Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


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SALVE REGINA

17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 09:00

Après avoir examiné la première et la deuxième tentation, venons-en maintenant à la troisième et dernière tentation, point culminant de tout le récit.

 

Landscape with the Temptation of Christ by Joos de Momper

 

Le diable emmène le Seigneur en vision sur une haute montagne. Il lui montre tous les royaumes de la terre avec leur splendeur et il lui offre la domination du monde. N'est-ce pas justement la mission du Messie ? Ne doit-il pas être le roi du monde qui réunira la terre entière dans un grand royaume de paix et de bien-être ? Comme la tentation du pain a deux correspondants singuliers dans l'histoire de Jésus, la multiplication des pains et la dernière Cène, il en va de même ici.

 

Le Seigneur ressuscité réunit les siens "sur la montagne" (Mt 28, 16). Et à ce moment-là, il dit effectivement : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" (Mt 28, 18). Ici nous trouvons deux aspects nouveaux et différents : le Seigneur a pouvoir au ciel et sur la terre. Et seul celui qui est doté de tout ce pouvoir a le pouvoir authentique, salvifique. Sans le ciel, le pouvoir terrestre reste toujours ambigu et fragile. Seul le pouvoir qui accepte le critère et le jugement du ciel, c'est-à-dire de Dieu, peut devenir un pouvoir orienté vers le bien. Et seul le pouvoir qui se place sous la bénédiction de Dieu peut être fiable.

 

 À cela s'ajoute encore un autre aspect : Jésus a ce pouvoir en tant que ressuscité, ce qui signifie que ce pouvoir présuppose la croix, présuppose sa mort. Il présuppose l'autre montagne - le Golgotha -, où il meurt, suspendu à la croix, moqué par les hommes et abandonné des siens. Le Royaume du Christ est différent des royaumes du monde et de leur splendeur, que Satan lui donne à voir. Cette gloire-là est, comme le dit le mot grec doxa, une apparence qui se dissipe. Le Royaume du Christ n'a pas une telle splendeur. Grâce à l'humilité de la prédication, il grandit en ceux qui veulent se faire ses disciples, qui seront baptisés au nom du Dieu Trinité et qui observeront ses commandements (Mt 28, 19-20).

 

 Mais revenons à la tentation. Son vrai contenu devient visible lorsque nous constatons que, dans l'histoire, elle prend sans cesse une forme nouvelle. L'Empire chrétien a cherché très tôt à transformer la foi en un facteur politique pour l'unité de l'Empire. Le règne du Christ devait donc prendre la forme d'un royaume politique et de sa splendeur. La faiblesse de la foi, la faiblesse terrestre de Jésus Christ devait être soutenue par le pouvoir politique et militaire. Au cours des siècles, cette tentation - asseoir la foi par le pouvoir - est revenue continuellement, sous des formes diverses, et la foi a toujours couru le risque d'être étouffée sous l'étreinte du pouvoir. Le combat pour la liberté de l'Église, combat parce que le royaume de Jésus ne peut être identifié à aucune structure politique, doit être mené tout au long des siècles. Car la confusion entre la foi et le pouvoir politique a toujours un prix : la foi se met au service du pouvoir et doit se plier à ses critères.

 

 Dans le récit de la Passion du Seigneur, l'alternative dont il est question ici apparaît sous une forme provocante. Au point culminant du procès, Pilate fait choisir entre Jésus et Barrabas. L'un des deux sera libéré. Mais qui est Barabbas ? D'ordinaire, nous avons en mémoire la formulation de l'Évangile de Jean : "Ce Barabbas était un bandit" (Jn 18, 40). Dans la situation politique qui régnait à l'époque en Palestine, le mot grec utilisé pour bandit a une connotation particulière. Il signifiait plutôt une sorte de "combattant de la résistance". Barabbas avait participé à une émeute (Mc 15, 7) et, dans ce contexte, il était en outre accusé de meurtre. Quand Matthieu dit que Barabbas était un "prisonnier bien connu", il ressort qu'il avait été un des résistants les plus éminents, voire le véritable meneur de cette émeute (Mt 27, 16).

 

 Autrement dit : Barabbas était une figure messianique. Le choix entre Jésus et Barabbas n'est donc pas fortuit : deux figures messianiques, deux formes du messianisme s'opposent. Cela devient encore plus évident lorsque nous prenons en compte que "Bar-Abbas" signifie fils du père. C'est une désignation typiquement messianique, le nom religieux d'un des chefs éminents du mouvement messianique. La dernière grande guerre messianique des Juifs a été menée en 132 par Bar-Kokhba, fils de l'étoile. Le nom est formé de la même façon, la même intention est affichée.

 

 Chez Origène, nous trouvons un autre détail intéressant : dans beaucoup de manuscrits des Évangiles jusqu'au IIIe siècle, l'homme en question s'appelait "Jésus Barabbas", Jésus fils du père. Il se présente comme une sorte d'alter ego de Jésus, qui revendique la même prétention, mais de façon très différente. Le choix est donc entre un Messie qui est à la tête d'un combat, qui promet la liberté et son propre royaume, et ce mystérieux Jésus qui proclame de se perdre soi-même pour trouver le chemin vers la vie. Faut-il s'étonner que les foules aient préféré Barabbas  ?

 

 Si nous devions choisir aujourd'hui, Jésus de Nazareth, le fils de Marie, le Fils du Père, aurait-il une chance ? Mais connaissons-nous vraiment Jésus ? Le comprenons-nous ? Ne devons-nous pas chercher à le connaître de manière complètement nouvelle, hier comme aujourd'hui ? Le tentateur n'a pas la grossièreté de nous inciter directement à adorer le diable. Il nous incite seulement à choisir ce qui est rationnel, à donner la priorité à un monde planifié et organisé, où Dieu en tant que question privée peut avoir une place, sans avoir pourtant le droit de se mêler de nos affaires essentielles. Soloviev attribue un livre à l'Antéchrist, Le Chemin public vers la paix et le bien-être du monde, livre qui devient pour ainsi dire la nouvelle Bible dont le contenu véritable est l'adoration du bien-être et de la planification raisonnable.

 

La troisième tentation de Jésus se révèle ainsi comme la tentation fondamentale. La question qu'elle pose est de savoir ce que doit faire un sauveur du monde. Et cette question traverse toute la vie de Jésus. Elle se manifeste encore une fois clairement à un tournant décisif de son chemin. Au nom des disciples, Pierre avait exprimé sa confession de foi en Jésus Messie-Christ, le Fils du Dieu vivant, donnant ainsi une expression à la foi qui construit l'Église et qui inaugure la nouvelle communauté de foi fondée sur le Christ. Mais précisément à ce moment crucial où, face à "l'opinion des gens", se manifeste la connaissance spécifique et décisive de Jésus, et où commence alors à se former sa nouvelle famille, voici le tentateur : le danger de tout inverser. Le Seigneur explique immédiatement que le concept de Messie doit être compris à partir de l'ensemble du message prophétique : cela ne signifie pas un pouvoir terrestre, mais la croix et une communauté complètement différente qui naît par la croix.

 

Cependant, Pierre ne l'avait pas entendu ainsi : "Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : "Dieu t'en garde, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas" (Mt 16, 22). Si nous lisons ces paroles dans le contexte du récit des tentations, comme leur nouvelle évocation au moment décisif, alors nous comprenons la réponse incroyablement dure de Jésus : "Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes" (Mt 16, 23).

 

Mais tous ne continuons-nous pas sans cesse à dire à Jésus que son message conduit à contredire les opinions dominantes et qu'ainsi il risque l'échec, la souffrance et la persécution ? Aujourd'hui, l'Empire chrétien ou la papauté temporelle ne constituent plus une tentation, mais voir dans le christianisme une recette conduisant au progrès et reconnaître le bien-être commun comme la véritable finalité de toute religion, et donc aussi de la religion chrétienne, telle est la nouvelle forme de cette même tentation. Aujourd'hui, elle apparaît sous la forme de la question suivante : que nous a apporté Jésus s'il n'a pas fait advenir un monde meilleur ? Ne serait-ce pas là le contenu de l'espérance messianique ?

 

Dans l'Ancien Testament, deux espérances se confondent encore sans se différencier : l'attente d'un monde sain, où le loup reposera à côté de l'agneau (Is 11, 6), où les peuples du monde se mettront en route vers le mont Sion et pour lequel vaut la prophétie : "De leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles" (Is 2, 4 ; cf. Mi 4, 1-3). Mais à côté, il y a la perspective du serviteur de Dieu en proie à la souffrance, celle d'un Messie qui sauve en endurant le mépris et la souffrance. Tout au long de son chemin et encore dans les rencontres postpascales, Jésus allait montrer à ses disciples que Moïse et les prophètes parlaient de lui, de celui qui n'a pas de pouvoir apparent, qui souffre, qui est crucifié et qui est ressuscité ; il devait montrer que c'est ainsi que s'accomplissaient les promesses. "Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes !" - c'est ainsi que le Seigneur s'adresse aux disciples d'Emmaüs et c'est ainsi qu'il doit toujours nous parler à travers les siècles, car nous continuons de penser que, si Jésus voulait être le Messie, il aurait dû nous apporter l'âge d'or.

 

Mais Jésus nous dit aussi ce qu'il a opposé à Satan, ce qu'il a dit à Pierre et qu'il a expliqué de nouveau aux disciples d'Emmaüs : aucun royaume de ce monde n'est le Royaume de Dieu, la condition du salut de l'humanité par excellence. Le royaume humain reste un royaume humain, et celui qui affirme qu'il peut ériger un monde sauvé approuve l'imposture de Satan et fait tomber le monde entre ses mains.

 

Dès lors, nous sommes confrontés à la grande question qui nous accompagnera tout au long de ce livre : qu'est-ce que Jésus a vraiment apporté, s'il n'a pas apporté la paix dans le monde, le bien-être pour tous, un monde meilleur ? qu'a-t-il apporté ?

 

La réponse est très simple : Dieu. Il a apporté Dieu. Il a apporté le Dieu dont la face s'est lentement et progressivement dévoilée depuis Abraham jusqu'à la littérature sapientielle, en passant par Moïse et les Prophètes -le Dieu qui n'avait montré son vrai visage qu'en Israël et qui avait été honoré dans le monde des gentils sous des avatars obscurs- c'est ce Dieu-là, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu véritable qu'il a apporté aux peuples de la terre.

 

 Il a apporté Dieu : dès lors, nous connaissons sa face, dès lors nous pouvons l'invoquer. Dès lors, nous connaissons le chemin que, comme hommes, nous devons emprunter dans ce monde. Jésus a apporté Dieu et avec lui la vérité sur notre origine et notre destinée ; la foi, l'espérance et l'amour. Seule la dureté de notre cœur nous fait considérer que c'est peu de chose. Assurément, le pouvoir de Dieu dans le monde est discret, mais c'est le pouvoir véritable, durable. Encore et toujours, la cause de Dieu semble continuellement comme "à l'agonie". Mais elle se montre toujours comme ce qui véritablement demeure et sauve. Les royaumes du monde, que Satan a pu montrer jadis au Seigneur, se sont tous écroulés entretemps. Leur gloire, leur doxa, n'était qu'apparence. Mais la gloire du Christ, la gloire de son amour, faite d'humilité et d'acceptation de la souffrance, n'a pas décliné et ne déclinera pas.

 

 Du combat contre Satan, Jésus sort vainqueur : à la divinisation fallacieuse du pouvoir et du bien-être, à la promesse fallacieuse d'un avenir garantissant tout à tous, en vertu du pouvoir et de l'économie, il a opposé la nature divine de Dieu - Dieu comme véritable bien de l'homme.

 

A l'invitation qui lui est faite d'adorer le pouvoir, le Seigneur oppose les paroles du Deutéronome, le livre même que le diable avait déjà cité : "C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras" (Mt 4, 10 ; Dt 6, 13). Le commandement fondamental pour Israël est aussi celui des chrétiens : seul Dieu doit être adoré.

 

Plus loin lorsque nous réfléchirons sur le Sermon sur la montagne, nous verrons que cette adhésion inconditionnelle au premier commandement du Décalogue inclut aussi une adhésion au deuxième : le respect de l'homme, l'amour du prochain. Chez Matthieu, le récit de la tentation se conclut, comme chez Marc, par ces mots : "Des anges s'approchèrent de lui, et ils le servaient" (Mt 4, 11). Dès lors, s'accomplit le Psaume 91, 11 : les anges le servent.

 

Il s'est révélé comme Fils, c'est pourquoi le ciel s'est ouvert au-dessus de lui, le nouveau Jacob, le père d'un Israël devenu universel. 

 

> fiche de l'édition de poche

la semaine prochaine : La Transfiguration de Jésus

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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 05:00

C'est l'Apôtre de tout un peuple que l'Eglise propose aujourd'hui à nos hommages : le grand Patrice, l'illuminateur de l'Irlande, le père de ce peuple fidèle dont le martyre dure depuis trois siècles. En lui resplendit le don de l'apostolat que le Christ a déposé dans son Eglise, et qui doit s'y perpétuer jusqu'à la consommation des temps. Les divins envoyés du Seigneur se partagent en deux classes. Il en est qui ont reçu la charge de défricher une portion médiocre de la gentilité, et d'y répandre la semence qui germe avec plus ou moins d'abondance, selon la malice ou la docilité des hommes ; il en est d'autres dont la mission est comme une conquête rapide qui soumet à l'Evangile des nations entières, Patrice appartient à cette classe d'Apôtres ; et nous devons vénérer en lui un des plus insignes monuments de la miséricorde divine envers les hommes.

 

 Admirons aussi la solidité de son œuvre. C'est au Ve siècle, tandis que l'île des Bretons était encore presque toute entière sous les ombres du paganisme ; que la race franque n'avait pas encore entendu nommer le vrai Dieu ; que l'immense Germanie ignorait profondément la venue du Christ sur la terre, que toutes les régions du Nord dormaient dans les ténèbres de l'infidélité ; c'est avant le réveil successif de tant de peuples, que l'Hibernie reçoit la nouvelle du salut. La parole divine, apportée par le merveilleux apôtre, prospère dans cette île plus fertile encore selon la grâce que selon la nature. Les saints y abondent et se répandent sur l'Europe entière ; les enfants de l'Irlande rendent à d'autres contrées le même service que leur patrie a reçu de son sublime initiateur. Et quand arrive l'époque de la grande apostasie du XVIe siècle, quand la défection germanique est tour à tour imitée par l'Angleterre et par l'Ecosse, par le Nord tout entier, l'Irlande demeure fidèle ; et aucun genre de persécution, si habile ou atroce qu'il soit, n'a pu la détacher de la sainte foi que lui enseigna Patrice.

 

 Votre vie, ô Patrice, s'est écoulée dans les pénibles travaux de l'Apostolat ; mais qu'elle a été belle, la moisson que vos mains ont semée, et qu'ont arrosée vos sueurs ! Aucune fatigue ne vous a coûté, parce qu'il s'agissait de procurer à des hommes le précieux don de la foi ; et le peuple à qui vous l'avez confié l'a gardé avec une fidélité qui fera à jamais votre gloire.

 

Daignez prier pour nous, afin que cette foi, "sans laquelle l'homme ne peut plaire à Dieu", s'empare pour jamais de nos esprits et de nos cœurs. C'est de la foi que le juste vit, nous dit le Prophète ; et c'est elle qui, durant ces saints jours, nous révèle les justices du Seigneur et ses miséricordes, afin que nos cœurs se convertissent et offrent au Dieu de majesté l'hommage du repentir.

 

C'est parce que notre foi était languissante, que notre faiblesse s'effrayait des devoirs que nous impose l'Eglise. Si la foi domine nos pensées, nous serons aisément pénitents. Votre vie si pure, si pleine de bonnes œuvres, fut cependant une vie mortifiée ; aidez-nous à suivre de loin vos traces. Priez, ô Patrice, pour l'Ile sainte dont vous êtes le père et qui vous honore d'un culte si fervent. De nos jours, elle est menacée encore ; plusieurs de vos enfants sont devenus infidèles aux traditions de leur père. Un fléau plus dangereux que le glaive et la famine a décimé de nos jours votre troupeau ; ô Père ! protégez les enfants des martyrs, et défendez-les de la séduction. Que votre œil aussi suive jusque sur les terres étrangères ceux qui, lassés de souffrir, sont allés chercher une patrie moins impitoyable. Qu'ils y conservent le don de la foi, qu'ils y soient les témoins de la vérité, les dociles enfants de l'Eglise ; que leur présence et leur séjour servent à l'avancement du Royaume de Dieu.

 

Saint Pontife, intercédez pour cette autre Ile qui fut votre berceau ; pardonnez-lui ses crimes envers vos enfants ; avancez par vos prières le jour où elle pourra rentrer dans la grande unité catholique. Enfin souvenez-vous de toutes les provinces de l'Eglise ; votre prière est celle d'un Apôtre ; elle trouvera accès auprès de celui qui vous a envoyé.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 20:00

Le mythe d'Orphée, type du Christ en tant qu'il est le principe et l'auteur de l'harmonie universelle, nous conduit à celui de Psyché, adopté par les chrétiens de Rome, à l'époque primitive. Sur les peintures des catacombes, il ne se rencontre qu'en un seul endroit, et c'est encore au cimetière de Domitille, dans la partie qui remonte évidemment au siècle des apôtres.

 

 Un cubiculum, qui ouvre sur le grand ambulacre, présente jusqu'à trois fois ce sujet caractéristique. On n'a pas droit de s'étonner de voir la fable antique préoccuper l'attention des chrétiens qui arrivaient à connaître l'amour du Fils de Dieu pour sa créature, qu'il a aimée jusqu'à la mort et à la mort de la croix. Un mythe qui plaçait en scène l'Amour et ses divines recherches à l'égard de l'âme, ne pouvait manquer d'intéresser, comme une sorte de prophétie, les néophytes d'un esprit cultivé, qui abordaient à la foi chrétienne. N'avaient-ils pas d'ailleurs, pour préparer leur pensée au divin mystère des noces de l'Epoux céleste avec l'Epouse terrestre, le cantique sacré qui en est l'épithalame, et qui fait partie des saintes Ecritures ? Le beau mythe que l'Orient avait transmis, et que la philosophie platonicienne avait complété, se présentait donc de lui-même, comme une expression toute choisie, à cette fraction élue de la société romaine qui avait donné au Christ Aurélia Petronilla et Flavia Domitilla. Quoi d'étonnant d'en rencontrer la trace, en cette région où furent leurs tombeaux ?

 

 La synthèse des peintures cémétériales, autant qu'on en peut juger par les débris à l'aide desquels nous essayons de la former, ne conserva pas ce délicat et mystérieux sujet. Probablement l'œuvre d'Apulée, qui dénatura et souilla ce chaste symbole dans un livre obscène, en rendit l'usage chrétien moins convenable et moins libre.

 

 C'est une raison de plus pour nous de le signaler ici dans sa simplicité primitive, où il n'offre que modeste familiarité et tendresse.

 

 Dans l'un des sujets que nous avons relevés, l'Amour et Psyché sont occupés à cueillir des fleurs qui doivent remplir une corbeille. Ces fleurs signifient le parfum et la pureté de leur union. Psyché porte ses ailes de papillon, auxquelles on la reconnaît toujours sur les monuments de l'art antique ; mais elle est modestement vêtue et la corbeille de fleurs qu'elle a préparée pour l'Amour est déjà remplie.

 

 Les deux autres fresques respirent la même simplicité et la même tranquillité. On sent que le peintre a voulu seulement rendre l'idée, laissant à compléter par l'âme, la vraie Psyché, ce qui manque à l'expression des sentiments qu'elle éprouve envers celui qui, étant le Roi éternel, a daigné "convoiter sa beauté". (Psalm. XLIV.) L'imperfection artistique de ces peintures saute aux yeux ; mais leur manière ne nous reporte pas moins à l'époque la plus classique.

 

 Avant de terminer cette investigation de Rome souterraine à l'époque des Antonins, il nous reste à mettre en lumière un sujet que nous n'avons pas introduit plus tôt afin de ne pas interrompre notre marche. Il s'agit du dogme chrétien de la résurrection des corps, qu'il ne faut pas confondre avec celui de l'immortalité de l'âme. La croyance à cette restitution que le tombeau doit faire un jour de notre dépouille mortelle, est un des points fondamentaux du christianisme. Le dernier effet de la rédemption ne sera obtenu, la mort ne sera complètement vaincue, que lorsque le tombeau aura rendu à notre âme ce corps, dont elle n'est désunie que pour un temps, en expiation du péché. Le paganisme, sensuel par dessus tout, avait en horreur, comme nous l'avons dit, cette croyance chrétienne, qui, pour les martyrs, était un motif de plus de dédaigner le corps, que rien ne peut soustraire à sa juste et inévitable dissolution. L'apôtre Paul leur avait enseigné que le Christ, dans sa résurrection, est "le premier-né d'entre les morts" (Col., I), et que la chair est confiée à la tombe, "pour en sortir un jour comme le plus noble froment". ( I Cor., XV.) De là il était aisé de conclure que, pour ce qui est du corps, la mort n'est qu'un sommeil ; et ce fut pour cette raison que les chrétiens, dans toute l'Eglise, s'accordèrent à donner le nom de cimetière, qui en grec signifie dortoir, aux divers lieux où se trouvaient réunies leurs sépultures.

 

Les signes de leur foi dans la résurrection des corps ne pouvaient donc être omis sur les peintures cémétériales, et l'on peut même dire que rien n'y est plus fréquent. Tout est mis à contribution pour rendre l'idée de cette palingénésie sur laquelle le chrétien compte fermement. Souvent,  comme au cimetière de Priscille, il y est fait appel par la représentation antique du paon, à la chair duquel les naturalistes de ces temps attribuaient l'incorruptibilité.

 

La succession des saisons fut employée aussi comme le symbole de cette reviviscence sur laquelle nous devons compter. "L'hiver et l'été, écrivait Tertullien à l'époque que nous racontons, le printemps et l'automne, se remplacent avec leurs énergies, leurs caractères et leurs produits. La règle assignée par le ciel est que les arbres dépouillés revêtent de nouveau leur feuillage, que les fleurs reprennent leurs riches couleurs, que les céréales reproduisent la semence absorbée par la terre. Cette succession des choses est une figure de la résurrection des morts". (De resurrect. carnis, cap. XII.) Origène s'exprime de la même manière dans  son  Commentaire sur l'Epître aux Romains. L'inépuisable cimetière de l'Ardéatine renferme une gracieuse peinture où les quatre saisons sont groupées autour du bon Pasteur.

 

Au cimetière de Prétextat, dans la crypte de saint Januarius, l'évolution des saisons est exprimée d'une autre manière.   Au-dessus  de  la niche, le pinceau a tracé un arc occupé par des moissonneurs   qui   accomplissent la récolte du père de famille. Quant à la voûte elle-même, elle est partagée entre quatre zones circulaires destinées à rappeler le mouvement des saisons, sans l'intervention d'aucun personnage, en employant seulement des enroulements de feuillages et quelques accessoires. Les roses du printemps, les épis de l'été, les grappes de l'automne, le laurier toujours vert, même sous la neige, s'enroulent dans les plus gracieux rinceaux, peuplés de nids et de colombes.

 

Enfin le dogme de la résurrection des corps s'affirme dans les catacombes, par la reproduction incessante, jusque sur le marbre des sarcophages, de l'histoire de JONAS, que le Christ lui-même a donné comme le type de sa propre résurrection, prélude de la nôtre. (MATTH., XII.)

 

Ainsi s'affirme, par les signes les plus expressifs, le grand dogme que le christianisme devait faire prévaloir au milieu du monde païen,  en renouvelant   le   sentiment   de   la   dignité   de l'homme jusque dans son corps. Ainsi s'explique le zèle pieux qui porta dès l'origine les chrétiens à attacher une si haute importance aux sépulcres, à conserver avec tant de respect les débris de ces corps qui avaient été les temples du Saint-Esprit,  et devaient ressusciter glorieux.   Rome souterraine, l'une des merveilles de ce monde, et peut-être la plus grande, dut son existence au dogme de la résurrection des corps. Sous l'inspiration de cette vérité primordiale, elle devint la cité mystérieuse et sacrée, la nécropole des martyrs, le lieu de réunion des fidèles, l'école où l'on apprenait à vivre et à mourir pour le Christ.

 

Après cette longue excursion à travers les monuments primitifs   du   christianisme,   dans   laquelle nous avons touché successivement les éléments de cette vitalité qui animait nos martyrs, nous revenons au saint pontife qui présidait au gouvernement général de l'Eglise.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 67 à 73)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 12:00

- lundi 14.03.2011 Patriarcat latin de Jérusalem
L’avion qui portait le reliquaire de Ste Thérèse de Lisieux s’est posé ce matin à Ben Gurion (Israël), l’un des aéroports les plus surveillés du monde. Dans deux jours, la châsse entrera solennellement à Jérusalem. Et la Sainte sera en pèlerinage pendant deux mois et demi dans le pays de Jésus.

 

Clergy and members of the Christian community in the Holy Land welcome the casket with the remains of Sainte Therese of Lisieux at Ben Gurion Airport during a brief prayer ceremony upon the arrival from Brussels of a senior Roman Catholic Church delegation carrying her remains for a month-and-half pilgrimage in the Holy Land, on March 14, 2011. - photos : http://www.daylife.com/

 

Clergy and members of the Christian community in the Holy Land welcome the casket with the remains of Sainte Therese of Lisieux at Ben Gurion Airport during a brief prayer ceremony upon the arrival from Brussels of a senior Roman Catholic Church delegation carrying her remains for a month-and-half pilgrimage in the Holy Land, on March 14, 2011.

 

 

mercredi 16 mars : arrivée à Jérusalem 

16.30 - Entrée officielle des reliques de Sainte Thérèse à la Porte de Jaffa

17.30 - Prières en le Patriarcat Latin de Jérusalem

http://www.custodia.org/

 

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 05:00

Venons-en maintenant à la deuxième tentation de Jésus, dont la signification exemplaire est à beaucoup d'égards la plus difficile à comprendre. La tentation est à comprendre comme une sorte de vision, dans laquelle est résumée une réalité, une menace particulière pour l'homme et pour la mission de Jésus.

 

D'emblée un point nous intrigue. Pour attirer Jésus dans son piège, le diable cite l'Écriture Sainte : le Psaume 91 ; qui évoque la protection que Dieu accorde à l'homme fidèle : "II donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins. Ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte les pierres" (v. 11-12). Ces paroles prennent une importance plus grande du fait qu'elles ont été prononcées dans la ville sainte, dans le lieu saint. En effet, le psaume cité est lié au Temple ; celui qui le récite attend une protection dans le Temple, car la maison de Dieu doit être un lieu particulier de protection divine. En quel autre lieu l'homme qui croit en Dieu devrait-il se savoir plus à l'abri que dans l'enceinte sacrée ? Le diable se révèle un connaisseur de l'Écriture, il est capable de citer le psaume avec précision. Tout le dialogue de la deuxième tentation se présente comme un débat entre deux experts en Écriture Sainte : le diable y fait figure de théologien, ainsi que nous le fait remarquer Joachim Gnilka.

 

 Vladimir Soloviev a repris ce thème dans son Court récit sur l'Antéchrist : l'Antéchrist est fait docteur honoris causa en théologie de l'université de Tübingen ; c'est un grand expert de la Bible. Ainsi, Soloviev a voulu exprimer, de façon radicale, son scepticisme envers un certain type d'exégèse érudite de son temps. Il ne s'agit pas d'un refus de l'interprétation scientifique de la Bible en tant que telle, mais d'un avertissement particulièrement nécessaire et salutaire face à ses errances possibles. L'interprétation de la Bible peut effectivement devenir un instrument de l'Antéchrist. Ce n'est pas seulement Soloviev qui le dit, c'est ce qu'affirme implicitement le récit même des tentations. Les pires livres qui détruisent la figure de Jésus, qui démolissent la foi, ont été écrits avec de prétendus résultats de l'exégèse.

 

 De nos jours, la Bible est assujettie chez beaucoup au critère de la prétendue vision moderne du monde, dont le dogme fondamental est que Dieu ne peut nullement agir dans l'histoire, et que, par conséquent, tout ce qui le concerne est à reléguer dans la sphère du subjectif. Alors la Bible ne parle plus de Dieu, du Dieu vivant, mais c'est nous-mêmes seulement qui parlons et qui déterminons ce que Dieu peut faire et ce que nous voulons ou devons faire. Et l'Antéchrist nous dit alors, se présentant comme un grand érudit, qu'une exégèse qui lit la Bible dans la perspective de la foi au Dieu vivant, lui prêtant attention, relève d'une attitude fondamentaliste ; seule son exégèse, l'exégèse considérée comme authentiquement scientifique, dans laquelle Dieu lui-même ne dit rien et n'a rien à dire, serait à la pointe du progrès.

 

 La dispute théologique entre Jésus et le diable est une dispute qui concerne chaque époque et qui a comme objet l'interprétation correcte de la Bible, dont la question herméneutique fondamentale est la question de l'image de Dieu. La dispute sur l'interprétation est en fin de compte une discussion qui porte sur qui est Dieu. Cette discussion autour de l'image de Dieu, dont il s'agit dans la dispute sur l'interprétation correcte de l'Écriture, trouve son expression concrète dans l'image du Christ : celui qui est resté sans pouvoir terrestre est-il réellement le Fils du Dieu vivant ?

 

 Ainsi, la question concernant la structure de l'étrange dialogue sur l'Écriture entre Jésus et le Tentateur conduit directement au cœur de la question du contenu. De quoi est-il question ? On a associé cette tentation au thème du panem et circenses : après le pain, doit être offert quelque chose de sensationnel. Comme il ne suffit manifestement pas à l'homme d'être physiquement rassasié, celui qui ne veut pas laisser entrer Dieu dans le monde et dans les hommes doit offrir la stimulation d'expériences excitantes, dont le frémissement remplace et refoule l'émotion religieuse. Mais ce ne peut pas être le sens de ce passage, car, à ce qu'il semble, il n'y a pas de spectateurs.

 

L'enjeu apparaît dans la réponse de Jésus empruntée encore au Deutéronome (6, 16) : "Vous ne mettrez pas à l'épreuve le Seigneur votre Dieu". Dans le Deutéronome, c'est une allusion à l'histoire d'Israël qui risquait de mourir de soif dans le désert. S'ensuit une rébellion contre Moïse qui devient une rébellion contre Dieu. Dieu doit montrer qu'il est Dieu. Dans la Bible, cette rébellion contre Dieu est décrite ainsi : "Ils avaient mis le Seigneur au défi en disant : "Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n'y est-il pas ?" (Ex 17, 7). Il s'agit donc de ce que nous avons déjà mentionné précédemment : Dieu doit se prêter à l'expérimentation. Il est "mis à l'épreuve", comme on teste les marchandises. Il doit se soumettre aux conditions que nous considérons comme nécessaires à notre certitude. S'il n'accorde pas maintenant la protection promise par le Psaume 91, alors il n'est pas Dieu. Alors il a falsifié sa parole, et de ce fait il s'est falsifié lui-même.

 

Nous avons ici devant nous dans sa totalité la grande question de savoir comment on peut connaître Dieu et comment on peut ne pas le connaître, comment l'homme peut être en relation avec lui et comment il peut le perdre. La présomption qui veut transformer Dieu en objet et lui imposer nos conditions expérimentales de laboratoire ne saura trouver Dieu. Car il présuppose déjà que nous nions Dieu en tant que Dieu, parce que nous nous mettons au-dessus de lui, parce que nous mettons de côté toute la dimension de l'amour, de l'écoute intérieure, et que nous ne reconnaissons comme réel que ce dont on peut faire l'expérience, que ce qui a été mis entre nos mains. Celui qui pense ainsi se fait lui-même Dieu et rabaisse ainsi non seulement Dieu mais aussi le monde et lui-même.

 

Three Temptations of Christ (detail) by Botticelli

 

À partir de cette scène sur le pinacle du Temple, le regard s'ouvre également sur la croix. Le Christ ne s'est pas jeté du pinacle du Temple. Il n'a pas sauté dans l'abîme. Il n'a pas mis Dieu à l'épreuve. Mais il est descendu dans l'abîme de la mort, dans la nuit de l'abandon ; il s'est exposé comme un être sans défense. Il a osé ce saut-là comme acte d'amour de Dieu pour les hommes. Et donc il savait qu'en sautant, il ne pouvait tomber finalement qu'entre les mains clémentes du Père. Ainsi apparaît le sens véritable du Psaume 91, le droit à la confiance extrême et illimitée, dont il parle : celui qui fait la volonté de Dieu sait qu'au milieu de toutes les terreurs qu'il traverse, il ne perdra jamais une ultime protection. Il sait que le fondement du monde est l'amour et que, par conséquent, même là où aucun humain ne peut ou ne veut l'aider, il peut continuer à cheminer dans la confiance en Celui qui l'aime.

 

Cette confiance, à laquelle l'Écriture nous autorise et à laquelle le Seigneur, le Ressuscité, nous invite, est quelque chose de tout à fait autre que le défi aventureux adressé à Dieu, qui voudrait faire de Lui notre serviteur.  

 

> fiche de l'édition de poche 

demain : La troisième tentation

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 20:00

Un autre type du martyre, non moins expressif et non moins fréquent sur nos fresques, est Daniel dans la fosse aux lions.

  

 Le courage tranquille avec lequel le prophète affronta ces bêtes féroces devait accompagner le chrétien, lorsqu'il aurait à descendre dans l'amphithéâtre pour y être à son tour dévoré par les lions ; et si quelquefois par exception, il plaisait à Dieu de donner la leçon aux païens, en contraignant ces animaux féroces à demeurer immobiles et respectueux aux pieds des athlètes de la foi, le chrétien ne devait pas compter sur le prodige, mais se tenir toujours prêt à sentir la dent de ces animaux affamés s'enfoncer dans sa chair et dévorer ses membres. Le nombre des martyrs de l'amphithéâtre dépasse de beaucoup, on le sait, celui des martyrs du bûcher. Les jeux publics étaient fréquents et ils avaient besoin d'être alimentés. Dans une peinture des cryptes Ardéatines, saint Pierre et saint Paul, fondateurs de l'église romaine, ayant près d'eux les saintes Ecritures, sont assis de chaque côté du martyr, pour soutenir sa foi, et lui rappeler la constance dont ils lui ont donné la leçon par leurs écrits et par leurs exemples.

  

 Qu'ils fussent appelés ou non à sortir de cette vie d'une manière précipitée et violente, les chrétiens devaient toujours se tenir prêts, gardant dans leurs âmes l'alliance qu'ils avaient scellée avec Dieu par le baptême, et pratiquant jusqu'à la fin les œuvres qu'inspire une foi vivante. La parabole de l'Evangile leur était connue. (MATTH., XXV.) C'est au milieu de la nuit, au sein même de leur sommeil, que devait retentir le cri qui les appellerait devant le juge. A ce moment, leurs lampes devaient être non seulement allumées, mais garnies de cette huile, sans laquelle la lumière ne saurait briller. Le Christ donne à entendre que, parmi les hommes, les uns se trouvent prêts pour ce moment solennel, et les autres en retard. Il met en scène dix vierges, dont cinq sont pourvues de l'huile nécessaire qui manque aux cinq autres. Dans les riches galeries de la voie Nomentane, on voit les cinq vierges sages qui viennent d'entendre le cri. Elles se sont levées, leur provision d'huile est faite, et, le flambeau à la main, elles s'avancent vers la lumière éternelle qui va les recevoir pour toujours.

  

Le Sauveur avait établi sa loi sur le double fondement de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain ; les peintures cémétériales ne pouvaient donc manquer d'offrir leurs enseignements sur la pratique du second commandement, que le Christ déclare être exigible de nous aussi bien que celle du premier. (MATTH., XXII.) Le symbole de cette charité fraternelle était exprimé par les agapes, festins communs institués par les apôtres et continués après eux, pour unir ceux qui étaient frères par le baptême, dans une étroite familiarité. Les mêmes cryptes de la voie Nomentane nous donnent sur ce sujet une charmante fresque, où brille, avec la simplicité chrétienne, tout le charme de la peinture antique.

 

Mais l'union entre les frères ne suffirait pas à l'accomplissement du grand précepte de l'amour du prochain. Le chrétien doit subvenir par l'aumône aux besoins de ses frères. Cette charité, qui porte à s'imposer des privations pour soulager les autres hommes dans leurs nécessités, fut un des caractères du christianisme qui émurent davantage les païens, d'autant plus qu'ils voyaient les chrétiens non seulement se secourir entre eux, mais encore prendre à leur charge ceux qui n'avaient pas le bonheur de partager leurs croyances. Nous trouvons au cimetière de la voie Lavicane une charmante expression de la charité chrétienne. Trois chrétiens sont à une table : l'un enlève un mets, et s'empresse de le donner à un pauvre ; l'autre, voyant arriver un serviteur chargé d'un autre mets, lui fait signe de l'aller porter à quelque indigent ; en sorte que la table restera à peine servie. Une chrétienne préside à cette table et approuve par sa présence et par son geste les largesses que font ses deux convives.

 

Nous avons parcouru dans cette revue des peintures souterraines un nombre considérable de sujets exprimant, tantôt dans leur réalité, tantôt sous des symboles, les principaux points du dogme et de la morale du christianisme. Notre investigation, nous l'avons dit, ne devait avoir pour objet que les fresques dont le style nous reporte généralement à la période qui a précédé le troisième siècle. Sans les pertes à jamais regrettables éprouvées, il est à croire que notre synthèse eût été beaucoup plus complète. Nous pouvons cependant l'enrichir encore de quelques sujets que nous avons réservés pour la fin, parce qu'ils sont le complément de l'instruction catholique, et ouvrent la voie à la théologie mystique qui, recherchant l'union toujours plus intime avec Dieu, est le sommet de la perfection chrétienne. Cette tendance supérieure, qui ne s'écarte jamais de la stricte orthodoxie dogmatique, a son point de départ dans les écrits de saint Denys et de Clément d'Alexandrie, et elle continue de se manifester dans les livres des auteurs mystiques canonisés par l'Eglise.

 

Au cimetière de Domitille, le Christ est représenté assis au milieu de ses disciples. La peinture de l'arcosolium a été gâtée malheureusement par l'indiscrète dévotion d'un chrétien, qui, pour être plus près du martyr enseveli dans le tombeau servant d'autel, a fait creuser son loculus de manière à tronquer toutes les figures. La voûte de cet arcosolium est tapissée d'une vigne, sur laquelle le peintre a fait figurer avec beaucoup de grâce les génies de la vendange que reproduisait le pinceau antique. Le but de l'artiste sera demeuré secret à plus d'un spectateur ; mais un sentiment plus intime du christianisme en donne la clef. Sur les rameaux de la vigne sont multipliées les  colombes,  qui,  ainsi que nous l'avons vu, figurent les âmes. La pensée chrétienne est donc tout entière ici, seulement elle est plus mystérieuse.  Quelle est la vigne, quelle est la grappe que nous avons sous les yeux ? C'est le Christ lui-même, connu et goûté par l'âme, qu'un amour profond et encouragé attire à une union plus étroite. L'Epouse du Cantique des cantiques, chargée par l'Esprit-Saint d'exprimer cette union, le fait en ces paroles : "Mon bien-aimé est une grappe dans les vignes d'Engaddi". (Cap. I.) Ainsi la décoration de cet arcosolium n'est pas seulement un ornement capricieux entourant la scène du centre; elle a pour objet de rendre une des principales figures de l'épithalame sacré.

 

Après avoir parlé de ce gracieux rinceau sur lequel se déploient si richement l'aisance et la richesse du pinceau antique, mises au service du plus intime sentiment chrétien, nous citerons cet autre plafond symbolique emprunté au même cimetière, et sur lequel le spectateur non initié pourrait  croire,   au  premier abord,   que  l'idée chrétienne ne fait pas le centre de la composition. Orphée jouant de la lyre n'est évidemment pas un emprunt fait aux figures bibliques. Pourtant, il est là entouré des symboles habituels que les peintures cémétériales puisent dans les saintes Ecritures. On est donc obligé de recourir à l'idée, si l'on veut s'expliquer comment le mythe antique a pu s'unir ainsi au symbole chrétien, et il faut avant tout distinguer la forme païenne ou idolâtrique d'avec le sens nouveau que voient en lui les disciples du Christ.

 

Il s'agit ici d'un être supérieur, centre du concert de tous les êtres, et les attirant tous autour de lui par la mélodie de ses accords. Pour le chrétien qui a appris à le connaître et à le goûter comme principe de l'harmonie universelle, qu'est le Fils de Dieu incarné, sinon le véritable Orphée ? On comprend alors l'admirable langage de Clément d'Alexandrie, contemporain de notre peinture, faisant allusion à l'Orphée des païens :

" Combien, dit-il, est différent le chantre merveilleux dont j'ai à vous parler ! Il est venu, et à l'instant il a brisé nos chaînes, il a détruit la cruelle servitude sous laquelle nous tenaient les démons ; il nous a fait passer sous un autre joug, le plus doux, le plus facile à porter, celui de la piété. Nous rampions sur la terre, il nous rappelle au ciel. Lui seul a su attendrir la barbarie, apprivoiser l'homme, de tous les animaux le plus féroce. Déjà, comme créateur, le Verbe, ce chantre des cieux, avait mis ce bel ordre dans l'univers, enseignant aux éléments discordants à former un concert admirable, de même que le musicien sait tempérer le mode dorien par celui de la Lydie. Tels ne sont pas les accords du chantre de Thrace, semblables à ceux dont Tubal fut l'inventeur ; mais tels furent ceux de David, qui, dans l'harmonie de ses chants, fut en accord avec le Dieu créateur. Le Verbe de Dieu, né de David, bien qu'il fût avant lui, a rejeté la lyre et la harpe, instruments inanimés, et, saisissant ce monde avec l'homme qui est le microcosme, il a su accorder notre corps et notre âme au moyen de l'Esprit-Saint, et en faire un instrument à plusieurs voix pour célébrer Dieu. Il a dit à cet instrument : 'Tu es ma harpe, ma flûte, mon temple' ; harpe par l'harmonie des sons, flûte par le souffle qui t'inspire, temple pour le Verbe qui résidera en toi.

 

" Mais le Verbe qui a fait de l'homme un si bel instrument, n'est-il pas lui-même une lyre plus sainte, plus complète, plus dégagée de toute discordance, celui dont Dieu se sert, la Sagesse qui est au-dessus du monde ? Quel est ce nouveau cantique qui a retenti ? La vue rendue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, les boiteux redressés, les égarés remis dans la ligne de la justice, Dieu a montré à ceux qui étaient insensés, la corruption détruite, la mort vaincue, les fils rebelles réconciliés avec le Père. Car la lyre de Dieu aime le genre humain ; le Verbe est rempli de compassion ; il exhorte, il avertit, il châtie, il conserve, il protège, et promet pour récompense le royaume des cieux, lui qui n'a d'autre avantage à retirer de nous que notre salut.

 

" Ce cantique dont je parle, n'allez pas le croire nouveau, dans le sens d'un vase que l'on façonne ou d'un édifice qu'on élève. Il était avant l'aurore, ce cantique. Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. (JOHAN., I.) Mais il a voulu paraître sur la terre en ces derniers temps, et être appelé du nom sanctifié et auguste de Christ, et c'est en ce sens que je l'appelle Cantique nouveau. Dieu et homme tout ensemble, il a apparu récemment aux hommes, pour nous apporter la félicité complète. Formés par ses enseignements à bien vivre, nous passons à l'éternelle vie."

(Cohortatio ad Gentes.)

 

Le Christ est donc l'Orphée véritable, et les chrétiens craignaient d'autant moins d'invoquer en lui un personnage du paganisme, qu'il circulait des vers qu'on lui attribuait, et dans lesquels l'unité de Dieu était célébrée. Il n'était pas nécessaire que tous les chrétiens qui étaient appelés à contempler le centre de ce beau plafond, eussent conscience du Christ comme étant la lyre divine, le principe de l'harmonie de tous les êtres, qu'ils saisissent en propres termes la distinction du Cantique éternel au sein du Père et du Cantique nouveau au milieu des hommes ; une égale participation aux mystères divins les mettait suffisamment en rapport avec celui qui se donne aux grands et aux petits, aux parfaits et aux imparfaits.

 

Le mythe d'Orphée, type du Christ en tant qu'il est le principe et l'auteur de l'harmonie universelle, nous conduit à celui de Psyché, adopté par les chrétiens de Rome, à l'époque primitive. Sur les peintures des catacombes, il ne se rencontre qu'en un seul endroit, et c'est encore au cimetière de Domitille, dans la partie qui remonte évidemment au siècle des apôtres.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 58 à 66)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 05:00

Matthieu et Luc parlent de trois tentations, dans lesquelles se reflète la lutte intérieure de Jésus pour sa mission mais en même temps apparaît aussi la question concernant ce qui compte vraiment dans la vie des hommes. Ici se manifeste clairement le cœur de toute tentation : la mise à l'écart de Dieu qui, face à tout ce qui, dans notre vie, apparaît plus urgent, semble secondaire, voire superflu et ennuyeux. Mettre de l'ordre dans le monde par soi-même, sans Dieu, ne compter que sur soi, n'admettre comme réelles que les réalités politiques et matérielles en écartant Dieu comme illusion, telle est la tentation, qui nous menace sous de multiples aspects.

 

 La nature de la tentation comprend aussi un comportement moral : elle ne nous invite pas directement au mal, ce serait trop grossier. Elle prétend nous montrer ce qui est meilleur : abandonner enfin les illusions et employer efficacement nos forces pour améliorer le monde. Elle se présente aussi avec la prétention du vrai réalisme. Le réel est ce qui se constate : le pouvoir et le pain. En comparaison, les choses de Dieu apparaissent comme irréelles, comme un monde secondaire, dont on n'a pas vraiment besoin.

 

 Or, c'est de Dieu qu'il s'agit : est-il, oui ou non, le réel, la réalité même ? Est-il le Bien, ou devons-nous inventer nous-mêmes ce qui est bien ? La question de Dieu est la question fondamentale, qui nous place à la croisée des chemins de l'existence humaine. Que doit faire ou ne pas faire le Sauveur du monde ? Telle est la question que sous-tendent les tentations de Jésus. Chez Matthieu et Luc, les trois tentations sont identiques, seule leur succession diffère. Suivons la démarche de Matthieu, pour la cohérence dans le déroulement ascendant de sa construction.

 

 Jésus "après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, eut faim" (Mt 4, 2). Du temps de Jésus, le chiffre quarante était déjà chargé d'une riche signification symbolique pour Israël. Il nous rappelle d'abord les quarante années qu'Israël a passées dans le désert, qui furent le temps de sa tentation mais aussi le temps d'une proximité particulière de Dieu. Ensuite, il nous fait penser aux quarante jours que Moïse a passés sur le mont Sinaï, avant de pouvoir recevoir la parole de Dieu, les tables sacrées de l'Alliance. Il peut aussi évoquer le récit rabbinique selon lequel Abraham, sur le chemin du mont Horeb, où il aurait dû sacrifier son fils, s'est abstenu de tout aliment et de toute boisson pendant quarante jours et quarante nuits, se nourrissant de la vision et de la parole de l'ange qui l'accompagnait.

 

 Dans une extension déjà quelque peu poussée de la symbolique des chiffres, les Pères ont aussi considéré le chiffre 40 comme le chiffre cosmique, le chiffre du monde dans son ensemble : les quatre points cardinaux délimitent le tout, et dix est le nombre des commandements. Le chiffre cosmique multiplié par le nombre de commandements devient l'expression symbolique de l'histoire de ce monde. En quelque sorte, Jésus parcourt de nouveau l'Exode d'Israël, puis les errements et les désordres de toute l'histoire. Les quarante jours de jeûne embrassent le drame de l'histoire, que Jésus assume en lui et supporte jusqu'au bout.

 

The Temptation of Christ by Juan De Flandes (1500)

 

" Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains" (Mt 4, 3) - ainsi commence la première tentation. "Si tu es le Fils de Dieu" — nous entendrons encore ces mots dans la bouche de ceux qui se moqueront de Jésus au pied de la croix : "Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix" (Mt 27, 40). Le Livre de la Sagesse avait déjà envisagé cette situation : "Si ce juste est fils de Dieu, Dieu l'assistera" (Sg 2, 18). Dérision et tentation vont ici de pair : le Christ doit prouver ce qu'il prétend être, afin de devenir crédible. Cette demande de preuve traverse tout le cours de la vie de Jésus, où on lui reproche continuellement de ne pas se justifier assez clairement : il devrait accomplir le grand miracle qui, éliminant toute ambiguïté et toute contradiction, démontrerait à tout un chacun, de façon indiscutable, qui il est et ce qu'il est ou n'est pas.

 

Cette demande, c'est celle que nous aussi nous adressons à Dieu, au Christ et à son Église tout au long de l'histoire : Dieu, si tu existes, alors tu dois aussi te montrer. Alors tu dois déchirer le nuage qui te cache et nous donner la clarté à laquelle nous avons droit. Si toi, ô Christ, tu es vraiment le Fils et non un des illuminés qui ont paru continuellement dans l'histoire, alors tu dois te montrer plus clairement que tu ne le fais. Alors, tu dois donner à ton Église, si elle doit bien être la tienne, un degré d'évidence d'un autre ordre que celui dont elle dispose actuellement.

 

Nous reviendrons sur ce point quand nous arriverons à la deuxième tentation, dont il constitue le véritable centre. La preuve de l'existence de Dieu que le tentateur propose dans la première tentation consiste à transformer les pierres du désert en pain. Au commencement, il s'agit de la faim de Jésus lui-même, ainsi que l'a vu saint Luc : "Ordonne à cette pierre de devenir du pain" (Lc 4, 3). Mais Matthieu interprète la tentation de façon plus large, telle qu'elle fut présentée à Jésus durant sa vie terrestre, et ensuite renouvelée à travers toute l'histoire.

 

Quoi de plus tragique, quoi de plus contraire à la foi en un Dieu bon et à la foi en un rédempteur des hommes que la faim de l'humanité ? Le premier critère d'identification du Rédempteur devant le monde et pour le monde ne devrait-il pas consister à donner du pain et à faire en sorte que cesse la faim de tout homme ? Quand le peuple d'Israël errait dans le désert, Dieu l'avait nourri en lui envoyant le pain du ciel, la manne. On croyait pouvoir déceler dans cet épisode une image du temps messianique : le Sauveur du monde ne devait-il pas, et ne doit-il pas toujours, montrer son identité en donnant à manger à tout le monde ? Le problème de la faim dans le monde et, plus généralement, les problèmes sociaux ne sont-ils pas le critère premier et authentique pour mesurer la rédemption ? Quelqu'un qui ne satisfait pas à ce critère peut-il à bon droit s'appeler Rédempteur ? On peut tout à fait comprendre que le marxisme ait précisément fait de cet idéal le cœur de sa promesse de salut : il aurait fait en sorte que toute faim cesse et que "le désert devienne du pain".

 

" Si tu es le Fils de Dieu...", quel défi ! Ne doit-on pas le lancer aussi à l'Église ? Si tu veux être l'Église de Dieu, alors préoccupe-toi d'abord du pain pour le monde - le reste viendra après. Il est difficile de répondre à ce défi, justement parce que le cri des affamés nous pénètre et doit nous pénétrer très profondément dans l'oreille et dans l'âme. On ne peut pas comprendre la réponse de Jésus seulement à la lumière du récit des tentations. Le thème du pain traverse tout l'Évangile et doit être considéré dans toute son ampleur.

 

 Il y a deux autres grands récits sur le pain dans la vie de Jésus. L'un est la multiplication des pains pour les milliers de personnes qui avaient suivi le Seigneur dans un lieu désert. Pourquoi accomplir maintenant un acte qui a été rejeté auparavant comme une tentation ? Les gens étaient venus pour entendre la parole de Dieu et, pour ce faire, ils avaient laissé tomber tout le reste. Et ainsi, en tant que personnes qui ont ouvert leur cœur à Dieu, puis les uns aux autres, ils peuvent recevoir le pain comme il se doit. Ce miracle suppose trois éléments : en premier il y a eu la quête de Dieu, de sa parole et de la juste orientation de la vie entière. Par ailleurs, le pain est demandé à Dieu. Enfin, la disponibilité réciproque au partage constitue un élément essentiel du miracle. L'écoute de Dieu devient une vie avec Dieu et elle conduit de la foi à l'amour, à la découverte d'autrui. Jésus n'est pas indifférent à la faim des hommes, à leurs besoins matériels, mais il les replace dans leur juste contexte et leur donne la place qui leur revient.

 

 Ce deuxième récit sur le pain renvoie par avance au troisième et il en constitue la préparation : la dernière Cène, qui devient l'Eucharistie de l'Église et le miracle permanent de Jésus sur le pain. Jésus lui-même est devenu le grain de blé qui, en mourant, porte du fruit en abondance (Jn 12, 24). Il est lui-même pain pour nous, et cette multiplication des pains durera de manière inépuisable jusqu'à la fin des temps. Ainsi, nous comprenons maintenant les paroles de Jésus, qu'il emprunte à l'Ancien Testament (Dt 8, 3) pour repousser le tentateur : "Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Mt 4, 4). À ce sujet, il y a une phrase éclairante du jésuite allemand Alfred Delp, qui fut exécuté par les nazis : "Le pain est important, la liberté est plus importante, mais la chose la plus importante de toutes, c'est la fidélité constante et l'adoration jamais trahie."

 

 Là où cet ordre des biens n'est pas respecté, mais renversé, il n'y a plus alors de justice, on ne se soucie plus de l'homme qui souffre, mais se créent aussi des bouleversements et des destructions dans le domaine des biens matériels. Là où Dieu est considéré comme une grandeur secondaire que l'on peut écarter temporairement ou complètement, au nom de choses plus importantes, alors ces choses supposées plus importantes échouent aussi. L'issue négative de l'expérience marxiste n'est pas la seule à le montrer.

 

Les aides de l'Occident aux pays en voie de développement, fondées sur des principes purement techniques et matériels, qui non seulement ont laissé Dieu de côté, mais ont encore éloigné les hommes de Dieu par l'orgueil de leur prétendu savoir, ont fait du Tiers Monde le Tiers Monde au sens moderne. De telles aides ont écarté les structures religieuses, morales et sociales existantes et elles ont introduit leur mentalité techniciste dans le vide ainsi créé. Elles croyaient pouvoir transformer les pierres en pain, mais elles ont donné des pierres à la place du pain. Or il s'agit du primat de Dieu. Il s'agit de le reconnaître comme réalité, une réalité sans laquelle rien d'autre ne peut être bon. L'Histoire ne saurait être gouvernée par de simples structures matérielles, faisant abstraction de Dieu. Si le cœur de l'homme n'est pas bon, alors rien d'autre ne pourra le devenir. Et la bonté du cœur ne peut venir que de Celui qui est lui-même la Bonté, le Bien.

 

On peut, bien sûr, se demander pourquoi Dieu n'a pas créé un monde où sa présence serait plus manifeste ; pourquoi le Christ n'a pas laissé derrière lui une tout autre splendeur de sa présence, qui toucherait tout un chacun de manière irrésistible. C'est le mystère de Dieu et de l'homme, que nous ne pouvons pénétrer. Nous vivons dans ce monde, où Dieu n'a justement pas l'évidence du tangible, mais où il peut être cherché et trouvé uniquement par l'élan du cœur, "l'exode d'Egypte".

 

Dans ce monde nous devons résister aux illusions de fausses philosophies et reconnaître que nous ne vivons pas seulement de pain, mais d'abord de l'obéissance à la parole de Dieu. C'est seulement là où cette obéissance est vécue que naissent et grandissent les sentiments qui permettent aussi de procurer du pain à tous.  

 

> fiche de l'édition de poche 

demain : La deuxième tentation

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