La crise modifie en profondeur le visage de la Grèce, et n'épargne pas même le champ de la création. Ayant un soir constaté qu'il
n'arrivait plus à écrire de la fiction, Christos Chryssopoulos a abandonné sur son bureau la page blanche autour de laquelle il tournait depuis trop longtemps, et il est descendu marcher dans
Athènes. Sa déambulation au fil de plusieurs jours fait l'objet d'un récit entrecoupé de considérations sur la ville, sur les liens qu'elle entretient avec les individus qu'elle abrite ou qu'elle
rejette. L'auteur a croisé de nombreux sans-abri, il en a photographié certains, a discuté avec d'autres, ne cessant de s'interroger sur leur rapport au monde, s'interdisant de les réduire à ce
qu'ils semblent être devenus aujourd'hui dans la rue. Il décrit les boutiques qui ferment, les hôtels et restaurants déserts, les nouveaux bruits nés de la crise comme le grincement aigu des
caddies des chiffonniers.
La construction des livres de Christos Chryssopoulos est le reflet de sa vision du monde : la vérité des choses n'est perceptible
que dans la multiplicité des points de vue et des témoignages, au croisement de différentes réalités qui, toutes ensemble, même si elles paraissent contradictoires, composent la réalité. Une
lampe entre les dents a été écrit en état d'urgence, et publié rapidement, comme par nécessité de dire sans tarder ce qu'est devenu Athènes. (présentation de
l'éditeur)
Christos Chryssopoulos
La dernière image de ma promenade, c’est un chiffonnier occupé à fouiller dans un conteneur à roulettes, des deux mains,
s’éclairant d’une petite lampe torche qu’il tenait entre les dents. J’étais loin, je ne distinguais pas bien sa silhouette. Il a dû lever un instant le regard vers moi. La rue était sombre et
le ciel très clair ce soir-là. L’éclat fragile de la petite lampe torche a fugitivement brillé de loin comme une étoile.
Puis il est retourné à sa poubelle.
Pour un instant seulement, les ordures avaient croisé les constellations.
Christos Chryssopoulos, Une lampe entre les dents