Les voitures publiques dans la ville de Paris - Les réclamations des voyageurs sont nombreuses

Un service spécial est consacré aux voitures de louage ; je l’ai étudié en détail, et je puis dire avec quelle régularité il fonctionne. Tout semble avoir été prévu pour assurer le roulement régulier des voitures dans Paris et pour rendre les cochers des serviteurs, non pas dévoués, — c’est impossible, — mais du moins polis et obéissants.

 

Nul ne peut exercer le métier de cocher de voiture publique sans y être autorisé par la préfecture de police. Une demande ad hoc accompagnée de pièces constatant l’identité du candidat doit être remise dans les bureaux. Une enquête est immédiatement ouverte sur le postulant ; on écrit dans les pays où il a séjourné, aux différents patrons qu’il a pu servir, aux propriétaires des maisons qu’il a habitées, et, selon les renseignements que l’on a obtenus, on lui refuse ou on lui accorde l’autorisation qu’il sollicite.

 

Lorsque sa moralité paraît suffisante et qu’il est admis au nombre des cochers, on lui donne un numéro qui n’a rien de commun avec celui des voiture, et on forme son dossier. Une chemise de fort papier administratif contient toutes les pièces qui concernent le cocher. Elle est naturellement composée de quatre pages ; sur la première on écrit le nom du cocher, son numéro, la date de son inscription ; puis cette première page et la seconde portent l’intitulé : relevé des mises à pied, divisé en quatre colonnes : 1° numéros d’ordre ; 2° date des décisions ; 5° durée des punitions ; 4° analyse des plaintes. La troisième page est partagée en deux : relevé des rapports non suivis de punitions ; relevé des sommiers judiciaires ; la quatrième est réservée aux antécédents : favorables — défavorables. De sorte qu’au premier coup d’œil on voit à qui l’on a affaire, et qu’on peut prononcer en connaissance de cause.

 

Toute plainte adressée à la police contre un cocher est suivie d’effet. Si la plainte a été écrite sur le registre spécial qui est déposé dans chacune des stations de Paris, elle est copiée par le surveillant et envoyée par lui au chef de bureau ; si la plainte a été adressée directement au préfet, elle est immédiatement transmise au même chef de bureau, qui connaît son nombreux personnel de façon à ne se point laisser tromper. Une instruction est faite par le contrôleur de la fourrière, le cocher inculpé est appelé ; s’il y a doute, on le met en présence du plaignant, afin qu’il y ait débat contradictoire ; le contrôleur fait le rapport, explique brièvement, sur une formule imprimée, les faits qui sont à la charge et à la décharge du cocher, et propose, selon sa conviction, une punition ou un acquittement ; puis le tout est retourné au chef de bureau, qui, revoyant de nouveau l’affaire, pesant les considérations qui militent pour ou contre le cocher, prononce sans appel. Le plaignant est alors prévenu par une lettre officielle de la décision que la préfecture de police a prise. La peine est toujours une mise à pied plus ou moins longue ; jamais on n’inflige d’amendes : au profit de qui seraient-elles versées ? Cependant lorsque tous les ans la préfecture de police récompense les cochers qui ont montré de la probité, c’est dans sa propre caisse qu’elle prend les 1 500 fr. qu’elle leur distribue.

 

Quand un cocher est devenu absolument incorrigible, que les observations, les punitions, les réprimandes, les menaces, les encouragements, s’émoussent sur son obstination, on le renvoie et on lui retire le droit de conduire les voitures de louage. L’exclusion n’est jamais prononcée que par le préfet de police lui-même, sur le rapport minutieusement motivé du chef de bureau spécial approuvé par le chef de division. Le samedi, on réunit à la préfecture de police toutes les condamnations disciplinaires prononcées pendant la semaine, on les signale le lundi à la brigade de sergents de ville spécialement chargée de la surveillance des voitures, et la mise à pied commence réglementairement le mardi.

 

Les réclamations des voyageurs sont nombreuses : 180 par mois environ, dont 60 au moins sont suivies de punitions ; l’année 1866 a été exceptionnelle, car elle n’a produit que 1 754 plaintes.

 

 

Maxime Du Camp, Les voitures publiques dans la ville de Paris, Revue des Deux Mondes, 1867

 

Voitures sur le Boulevard des Italiens, Jean Béraud, Musée de la voiture, Compiègne

Voitures sur le Boulevard des Italiens, Jean Béraud, Musée de la voiture, Compiègne

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