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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

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SALVE REGINA

4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 04:00

Et je vis un autre ange qui montait d'où se lève le soleil, ayant le signe du Dieu vivant; et il cria d'une voix forte aux quatre anges qui avaient reçu pouvoir de châtier la terre et la mer : Ne frappez pas, jusqu'à ce que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. (Apoc. VII, 2, 3.)

 

Le sixième sceau du livre où les temps sont prédits vient d'être levé sous les yeux du prophète de Pathmos. C'est l'heure d'angoisse, l'heure pour l'impie de dire aux montagnes : Tombez sur nous. L'astre du jour s'est obscurci, image du Soleil de justice contre lequel a prévalu la nuit ; la lune, figure de l'Eglise, apparaît rouge de sang sous l'écarlate des iniquités dont gémit le sanctuaire ; les étoiles tombent du ciel, comme les figues se détachent du figuier dans la tempête. Qui apaisera l'Agneau ? qui retardera le jour de colère. Avec les Saints, avec le Siège apostolique, reconnaissons l'ange qui vaut au monde le délai du jugement, l'ange à l'empreinte divine en un corps mortel, le séraphin aux stigmates sacrés dont la vue désarme à nouveau l'éternelle justice.

 

Chantons, avec Dante, l'élu sous la conduite duquel a lieu sur terre comme une reprise de la première et unique rédemption :

" De la montagne élevée d'où viennent à Pérouse le froid et le chaud descend un coteau fertile ; là où s'adoucit sa pente, naquit au monde un soleil pareil à celui-ci, alors qu'il sort des flots du Gange. Ce lieu, qui l'appellerait Assise dirait trop peu ; c'est Orient qu'il faut le nommer. Non loin de son lever, ce soleil déjà faisait éprouver à la terre l'influence de sa haute vertu, recherchant, jeune encore et indocile à son père, la Dame à qui, non plus qu'à la mort, on n'ouvre jamais la porte avec plaisir ; privée depuis mille et cent ans et plus de son premier époux, nul avant celui-ci ne l'avait recherchée. Comprends que les deux amants dont je parle, c'est François, c'est la Pauvreté.

" Leur concorde, et sur leur visage les merveilleux contentements de l'amour, et leur doux regard inspiraient de si saintes pensées, que le vénérable Bernard, le premier, se déchaussa pour courir à une si grande paix, et tout en courant il s'accusait de lenteur. Ô richesse ignorée, ô véritable bien ! voilà qu'Egidius se déchausse, et Silvestre de même, à la suite de l'époux, tant l'épouse leur agrée. Et puis ce père, ce maître s'en va, suivant sa Dame avec cette famille qui déjà nouait l'humble cordon.

" Et s'il va les yeux baissés, ce n'est point qu'en son cœur il se sente avili d'être fils de Pierre Bernardone, et de paraître étrangement misérable. Aussi exposa-t-il royalement à Innocent ses austères desseins, et il obtint de lui pour son Ordre la première sanction. Après qu'altéré du martyre, il eut, en présence du Soudan superbe, prêché le Christ et sa doctrine, trouvant ces races trop dures à la conversion et ne voulant pas rester inutile, il revint faire fructifier la terre d'Italie.

" Entre le Tibre et l'Arno, sur une roche nue, il reçut du Christ l'empreinte dernière dont, pendant deux ans, ses membres furent marqués. Lorsqu'il plut à celui qui l'avait choisi pour accomplir tant de bien, de l'élever à la récompense qu'en se faisant petit, il avait méritée, à ses frères comme à de véritables héritiers il recommanda sa Dame tant aimée, leur prescrivant de lui garder fidèle amour; puis du sein même de cette compagne, et ne voulant pour son corps d'autre bière, la belle âme prit son vol."

(Dante, Paradis, chant XI ).

 

Elle s'envolait, son œuvre achevée : le signe du Dieu vivant marquait pour le salut d'innombrables ralliés de la pénitence ; la Croix de l'Epoux resplendissait dans sa nudité comme le trésor de l'Epouse, à cet âge du monde où l'Eglise commençait sa montée du Calvaire. Mais combien admirable ne s'était pas révélé, dans la conduite de cette œuvre, l'Esprit qui fait les Saints !

 

A vingt-quatre ans, François, qui ne devait pas achever ici-bas sa quarante-cinquième année, n'était encore que le chef des gais compagnons remplissant Assise jour et nuit de leurs chants. L'âme pleine des épopées du pays de France, dont le nom, d'où venait le sien, lui était si cher, il ne rêvait que gloire mondaine et prouesses de chevalerie. "Pour qui ces armes ?" s'écrie-t-il dans un songe prophétique où s'offre à lui tout un appareil de guerre ; et la réponse : "Pour toi et tes soldats", le précipite sur les pas de Gauthier de Brienne combattant les Allemands au sud de l'Italie. Mais Dieu l'arrête : en des manifestations progressives, auxquelles répondent toutes les ardeurs généreuses de ce cœur resté pur, il lui révèle l'objet du labeur de sa vie, l'enseigne qu'il doit déployer par le monde, la Dame enfin sans service de laquelle vrai chevalier n'eût pas été recevable.

 

La cité sainte, l'Eglise, toujours assiégée, victorieuse jusqu'ici toujours, menace de succomber : tant la sape de l'hérésie et le bélier de la puissance séculière ont ébranlé ses murs ; tant surtout, dans ses murs mêmes, s'est affaissée sous des scandales trop prolongés la foi des vieux âges, laissant le champ libre aux entreprises des traîtres, multipliant les défaillances au sein d'une société qu'atteint déjà l'engourdissement précurseur de la mort. Et pourtant il est écrit que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre l'Eglise ! "François, ne vois-tu pas que ma maison tombe en ruines ? va donc, et me la répare."

 

Il est urgent qu'un retour soudain déconcerte l'ennemi, qu'un appel vibrant secoue la torpeur des défenseurs de la place, et les rallie sous l'enseigne trop oubliée des chrétiens : le Christ en croix. François sera, dans sa chair même, l'étendard du Crucifié. Dès maintenant, les plaies sacrées transpercent son âme, et font de ses yeux deux sources de larmes qui ne tariront plus : "Je pleure la Passion de Jésus-Christ mon Maître ; je ne rougirai point de l'aller pleurant par tout l'univers."

 

Cependant Mammon s'est emparé du cœur de cette foule en qui l'espérance du ciel a cédé le pas aux préoccupations de la terre ; il faut relever les âmes d'une servitude où succombent toute noble pensée, tout dévouement, tout amour. Pauvreté sainte, mère de la vraie liberté qui désarmez l'enfer et vous riez des tyrans, honneur en ce jour à votre austère beauté ! Epris de vous jusqu'aux insultes et à la boue que vous jette le vulgaire, François sera renié des siens ; mais sa sublime folie sauvera son peuple et il sera béni du Père qui est aux cieux, comme le vrai frère de son Fils éternel.

 

Comme par nature le Verbe consubstantiel reçoit son être éternellement de Celui qui l'engendre à jamais, aussi, bien que l'égal du Père, n'a-t-il en la Trinité sainte personnellement que le titre de Fils, à la gloire du Père, dans l'Esprit qui est leur amour. Mœurs divines, dont rien de créé ne saurait donner une idée, que reflète pourtant l'attitude de désappropriation sublime gardée dans le monde par ce Verbe incarné, en présence de Celui dont il déclare tenir toutes choses. Serait-ce dès lors s'égarer beaucoup, que de voir par son côté le plus divin, dans la Pauvreté du Saint d'Assise, l'éternelle Sagesse s'offrant dès l'ancienne alliance à l'humanité comme épouse, et comme sœur ? Pleinement épousée au sein de Marie, dans l'Incarnation, combien fut grande sa fidélité ! Mais quiconque l'aime doit en Jésus lui devenir semblable.

 

" Seigneur Jésus, disait François, montrez-moi les sentiers de votre Pauvreté bien-aimée. C'est elle qui vous accompagna du sein maternel à la crèche en l'étable, et, sur les routes du monde, prit soin que vous n'eussiez pas où reposer la tête. Dans le combat qui finit la guerre de notre rédemption, sur la Croix où Marie ne pouvait atteindre, la Pauvreté monta, ornée de tous les dénuements qui forment sa parure d'épouse. Elle vous suivit à votre tombeau d'emprunt ; et comme en son étreinte vous aviez rendu l'âme, vous la reprîtes de même dans ses bras, au dépouillement glorieux de la résurrection, pour ensuite gagner le ciel unis à jamais, ayant laissé à la terre tout ce qui était de la terre. Oh ! qui n'aimerait cette Reine du monde qu'elle foule aux pieds, ma Dame et mon amour ? Très pauvre Jésus, mon doux Maître, ayez pitié de moi qui ne puis sans elle goûter nulle paix et me meurs de désir."

 

A pareils vœux le ciel ne se dérobe pas. S'il lutte, c'est pour multiplier les blessures de l'amour, jusqu'à ce que, le vieil homme ayant succombé, l'homme nouveau se dégage de ses ruines, en tout conforme au céleste Adam. Après dix-huit années, au lendemain de l'Alverne, François, marqué du sceau divin, chantait dans un langage des cieux le duel sublime qu'avait été sa vie :

" L'amour m'a mis dans la fournaise, l'amour m'a mis dans la fournaise ; il m'a mis dans une fournaise d'amour.

" Mon nouvel époux, l'amoureux Agneau, m'a remis l'anneau nuptial ; puis, m'ayant jeté en prison, il m'a fendu tout le cœur, et mon corps est tombé à terre. Ces flèches que décoche l'amour m'ont frappé en m'embrasant. De la paix il a fait la guerre ; je me meurs de douceur.

" Les traits pleuvaient si serrés que j'en étais tout agonisant. Alors je pris un bouclier ; mais les coups se pressèrent si bien, qu'il ne me protégea plus ; ils me brisèrent tout le corps, si fort était le bras qui les dardait.

" Il les dardait si fortement, que je désespérai de les parer ; et pour échapper à la mort je criai de toute ma force : Tu forfais aux lois du champ clos. Mais lui, dressa une machine de guerre qui m'accabla de nouveaux coups.

" Jamais il ne m'eût manqué, tant il savait tirer juste. J'étais couché à terre, sans pouvoir m'aider de mes membres. J'avais le corps tout rompu, et sans plus de sentiment qu'un homme trépassé.

" Trépassé, non par mort véritable, mais par excès de joie. Puis, reprenant possession de mon corps, je me sentis si fort, que je pus suivre les guides qui me conduisaient à la cour du ciel.

" Après être revenu à moi, aussitôt je m'armai ; je fis la guerre au Christ ; je chevauchai sur son terrain, et l'ayant rencontré, j'en vins aux mains sans retard, et je me vengeai de lui.

" Quand je fus vengé, je fis avec lui un pacte ; car dès le commencement le Christ m'avait aimé d'un amour véritable. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ."

In foco l’amor mi mise. Francisci Opusc. T. III, Cant. II ; traduction d'Ozanam

 

Or déjà, près du gonfalonier de Dieu, sont rangés ceux qu'il nomme ses paladins de la Table Ronde. Si captivant qu'il eût paru aux jours où, proclamé par ses concitoyens la fleur de la jeunesse, il présidait leurs festins et leurs jeux, François l'était devenu plus encore dans les sentiers de son renoncement. A peine dix ans s'étaient passés depuis leurs épousailles, que la Pauvreté, vengée de ses longs mépris, tenait cour plénière au milieu de cinq mille Frères Mineurs campés sous les murs d'Assise (Chapitre des Nattes, 26 mai 1219), tandis que Claire et ses compagnes lui formaient tel cortège d'honneur qu'impératrice n'en vit jamais. L'entraînement bientôt devenait si général que, pour y satisfaire sans dépeupler l'Etat ni l'Eglise, François donnait au monde le Tiers-Ordre où, sur les pas de Louis IX de France et d'Elisabeth de Hongrie, allait entrer cette multitude de toute nation, de toute tribu, de toute langue, que nul ne pourrait compter. Grâce aux trois Ordres séraphiques, unis à la triple milice que Dominique de Gusman avait simultanément fondée, le dévouement à l'Eglise Romaine, l'esprit de pénitence et de prière, en tous lieux répandus, triomphèrent pour un temps du rationalisme anticipé, de la cupidité, de toutes les tyrannies qui mettaient la terre à deux doigts de sa perte.

 

L'influence des Saints relève de leur sainteté, comme le rayon du foyer dont il transmet les feux. Jamais riche ne posséda la terre autant que ce pauvre qui, cherchant Dieu dans la dépendance la plus absolue de sa Providence, avait reconquis les conditions de l'Eden primitif ; ainsi voyait-on, quand il passait, les troupeaux lui faire fête, les poissons suivre sa barque sur les eaux, les oiseaux assemblés témoigner de leur docilité joyeuse. Mais, disons-le : François n'attirait tout à lui, que parce que tout, lui-même, l'attirait à Dieu.

 

Personne ne sut moins analyser l'amour, et distinguer entre ce qui, venant de Dieu, devait aussi l'y conduire. S'élever vers Dieu, compatir à son Christ, aller au prochain, s'harmoniser ainsi qu'Adam innocent à l'univers, dit saint Bonaventure, n'était pour le séraphique Père qu'une même impulsion de la vraie piété gouvernant tout son être. De même, la flamme divine s'entretenait en lui de tout aliment. D'où qu'elle vint, François ne laissait passer nulle touche de l'Esprit sans la suivre, tant il craignait de frustrer de son effet aucune grâce. Pour n'être point l'océan, le ruisseau ne lui semblait pas méprisable ; et c'est avec une inouïe tendresse de dévotion, nous dit toujours son illustre historien et fils, Bonaventure, qu'il savourait dans la création l'épanchement de la bonté primordiale, qu'il contemplait en toute beauté la beauté suprême, qu'il écoutait l'écho des célestes harmonies dans le concert des êtres provenus comme lui de l'unique principe. Aussi était-ce au très doux titre de frères et de sœurs qu'il invitait toutes créatures à louer avec lui le Seigneur, ce Bien-Aimé dont nul vestige n'échappait sur terre à sa contemplation, à son amour.

 

Ni le progrès, ni la consommation de sa sainteté ne modifièrent en ce point ce qu'on nommerait aujourd'hui la manière d'oraison du serviteur de Dieu. A l'annonce de sa mort prochaine, puis derechef quelques instants avant cette mort bienheureuse, il chanta et voulut qu'on chantât son cantique préféré :

" Loué soit Dieu mon Seigneur pour toutes les créatures, et spécialement pour notre frère messire le soleil, qui nous donne le jour et qui est votre image, ô mon Dieu ! Loué soit mon Seigneur pour notre sœur la lune, et pour les étoiles qu'il a créées lumineuses et belles dans les cieux ! Loué soit mon Seigneur pour notre frère le vent, et pour l'air, et le nuage, et la sérénité, et tous les temps ; pour notre sœur l'eau, qui est très utile, humble, précieuse et chaste ; pour notre frère le feu, qui est brillant et fort ; pour notre mère la terre, qui nous porte et produit les fruits et les fleurs ! Loué soyez-vous, mon Dieu, pour ceux qui pardonnent et souffrent en votre amour ! Loué soyez-vous pour notre sœur la mort corporelle, à laquelle nul vivant ne peut échapper ; malheur à qui meurt en péché mortel ; heureux ceux qu'elle trouve conformes à votre très sainte volonté ! Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces, et servez-le en grande humilité."

Canticum fratrum Solis

 

Depuis les stigmates, la vie de François n'avait plus été qu'un indicible martyre, malgré lequel, porté sur un ânon comme autrefois Jésus dont il était la touchante image, il parcourait sans fin villes et bourgades, prêchant la Croix, semant sur sa route prodiges et grâces. Assise garde chèrement le souvenir de la bénédiction qui fut le legs de son illustre fils, lorsque, considérant ses murs une dernière fois de l'admirable plaine qui s'étend à ses pieds, il pleura et dit : "Sois bénie du Seigneur, cité fidèle à Dieu, parce qu'en toi et par toi beaucoup d'âmes seront sauvées !"

 

La Pauvreté attendait François, pour le suprême embrassement de la mort, au lieu même où s'était premièrement conclue leur alliance : l'humble Portioncule, où de leur union l'Ordre des Mineurs était né, où Claire, la mère du second Ordre, avait elle aussi échangé pour le dénûment de la Croix les parures du siècle ; Sainte-Marie-des-Anges, lieu toujours saint où s'impose au pèlerin le sentiment du voisinage du ciel, où le Grand Pardon du 2 août montre à perpétuité la complaisance qu'y prend le Seigneur ! Ce fut là que, le soir du 3 octobre 1226, aux approches de la huitième heure, et bien qu'il fût déjà nuit close, un vol d'alouettes s'abattit, chantant le lever au ciel du soleil nouveau qui montait vers les Séraphins.

 

François avait choisi pour sépulture le lieu d'exécution des criminels, à l'occident du rempart de sa ville natale. Mais deux ans n'étaient pas écoulés, que Grégoire IX l'inscrivait au nombre des Saints. La Colline d'Enfer, devenue celle du Paradis, voyait Jacques l'Allemand niveler ses roches maudites pour dresser, sur la pierre nue où dort le Pauvre d'Assise, la double église superposée que le génie de Giotto allait achever d'élever en gloire par-dessus tous les palais des princes de la terre.

 

 

Si abrégé qu'il soit, le récit de la sainte Eglise complétera ces pages déjà longues : 

François, né à Assise en Ombrie, s'adonna dès le jeune âge au négoce, à l'exemple de son père. Un jour que, contre sa coutume, il avait repoussé un pauvre qui sollicitait de lui quelque argent pour l'amour de Jésus-Christ, il fut aussitôt pris de repentir et exerça largement la miséricorde envers ce mendiant, promettant à Dieu que, de ce jour, il ne rebuterait quiconque lui demanderait l'aumône. Une grave maladie qu'il eut ensuite fut pour lui, dès sa convalescence, le point de départ d'une ardeur nouvelle dans la pratique de la charité. Ses progrès y furent tels, que, désireux d'atteindre la perfection évangélique, il donnait aux pauvres tout ce qu'il avait. Ce que son père ne pouvant souffrir, il traduisit François devant l'évêque d'Assise à l'effet d'exiger de lui une renonciation aux biens paternels ; le saint lui donna satisfaction jusqu'à dépouiller les habits dont il était revêtu, ajoutant qu'il lui serait désormais plus facile de dire : Notre Père, qui êtes aux cieux.

 

Un jour qu'il avait entendu lire ces paroles de l'Evangile : N'ayez or, argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux vêtements, ni chaussures ; il résolut d'en faire la règle de sa vie, et, quittant les chaussures qu'il avait aux pieds, ne garda plus qu'une tunique. Avec douze compagnons qui s'adjoignirent à lui, il fonda l'Ordre des Mineurs. L'an du salut mil deux cent neuf le vit venir à Rome, pour obtenir du Siège apostolique qu'il confirmât la règle dudit Ordre. Le Souverain Pontife Innocent III l'ayant  d'abord éconduit, vit ensuite en songe cet homme qu'il avait repoussé et qui soutenait de ses épaules la basilique de  Latran menaçant  ruine ; il le  fit aussitôt  chercher  et mander,  l'accueillit avec  bienveillance et approuva tout ce qui lui fut exposé. François donc envoya ses Frères dans toutes  les parties du monde,  afin d'y prêcher l'Evangile de Jésus-Christ ; pour lui, ambitionnant de rencontrer  quelque occasion du martyre, il fit voile vers la Syrie ; mais le Soudan qui régnait là n'eut pour lui que  des honneurs,  et comme il n'avançait à rien, il revint en Italie.

 

Ayant donc construit un grand nombre de couvents, il se retira dans la solitude du mont Alverne, pour y commencer un jeûne de quarante jours en l'honneur de saint Michel Archange ; c'est alors que, le jour de l'Exaltation de la sainte Croix, un Séraphin lui apparut portant entre ses ailes l'image du Crucifié, et imprima à ses mains, à ses pieds, à son côté les plaies sacrées. Saint Bonaventure témoigne en ses écrits qu'assistant à une prédication du Souverain Pontife Alexandre IV, il entendit le Pontife raconter avoir vu de ses yeux  ces stigmates augustes. Signes du très grand amour que portait au Saint le Seigneur, et qui excitaient au plus haut point l'admiration  universelle. Deux ans après, gravement malade,   François voulut être transporté à l'église de Sainte-Marie-des-Anges, afin de rendre à  Dieu son esprit là même où  il  avait reçu l'esprit de grâce. Ayant donc exhorté  les Frères à aimer la pauvreté, la patience, à garder la foi de la sainte Eglise Romaine,  il entonna le Psaume : J'ai élevé  ma voix pour crier vers le Seigneur ; et au verset Les justes attendent que vous me donniez  ma récompense,  il rendit  l'âme. C'était le quatre des nones d'octobre.  Les  miracles continuèrent d'étendre sa renommée, et le Souverain Pontife Grégoire IX l'inscrivit au nombre des Saints.

 

SAINT FRANCOIS D'ASSISE

 

Soyez béni de toute âme vivante, ô vous que le Sauveur du monde associa si pleinement à son œuvre de salut. Le monde, qui n'est que pour Dieu, ne subsiste que par les Saints ; car c'est en eux que Dieu trouve sa gloire. Quand vous naquîtes, les Saints se faisaient rares ; l'ennemi de Dieu et du monde étendait chaque jour son empire de glaciales ténèbres ; or, quand le corps social aura perdu foi et charité, lumière et chaleur, c'en sera fait de l'humanité. Venu à temps pour rechauffer encore une société que l'hiver semblait avoir déjà stérilisée, vous sûtes au souffle de vos séraphiques ardeurs donner à ce treizième siècle, si riche en fleurs exquises, l'apparence d'un printemps qu'hélas ! l'été ne devait pas suivre. Par vous, la Croix força de nouveau le regard des peuples ; mais ce fut moins pour être exaltée dans un triomphe permanent comme jadis, qu'afin de rallier les prédestinés en face de l'ennemi ; bientôt, en effet, celui-ci reprendra ses avantages. L'Eglise dépouille la parure de gloire qui lui seyait au temps de la royauté incontestée du Seigneur ; avec vous, elle aborde nu-pieds la carrière où ses propres épreuves vont désormais l'assimiler à l'Epoux souffrant et mourant pour l'honneur de son Père. Par vous et par les vôtres, tenez toujours haut devant elle l'étendard sacré.

 

C'est en s'identifiant au Christ sur la Croix, qu'on le retrouve dans les splendeurs de sa divinité ; car l'homme et Dieu en lui ne se séparent pas, et toute âme, disiez-vous, doit contempler les deux ; mais c'est chimère de chercher ailleurs que dans la compassion effective à notre Chef souffrant le chemin de l'union divine et les très doux fruits de l'amour. Si l'âme se laisse conduire au bon plaisir de l'Esprit-Saint, ajoutiez-vous, ce Maître des maîtres n'aura pas avec elle d'autre direction que celle que le Seigneur a consignée dans les livres de son humilité, patience et passion.

 

Daignez, ô François, faire fructifier en nous les leçons de votre aimable et héroïque simplicité. Au grand profit de l'Eglise, puissent vos enfants croître en nombre, en sainteté plus encore, se dépenser toujours à l'enseignement de la parole, à celui de l'exemple, n'oubliant pas que le dernier vaut mieux. Suscitez-les  non moins populaires qu'autrefois dans notre pays de France, objet jadis de vos prédilections pour ses aspirations généreuses, et que les rois de l'or étouffent aujourd'hui sous leur vulgarité sordide. L'Etat religieux tout entier acclame en vous l'un de ses plus illustres Pères ; secourez-le dans les épreuves du temps présent.

 

Ami de Dominique et son allié sous le manteau de Notre-Dame, maintenez entre vos deux familles cette fraternité à laquelle applaudissent les Anges. Gardez à l'Ordre bénédictin les sentiments qui sont sa joie très spéciale en ce jour ; serrez par vos bienfaits des liens que le don de la Portioncule (propriété des Bénédictins du mont Soubase, cédée par eux à François pour être le berceau de l'Ordre qu'il voulait fonder) a noués pour l'éternité.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Scènes de la vie de Saint François : François prêchant aux oiseaux

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 11:30

Le chant ecclésiastique fit des progrès en rapport avec la beauté, la noblesse, l'harmonie des lignes de l'architecture de ce plus brillant des siècles de la Chrétienté occidentale.

 

 Il était difficile que la Liturgie, après la correction franciscaine, se maintînt dans une entière pureté. Le Siège apostolique n'avait point obligé les Églises à recevoir les livres ainsi réformés, et l'adoption qu'on en avait faite en plusieurs lieux avait été purement facultative. D'un autre côté, dans les endroits où cette adoption avait lieu, on retenait beaucoup d'anciens usages qui accroissaient encore la confusion ; en même temps qu'une dévotion ardente chargeait de jour en jour le calendrier de nouveaux saints, avec des offices plus ou moins corrects.

 

Quoique l'ancien fonds de la Liturgie romaine restât toujours, ainsi qu'on peut s'en convaincre en feuilletant les livres qui nous restent encore, il est facile de penser quelle anarchie de détail devait exister dans les usages des différents diocèses. L'imprimerie manquant pour multiplier des exemplaires uniformes, on était réduit au dangereux procédé des copies manuscrites dont il fallait subir toutes les incorrections. Ces copies n'étaient pas seulement corrompues par l'ignorance, ou l'incurie de leurs auteurs ; mais elles se chargeaient d'une foule d'additions grossières et même superstitieuses, ainsi qu'on le peut voir par les ordonnances des conciles qui se plaignent souvent,  durant le XIVe et le XVe siècle, des abus en ce genre.

 

Ces additions consistaient principalement en des histoires apocryphes, inconnues aux siècles précédents, quelquefois même rejetées par eux, et qu'on avait introduites dans les leçons, les hymnes ou les antiennes ; en des formules barbares insérées pour complaire à un peuple grossier ; en des messes votives qui prenaient la place des messes ordinaires et qui présentaient des circonstances superstitieuses dans leur nombre ou dans le rite qu'on devait y garder ; en des bénédictions inconnues à toute l'antiquité, et placées furtivement dans les livres ecclésiastiques par de simples particuliers. En un mot, au lieu d'être la règle vivante, l'enseignement, la loi suprême du peuple chrétien, la Liturgie était tombée au service des passions populaires, et certaines fictions qui étaient parfaitement à leur place dans les Mystères que représentaient les clercs de la Basoche, avaient trop souvent envahi les livres de l'autel et ceux du choeur. Pour comprendre toute l'étendue des abus dont nous parlons, il ne faut que se rappeler le sang-froid avec lequel le clergé livrait les cathédrales aux farces étranges de la fête de l'Ane et de la fête des Fous ; on pourra s'imaginer alors jusqu'à quel point cette familiarité dans les choses les plus sacrées du culte divin compromettait la pureté de la Liturgie.

 

Au siècle dernier, c'était la mode de vilipender le moyen âge, comme une époque de barbarie ; aujourd'hui, et très heureusement, la mode semble être d'exalter les siècles qu'on appelle siècles catholiques. Assurément il y a un grand progrès dans ce mouvement ; mais quand on aura étudié davantage, on trouvera que le XIIe et le XIIIe siècle, bien supérieurs sans doute à ceux qui les ont suivis jusqu'ici, nous en convenons de grand cœur, eurent aussi leurs misères. Si donc nous relevons en eux les inconvénients graves et nombreux de l'ignorance et de la superstition, nous parlons comme les Conciles et les Docteurs de ces temps héroïques ; mais par la nature même des reproches que nous leur adressons, nous les mettons déjà infiniment au-dessus des siècles que dégradent le rationalisme et les doctrines matérialistes.

 

L'antique dépôt de la Liturgie courait donc de grands risques, au milieu de cette effervescence d'un zèle peu éclairé qui produisait de jour en jour, en tous lieux, des dévotions chevaleresques. La Liturgie, comme la foi chrétienne, appartient à tous les siècles. Tous l'ont professée, tous l'ont ornée de quelques fleurs ; mais il n'eût pas été juste que l'antique fonds élaboré par les Léon, les Gélase, les Grégoire le Grand, fût totalement recouvert par les superfétations de deux ou trois siècles privilégiés qui, ravisseurs injustes de la gloire des âges précédents, enlevassent aux suivants l'honneur et la consolation d'écrire aussi leur page au livre des prières de l'Église, et, par elle, du genre humain. La fête et l'office du saint Sacrement sont la seule œuvre liturgique que l'Église ait voulu garder de ce XIIIe siècle si fécond d'ailleurs en toute sorte d'inspirations pieuses ; et, certes, la gloire de ce siècle est grande d'avoir doté le peuple chrétien d'une si sublime institution, que l'on serait tenté de la regarder comme le complément de l'année liturgique, si l'on ne savait d'ailleurs que l'époux ne cesse jamais de révéler à l'épouse de nouveaux secrets.

 

Un grave péril, outre celui dont nous parlons, était né de l'anarchie en matière liturgique. L'œuvre d'unité accomplie par Charlemagne et les Pontifes romains, en même temps qu'elle garantissait la pureté de la foi, consolidait une nationalité unique en Occident. C'était ce grand bien que les rois guerriers et législateurs de l'Espagne, d'accord avec saint Grégoire VII, avaient voulu assurer à leurs peuples, en embrassant la Liturgie romaine. Mais si cette Liturgie, livrée aux caprices des hommes, venait à se morceler non seulement par nations, mais par diocèses et par églises, où était le fruit de tant d'efforts entrepris pour détacher de leurs anciens usages les peuples retombant dans un état au-dessous du premier ? Dans un temps plus ou moins long, la prière cessait d'être commune entre les diverses races européennes, l'expression de la foi s'altérait, la foi même était menacée. Nous verrons plus loin les mesures que prit Rome pour ramener l'unité, et le succès dont elles furent couronnées.

 

Au reste, en subissant une dégradation, dans le XIVe et le XVe siècle, la Liturgie suivit, comme toujours, le sort de l'Église elle-même. L'abaissement de la Papauté après Boniface VIII, le séjour des Papes à Avignon, le grand Schisme, les saturnales de Constance et de Baie, expliquent plus que suffisamment les désordres qui servirent de prétexte aux entreprises de la prétendue Réforme. Nous plaçons l'altération de la Liturgie au rang des malheurs que l'on eut alors à déplorer. Aussi verrons-nous le saint concile de Trente préoccupé du besoin d'une réforme sur cet article, comme sur les autres. Mais nous ne devons point anticiper sur ce qui nous reste à dire : nous n'avons pas encore signalé tous les abus qui s'introduisirent dans les formes du culte, au XIVe et au XVe siècle.

 

L'architecture religieuse, surtout durant le XVe siècle et une partie du XVIe, présenterait à elle seule de graves sujets de plainte. Cet art si pur, si inspiré, si divin au XIIIe siècle, se prostitua bientôt jusqu'à donner l'ignoble caricature des choses saintes, non seulement sur les galeries extérieures, mais jusque sur les chapiteaux et les boiseries du sanctuaire. Des images indécentes de clercs et de moines souillèrent les abords de ces niches où l'âge de saint Louis avait placé l'effigie placide et pure des Bienheureux et de la Reine des Anges. Rabelais n'est pas plus cynique, pas plus indignement contempteur du sacerdoce chrétien, que certains architectes et sculpteurs de l'époque que nous racontons. Ajoutons à cela la confusion, la bizarrerie, le caprice de l'ornementation, ouvrant la porte aux formes païennes, aux mélanges si déplacés des symboles mythologiques les plus charnels avec les emblèmes mystiques de notre culte. Nous ne faisons qu'indiquer ici les traits généraux ; mais il faut bien  comprendre que si le paganisme recommença dans les arts, au XVIe siècle, la place lui avait été préparée de longue main par la frivolité et l'extrême liberté dans lesquelles s'était jeté déjà l'art du moyen âge. Sachons-le bien, il y avait deux peuples, dans nos siècles  catholiques, comme aujourd'hui : seulement les enfants de Dieu étaient plus forts que les enfants des hommes.

 

Le chant ecclésiastique, non seulement se transforma à cette époque, mais faillit périr à jamais. Ce n'était plus le temps où le Répertoire grégorien demeurant intact, on ajoutait pour célébrer plus complètement certaines solennités locales, ou pour accroître la majesté des fêtes universelles, des morceaux plus ou moins nombreux, d'un caractère toujours religieux, empruntés aux modes antiques, ou du moins rachetant, par des beautés originales et quelquefois sublimes, les dérogations qu'ils faisaient aux règles consacrées. Le XIVe et le XVe siècle virent le Déchant, c'est ainsi que l'on appelait le chant exécuté en parties sur le motif grégorien, absorber et faire disparaître entièrement, sous de bizarres et capricieuses inflexions, toute la majesté, toute l'onction des morceaux antiques. La phrase vénérable du chant, trop souvent, d'ailleurs, altérée par le mauvais goût, par l'infidélité des copistes, succombait sous les efforts de cent musiciens profanes qui ne cherchaient qu'à donner du nouveau, à mettre en évidence leur talent pour les accords et les variations. Ce n'est pas que nous blâmions l'emploi bien entendu des accords sur le plain-chant, ni que nous réprouvions absolument tout chant orné, par cela seul qu'il n'est pas à l’unisson ; nous croyons même, avec l'abbé Lebœuf, que l'origine première du Déchant, qu'on appelle aujourd'hui contrepoint, ou chant sur le livre, doit être rapportée aux chantres romains  qui vinrent en France, au temps de Charlemagne (Traité historique du Chant ecclésiastique, pag. 73).

 

Mais l'Esprit-Saint n'avait point en vain choisi saint Grégoire pour l'organe des mélodies catholiques ; son œuvre, réminiscence sublime et inspirée de la musique antique, devait accompagner l'Église jusqu'à la fin des temps. Il devint donc nécessaire que la grande voix du Siège apostolique se fît entendre, et qu'une réprobation solennelle fût portée contre les novateurs qui voulaient donner une expression humaine et terrestre aux soupirs célestes de l'Eglise du Christ. Et afin que rien ne manquât à la promulgation de l'arrêt, il dut être inséré au corps du Droit  canonique, où il condamne à jamais non seulement les scandales du  XIVe siècle, mais  aussi et à plus forte raison ceux qui, de nos jours encore, profanent un si grand nombre d'Églises, en France et ailleurs.

 

Or, voici les paroles de Jean XXII, dans sa fameuse Bulle Docta sanctorum, donnée en 1322, et placée en tête du troisième livre des Extravagantes Communes, sous le titre de Vita et Honestate clericorum : 

" La docte autorité des saints Pères a décrété que, durant les offices par lesquels on rend à Dieu le tribut de la louange et du service qui lui sont dus, l'âme des fidèles serait vigilante, que les paroles n'auraient rien d'offensif, que la gravité modeste de la psalmodie ferait entendre une paisible modulation ; car il est écrit : Dans leur bouche résonnait un son plein de douceur. Ce son plein de douceur résonne dans la bouche de ceux qui psalmodient, lorsqu'en même temps qu'ils parlent de Dieu, ils reçoivent dans leur cœur et allument, par le chant même, leur dévotion envers lui.

" Si donc, dans les Églises de Dieu, le chant des psaumes est ordonné, c'est afin que la piété des fidèles soit excitée. C'est dans ce but que l'office de nuit et celui du jour, que la solennité des messes, sont assidûment célébrés par le clergé et le peuple, sur un ton plein et avec gradation distincte dans les modes, afin que cette variété attache et que cette plénitude d'harmonie soit agréable.

" Mais certains disciples d'une nouvelle école mettant toute leur attention à mesurer le temps, s'appliquent, par des notes nouvelles, à exprimer des airs qui ne sont qu'à eux, au préjudice des anciens chants qu'ils remplacent par d'autres composés de notes demi-brèves et comme imperceptibles. Ils coupent les mélodies par des hoquets, les efféminent par le Déchant, les fourrent quelquefois de triples et de motets vulgaires ; en sorte qu'ils vont souvent jusqu'à dédaigner les principes fondamentaux de l’Antiphonaire et du Graduel, ignorant le fonds même sur lequel ils bâtissent, ne discernant pas les tons, les confondant même, faute de les connaître. La multitude de leurs notes obscurcit les déductions et les réductions modestes et tempérées, au moyen desquelles ces tons se distinguent les uns des autres dans le plain-chant. Ils courent et ne font jamais de repos ; enivrent les oreilles et ne guérissent point ; imitent par des gestes ce qu'ils font entendre : d'où il arrive que la dévotion que l'on cherchait est oubliée, et que la mollesse qu'on devait éviter est montrée au grand jour. Ce n'est pas en vain que Boëce a dit : Un esprit lascif se délecte dans les modes lascifs, ou au moins, s'amollit et s'énerve à les entendre souvent.

" C'est pourquoi, Nous et nos Frères, ayant remarqué depuis longtemps que ces choses avaient besoin de correction, nous nous mettons en devoir de les rejeter et reléguer efficacement  de l'Église de Dieu. En conséquence du conseil de ces mêmes Frères, nous défendons expressément à quiconque d'oser renouveler ces inconvenances, ou semblables dans lesdits offices, principalement dans les Heures canoniales, ou encore dans la célébration des messes solennelles.

" Que si quelqu'un y contrevient, qu'il soit, par l'autorité du présent Canon, puni de suspension de son office pour huit jours, par les ordinaires des lieux où la faute aura été commise, ou par leurs délégués, s'il s'agit de personnes non exemptes ; et, s'il s'agit d'exempts, par leurs prévôts ou prélats, auxquels appartiennent d'ailleurs la correction et punition des coulpes et excès de ce genre ou semblables, ou encore par les délégués d'iceux.

" Cependant nous n'entendons pas empêcher par le présent canon que, de temps en temps, dans les jours de fête principalement et autres solennités, aux messes et dans les divins offices susdits, on puisse exécuter, sur le chant ecclésiastique simple quelques accords, par exemple à l'octave, à la quinte, à la quarte et semblables (mais toujours de façon que l'intégrité du chant demeure sans atteinte, et qu'il ne soit rien innové contre les règles d'une musique conforme aux bonnes mœurs) ; attendu que les accords de ce genre flattent l'oreille, excitent la dévotion, et défendent de l'ennui l'esprit de ceux qui psalmodient la louange divine."

 

C'est ainsi que dans tous les temps, à Avignon comme à Rome, la Papauté enseignait le monde, avec cette admirable précision qui concilie l'inviolabilité des principes catholiques et le véritable progrès de l'art. Elle maintient fortement la dignité, la gravité du chant ; mais elle ne proscrit pas, elle encourage même une musique sainte et mélodieuse qui élève l'âme à Dieu, sans la dissiper, qui fait valoir et n'étouffe pas l'antique et sacré rythme que toutes les générations ont répété.

 

Nous verrons plus loin la suite des efforts que firent les Pontifes romains pour l'amélioration de la musique à l'époque de la grande réforme catholique.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIII, ALTÉRATION DE LA LITURGIE ET DU CHANT, DURANT LE XIVe ET LE XVe SIÈCLE. NECESSITE D'UNE REFORME. — LEON X. CLÉMENT VII. PAUL III. — FERRERI ET QUIGNONEZ. — BURCHARD ET PARIS DE GRASSI. — LITURGISTES DU XIVe ET DU XVe SIÈCLE

 

JEAN XXII

JEAN XXII, par Henri Ségur, Palais des Papes, Avignon

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 04:00

Au pays de Namur, en 959, saint Gérard, premier abbé du monastère de Brogne, qu’il avait construit. Il travailla à restaurer la discipline monastique en Flandre et en Lotharingie, et ramena plusieurs monastères à l’observance primitive de la Règle. 
Martyrologe romain

 

Abbaye Saint Gerard de Brogne

ABBAYE DE BROGNE

 

Natif de la région de Namur en Belgique, Gérard reçut une formation militaire comme page du comte de Namur et fut envoyé en mission spéciale à la cour française, en 918. Douze ans après son entrée à l'abbaye bénédictine de Saint-Denis, il fut ordonné prêtre et rentra en Belgique pour fonder une nouvelle abbaye sur ses propres terres de Brogne.

Pendant les douze ans de son abbatiat, il contribua à l'introduction de la règle de saint Benoît dans plusieurs maisons des Flandres, de la Lorraine et de la Champagne.

Il était réputé pour sa douceur.

Calendrier du Carmel

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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 04:00

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : 

" Écoutez une autre parabole :

Un homme était propriétaire d'un domaine ; il planta une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d'autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : 'Ils respecteront mon fils.' Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : 'Voici l'héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l'héritage !' Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.

 

 Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? "

 

On lui répond : " Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu."

 
Jésus leur dit :

" N'avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit."

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

 

Le Miroir de l'humaine salvation

Le Miroir de L'Humaine Salvation, miniatures et enluminures, Musée Condé de Chantilly

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 04:00

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

par BENOÎT XVI

 

Je voudrais vous parler aujourd’hui de sainte Thérèse de Lisieux, Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, qui ne vécut que 24 ans dans ce monde, à la fin du XIXe siècle, conduisant une vie très simple et cachée mais qui, après sa mort et la publication de ses écrits, est devenue l’une des saintes les plus connues et aimées.

 

La "petite Thérèse" n’a jamais cessé d’aider les âmes les plus simples, les petits, les pauvres, les personnes souffrantes qui la priaient, mais elle a également illuminé toute l’Eglise par sa profonde doctrine spirituelle, au point que le vénérable Pape Jean-Paul II, en 1997, a voulu lui conférer le titre de Docteur de l’Eglise, s’ajoutant à celui de patronne des missions, qui lui avait été attribué par Pie XI en 1927. Mon bien-aimé prédécesseur la définit "experte en scientia amoris". Cette science, qui voit resplendir dans l’amour toute la vérité de la foi, Thérèse l’exprime principalement dans le récit de sa vie, publié un an après sa mort sous le titre Histoire d’une âme. C’est un livre qui eut immédiatement un immense succès, et qui fut traduit dans de nombreuses langues et diffusé partout dans le monde. Je voudrais vous inviter à redécouvrir ce petit-grand trésor, ce commentaire lumineux de l’Evangile pleinement vécu ! L’Histoire d’une âme, en effet, est une merveilleuse histoire d’Amour, racontée avec une telle authenticité, simplicité et fraîcheur que le lecteur ne peut qu’en être fasciné ! Mais quel est cet Amour qui a rempli toute la vie de Thérèse, de son enfance à sa mort ? Chers amis, cet Amour possède un Visage, il possède un Nom, c’est Jésus ! La sainte parle continuellement de Jésus. Reparcourons alors les grandes étapes de sa vie, pour entrer au cœur de sa doctrine.

 

Thérèse naît le 2 janvier 1873 à Alençon, une ville de Normandie, en France. C’est la dernière fille de Louis et Zélie Martin, époux et parents exemplaires, béatifiés ensemble le 19 octobre 2008. Ils eurent neuf enfants ; quatre d’entre eux moururent en bas âge. Les cinq filles survécurent, et devinrent toutes religieuses. A l’âge de 4 ans, Thérèse fut profondément frappée par la mort de sa mère. Son père s’installa alors avec ses filles dans la ville de Lisieux, où se déroulera toute la vie de la sainte. Plus tard, Thérèse, frappée d’une grave maladie nerveuse, fut guérie par une grâce divine, qu’elle-même définit comme le "sourire de la Vierge". Elle reçut ensuite la Première Communion, intensément vécue, et plaça Jésus Eucharistie au centre de son existence.

 

La "Grâce de Noël" de 1886 marque un tournant important, qu’elle appelle sa "complète conversion". En effet, elle guérit totalement de son hypersensibilité infantile et commence une "course de géant". A l’âge de 14 ans, Thérèse s’approche toujours plus, avec une grande foi, de Jésus Crucifié, et prend à cœur le cas, apparemment désespéré, d’un criminel condamné à mort et impénitent. "Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer" écrit la sainte, dans la certitude que sa prière le mettrait en contact avec le Sang rédempteur de Jésus. C’est sa première expérience fondamentale de maternité spirituelle : "tant j'avais de confiance en la Miséricorde infinie de Jésus", écrit-elle. Avec la très Sainte Vierge Marie, la jeune Thérèse aime, croit et espère avec "un cœur de mère".

 

En novembre 1887, Thérèse se rend en pèlerinage à Rome avec son père et sa sœur Céline. Pour elle, le moment culminant est l’audience du Pape Léon XIII, auquel elle demande l’autorisation d’entrer, à l’âge de quinze ans à peine, au carmel de Lisieux. Un an plus tard, son désir se réalise: elle devient carmélite "pour sauver les âmes et prier pour les prêtres". Dans le même temps, commence également la douloureuse et humiliante maladie mentale de son père. C’est une grande souffrance qui conduit Thérèse à la contemplation du Visage de Jésus dans sa passion. Ainsi, son nom de religieuse, Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, exprime le programme de toute sa vie, dans la communion aux mystères centraux de l’Incarnation et de la Rédemption.

 

Sa profession religieuse, en la fête de la Nativité de Marie, le 8 septembre 1890, est pour elle un véritable mariage spirituel dans la "petitesse" évangélique, caractérisée par le symbole de la fleur : "Quelle belle fête que la Nativité de Marie pour devenir l’épouse de Jésus ! écrit- elle. C’était la petite Sainte Vierge d’un jour qui présentait sa petite fleur au petit Jésus". Pour Thérèse, être religieuse signifie être l’épouse de Jésus et mère des âmes. Le même jour, la sainte écrit une prière qui indique toute l’orientation de sa vie : elle demande à Jésus le don de l’Amour infini, d’être la plus petite, et surtout elle demande le salut de tous les hommes : "Qu’aucune âme ne soit damnée aujourd’hui". Son Offrande à l’Amour miséricordieux, faite en la fête de la Très Sainte Trinité de 1895, est d’une grande importance : une offrande que Thérèse partagea immédiatement avec ses consœurs, étant déjà vice-maîtresse des novices.

 

Dix ans après la "Grâce de Noël", en 1896, arrive la "Grâce de Pâques", qui ouvre la dernière période de la vie de Thérèse, avec le début de sa passion en union profonde avec la Passion de Jésus. Il s’agit de la passion du corps, avec la maladie qui la conduira à la mort à travers de grandes souffrances, mais il s’agit surtout de la passion de l’âme, avec une très douloureuse épreuve de foi. Avec Marie à côté de la Croix de Jésus, Thérèse vit alors la foi la plus héroïque, comme une lumière dans les ténèbres qui envahissent son âme. La carmélite a conscience de vivre cette grande épreuve pour le salut de tous les athées du monde moderne, qu’elle appelle "frères". Elle vit alors encore plus intensément l’amour fraternel : envers les sœurs de sa communauté, envers ses deux frères spirituels missionnaires, envers les prêtres et tous les hommes, en particulier les plus lointains. Elle devient véritablement une "sœur universelle" ! Sa charité aimable et souriante est l’expression de la joie profonde dont elle nous révèle le secret : "Jésus, ma joie est de T’aimer". Dans ce contexte de souffrance, en vivant le plus grand amour dans les petites choses de la vie quotidienne, la sainte conduit à son accomplissement sa vocation d’être l’Amour au cœur de l’Eglise. 

 

Thérèse meurt le soir du 30 septembre 1897, en prononçant les simples paroles "Mon Dieu, je vous aime !" en regardant le Crucifix qu’elle serrait entre ses mains. Ces dernières paroles de la sainte sont la clé de toute sa doctrine, de son interprétation de l’Evangile. L’acte d’amour, exprimé dans son dernier souffle, était comme la respiration continuelle de son âme, comme le battement de son cœur. Les simples paroles "Jésus je T’aime" sont au centre de tous ses écrits. L’acte d’amour à Jésus la plonge dans la Très Sainte Trinité. Elle écrit : "Ah tu le sais, Divin Jésus je T’aime. L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu. C’est en T’aimant que j’attire le Père."

 

Chers amis, nous aussi, avec sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, nous devrions pouvoir répéter chaque jour au Seigneur que nous voulons vivre d’amour pour Lui et pour les autres, apprendre à l’école des saints à aimer de manière authentique et totale. Thérèse est l’un des "petits" de l’Evangile qui se laissent conduire par Dieu dans les profondeurs de son Mystère. Un guide pour tous, surtout pour ceux qui, dans le Peuple de Dieu, accomplissent le ministère de théologiens. Avec l’humilité et la charité, la foi et l’espérance, Thérèse entre continuellement dans le cœur de la Sainte Ecriture qui renferme le Mystère du Christ. Et cette lecture de la Bible, nourrie par la science de l’amour, ne s’oppose pas à la science académique. La science des saints, en effet, dont elle parle elle-même dans la dernière page de l’Histoire d’une âme, est la science la plus élevée. "Tous les saints l’ont compris et plus particulièrement peut-être ceux qui remplirent l’univers de l’illumination de la doctrine évangélique. N’est-ce point dans l’oraison que les saints Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d’Aquin, François, Dominique et tant d’autres illustres Amis de Dieu ont puisé cette science divine qui ravit les plus grands génies ?" 

 

Inséparable de l’Evangile, l’Eucharistie est pour Thérèse le Sacrement de l’amour divin qui s’abaisse à l’extrême pour s’élever jusqu’à Lui. Dans sa dernière Lettre, sur une image qui représente l’Enfant Jésus dans l’Hostie consacrée, la sainte écrit ces simples mots : "Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit ! Je l’aime car Il n’est qu’Amour et Miséricorde !"

  

Dans l’Evangile, Thérèse découvre surtout la Miséricorde de Jésus, au point d’affirmer : "A moi il a donné sa Miséricorde infinie, et c’est à travers elle que je contemple et adore les autres perfections divines ! Alors toutes m’apparaissent rayonnantes d’amour, la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d’amour". Ainsi s’exprime-t-elle dans les dernières lignes de l’Histoire d’une âme : "Je n'ai qu'à jeter les yeux dans le Saint Evangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir... Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance... Oui je le sens, quand même j'aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j'irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l'enfant prodigue qui revient à Lui."

 

" Confiance et Amour " sont donc le point final du récit de sa vie, deux mots qui comme des phares ont éclairé tout son chemin de sainteté, pour pouvoir guider les autres sur sa propre "petite voie de confiance et d’amour", de l’enfance spirituelle. Confiance comme celle de l’enfant qui s’abandonne entre les mains de Dieu, inséparable de l’engagement fort, radical du véritable amour, qui est un don total de soi, pour toujours, comme le dit la sainte en contemplant Marie : "Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même."

 

Ainsi Thérèse nous indique à tous que la vie chrétienne consiste à vivre pleinement la grâce du Baptême dans le don total de soi à l’Amour du Père, pour vivre comme le Christ, dans le feu de l’Esprit Saint, Son propre amour pour tous les autres.

 

BENOÎT XVI

Audience générale, 6 avril 2011

 

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus de la Sainte Face

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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 04:00

Saint Jérôme

par Benoît XVI

  

Nous porterons aujourd'hui notre attention sur saint Jérôme, un Père de l'Eglise qui a placé la Bible au centre de sa vie : il l'a traduite en langue latine, il l'a commentée dans ses œuvres, et il s'est surtout engagé à la vivre concrètement au cours de sa longue existence terrestre, malgré le célèbre caractère difficile et fougueux qu'il avait reçu de la nature.

 

Jérôme naquit à Stridon vers 347 dans une famille chrétienne, qui lui assura une formation soignée, l'envoyant également à Rome pour perfectionner ses études. Dès sa jeunesse, il ressentit l'attrait de la vie dans le monde, mais en lui prévalurent le désir et l'intérêt pour la religion chrétienne. Après avoir reçu le Baptême vers 366, il s'orienta vers la vie ascétique et, s'étant rendu à Aquilée, il s'inséra dans un groupe de fervents chrétiens, qu'il définit comme un "chœur de bienheureux" réuni autour de l'Evêque Valérien. Il partit ensuite pour l'Orient et vécut en ermite dans le désert de Calcide, au sud d'Alep, se consacrant sérieusement aux études. Il perfectionna sa connaissance du grec, commença l'étude de l'hébreu, transcrivit des codex et des œuvres patristiques. La méditation, la solitude, le contact avec la Parole de Dieu firent mûrir sa sensibilité chrétienne. Il sentit de manière plus aiguë le poids de ses expériences de jeunesse, et il ressentit vivement l'opposition entre la mentalité païenne et la vie chrétienne : une opposition rendue célèbre par la "vision" dramatique et vivante, dont il nous a laissé le récit. Dans celle-ci, il lui sembla être flagellé devant Dieu, car "cicéronien  et non chrétien".

 

En 382, il partit s'installer à Rome : là, le Pape Damase, connaissant sa réputation d'ascète et sa compétence d'érudit, l'engagea comme secrétaire et conseiller ; il l'encouragea à entreprendre une nouvelle traduction latine des textes bibliques pour des raisons pastorales et culturelles. Quelques personnes de l'aristocratie romaine, en particulier des nobles dames comme Paola, Marcella, Asella, Lea et d'autres, souhaitant s'engager sur la voie de la perfection chrétienne et approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu, le choisirent comme guide spirituel et maître dans l'approche méthodique des textes sacrés. Ces nobles dames apprirent également le grec et l'hébreu.

 

Après la mort du Pape Damase, Jérôme quitta Rome en 385 et entreprit un pèlerinage, tout d'abord en Terre Sainte, témoin silencieux de la vie terrestre du Christ, puis en Egypte, terre d'élection de nombreux moines. En 386, il s'arrêta à Bethléem, où, grâce à la générosité de la noble dame Paola, furent construits un monastère masculin, un monastère féminin et un hospice pour les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte, "pensant que Marie et Joseph n'avaient pas trouvé où faire halte". Il resta à Bethléem jusqu'à sa mort, en continuant à exercer une intense activité : il commenta la Parole de Dieu ; défendit la foi, s'opposant avec vigueur à différentes hérésies ; il exhorta les moines à la perfection ; il enseigna la culture classique et chrétienne à de jeunes élèves ; il accueillit avec une âme pastorale les pèlerins qui visitaient la Terre Sainte. Il s'éteignit dans sa cellule, près de la grotte de la Nativité, le 30 septembre420.

 

Sa grande culture littéraire et sa vaste érudition permirent à Jérôme la révision et la traduction de nombreux textes bibliques : un travail précieux pour l'Eglise latine et pour la culture occidentale. Sur la base des textes originaux en grec et en hébreu et grâce à la confrontation avec les versions précédentes, il effectua la révision des quatre Evangiles en langue latine, puis du Psautier et d'une grande partie de l'Ancien Testament. En tenant compte de l'original hébreu et grec, des Septante et de la version grecque classique de l'Ancien Testament remontant à l'époque pré-chrétienne, et des précédentes versions latines, Jérôme, ensuite assisté par d'autres collaborateurs, put offrir  une  meilleure  traduction : elle constitue ce qu'on appelle la "Vulgate", le texte "officiel" de l'Eglise latine, qui a été reconnu comme tel par le Concile de Trente et qui, après la récente révision, demeure le texte "officiel" de l'Eglise de langue latine.

 

Il est intéressant de souligner les critères auxquels ce grand bibliste s'est tenu dans son œuvre de traducteur. Il le révèle lui-même quand il affirme respecter jusqu'à l'ordre des mots dans les Saintes Ecritures, car dans celles-ci, dit-il, "l'ordre des mots est aussi un mystère", c'est-à-dire une révélation. Il réaffirme en outre la nécessité d'avoir recours aux textes originaux : "S'il devait surgir une discussion entre les Latins sur le Nouveau Testament, en raison des leçons discordantes des manuscrits, ayons recours à l'original, c'est-à-dire au texte grec, langue dans laquelle a été écrit le Nouveau Pacte. De la même manière pour l'Ancien Testament, s'il existe des divergences entre les textes grecs et latins, nous devons faire appel au texte original, l'hébreu ; de manière à ce que nous puissions retrouver tout ce qui naît de la source dans les ruisseaux". En outre, Jérôme commenta également de nombreux textes bibliques. Il pensait que les commentaires devaient offrir de nombreuses opinions, "de manière à ce que le lecteur avisé, après avoir lu les différentes explications et après avoir connu de nombreuses opinions, à accepter ou à refuser, juge celle qui était la plus crédible et, comme un expert en monnaies, refuse la fausse monnaie".

 

Il réfuta avec énergie et vigueur les hérétiques qui contestaient la tradition et la foi de l'Eglise. Il démontra également l'importance et la validité de la littérature chrétienne, devenue une véritable culture désormais digne d'être comparée avec la littérature classique : il le fit en composant le De viris illustribus, une œuvre dans laquelle Jérôme présente les biographies de plus d'une centaine d'auteurs chrétiens. Il écrivit également des biographies de moines, illustrant à côté d'autres itinéraires spirituels également l'idéal monastique ; en outre, il traduisit diverses œuvres d'auteurs grecs. Enfin, dans le fameux Epistolario, un chef-d'œuvre de la littérature latine, Jérôme apparaît avec ses caractéristiques d'homme cultivé, d'ascète et de guide des âmes.

 

Que pouvons-nous apprendre de saint Jérôme ? Je pense en particulier ceci : aimer la Parole de Dieu dans l'Ecriture Sainte. Saint Jérôme dit : "Ignorer les Ecritures, c'est ignorer le Christ". C'est pourquoi, il est très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans l'Ecriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit toujours revêtir deux dimensions : d'une part, il doit être un dialogue réellement personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l'Ecriture Sainte et possède un message pour chacun. Nous devons lire l'Ecriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une Parole de Dieu qui s'adresse également à nous et nous efforcer de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire. Mais pour ne pas tomber dans l'individualisme, nous devons tenir compte du fait que la Parole de Dieu nous est donnée précisément pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité de notre chemin vers Dieu. C'est pourquoi, tout en étant une Parole personnelle, elle est également une Parole qui construit une communauté, qui construit l'Eglise. Nous devons donc la lire en communion avec l'Eglise vivante. Le lieu privilégié de la lecture et de l'écoute de la Parole de Dieu est la liturgie, dans laquelle, en célébrant la parole et en rendant présent dans le Sacrement le Corps du Christ, nous réalisons la parole dans notre vie et la rendons présente parmi nous. Nous ne devons jamais  oublier  que  la Parole de Dieu transcende les temps. Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très moderne aujourd'hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l'éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l'éternel, la vie éternelle.

 

Et ainsi, je conclus par une parole de saint Jérôme à saint Paulin de Nola. Dans celle-ci, le grand exégète exprime précisément cette réalité, c'est-à-dire que dans la Parole de Dieu, nous recevons l'éternité, la vie éternelle. Saint Jérôme dit : "Cherchons à apprendre sur la terre les vérités dont la consistance persistera également au ciel."

 

 BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

 

SAINT JÉRÔME par Dürer

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 11:30

Le XIIe siècle, époque de transition, que nous appellerions, dans l'architecture, le roman fleuri et tendant à l'ogive, a ses délicieux offices de saint Nicolas et de sainte Catherine, la séquence d'Abailard, etc., où la phrase grégorienne s'efface par degrés pour laisser place à une mélodie rêveuse.

 

 Vient ensuite le XIIIe siècle avec ses lignes pures, élancées avec tant de précision et d'harmonie ; sous des voûtes aux ogives si correctes, il fallait surtout des chants mesurés, un rythme suave et fort. Les essais simplement mélodieux, mais incomplets, des siècles passés, ne suffisent plus : le Lauda, Sion, le Dies irœ sont créés. Cependant cette période est de courte durée. Une si exquise pureté dans les formes architectoniques s'altère, la recherche la flétrit ; l'ornementation encombre, embarrasse et bientôt brise ces lignes si harmonieuses ; alors aussi commence pour le chant ecclésiastique la période de dégradation dont nous allons parler tout à l'heure. Malheureusement, tous nos lecteurs ne seront pas à même de suivre ces rapports et d'étudier les progrès et la décadence du chant ; les livres où se trouvent les monuments que nous rappelons disparaissent chaque jour ; mais il faut pourtant que l'on sache quels trésors de mélodie furent sacrifiés au jour où l'on inaugura dans nos églises des chants que n'avaient jamais entendus nos pères, et qui éclatent à grand bruit sous des voûtes longtemps accoutumées à en répéter d'autres.

 

Nous donnerons maintenant la bibliothèque des Liturgistes qui ont fleuri à la grande époque du XIIIe siècle.

 

Nous trouvons d'abord Alain de Lille, moine de Cîteaux, qui florissait en l'Université de Paris, au commencement du XIIIe siècle, et qui fut appelé le Docteur universel. On trouve parmi ses œuvres deux séquences, l'une sur l'Incarnation du Verbe, l'autre sur la fragilité de la nature humaine.

 

(1206). Hugues des Noyers, évêque d'Auxerre, composa plusieurs hymnes, parmi lesquelles Plaude, Cantuaria, en l'honneur de saint Thomas de Cantorbéry, qui fut longtemps en usage dans le bréviaire d'Auxerre, dit Hurler. (Tableau des institutions au moyen âge, t. I, p. 384.)

(1208). Jean, appelé le Scribe ou l'Acémète, patriarche des jacobites, paraît être l'auteur d'une anaphore insérée par Renaudot au deuxième tome de son recueil des Liturgies orientales.

 

(1215). Saint François d'Assise, patriarche de l'Ordre séraphique, a eu une influence marquée sur la Liturgie, en obligeant ses enfants à embrasser le rite de l'Église romaine. On trouve dans ses oeuvres un opuscule intitulé : Ordo recitandi officium dominicœ Passionis.

(1220). Guillaume de Seignelay, évêque d'Auxerre, puis transféré sur le siège de Paris, avait composé un livre, De Divinis Officiis, qui n'a point été imprimé.

 

(1222). Germain II, patriarche de Constantinople, est auteur d'un opuscule intéressant sur la Liturgie, intitulé : Théorie des choses ecclésiastiques. Malheureusement, nous ne l'avons point tel qu'il est sorti des mains- de son auteur ; il a subi de graves interpolations.

(1230). Godefroy, évêque de Cambrai, écrivit un livre De Divinis Officiis, que nous n'avons plus.

 

(1230). Jacques, évêque de Tagrite, de la secte des Nestoriens, est auteur d'une Exposition des Offices et des Oraisons.

(1238). Guyard de Laon, chancelier de l'Université de Paris, et élevé plus tard à l'évêché de Cambrai, paraît être auteur d'un opuscule De Officiis divinis, sive ecclesiasticis,et d'un autre De Officiis sacerdotum.

(1239). Haymon de Feversham, ministre général des frères mineurs, corrigea le bréviaire romain, ainsi que nous l'avons dit, et, en outre, écrivit un livre De Missœ cœremoniis.

 

(1240). Simon Taylor, dominicain, fut habile dans la théorie du chant ecclésiastique, et composa deux livres De Pentachordis, deux De Tenore Musicali, et un De Cantu Ecclesiastico corrigendo.

(1251). Vincent de Coventer, franciscain, professeur à Cambridge, est auteur d'une Exposition de la messe.

 

(1253). Jean Bar-Maadani, patriarche des Jacobites, composa une anaphore qui se trouve au recueil de Renaudot.

(1254). Humbert de Romanis, cinquième général des dominicains, compilateur du bréviaire de son ordre, rédigea sur les offices qu'il contient, des Commentaires qui étaient gardés, au rapport de Schulting, dans la bibliothèque des frères prêcheurs de Cologne.

(1255). Théodore Lascaris II, empereur grec, a composé, en l'honneur de la sainte Vierge, un canon ou hymne qui se trouve dans le livre que les Grecs nomment Paraclétique.

 

(1260). Grégoire Bar-Hebraeus, primat d'Orient, pour la secte des jacobites, est auteur d'une anaphore qui se trouve au recueil de Renaudot, et d'un abrégé de la Liturgie de saint Jacques.

(1260). Hugues de Saint-Cher, dominicain, cardinal, auteur de la Concordance de la Bible, a aussi travaillé sur la Liturgie. Il composa un livre sous ce titre : Speculum sacerdotum et Ecclesiœ, de Symbolo et Officio missœ.

(1270). Latinus Frangipani, dominicain, cardinal, neveu du pape Nicolas III, passe pour être l'auteur de la séquence des morts, Dies irœ, et de plusieurs autres en l'honneur de la sainte Vierge.

 

(1270). Saint Thomas d'Aquin, docteur angélique, outre l'office du saint Sacrement, écrivit un livre intitulé : Expositio missœ.

(1270). Guibert de Tournay, franciscain, a laissé un ouvrage très curieux sous ce titre : De officio Episcopi et Ecclesiœ cœremoniis. Il est dédié à Guillaume, évêque d'Orléans.

(1270). Érard de Lésignes, cardinal, évêque d'Auxerre, étant allé à Rome, y entendit de si beaux répons de l'histoire de Noé et d'Abraham, pour les semaines de Sexagésime et de Quinquagésime, qu'il les introduisit dans son Église.

 

(1270). Sanche, infant d'Aragon, archevêque de Tolède, composa des litanies et des hymnes en l'honneur de la sainte Vierge.

(1272). Saint Bonaventure, docteur séraphique, est auteur d'une Exposition de la Messe et d'un office de la Passion de Jésus-Christ. On lui a attribué aussi l'office de saint François.

(1280). Peckam, franciscain, archevêque de Cantorbéry, laissa deux traités liturgiques intitulés, l'un De Ratione diei Dominicœ, l'autre Speculum Ecclesiœ de Missa.

 

(1290). Guillaume Durand, dominicain, évêque de Mende, composa le fameux Rationale divinorum Officiorum, ouvrage dans lequel il explique tout l'ensemble de la liturgie, à l'aide des auteurs qui l'ont précédé, en ajoutant ses propres observations. On peut considérer ce livre comme le dernier mot du moyen âge sur la Mystique du culte divin, et s'il est si oublié aujourd'hui, il ne le faut attribuer qu'à cette triste indifférence pour les formes religieuses qui avait glacé nos pères, jusque-là qu'au XVIIIe siècle, on a pu renverser, en France, toute l'ancienne liturgie et en substituer une nouvelle, sans que les populations s'en soient émues.

 

Les offices qu'expose Durand ne sont plus ceux qu'on célèbre dans nos églises, et c'est ce qui embarrassera tant soit peu nos modernes archéologues qui, ayant par hasard rencontré Durand, dans la poudre des bibliothèques, essayeront de s'en servir pour expliquer le culte exercé aujourd'hui dans nos cathédrales. Au reste, si quelqu'un d'entre eux devait un jour parcourir ces lignes, nous prendrons la liberté de lui dire que Durand, qui peut être d'un si grand secours pour l’interprétation des mythes (comme l'on dit) du Catholicisme au moyen âge, n'est que le compilateur des avis émis par les Liturgistes qui l'ont précédé, depuis l'âge des Pères de l'Église ; et que, dans la partie de son travail qui lui appartient en propre, il n'est pas toujours sûr de prendre, pour le génie de l'Église, les explications qu'il donne. Son livre est une Somme, il est vrai ; mais tout ce qu'il renferme doit être jugé dans ses rapports avec les traditions de l'antiquité. En un mot, le Rational de Durand est un monument dont, après tout, la science liturgique pourrait se passer ; car l'origine de cette science remonte aux premières traditions du Christianisme, d'où elle est venue jusqu'ici de bouche en bouche, toute vivante, et sans avoir besoin que la science profane la restaure. L'état de la France, quant à la Liturgie, n'est qu'un fait isolé et passager, nous l'espérons du moins ; car s'il est vrai de dire que Durand, s'il revivait aujourd'hui, ne comprendrait plus rien à la Liturgie de Mende, sa propre Église, de Lyon, de Paris, etc., il pourrait, du moins, en franchissant les frontières de notre pays, retrouver en tous lieux de l'Occident ces formules saintes qu'il a commentées avec tant d'amour.

 

Nous devons dire, à la gloire de la science liturgique et à celle de Guillaume Durand, en particulier, que le Rationale divinorum Officiorum fut le premier livre imprimé avec des caractères métalliques, préférence qui montre grandement le respect qu'on lui portait. Il parut en 1459 à Mayence, et on lit, sur la dernière page de cette édition, les paroles suivantes : Prœsens Rationalis divinorum Codex Officiorum, venustate capitalium decoratus, rubricationibusque distinctus, adinventione artificiosa imprimendi ac caracteri candi, absque calami exaratione sic effigiatus, et ad Eusebiam Dei industrie est consummatus per Johannem Fust, civem Maguntinum, et Petrum Gernzheim Clericum Diœcesis ejusdem, anno Dominimillesimo quadringentesimo quinquagesimo nono. Sexto die octobris. On voit, par cette inscription que nous avons conservée avec toutes ses incorrections, comment les souvenirs de la science liturgique s'unissent à l'une des plus grandes et des plus glorieuses entreprises de l'humanité.

 

(1293). Ignace V, patriarche des jacobites, a composé une anaphore qui est comprise dans la collection de Renaudot.

(1296). Ébédiesu, métropolitain de Soba, pour la secte des nestoriens, a laissé un livre intitulé : Margaritœ de veritate fidei, dans lequel il traite un grand nombre de questions de liturgie.

(1297). Engelbert, abbé bénédictin en Styrie, écrivit une explication des sept grandes antiennes.

 

(1297). Jean Diacre, chanoine de la Basilique de Latran, dédia au Pape Alexandre IV un livre curieux intitulé : De Sanctis Sanctorum, dans lequel il parle des antiquités liturgiques de cette mère et maîtresse des Eglises.

(1300). Pierre, chantre et chancelier de l'Église de Chartres, a laissé un traité sous ce titre : Speculum Ecclesiae, sive Manuale mysteriorum Ecclesiœ.

 

Nous conclurons ce chapitre par les remarques suivantes :

 

La Liturgie, au XIIIe siècle, comme dans tous les autres, fut l'expression de l'Église. Les nouveaux Ordres religieux qu'elle enfanta montrèrent leur action sur la Liturgie, comme sur le principal théâtre des institutions ecclésiastiques : le bréviaire universel fut franciscain ; la solennité nouvelle du saint Sacrement reçut de la main d'un dominicain une partie de sa grandeur.

 

Cette époque de synthèse théologique produisit aussi la synthèse liturgique de Durand.

 

L'antique dépôt de la Liturgie demeura intact dans toutes ses parties, et après la correction franciscaine, on put dire encore que l'Église d'Occident ne connaissait point, quant à la substance, d'autres formes liturgiques que celles qu'avait résumées saint Grégoire le Grand, et que Charlemagne et saint Grégoire VII avaient achevé d'établir dans l'Église latine.

 

Le chant ecclésiastique fit des progrès en rapport avec la beauté, la noblesse, l'harmonie des lignes de l'architecture de ce plus brillant des siècles de la Chrétienté occidentale.

 

DOM GUÉRANGER

INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XII : RÉVISION DE L'OFFICE ROMAIN PAR LES FRANCISCAINS. — BREVIAIRE DES DOMINICAINS, DES CARMES, ETC. — OFFICE DU SAINT SACREMENT.— CARACTERE DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE, AU XIIIe SIÈCLE. — AUTEURS LITURGISTES DE CETTE ÉPOQUE.

 

Weingarten Missal

Weingarten Missal, 1216

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