Par un pèlerin
2 juin 1942
Aujourd’hui je me suis rendu au commissariat de police de mon quartier recevoir «l’étoile juive», c’est un morceau d’étoffe jaune avec Magen David et le mot «Juif» tracé dedans. Le secrétaire du commissaire, ayant découpé un ticket dans ma carte de textile, m’a fait signer dans un livre et m’a remis trois exemplaires de l’insigne, en m’avisant qu’il faut la porter à partir du lundi prochain
15 juillet 1942
Un nouvel avis s’occupe des Juifs : il leur est interdit de fréquenter les restaurants, cafés, théâtres, concerts, music-halls, piscines, plages, musées, bibliothèques, expositions, châteaux, monuments historiques, manifestations sportives, champ de courses, parcs, campings et même cabines téléphoniques, foires, etc.
Il paraît que les Juives et les Juifs de 18 à 45 ans seront arrêtés pour être envoyés aux travaux forcés en Allemagne.
16 juillet 1942
Arrestations massives des Juifs à Paris.
17 juillet 1942
Les arrestations continuent, le Vel-d’hiv, le cirque d’hiver, les garages sont transformés en prisons provisoires. Des enfants sont séparés de leurs parents, des suicides, des scènes atroces. Il s’agit de déportations en masse, rapidement exécutées. On en parle partout.
19 juillet 1942
Au Vel-d’hiv sont entassés quinze mille Juifs arrêtés (hommes, femmes, enfants) qui couchent par terre et ne sont pas nourris. Il y a déjà plusieurs morts, car il pleut et il fait froid. À l’asile de la rue Lamarck on entasse les enfants des familles arrêtées. Personne ne sait où va-t-on diriger les arrêtés. La panique règne dans la population juive et les suicides deviennent fréquents. Le nombre d’arrêtés dépasse vingt mille, paraît-il.
20 juillet 1942
Le nombre d’arrêtés dépasse trente mille dont quinze mille sont entassés au Vel-d’hiv.
23 juillet 1942
Les Juifs n’osent plus faire la queue devant les marchands de quatre-saisons, heureusement qu’ils trouvent beaucoup de personnes complaisantes dans la population française. D’ailleurs il est impossible d’empêcher la ménagère française d’acheter pour son voisin juif. Comment savoir que telle ménagère se trouve à la queue non pour elle ?...
24 juillet 1942
De divers côtés on communique que les sympathies augmentent dans la population parisienne envers les Juifs.
Un journaliste juif à Paris sous l'Occupation, Jacques Biélinky, éditions du Cerf
Le témoignage, sensible et vivant, d’un Parisien anonyme, la peur chevillée au ventre, l’esprit libre malgré tout, avec l’écriture
pour seul viatique. Doué d’un sens aigu de l’observation, Jacques Biélinky raconte les humiliations, les rafles, l’étoile jaune, l’obsession paralysante du ravitaillement, l’engrenage impitoyable
de la désocialisation et de la solitude.
Arrêté par la police française dans la nuit du 11 au 12 février 1943 et interné à Drancy, Jacques Biélinky quitte la France le 23 mars 1943 pour le camp d’extermination de Sobibor. Il n’en reviendra pas.
(4e de couverture)
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