exécuter ce projet : c'est l'état de l'Eglise de Constantinople qui s'écarte de nous sur le dogme du Saint-Esprit, et qui a besoin de rentrer en accord avec le Siège Apostolique. L'Arménie presque tout entière s'est éloignée de la foi catholique ; en un mot, la grande majorité des Orientaux ressent le besoin de connaître quelle est la foi de Pierre sur les diverses opinions qui ont cours chez eux. Le moment est venu d'user de la grâce que le miséricordieux Rédempteur a conférée à Pierre, en lui faisant ce commandement : J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères. Nos pères, dont notre désir est de suivre les traces, quoique indigne de leur succéder, ont plus d'une fois visité ces contrées pour y confirmer la foi catholique : nous donc aussi, nous nous sentons poussé, si le Christ nous ouvre la voie, à entreprendre cette expédition dans l'intérêt de la foi et pour aller au secours des chrétiens."

 

Dans sa loyauté accoutumée, Grégoire était allé jusqu'à compter sur le concours de Henri pour protéger l'Eglise durant son absence :

" Un tel projet, écrit-il à ce prince, demande un grand conseil et un secours puissant, si Dieu permet qu'il se réalise ; je viens donc te demander ce conseil et aussi ce secours, s'il t'est agréable. Si, par la faveur divine, je pars, après Dieu c'est à toi que je laisserai l'Eglise Romaine, afin que tu la gardes comme une mère sainte, et que tu protèges son honneur. Fais-moi savoir au plus tôt ce que tu auras décidé dans ta prudence aidée du conseil divin. Si je n'espérais pas de toi plus que d'autres ne croient, je t'aurais écrit ceci bien inutilement ; mais comme il peut se faire que tu ne te laisses pas aller à une entière confiance en l'affection que je te porte, je m'en remets à l'Esprit-Saint qui peut tout. Je le prie de te faire comprendre à sa manière l'attachement que j'éprouve pour toi, et de gouverner ton esprit, de façon à renverser les désirs des impies et à fortifier l'espérance des bons." (Data Romae, 7 idus decembris, indictione 13 (1074). ).

 

Moins de trois ans après avait lieu l'entrevue de Canossa ; mais au moment où Grégoire écrivait cette lettre à Henri, sa confiance dans l'expédition qu'il projetait était assez fondée, pour qu'il en fit part à la comtesse Mathilde :

" L'objet de mes pensées, écrit-il à la chevaleresque princesse, le désir que j'éprouve de passer la mer, pour venir au secours des chrétiens que les païens immolent comme un vil bétail, me cause de l'embarras vis-à-vis de plusieurs ; je crains d'être taxé par eux d'une certaine légèreté. Mais je n'ai aucune peine à te le confier, à toi, ma fille très chère, dont j'estime la prudence plus que tu ne saurais t'en rendre compte. Après avoir lu les lettres que j'envoie au delà des monts, si tu as un conseil à émettre, ou mieux encore à prêter un secours à la cause de Dieu ton créateur, fais en sorte d'y apporter tous tes soins ; car s'il est beau, comme on le dit, de mourir pour sa patrie, il est plus beau et plus glorieux encore de sacrifier la chair mortelle pour le Christ qui est l'éternelle vie. J'ai la confiance que beaucoup d'hommes de guerre nous viendront en aide dans cette expédition ; j'ai des raisons de penser que notre impératrice a l'intention de partir avec nous ; elle désire t'emmener avec elle. Ta mère demeurera dans ce pays, pour veiller à la défense des intérêts communs ; et toutes choses étant ainsi réglées, avec l'aide du Christ nous pourrions nous mettre en route. En venant ici pour satisfaire sa dévotion, l'impératrice, aidée de ton secours, pourra animer un grand nombre de personnes à cette sainte entreprise. Pour ce qui est de moi, honoré de la compagnie de si nobles sœurs, je passerai volontiers les mers, disposé à donner ma vie pour le Christ avec vous dont je désire n'être pas séparé dans la patrie éternelle. Adresse-moi promptement une réponse sur ce projet et sur ton arrivée à Rome, et daigne le Seigneur tout-puissant te bénir et te faire marcher de vertu en vertu, afin que la Mère universelle puisse se réjouir en toi durant de longues années !"

 

La pensée de Grégoire, à laquelle il se livrait avec tant d'enthousiasme, n'était pas uniquement un rêve généreux de sa grande âme ; c'était un pressentiment divin. Sa vie héroïque ne devait pas laisser place à une lointaine expédition ; il allait avoir à combattre un autre ennemi que le Sarrasin ; mais la croisade qu'il saluait avec tant d'ardeur n'était pas loin. Urbain II, son second successeur, comme lui moine de Cluny, devait sous peu d'années ébranler l'Europe chrétienne et la lancer sur l'ennemi commun. Mais puisque nous avons rencontré le nom de Mathilde, nous profiterons de cette occasion pour pénétrer plus intimement encore dans l'âme de notre grand Pontife. On verra comment cet illustre athlète de la liberté de l'Eglise savait unir à la hauteur et à la grandeur des vues la touchante sollicitude du plus humble prêtre pour l'avancement spirituel d'une âme :

" Celui-là seul qui pénètre le secret des cœurs, écrit-il à la pieuse princesse, peut connaître, et connaît mieux que moi encore, le zèle et la sollicitude que je porte à ton salut. Je me flatte que tu sais comprendre que je suis tenu à prendre soin de toi, en vue de tant de peuples pour l'intérêt desquels la charité m'a contraint de te retenir, lorsque tu songeais à les abandonner, afin de ne plus songer qu'au bien de ton âme. La charité, ainsi que je te l'ai dit souvent et que je te le dirai encore, d'après celui qui est la trompette du ciel, la charité ne cherche pas ce qui est de son intérêt. Mais comme entre les armes de défense que je t'ai fournies contre le prince du monde, la principale est de recevoir fréquemment le Corps du Seigneur, et de te livrer avec une entière confiance à la protection de sa Mère, dans cette lettre je veux te transcrire ce que le bienheureux Ambroise a pensé au sujet de la communion."

 

Le pieux Pontife insère ici deux passages du saint Docteur, qu'il fait suivre d'autres citations empruntées à saint Grégoire le Grand et à saint Jean Chrysostome sur le bienfait de la divine Eucharistie. Il continue ainsi :

" Nous devons donc, ô ma fille, recourir à ce merveilleux sacrement, aspirer à ce puissant remède. Je t'ai écrit cette lettre, ô fille du bienheureux Pierre, pour accroître encore ta foi et ta confiance, lorsque tu reçois le Corps du Seigneur. Tel est le trésor, tel est le bienfait, au-dessus de l'or et des pierres précieuses, que ton âme attend de moi dans son amour pour le Roi des cieux qui est ton père ; bien qu'il te fût possible d'obtenir par tes mérites quelque chose de meilleur en t'adressant à un autre ministre de Dieu. Quant à la Mère du Seigneur, à laquelle je t'ai confiée pour le passé, pour le présent et pour toujours, jusqu'à ce que nous puissions la contempler au ciel selon notre désir, je ne t'en entretiendrai pas aujourd'hui. Que pourrais-je dire qui fût digne de celle que le ciel et la terre ne cessent de combler de louanges, sans pouvoir atteindre à ce qu'elle mérite ? mais tiens ceci pour assuré, qu'autant elle est plus élevée, plus dévouée et plus sainte que toutes les autres mères, autant elle se montre miséricordieuse et tendre envers ceux et celles qui ont péché et qui s'en repentent. Renonce donc à toute inclination au péché, et prosternée devant elle, répands les larmes d'un cœur contrit et humilié. Tu la trouveras alors, je te le promets en toute assurance, plus empressée et plus affectueuse dans sa tendresse pour toi que ne saurait l'être une mère selon la chair." ( Datae Romae, 14 calendas martii (1074)

 

L'œil du Pontife que tant de sollicitudes ne pouvaient distraire de l'intérêt paternel qu'il portait à l'avancement d'une âme, allait chercher, malgré les distances, à travers la chrétienté, les hommes trop rares alors dont la sainteté et la doctrine devaient faire plus tard l'ornement et la lumière de l'Eglise. C'est ainsi que Grégoire avait découvert le grand Anselme, alors encore caché au fond de son abbaye du Bec. Du milieu de ses tribulations inouïes (1079), le Pontife adresse à l'Abbé cette lettre touchante :

" La bonne odeur de tes fruits, lui dit-il, s'est fait sentir jusqu'à nous. Nous en rendons à Dieu nos actions de grâces, et nous t'embrassons de cœur dans l'amour du Christ, assuré que nous sommes du succès que l'Eglise de Dieu retirera de tes études, et de l'aide que, par la miséricorde du Seigneur, lui apporteront, dans ses périls, tes prières jointes à celles qu'offrent au ciel ceux qui te ressemblent. Tu sais, mon frère, la puissance qu'exerce auprès de Dieu la prière du juste ; celle de plusieurs justes a plus de force encore ; il n'y a même pas lieu de douter qu'elle n'obtienne ce qu'elle implore. C'est l'autorité de la Vérité même qui nous oblige de le croire. C'est elle qui a dit : Frappez, et l'on vous ouvrira. Frappez avec simplicité, demandez avec simplicité, dans les choses qui lui sont agréables ; alors il vous sera ouvert, alors vous recevrez, et c'est en cette manière que la prière des justes sera exaucée. C'est pourquoi nous voulons que ta Fraternité et celle de tes moines s'adressent à Dieu par des prières assidues, afin qu'il daigne soustraire à l'oppression des hérétiques son Eglise et nous-même qui lui sommes préposé, quoique indigne, et que dissipant l'erreur qui aveugle nos ennemis, il les ramène au sentier de la vérité."

 

Mais l'œil de Grégoire ne s'arrêtait pas seulement sur des princesses comme Mathilde, sur des docteurs comme Anselme. Il savait découvrir jusque dans la mêlée l'humble et courageux blessé qui souffrait pour la cause de l'Eglise, et l'entourait d'une admiration et d'une tendresse qu'il n'eût pas éprouvée pour ces chefs dont la fidélité est au prix de la gloire. Qu'on lise cette lettre à un pauvre prêtre milanais que les simoniaques avaient mutilé d'une façon barbare :

" Si nous vénérons la mémoire des Saints qui sont morts après que leurs membres ont été tranchés par le fer, écrit-il à cet obscur soldat de l'Eglise, nommé Liprand, si nous célébrons les souffrances de ceux que ni le glaive, ni les souffrances n'ont pu séparer de la foi du Christ, toi à qui on a coupé le nez et les oreilles pour son nom, tu es plus digne de louanges encore d'avoir mérité une grâce qui, si elle est jointe à la persévérance, te donne une entière ressemblance avec les Saints. L'intégrité de ton corps n'existe plus ; mais l'homme intérieur qui se renouvelle de jour en jour, s'est développé en toi avec grandeur. Extérieurement les mutilations déshonorent ton visage ; mais l'image de Dieu, qui est le rayonnement de la justice, est devenue en toi plus gracieuse par ta blessure même, plus attrayante par la difformité qu'on a imprimée à tes traits. L'Eglise ne dit-elle pas elle-même dans le Cantique : Je suis noire, ô filles de Jérusalem. Si donc ta beauté intérieure n'a pas souffert de ces cruelles mutilations, ton caractère sacerdotal qui est saint, et qu'il faut reconnaître plutôt dans l'intégrité des vertus que dans celle des membres, n'en a pas été atteint davantage. N'a-t-on pas vu l'empereur Constantin baiser respectueusement au visage d'un évêque la cicatrice d'un œil qui avait été arraché pour le nom du Christ ? L'exemple des Pères et les anciennes écritures ne nous apprennent-ils pas qu'on maintenait les martyrs dans l'exercice du ministère sacré, même après la mutilation qu'ils avaient soufferte dans leurs membres ? Toi donc, martyr du Christ, sois plein d'assurance dans le Seigneur. Regarde-toi comme ayant fait un pas de plus dans ton sacerdoce. Il te fut conféré avec l'huile sainte ; aujourd'hui le voilà scellé de ton propre sang. Plus on t'a réduit, plus il te faut prêcher ce qui est bien, et semer cette parole qui produit cent pour un. Nous savons que les ennemis de la sainte Eglise sont tes ennemis et tes persécuteurs ; ne les crains pas, et ne tremble pas devant eux ; car nous gardons avec amour sous notre tutelle et sous celle du Siège Apostolique ta personne et tout ce qui t'appartient ; et s'il te devient nécessaire de recourir à nous, nous acceptons d'avance ton appel, disposé à te recevoir avec allégresse et grand honneur, lorsque tu viendras vers nous et vers ce saint Siège."

 

Tel était Grégoire, unissant la simplicité du cloître aux plus graves sollicitudes de la papauté. Et quelles sollicitudes, si nous oublions pour un moment l'affreuse crise au milieu de laquelle il disparut ! Nous venons de parler du projet de la croisade, qui plus tard a suffi à lui seul pour immortaliser Urbain II ; mais que d'œuvres diverses, que d'interventions pastorales dans tout le monde chrétien, qui font des douze années de ce pontificat si agité l'une des époques où la papauté, présente partout, semble avoir déployé le plus d'activité et de vigilance ! Dans sa vaste correspondance, Grégoire ne se borne pas à diriger les affaires de l'Eglise dans l'Empire, en Italie, en France, en Angleterre, en Espagne ; il soutient les jeunes chrétientés du Danemarck, de la Suède, de la Norwège ; la Hongrie, la Bohême, la Pologne, la Servie, la Russie elle-même, reçoivent ses lettres remplies de sollicitude. Malgré la rupture du lien de communion entre Rome et Byzance, le Pontife ne cesse pas ses interventions ; il voudrait arrêter le schisme qui emporte l'Eglise grecque loin de son orbite. Sur la côte d'Afrique, sa vigilance soutient encore trois évêchés qui ont survécu a l'invasion sarrasine.

 

Dans le but d'unifier la chrétienté latine, il resserre le lien de la prière publique, abolissant en Espagne la liturgie gothique, et faisant reculer au delà des frontières de la Bohême la liturgie de Byzance qui allait l'envahir. Quelle carrière pour un seul homme ; mais aussi quel martyre était réservé à ce grand cœur ! Il nous faut reprendre le récit, un moment suspendu, des épreuves de notre Pontife. Par lui l'Eglise et la société devaient être sauvées ; mais comme son Maître divin, il devait boire l'eau du torrent pour relever ensuite la tête (Psalm. CIX ). Nous l'avons vu humilié dans ses défenseurs, le sort des armes lui étant devenu contraire ; nous l'avons vu menacé par son vainqueur, après l'avoir tenu sous ses pieds ; nous l'avons vu en butte a un anti-pape dont la cause est soutenue par d'indignes prélats ; mais, ce n'est là encore que le commencement des douleurs (MATTH. XXIV, 8.).

 

Henri marche sur la ville sainte en la compagnie du faux vicaire du Christ. Un incendie allumé par sa main sacrilège menace de dévorer le quartier du Vatican ; Grégoire envoie sa bénédiction sur son peuple éperdu, et tout aussitôt la flamme recule et s'éteint. Un moment l'enthousiasme gagne les Romains, si souvent ingrats envers le Pontife qui est à lui seul la vie et la gloire de Rome. Prêt à consommer le sacrilège, Henri hésite et tremble. Il laissera tomber dans la poussière l'ignoble fantôme qu'il a voulu opposer au véritable pape ; il ne demande plus qu'une chose aux Romains : que Grégoire consente à lui donner l'onction sainte, et lui, Henri de Germanie, désormais empereur, se montrera fils dévoué de l'Eglise. Cette prière est transmise à Grégoire par la cité tout entière : "Je connais trop la fourberie du roi, répond le noble Pontife. Qu'il satisfasse d'abord à Dieu et à l'Eglise qu'il a foulée aux pieds : je pourrai alors absoudre son repentir, et placer sur sa tête convertie la couronne impériale". Les instances des Romains ne purent obtenir d'autre réponse de l'inflexible gardien du droit de la chrétienté. Henri allait s'éloigner, lorsque tout à coup cette population mobile, gagnée par d'infâmes largesses venues de Byzance (car tous les schismes s'entendent contre la papauté), se détache de celui qui est son roi et son père, et vient déposer les clefs de la ville aux pieds du tyran qui apporte la servitude des âmes. Grégoire se voit alors réduit à chercher un asile dans le fort Saint-Ange, et la liberté de l'Eglise y est assiégée avec lui.

 

C'est de là, ou peut-être quelques jours avant de s'y enfermer, qu'il écrit, en l'année 1084, cette lettre sublime adressée à tous les fidèles, et qui est comme le testament de sa grande âme :

" Les princes des nations et les princes des prêtres se sont réunis contre le Christ, Fils du Dieu tout-puissant, et contre son apôtre Pierre, pour éteindre la religion chrétienne et propager partout l'hérétique perversité. Mais, par la miséricorde de Dieu, ils n'ont pu, malgré leurs menaces, leurs cruautés et leurs promesses de gloire mondaine, entraîner dans leur impiété ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. D'iniques conspirateurs ont levé la main contre nous, uniquement parce que nous n'avons pas voulu couvrir du silence le péril de la sainte Eglise, ni tolérer ceux qui ne rougissent pas de réduire en servitude l'Epouse même de Dieu. En tout pays, la dernière des femmes peut se donner un époux à son gré avec l'appui des lois ; et voici qu'il n'est plus permis à la sainte Eglise, qui est l'Epouse de Dieu et notre mère, de demeurer unie à son Epoux, comme le demande la loi divine et comme elle le veut elle-même. Nous ne devons pas souffrir que les fils de cette Eglise soient asservis à des hérétiques, à des adultères, à des oppresseurs, comme si ceux-là étaient leurs pères. De là des maux de toute nature, des périls divers, des actes de cruauté inouïe, ainsi que vous pourrez l'apprendre de nos légats.

" Il a été dit au Prophète, comme le sait votre fraternité : Du sommet de la montagne, fais entendre des cris, et ne cesse pas. Poussé irrésistiblement, sans aucun respect humain, me mettant au-dessus de tout sentiment terrestre, j'évangélise à mon tour, je crie et je crie encore, et je vous annonce que la religion chrétienne, la vraie foi que le Fils de Dieu venu sur la terre nous a enseignée par nos pères, est menacée de se corrompre par l'envahissement de la puissance séculière, qu'elle tend à s'anéantir, à perdre sa couleur antique, exposée ainsi à la dérision non seulement de Satan, mais des sarrasins et des païens. Ces derniers du moins gardent leurs lois qui ne peuvent être utiles au salut des âmes, et qui n'ont point été garanties par des miracles comme la nôtre que le Roi éternel a attestée lui-même : ils les gardent et ils y croient. Nous chrétiens, enivrés de l'amour du siècle et trompés par une vaine ambition, nous faisons céder toute religion et toute honnêteté à la cupidité et à la superbe, nous semblons dépourvus de toute loi et comme insensés, n'ayant plus le souci qu'avaient nos pères du salut et de l'honneur de la vie présente et de la vie future, n'en faisant même pas l'objet de notre espérance. S'il s'en rencontre qui craignent encore Dieu, c'est uniquement de leur salut qu'ils s'occupent, et non de l'intérêt commun. Qui voit-on aujourd'hui se donner de la peine, exposer sa vie dans les fatigues par le motif de la crainte ou de l'amour du Dieu tout-puissant, tandis qu'on voit les soldats de la milice séculière braver tous les dangers pour leurs maîtres, pour leurs amis et même pour leurs sujets ? Des milliers d'hommes savent courir à la mort pour leurs seigneurs; mais s'agit-il du roi du ciel, de notre Rédempteur, loin de jouer ainsi sa vie, on recule devant l'inimitié de quelques hommes. S'il en est (et il en existe encore, par la miséricorde de Dieu, si peu que ce soit), s'il en est, disons-nous, quelques-uns qui, pour l'amour de la loi chrétienne, osent résister en face aux impies, non seulement ils ne trouvent pas d'appui chez leurs frères, on les taxe d'imprudence et d'indiscrétion, on les traite de fous.

" Nous donc qui sommes obligé par notre charge de détruire les vices dans les cœurs de nos frères et d'y implanter les vertus, nous vous prions et vous supplions dans le Seigneur Jésus qui nous a rachetés, de réfléchir en vous-mêmes, afin de bien comprendre pour quel motif nous avons à souffrir tant d'angoisses et de tribulations de la part des ennemis de la religion chrétienne. Du jour où, par la volonté divine, l'Eglise mère m'a établi, malgré ma grande indignité, et malgré moi, Dieu le sait, sur le trône apostolique, tous mes soins ont été pour que l'Epouse de Dieu, notre dame et mère, remontât à la dignité qui lui appartient, pour qu'elle se maintînt libre, chaste et catholique. Mais une telle conduite devait déplaire souverainement à l'antique ennemi ; c'est pourquoi il a armé contre nous ceux qui sont ses membres, et nous a suscité une opposition universelle. C'est alors que l'on a vu se diriger contre nous et contre le Siège Apostolique plus d'efforts violents qu'il n'en avait été tenté depuis les temps de Constantin le Grand. Mais que l'on ne s'en étonne pas ; il est naturel que plus le temps de l'Antéchrist approche, plus il mette d'acharnement à poursuivre l'anéantissement de la religion chrétienne."

 

Telle était à ce moment suprême l'indignation douloureuse du grand Pontife, presque seul contre tous, abattu par les revers, mais non vaincu De la forteresse où il avait abrité la majesté apostolique, il put entendre les impies vociférations du cortège qui conduisait à la basilique vaticane Henri, que son faux pape attendait à la Confession de saint Pierre. C'était le Dimanche des Rameaux 1085. Le sacrilège fut consommé. La veille, Guibert avait osé trôner dans la basilique de Latran ; et sous les palmes triomphales portées en l'honneur du Christ dont Grégoire était le vicaire, on vit l'intrus placer sur la tête du César excommunié la couronne de l'Empire chrétien ; mais Dieu préparait un vengeur à son Eglise. Au moment où le Pontife était serré dé plus près dans la forteresse qui lui servait d'abri, et qu'il semblait avoir tout à craindre de la fureur de son ennemi, Rome retentit tout à coup du bruit de l'arrivée du vaillant chef des Normands, Robert Guiscard. Cet homme de guerre est accouru pour mettre ses armes au service du Pontife assiégé, et pour délivrer Rome du joug des Allemands. Une panique soudaine s'empare du faux César et du faux pape ; l'un et l'autre prennent la fuite, et la cité parjure expie dans les horreurs d'un saccagement effroyable le crime de son odieuse trahison.

 

Le cœur de Grégoire fut accablé du désastre de son peuple. Impuissant à contenir la rage dévastatrice de ces barbares qui ne surent pas se borner à délivrer le Pontife, mais donnèrent carrière à toutes leurs cupidités au sein de celte ville qu'ils auraient dû châtier et non écraser ; menacé du retour de Henri qui comptait sur le ressentiment des Romains et se préparait à remplacer les Normands, lorsqu'ils auraient assouvi leurs convoitises, Grégoire sortit de Rome avec désolation, et, secouant la poussière de ses pieds, il alla demander asile au Mont-Cassin, et passer quelques heures dans ce sanctuaire du grand patriarche des moines. Le contraste des jours tranquilles de sa jeunesse abritée sous le cloître, avec les orages dont sa carrière apostolique n'avait cessé d'être agitée, dut se présenter à sa pensée. Errant, fugitif, abandonné, sauf d'une élite d'âmes fidèles et dévouées, il poursuivait sa douloureuse passion; mais son calvaire n'était pas éloigné, et le Seigneur ne devait pas tarder à le recevoir dans le repos de ses saints. Avant qu'il descendît de la sainte montagne, un fait merveilleux arrivé déjà plusieurs fois se manifesta de nouveau. Grégoire étant à l'autel et célébrant le saint Sacrifice, une blanche colombe parut tout à coup posée sur son épaule, et parlant à son oreille. Il ne fut pas difficile de reconnaître à ce symbole expressif l'action de l'Esprit-Saint qui dirigeait et gouvernait les pensées et les actes du saint Pontife.

 

On était dans les premiers mois de l'année 1085. Grégoire se rendit à Salerne, dernière station de sa vie si agitée. Ses forces l'abandonnaient de plus en plus. Il voulut cependant faire la dédicace de l'Eglise du saint évangéliste Matthieu dont le corps reposait dans cette ville, et d'une voix défaillante il adressa encore la parole au peuple. Ayant pris ensuite le Corps et le Sang du Sauveur, fortifié par ce puissant viatique, il reprit le chemin de sa demeure, et s'étendit sur la couche d'où il ne devait plus se relever. Image saisissante du Fils de Dieu sur la croix, comme lui dépouillé de tout et abandonné de la plupart des siens, ses dernières pensées furent pour la sainte Eglise qu'il laissait dans le veuvage. Il indiqua aux quelques cardinaux et évêques qui l'entouraient, les noms de ceux entre les mains desquels il verrait avec contentement passer sa laborieuse succession : Didier, Abbé du Mont-Cassin, qui fut après lui Victor III ; Othon de Châtillon, moine de Cluny, qui fut après Victor Urbain II ; et le fidèle légat Hugues de Die, que Grégoire avait fait archevêque de Lyon.

 

On interrogea le Pontife agonisant sur ses intentions relativement aux nombreux coupables qu'il avait dû frapper du glaive de l'excommunication. Là encore, comme le Christ sur la croix, il exerça miséricorde et justice : "Sauf, dit-il, le  roi Henri, et Guibert, l'usurpateur du Siège Apostolique, ainsi que ceux qui favorisent leur injustice et leur impiété, j'absous et bénis tous ceux qui ont foi en mon pouvoir comme étant celui des saints apôtres Pierre et Paul". Le souvenir de la pieuse et invincible Mathilde s'étant présenté à sa pensée, il confia cette fille dévouée de l'Eglise Romaine aux soins du courageux Anselme de Lucques, rappelant ainsi, comme le remarque le biographe de ce saint évêque, le don que Jésus expirant fit de Marie à Jean son disciple de prédilection. Trente années de luttes et de victoires furent pour l'héroïque comtesse le prix de cette bénédiction suprême.

 

La fin était imminente ; mais la sollicitude du père de la chrétienté survivait encore en Grégoire. Il appela l'un après l'autre ces hommes généreux qui entouraient sa couche, et leur fit prêter serment entre ses mains glacées de ne jamais reconnaître les droits du tyran, tant qu'il n'aurait pas donné satisfaction à l'Eglise. Il résuma sa dernière énergie dans une défense solennelle intimée à tous de reconnaître pour Pape celui qui n'aurait pas été élu canoniquement et selon les règles des saints Pères. Se recueillant ensuite en lui-même, et acceptant la divine volonté sur sa vie de pontife qui n'avait été qu'un sacrifice continuel, il dit : "J'ai aimé la justice et j'ai haï l'iniquité ;  c'est pour cela que je meurs en exil". Un des évêques qui l'entouraient répondit avec respect : "Vous ne pouvez, seigneur, mourir en exil, vous qui, tenant la place du Christ et des saints Apôtres, avez reçu les nations en héritage, et en possession l'étendue de la terre". Parole sublime que déjà Grégoire ne pouvait plus entendre ; car son âme s'était élancée au ciel, et recevait dès ce moment l'immortelle couronne des martyrs.

 

Grégoire était donc vaincu, comme le Christ lui-même fut vaincu par la mort ; mais le triomphe sur cette mort ne manqua pas plus au disciple qu'il n'avait manqué au Maître. La chrétienté abaissée en tant de manières se releva dans toute sa dignité ; et l'on peut même dire qu'un gage de cette résurrection fut donné par le ciel le jour même où Grégoire rendait à Salerne son dernier soupir. Ce même jour, vingt-cinq mai 1085, Alphonse VI entrait victorieux à Tolède, et arborait la croix dans la cité reconquise des Eugène et des Julien, après quatre siècles d'esclavage sous le joug sarrasin.

 

Mais il fallait à l'Eglise opprimée un continuateur de Grégoire, et le Dieu dont il fut le vicaire ne le lui refusa pas. Le martyre du grand Pontife fut comme une semence de Pontifes dignes de lui. De même qu'il avait préparé ses prédécesseurs, on peut dire que ses successeurs procédèrent de lui ; et les fastes de la papauté ne présentent nulle part dans toute leur teneur une suite de noms plus glorieuse que celle qui s'étend de Victor III, successeur immédiat de Grégoire, à Boniface VIII, en qui recommença pour de longs siècles le martyre que notre grand héros avait subi. Son âme était à peine affranchie des épreuves de cette vallée de larmes, et déjà la victoire se déclarait. Les ennemis de l'Eglise étaient abattus, la suppression des investitures éteignait la simonie et assurait l'élection canonique des Pasteurs ; la loi sacrée de la continence des clercs reprenait partout son empire.

 

Grégoire avait été l'instrument de Dieu pour la réforme de la société chrétienne ; et si son nom est demeuré béni des vrais enfants de l'Eglise, sa mission avait été trop belle et trop courageusement remplie pour qu'elle n'attirât pas sur lui la haine de l'enfer. Or, voici ce que le Prince de ce monde (JOHAN. XII, 31.) imagina contre lui dans sa rage. Non content d'avoir fait de Grégoire un objet d'exécration pour les hérétiques, il vint à bout de le rendre odieux aux faux catholiques, embarrassant pour les demi-chrétiens. Longtemps ces derniers, malgré le jugement de l'Eglise qui l'a placé sur ses autels, affectèrent de l'appeler insolemment Grégoire VII. Son culte fut proscrit par des gouvernements qui se disaient encore catholiques ; il fut prohibé par des mandements épiscopaux. Son pontificat et ses actes furent attaqués comme contraires à la religion chrétienne par le plus éloquent de nos orateurs sacrés. Il fut un temps où les lignes que nous consacrons à ce saint Pape, dans un livre destiné à nourrir chez les fidèles l'amour et l'admiration pour les héros de la sainteté que l'Eglise offre à leur culte, eût attiré sur nous la vindicte des lois. Les Leçons de l'Office d'aujourd'hui furent supprimées par le Parlement de Paris en 1729, avec défense de s'en servir, sous peine de saisie du temporel. Ces barrières sont tombées, ces scandales ont cessé. Par suite du rétablissement de la Liturgie romaine en France, chaque année le nom de saint Grégoire VII est proclamé dans nos Eglises, la louange qui honore les saints lui est publiquement décernée, et le divin Sacrifice est offert à Dieu pour la gloire d'un si illustre Pontife.

 

Il était temps pour notre honneur français qu'une telle justice fût rendue à qui la mérite. Lorsque depuis plus de soixante ans on entendait les historiens et les publicistes protestants de l'Allemagne combler d'éloges celui qui n'est pourtant à leurs yeux qu'un grand homme, mais en qui ils reconnaissent l'héroïque vengeur des droits de la société humaine ; lorsque les gouvernements réduits aux abois par l'envahissement toujours plus impérieux du principe démocratique, n'ont plus le loisir de céder à leurs anciennes jalousies contre l'Eglise ; lorsque l'Episcopat se serre toujours plus étroitement autour de la Chaire de saint Pierre, centre de vie, de lumière et de force : rien n'est plus naturel que de voir le nom immortel de saint Grégoire VII resplendir d'une gloire nouvelle, après l'éclipsé qui l'avait si longtemps dérobé aux regards d'un trop grand nombre de fidèles. Qu'il demeure donc, ce glorieux nom, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des astres les plus brillants du Cycle pascal, et qu'il verse sur l'Eglise de nos jours l'influence salutaire qu'il répandit sur celle du moyen âge !

 

 

Nos joies pascales se sont accrues de votre triomphe, ô Grégoire ; car nous reconnaissons en vous l'image de celui qui, par sa résurrection glorieuse annoncée à tout l'univers, a relevé le monde qui s'affaissait sur lui-même. Votre pontificat avait été préparé dans les desseins de la divine sagesse comme une ère de régénération pour la société succombant sous l'effort de la barbarie. Votre courage fondé sur la confiance dans la parole de Jésus ne recula devant aucun sacrifice. Votre vie sur le Siège Apostolique ne fut qu'un long combat ; et pour avoir aimé la justice et haï l'iniquité, il vous fallut mourir dans l'exil. Mais en vous s'accomplissait l'oracle du Prophète sur votre Maître divin : Parce qu'il a donné sa vie à cause « du péché, il jouira d'une postérité nombreuse (ISAI. LIII, 10). Une suite glorieuse de trente-six papes s'avança dans la voie que votre sacrifice avait ouverte ; par vous l'Eglise fut libre, et la force s'inclina devant le droit. Après cette période triomphante, la guerre a été déclarée de nouveau, et elle dure encore. Les princes se sont insurgés contre la puissance spirituelle ; ils ont secoué le joug du vicaire de Dieu, et ils ont décliné le contrôle de toute autorité ici-bas. A leur tour les peuples se sont levés contre un pouvoir qui ne se rattache plus au ciel par un lien visible et sacré, et cette double insurrection met aujourd'hui la société aux abois. Ce monde est à Jésus-Christ, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs (I Tim. VI, 15.) ; à lui, à l'Homme-Dieu, toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre (MATTH. XXVIII, 18.).

 

Grégoire, priez pour ce monde que vous avez sauvé de la barbarie, et qui est au moment d'y retomber. Les hommes de ce temps ne parlent que de liberté ; c'est au nom de cette prétendue liberté qu'ils ont dissous la société chrétienne ; et le seul moyen qui leur reste de maintenir quelque ordre au sein de tant d'éléments ennemis, le seul moyen, c'est la force. Vous aviez triomphé de la force, vous aviez rétabli les droits de l'esprit ; par vous la liberté des enfants de Dieu, la liberté du bien, était reconnue, et elle régna durant plusieurs siècles. Généreux Pontife, venez en aide à cette Europe que votre main ferme préserva autrefois d'une ruine imminente. Fléchissez le Christ que les hommes blasphèment, après l'avoir expulsé de son domaine, comme s'il ne devait pas y rentrer triomphant au jour de ses justices. Implorez sa clémence pour tant de chrétiens séduits, et entraînés par d'absurdes sophismes, par d'aveugles préjugés, par une éducation perfide, par des mots sonores et mal définis, et qui appellent voie du progrès celle qui les éloigne toujours plus de l'unique but que Dieu s'est proposé en créant l'homme et l'humanité.

 

De ce séjour tranquille où vous vous reposez après tant de combats, jetez, ô Grégoire, un regard sur la sainte Eglise qui poursuit sa marche pénible à travers mille entraves. Tout est contre elle : les débris d'anciennes lois inspirées par la réaction de la force contre l'esprit, les entraînements de l'orgueil populaire qui poursuit avec acharnement tout ce qui lui semble contraire à l'égalité des droits, la recrudescence de l'impiété qui a compris qu'il faut marcher sur l'Eglise pour monter jusqu'à Dieu. Au milieu de cette tempête, le rocher qui porte le siège immortel sur lequel vous avez tenu, ô Grégoire, la place de Pierre, est battu par les flots en furie. Priez pour le vicaire de Dieu. Comme vous, il a aimé la justice, il a détesté l'iniquité ; et nous craignons de le voir partir aussi pour l'exil. Détournez, ô saint Pontife, le fléau qui pèse sur Rome. Les sectateurs de Satan, ainsi que l'a annoncé Jean, Evangéliste et Prophète, sont montés de leurs antres ténébreux à la surface de la terre ; ils ont fait le siège du camp des saints et de la cité bien-aimée (Apoc. XX, 8. ).

 

Veillez, ô Grégoire, sur cette ville sainte qui fut votre épouse sur la terre. Déjouez des plans perfides, ranimez le zèle des enfants de l'Eglise, afin que, par leur courage et par leurs largesses, ils continuent de venir en aide à la plus sacrée des causes.

 

Priez, ô Pontife, pour l'ordre épiscopal dont le Siège Apostolique est la source. Fortifiez les oints du Seigneur dans la lutte qu'ils ont à soutenir contre les tendances d'une société qui a expulsé le Christ de ses lois et de ses institutions. Qu'ils soient revêtus de la force d'en haut, fidèles dans la confession de l'antique doctrine, empressés à prémunir les fidèles exposés à tant de séductions dans ce fatal naufrage des vérités et des devoirs. Dans un temps comme le nôtre, la force de l'Eglise n'est plus que dans les âmes ; ses appuis extérieurs ont disparu presque partout. Le divin Esprit, dont la mission est de soutenir ici-bas l'œuvre du Fils de Dieu, l'assistera jusqu'au dernier jour ; mais il veut pour instruments des hommes dégagés des préoccupations de la vie présente, résignés, s'il le faut, à l'impopularité, résolus à braver tout pour proclamer l'immuable enseignement de la Chaire suprême. Par la miséricorde divine, ils sont nombreux aujourd'hui dans la sainte Eglise, ô Grégoire, les pasteurs conformes à l'intention de celui que saint Pierre appelle le Prince des pasteurs (I Petr. V, 4.)

 

Priez, afin que tous, à votre exemple, aiment la justice et haïssent l'iniquité, aiment la vérité et haïssent l'erreur ; qu'ils ne craignent ni l'exil, ni la persécution, ni la mort ; car le disciple n'est pas au-dessus du maître (MATTH. X, 24.).

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
  

 

Scènes de la Vie du Christ par Giovanni da Rimini

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 19:00

Mais il est temps de rentrer dans Rome, où nous rappelle le triomphe de Cécile.

 

 Le monastère que Paschal avait bâti, au neuvième siècle, près de la basilique, ne s'était pas maintenu, et le soin de desservir l'auguste sanctuaire passa successivement aux mains de diverses corporations. Enfin, en 1627, il plut au Seigneur de le rendre à l'Ordre de saint Benoît. La pieuse abbesse des bénédictines de Sainte-Marie in Campo Marzo, Maura Magalotta, sollicita du pape Clément VII la faveur d'aller habiter le monastère de Sainte-Cécile avec celles de ses soeurs qui consentiraient à la suivre. Le pontife, qui était alors assiégé au château Saint-Ange par l'armée du connétable de Bourbon, accueillit avec empressement la proposition de la pieuse abbesse, et il data de la forteresse même la bulle qui assurait désormais d'une manière permanente à la basilique la célébration des offices divins, selon les intentions de son prédécesseur Paschal.

 

En 1584, Rome vit confirmer par l'autorité apostolique une nouvelle institution, qui avait pour objet le culte de la grande martyre. Sous le pontificat de saint Pie V, une académie s'était formée dans le but de conserver les traditions de la bonne musique, et elle s'était placée sous l'invocation de sainte Cécile, qui recevait de plus en plus les honneurs de la chrétienté en qualité de reine de l'harmonie. Le pape Grégoire XIII voulut encourager de si louables efforts, et érigea solennellement par lettres apostoliques la nouvelle académie, qui s'est maintenue jusqu'à nos jours, honorée de nombreux privilèges successivement accordés par les pontifes romains.

 

Dès l'année 1576, une confrérie musicale s'était fondée à Paris, sous le vocable de Sainte-Cécile, dans l'église des Grands-Augustins, et avait été honorée des lettres patentes du roi.

 

Sur la voie Salaria, en 1578, un éboulement amena tout à coup la découverte d'une suite de corridors de l'un des cimetières de cette voie, avec les cubicula ornés de peintures qui les accompagnaient. Rome s'émut tout entière de cette apparition inattendue, ainsi que le rapporte Baronius. Tout le monde voulut visiter cette région de la Rome souterraine que l'on ne connaissait plus ; mais peu de temps après un second éboulement effaça l'entrée de la catacombe, et les sacrés cimetières demeurèrent plongés encore dans les ténèbres qui les tenaient envahis depuis tant de siècles. Leur guide cependant venait de naître à Malte, Antoine Bosio, que Mgr Gerbet a appelé avec raison le Colomb des catacombes. Venu à Rome de  bonne heure,  l'apparition  subite du cimetière de la voie  Salaria,   dont il  entendit parler dès ses jeunes années, fut pour lui une révélation de sa carrière future, et Rome souterraine devint sa conquête. Nous ne pouvons nous étendre sur l'importance des travaux gigantesques de ce grand homme; mais ceux de nos lecteurs qui nous ont suivi jusqu'ici ont dû comprendre que la connaissance et l'appréciation de Rome souterraine sont le moyen principal de retrouver et de conduire l'histoire du christianisme dans Rome durant les trois premiers siècles.

 

Les travaux si méritants de Bosio n'ont pas produit, il est vrai, tout ce qu'ils devaient produire. L'ordre chronologique dans la succession des cimetières, l'âge des fresques, des inscriptions, des monuments, des constructions, ne l'ont pas assez préoccupé, et en résumé le résultat de ses labeurs n'a pas été aussi fécond qu'il eût pu l'être; mais il lui reste la gloire d'avoir révélé Rome souterraine qui, sans lui, était perdue de nouveau. Reprise en sous-oeuvre de nos jours par la science archéologique, elle ne cesse de fournir sur l'unité de la foi et sur les origines chrétiennes des secours et des renseignements venus en leur temps, et qui nous mettent à même de tracer sûrement les annales de Rome chrétienne et de justifier de l'antiquité apostolique de nos croyances. On a vu à quel point l'histoire de Cécile est intimement liée à tout cet ensemble ; mais, à ce moment, ce n'est plus dans les souterrains qu'il nous faut l'aller chercher, c'est au grand jour que la plus solennelle ovation l'attend.

 

En l'année 1500, Grégoire XIV monta sur le siège apostolique, qu'il occupa à peine quelques mois ; mais il eut le temps de promouvoir à la dignité cardinalice son neveu Paul-Emile Sfondrate, et le Titre qu'il lui conféra fut celui de Sainte-Cécile.   Paul-Emile était né à Milan,  en 1561.   Son  père était  Paul  Sfondrate,   frère  de Grégoire XIV ; sa mère appartenait à la maison d'Esté et se nommait Sigismonde. Les plus heureuses   dispositions   signalèrent   la   jeunesse   de leur fils, et lorsqu'il fut en âge de choisir un état de vie, son attrait le dirigea vers l'Eglise. Il vint à Rome de bonne heure, et passa quelque temps dans la maison des Pères de l'Oratoire à Sainte-Marie  in  Vallicella,  où il eut encore le bonheur de connaître  saint Philippe  Néri.   La piété ardente du jeune Sfondrate s'enflamma encore dans la société de cet illustre serviteur de Dieu, et il puisa dans ses entretiens avec le vieillard cette charité envers les pauvres, ce zèle pour l'entretien du sanctuaire, cette religion fervente pour les  martyrs,  qui  furent toute sa vie les principaux traits de son caractère.

 

Le jeune prélat, âgé alors de vingt-neuf ans, était absent de Rome lorsque la nouvelle de son élévation vint le surprendre. Il se rendit auprès de son oncle qui avait su toujours apprécier sa vertu, et qui voulut tout aussitôt l'employer dans ses conseils. La mort de Grégoire XIV rendit à son neveu les pieux loisirs dont il avait toujours été si jaloux, et Rome le vit plus assidu que jamais aux oeuvres de la piété et de la miséricorde. Pourvu de riches bénéfices par la munificence de son oncle, il n'en avait pas profité pour s'entourer d'un luxe que sa haute position eût légitimé aux yeux de tous. On avait vu ce cardinal-neveu habiter un palais dont les appartements, dépourvus de tentures et de tapisseries, attestaient qu'il songeait de préférence à vêtir les membres de Jésus-Christ. La cour pontificale avait admiré ce prince de l'Eglise qui ne souffrait sur sa table que de la vaisselle de terre, afin de pouvoir nourrir un plus grand nombre de pauvres. Tel avait paru Sfondrate au faîte des honneurs, tel il se montra tout le reste de sa vie. Le 25 janvier 1591 fut le jour où il prit possession du Titre de Sainte-Cécile.

 

La basilique, restaurée soixante ans auparavant par l'abbesse Maura Magalotta, réclamait déjà les sollicitudes de son cardinal titulaire. Elle avait souffert dans quelques parties, et d'ailleurs le cardinal ne la trouvait pas assez magnifique. Il entreprit une restauration générale, dans laquelle tout en conservant le caractère antique et vénérable de l'édifice, il en consoliderait toutes les parties, et répandrait sur l'ensemble cet air de splendeur qui sied si bien aux églises de Rome.

 

Sfondrate voulut d'abord enrichir sa basilique des nombreuses et importantes reliques qu'il avait rassemblées à force de pieuses recherches, et souvent en employant la médiation de son oncle.   Elles  étaient  contenues  dans un  grand nombre de châsses précieuses par la matière ou le travail, et afin qu'elles fussent conservées plus dignement, il eut l'idée de les placer sous l'autel de la Confession. Mais l'espace accessible entre la masse de cet autel et la mystérieuse région des tombeaux ne suffisait pas pour offrir une retraite assez spacieuse à ce sacré dépôt. Le cardinal dut songer à agrandir le lieu, et, rempli d'un ardent désir de trouver le corps de sainte Cécile, il se décida à faire percer l'épais mur sur lequel reposait l'autel.

 

Il pensait, avec raison, que les tombeaux ne devaient pas être éloignés de l'entrée, et d'ailleurs l'ouverture pratiquée dans la masse de l'autel devait correspondre directement au sépulcre de Cécile, puisque les fidèles faisaient descendre autrefois par ce conduit les linges qu'ils voulaient sanctifier et conserver en mémoire de la martyre. Dans l'attente d'une découverte qui devait répandre tant de gloire et de consolation sur sa vie entière, Sfondrate, tout entier à ses pieuses émotions, avait ordonné aux ouvriers de ne travailler que sous ses yeux, et de suspendre toutes recherches durant les instants qu'il était contraint de passer hors de la basilique.

 

Enfin, le mercredi 20 octobre 1699, le cardinal commanda d'enlever le pavé aux abords de l'autel.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 332 à 338)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 16:47

" Il y a peu de métiers où l'on ait tant l'impression de faire le bien. " 

Matthew Galluzzo, ancien du Sex Crimes Unit

 

> Affaire DSK : qui défend la femme de chambre ? sur l'Express.fr 

 

Lisa Friel

Lisa Friel dirige la Sex Crimes Unit

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 04:00

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples :

  

" C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne.

 

 Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi.

 

Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi, lorsqu'elles arriveront, vous croirez.

 

Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le prince du monde va venir. Certes, il n'y a rien en moi qui puisse lui donner prise, mais il faut que le monde sache que j'aime mon Père, et que je fais tout ce que mon Père m'a commandé. "

 

Deesis Range : The Saviour by Andrey Rublyov

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 19:00

La renommée de ce jeune peintre, que n'éclipsaient à Florence ni Léonard de Vinci ni Michel-Ange, parvint aux oreilles de Jules II, et, dans l'année 1508, Raphaël fut appelé à Rome par le pontife, à qui Bramante l'avait recommandé comme étant de force à peindre les salles du Vatican.

 

Le jeune artiste se mit à l'oeuvre aussitôt, et commença à décorer la salle appelée della Segnatura. Pendant qu'il accomplissait ainsi la décoration des stanze, il vint en pensée à Jules II de le distraire de cet immense travail, en lui faisant prendre part à l'ornementation d'une maison de campagne affectionnée de ce pontife. A six milles de Rome, près de Fiumicino, était un casino bâti par Innocent VIII, et dont Jules II voulait faire une résidence digne d'un pape. On appelait cette résidence la Magliana, du nom de la petite rivière dite le Magliano. Il fallait une chapelle à cette sorte de villa, qui était souvent un rendez-vous de chasse. Sous Jules II, le cardinal Alidossi fut chargé de présider aux décorations de cette chapelle, et, comme il mourut en 1511, il est évident que les fresques confiées à sa surveillance sont antérieures à cette date. Jules II lui avait conféré pour Titre la basilique de Sainte-Cécile ; ce fut ce qui porta Alidossi à demander à Raphaël qu'il peignît dans la chapelle le martyre de la vierge romaine. Le grand artiste entreprit une vaste fresque, sur laquelle il représenta Cécile dans la chaudière, comme l'avaient fait Francia et tant d'autres peintres de cette époque, mais, par un anachronisme qui n'a pas été répété, il unit dans la même scène le martyre des saints Tiburce et Valérien auxquels des bourreaux tranchent la tête.

 

D'affreuses barbaries commises dans cette chapelle par un fermier, en 1830, ont fait périr cette précieuse peinture presque en entier. Cet homme trouva commode de se faire ouvrir une porte qui le mît à même d'assister à la messe dans une tribune attenante à la chambre qu'il occupait, et cette porte fut ouverte par ses ordres au beau milieu de la scène du martyre de sainte Cécile, dont il ne resta plus que quelques figures plus ou moins tronquées aux deux extrémités. On ignorerait pour toujours les conditions dans lesquelles Raphaël avait établi ce chef-d'oeuvre, si nous n'en avions pas la gravure exécutée par Marc-Antoine Raimondi. On connaît l'alliance qui s'établit entre Raphaël et ce célèbre artiste. Souvent Raphaël lui communiqua le dessin des oeuvres qu'il se disposait à peindre. Par bonheur, Marc-Antoine avait pu consacrer son burin à celle de la Magliana. On y retrouve le génie de Raphaël, mûri déjà par les travaux qu'il avait commencés dans les chambres du Vatican, et, si la gravure de Marc-Antoine laisse à désirer, surtout pour le personnage principal, on est heureux de pouvoir encore se faire une idée de la composition d'une scène digne de celui qui l'avait conçue et exécutée. Le gouvernement français à fait l'acquisition des débris de cette fresque qui ont été transportés sur toile ; il a acheté également une autre peinture de Raphaël demeurée entière dans la même chapelle de la Magliana, et représentant le Père éternel avec des anges d'une incomparable beauté.

 

Ce ne fut pas seulement cette fois que Raphaël,  peignant les chambres du Vatican,  fut appelé à consacrer son immortel pinceau à sainte Cécile.  En  1512,  une pieuse  femme,   nommée Hélène Duglioli, dont l'église de Bologne célèbre chaque année la fête, eut l'inspiration de consacrer à sainte Cécile une chapelle dans une des églises   de   cette   ville,   appelée   Saint-Jean in Monte.

SAINTE CÉCILE par Raphaël

Raphaël fut chargé de peindre le tableau de l'autel, et s'appliqua à cette oeuvre dans l'année 1513.

 

Il avait à y faire figurer saint Paul, sainte Marie-Magdeleine, saint Jean l'Evangéliste et saint Augustin, qui représentent sans doute les patrons des donateurs. Avant de réaliser d'une manière définitive l'idéal qu'il poursuivait, Raphaël dut, selon son usage, produire plusieurs esquisses du futur tableau. Une de ces esquisses a été gravée par Marc-Antoine. Enfin la peinture fut achevée, et tout aussitôt on reconnut en elle le progrès qui s'était opéré chez le grand artiste. La vigueur du ton,  l'énergie des teintes,  laissaient loin derrière elles toutes ses oeuvres antérieures.  On  a cru  reconnaître  le concours  de Jules Romain sur cette toile, par la manière dont les ombres un peu noires y sont dispensées. Avec quelque perfection que soient peints les quatre saints, la figure et la pose de Cécile ne tardent pas à absorber le spectateur et le subjuguent aux pieds de ce personnage principal.

 

L'intention de Raphaël est d'exprimer la noble pensée qui a fait choisir sainte Cécile pour patronne de la musique.

Aux pieds de la vierge sont épars les emblèmes de la musique profane ; Cécile abaisse l'instrument qu'elle tenait dans ses mains, et, son ardent regard fixé au ciel, elle écoute dans un ravissement divin le concert que des anges exécutent avec transport au-dessus de sa tête. Un tel chef-d'oeuvre a droit d'être compté parmi les principaux hommages qu'a reçus dans le cours des siècles la fille des Caecilii.

 

Vasari a prétendu que Francia, à qui Raphaël avait adressé son tableau, le priant d'en surveiller le décaissement, d'y réparer les accidents que le transport aurait pu causer, et d'y corriger même ce qu'il jugerait à propos, aurait été saisi d'une telle impression, provenant d'admiration ou de jalousie, qu'il en serait tombé malade et en serait mort. Heureusement pour l'honneur de l'art catholique, ce récit est une fable, et la gloire de Francia ne s'est pas ternie par une faiblesse dont un sentiment si peu noble eût été l'occasion. La sainte Cécile de Raphaël fut commencée de peindre vers la fin de 1513, et achevée en 1514 ; Francesco Francia ne mourut qu'en 1533.

Enfin, pour ne rien omettre qui se rapporte à la fameuse sainte Cécile de Bologne, nous rappellerons que ce fut à la vue de ce tableau que le Corrége, recevant tout à coup la révélation de son talent, s'écria : Anch'io son pittore !

 

L'instigatrice de cette grande oeuvre, la bienheureuse Hélène Duglioli, mourut en 1520 ; elle put donc voir encore la sublime peinture qu'elle avait sollicitée. On l'ensevelit à Saint-Jean in Monte, dans sa chère chapelle de Sainte-Cécile.

 

En parlant de la sainte Cécile de Bologne, nous avons nommé Jules Romain qui travaillait alors auprès de Raphaël, et recevait ses leçons. Il entreprit plus tard de consacrer à son tour un tableau à sainte Cécile. Ce fut la scène du martyre qu'il choisit, non point à la manière de ses prédécesseurs, en y employant une chaudière comme accessoire ; mais prenant le moment où la vierge, ayant triomphé des ardeurs du caldarium, les bras étendus en orante, s'apprête à recevoir le coup de la mort. Jules Romain n'a pas oublié de retracer, dans le pavé de la salle, les conduits par lesquels montait la vapeur embrasée. Il est aisé de reconnaître dans ce beau tableau l'influence de Raphaël.

 

Nous aurions traité notre sujet d'une façon incomplète si, à propos de la peinture, nous ne revenions sur Sainte-Cécile d'Alby. Tandis que Raphaël peignait les chambres du Vatican, d'autres disciples du Pérugin entreprenaient en France, à l'honneur de la grande martyre, le plus vaste ouvrage à fresque qui jamais ait existé. Treize années, de 1502 à 1515, suffirent à l'achèvement de ce merveilleux travail qui ne comprenait rien moins que l'ornementation de la voûte tout entière d'un si immense édifice.

 

Des peintures antérieures ornent les chapelles, et sont dignes d'attirer l'attention; mais on les a vite oubliées lorsque, portant les regards sur cette voûte de 300 pieds de longueur, dont l'azur semble doubler encore la hauteur, et sur laquelle se jouent en enroulements infinis d'innombrables rinceaux d'acanthe, on retrouve tout à coup, et dans des proportions colossales, l'ornementation contemporaine des fresques du Vatican. Ces arabesques délicates, qui semblent emprunter à l'albâtre sa blancheur et dont l'or seul rehausse les élégants contours, offrent d'inépuisables encadrements ménagés avec un goût exquis, et dont chacun est habité par des sujets et des personnages d'une grâce inouïe. Au centre de la voûte, les peintres ombriens se sont ménagé des espaces sur lesquels s'épandent des sujets plus étendus tirés de la Bible pour la plupart ; mais on y admire particulièrement le couronnement de Cécile et de Valérien par l'ange, et la parabole des vierges sages, amenée ici à l'honneur de la glorieuse patronne. Des enroulements dont le champ est moins étendu, et qui parcourent la voûte tout entière, ont reçu chacun un saint et une sainte, qui, avec la pureté du dessin, la grâce et la simplicité des poses, représentent toute l'imagerie chrétienne. Les allégories, les écussons, les emblèmes sont jetés avec une profusion infatigable ; et il faut de longues heures pour se rendre maître de ce superbe et gracieux ensemble qui dépasse par sa richesse, comme par son étendue, l'attente du pèlerin.

 

A l'aspect de tant de merveilles, on sent que la France a rendu à Cécile, dans cette ineffable cathédrale, le plus splendide hommage que les arts lui aient offert sur la terre, et l'on bénit la mémoire des deux prélats Louis II d'Amboise et Charles de Robertet, qui conçurent une telle oeuvre, et la firent exécuter avec des frais immenses dans l'espace de treize années.

 

Les noms des artistes ne se sont pas conservés, mais, à la fraîcheur des peintures, on dirait que c'est hier seulement qu'ils ont déposé leurs pinceaux. Il serait impossible de parcourir la série des peintures exécutées au seizième siècle par des artistes de renom en l'honneur de sainte Cécile. Nous nous bornerons donc à nommer pour l'Italie Guido Reni, Vanni, et Louis Carrache qui, marchant sur les traces de Francia, peignit dans le cloître de Saint-Michel del Bosco, à Bologne, une série de peintures, malheureusement effacées aujourd'hui, et représentant les divers traits de la vie de la grande martyre. Le grand peintre hollandais Lucas de Leyde voulut aussi illustrer son pinceau en traitant un si noble sujet. Il a représenté Cécile, vêtue en grande dame du seizième siècle, et accompagnée d'un ange qui tient un orgue dans ses bras.

 

Mais il est temps de rentrer dans Rome, où nous rappelle le triomphe de Cécile. . 

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 326 à 331)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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