L’Assistance publique met à la disposition de l’énorme population qui vient demander des soins à nos hôpitaux un personnel médical d’élite, choisi au concours : 84 médecins et chirurgiens, 115 internes, 382 élèves externes sont chaque jour répandus dans les salles hospitalières et s’empressent autour des malades.
Les visites, qui réglemenlairement sont quotidiennes, devraient s’élever au chiffre de 30 740 ; mais en 1869 les chefs de service en ont manqué 6 169, car ils se sont absentés 3 257 fois par suite de congés obtenus, 811 fois pour cause motivée, 512 fois le dimanche, sans doute pour aller à la campagne, et 1 589 fois sans autorisation ni prétexte.
À diviser le nombre des lits par celui des médecins et des chirurgiens, on voit que chacun de ceux-ci a en moyenne quatre-vingt-onze malades à visiter tous les matins ; les plus favorisés n’en ont que quarante-deux, les plus occupés en ont cent cinquante. Cela est excessif, dépasse souvent les forces d’un homme, et ne lui laisse pas le temps matériel nécessaire pour examiner un malade. En effet, en admettant que chaque lit réclame trois minutes, ce qui n’est pas trop, tout chef de service devra, en moyenne, rester quatre heures et demie chaque jour à son hôpital, ce qui est inadmissible et ne s’est pas vu fréquemment, car, à moins de circonstances exceptionnelles, la visite ne dure guère plus de deux heures.
Les hôpitaux de Paris sont soumis aux mêmes règles et sont outillés de la même façon. Quelques-uns cependant, créés en vue d’une spécialité définie, tout en restant comme discipline sous l’empire de l’organisation générale, comportent des services particuliers. À ce point de vue, il faut citer les Enfants malades et Saint-Louis. Dans le premier de ces hôpitaux, qui est charmant, si un tel mot peut s’appliquer à un pareil établissement, divisé par de longues avenues de tilleuls, orné de parterres pleins de fleurs, on a installé, avec toutes les ressources modernes, des gymnases, l’un couvert pour les temps froids ou pluvieux, l’autre en plein air pour les jours d’été. C’est là que l’on amène les petits êtres rachitiques et souffreteux que l’Assistance a recueillis. Mesurant les exercices sur leurs forces, ou plutôt sur leur faiblesse, on cherche, au moyen des jeux du tremplin, du portique, du cheval et des haltères, à donner un peu de vigueur à leurs muscles mous, grêles et sans ressort. Y réussit-on ? J’en doute, mais cela du moins amuse ces malheureux avortons et leur apprend à tirer parti de leur débilité. Néanmoins, dans le traitement de cette mystérieuse maladie qu’on nomme la chorée, la gymnastique produit des résultats excellents et presque certains.
À la gymnastique physique on a ajouté une gymnastique intellectuelle, et chaque jour les dames de Saint-Thomas-de-Villeneuve font la classe aux enfants et leur apprennent à débrouiller l’écheveau confus de leurs jeunes idées. Des installations analogues se retrouvent à Sainte-Eugénie. Du reste, l’Assistance publique prend un intérêt particulier aux enfants malades ; en dehors des deux hôpitaux parisiens qui leur sont exclusivement consacrés, elle a fondé pour eux l’hôpital de Forges, celui de la Roche-Guyon et celui de Berck, où les petits scrofuleux, si nombreux à Paris, peuvent jouir du bénéfice des sources sulfureuses et des bains de mer.
Maxime Du Camp, Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu, Revue des Deux Mondes, 1870