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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

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SALVE REGINA

7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 11:30

C'était bien déjà, comme l'on voit, l'hérésie antiliturgiste toute formée. Il ne lui manquait que des populations disposées à l'accueillir.

 

 Pour arriver en Europe, la secte passa par la Bulgarie où elle jeta de profondes racines ; ce qui fut cause qu'on donna, dans l'Occident, le nom de bulgares à ses adeptes. En 1017, sous le roi Robert, on en découvrit plusieurs à Orléans, et peu après, d'autres dans le Languedoc, puis en Italie, où ils se faisaient nommer cathares, c'est-à-dire purs ; enfin jusqu'au fond de l'Allemagne. Leur parole infâme avait miné en dessous comme le chancre, et leur doctrine était toujours la même, fondée sur la croyance aux deux principes, et sur la haine de tout l'extérieur du culte, renforcée de toutes les abominations gnostiques.

 

Du reste, fort dissimulés, confondus dans l'Église avec les orthodoxes, prêts à toute sorte de parjures, plutôt que de se laisser deviner, quand une fois ils .avaient résolu de ne pas parler. Ils étaient déjà très puissants, au XIIe siècle, dans le midi de la France, et l'on ne peut douter que Pierre de Bruis et Henri, dont les doctrines eurent pour adversaires saint Bernard et Pierre le Vénérable, ne fussent leurs deux chefs principaux. On les voit passer en Angleterre, où ils furent appelés poplicains ou publicains. En France, on les désigne sous les noms d'albigeois, à cause de leur puissance dans une de nos provinces, et les plus profondément initiés aux dégoûtants mystères de la secte sont appelés patarins. On sait avec quel zèle les populations catholiques du moyen âge se jetèrent contre ces sectaires : l'Église crut pouvoir publier contre eux la croisade, et une guerre commença, à laquelle prirent part, directe ou indirecte, tous les grands personnages de l'Église et de l'État. On étouffa la doctrine des albigeois, au moins quant à sa prédominance extérieure ; elle resta sourdement comme semence de toutes les erreurs qui devaient éclater au XVIe siècle, et les doctrines de son monstrueux mysticisme se perpétuèrent jusqu'à nos jours dans l'hérésie quiétiste, plus dangereuse ennemie peut-être de la vraie doctrine liturgique, que le pur rationalisme lui-même.

 

 Une nouvelle branche de la secte, moins mystique et par conséquent plus appropriée aux mœurs de l'Occident, poussait à Lyon, sur le même tronc du manichéisme importé d'Orient, au moment même où le premier rameau était menacé d'une destruction violente.

 

En 1160, à Lyon, Pierre Valdo, marchand, formait la secte de ces fanatiques turbulents, connus sous le nom de pauvres de Lyon, mais surtout sous celui de vaudois, du nom de leur fondateur. Ce fut alors qu'on put présager l'alliance de l'esprit de la secte avec celui dont Bérenger avait été chez nous le premier organe. Dégagés bientôt des opinions manichéennes, impopulaires chez nous, ils prêchent surtout la réforme de l'Église, et, pour l'effectuer, ils sapent audacieusement tout l'ensemble de son culte. D'abord, pour eux, il n'y a plus de sacerdoce, tout laïque est prêtre ; le prêtre, en péché mortel, ne consacre plus ; par conséquent, plus d'Eucharistie certaine ; les clercs ne peuvent posséder les biens de la terre ; on doit avoir en horreur les églises, le saint Chrême, le culte de la sainte Vierge et des saints, la prière pour les morts. Il faut en référer sur toutes choses à l'Écriture sainte, etc. Les vaudois trouvent la morale de l'Église scandaleuse pour son relâchement, et affichent même une rigueur de conduite qui contraste avec les débordements des albigeois.

 

Mais la France n'était pas le seul théâtre de cette réaction violente contre la forme dans le catholicisme. A la fin du XIVe siècle, Wiclef se levait en Angleterre et faisait entendre presque tous les blasphèmes des vaudois. Cependant, comme tout système d'erreur en religion a besoin, pour avoir quelque consistance, de, s'appuyer de près ou de loin sur le panthéisme, le mysticisme gnostique ne pouvant convenir aux masses, chez nous, comme nous l'avons remarqué, Wiclef imagina d'étayer ses doctrines dissolvantes sur un système de fatalisme dont la source était une volonté immuable de Dieu dans laquelle se trouvaient absorbées toutes les volontés des créatures.

 

Vers le même temps, Jean Huss dogmatisait en Allemagne et préparait cette immense révolte qui allait séparer, pour des siècles, des nations entières de la communion romaine. Lui aussi appuyait fortement sur des conséquences exagérées du dogme de la prédestination, et passant à la pratique, humiliait le sacerdoce devant le laïcisme, prêchait la lecture de l’Écriture sainte aux dépens de la Tradition, et rompait en visière à l'autorité souveraine en matière liturgique, par les réclamations qu'il faisait entendre pour l'usage du calice dans la communion laïque.

 

Vint enfin Luther, qui ne dit rien que ses devanciers n'eussent dit avant lui, mais prétendit affranchir, en même temps, l'homme de la servitude de la pensée à l'égard du pouvoir enseignant, de la servitude du corps à l'égard du pouvoir liturgique. Calvin et Zwingle le suivirent, traînant après eux Socin, dont le naturalisme pur était la conséquence immédiate des doctrines préparées depuis tant de siècles. Mais à Socin toute erreur liturgique s'arrête ; la Liturgie, toujours de plus en plus réduite, n'arrive pas jusqu'à lui. Maintenant, pour donner une idée des ravages de la secte antiliturgiste, il nous a semblé nécessaire de résumer la marche des prétendus réformateurs du christianisme depuis trois siècles, et de présenter l'ensemble de leurs actes et de leur doctrine sur l'épuration du culte divin. Il n'est pas de spectacle plus instructif et plus propre à faire comprendre les causes de la propagation rapide du protestantisme.

 

On y verra l'œuvre d'une sagesse diabolique agissant à coup sûr, et devant infailliblement amener de vastes résultats :

 

1° Le premier caractère de l'hérésie antiliturgique est la haine de la Tradition dans les formules du culte divin. On ne saurait contester ce caractère spécial dans tous les hérétiques que nous avons nommés, depuis Vigilance jusqu'à Calvin, et la raison en est facile à expliquer. Tout sectaire voulant introduire une doctrine nouvelle, se trouve infailliblement en présence de la Liturgie, qui est la tradition à sa plus haute puissance, et il ne saurait avoir de repos qu'il n'ait fait taire cette voix, qu'il n'ait déchiré ces pages qui recèlent la foi des siècles passés. En effet, comment le luthéranisme, le calvinisme, l'anglicanisme se sont-ils établis et maintenus dans les masses ? Il n'a fallu pour cela que la substitution de livres nouveaux et de formules nouvelles, aux livres et aux formules anciennes, et tout a été consommé. Rien ne gênait plus les nouveaux docteurs ; ils pouvaient prêcher tout à leur aise : la foi des peuples était désormais sans défense. Luther comprit cette doctrine avec une sagacité digne de nos jansénistes, lorsque, dans la première période de ses innovations, à l'époque où il se voyait obligé de garder encore une partie des formes extérieures du culte latin, il établit le règlement suivant pour la messe réformée : "Nous approuvons et nous conservons les introït des dimanches et des fêtes de Jésus-Christ, savoir de Pâques, de la Pentecôte et de Noël. Nous préférerions volontiers les psaumes entiers d'où ces introït sont tirés, comme on faisait autrefois ; mais nous voulons bien nous conformer à l'usage présent. Nous ne blâmons pas même ceux qui voudront retenir les introït des Apôtres, de la Vierge et des autres Saints, lorsque ces trois introïts sont tirés des psaumes et d'autres endroits de l'Écriture". Il avait trop en horreur les cantiques sacrés composés par l'Église elle-même pour l'expression publique de sa foi. Il sentait trop en eux la vigueur de la Tradition qu'il voulait bannir. En reconnaissant à l'Église le droit de mêler sa voix dans les assemblées saintes aux oracles des Ecritures, il s'exposait par là même à entendre des millions de bouches anathématiser ses nouveaux dogmes. Donc, haine à tout ce qui, dans la Liturgie, n'est pas exclusivement extrait des Ecritures saintes.

 

2° C'est en effet le second principe de la secte antiliturgiste, de remplacer les formules de style ecclésiastique par des lectures de l'Écriture sainte. Elle y trouve deux avantages : d'abord, celui de faire taire la voix de la Tradition qu'elle craint toujours ; ensuite, un moyen de propager et d'appuyer ses dogmes, par voie de négation ou d'affirmation. Par voie de négation, en passant sous silence, au moyen d'un choix adroit, les textes qui expriment la doctrine opposée aux erreurs qu'on veut faire prévaloir ; par voie d'affirmation, en mettant en lumière des passages tronqués qui, ne montrant qu'un des côtés de la vérité, cachent l'autre aux yeux du vulgaire. On sait depuis bien des siècles que la préférence donnée, par tous les hérétiques, aux Écritures saintes sur les définitions ecclésiastiques, n'a pas d'autre raison que la facilité qu'ils ont de faire dire à la parole de Dieu tout ce qu'ils veulent, en la laissant paraître ou l'arrêtant à propos. Nous verrons ailleurs ce qu'ont fait en ce genre les jansénistes, obligés, d'après leur système, à garder le lien extérieur avec l'Église ; quant aux protestants, ils ont presque réduit la Liturgie tout entière à la lecture de l'Écriture, accompagnée de discours dans lesquels on l'interprète par la raison. Quant au choix et à la détermination des livres canoniques, ils ont fini par tomber au caprice du réformateur, qui, en dernier ressort, décide non plus seulement du sens de la parole de Dieu, mais du fait de cette parole. Ainsi Martin Luther trouve que, dans son système de panthéisme, l'inutilité des oeuvres et la suffisance de la foi sont dogmes à établir, et dès lors il déclarera que l'Épître de saint Jacques est une épître de paille, et non une épître canonique, par cela seul qu'on y enseigne la nécessité des œuvres pour le salut. Dans tous les temps, et sous toutes les formes, il en sera de même ; point de formules ecclésiastiques ; l'Écriture seule, mais interprétée, mais choisie, mais présentée par celui ou ceux qui trouvent leur profit à l'innovation. Le piège est dangereux pour les simples, et ce n'est que longtemps après que l'on s'aperçoit qu'on a été trompé, et que la parole de Dieu, ce glaive à deux tranchants, comme parle l'Apôtre, a fait de grandes blessures, parce qu'elle était maniée par les fils de perdition.

 

3° Le troisième principe des hérétiques sur la réforme de la Liturgie est, après avoir expulsé les formules ecclésiastiques et proclamé la nécessité absolue de n'employer que les paroles de l'Écriture dans le service divin, voyant ensuite que l'Écriture ne se plie pas toujours, comme ils le voudraient, à toutes leurs volontés, leur troisième principe, disons-nous, est de fabriquer et d'introduire des formules diverses, pleines de perfidie, par lesquelles les peuples sont plus solidement encore enchaînés à l'erreur, et tout l'édifice de la réforme impie sera consolidé pour des siècles.

 

4° On ne doit pas s'étonner de la contradiction que l'hérésie présente ainsi dans ses oeuvres, quand on saura que le quatrième principe, ou, si l'on veut, la quatrième nécessité imposée aux sectaires par la nature même de leur état de révolte, est une habituelle contradiction avec leurs propres principes. Il en doit être ainsi pour leur confusion dans ce grand jour, qui vient tôt ou tard, où Dieu révèle leur nudité à la vue des peuples qu'ils ont séduits, et aussi parce qu'il ne tient pas à l'homme d'être conséquent ; la vérité seule peut l'être.

 

Ainsi, tous les sectaires, sans exception,  commencent par  revendiquer les droits de l'antiquité ; ils veulent dégager le christianisme de tout ce que l'erreur et les passions des hommes y ont mêlé de faux et d'indigne de Dieu ; ils ne veulent rien que de primitif, et prétendent reprendre au berceau l'institution chrétienne. A cet effet, ils élaguent, ils effacent, ils retranchent ; tout tombe sous leurs coups, et lorsqu'on s'attend à voir reparaître dans sa première pureté le culte divin, il se trouve qu'on est encombré de formules nouvelles qui ne datent que de la veille, qui sont incontestablement humaines, puisque celui qui les a rédigées vit encore. Toute secte subit cette nécessité ; nous l'avons vu chez les monophysites, chez les nestoriens ; nous retrouvons la même chose dans toutes les branches de protestants. Leur affectation à prêcher l'antiquité n'a abouti qu'à les mettre en mesure de battre en brèche tout le passé, et puis ils se sont posés en face des peuples séduits, et leur ont juré que tout était bien, que les superfétations papistes avaient disparu, que le culte divin était remonté à sa sainteté primitive. Remarquons encore une chose caractéristique dans le changement de la Liturgie par les hérétiques. C'est que, dans leur rage d'innovation, ils ne se contentent pas d'élaguer les formules de style ecclésiastique qu'ils flétrissent du nom de parole humaine, mais ils étendent leur réprobation aux lectures et aux prières mêmes que l'Église a empruntées à l'Écriture ; ils changent, ils substituent, ne voulant pas prier avec l'Église, s'excommuniant ainsi eux-mêmes, et aussi craignant jusqu'à la moindre parcelle de l'orthodoxie qui a présidé au choix de ces passages.

 

5° La réforme de la Liturgie étant entreprise par les sectaires dans le même but que la réforme du dogme dont elle est la conséquence, il s'ensuit que, de même que les protestants se sont séparés de l'unité afin de croire moins, ils se sont trouvés amenés à retrancher dans le culte toutes les cérémonies, toutes les formules qui expriment des mystères. Ils ont taxé, de superstition, d'idolâtrie, tout ce qui ne leur semblait pas purement rationnel, restreignant ainsi les expressions de la foi, obstruant par le doute et même la négation toutes les voies qui ouvrent sur le monde surnaturel. Ainsi, plus de sacrements, hors le baptême, en attendant le socinianisme qui en affranchira ses adeptes ; plus de sacramentaux, de bénédictions, d'images, de reliques des saints, de processions, de pèlerinages, etc. Il n'y a plus d'autel, mais simplement une table ; plus de sacrifice, comme dans toute religion, mais seulement une cène ; plus d'église, mais seulement un temple, comme chez les Grecs et les Romains ; plus d'architecture religieuse, puisqu'il n'y a plus de mystères ; plus de peinture et de sculpture chrétiennes, puisqu'il n'y a plus de religion sensible ; enfin, plus de poésie dans un culte, qui n'est fécondé ni par l'amour, ni par la foi.

 

6° La suppression des choses mystérieuses dans la Liturgie protestante devait produire infailliblement l'extinction totale de cet esprit de prière qu'on appelle onction dans le catholicisme. Un cœur révolté n'a point d'amour, et un cœur sans amour pourra tout au plus produire des expressions passables de respect ou de crainte, avec la froideur superbe du pharisien ; telle est la Liturgie protestante. On sent que. celui qui la récite s'applaudit de n'être pas du nombre de ces chrétiens papistes qui rabaissent Dieu jusqu'à eux par la familiarité de leur langage vulgaire.

 

7° Traitant noblement avec Dieu, la Liturgie protestante n'a point besoin d'intermédiaires créés. Elle croirait manquer au respect dû à l'Etre souverain, en invoquant l'intercession de la sainte Vierge, la protection des saints. Elle exclut toute cette idolâtrie papiste qui demande à la créature ce qu'on ne doit demander qu'à Dieu seul ; elle débarrasse le calendrier de tous ces noms d'hommes que l'Église romaine inscrit si témérairement à côté du nom de Dieu ; elle a surtout en horreur ceux des moines et autres personnages des derniers temps qu'on y voit figurer à côté des noms révérés des apôtres que Jésus-Christ a choisis, et par lesquels fut fondée cette Église primitive, qui seule fut pure dans la foi et franche de toute superstition dans le culte et de tout relâchement dans la morale.

 

8° Là réforme liturgique ayant pour une de ses fins principales l'abolition des actes et des formules mystiques, il s'ensuit nécessairement que ses auteurs devaient revendiquer l'usage de la langue vulgaire dans le service divin. Aussi est-ce là un des points les plus importants aux yeux des sectaires. Le culte n'est pas une chose secrète, disent-ils ; il faut que le peuple entende ce qu'il chante. La haine de la langue latine est innée au coeur de tous les ennemis de Rome ; ils voient en elle le lien des catholiques dans l'Univers, l'arsenal de l'orthodoxie contre toutes les subtilités de l'esprit de secte, l'arme la plus puissante de la papauté. L'esprit de révolte qui les pousse à confier à l'idiome de chaque peuple, de chaque province, de chaque siècle, la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits, et les réformés sont à même tous les jours de s'apercevoir que les peuples catholiques, en dépit de leurs prières latines, goûtent mieux et accomplissent avec plus de zèle les devoirs du culte que les peuples protestants. A chaque heure du jour, le service divin a lieu dans les églises catholiques ; le fidèle qui y assiste laisse sa langue maternelle sur le seuil ; hors les heures de la prédication, il n'entend que des accents mystérieux qui même cessent de retentir dans le moment le plus solennel, au canon de la messe ; et cependant ce mystère le charme tellement, qu'il n'envie pas le sort du protestant, quoique l'oreille de celui-ci n'entende jamais que des sons dont elle perçoit la signification. Tandis que le temple réformé réunit, à grand'peine, une fois la semaine, les chrétiens puristes, l'Église papiste voit sans cesse ses nombreux autels assiégés par ses religieux enfants ; chaque jour, ils s'arrachent à leurs travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu, car elles nourrissent la foi et charment les douleurs. Avouons-le, c'est un coup de maître du protestantisme d'avoir déclaré la guerre à la langue sainte ; s'il pouvait réussir à la détruire, son triomphe serait bien avancé. Offerte aux regards profanes, comme une vierge déshonorée, la Liturgie, dès ce moment, a perdu son caractère sacré, et le peuple trouvera bientôt que ce n'est pas trop la peine qu'il se dérange de ses travaux ou de ses plaisirs pour aller entendre parler comme on parle sur la place publique. Otez à l'Église française ses déclamations radicales et ses diatribes contre la prétendue vénalité du clergé, et allez voir si le peuple ira longtemps écouter le soi-disant primat des Gaules crier : Le Seigneur soit avec vous ; et d'autres lui répondre : Et avec votre esprit. Nous traiterons ailleurs, d'une manière spéciale, de la langue liturgique.

 

9° En ôtant de la Liturgie le mystère qui abaisse la raison, le protestantisme n'avait garde d'oublier la conséquence pratique, savoir l'affranchissement de la fatigue et de la gêne qu'imposent au corps les pratiques de la Liturgie papiste. D'abord,plus de jeûne, plus d'abstinence ; plus de génuflexion dans la prière ; pour le ministre du temple, plus d'offices journaliers à accomplir, plus même de prières canoniales à réciter, au nom de l'Église. Telle est une des formes principales de la grande émancipation protestante : diminuer la somme des prières publiques et particulières. L'événement a montré bientôt que la foi et la charité, qui s'alimentent par la prière, s'étaient éteintes dans la réforme, tandis qu'elles ne cessent, chez les Catholiques, d'alimenter tous les actes de dévouement à Dieu et aux hommes, fécondées qu'elles sont  par les ineffables ressources de la prière liturgique accomplie par le clergé séculier et régulier, auquel s'unit la communauté des fidèles.

 

10° Comme il fallait au protestantisme une règle pour discerner parmi les institutions papistes celles qui pouvaient être les plus hostiles à son principe, il lui a fallu fouiller dans les fondements de l'édifice catholique, et trouver la pierre fondamentale qui porte tout. Son instinct lui a fait découvrir tout d'abord ce dogme inconciliable avec toute innovation : la puissance papale. Lorsque Luther écrivit sur sa bannière : Haine à Rome et à ses lois, il ne faisait que promulguer une fois de plus le grand principe de toutes les branches de la secte anti-liturgiste. Dès lors, il a fallu abroger en masse le culte et les cérémonies, comme l'idolâtrie de Rome ; la langue latine, l'office divin, le calendrier, le bréviaire, toutes abominations de la grande prostituée de Babylone. Le Pontife romain pèse sur la raison par ses dogmes, sur les sens par ses pratiques rituelles ; il faut donc proclamer que ses dogmes ne sont que blasphème et erreur, et ses observances liturgiques qu'un moyen d'asseoir plus fortement une domination usurpée et tyrannique. C'est pourquoi, dans ses litanies émancipées, l'Église luthérienne continue de chanter naïvement : De l'homicide fureur, calomnie, rage et férocité du Turc et du Pape, délivrez-nous, Seigneur (Lutherisches Gesangbuch. Leipzig.). C'est ici le lieu de rappeler les admirables considérations de Joseph de Maistre, dans son livre du Pape, où il montre, avec tant de sagacité et de profondeur, qu'en dépit des dissonances qui devraient isoler les unes des autres les diverses sectes séparées, il est une qualité dans laquelle elles se réunissent toutes, celle de non romaines. Imaginez une innovation quelconque, soit en matière de dogme, soit en matière de discipline, et voyez s'il est possible de l'entreprendre sans encourir, bon gré, mal gré, la note de non romain, ou si vous voulez de moins romain, si on manque d'audace. Reste à savoir quel genre de repos pourrait trouver un catholique dans la première, ou même dans la seconde de ces deux situations.

 

11° L'hérésie antiliturgiste, pour établir à jamais son règne, avait besoin de détruire en fait et en principe tout sacerdoce dans le christianisme ; car elle sentait que là où il y a un pontife, il y a un autel, et que là où il y a un autel, il y a un sacrifice, et partant un cérémonial mystérieux. Après donc avoir aboli la qualité du Pontife suprême, il fallait anéantir le caractère de l'évêque, duquel émane la mystique imposition des mains qui perpétue la hiérarchie sacrée. De là un vaste presbytérianisme, qui n'est que la conséquence immédiate de la suppression du Pontificat souverain. Dès lors, il n'y a plus de prêtre proprement dit ; comment la simple élection, sans consécration, ferait-elle un homme sacré ? La réforme de Luther et de Calvin ne connaîtra donc plus que des ministres de Dieu, ou des hommes, comme on voudra. Mais il est impossible d'en rester là. Choisi, installé par des laïques, portant dans le temple la robe d'une certaine magistrature bâtarde, le ministre n'est qu'un laïque revêtu de fonctions accidentelles ; il n'y a donc plus que des laïques dans le protestantisme ; et cela devait être, puisqu'il n'y a plus de Liturgie ; comme il n'y a plus de Liturgie, puisqu'il n'y a plus que des laïques.

 

12° Enfin, et c'est là le dernier degré de l'abrutissement, le sacerdoce n'existant plus, puisque la hiérarchie est morte, le prince, seule autorité possible entre laïques, se proclamera chef de la Religion, et l'on verra les plus fiers réformateurs, après avoir secoué le joug spirituel de Rome, reconnaître le souverain temporel pour pontife suprême, et placer le pouvoir sur la Liturgie parmi les attributions du droit majestatique. Il n'y aura donc plus de dogme, de morale, de sacrements, de culte, de christianisme, qu'autant qu'il plaira au prince, puisque le pouvoir absolu lui est dévolu sur la Liturgie par laquelle toutes ces choses ont leur expression et leur application dans la communauté des fidèles. Tel est pourtant l'axiome fondamental de la Réforme et dans la pratique et dans les écrits des docteurs protestants. Ce dernier trait achèvera le tableau, et mettra le lecteur à même de juger de la nature de ce prétendu affranchissement, opéré avec tant de violence à l'égard de la papauté, pour faire place ensuite, mais nécessairement, à une domination destructive de la nature même du christianisme. Il est vrai que, dans les commencements, la secte antiliturgiste n'avait pas coutume de flatter ainsi les puissants : albigeois, vaudois, wiclefites, hussites, tous enseignaient qu'il fallait résister et même courir sus à tous princes et magistrats qui se trouvaient en état de péché, prétendant qu'un prince était déchu de son droit, du moment qu'il n'était pas en grâce avec Dieu. La raison de ceci est que ces sectaires craignant le glaive des princes catholiques, évêques du dehors, avaient tout à gagner en minant leur autorité. Mais du moment que les souverains, associés à la révolte contre l'Église, voulaient faire de la religion une chose nationale,un moyen de gouvernement, la Liturgie réduite, aussi bien que le dogme, aux limites d'un pays, ressortissait naturellement à la plus haute autorité de ce pays, et les réformateurs ne pouvaient s'empêcher d'éprouver une vive reconnaissance envers ceux qui prêtaient ainsi le secours d'un bras puissant à l'établissement et au maintien de leurs théories. Il est bien vrai qu'il y a toute une apostasie dans cette préférence donnée au temporel sur le spirituel, en matière de religion ; mais il s'agit ici du besoin même de la conservation. Il ne faut pas seulement être conséquent, il faut vivre. C'est pour cela que Luther, qui s'est séparé avec éclat du pontife de Rome, comme fauteur de toutes les abominations de Babylone, ne rougit pas lui-même de déclarer théologiquement la légitimité d'un double mariage pour le landgrave de Hesse, et c'est pour cela aussi que l'abbé Grégoire trouve dans ses principes le moyen de s'associer tout à la fois au vote de mort contre Louis XVI à la Convention, et de se faire le champion de Louis XIV et de Joseph II contre les Pontifes romains.

 

Telles sont les principales maximes de la secte antiliturgiste. Nous n'avons, certes, rien exagéré; nous n'avons fait que relever la doctrine cent fois professée dans les écrits de Luther, de Calvin, des Centuriateurs de Magdebourg, de Hospinien, de Kemnitz, etc. Ces livres sont faciles à consulter, ou plutôt l'œuvre qui en est sortie est sous les yeux de tout le monde. Nous avons cru qu'il était utile d'en mettre en lumière les principaux traits.

 

Il y a toujours du profit à connaître l'erreur ; l'enseignement direct est quelquefois moins avantageux et moins facile. C'est maintenant au logicien catholique de tirer la contradictoire.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIV : DE L'HÉRÉSIE ANTILITURGIQUE ET DE LA RÉFORME PROTESTANTE DU XVIe SIÈCLE, CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA LITURGIE.

  

Christ on the Cross Formed by Clouds

Christ on the Cross Formed by Clouds, by Louis Silvestre

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 04:00

LA  FÊTE  DU TRÈS  SAINT  ROSAIRE par Dom Guéranger
 

Les fils du siècle ont coutume, à la fin d'une année, de récapituler leurs profits. Ainsi s'apprête à faire aussi l'Eglise. Bientôt nous la verrons dénombrer solennellement ses élus, inventorier leurs reliques saintes et parcourir les tombes de ceux qui dorment dans le Seigneur, rappeler la consécration à l'Epoux de sanctuaires anciens et nouveaux.

 

Aujourd'hui, c'est d'un résumé plus auguste encore, d'un profit plus grand qu'il s'agit : l'Eglise inscrit en tête du bilan sacré le gain provenu à Notre-Dame des mystères qui composent le Cycle. Noël, la Croix, le triomphe de Jésus, c'est notre sainteté à tous ; c'est aussi, mais combien mieux, et tout d'abord, celle de Marie. Offrant donc premièrement à l'auguste Souveraine du monde le diadème qui lui revient avant tous, l'Eglise le compose à bon droit de la triple couronne des mystères sanctifiants qui furent pour elle toute joie, toute douleur et toute gloire.

 

Mystères joyeux, qui nous redisent l'Annonciation, la Visitation, la Nativité de Jésus, la Purification de Marie, Jésus retrouvé au temple. Mystères douloureux d'agonie, de flagellation, de couronnement d'épines, de portement de croix, de crucifiement. Mystères glorieux : Résurrection, Ascension du Sauveur, Pentecôte, Assomption, couronnement de la Mère de Dieu.  C'est le Rosaire de Marie ; plant fécond dont le salut de Gabriel fit épanouir les fleurs, dont les guirlandes parfumées relient de Nazareth notre terre au sommet des cieux.

 

Sous sa forme présente, Dominique le révéla au monde au temps de la crise albigeoise, vraie guerre sociale, laissant trop prévoir ce que serait désormais l'histoire pour la cité sainte. Il fit plus alors que la lutte armée pour la défaite de Satan. Il est aujourd'hui la ressource suprême de l'Eglise. Sommaire facile, toujours présent, du Cycle liturgique, on dirait que les antiques formes de la prière sociale n'étant plus à la taille des peuples, l'Esprit-Saint veut par lui sauvegarder pour les isolés de nos tristes temps l'essentiel de cette vie d'oraison, de foi, de vertu chrétienne, que la célébration publique du grand Office entretenait jadis parmi les nations. Dès avant le XIIIe siècle, la piété populaire connaissait l'usage de ce qu'elle se plut à nommer le psautier laïque, à savoir la Salutation angélique cent cinquante fois répétée ; mais ce fut le partage de ces Ave Maria en dizaines, attribuées à la considération d'un mystère particulier pour chacune, qui constitua le Rosaire. Divin expédient, simple comme l'éternelle Sagesse qui l'avait conçu, et dont la portée fut grande ; car en même temps qu'il amenait à la Reine de miséricorde l'humanité dévoyée, il écartait d'elle l'ignorance, nourricière d'hérésie, et lui réapprenait les sentiers consacrés par le sang de l'Homme-Dieu et les larmes de sa Mère.

  

C'est l'expression du grand Pontife qui sous l'angoisse universelle, naguère encore, indiquait le salut où plus d'une fois déjà l'ont trouvé nos pères. Les Encycliques de Léon XIII ont consacré le présent mois à cette dévotion chérie du ciel ; il a honoré Notre-Dame en ses Litanies d'une invocation nouvelle à la Reine du très saint Rosaire ; il a donné son dernier développement à la solennité de ce jour ; riche d'un Office propre exprimant son objet permanent, cette fête est deux fois en outre le monument d'insignes victoires, honneur du nom chrétien.

  

Soliman II, le plus grand des sultans, avait mis à profit la dislocation de l'Occident par Luther, et rempli le XVIe siècle de la terreur de ses exploits. Il laissait à son fils, Sélim II, l'espoir fondé enfin de réaliser le programme de sa race : l'humiliation sous le Croissant de Rome et de Vienne, sièges de la papauté et de l'empire. La flotte turque, maîtresse de la Méditerranée presque entière, menaçait d'aborder bientôt l'Italie, quand, le 7 octobre 1571, eut lieu sa rencontre, au golfe de Lépante, avec les galères pontificales soutenues des forces de l'Espagne et de Venise. C'était un dimanche : par tout le monde, les confréries du Rosaire accomplissaient leur œuvre de supplication ; l'œil éclairé d'en haut, saint Pie V suivait du Vatican l'action engagée par le chef de son choix, don Juan d'Autriche, contre les trois cents vaisseaux de l'Islam. Journée mémorable, où la puissance navale des Ottomans fut anéantie ! L'illustre Pontife, dont l'œuvre était achevée, ne devait point célébrer ici-bas l'anniversaire du triomphe ; mais il voulut toutefois en immortaliser  le souvenir  par une commémoration annuelle de Sainte-Marie de la Victoire. Son successeur, Grégoire XIII, changea ce titre en celui de Sainte-Marie du Rosaire, et désigna le premier dimanche d'octobre pour la fête nouvelle, autorisant à la célébrer les églises qui posséderaient un autel sous la même invocation.

 

Cette concession restreinte devait se généraliser un siècle et demi plus tard. Innocent XI avait, en mémoire de la délivrance de Vienne par Sobieski, étendu la fête du Très Saint Nom de Marie à toute l'Eglise. En 1716, Clément XI voulut de même reconnaître par l'inscription de la fête du Rosaire au calendrier universel la victoire que le prince Eugène venait de remporter, sous les auspices de Notre-Dame des Neiges, à Péterwardin, au cinq août de cette année ; victoire suivie de la levée du siège de Corfou, et que devait compléter, l'année d'après, la prise de Belgrade.

 

Bienheureuse Mère et Vierge sans tache, Reine glorieuse du monde, qu'ils éprouvent votre secours tous ceux qui célèbrent la solennité de votre très saint Rosaire.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Madone du Rosaire, par Le Caravage

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 11:30

La Liturgie est une chose trop excellente dans l'Église, pour ne pas s'être trouvée en  butte aux attaques de l'hérésie. Mais de même que l'autorité de l'Église ne fut point combattue directement, comme notion, par les sectes de l'Orient qui déchirèrent d'ailleurs le Symbole en tant de manières, aussi  n'a-t-on point vu dans cette patrie des mystères, le rationaliste poursuivre les formes du culte par système. Scindées entre elles par de violents dissentiments, les sectes orientales ont marié au christianisme, les  unes un panthéisme déguisé, les autres le principe même du dualisme ; mais, par-dessus tout, elles ont besoin de croire et d'être chrétiennes ; leur Liturgie est l'expression  complète de leur situation. Des  blasphèmes  sur l'Incarnation du Verbe déshonorent certaines formules ; mais ce désordre n'empêche pas que les notions traditionnelles de la Liturgie  ne soient  conservées dans ces formules et dans les rites qui  les  accompagnent : bien plus, la foi, si défigurée qu'elle soit, a été féconde, presque jusqu'à nos jours, chez ces hommes qui croient mal, mais qui pourtant veulent croire ; et les jacobites, les nestoriens, seulement depuis l'an 1000, ont produit plus de formules liturgiques, d'anaphores, par exemple, que les Grecs melchites, dont les livres n'ont rien gagné depuis leur séparation de l'Église romaine, si l'on excepte certains recueils d'hymnes composées par toute sorte de personnes, et adjointes aux livres d'offices.

 

Mais encore ce dernier genre de prières ne tient point au fond de la Liturgie, comme les anaphores, les bénédictions, etc., composées par les jacobites et les nestoriens modernes, et dont nous trouvons le texte ou la notice dans l'ouvrage de Renaudot sur les Liturgies d'Orient, ou dans la bibliothèque orientale d'Assemani. Le lecteur se tromperait néanmoins, s'il pensait que nous entendons donner cette abondance extrême comme l'indice d'un progrès ; l'antiquité, l'immutabilité des formules de l'autel, est la première de leurs qualités ; mais cette fécondité est du moins un signe de vie, et l'on ne peut s'empêcher de reconnaître que le style ecclésiastique de ces anaphores, même des plus récentes, est parfaitement conforme à celui que les siècles ont consacré. Quant aux traditions sur les rites et cérémonies, les sectes d'Orient les ont toutes conservées avec une rare fidélité, et si des circonstances superstitieuses s'y trouvent quelquefois mêlées, elles attestent du moins un fonds primitif de foi, comme chez nous la diminution progressive des pratiques extérieures accuse la présence d'un rationalisme secret qui montre ses résultats.

 

L'Église grecque a généralement conservé avec grand soin, sinon le génie, du moins les formes de la Liturgie. Nous avons dit ailleurs comment Dieu l'a prédestinée, pour un temps du moins, à rendre, par l'immobilité de ses usages antiques, un irrécusable témoignage à la pureté des traditions latines. C'est pourquoi Cyrille Lucaris échoua si honteusement dans son projet d'initier l'Église orientale aux doctrines du rationalisme d'Occident. Toutefois, l'esprit disputeur et pointilleux de Marc d'Éphèse est demeuré au sein de l'Église grecque, et produira ses fruits naturels, du moment que cette Église sera appelée à se fondre dans nos sociétés européennes. L'Église grecque doit infailliblement passer par le protestantisme avant de revenir à l'unité, et l'on a bien des raisons de croire que la révolution est déjà faite dans le cœur de ses Pontifes. Dans un pareil ordre de choses, la Liturgie, forme officielle d'une croyance officielle, demeurera stable, ou variera suivant qu'il plaira au souverain. Ainsi, point d'hérésie liturgique possible là où le Symbole est déjà miné, où l'on ne trouve plus qu'un cadavre de christianisme auquel des ressorts ou un galvanisme impriment encore quelques mouvements, jusqu'au moment où, tombant en lambeaux de pourriture, il deviendra tout aussi incapable de recevoir les impulsions externes, qu'il l'est depuis longtemps de sentir les touches de la vie.

 

C'est donc seulement au sein de la vraie Église que doit fermenter l'hérésie antiliturgique, c'est-à-dire celle qui se porte l'ennemie des formes du culte. C'est là seulement où il y a quelque chose à détruire, que le génie de la destruction tâchera d'infiltrer ce poison délétère. L'Orient n'en a éprouvé qu'une fois, mais violemment, les atteintes, et c'était aux jours de l'unité. Une secte furieuse s'éleva, au VIIIe siècle, qui, sous prétexte d'affranchir l'esprit du joug de la forme, brisa, déchira, brûla les symboles de la foi et de l'amour du chrétien ; le sang coula pour la défense de l'image du Fils de Dieu, comme il avait coulé quatre siècles plus tôt, pour le triomphe du vrai Dieu sur les idoles. Mais il était réservé à la chrétienté occidentale de voir organiser dans son sein la guerre la plus longue, la plus opiniâtre, qui dure encore, contre l'ensemble des actes liturgiques. Deux choses contribuent à maintenir les Eglises de l'Occident dans cet état d'épreuve : d'abord, comme nous venons de le dire, la vitalité propre au christianisme romain, le seul digne du nom de christianisme, et par conséquent celui contre lequel doivent se tourner toutes les puissances de l'erreur ; en second lieu, le caractère rationnellement matériel des peuples de l'Occident qui, dépourvus à la fois de la souplesse de l'esprit grec et du mysticisme oriental, ne savent que nier, en fait de croyances, que rejeter loin d'eux ce qui les gêne ou les humilie, incapables, pour cette double raison, de suivre, comme les peuples sémitiques, une même hérésie pendant de longs siècles. Telle est la raison pour laquelle, chez nous, si l'on excepte certains faits isolés, l'hérésie n'a jamais procédé que par voie de négation et de destruction. C'est, ainsi qu'on va le voir, la tendance de tous les efforts de l'immense secte antiliturgiste.

 

 Son point de départ connu est Vigilance, ce Gaulois immortalisé par les éloquents sarcasmes de saint Jérôme. Il déclame contre la pompe des cérémonies, insulte grossièrement à leur symbolisme, blasphème les reliques des saints, attaque en même temps le célibat des ministres sacrés et la continence des vierges ; le tout pour maintenir la pureté du christianisme. Comme on voit, cela n'est pas mal avancé pour un Gaulois du IVe siècle. L'Orient, qui n'a produit en ce genre que l'hérésie iconoclaste, épargna du moins, quoique par inconséquence, les rites et les usages de la Liturgie qui n'avaient pas un rapport immédiat avec les saintes images.

 

Après Vigilance, l'Occident se reposa pendant plusieurs siècles ; mais quand les races barbares, initiées par l'Église à la civilisation, se furent quelque peu familiarisées avec les travaux de la pensée, il s'éleva des hommes d'abord, puis des sectes ensuite, qui nièrent grossièrement ce qu'elles ne comprenaient pas, et dirent qu'il n'y avait point de réalité là où les sens ne palpaient pas immédiatement. L'hérésie des sacramentaires, à jamais impossible en Orient, commença au XIe siècle, en Occident, en France, par les blasphèmes de l'archidiacre Bérénger. Le soulèvement fut universel dans l'Église contre une si monstrueuse doctrine ; mais on dut prévoir que le rationalisme, une fois déchaîné contre le plus auguste des actes du culte chrétien, n'en demeurerait pas là. Le mystère de la présence réelle du Verbe divin sous les symboles eucharistiques, allait devenir le point de mire de toutes les attaques ; il fallait éloigner Dieu de l'homme, et, pour attaquer plus sûrement ce dogme capital, il fallait fermer toutes les avenues de la Liturgie qui, si l'on peut parler ainsi, aboutissent au mystère eucharistique.

 

Bérenger n'avait donné qu'un signal : son attaque allait être renforcée en son siècle même et dans les suivants, et il en devait résulter, pour le catholicisme, la plus longue et la plus épouvantable attaque qu'il eût jamais essuyée. Tout commença donc après l'an 1000 : c'était peut-être, dit Bossuet, le temps de ce terrible déchaînement de Satan marqué dans l'Apocalypse, après mille ans ; ce qui peut signifier d'extrêmes désordres : mille ans après que le fort armé, c'est-à-dire le démon victorieux, fut lié par Jésus-Christ venant au monde (Histoire des Variations, livre XI, § 17.).

 

L'enfer remua la lie la plus infecte de son bourbier, et pendant que le rationalisme s'éveillait, il se trouva que Satan avait jeté sur l'Occident, comme un secours diabolique, l'impure semence que l'Orient avait sentie, avec horreur, dans son sein, dès l'origine, cette secte que saint Paul appelle le mystère d'iniquité, l'hérésie manichéenne. On sait comment, sous le faux nom de gnose, elle avait souillé les premiers siècles du christianisme ; avec quelle perfidie elle s'était, suivant les temps, cachée au sein de l'Eglise, permettant à ses sectateurs de prier, de communier même avec les catholiques, et pénétrant jusque dans Rome même, où il fallut, pour la découvrir, l'œil pénétrant d'un saint Léon et d'un saint Gélase. Cette secte abominable, livrée sous le prétexte de spiritualisme à toutes les infamies de la chair, blasphémait en secret les plus saintes pratiques du culte extérieur, comme grossières   et trop matérielles.   On peut voir ce que  saint Augustin nous en apprend, dans le livre contre Fauste le Manichéen, qui traitait d'idolâtrie le culte des saints et de leurs reliques.

 

Les empereurs d'Orient avaient poursuivi cette secte infâme par les ordonnances les plus sévères, sans pouvoir l'éteindre. On la retrouve, au IXe siècle, en Arménie, sous la direction d'un chef nommé Paul, d'où le nom de pauliciens fut donné à ces hérétiques en Orient ; et ils y deviennent assez puissants pour soutenir des guerres contre les empereurs de Constantinople. Pierre de Sicile, envoyé vers eux par Basile le Macédonien, pour traiter d'un échange de prisonniers, eut le loisir de les connaître, et écrivit un livre sur leurs erreurs.

 

" Il y désigne ces hérétiques, dit Bossuet, par leurs propres caractères, par leurs deux principes, par le mépris qu'ils avaient pour l'Ancien Testament, par leur adresse prodigieuse à se cacher quand ils voulaient, et par les autres marques que nous avons vues. Mais il en remarque deux ou trois qu'il ne faut pas oublier : c'était leur aversion particulière pour les images de la croix, suite naturelle de leur erreur, puisqu'ils rejetaient la passion et la mort du Fils de Dieu ; leur mépris pour la sainte Vierge, qu'ils ne tenaient point pour Mère de Jésus-Christ, puisqu'il n'avait pas de chair humaine ; et surtout leur éloignement pour l'Eucharistie. Ils disaient encore que les catholiques honoraient les saints comme des divinités, et que c'était pour cette raison qu'on empêchait les laïques de lire la sainte Écriture, de peur qu'ils ne découvrissent plusieurs semblables erreurs." ((Histoire des Variations, livre XI, § 14 )

 

C'était bien déjà, comme l'on voit, l'hérésie antiliturgiste toute formée. Il ne lui manquait que des populations disposées à l'accueillir.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIV : DE L'HÉRÉSIE ANTILITURGIQUE ET DE LA RÉFORME PROTESTANTE DU XVIe SIÈCLE, CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA LITURGIE.

 

Blaubeuren

Altarpiece, Benedictine Abbey Church, Blaubeuren

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 04:00

Mémoire de saint Bruno, prêtre.

Né à Cologne, il enseigna la théologie en France, mais désireux d’une vie solitaire, il fonda, avec quelques disciples, dans la vallée déserte de la Chartreuse, dans les Alpes, un Ordre où la solitude des ermites serait tempérée par une certaine forme de cénobitisme.

Appelé à Rome par le bienheureux pape Urbain II, pour qu’il lui vienne en aide dans les besoins que connaissait l’Église, il passa cependant les dernières années de sa vie dans un ermitage, près du monastère de La Torre en Calabre, où il mourut en 1101.
Martyrologe romain

 

SAINT BRUNO, Chartreuse de Naples

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 11:30

Ainsi l'envie de simplifier l'office privé des ecclésiastiques avait donné naissance à un bréviaire par lequel était répudiée la forme antique des divins offices, par lequel le prêtre cessait d'être en communion avec les prières du chœur, et voilà qu'en suivant une pente toute naturelle, on était amené à défigurer le livre sacré qui renferme les rites du sacrifice, et dont la forme, si elle est maintenue pure et inviolable, est d'un si grand poids pour prouver, contre les sectaires, l'antiquité vénérable des mystères de l'autel.

 

 En attendant le récit que nous ferons bientôt de la régénération liturgique, commencée par le saint concile de Trente et accomplie par les grands Pontifes qui en appliquèrent les décrets, nous placerons ici un événement principal dans la Liturgie, qui marqua la fin du XVe et le commencement du XVIe siècle. C'est la publication définitive du Corps de rites et observances sacrées, connu sous le nom de Rubriques : ensemble admirable de lois à la fois mystérieuses et rationnelles, que ceux-là seuls méprisent qui ont perdu le sentiment de la foi, ou le goût des choses sérieuses. Ces lois, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, et dont le commentaire complet nécessiterait une histoire générale des formes du Culte catholique, dont elles sont l'expression, se montrent de plus en plus détaillées dans la série des Ordres romains, à l'usage de la chapelle du Pape. Mais il manquait un recueil dans lequel elles se trouvassent traitées à l'usage de tous les prêtres, et qui renfermât les particularités que les Ordres romains, dont l'objet est tout spécial, ne  contenaient pas, et qui avaient été jusqu'alors confiées à la tradition orale. Cette œuvre fut entreprise et accomplie par Jean Burchard, de Strasbourg, qui exerça l'importante charge de maître des cérémonies pontificales, dans la chapelle des papes Sixte IV, Innocent VIII et Alexandre VI. C'est le même qui a laissé un journal si important sur les actions privées de ces trois souverains Pontifes. Son travail fut imprimé en 1562 à Rome, sous ce titre : Ordo servandus per sacerdotem in celebratione Missœ. Merati et Zaccaria en indiquent encore d'autres éditions postérieures à la mort de Burchard, qui mourut évêque de Citta di Castello, en 1503 ; elles portent un titre différent de la première. Enfin, dès 1534, on vit des missels auxquels cet appendice était joint ; c'est ce qu'atteste le cardinal Bona.

 

Quant aux rubriques du bréviaire, elles ont tant d'affinité avec celles de la messe, et les unes et les autres se supposent si constamment, que leur origine doit être jugée la même. On en trouve le principe dans les ordres romains, et leur rédaction définitive, si elle n'appartient pas à Burchard, doit avoir eu lieu au temps de cet illustre cérémoniaire, qui donna aussi celles du pontifical, en 1485. Les bréviaires antérieurs à celui de saint Pie V, les présentent à peu près dans la forme sous laquelle ce saint Pontife les promulgua.

 

Nous laisserons les esprits superficiels blasphémer ce qu'ils ignorent, et tourner en ridicule cet admirable résumé de toutes les traditions liturgiques. Nous nous contenterons de remarquer ici ce fait unique dans l'histoire des législations : c'est que, depuis bientôt trois siècles qu'un tribunal a été établi à Rome, sous le nom de congrégation des Rites, pour dirimer toutes   les difficultés d'application, ou d'interprétation des rubriques, tant du missel que du bréviaire romains, après plus de six mille consultations et réponses qui ont été imprimées, il est inouï que les juges aient été obligés de s'écarter du texte de la loi dans les arrêts qu'ils ont rendus. C'est ainsi qu'une des institutions de l'Église romaine, celle qui semblerait la moins grave, la moins sérieuse, à ceux du moins qui ne savent pas la haute importance du dépôt des traditions rituelles, peut défier en solidité, en immutabilité, tout ce que les sociétés les plus civilisées ont établi de plus sage dans leurs formes gouvernementales.

 

Après Burchard, nous mentionnerons ici son successeur dans la charge de cérémoniaire pontifical, Paris de Grassi, qui fut plus tard évêque de Pesaro, et qui a laissé à l'exemple de Burchard, un journal fameux qui contient les événements privés des pontificats de Jules II et de Léon X. Il était digne de recevoir et de transmettre à d'autres les traditions liturgiques que Burchard avait lui-même reçues de ses prédécesseurs. Sans ces deux hommes fameux, dont l'un clôt les fastes de la chapelle papale au XVe siècle, et l'autre les rouvre au XVIe, tout le passé liturgique de Rome était en danger de périr, à cette époque où le besoin de nouveautés travaillait tout le monde, où Quignonez, organe de Clément VII et de Paul III, ne voyait dans la science des règles du culte divin qu'une matière à d'inutiles fatigues, et dans la récitation de l'office, qu'une lecture privée de la Bible et de quelques Psaumes. Burchard et Paris de Grassi étaient les hommes qu'il fallait pour dominer cette tendance, et quoique déjà morts à l'époque du fameux bréviaire de Sainte-Croix, leur œuvre, qui d'ailleurs avait ses racines dans le passé, avait revêtu assez de solidité pour échapper à l'anarchie liturgique dont nous avons fait le récit.

 

La raison du succès qui s'attacha ainsi à l'œuvre de ces deux grands cérémoniaires, et la sauva de la destruction, est dans le sérieux qu'ils surent toujours mettre dans l'accomplissement de leurs fonctions minutieuses aux yeux des gens légers, mais si graves pour l'homme de foi, et si intéressantes pour l'antiquaire. Nous avons un monument fameux de cette fidélité inviolable et même passionnée aux traditions liturgiques, qui est du génie pour un cérémoniaire, dans la conduite de Paris de Grassi, lors de la publication du livre contenant les Cérémonies de l'Église romaine. Ce recueil avait été rédigé par Augustin Patrizi, évêque de Pienza, en Toscane, d'après les ordres d'Innocent VIII ; mais on n'avait pas jugé à propos de l'imprimer. Sous Léon X, Christophe Marcelli, évêque de Corfou, à l'instigation d'un cardinal, se permit de le faire imprimer à Venise, où il parut sous ce titre : Rituum ecclesiasticorum, sive sacrarum Cœremoniarum Sanctœ Romanae Ecclesiœ libri tres non ante impressi. Rien ne pourrait peindre l'indignation de Paris de Grassi à cette nouvelle. En effet l'impression de ce livre ne pouvait se justifier par des raisons d'utilité publique, puisqu'il s'agissait d'un ensemble de rites exclusivement propres, pour la plupart du moins, à la personne du Pape. C'était, de plus, un attentat contre la majesté de cérémonies si augustes, que de les livrer ainsi au contrôle du public et même des hérétiques, en les dépouillant pour jamais du mystère qui les avait jusqu'alors enveloppées ; l'office de préfet des cérémonies pontificales se trouvait par là déshonoré, soumis à la critique du premier venu qui aurait feuilleté le livre, et par là à une véritable déconsidération ; enfin, ce qui était plus fâcheux encore, cet ouvrage, livré furtivement aux imprimeurs, renfermait des fautes, des méprises, des altérations de la véritable tradition liturgique.

 

Paris de Grassi porta devant Léon X les plaintes les plus énergiques, dans un mémoire curieux que dom Mabillon nous a conservé. Il ne demandait rien moins au Pape que de faire brûler l'auteur avec son livre, ou tout au moins de le corriger et châtier convenablement. Librum cœremoniarum nuper impressum omnino comburi simul cum falso auctore; aut saltem ipsum auctorem corrigi et castigari. Léon X était plus porté à choisir le dernier parti, comme on devait bien le croire ; cette affaire, toute fâcheuse qu'elle était, s'assoupit d'elle-même. Comment, en effet, arrêter les diverses éditions qui ne pouvaient manquer de sortir de celle de Venise, ainsi qu'il arriva en effet ? Car ce livre, tout imparfait qu'il est, toute frauduleuse que soit son origine, est et doit être recherché de tous ceux qui veulent prendre une connaissance tant soit peu profonde de la Liturgie.

 

Paris de Grassi a laissé en manuscrit un Ordre romain qui est le dernier de tous, et qui a été publié par dom Martène, au troisième tome de son grand ouvrage de Antiquis Ecclesiœ Ritibus. Il a servi de base, ainsi que les précédents, au cérémonial romain, qui n'est autre chose que la forme des usages de la chapelle papale, adaptée aux diverses églises cathédrales et collégiales du monde chrétien, ainsi que nous le dirons ailleurs.

 

Il est temps de passer à la bibliothèque des auteurs liturgistes du XIVe et du XVe siècle :

 

(1306). Nous placerons à la tête de notre liste le B. Jacques de Benedictis, plus connu sous le nom de Jacopone, de l'ordre des frères mineurs, mort en 1306. On lui attribue la prose Stabat Mater, et plusieurs autres.

 

(1307). Hermann Grethus, chanoine et écolâtre d'une collégiale d'Allemagne, écrivit de Notabilibus divini Officii Dominicarum et Festorum de  tempore et de sanctis. (1310). Jacques Gaétan, cardinal, composa un Ordinarium sanctœ Romanae Ecclesiœ, ouvrage du plus grand intérêt, qui forme le quatorzième Ordre romain dans la collection de dom Mabillon,

(1312). Nicolas de Treveth, dominicain anglais, a écrit, entre autres choses, huit livres de Missa et ejus partibus, et un autre livre de Officio Missœ.

(1315). Thomas de Cabham, archevêque de Cantorbéry, écrivit une somme de Ecclesiasticis Officiis, et un livre de Baptismo,

 

(1320). Timothée II, patriarche des nestoriens, est auteur de l'ouvrage en sept chapitres, de Septem causis Sacramentorum ecclesiasticorum.

( 1333). Nicéphore Calliste, moine de Sainte-Sophie à Constantinople, a laissé des hymnes et autres pièces pour les offices ecclésiastiques.

(1335). Mathieu Blastares, moine grec, a écrit un Catalogue des Offices de la grande Église de Constantinople, et un traité de Appositione cocti frumenti in Officio pro mortuis.

 

(1340). Hermann de Schilde, ermite augustin, écrivit une Exposition de la Messe, un Manuale Sacerdotum, un traité de Horis Canonicis, et un autre de Comparatione Missœ.

(1350). Nicolas Cabasilas, Grec schismatique, a laissé une Exposition de la Liturgie.

(1350). Le Bienheureux Charles de Blois, duc de Bretagne, se montra l'imitateur des princes religieux dont nous avons parlé dans les chapitres précédents. Il ne se contenta pas d'assister avec grand zèle à tous les actes de la Liturgie, mais, à l'exemple de Charlemagne, du roi Robert et de Foulques d'Anjou, il composa plusieurs pièces de chant ecclésiastique. On cite, entre autres, une prose en l'honneur de saint Yves, dont il accompagna les paroles d'un chant si mélodieux, qu'elle fut chantée en divers lieux de Bretagne, et même produite devant les commissaires députés pour instruire le procès de sa canonisation.

 

(1362). Philothée, archimandrite du Mont-Athos, et depuis métropolitain d'Héraclée, a laissé une formule intitulée : Liturgia et Ordo instituendi Diaconum, et plusieurs hymnes et parties d'office à l'usage des Grecs.

(1370). Pierre Amélius, augustin,patriarche de Grade et d'Alexandrie, a laissé un livre de Cœremoniis sanctœ Romanae Ecclesiœ, qui fait le quinzième Ordre romain dans la collection de dom Mabillon.

(1370). Philippe Macerius ou de Maceriis, chevalier picard, qui devint chancelier du royaume de Chypre, composa, sous le nom de Philothée Achillinus, l'office de la Présentation de la sainte Vierge.

 

(1373). Arnauld Terreni, canoniste attaché à l'Église d'Elne, écrivit un traité de Mysterio Missœ et Horis Canonicis.

(1380). Raymond de Vineis, appelé vulgairement Raymond de Capoue, composa un office pour la Visitation de la sainte Vierge.

(1380). Raoul de Rivo, doyen de l'église de Tongres, a laissé, outre son Calendarium Ecclesiasticum, un curieux livre intitulé : De Canonum observantia in ecclesiasticis Officiis.

 

(1400). Jean, appelé aussi Ananie, patriarche des jacobites, sous le nom d'Ignace IV, composa une anaphore qui se trouve dans le livre de ces hérétiques.

(1410). Henri de Langestein, chartreux, écrivit un livre de Horis canonicis.

(1410). Siméon, moine, puis archevêque de Thessalonique, fanatique ennemi des Latins, a laissé, outre un recueil intitulé : Precationes sacrae, un ouvrage important sous ce titre : Commentarius de Divino Templo, de ejus Ministris, de sacris eorum vestibus, de sacrosancta Mystagogia, sive missa, ad pios quosdam Cretenses.

 

(1411). Pierre d'Ailly, cardinal, évêque de Cambrai, célèbre dans les affaires ecclésiastiques de son temps, publia un Sacramentale.

(1420). Ignace Behenam, patriarche des jacobites, composa une anaphore remarquable par la beauté du style.

(1440). Nicolas Kempht, chartreux, écrivit une Exposition du Canon et de la Messe entière.

 

(1446). Troïle Malvetius, docteur de Bologne, a laissé un livre de Sanctorum Canonizatione.

(1450). Fernand de Cordoue, sous-diacre de l'Église romaine, adressa au cardinal François Piccolomini, un traité de Pontifici Pallii mysterio.

(1456). Jacques Gil, dominicain, maître du sacré Palais, composa l'office de la Transfiguration de Notre-Seigneur, par ordre de Callixte III.

 

(1460). Jean de Torquemada, dominicain, maître du sacré Palais, cardinal et évêque de Sabine, a laissé un livre intitulé : De Efficacia Aquœ Benedictœ.

(1460). Georges Codinus,surnommé Curopalate, publia, depuis la prise de Constantinople par les Turcs, un livre sous ce titre : De Curiœ et Ecclesiœ Constantinopolitanœ officiis et officialibus.

(1471). Ange de Brunswick, Saxon, écrivit un livre sur le Canon de la Messe.

 

(1474). Michel Lochmayr, recteur de l'Académie de Vienne, rédigea le Parochiale parochorum, qui renferme beaucoup d'instructions dans le genre de celles de nos rituels modernes.

(1475). Jean de Dursten, augustin, écrivit : De Monocordo; de Modo bene cantandi ; et de collectarum conclusionibus.

(1480). Gabriel Biel, docteur de l'Université de Tubingen, a laissé une Exposition du Canon de la Messe.

 

(1483). Jean Trithème,  abbé de Saint-Martin de Spanheim, puis de Saint-Jacques de Wurtzbourg, la grande lumière de l'ordre de Saint-Benoît en son siècle, fut aussi un liturgiste remarquable. Outre plusieurs séquences, il composa un office en l'honneur de sainte Anne et de saint Joachim, et plusieurs messes pour la Compassion de la sainte Vierge, pour l'Ange Gardien, pour saint Pierre, saint André, saint Jean l'Évangéliste, sainte Marie-Madeleine, sainte Marthe, etc.

 

(1490). Jérôme Savonarole, dominicain, ajoute à ses autres titres de célébrité, celui d'avoir traité les matières liturgiques avec élévation et onction. Il a composé un traité de Sacrificio Missœ et Mysteriis ejus, et un autre de Mysterio Crucis, avec un office de la sainte Croix.

(1495). Jean de Lanshem, augustin allemand, écrivit un Speculum Missœ.

(1495). Nicolas de Alfentia, carme, composa un volume très-étendu sur l'Ordinaire de la Messe et le Canon.

(1497). Balthazar de Leipsick, abbé cistercien, est auteur d'une Exposition du Canon de la Messe, qui fut imprimée à Leipsick en 1497.

 

En terminant ce chapitre, nous trouvons un grand nombre de considérations à recueillir pour l'instruction du lecteur, et pour le développement de la véritable doctrine sur la Liturgie : 

 

1° Ce n'est point une forme liturgique durable que celle qui a été improvisée pour satisfaire à de prétendues exigences littéraires.

 

2° La réforme de la Liturgie, pour durer, a besoin d'être exécutée non par des mains doctes, mais par des mains pieuses et investies d'une autorité franchement compétente.

 

3° Dans la réforme de la Liturgie on doit se garder de l'esprit de nouveauté, restaurer ce qui se serait glissé de défectueux dans les anciennes formes, et non les abolir.

 

4° Ce n'est point réformer la Liturgie que de l'abréger ; sa longueur n'est point un défaut aux yeux de ceux qui doivent vivre de la prière.

 

5° Lire beaucoup d'Écriture sainte dans l'office n'est pas remplir toute l'obligation de la prière sacerdotale ; car lire n'est pas prier.

 

6° Il n'y a pas de fondement à la distinction de l'office public et de l'office privé : car il n'y a pas deux prières qui soient à la fois la prière officielle de l'Église. Le clerc légitimement absent du chœur, de même qu'il y est réputé présent, doit se tenir uni à ses frères en récitant avec eux ce qu'ils chantent en union avec lui. Les lectures qu'il fera dans un bréviaire savant l'isolent de cette prière commune.

 

7°Ce n'est pas un mal que les règles du service divin soient nombreuses et compliquées, afin que le clerc apprenne avec quelle diligence il faut accomplir l'œuvre du Seigneur. Toute satire sur les Rubriques annonce un homme prévenu, ou superficiel, et l'Église répond à ces nouvelles et molles théories, en promulguant plus haut que jamais l'ensemble de ses lois si belles d'harmonie et d'unité.

 

8° Enfin, s'il n'y a pas à balancer pour la conscience entre saint Pie V, souverain Pontife rétablissant solennellement l'ancien office, et le cardinal de Sainte-Croix, Quignonez, éditeur responsable d'un nouvel office inconnu à tous les siècles, quel choix doit-on faire entre l'office de l'Église catholique, et celui ou ceux qu'auraient improvisés en leur propre nom, ou, si l'on veut, sous un patronage qu'il faut bien reconnaître inférieur à celui de Clément VII et de Paul III, quelques prêtres obscurs, suspects dans la foi, et quelques-uns même frappés des foudres de l'Église ? N'est-il pas à craindre que le jugement de la Sorbonne, de 1535, ne leur soit devenu applicable ?

 

La suite de cette histoire mettra le lecteur en état de conclure.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIII, ALTÉRATION DE LA LITURGIE ET DU CHANT, DURANT LE XIVe ET LE XVe SIÈCLE. NECESSITE D'UNE REFORME. — LEON X. CLÉMENT VII. PAUL III. — FERRERI ET QUIGNONEZ. — BURCHARD ET PARIS DE GRASSI. — LITURGISTES DU XIVe ET DU XVe SIÈCLE

 

Folio of a Breviary 1

Folio of a Breviary, 1450

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 04:00

Quelle alliance de force et de grâce offre à nos yeux ravis le premier martyr de l'Ordre bénédictin ! C'était le temps où l'empire ayant succombé, le joug des Goths ariens pesait sur l'Italie. Rome échappait à l'influence des races illustres qui avaient fait sa grandeur ; celles-ci toutefois ne s'abandonnaient pas. Grande leçon réservée, pour l'heure des révolutions de l'avenir, à d'autres descendants de non moins nobles familles, en place du drapeau de l'honneur civique, confié jadis à leurs pères, les survivants du vieux patriciat eurent à cœur de tenir plus haut encore l'étendard du seul héroïsme et des seules vertus qui demeurent pour l'éternité. Ce que faisant, Benoit de Nursie, dans sa fuite au désert, avait mieux qu'aucun triomphateur servi Rome et ses immortelles destinées. Le monde l'eut bientôt compris ; et alors commença, dit saint Grégoire, historien de Benoît, "le concours des nobles romains donnant leurs enfants au patriarche des moines, afin qu'il les nourrit pour le Dieu tout-puissant" ( Gregor. Dialog. Lib. Il, cap. III. ).

 

 Placide était le premier-né du patrice Tertullus. Digne d'un tel fils, les aimables qualités révélées en celui-ci dès le plus jeune âge furent pour le père un motif d'offrir à Dieu, sans tarder plus, ces prémices très chères de sa paternité. Ainsi aimait-on dans ces temps, non pour le monde qui passe, mais pour la vie sans fin, non pour soi, mais pour le Seigneur. Vingt ans après, le Seigneur reconnaissait dignement la foi de Tertullus, en prenant, avec l'aîné, ses deux autres fils et leur sœur dans l'holocauste du martyre. Holocauste non nouveau du reste en l'héroïque famille, s'il est vrai qu'elle fût l'alliée parle sang, l'héritière des biens comme de la vertu du saint martyr Eustache, immolé quatre siècles plus tôt avec les siens pour le Christ.

 

 Parmi les enfants de grande espérance que les vaincus de l'ancien empire amenaient à l'école de milice nouvelle qui s'ouvrait pour eux dans la Vallée sainte, Sublac voyait aussi le fils d'Equitius, Maur, plus âgé que Placide de quelques années. Maur et Placide, aux noms inséparables éternellement de celui de Benoît, dont l'auréole se complète de leur gloire, aux rayons si concordants, si distincts pourtant.

 

 Egaux dans leur amour du Maître et du Père, eux-mêmes également aimés pour leur égale fidélité dans les œuvres bonnes, ils expérimentent à l'envi cette délectation des vertus qui fait de la pratique du bien une seconde nature. Mais tout pareil que soit leur zèle à manier au service du Christ roi les très fortes et très belles armes de l'obéissance, c'est merveille de voir le Maître se conformer à l'âge des disciples, s'adapter de telle sorte aux nuances de leurs âmes, que rien de précipité ou  de contraint n'apparaît dans cette éducation qui discipline la nature sans l'étouffer, qui suit l'Esprit-Saint et ne le dirige pas.

 

Maur retracera surtout l'austère gravité de Benoît, Placide sa simplicité, sa douceur. Benoît prend Maur pour témoin du châtiment infligé au moine vagabond qui ne pouvait rester à la prière ; c'est Placide qu'il veut près de lui sur la montagne où sa supplication obtient l'eau vive, grâce à laquelle péril et fatigue seront épargnés aux Frères habitant les rochers qui dominent l'Anio. Mais lorsque, dans ses promenades au bord du fleuve, tenant Placide par la main et appuyé sur Maur, le législateur des moines explique à tous deux les règles du code de perfection dont ils seront les apôtres, le ciel ne sait qu'admirer le plus, de la candeur du premier qui lui vaut les tendresses du Père, ou de la précoce maturité du second justifiant la confiance du patriarche et partageant déjà son fardeau.

 

 Qui n'a présente à la pensée l'admirable scène où Maur marcha sur les eaux, pour arracher Placide au lac qui allait l'engloutir ? le retentissement s'en est prolongé dans tous les siècles monastiques et religieux, exaltant l'obéissance de Maur, l'humilité de Benoît, la clairvoyante simplicité de l'enfant sauvé des eaux et prononçant entre les deux comme juge du prodige. C'est de tels enfants que le Maître a pu dire en connaissance de cause : "Le Seigneur révèle souvent au plus jeune ce qui est le meilleur" ( S. P. Benedict. Reg. cap. III. ). Et l'on peut croire que les souvenirs de la sainte Vallée dirigèrent sa plume, quand plus tard il formula pour toujours cette prescription : "En aucun lieu, lorsqu'il s'agira du rang, on ne tiendra compte de l'âge, pas plus qu'il ne portera préjudice ; car Samuel et Daniel enfants ont jugé les vieillards" ( S. P. Benedict. Reg. cap. LXIII. ).

 

 Les Leçons suivantes, qui sont celles du Bréviaire monastique, achèveront pour nous le récit de la vie de Placide et raconteront sa mort. En 1588 la découverte à Messine des reliques du Martyr et de ses compagnons de victoire est venue confirmer la véracité des Actes de leur glorieuse Passion. Ce fut à cette occasion que le Pape Sixte-Quint étendit la célébration de leur fête à toute l'Eglise sous le rit simple.

 

 Placide, né à Rome, eut pour père Tertullus, de la très noble famille des Anicii. Il fut, encore enfant, offert à Dieu et confié à saint Benoît. D'une admirable innocence, tels furent ses progrès dans la vie monastique, qu'il compta parmi les principaux disciples du Maître. Il était présent, lorsqu'une source miraculeuse jaillit, à la prière de celui-ci, au désert de Sublac. Un autre prodige est celui dont il fut l'objet lorsque, tout jeune encore, étant allé puiser au lac il y tomba et fut sauvé, au commandement du bienheureux Père, par le moine Maur courant à pied sec sur les eaux. Il accompagna Benoît lors de sa retraite en Campanie et, dans sa vingt-deuxième année, fut envoyé en Sicile pour y défendre contre d'injustes déprédations les possessions et droits assurés par son père au monastère du Mont-Cassin. De grands et nombreux prodiges marquèrent sa route, et ce fut précédé de la renommée de sa sainteté qu'il parvint à Messine. Il lut le premier qui introduisit dans l'île la discipline monastique, en construisant non loin du port, sur le domaine paternel, un monastère où trente moines furent rassemblés.

 

 Rien qui l'emportât sur lui en placidité douce, en humilité ; en prudence, gravité, miséricorde, perpétuelle tranquillité d'âme, il surpassait tout le monde. La contemplation des choses célestes absorbait le plus souvent ses nuits, ne s'asseyant un peu que lorsque s'imposait la nécessité du sommeil. Combien grand n'était pas son amour du silence ! fallait-il parler, tout son discours était du mépris du monde et de l'imitation de Jésus-Christ. Son zèle pour le jeûne était tel, qu'il s'abstenait toute l'année de chair et de laitage ; pendant le Carême, les mardi, jeudi et Dimanche, il se contentait de pain et d'eau fraîche, se passant les autres jours de toute  nourriture. Il ne but jamais de vin, porta perpétuellement le cilice. Cependant si grands, si nombreux étaient les miracles de Placide, que leur éclat lui amenait en foule, implorant guérison, les malades non seulement du voisinage, mais encore de l'Etrurie et de l'Afrique ; toutefois il avait pris, dans son insigne humilité, l'habitude d'opérer au nom de saint Benoît ces divers miracles et de lui en attribuer le mérite.

 

Sa sainteté, ses prodiges favorisaient grandement les progrès de la religion chrétienne, quand, la cinquième année depuis sa venue en Sicile, eut lieu une irruption subite de Sarrasins. Or, il se trouva que dans ces mêmes jours Eutychius et Victorinus, frères de Placide, avec sa sœur la vierge Flavia, étaient arrivés de Rome pour lui faire visite ; les barbares, surprenant l'église du monastère pendant l'office de nuit, s'emparèrent d'eux, ainsi que de Donat, de Fauste, du diacre Firmat et des trente moines. Donat eut aussitôt la tête tranchée. Les autres, amenés devant Manucha le chef des pirates, furent sommés d'adorer ses idoles ; ce qu'ayant sans faiblir refusé de faire, on les jeta  pieds et poings liés en prison sans aucune nourriture, après les avoir frappés de verges, et avec ordre de les frapper tous les jours. Mais Dieu les soutint ; lorsque après beaucoup de jours on les ramena au tyran, leur constance dans la foi fut la même ; de nouveau flagellés à plusieurs reprises, on les suspendit nus la tête en bas au-dessus d'une fumée épaisse, pour les étouffer. Chacun les croyait morts ; le lendemain, ils reparaissaient pleins de vie, miraculeusement guéris, sans aucune blessure.

 

Alors le tyran s'en prit séparément à la vierge Flavia, et ne pouvant rien sur elle par menaces, il la fit suspendre nue par les pieds à une haute poutre Mais comme il lui imputait à infamie cette épreuve : L'homme et la femme, dit la vierge, ont un seul Dieu pour créateur et auteur ; c'est pourquoi mon sexe ne me sera pas imputé près de lui à démérite, ni davantage cette nudité que je supporte pour son amour à lui qui, pour moi, ne voulut pas être seulement dépouillé de ses vêtements, mais encore attaché aune croix. Sur cette réponse Manucha furieux, après avoir repris contre elle le supplice des verges et de la fumée, ordonne qu'on la livre à la prostitution. Mais la  vierge  priait ; Dieu  paralysa  ceux qui voulurent l'approcher, et les punit de douleurs  subites en  tous leurs membres. Après la vierge, ce fut  au frère de soutenir l'assaut.  Comme il  dénonçait la  vanité des idoles, Manucha lui fit briser à coups de pierres la bouche et les dents,  puis commanda qu'on lui coupât la langue jusqu'à la  racine ; mais le martyr n'en parlait pas avec moins de netteté et d'aisance. La colère du barbare s'accrut  à ce prodige ; sur Placide, sa sœur et ses frères, renversés à terre, il ordonne qu'on entasse en poids énorme des ancres et des meules, sans pourtant arriver davantage a leur nuire. Enfin,  de la seule  famille de Placide trente-six  martyrs  eurent la tète  tranchée avec leur chef, sur le rivage du port de  Messine ;  ils remportèrent la palme avec beaucoup  d'autres, le trois des nones d'octobre, l'an du salut cinq cent trente-neuf. Quelques  jours plus  tard, Gordien, moine de ce même monastère  échappé par la fuite, retrouva tous les corps intacts et les ensevelit avec larmes.  Quant  aux barbares, ils furent peu après engloutis  par  les  ondes vengeresses de la mer en punition de leur cruauté.

 

The Martyrdom of Sts Placidus and Flavia

Le Martyre de Saint Placide et Sainte Flavia, de Francesco Solimena 

 

" Placide, mon très doux fils, pourquoi te pleurerais-je ? Tu ne m'as été enlevé que pour être à tous. Je veux rendre grâces pour ce sacrifice du fruit de mon cœur offert au Dieu tout-puissant" (Acta S. Placidi et Soc. cap. VII.). Ainsi parlait, à la nouvelle du triomphe de ce jour, Benoît, le père de votre âme, mêlant ses larmes et sa joie. Il devait vous survivre de peu, assez toutefois pour, de lui-même, compléter séparations et déchirements en dirigeant vers le lointain pays de France le compagnon de vos jeunes années, Maur, qui de si longtemps ne devait pas vous rejoindre au ciel. La charité ne cherche pas ses intérêts ; et c'est en s'oubliant et se perdant pour Dieu, qu'elle les trouve. Placide a disparu, Maur s'éloigne, et Benoît va mourir : c'est au moment où l'humaine prudence eût estimé l'œuvre du patriarche à jamais compromise, qu'affermissant ses racines elle étend sur le monde entier ses rameaux. Si le grain de froment ne tombe à terre et ne meurt, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Comme autrefois le sang des martyrs était une semence de chrétiens, il multiplie les moines à cette heure.

 

Soyez béni, ô Placide, bien au delà de l'Italie qui vous donna naissance, de la Sicile qui vit vos combats ; soyez béni pour les épis sans nombre, moisson immense, sortis du grain de choix tombé aujourd'hui en terre : dans votre immolation, les analogies de la foi nous permettent de voir le secret du succès de la mission monastique accomplie par Maur. Ainsi, malgré la diversité grande et l'inégale longueur de vos sentiers, restez-vous unis pour le Maître et Père dont vous étiez la joie dans la sainte Vallée ; l'heure venue, des hauteurs du Cassin, il n'hésita pas devant le sacrifice plénier que lui demandait le Seigneur ; c'est pour cela que du ciel, aujourd'hui, il voit justifiées pleinement les espérances qu'il fondait  sur tous deux.

 

Daignez, ô Placide, ne  cesser point  de vous intéresser à l'extension du  règne du  Christ sur terre, aux progrès de la vie parfaite en l'Eglise, à la diffusion par le monde de cette famille monastique dont vous êtes la gloire. Les noviciats vous sont confiés  en divers lieux : au  souvenir de la formation privilégiée  dont vous eûtes l'insigne avantage, veillez sur les aspirants de  la meilleure part. A eux surtout s'applique le mot de l'Evangile : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas  dans le royaume des cieux, ce royaume des cieux qui consiste dans la possession anticipée de Dieu ici-bas par la vie d'union à laquelle conduit la voie des conseils.  Puissent-ils rappeler aux Anges votre humble et douce simplicité, reconnaître la maternelle sollicitude à leur endroit de la sainte Religion par la filiale docilité qui répondit chez vous à la spéciale tendresse du législateur  des  moines.  Puissent ils,  malgré la défaveur du monde, croître en nombre comme en mérite, à l'honneur de Dieu !

 

Les épreuves de l'heure actuelle doivent préparer la phalange monastique, l'état religieux entier, aux épreuves de l'avenir. C'est autour de lui que se grouperont les martyrs des derniers temps, comme firent près de vous les chrétiens de Messine, et vos deux frères, et cette héroïque Flavia si vraiment digne d'être appelée deux fois votre sœur. Puisse donc la troupe d'élite serrer ses rangs, rester indissolublement unie, pour redire d'une seule voix aux persécuteurs de l'avenir comme à ceux du présent : "Faites ce que vous avez résolu ; car nous n'avons qu'une âme, qu'une foi, qu'une manière de vivre" (Acta S. Placidi et Soc. cap. V. ).

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
 

 

Saint Placidus

SAINT PLACIDE par Le Pérugin

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4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 11:30

Nous verrons plus loin la suite des efforts que firent les Pontifes romains pour l'amélioration de la musique à l'époque de la grande réforme catholique.

 

 Cette réforme catholique fut précédée, comme l'on sait, de plusieurs tentatives infructueuses, mais qui attestaient le malaise qu'on éprouvait de toutes parts. Les audacieuses ordonnances de Constance et de Bâle, pour la réformation de l'Église dans son Chef et dans ses membres, comme on parlait alors, rencontrèrent dans les Pontifes romains la résistance qu'elles devaient rencontrer, et Eugène IV, Nicolas V et Pie II, seront à jamais bénis pour n'avoir pas tenu compte des insolentes fulminations qui furent lancées de leur temps contre la Chaire de Saint-Pierre. Toutefois, les successeurs de ces immortels Pontifes ayant dégénéré de leur vertu, après Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, on vit Jules II et Léon X, qui pourtant n'étaient pas de la race des hommes par lesquels devait être sauvé Israël, entreprendre l'œuvre de la réformation. Le cinquième concile de Latran, et les bulles qui l'accompagnent, sont un monument de ce zèle auquel il ne manqua que la persévérance pour opérer des fruits durables.

 

La Liturgie sembla dès lors un objet fait pour attirer l'attention des réformateurs apostoliques ; mais comme le malheur de ces temps était qu'on n'apercevait pas toute la grandeur de la plaie à guérir, il arriva aussi que, faute de maturité dans les jugements, on ne se préoccupa guère que de la forme extérieure qui, en effet, était vicieuse. Mais le moment était mal choisi pour décider sur la forme la meilleure, alors que Rome subissait les influences de cette littérature profane que l'étude trop exclusive des classiques grecs et latins avait enfantée. La première pensée de corriger la Liturgie vint à Léon X, au moment où la cour romaine était peuplée de poètes et de prosateurs  dont le  goût  ne  pouvait  supporter la   barbarie du latin ecclésiastique. Celui-ci désignait le Dieu des chrétiens sous le nom de Numen, la vierge Marie sous celui d’Alma Parens ; celui-là récitait ses Heures en grec ou en hébreu ; tel autre avait suspendu la lecture des Épîtres de saint Paul, dans la crainte de compromettre la pureté de son goût.

 

On trouva donc que le principal défaut de la Liturgie était l'incorrection du style, et, sans se préoccuper des droits que l'antiquité donne aux formules sacrées, sans songer que le respect de cette vénérable antiquité exigeait simplement qu'on élaguât les additions et interpolations indiscrètes, on crut, dans ce siècle de poésie, que la principale chose à réformer tout d'abord était l’Hymnaire. Mais veut-on savoir comment on s'y prit ? Le génie du catholicisme, dans tous les temps, a été d'améliorer, de compléter, de réformer ; la destruction violente d'usages suivis durant des siècles, et la substitution soudaine de formes toutes nouvelles aux anciennes est sans exemple dans ses annales. C'est pourtant ce qui serait arrivé si la Providence eût permis que le projet de Léon X réussi. Ce pontife donna ordre à Zacharie Ferreri de Vicence, évêque de la Guarda, de composer un recueil d'hymnes pour toutes les fêtes de l'année, et d'y employer un style qui fût digne de la littérature du XVIe siècle. Le prélat mit tous ses soins à cette œuvre ; mais Léon X, enlevé par la mort, ne put jouir par lui-même du fruit des travaux de Ferreri. L'ouvrage ne vit le jour que sous Clément VII, successeur de Léon X, et, comme lui, grand amateur de l'ingénieuse antiquité.

 

En 1515, on vit paraître à Rome le recueil tant attendu ; il portait ce titre magnifique que nous transcrivons en entier, attendu que l'ouvrage est devenu rare : Zachariœ Ferrerii Vicentini, Pont. Gardien. Hymni novi ecclesiastici, juxta veram metri et latinitatis normam a beatissimo Patre Clémente VII, Pont. Max. ut in divinis quisque eis uti possit approbati, et novis Ludovici Vicentini, ac Lautitii. Perusini characteribus in lucem traditi. Sanctum ac necessarium opus.

Breviarium Ecclesiasticum ab eodem Zacharia longe brevius et facilius redditum et ab omni errore purgatum prope diem exibit.

A la fin du volume, on lit ces paroles : Impressum hoc divinum opus Romœ, in œdibus Ludovici Vicentini et Lautitii Perusini, non sine privilegio. Kal. Febru. MDXXV.

 

L'ouvrage lui-même répond parfaitement à une si fastueuse annonce. Les hymnes qu'il contient sont telles qu'on avait droit de les attendre du siècle et de l'auteur. Tout y est nouveau. Les mystères de la naissance, de la passion, de la résurrection du Sauveur ; ceux de la Pentecôte, du saint Sacrement ; les fêtes de la sainte Vierge et des saints ; tout, en un mot, y est splendidement célébré dans des odes qui n'ont rien de commun pour la forme, ni pour l'expression, avec les antiques hymnes de saint Ambroise, de Prudence et des autres poètes de l'Église catholique. En revanche, on y trouve, dans la plus incroyable naïveté, toutes les images et les allusions aux croyances et aux usages païens qu'on pourrait rencontrer dans Horace. Nous ne citerons qu'un seul trait : Ferreri ayant à raconter l'élection de saint Grégoire à la papauté, dit naïvement que les Flamines le choisirent pour Pontife souverain. Toutefois, pour être juste, il faut dire aussi que plusieurs de ces hymnes sont simples et belles, par exemple, celle des Apôtres, Gaudete, mundi principes ; celle en l'honneur de la sainte Vierge : O noctis illustratio. Dans un grand nombre d'autres, les figures tirées de l'Écriture sainte, souvent empruntés aux traditions catholiques sur les saints, leurs actions et leurs attributs, jettent un certain charme sur ces compositions, en dépit de la forme trop servilement imitée des œuvres d'une littérature païenne. En un mot, telles qu'elles sont, ces hymnes sont certainement préférables à la plupart de celles qui ornent les modernes bréviaires de France, et parce qu'elles sont au fond l'œuvre d'une inspiration forte et pure qui se reconnaît encore à travers le masque de la diction classique, et, surtout, parce qu'elles ont été approuvées par le Saint-Siège qui, s'il a, plus tard, révoqué cette sanction, ne l'eût du moins jamais donnée, si ces hymnes n'eussent renfermé une doctrine pure.

 

Par un bref du 11 décembre 1515, Clément VII approuva les hymnes de Ferreri. Voici les paroles remarquables du Pontife : " L'évêque Ferreri, afin d'accroître la splendeur du culte divin, ayant récemment composé pour sa consolation spirituelle, et pour celle des fidèles chrétiens et principalement des prêtres lettrés, plusieurs hymnes d'une vraie mesure pour le sens et la latinité, lesquelles sont destinées aux diverses fêtes du Dieu tout-puissant, de Marie toujours vierge, de plusieurs saints, et aussi pour tout le cercle de l'année ; et après les avoir réunies dans un seul volume, et soumises à l'approbation de plusieurs hommes doctes et même de quelques-uns de nos cardinaux de la sainte Église romaine, les ayant dédiées et offertes à Nous et au Siège apostolique ; Nous, sachant qu'il est écrit parmi les paroles saintes, que le fruit des travaux excellents est plein de gloire, et voulant que tant de soins n'aient pas été dépensés inutilement, mais, au contraire, que leur produit paraisse en lumière et serve pour l'avantage commun et l'utilité spirituelle de tous, spécialement des chrétiens lettrés ; de notre propre mouvement et de notre science certaine, Nous concédons et mandons d'autorité apostolique, par la teneur des présentes, que tout fidèle, même prêtre, puisse user de ces hymnes, même dans les offices divins."

 

Ainsi, par cette mesure, unique jusqu'alors, il était permis à tout ecclésiastique de se servir en particulier d'une forme liturgique qui n'était point universelle ; le choix des prières à réciter, au moins dans une certaine proportion, était livré à la volonté de chacun ; à des maux publics il était apporté un remède privé. C'était donc encore là un de ces palliatifs qui ne réformaient rien et qui n'appelaient que plus haut la grande et solide réformation du Concile de Trente, et des Pontifes qui en interprétèrent et en appliquèrent si énergiquement les décrets.

 

On a dû remarquer sur le titre de l’Hymnaire de Ferreri, l'annonce d'un nouveau bréviaire élaboré par le même, et qui est recommandé comme devant paraître sous une forme abrégée, plus simplifiée que l'ancien, et devant être exempt de toute erreur. C'est qu'en effet, il ne suffisait pas de donner un nouveau recueil d'hymnes, si le fond de l'office lui-même avait besoin de réforme. Toutefois on conviendra que c'est une singulière idée de mettre en évidence, comme la première des recommandations, la brièveté du bréviaire expurgé qu'on veut substituer à l'ancien. La longueur des prières du divin service ne peut pas être mise au rang des abus, au même titre que les interpolations  de faits  apocryphes  qui pouvaient s'y être glissées. Mais tel était l'esprit général, durant la première moitié du XVIe siècle. On sentait qu'il y avait quelque chose à faire, et, pour le découvrir, on tâtonnait, on cherchait bien loin ce qu'on avait sous la main. Saint Pie V fit autrement. Ferreri étant mort, sans avoir pu donner son bréviaire abrégé, Clément VII chargea de l'exécution de ce projet le cardinal François Quignonez, connu sous le nom de cardinal de Sainte-Croix, parce qu'il était titulaire de Sainte-Croix en Jérusalem. Ce prélat qui était franciscain et avait été général de son ordre, s'occupa activement de remplir cette mission, et enfin, en 1535, il put présenter son travail à Paul III, successeur de Clément VII. Ce pape l'ayant approuvé, le bréviaire de Quignonez parut à Rome, sous ce titre : Breviarium Romanum ex sacra potissimum Scriptura et probatis sanctorum historiis collectum et concinnatum. Pour mettre le lecteur plus à même de juger cet ouvrage, nous traduirons ici une partie de l'épître dédicatoire à Paul III, que le cardinal a placée en tête de son bréviaire.

 

Quignonez expose d'abord les raisons pour lesquelles l'Église a fait un devoir aux clercs de réciter l'office canonial. Il en reconnaît trois. La première se tire de la consécration spéciale qui les lie au service de Dieu ; la seconde, du besoin qu'ils ont d'un secours contre les tentations du démon.

" La troisième, dit-il, est qu'étant appelés à être les précepteurs de la Religion, il est nécessaire qu'ils s'instruisent par la lecture journalière de la sainte Écriture et des histoires ecclésiastiques, et que, comme dit Paul, ils acquièrent une diction fidèle, conforme à la doctrine, devant être puissants pour exhorter dans une saine doctrine et pour reprendre ceux qui contredisent. Que si quelqu'un considère avec soin le mode de prière établi par la tradition des anciens, il verra clairement s'ils ont pris garde à toutes ces choses ; mais il est arrivé, je ne sais comment, par la négligence des hommes, que l'on a décliné peu à peu de ces très saintes institutions des anciens Pères.

" En effet, les livres de l'Écriture sainte, qui devaient être lus à des temps marqués de l'année, à peine sont-ils commencés dans l'Office, qu'on les interrompt. Nous citerons en exemple le livre de la Genèse qui commence dans la Septuagésime, et le livre d'Isaïe, dans l'Avent; à peine en lisons-nous quelques chapitres, et il en est de même des autres livres de l'Ancien Testament, que nous dégustons plutôt que nous ne les lisons.

" Quant aux Évangiles et autres Écritures du Nouveau Testament, on les a remplacés par d'autres choses qui n'y sont comparables ni pour l'utilité, ni pour la gravité, et qui, chaque jour, sont plutôt l'objet de l'agitation de la langue que de l'intention de l'âme. Des psaumes étaient destinés pour chaque jour de la semaine, la plupart du temps ils ne sont d'aucun usage ; seulement, il en est quelques-uns que l'on répète presque toute l'année.

" Les histoires des saints, placées dans les Leçons, sont écrites d'une manière si inculte et si négligée, qu'elles semblent n'avoir ni autorité, ni gravité.

" De plus, l'ordre et la manière de prier sont si compliqués et si difficiles, que, parfois, on mettra presque autant de temps à rechercher ce qui doit être lu qu'à le lire.

" Clément VII, souverain Pontife d'heureuse mémoire, ayant considéré ces choses et compris que, s'il était de sa charge de pourvoir à l'avantage de tous les chrétiens, il se devait principalement aux clercs, dont il se servait comme de ministres dans le sein du troupeau commis à sa garde, m'exhorta et me chargea, autant que le pouvaient comporter mes soins et ma diligence, de disposer les prières des Heures, en sorte que les difficultés et défauts dont je viens de parler étant retranchés, les clercs fussent engagés à la prière par l'attrait d'une plus grande facilité. J'acceptai volontiers cette commission, tant par obéissance au souverain Pasteur qui  commandait une chose si convenable, que pour contribuer, suivant mes forces, au bien public. Ayant donc employé le concours de plusieurs de mes familiers, hommes prudents, habiles dans les saintes lettres et le droit canonique, autant que savants dans les langues grecque et latine, j'ai mis tous mes soins à remplir ma commission pour l'avantage et l'utilité publique ainsi qu'il suit.

" On a omis les antiennes, capitules, répons, beaucoup d'hymnes et beaucoup d'autres choses du même genre qui empêchaient la lecture de l'Écriture sainte ; en sorte que le bréviaire est composé des Psaumes, de l'Ecriture sainte de l'Ancien et du Nouveau Testament, et des histoires des saints que nous avons tirées d'auteurs grecs et latins, approuvés et graves, ayant eu soin de les orner d'un style un peu plus châtié, mais sans recherche. On a laissé celles des hymnes qui ont semblé avoir plus d'autorité et de gravité. Les Psaumes ont été distribués de façon qu'en retenant, autant qu'il a été possible, l'institution des anciens Pères, on les puisse tous lire, chaque semaine de l'année, savoir, trois à chaque heure, la longueur des uns étant ainsi compensée par la brièveté des autres ; ce qui fait que le travail de la récitation journalière est  complètement le même pour toute la semaine comme pour toute l'année.

" Par suite des variations du temps pascal et des autres fêtes qu'on appelle mobiles, nous n'avons pu éviter entièrement de statuer quelques unes de ces règles dont auparavant le bréviaire était tellement rempli, qu'à peine la vie d'un homme suffisait pour les apprendre parfaitement ; mais nous les avons rendues si graves et si claires, qu'il est facile à chacun de les comprendre.

" Cette manière de prier a trois grands avantages. Le premier, que ceux qui s'en servent y acquièrent la connaissance des deux Testaments. Le second, que l'usage en est très expéditif, tant pour la grande simplicité de l'arrangement que pour une certaine brièveté. Le troisième, que les histoires des saints n'y présentent rien qui, comme auparavant, offense les oreilles graves et doctes.

" La différence entre ce bréviaire et celui dont nous avons usé précédemment est donc que, dans l'ancien, contrairement à la volonté des anciens Pères, qui voulaient qu'on lût, chaque année, presque toute l'Ecriture sainte, on lisait à peine une petite partie des livres ; tandis que dans le nôtre, tous les ans, on lit la grande et principale partie de l'Ancien Testament et tout le Nouveau, moins une partie de l'Apocalypse : on répète même les Épîtres et les Actes des Apôtres.

" Quoique nous ne nous soyons pas proposé la brièveté de l'office, mais la commodité de ceux qui récitent, nous espérons cependant avoir atteint l'une et l'autre. Les leçons sont plus longues dans ce bréviaire, il est vrai, mais il n'y en a jamais plus de trois ; tandis que, dans l'ancien, les Leçons sont au nombre de douze, avec autant de versets et de répons, si l'on compte l'office de la sainte Vierge. Que si quelques Psaumes, dans notre bréviaire, sont plus longs, dans l'autre on en lit chaque jour un beaucoup plus grand nombre, en comptant ceux qu'on répète.

" L'ordre que nous avons établi est très propre à ménager le temps et à soulager la fatigue. La première et la seconde Leçon sont disposées invariablement pour toute l'année, qu'il tombe une fête ou non. La seule différence de l'office d'une fête, d'un dimanche ou d'un jour de férié, est dans la variation de l'invitatoire, des hymnes à Matines et à Vêpres, de la troisième Leçon et de l'Oraison : le reste demeure toujours sous la même forme."

 

Telles étaient les intentions de Quignonez, tel avait été le but de Léon X, de Clément VII, de Paul III, savoir : de réformer l'office en l'abrégeant, et, pour ne point fronder les usages extérieurs de la Liturgie, d'introduire une distinction entre l'office célébré au chœur, et l'office récité en particulier. Au moyen d'une certaine variété dans les prières et les lectures, en évitant, autant que possible, les répétitions, en retranchant tout ce qui se rapporte à l'assemblée des fidèles, comme n'ayant plus de sens dans la récitation privée, on pensait ranimer le goût de la prière chez les clercs, et l'on ne voyait pas que c'était aux dépens de la Tradition ; que l'antique dépôt des prières liturgiques une fois altéré, ne tarderait pas à périr ; que cette forme d'office, inconnue à tous les siècles chrétiens, pénétrerait bientôt dans les Eglises, au grand scandale des peuples ; en un mot, que c'était une Réforme désastreuse que celle à laquelle on sacrifiait tout le passé de la Liturgie.

 

Si aujourd'hui nous nous permettons de juger aussi sévèrement une œuvre qui appartient à plusieurs Pontifes romains, puisqu'elle fut accomplie sous leur inspiration, ce n'est certes pas que nous ne soyons résolu toujours d'accepter comme le meilleur tout ce qui vient de la Chaire suprême sur laquelle Pierre vit et parle à jamais dans ses successeurs : mais il s'agit d'une œuvre qui ne reçut jamais des trois pontifes que nous venons de nommer, qu'une approbation domestique, qui ne fut jamais promulguée dans l'Église, et qui, plus tard, par l'acte souverain et formel d'un des plus grands et des plus saints papes des derniers temps, fut solennellement improuvée et abolie sans retour.

 

Le caractère de l'influence que le Siège apostolique exerça sur la publication du bréviaire de Quignonez, contraste avec tout ce qu'on a pu voir dans tous les siècles, avant ou après. Rome semble désirer qu'on embrasse cette forme d'office, et craindre, d'un autre côté, d'en faire une loi. On sent comme un état de passage qui doit durer jusqu'à ce que le pontife désigné de Dieu pour successeur des Léon, des Gélase, des Grégoire, dans l'œuvre liturgique, paraisse et réforme saintement le culte divin, comme parle l'Église.

 

En attendant, Paul III explique en ces termes ses intentions au sujet du bréviaire de Quignonez :

" Nous accordons à tous et à chacun des clercs ou prêtres séculiers seulement, qui voudront réciter cet office, de n'être plus tenus à la récitation de l'ancien office qui est maintenant en usage dans la Cour romaine ou dans toute autre Église ; mais ils seront censés avoir satisfait à la récitation de l'office et des heures canoniales, comme s'ils eussent récité l'ancien office, pourvu que chacun d'eux ait soin d'obtenir du Siège apostolique une licence spéciale pour ce pouvoir faire ; laquelle licence nous ordonnons devoir être expédiée par simple signature et sans autres frais."

 

Dans l'année même où il paraissait à Rome, en 1535, le bréviaire de Quignonez ayant pénétré en France, y fut l'objet d'une attaque vigoureuse et rudement motivée de la part des docteurs de l'Université de Paris. Il avait été déféré à la Faculté par le Parlement de Paris : nous extrairons quelques parties de la censure. Elle débute ainsi :

" Il faut d'abord remarquer que ledit bréviaire est en contradiction avec tous les autres bréviaires de quelque diocèse que ce soit, et particulièrement de l'Église romaine ; car tous les autres bréviaires renferment beaucoup de choses saintes, salutaires et propres à entretenir la piété et la dévotion des fidèles ; lesquelles choses ne se trouvent point dans ledit bréviaire ; tels sont, par exemple, les Heures de la sainte Vierge, les antiennes, les répons, les capitules, les homélies ou expositions des docteurs catholiques sur les Évangiles et autres Écritures, l'ordre et le nombre des Psaumes, le mode de les réciter dans l'Église, enfin l'ordre observé jusqu'ici dans l'Église dans la lecture des saintes Écritures, aux Matines, suivant la différence des temps. Ces institutions salutaires ayant été gardées dans les offices ecclésiastiques depuis l'origine de l'Église, pour ainsi dire, jusqu'à nos temps, on a droit de s'étonner en voyant que celui qui a fait ce nouveau bréviaire rejette toutes ces choses et décide qu'elles doivent être rejetées comme ne conduisant, dit-il, ni à la piété, ni à la connaissance de la sainte Écriture. A l'en croire, les antiennes, les répons et autres choses susnommées ne seraient d'aucune utilité dans l'Église, et on les devrait retrancher comme superflues et inutiles. Cependant cette doctrine est erronée et nullement conforme à cette piété qui est suivant la doctrine.

" Il nous a semblé aussi ne montrer point, en sa sagesse, une sobriété suffisante, quand on le voit préférer sans rougir son sentiment à lui seul aux décrets des anciens Pères, à l'usage commun et approuvé de l'Église, aux histoires les plus authentiques. Afin donc que tous connaissent combien est dangereuse et intolérable la publication de ce bréviaire, nous allons montrer d'abord qu'il n'est permis à personne de s'écarter des règlements antiques des Pères et des statuts universels de l'Église, lesquels ont pour but de soutenir la piété. En second lieu, qu'il faut garder le rite commun et approuvé de l'Église. De plus, que dans les choses dont il s'agit, l'Église ne s'écarte point des maximes professées dans les livres des docteurs de la foi. Enfin nous exposerons a les maux qui résultent de la curieuse nouveauté de ce bréviaire."

 

Les docteurs s'attachent ensuite à démontrer, avec l'érudition de leur temps, ces trois propositions et discutent en détail les divers reproches qu'ils font au bréviaire de Quignonez, rapportant les raisons de l'institution de toutes les particularités de l'office qu'il a cru pouvoir supprimer ; et, venant enfin aux inconvénients qui peuvent s'ensuivre de l'adoption de cette nouvelle forme liturgique, ils s'expriment ainsi :

" Enfin ce changement du bréviaire semble une chose dangereuse ; car il est à craindre que si on le recevait, on n'en vînt à changer de la même manière le missel et l'office de la Messe, et qu'on n'en ôtât des choses saintes et salutaires ; ce qui serait pour la destruction et non pour l'édification.

" Avec la même facilité on pourrait retrancher aussi les cérémonies et solennités, ainsi que les autres sacramentaux, comme sont les consécrations d'églises, d'autels, de calices, le chant ecclésiastique, les fêtes des saints, l'eau bénite, et beaucoup d'autres choses semblables : d'où l'on voit clairement quelle voie dangereuse est ouverte par ce changement de bréviaire et cette nouveauté.

" De plus ce serait un péril imminent et considérable, si, sous la signature d'un simple particulier, on en venait à abandonner l'usage commun jusqu'ici  observe dans l'Église, en sorte que les églises cathédrales, collégiales et paroissiales, ayant accepté ce nouveau bréviaire, l'Église se trouvât en possession d'un office garanti uniquement par la signature dont nous parlons ; ce qui tournerait à grand scandale pour le peuple et entraînerait péril de sédition, desquels malheurs Dieu nous veuille garder."

 

Cette vigoureuse critique, si gravement motivée, tombait à la fois et sur Quignonez et sur l'autorité qui semblait l'avoir mis en avant. Le cardinal fit seul semblant de s'en apercevoir. Il introduisit dans son œuvre quelques changements presque imperceptibles ; mais ce qui dut surtout désarmer les docteurs, fut le ton significatif de simplicité avec lequel il s'exprima, l'année suivante, dans ja préface de sa nouvelle édition de 1536. Il s'adresse à Paul III, comme dans la première édition, et s'exprime ainsi :

" Le bréviaire romain, composé par nous, suivant le désir de Clément VII, ou plutôt ramené à la lecture plus abondante des saintes Écritures et à la forme primitive des saints Pères et des anciens conciles, enfin, publié par votre volonté, très saint Père, a été reçu et approuvé avec une si grande faveur de la plupart des hommes graves et doctes (ainsi que je l'ai remarqué), qu'ils n'y ont rien trouvé à changer. En même temps, j'ai connu que d'autres, graves et prudentes personnes, n'approuvant pas la forme de ce bréviaire, affirmaient qu'il y manquait plusieurs choses. Ce n'est pas que j'aie jamais douté que sur un si grand nombre de personnes, il ne s'en trouvât qui, ayant vieilli dans la pratique d'une forme différente de prières, n'auraient pas pour  agréable notre travail, pensant qu'en aucune façon il ne pourrait être permis aux clercs de s'écarter de la coutume envieillie de prier. De plus, en publiant la première édition du bréviaire, nous n'avions pas eu intention de faire une sorte de promulgation de loi, mais plutôt d'ouvrir une délibération publique, à l'effet de recueillir le jugement de plusieurs, proposant ainsi le premier notre sentiment, et résolu de suivre le parti qui de tous semblerait le plus avantageux et le plus conforme à la religion et à la piété, suivant le jugement du plus grand nombre des hommes prudents et graves.

" C'est pourquoi, ayant pesé les avis que beaucoup nous ont adressés, les uns de vive voix, les autres par écrit, et voulant déférer aux avis de ceux qui ont semblé avoir fait preuve d'une prudence plus remarquable, nous avons volontiers ajouté certaines choses, changé quelques-unes, et revu avec soin tout l'ensemble, mais en retenant toujours la forme générale de ce bréviaire. Toutefois, puisque c'est une chose fondée sur la nature, que rien de ce qui est à l'usage des hommes, quelque légitime et raisonnable qu'il soit, s'il est nouveau, ne peut éviter de déplaire à quelques-uns, ce ne sera point une témérité de notre part si, dans cette seconde édition, nous expliquons avec un peu plus de soin et d'étendue le plan de tout notre travail que nous n'avions d'abord développé qu'en abrégé."

 

On voit que Quignonez ne dédaigne pas de se disculper devant la Faculté, et on a lieu d'être frappé de la naïveté avec laquelle il convient que son bréviaire est un livre comme un autre, destiné à subir la critique du public, sujet à la censure, œuvre toute humaine, en un mot, et qui ne pouvait avoir de vie dans l'Église éternelle. Moins de quarante ans suffirent à sa durée ; mais en  attendant, la brièveté de cette forme d'office séduisit grand nombre de personnes. La Sorbonne elle-même, avec la légèreté dont son histoire offre tant de traits, souffrit que, sous ses yeux mêmes, une édition du bréviaire contre lequel elle avait tonné si fortement, s'imprimât à Paris, dès 1539. On en trouve encore trois autres publiées dans cette capitale, sans parler de dix, au moins, qui furent imprimées à Lyon, et dont la dernière est de 1557. Il y en a, en outre, un grand nombre d'autres publiées à Rome, à Venise, à Anvers ; ce qui fait que l'on trouve encore assez facilement aujourd'hui des exemplaires de ce fameux bréviaire, en différents formats.

 

Si le règne de cette étrange Liturgie eût été  long, on l'eût vue remplacer en tous lieux l'ancienne forme des offices romains, et briser le lien qui unissait les siècles de  l'antiquité aux âges modernes. En effet, du cabinet du bénéficier ce bréviaire s'était glissé jusque dans le choeur, et, pour ne parler que de l'Espagne, les cathédrales de Saragosse, de Tarragone, de Palencia, avaient renoncé à l'antique office pour inaugurer, aux yeux des peuples, une manière de prier que nul ne connaissait. Des troubles mêmes s'étaient élevés dans Saragosse à ce sujet, et le peuple, scandalisé, désertait l'église cathédrale pour aller entendre l'office des moines. C'est ce que nous apprenons d'un document précieux, manuscrit de la bibliothèque  vaticane,  indiqué  par Montfaucon,  et dont Arevalo a donné d'importants fragments dans sa dissertation spéciale sur le bréviaire de Quignonez. C'est une consultation d'un docteur espagnol nommé Jean de Arze, qui fut rédigée à Trente, durant la tenue du concile, en 1551, et qui porte ce titre : De novo breviario Romano tollendo consultatio.

 

Quelque facilité que l'on mît à permettre l'usage du bréviaire de Quignonez, facilité devenue si excessive, au rapport de Jean de Arze, que l'unique clause de l'induit qui s'accordait non plus seulement à Rome, mais dans les légations et les nonciatures, était que l'orateur fût capable de s'en servir, ut possit tali novo breviario uti ; néanmoins, on voit sur la consultation en question, que plusieurs personnes graves résistaient de tous leurs efforts à ce relâchement ; que des évêques s'opposaient vigoureusement à l'introduction de cette nouvelle forme dans les offices publics. Mais la plus imposante de toutes ces improbations est celle que donna saint François Xavier qui, au rapport de son biographe Tursellini, "fournit un grand exemple de religion au sujet de l'office divin, si l'on considère la licence de ces temps. On venait de publier un nouveau bréviaire à trois leçons, appelé le bréviaire de Sainte-Croix, et destiné au soulagement des gens occupés. On en avait dès le commencement concédé l'usage à François, à cause de ses travaux : mais il ne voulut jamais user de cette permission, malgré ses soins immenses et ses affaires si compliquées ; il récita constamment l'ancien bréviaire à neuf leçons, quoiqu'il fût beaucoup plus long."

 

Certes l'autorité de l'incomparable apôtre des Indes est d'un grand poids dans la question, et nous aimons à la rapprocher de celle non moins sainte, et plus grave encore, de Pie V et de tous ses successeurs sans exception. Au reste l'œuvre de Quignonez, outre  les tristes fruits dont nous avons parlé, en eût produit, si elle eût duré, un plus lamentable encore. Le bréviaire abrégé enfanta un missel abrégé qui fut imprimé à Lyon, en 1550, et qui renfermait grand nombre de nouveautés des plus audacieuses.

 

Ainsi l'envie de simplifier l'office privé des ecclésiastiques avait donné naissance à un bréviaire par lequel était répudiée la forme antique des divins offices, par lequel le prêtre cessait d'être en communion avec les prières du chœur, et voilà qu'en suivant une pente toute naturelle, on était amené à défigurer le livre sacré qui renferme les rites du sacrifice, et dont la forme, si elle est maintenue pure et inviolable, est d'un si grand poids pour prouver, contre les sectaires, l'antiquité vénérable des mystères de l'autel.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIII, ALTÉRATION DE LA LITURGIE ET DU CHANT, DURANT LE XIVe ET LE XVe SIÈCLE. NECESSITE D'UNE REFORME. — LEON X. CLÉMENT VII. PAUL III. — FERRERI ET QUIGNONEZ. — BURCHARD ET PARIS DE GRASSI. — LITURGISTES DU XIVe ET DU XVe SIÈCLE

 

St Gregory the Great with Sts Ignatius and Francis Xavier

St Gregory the Great with Sts Ignatius and Francis Xavier by Guercino

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