Les Halles de Paris - 11,346 cabarets, 644 liquoristes et 1,631 cafés et brasseries

Au commencement du XIVe siècle, Jean de Jeandun écrivait dans son Traité des louanges de Paris : « Ce qui semble merveilleux, c’est que plus la multitude afflue à Paris, plus on y apporte un nombre exubérant, une exubérance nombreuse de vivres, sans qu’il se produise une augmentation proportionnelle du prix des denrées.»

 

Ce dernier fait n’est plus malheureusement aussi vrai qu’autrefois, et nous en avons eu la preuve indiscutable l’année dernière pendant la durée de l’exposition universelle. A ce moment, les subsistances ont subi une augmentation qui n’a point disparu avec la circonstance toute spéciale qui l’avait fait naître. Sans atteindre encore des proportions inquiétantes, ce renchérissement successif des objets de consommation indispensables a de quoi faire réfléchir, et l’on peut se demander si les difficultés que le plus grand nombre éprouve aujourd’hui à subvenir aux exigences de la vie matérielle ne chasseront pas de Paris une bonne partie de sa population, devenue incapable de se nourrir d’une façon normale et permanente.

 

Cette population si nombreuse, si intéressante à tant d’égards, qui se plaint, non sans raison, que les conditions d’existence aient été trop brusquement modifiées, est-elle bien raisonnable elle-même ? Ménage-t-elle ses ressources de façon à ne pas se trouver prise au dépourvu, et à pouvoir faire face au mouvement ascensionnel et continu que dès à présent il est facile de prévoir ? On en peut douter.

 

Une comparaison montrera d’une manière péremptoire quel genre de consommation particulière elle recherche, et que trop souvent elle sacrifie ses besoins à ses goûts. En opposant les uns aux autres des chiffres déjà cités, on verra qu’il existe à Paris 1,201 boulangers, 1,574 bouchers, 11,346 cabarets, et qu’il faut ajouter à ces derniers 644 liquoristes et 1,631 cafés et brasseries. Il y a là un indice grave qu’il faut méditer avant de se prononcer sur la légitimité des plaintes.

 

 

Maxime Du Camp, Les Halles de Paris, Revue des Deux Mondes, 1868

 

Métro Gaîté et café Les Mousquetaires avenue du Maine, photographie de Marcel Bovis, Paris années 30

Métro Gaîté et café Les Mousquetaires avenue du Maine, photographie de Marcel Bovis, Paris années 30

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