Par un pèlerin
À Paris, les formalités sont nulles ; tant qu’il y a de la place dans les hôpitaux, on y reçoit les malades, on y exerce l’hospitalité dans la plus large acception du mot. Ce sont les hommes de science, médecins, chirurgiens, internes, qui seuls décident si l’individu qui se présente est admissible ; l’administration se contente de déterminer le nombre de lits dont elle dispose. Dans les cas urgents, elle n’hésite pas à faire dresser des couchettes supplémentaires qu’en termes techniques on nomme des brancards, et que l’on installe momentanément au milieu des salles qui ne sont pas trop encombrées.
On entre de trois manières dans ces tristes et secourables maisons, ou d’urgence, ou par la consultation gratuite, ou par le bureau central. Lorsqu’une personne est frappée d’un mal subit ou atteinte par la brutalité d’un de ces mille accidents si ordinaires dans nos rues, on l’amène en fiacre à l’hôpital le plus voisin ou sur une de ces sinistres civières abritées par un tendelet en coutil blanc et bleu que nous avons tous vues passer avec émotion ; un examen sommaire permet de constater la gravité de la maladie, l’inscription sur le registre est rapidement faite, et le malheureux trouve aussitôt un lit et les soins que son état réclame.
Chaque jour, dans chaque hôpital, après la visite réglementaire que les médecins et les chirurgiens sont tenus de faire dans les salles affectées à leur service, il y a deux consultations gratuites, l’une pour la chirurgie, l’autre pour la médecine. C’est là, dans une chambrette souvent bien étroite, parfois même dans l’hémicycle de l’amphithéâtre destiné aux leçons, que se présentent les malades trop pauvres pour payer les conseils du médecin. En vertu de notre galanterie traditionnelle, les femmes passent les premières. Quelques-unes se sont mises en frais de toilette, elles ont arboré le chignon des dimanches et le petit chapeau à fleurs. Les hommes sont plus simples, ils portent leurs vêtements de travail ; on voit qu’ils viennent de quitter l’atelier ou le magasin. Le médecin examine attentivement un à un ces malades, qui emportent l’ordonnance à l’aide de laquelle des médicaments gratuits leur seront distribués ; on retient les plus souffrants, et on leur remet un bulletin d’entrée qu’ils n’auront qu’à présenter aux employés de l’hôpital pour être immédiatement admis.
Ces consultations sont fort appréciées par le peuple de Paris, qui s’y rend avec une confiance justifiée ; les médecins des hôpitaux ont en 1869 donné ainsi 363 003 consultations gratuites ; à Saint-Louis seulement le nombre s’est élevé à 90 866, dont 63 365 pour la médecine, ce qui prouve combien les maladies cutanées et les maux engendrés par la malpropreté et la négligence, tels que la teigne, la gale, sont fréquents dans la classe ouvrière. Les bains ordinaires ont été très nombreux, 212 696 ; dans ce total, Saint-Louis, dont le système balnéaire est fort important, entre pour 129 166.
Maxime Du Camp, Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu, Revue des Deux Mondes, 1870
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