Par un pèlerin
Je me suis assis pour écrire et je peux, à travers la vie et la mort de mon père, comprendre le monde, regarder en face ce qu'il y a de bon et de mauvais en moi, regarder en face la vie et la mort, la décadence et la prospérité de toutes choses, l'eau tarie du fleuve, les feuilles mortes, regarder en face, à travers ma propre vie, la disparition et la renaissance, la renaissance et la disparition de tout ce qui vit.
YAN Lianke, Songeant à mon père, traduit par Brigitte Guilbaud, Picquier poche, mars 2017
Qui suis-je ?
Tous ceux qui ont un peu d’instruction se posent la question sans que nul n’y puisse répondre.
J’ai suivi un jour un ami chez un autre, lequel habitait sur l’avenue Xichang’an, à Pékin.
La demeure était spacieuse, les hôtes distingués, l’ameublement splendide.
Alors que j’entrais dans une pièce bondée, mon ami me présenta.
Il dit : « Voilà l’écrivain Untel, il a écrit tel roman. »
Les convives me regardèrent du coin de l’œil, ignorant tout de ce livre.
La gêne s’installait, mon ami poursuivit :
« C’est un militaire, un commandant. »
Tous regardèrent mes habits civils, sourirent, hochèrent la tête, vinrent me serrer la main, et je pris place parmi eux.
La soirée se déroula, sinistre.
YAN Lianke, Songeant à mon père, traduit par Brigitte Guilbaud, Picquier poche, mars 2017
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