Les Halles de Paris - Tout ce quartier qu’on appelle le périmètre des halles

Il serait à propos aussi de pouvoir abriter, ne fût-ce que par une large marquise en verre, les trottoirs du carreau où les maraîchers peuvent séjourner pour vendre leurs denrées en gros jusqu’à dix heures du matin. A ce moment, ils doivent se retirer ; les légumes dont il n’ont pu parvenir à se défaire sont portés dans la resserre publique, qui est située à côté du poste de la Lingerie ; ils les y reprendront le soir, à minuit, après avoir acquitté un insignifiant droit de garde. De cette façon, la marchandise n’est point détériorée par des transports répétés, et elle peut trouver encore un débit facile.

 

Les charrettes, rangées autour de la halle au blé, sur les quais, sur le boulevard Sébastopol, jusque sur les places du Châtelet et de l’Hôtel de Ville, s’éloignent une à une ; tout ce quartier qu’on appelle le périmètre des halles, et que les règlements de police isolaient, pour ainsi dire, en le réservant à un mouvement d’affaires particulier, reprend sa physionomie. Les voitures ordinaires commencent à circuler de nouveau, les forts ont fini leur travail, les inspecteurs sont rentrés dans leurs bureaux, le poste de la Lingerie, spécialement réservé aux gardes de Paris, a été relevé, une voiture cellulaire est venue chercher les vagabonds ramassés pendant la nuit ; les marchandes se sont installées derrière leur étalage, elles appellent les clients d’une voix criarde et traînante, toutes les ventes en gros ont pris fin, excepté celle de la marée, qu’on se hâte de terminer, et qui va se prolonger peut-être jusqu’à midi, si le poisson a été abondant ; les cuisinières, bras nus et portant des paniers, arrivent pour faire leur provision ; les fiacres se rangent à leur place réservée au chevet de l’église Saint-Eustache ; les cafés, les cabarets des environs sont pleins ; tous les paniers de formes différentes, mannes et bourriches, qui tout à l’heure embarrassaient le marché, sont rassemblés, réunis, ficelés par lots, munis d’une étiquette indicative et empilés dans les resserres en attendant que le service des chemins de fer les fasse enlever pour les reporter gratuitement aux expéditeurs ; le balayage est fait, les boueux, conduisant leurs lourds tombereaux, enlèvent les tas d’ordures, et les marchandes aux petits tas, apportant avec elles leur chaise, leur table, leur chaufferette, prennent possession du carreau, qui leur appartient de droit jusqu’à l’heure où, les pavillons étant clos, le marché sera fermé.

 

Pendant le reste de la journée, les halles offrent le spectacle d’un marché très vaste, mais qui ne diffère des autres que par des dimensions exceptionnelles. Pour un lieu qui a été si profondément agité, c’est relativement la période du repos qui commence. Les inspecteurs de chaque pavillon en profitent pour faire mettre au net les écritures rapidement ébauchées le matin et constatant les transactions. Leurs gros registres, où sont inscrits la désignation des marchandises, le nombre des lots, le mode et le produit de la vente, le nom des acquéreurs, les droits dus à la préfecture de la Seine et aux facteurs, contiennent sous une forme aride et sèche le détail quotidien de l’alimentation de Paris.

 

Ils seront plus tard d’un intérêt de premier ordre pour l’historien qui voudra toucher sérieusement à cette question ; il est à désirer qu’ils soient conservés avec soin, et qu’ils aillent augmenter la collection déjà si riche et si curieuse des archives de la préfecture de police.

 

 

Maxime Du Camp, Les Halles de Paris, Revue des Deux Mondes, 1868

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Saint Eustache, l'église des Halles

Saint Eustache, l'église des Halles

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